Skip to main content

Full text of "Histoire de la langue universelle"

See other formats


HISTOIRE 


LANGUE  UNIVERSELLE 


AUTRES  OUVRAGES  DE  M.  COUTURAT 

De  Platonicis  mythis,  thèse  latine  (épuisée). 

De  l'Infini  mathématique.  1  vol.  in-8"  (Paris,  Alcan,  1896). 

La   Logique   de   Leibniz,   d'après  des  documents  inédits.  1  vol.   in-S" 

(Paris,  Alcan,  1901). 
Opuscules  et  fragments  inédits  de  Leibniz,  extraits  des  manuscrits 

de  la  Bibliothèque  royale  de  Hanovre.  1  vol.  10-4°  (Paris,  Alcan,  1903). 

La  Logique  algorithmique  (.en  préparation). 

Pour  la  Langue  internationale.  1  brochure  in-iO,  1901. 

Die  internationale  Hilfssprache.  1  brochure  in-16,  1902. 

(L'auteur  distribue  gratuitement  ces  deux  brochures.) 


AUTRES    OUVRAGES    DE    M.    LEAU 

Étude  sur  les  équations  fonctionnelles  à  une  ou  à  plusieurs 
variables,  thèse  pour  le  doctorat  es  sciences  malhém.iti(iucs  (Paris. 
Gauthier-Villars,   1897). 

Représentation  des  fonctions  par  des  séries  de  polynômes  (Dul- 
lelin  de  la  Société  mathématique  de  France,  1899). 

Recherche  des  singularités  d'une  fonction  définie  par  un  déve- 
loppement de  Taylor  {Journal  de  Mathématiques,  1899). 

Une  langue  universelle  est-elle  possible?  Appel  aux  hommes  de 
science  et  aux  commerçants.  1  l)rochure  in-16  (Paris,  Gauthier-Villars, 
1900). 


33Ô-03.  —  Coulommiers.  Imp.  Paul  BRODARD.  —  6-03. 


HISTOIRE 


DE    LA 


LANliUE  UNIVERSELLE 


PAR 


L.  COUTURAT 

Docteur  es  lettres, 
Trésorier 


L.    LEAU 

Docteur    es    sciences, 
Secrétairj  général 


do  la  Di'li'f/ation  pour  l'adoption  d'une  langue  auxiliaire  internationale. 


«  11  y  a  force  gens  qui  cmployeroient 
volontiers  cinq  ou  six  jours  de  tems  pour 
se  pouvoir  faire  entendre  par  tous  les 
hommes.  » 

Descartes. 

«  Si  una  lingua  esset  in  mundo,  acce- 
deret  in  effectu  generi  humano  tertia 
pars  vitfe,  quippe  quœ  llnguis  impen- 
ditur.  » 

Leibniz. 


PARIS 

LIBRAIRIE    HACHETTE   ET   G'« 

"îQj.DOULEVARD    SAINT-GERMAIN,   79 

1903 

DroiU  d*  traduction   tt  d«  reproduetion  r4*«rvAa. 


AVIS    IMPORTANT 


Nous  tenons  avant  tout  à  déclarer  que  le  présent  ouvrage 
n'est  nullement  une  publication  officielle  de  la  Délégation 
pour  radoption  d'une  langue  auxiliaire  internationale;  il 
ne  peut  être  considéré  à  aucun  titre  comme  exprimant 
l'opinion  collective  de  ses  membres,  ou  comme  engageant 
en  quoi  que  ce  soit  ses  décisions  futures.  Ce  n'est  pas 
davantage  un  rapport  officiel  présenté  ou  soumis  à  la 
Délégation  :  c'est  purement  et  simplement  l'œuvre  person- 
nelle et  privée  des  deux  auteurs.  Nous  l'avons  entreprise 
spontanément,  pour  répondre  au  désir  de  nombreux  parti- 
sans de  la  Langue  internationale,  qui  nous  demandent 
souvent  des  renseignements  sur  l'histoire  de  cette  idée  et 
sur  les  différents  projets  auxquels  elle  a  donné  naissance. 
Nous  souhaitons  que  ce  travail  satisfasse  leur  légitime 
curiosité,  qu'il  contribue  à  initier  le  public  studieux  à  l'état 
de  la  question,  à  propager  l'idée  de  la  Langue  interna- 
tionale, enfin  à  faire  connaître  la  Délégation  et  à  lui  gagner 
de  nouvelles  adhésions. 


PRÉFACE 


La  nécessité  d'une  langue  internationale  auxiliaire  n'est 
plus  contestée  par  personne  :  elle  s'impose  avec  une  évidence 
et  une  urgence  croissantes,  à  mesure  que  se  développent  les 
relations  de  toute  sorte  entre  les  nations  civilisées.  Cest  un  lieu 
commun  que  de  constater  les  progrès  inouïs  des  moyens  de 
communication  :  on  pourra  bientôt  faire  le  tour  du  monde  en 
quarante  jours;  on  télégraphie  (même  sans  fil)  d'un  côté  à 
Jautro  (le  l'Atlantique;  on  téléphone  de  Paris  à  Londres,  à 
Berlin,  à  Turin.  Ces  facilités  de  communications  ont  entraîné 
une  extension  correspondante  des  relations  économiques  :  le 
marché  européen  s'étend  sur  toute  la  terre,  et  c'est  sur  tous 
les  points  du  globe  que  les  principaux  pays  producteurs 
entrent  en  concurrence.  Les  grandes  nations  possèdent  des 
colonies  jusqu'aux  antipodes  et  elles  ont  des  intérêts  dans  les 
pays  les  plus  lointains.  Leur  politique  n'est  plus  confinée  sur 
l'échiquier  européen;  elle  devient  coloniale  et  «  mondiale  ». 
Toujours  pour  la  même  raison,  elles  sont  de  plus  en  plus 
obligées  de  s'entendre  et  de  s'unir,  soit  dans  un  intérêt  com- 
mercial (Convention  de  Bruxelles  relative  au  régime  des 
sucres),  soit  dans  un  intérêt  moral  (Convention  internationale 
relative  à  la  traite  des  blanches). 

Dans  le  domaine  scienlifique,  également,  «  cette  tendance 
à  l'association...  a  commencé  î\  franchir,  avec  les  chemins  de 
fer  et  les  télégraphes,  les  frontières  qui  séparent  les  peuples; 
elle  s'exerce  au  delà  des  mers  et  tend  à  unir  les  deux  conti- 


VIII  PRÉFACE 

nents  '  ».  Par  exemple,  le  Bureau  international  des  poids  et 
mesures,  fondé  en  vertu  de  la  Convention  du  mètre  (20  mars  1875), 
comprend    16   États;   V Association   géodésique'  internationale, 
constituée  en  1886,  en  comprend  18.  La  Carte  du  ciel,  entre- 
prise   internationale  au  premier  chef,  unit  dans  une  colla- 
boration  constante   les  principaux  observatoires   des   deux 
hémisphères.  «  Il  est  impossible  de  ne  pas  être  frappé  de  la 
rapidité  avec  laquelle  se  multiplient  aujourd'hui  ces  orga- 
nismes internationaux*  ».  Ce  besoin  croissant  d'entente  et  de 
coopération  entre  les  savants  de   tous  les  pays,  que  cons- 
tatent tous  les  esprits  éclairés  \  a  enfin  donné  naissance  à 
V Association  internationale  des  Académies,  fondée  en  1900  et 
inaugurée  effectivement  en  1901  à  Paris  *.  Pour  faire  connaître 
les  raisons  qui  justifient  cette  institution,  nous  ne  pouvons 
mieux  faire  que  de  citer  encore  le  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  des  Sciences   de    Paris,  qui  est  d'autant  mieux 
qualifié  pour  les  exposer  qu'il  a  pris  une  part  active  à  celte 
création  :  «  Le  mouvement  scientifique  qui,  au  commence- 
ment du  XIX*  siècle,  se  limitait  à  un  petit  nombre  de  nations, 
s'étend  aujourd'hui  au  monde  entier  ;  de  plus,  au  sein  même 
de  chaque  nation,  son  importance  s'est  accrue  dans  des  pro- 
portions dont  on  peut  à  peine  se  faire  une  idée....  Qui  ne  voit 


1.  G.  Darboux,  article  sur  V  Associa  lion  internationale  des  Académies, 
dans  \g  Journal  des  Savants  de  janvier  1901. 

2.  G.  Darboux,  art.  cit. 

3.  Voir,  par  exemple,  la  conclusion  du  rapport  de  M.  Emile  Picard  sur  les 
Sciences,  inséré  dans  les  Rapports  du  jury  international  de  l'Exposition 
universelle  de  1900. 

4.  L'Association  internationale  des  Académies  comprend  les  Académies 
ou  Sociétés  des  sciences  d'Amsterdam,  de  Berlin,  de  Bruxelles,  de  Budapest, 
de  Christiania,  de  Copenhague,  de  Gœttingue,  de  Leipzig,  de  Londres  {Roj/al 
Society),  de  Munich,  de  Paris  (Académie  des  sciences,  Académie  des  sciences 
morales  et  politiques,  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres),  de  Saint- 
Pétersbourg,  de  Rome  (Accademia  dei  Lincei),  de  Stockholm,  de  Vienne  et 
de  Washington.  Elle  tient  une  Assemblée  générale  tous  les  trois  ans  (la 
i"  à  Paris  en  1901  ;  la  2"  à  Londres  en  1904),  et  est  représentée  dans  Tinter- 
valle  par  un  Comité.  «  Pour  la  prise  en  considération,  l'étude  ou  la  prépa- 
ration d'entreprises  et  de  recherches  scientifiques  d'intérêt  international, 
des  Commissions  internationales  spéciales  peuvent,  sur  la  proposition  d'une 
ou  de  plusieurs  des  Académies  associées,  être  instituées,  soit  par  l'Assem- 
blée générale,  soit,  dans  l'intervalle  entre  deux  Assemblées  générales,  par 
le  Comité.  »  {$  10  des  Statuts.) 


PRÉFACE  IX 

que,  sous  peine  de  revenir  à  la  tour  de  Babel,  une  si  énorme 
production  scientifique  doit  <>tre  unifiée  et  coordonnée?  Que 
de  temps  perdu  pour  les  chercheurs,  que  de  recherches  inutiles 
et  par  cela  môme  nuisibles,  si  les  nomenclatures  changent  avec 
les  nations,  si  les  classifications  ne  sont  pas  concordantes,  si 
les  instruments  choisis  pour  efTectuer  les  mômes  mesures 
donnent  dans  les  difïerents  pays  des  indications  qui  ne  soient 
pas  comparables,  si  les  définitions  ne  sont  pas  les  mêmes,  si 
les  unités  adoptées  sont  diflerentes,  si  les  travaux  accomplis 
en  des  points  différents  concourent  au  même  but  et  entraînent 
ainsi  de  regrettables  doubles  emplois  '  !  » 

On  a  dû  remarquer  que  l'expression  de  «  tour  de  Babel  » 
se  présente  comme  malgré  lui  à  l'esprit  de  l'auteur,  et  que  la 
première  condition  de  l'organisation  du  travail  scientifique 
qu'il  énonce  est  l'uniformité  de  la  nomenclature,  c'est-à-dire  un 
vocabulaire  scientifique  international.  Or  c'est  là  la  moitié 
d'une  langue  internationale.  Ainsi  toutes  les  raisons  invoquées 
à  l'appui  de  la  création  de  V Association  internalionale  des  Aca- 
démies militent  également  en  faveur  de  l'adoption  d'une  langue 
internationale.  Plus  généralement,  chacune  des  raisons  qui 
justifient  séparément  les  diverses  conventions  internationales 
et  les  divers  offices  internationaux  vaut  pour  la  langue  inter- 
nationale, instrument  ou  complément  nécessaire  de  toutes  ces 
institutions-.  Sa  nécessité  résulte  encore  plus  évidemment 
du  développement  des  moyens  de  communication  :  à  quoi  bon 
pouvoir  se  transporter  en  quelques  heures  dans  un  pays 
étranger,  si  l'on  ne  peut  ni  comprendre  les  habitants  ni  se 
faire  comprendre  deux?  A  quoi  bon  pouvoir  télégraphier 
d'un  continent  à  l'autre,  et  téléphoner  d'un  pays  à  l'autre,  si 
les  deux  correspondants  n'ont  pas  de  langue  commune  dans 
laquelle  ils  puissent  écrire  ou  converser? 

Aussi  l'utilité  d'une  langue  internationale  est-elle  de  plus 
en  plus  généralement  reconnue.  Mais  il  y  a  encore  beaucoup 
de  personnes  qui  n'osent  s'arrêter  à  cette  idée,  parce  qu'elles 

1.  G.  Darboux,  art.  cité.  (Les  italiques  sont  de  nous.) 

2.  Citons  encore  VOffice  international  du  Iravait,  à  Bâle,  et  le  Bureau 
international  de  la  paix,  à  Berne. 


Vjjl  PRÉFACE 

nents  '  ».  Par  exemple,  le  Bureau  international  des  poids  >•( 
mesures,  fondé  en  vertu  de  la  Convention  du  mètre  (20  mars  18"o), 
comprend    16  États;   V Association   géodésique' internationale, 
constituée  en  1886,  en  comprend  18.  La  Carte  du  ciel,  entre- 
prise  internationale  au  premier  chef,  unit  dans  une  colla- 
boration  constante   les  principaux  observatoires   des   deux 
hémisphères.  «  Il  est  impossible  de  ne  pas  être  frappé  de  la 
rapidité  avec  laquelle  se  multiplient  aujourd'hui  ces  or|^'a- 
nismes  internationaux  *  ».  Ce  besoin  croissant  d'entente  et  de 
coopération  entre  les  savants  de   tous  les  pays,  que  cons- 
tatent tous  les  esprits  éclairés  ^  a  enfin  donné  naissance  à 
V Association  internationale  des  Académies,  fondée  en  1900  et 
inaugurée  effectivement  en  1901  à  Paris  *.  Pour  faire  connaître 
les  raisons  qui  justifient  cette  institution,  nous  ne  pouvons 
mieux  faire  que  de  citer  encore  le  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  des  Sciences  de   Paris,  qui  est  d'autant  mieux 
qualifié  pour  les  exposer  qu'il  a  pris  une  part  active  à  celte 
création  :  «  Le  mouvement  scientifique  qui,  au  commence- 
ment du  XIX*  siècle,  se  limitait  à  un  petit  nombre  de  nations, 
s'étend  aujourd'hui  au  monde  entier  ;  de  plus,  au  sein  même 
de  chaque  nation,  son  importance  s'est  accrue  dans  des  pro- 
portions dont  on  peut  à  peine  se  faire  une  idée....  Qui  ne  voit 


1.  G.  Darboux,  article  sur  VAssociation  internationale  dés  Académies, 
dans  leJow'nal  des  Savants  de  janvier  1901. 

2.  G.  Darboux,  art.  cit. 

3.  Voir,  par  exemple,  la  conclusion  du  rapport  de  M.  Emile  Picard  sur  les 
Sciences,  inséré  dans  les  Rapports  du  jury  international  de  l'Exposition 
universelle  de  1900. 

4.  VAssociation  internationale  des  Académies  comprend  les  Académies 
ou  Sociétés  des  sciences  d'Amsterdam,  de  Berlin,  de  Bruxelles,  de  Budapest, 
de  Christiania,  de  Copenhague,  de  Gœttingue,  de  Leipzig,  de  Londres  {Hoi/al 
Society),  de  Munich,  de  Paris  (Académie  des  sciences.  Académie  des  sciences 
morales  et  politiques,  Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres),  de  Saint- 
Pétersbourg,  de  Rome  (Accademia  dei  Lincei),  de  Stockholm,  de  Vienne  et 
de  Washington.  Elle  tient  une  Assemblée  générale  tous  les  trois  ans  (la 
1"  à  Paris  en  1901  ;  la  2'  à  Londres  en  1904),  et  est  représentée  dans  l'inter- 
valle par  un  Comité.  «  Pour  la  prise  en  considération,  l'étude  ou  la  prépa- 
ration d'entreprises  et  de  recherches  scientifiques  d'intérêt  international, 
des  Commissions  internationales  spéciales  peuvent,  sur  la  proposition  d'une 
ou  de  plusieurs  des  Académies  associées,  être  instituées,  soit  par  l'Assem- 
blée générale,  soit,  dans  l'intervalle  entre  deux  Assemblées  générales  par 
le  Comité.  »  (S  10  des  Statuts.) 


PREFACE  IX 

que,  sous  peine  de  revenir  à  la  tour  de  Babel,  une  si  énorme 
production  scientifique  doit  être  unifiée  et  coordonnée?  Que 
de  temps  perdu  pour  les  chercheurs,  que  de  recherches  inutiles 
et  par  cela  même  nuisibles,  si  les  nomenclatures  changent  avec 
les  nations,  si  les  classifications  ne  sont  pas  concordantes,  si 
les  instruments  choisis  pour  effectuer  les  mêmes  mesures 
donnent  dans  les  différents  pays  des  indications  qui  ne  soient 
pas  comparables,  si  les  définitions  ne  sont  pas  les  mêmes,  si 
les  unités  adoptées  sont  différentes,  si  les  travaux  accomplis 
en  des  points  différents  concourent  au  même  but  et  entraînent 
ainsi  de  regrettables  doubles  emplois  *  !  » 

On  a  dû  remarquer  que  l'expression  de  «  tour  de  Babel  » 
se  présente  comme  malgré  lui  à  l'esprit  de  l'auteur,  et  que  la 
première  condition  de  l'organisation  du  travail  scientifique 
qu'il  énonce  estl'uniformité  de  la  nomenclature,  c'est-à-dire  un 
vocabulaire  scientifique  international.  Or  c'est  là  la  moitié 
d'une  langue  internationale.  Ainsi  toutes  les  raisons  invoquées 
à  l'appui  delà  création  de  V Association  internationale  des  Aca- 
démies militent  également  en  faveur  de  l'adoption  d'une  langue 
internationale.  Plus  généralement,  chacune  des  raisons  qui 
justifient  séparément  les  diverses  conventions  internationales 
et  les  divers  offices  internationaux  vaut  pour  la  langue  inter- 
nationale, instrument  ou  complément  nécessaire  de  toutes  ces 
institutions  -.  Sa  nécessité  résulte  encore  plus  évidemment 
du  développement  des  moyens  de  communication  :  à  quoi  bon 
pouvoir  se  transporter  en  quelques  heures  dans  un  pays 
étranger,  si  l'on  ne  peut  ni  comprendre  les  habitants  ni  se 
faire  comprendre  d'eux?  A  quoi  bon  pouvoir  télégraphier 
d'un  continent  à  l'autre,  et  téléphoner  d'un  pays  à  l'autre,  si 
les  deux  correspondants  n'ont  pas  de  langue  commune  dans 
laquelle  ils  puissent  écrire  ou  converser? 

Aussi  l'utilité  d'une  langue  internationale  est-elle  de  plus 
en  plus  généralement  reconnue.  Mais  il  y  a  encore  beaucoup 
de  personnes  qui  n'osent  s'arrêter  à  cette  idée,  parce  qu'elles 

1.  G.  Darboux,  art.  cité.  (Les  italiques  sont  de  nous.) 

2.  Citons  encore  VOffice  international  du  travail,  à  Bàle,  et  le  Bureau 
intei'uational  de  la  paix,  à  Berne. 


X  PRÉFACE 

la  considèrent  comme  une  utopie.  C'est  là  un  préjugé  qui  ne 
résiste  pas  à  la  réflexion.  Nest-il  pas  évident,  en  effet,  que  si 
les  nations  civilisées  voulaient  et  pouvaient  s'entendre  pour 
adopter  dans  les  relations  internationales  la  langue  de  Tune 
d'elles,  on  aurait  une  langue  internationale  possible  et  prati- 
cable, qui  offrirait  à  tout  le  moins  cet  avantage,  d'être  la 
seule  langue  étrangère  indispensable,  et  de  dispenser  d'ap- 
prendre les  autres?  A  défaut  de  cette  solution  simpliste,  mais 
non  équitable,  que  la  rivalité  d'intérêt  et  d'amour-propre  des 
diverses,  nations  rend  chimérique  et  exclut  a  prion^  elles  pour- 
raient adopter  d'un  commun  accord  une  langue  morte  pour 
servir  d'idiome  auxiliaire  neutre.  Les  savants  regrettent  sou- 
vent le  temps  où  le  latin  était  la  langue  scientifique  unique, 
et  ils  sont  ainsi  amenés  à  rêver  la  résurrection  du  latin  comme 
langue  internationale.  C'est  encore  là  une  solution  possible, 
sinon  peut-être  la  plus  pratique.  Enfin  on  conçoit  qu'on  puisse 
construire  pour  cet  usage  une  langue  artificielle,  plus  ou 
moins  analogue  à  nos  langues  «  naturelles  »,  et  qui  serait 
même,  comme  l'a  affirmé  Max  Mlelleh  ',  «  plus  parfaite,  plus 
régulière  et  plus  facile  à  apprendre  »  qu'aucune  d'elles.  Ceux 
à  qui  cette  dernière  idée  paraît  chimérique  sont  simplement 
mal  informés,  et  la  lecture  du  présent  ouvrage  suffira,  nous 
l'espérons,  à  les  détromper.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  n'a  véritable- 
ment que  l'embarras  du  choix  entre  diverses  solutions  plus 
ou  moins  simples  et  pratiques,  mais  toutes  possibles,  pour 
peu  qu'on  le  veuille  et  qu'on  se  mette  d'accord  sur  l'une 
d'elles.  Il  nest  donc  plus  permis  de  douter  de  la  possibilité 
théorique  de  la  langue  internationale;  il  suffit  qu'on  puisse 
concevoir  une  langue  auxiliaire  commune  et  unique,  qui  ne 
soit  pas  plus  difficile  à  apprendre  et  à  pratiquer  que  l'une 
quelconque  des  langues  vivantes,  et  qui  soit  capable  de  servir 
aux  mêmes  usages.  L'adoption  d'une  telle  langue  ne  sera  plus 
qu'une  affaire  d'entente  internationale  et  de  bonne  volonté, 
n  ny  a  qu'un  point  sur  lequel  on  puisse  encore  garder 

H.';rifer;it^Trp!^v?2' tr,.'"  '""""'■  """"'*''  '"  "»"  *""•• 


PREFACE  XI 

quelques  doutes,  c'est  sur  la  possibilité  pratique  de  la  L.  I., 
c'est-à-dire  sur  la  possibilité  de  faire  adopter  universellement 
et  définitivement  un  projet,  et  un  seul.  Or,  depuis  vingt  ans 
surtout,  les  projets  pullulent,  et  il  est  à  prévoir  qu'ils  se  mul- 
tiplieront encore  davantage  à  mesure  que  le  besoin  d'une 
L.  I.  devient  plus  impérieux,  et  que  l'idée  fait  des  progrès 
dans  l'opinion  publique.  Dans  l'ordre  industriel,  on  ne  pour- 
rait que  se  réjouir  d'une  telle  abondance,  car  elle  offre  plus 
de  choix  au  consommateur,  et  la  concurrence  amène  un  per- 
fectionnement graduel  des  produits;  mais  quand  il  s'agit  de 
la  langue  internationale,  cette  richesse  est  embarrassante  et 
la  concurrence  est  funeste,  car  Yunité  et  Yunicité  de  cette 
langue  en  sont  les  qualités  essentielles,  sans  lesquelles  toutes 
les  autres  sont  négligeables  et  même  illusoires.  Aussi  la  mul- 
tiplicité de  projets  ne  fait-elle  que  confirmer  le  public  dans  le 
scepticisme  auquel  l'engagent  déjà  suffisamment  la  paresse 
et  l'inertie. 

On  pourrait  croire,  toutefois,  que  cette  concurrence,  tem- 
porairement fâcheuse,  aura  du  moins  pour  résultat  final  le 
triomphe  du  meilleur  projet,  en  vertu  d'une  sélection  natu- 
relle, et  que  ce  projet,  ayant  subi  victorieusement  l'épreuve 
de  la  pratique  et  s'étant  assoupli  à  l'usage,  sera  plus  parfait 
qu'il  n"eût  été  sans  la  salutaire  concurrence  des  autres.  Mais 
c'est  là  une  illusion  dangereuse.  D'abord,  les  divers  projets 
rivaux  n'entrent  pas  réellement  en  concurrence  :  la  plupart 
des  intéressés  n'en  connaissent  qu'un  seul,  et  adoptent  sans 
critique  et  sans  choix  le  premier  qui  se  présente  à  eux,  du 
moment  qu'il  répond,  tant  bien  que  mal,  à  l'idéal  entrevu. 
Ensuite,  le  succès  d'un  projet  dépend,  non  seulement  de  sa 
valeur  intrinsèque,  mais  d'une  foule  de  circonstances  exté- 
rieures, des  moyens  de  propagande  et  des  ressources  finan- 
cières dont  il  dispose,  du  terrain  plus  ou  moins  favorable  où 
il  se  propage,  etc.  En  outre,  sa  zone  de  diffusion  est  déter- 
minée en  partie  par  le  lieu  et  le  pays  où  il  est  né,  ou  par  le 
fait  qu'il  rencontre  en  tel  pays  un  propagateur  plus  ou  moins 
actif,  influent  et  habile.  Tous  ces  éléments  réunis  ont  bien 
plus  d'effet  que  la  valeur  propre  du  projet,  que  peu  de  gens 


XIV  PRÉFACE 

et  pourrait  se  propager  sans  obstacle,  il  ne  serait  pas  pour 
cela  assuré  de  triompher  par  la  seule  force  de  son  mérite 
propre.  En  effet,  la  plupart  des  intéressés  attendent,  pour 
s'y  rallier,  qu'il  puisse  leur  servir,  c'est-à-dire  qu'il  soit  uni- 
versellement adopté  :  or  il  ne  sera  jamais  universellement 
adopté,  si  tout  le  monde  fait  le  même  raisonnement  et  garde 
la  même  réserve.  Certes  on  ne  peut  trop  louer  et  féliciter  les 
promoteurs  de  tels  projets  :  ils  font  preuve  d'un  désintéresse- 
ment et  d'un  dévouement  méritoires  en  prêchant  d'exemple, 
en  apprenant  et  en  pratiquant  une  langue  dont  ils  n'ont  que 
peu  d'occasions  de  se  servir  :  ils  font  en  quelque  sorte  une 
avance  au  reste  de  l'humanité.  Mais  qui  répond  que  leur 
avance  sera  remboursée,  que  leur  exemple  sera  suivi?  Il  est 
malheureusement  à  craindre  que,  lorsqu'un  tel  projet  aura 
recruté  tous  les  hommes  capables  d'une  initiative  géné- 
reuse et  d'un  effort  désintéressé,  leur  phalange  soit  encore 
trop  faible  pour  entraîner  la  masse  des  indifférents  et  vaincre 
leur  inertie.  Et  puis,  tout  dévouement  a  des  limites  :  si,  au 
bout  de  quelques  années  de  propagande  et  de  sacrifices,  le 
projet  n'a  pas  obtenu  un  succès  universel  et  conquis  des 
millions  d'adeptes  dans  tous  les  pays,  la  lassitude  et  le  décou- 
ragement s'emparent  des  meilleurs,  et  une  prompte  déca- 
dence suit  des  progrès  si  chèrement  achetés.  D'ailleurs,  une 
langue  ne  vit  et  ne  prospère  qu'autant  qu'elle  est  réellement 
pratiquée;  or,  si  ses  premiers  adeptes  ne  trouvent  pas  assez 
d'occasions  de  l'employer,  ils  ont  bientôt  fait  de  l'oublier. 
Ajoutons  à  cela  que  la  plupart  des  adeptes  attendent,  pour 
apprendre  sérieusement  la  langue,  qu'elle  ait  réussi,  de  sorte 
que  leur  adhésion,  conditionnelle  en  quelque  sorte,  ne  porte 
que  sur  le  principe  même  de  la  L.  I.  Enfm,  le  succès  même 
d'un  projet  peut  lui  être  funeste  :  car,  à  mesure  qu'il  recrute 
des  adeptes  de  nationalités  et  de  conditions  plus  diverses,  à 
mesure  qu'il  se  développe  pour  satisfaire  des  besoins  plus 
variés,  il  donne  lieu  à  des  propositions  de  réformes  et  à  des 
demandes  de  perfectionnements  qui,  s'inspirant  des  goûts  ou 
des  habitudes  de  tel  pays  ou  de  telle  profession,  tendent  à  en 
détruire  l'unité.  Il  suscite  ainsi   des   amendements  et  des 


PREFACE  XV 

contre-projets  entre  lesquels  ses  partisans  se  divisent;  et 
alors  c'en  est  fait  de  l'union  et  de  la  langue  elle-même,  car 
elle  se  dissout  promptement  et  devient  inutile,  dès  qu'elle 
n'est  plus  une. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  n'est  pas  une  hypothèse 
en  l'air,  un  roman  poussé  au  noir  :  c'est  l'histoire  même  du 
Volapûk,  qui  est  mort  bien  moins  de  ses  défauts  intrinsèques 
que  de  la  désunion  de  ses  partisans.  Sans  les  considérations 
précédentes,  on  ne  pourrait  comprendre  que  cette  langue,  qui 
se  vantait  en  1889  d'avoir  un  million  d'adeptes,  n'en  eût  plus 
un  an  après  qu'un  nombre  insignifiant.  Et  il  ne  faut  pas  croire 
que  cette  décomposition  subite  s'explique  uniquement  par 
les  graves  imperfections  du  Volapûk,  qui,  en  suscitant  des 
projets  de  réformes,  ont  amené  des  schismes  entre  ses  parti- 
sans; aucun  projet,  si  parfait  qu'il  puisse  être,  n'est  à  l'abri 
des  divergences  d'opinion  inévitables  entre  adeptes  de  diffé- 
rentes nations.  Seule  une  autorité  mlernationale  peut  le  pré- 
server de  toute  dissidence  et  en  garantir  l'unité  durable. 

Nous  pouvons  invoquer  ici  le  témoignage  très  autorisé  de 
M.  Hugo  ScuucuARDT.  L'illustrc  philologue,  depuis  longtemps 
partisan  de  la  langue  internationale,  avait  dès  l'origine  porté 
un  jugement  défavorable  sur  le  Volapûk^  et,  au  moment 
môme  de  ses  triomphes  éphémères,  prédit  son  échec  finaP. 
Eh  bien  !  voici  le  jugement  qu'il  portait  sur  lui  après  sa  déca- 
dence :  «  Son  échec  ne  peut  se  déduire  directement  de  ses 
défauts  organiques,  qui  ne  l'ont  pas  empêché  de  donner  des 

preuves  de  sa  force Si  tous  les  gouvernements  de  V Europe... 

l'avaient  introduit  comme  matière  obligatoire  d'enseignement 
dans  les  écoles  publiques,  son  avenir  eût  été  assuré  malgré  tous 
les  projets  meille^irs^.  »  Ces  paroles  font  bien  ressortir  l'impor- 
tance de  Vautorité  dans  la  solution  définitive  du  problème  : 
comme  le  dit  plus  loin  l'auteur,  «  la  décision  dépend  plus  de 
la  nature  des  hommes  que  de  celle  des  choses  »,  c'est-à-dire 
plus  de  la  bonne  volonté  et  de  l'entente  des  intéressés  que 


1.  Auf  Anlass  des  VolapUks  (1888). 

2.  Welti'prache  und  Weltsprachen,  p.  18,  19  (1894). 


XVI  PRÉFACE 

des  qualités  intrinsèques  de  la  langue  à  choisir.  Sans  doute, 
il  n'est  pas  indifférent  que  la  langue  adoptée  soit  plus  ou 
moins  simple,  facile,  logique  et  régulière;  mais  avant  tout,  il 
importe  qu'elle  soit  unique,  et  cotte  qualité  primordiale  ne 
peut  être  garantie  et  maintenue  que  par  une  entente  interna- 
tionale et  une  sanction  officielle. 

Est-ce  à  dire  qu'il  convienne  de  s'adresser  (directement) 
aux  gouvernements  des  nations  européennes  et  américaines, 
comme  le  proposent  quelques-uns,  pour  qu'ils  adoptent  une 
langue  internationale  par  une  convention  diplomatique? 
Mais  d'abord,  ni  les  politiques  ni  les  déplomates  ne  sont  com- 
pétents pour  choisir  la  L.  I.  :  ils  ne  pourraient  que  s'en 
remettre,  soit  à  une  Commission  scientifique  internationale 
nommée  flrf^oc,  soit  plutôt  ù  V Association  internationale  des  Aca- 
démies, créée  tout  exprès  pour  résoudre  les  questions  scienti- 
fiques d'un  intérêt  international  '.  Dès  lors,  n'est-il  pas  plus 
simple  que  les  intéressés  s'adressent  directement  à  celle-ci 
par  la  voie  des  Académies  nationales,  au  lieu  de  passer  par 
l'intermédiaire  des  gouvernements? 

De  plus,  les  gouvernements  ne  peuvent  pas  prendre  l'ini- 
tiative d'une  telle  innovation;  ils  attendraient,  et  avec 
raison,  qu'ils  y  soient  invités  et  presque  obligés  par  l'opinion 
publique.  Or  qui  est  mieux  qualifié  pour  représenter  cette 
opinion  pubhque  que  les  Sociétés  scientifiques  et  profession- 
nelles de  tout  genre,  dont  la  Délégation  centralise  les  vœux*, 
et  que  les  Académies,  auxquelles  elle  se  charge  de  les  trans- 
mettre? Le  jour  où  il  sera  temps  de  demander  aux  États  un 
appui  et  une  sanction  officielle  ^  qui  le  pourra  plus  effica- 
cement que  ces  mômes  Académies?  Enfin,  la  sagesse  des 
nations  nous  enseigne  qu'il  vaut  toujours  mieux  «  faire  ses 
affaires  soi-même  »  :  «  Aide-toi,  le  ciel  (ou  l'État)  t'aidera  »  ;  etc. 
On  a  dénoncé  cent  fois  la  superstition  de  l'État-Providence, 

1.  De  mémo  que,  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  de  prendre  des  mesures  d'hy- 
gicne   les  gouvernements  consultent  les  Académies  compétentes. 

2.  \oir  plus  loin  le  programme  de  la  Délégation. 

3.  Par  exemple,  en  introduisant  la  L.  I.  dans  les  écoles  à  titre  d'enseigne- 
ment facultatif  ou  obligatoire. 


PRÉFACE  XVII 

cette  manie  de  s'adresser  à  l'Etat  pour  toutes  sortes  d'entre- 
prises qui  relèvent  bien  plutôt  de  l'initiative  privée,  et  que 
celle-ci  peut  mener  à  bonne  fin  plus  rapidement  et  à  moins 
de  frais.  Comme  Ta  dit  excellemment  M.  Demolins*,  «  on  ne 
demande  pas  aux  pouvoirs  publics  de  faire  les  choses  :  on 
les  fait  soi-même;  si  on  les  fait  bien,  les  pouvoirs  publics 
suivent,  qu'ils  le  veuillent  ou  non  ».  Que  tous  les  partisans 
de  la  L.  I.  méditent  cette  forte  parole,  et  la  prennent  pour 
devise. 

Au  surplus,  dans  l'histoire  de  la  science  contemporaine, 
n'avons-nous  pas  des  exemples  de  réformes  ou  d'innovations 
très  importantes  qui,  nées  de  l'initiative  privée,  ont  été  réali- 
sées par  l'entente  internationale  des  intéressés?  Tel  est  le 
système  d'unités  C.  G.  S.,  adopté  et  promulgué  par  le  Congrès 
international  des  Électriciens  tenu  à  Paris  en  1881  ;  telle  est 
encore  la  nomenclature  de  la  Chimie  organique,  dont  la 
réforme,  décidée  par  le  Congrès  international  de  Chimie  tenu 
à  Paris  en  1889,  a  été  réalisée  par  une  Commission  internatio- 
nale qui  se  réunit  à  Genève  en  1892  ^.  Ainsi,  toutes  les  fois 
que  des  hommes  de  diverses  nations  et  de  même  profession 
ont  eu  conscience  de  l'intérêt  qu'ils  avaient  à  adopter  un  lan- 
gage commun  ou  des  mesures  uniformes,  ils  se  sont  réunis, 
ils  se  sont  entendus,  et  leur  accord  volontaire  a  suffi  à  donner 
à  leurs  décisions  toute  l'autorité  et  l'universalité  qu'on  pouvait 
désirer.  Les  États  et  les  gouvernements  n'ont  même  pas  eu  à 
intervenir  :  la  nomenclature  chimique  et  le  système  C.  G.  S. 
n'en  ont  pas  moins  pénétré  dans  l'enseignement,  dans  l'indus- 
trie et  dans  l'usage.  Cela  ne  veut  pas  dire  que  nous  devions 
dédaigner,  pour  la  langue  internationale,  une  telle  sanction 
officielle,  dont  nous  avons  montré  plus  haut  l'importance. 
Mais  cela  prouve  que  cette  sanction  suprême  ne  peut  et  ne 
doit  venir  qu'en  dernier  lieu,  pour  consacrer  les  décisions 
prises  par  une  autorité  compétente  et  une  entente  spontanée 
des  intéressés;  et  qu'après  tout    on  pourrait  fort  bien  s'en 

1.  A-t-on  intérêt  à  s'emparer  du  pouvoir?  ch.  VI,  fin. 

2.  Voir  WûRTZ,  Dictionnaire  de  Chimie  pure  et  appliquée,  2°  supplément 
(par  Friedel),  l"partie,  art.  Chimique  {Nomenclature).  Paris,  Hachette,  1894. 

CouTURAT  et  Leau.  —  Lano-uc  univ.  0 


XVIII  PRÉFACE 

passer,  du  moment  que  cette  entente  serait  réalisée  d'un*' 
manière  effective  et  pratique. 

Par  quel  moyen  pourra-t-on  réaliser  celte  entente?  Cer- 
taines personnes  ont  émis  l'idée  d'un  Congrès  international. 
Mais  cette  idée  doit  être  écartée.  Dabord,  il  est  matérielle- 
ment impossible  de  réunir  en  un  même  lieu  tous  les  intéressés, 
qui  .se  comptent  non  par  milliers,  mais  par  millions.  Ensuite, 
ces  réunions  forcément  éphémères  n'ont  pas  le  temps  de  dis 
cuter  des  questions  aussi  délicates  et  aussi  complexes,  et  sont 
toujours  obligées  de  s'en  remettre  à  des  Commissions  spé- 
ciales '  ;  enfin,  l'immense  majorité  des  intéressés  n'ont  pas  l.t 
compétence  nécessaire  pour  étudier  et  résoudre  une  «juestioii 
qui  est  en  grande  partie  du  ressort  de  la  philologie,  et  ils 
seraient  sans  doute  les  premiers  à  décliner  une  telle  responsa- 
bilité. L'exemple  des  électriciens  et  des  chimistes  ne  peut  i<i 
qu'égarer  par  une  fausse  analogie.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  ht 
science  même  qui  posait  le  problème  fournissait  tous  lc< 
éléments  de  la  solution.  Le  cas  de  la  langue  internationale 
est  plutôt  analogue  à  celui  des  moyens  de  communication  : 
or,  fort  heureusement,  on  n'a  pas  besoin  de  connaître  hi 
théorie  des  machines  à  vapeur  pour  prendre  le  chemin  de 
fer,  ou  la  théorie  du  téléphone  pour  employer  cet  instrument. 
Sans  doute,  le  public  doit  être  consulté  sur  l'utilité  de  telle 
ou  telle  ligne  de  chemin  de  fer;  mais,  une  fois  connues  les 
principales  localités  à  desservir,  c'est  aux  ingénieurs  qu'il 
appartient  de  trouver  le  meilleur  tracé  possible  et  de  choisi i- 
le  mode  de  traction.  De  même,  c'est  à  l'opinion  publique  de 
proclamer  l'utilité  d'une  langue  internationale  et  de  définir 
les  divers  besoins  auxquels  elle  devra  satisfaire  :  et  ce  sent 
ensuite  l'affaire  des  philologues  de  trouver  l'idiome  qui 
répondra  le  mieux  aux  vœux  du  public. 

Pour  émettre  ces  vœux,  tout  le  monde  est  compétent,  nous 
entendons  par  là  tous  ceux  qui  ont  ou  peuvent  avoir  affaire 
avec  l'étranger;  mais  c'est  surtout  aux  Sociétés  profession- 
nelles de  tout  genre  qu'il  appartient  de  formuler  de  tels  vœux, 
1.  Voir.  p.  XXII,  note  2,  les  détails  relatifs  au  Congrès  international  de 


PRÉFACE  XIX 

puisqu'elles  sont  instituées  pour  défendre  les  intérêts  profes- 
sionnels de  leurs  membres,  pour  les  unir  et  pour  les  repré- 
senter. D'autre  part,  à  qui  présenlera-t-on  ces  vœux?  Qui  aura 
la  compétence  nécessaire  pour  leur  donner  satisfaction?  Il 
faut  que  ce  soit  une  autorité  scientifique  et  internationale.  Or 
il  existe  une  telle  autorité  :  c'est  V Association  inlernationale  des 
Académies,  dont  nous  avons  expliqué  plus  haut  la  création. 
Elle  présente  assurément  au  suprême  degré  toutes  les  qualités 
de  compétence  et  d'impartialité  nécessaires  pour  rendre  une 
décision  autorisée  qui  s'impose  à  tous  les  intéressés.  C'est 
donc  à  elle  qu'il  convient  que  ceux-ci  s'adressent,  par  l'inter- 
médiaire obligatoire  d'une  ou  de  plusieurs  des  Académies 
associées  *. 

Telles  sont  les  idées  qui  ont  présidé  à  la  fondation  de  la 
Délégation  pour  Vadoption  d'une  langue  auxiliaire  internationale. 
Les  premiers  délégués,  nommés  par  des  Congrès  internatio- 
naux et  par  des  Sociétés  savantes  pendant  l'Exposition  univer- 
selle de  Paris  en  1900,  l'ont  constituée  le  17  janvier  1901,  en 
arrêtant  le  plan  d'action  formulé  dans  la  Déclaration  suivante  : 

DÉCLARATION 

Les  soussignés,  délégués  par  divers  Congrès  ou  Sociétés  pour 
étudier  la  question  d'une  Langue  auxiliaire  internationale,  sont 
tombés  d'accord  sur  les  points  suivants  : 

1°  Il  y  a  lieu  de  faire  le  choix  et  de  répandre  l'usage  d'une 
Langue  auxiliaire  internationale,  destinée,  non  pas  à  remplacer 
dans  la  vie  individuelle  de  chaque  peuple  les  idiomes  nationaux, 

1 .  Voir  le  §  10  des  Statuts,  cité  p.  vui,  note  4.  Quelques  membres  d'Aca- 
démies étrangères  nous  ont  déclaré  qu'ils  doutaient  que  la  question  de  la 
langue  internationale  fût  du  ressort  de  V  Associai  ion,  et  que  celle-ci  voulût 
s'en  charger.  Nous  répondons  que  c'est  là  une  question  de  compétence  qui 
ne  peut  être  résolue  que  par  ï Association  elle-même,  en  toute  souveraineté, 
et  que  ni  un  académicien,  ni  même  une  Académie  n'ont  le  droit  de  préjuger. 
Or,  pour  que  V  Associa  tien  la  résolve,  il  faut  ([u'clle  en  soit  saisie  par  une 
ou  plusieurs  des  Académies  associées  ;  celles-ci  ne  peuvent  donc  pas  nous 
opposer  une  exception  d'incompétence  sans  empiéter  sur  les  droits  de 
VAssociation.  En  attendant,  nous  croyons  fermement  que  l'institution  d'une 
langue  internationale  est  une  de  ces  «  entreprises  scientifiques  d'un  intérêt 
international  »  pour  lesquelles  VAssociation  a  été  expressément  fondée, 
suivant  la  lettre  et  l'esprit  de  ses  Statuts. 


XX  PREFACE 

mais  à  servir  aux  relations  écrites  et  orales  entre  personnes  de 
langues  maternelles  différentes. 

2°  Une  Langue  auxiliaire  internationale  doit,  pour  remplir 
utilement  son  rôle,  satisfaire  aux  conditions  suivantes  : 

ire  Condition.  —  Être  capable  de  servir  aux  relations  habi- 
tuelles de  la  vie  sociale,  aux  échanges  commerciaux  et  aux  rap- 
ports scientifiques  et  philosophiques; 

2™o  Condition.  —  Être  d'une  acquisition  aisée  pour  toute  per- 
sonne d'instruction  élémentaire  moyenne,  et  spécialement  pour 
les  personnes  de  civilisation  européenne; 

S'""  Condition.  —  Ne  pas  être  lune  des  langues  nationales. 

3°  11  convient  d'organiser  une  Délégation  générale  représen- 
tant l'ensemble  des  personnes  qui  comprennent  la  nécessité 
ainsi  que  la  possibilité  dune  langue  auxiliaire  et  qui  sont  inté- 
ressées à  son  emploi.  Cette  Délégation  nommera  un  Comité 
composé  de  membres  pouvant  être  réunis  pendant  un  certain 
laps  de  temps. 

Le  rôle  de  ce  Comité  est  fixé  aux  articles  suivants. 

4"  Le  choix  de  la  Langue  auxiliaire  appartient  dabord  à 
l'Association  internationale  des  Académies,  [)uis,  en  cas  d'in- 
succès, au  Comité  prévu  à  l'article  3. 

5°  En  conséquence,  le  Comité  aura  pour  première  mission  de 
faire  présenter,  dans  les  formes  requises,  à  l'Association  inter- 
nationale des  Académies,  les  vœux  émis  par  les  Sociétés  et 
Congrès  adhérents,  et  de  l'inviter  respectueusement  à  réaliser 
le  projet  d'une  Langue  auxiliaire. 

6»  Il  appartiendra  au  Comité  de  créer  une  Société  de  propa- 
gande destinée  à  répandre  l'usage  de  la  Langue  auxiliaire  qui 
aura  été  choisie. 

7°  Les  soussignés,  actuellement  délégués  par  divers  Congrès 
et  Sociétés,  décident  de  faire  des  démarches  auprès  de.  toutes  les 
Sociétés  de  savants,  de  commerçants  et  de  touristes,  pour  obtenir 
leur  adhésion  au  présent  projet. 

8°  Seront  admis  à  faire  partie  de  la  Délégation  les  représen- 
tants de  Sociétés  régulièrement  constituées  qui  auront  adhéré  à 
la  présente  Déclaration. 

Cette  Déclaration  constitue  le  programme  officiel  de  la 
Délégation  et  la  base  d'entente  de  toutes  les  sociétés  adhé- 
rentes, car  aucune  action  commune  et  efficace  n'est  possible 


PRÉFACE  XXI 

sans  un  accord  sur  les  princijDCS  et  le  but  de  cette  action. 
Elle  pose  les  termes  du  problème  et  fixe  la  marche  à  suivre 
pour  le  résoudre.  Elle  formule  les  conditions  pratiques  que 
devra  remplir  la  future  langue  auxiliaire,  tout  en  réservant 
complètement  la  question  du  choix  (à  part  Texclusion  des 
langues  nationales,  condition  indispensable  d'une  entente- 
internationale);  et  cela  pour  deux  raisons  :  la  première  est 
que  les  adhérents  peuvent  être  d'accord  sur  le  principe  de 
la  L.  I.,  et  différer  d'avis  sur  la  meilleure  solution  à  adopter; 
la  seconde  (qui  dérive  de  la  première)  est  que,  voulant 
remettre  le  choix  de  la  L.  I.  à  une  sorte  d'arbitrage,  on 
devait  naturellement  laisser  entière  la  liberté  de  l'arbitre.  En 
résumé,  il  fallait,  d'une  part,  que  les  conditions  posées  fussent 
assez  générales  et  assez  larges  pour  n'exclure  a  priori  aucune 
solution,  et  par  suite  pour  pouvoir  rallier  tous  les  partisans 
de  Vidée  de  la  L.  I.;  et,  d'autre  part,  que  ces  conditions 
fussent  assez  précises'  pour  définir  nettement  les  besoins 
auxquels  la  L.  I.  doit  répondre,  et  déterminer  les  principes 
qui  devront  en  diriger  la  création  ou  le  choix. 

Enfin,  il  fallait  prévoir  le  cas  où  l'Association  internationale 
des  Académies^  pour  une  raison  quelconque,  ne  voudrait  pas 
se  charger  du  choix  de  la  L.  1.,  ou  ne  pourrait  pas  s'acquitter 
de  cette  mission  :  la  réalisation  d'une  réforme  si  importante 
pour  le  progrès  des  sciences  et  de  la  civilisation  ne  peut 
évidemment  dépendre  d'une  circonstance  accidentelle;  il  est 
inadmissible  que  les  vœux  de  l'humanité  qui  travaille  et  qui 
pense  puissent  être  tenus  en  échec  par  une  autorité  officielle, 
si  haute  qu'elle  soit.  C'est  pourquoi  la  Déclaration  stipule 
que,  à  défaut  de  V Association  internationale  des  Académies^  le 
choix  de  la  future  L.  I.  appartiendra  au  Comité  élu  par  la 
Délégation.  En  effet,  la  Délégation,  une  fois  qu'elle  sera  com- 
plète, représentera  l'ensemble  des  intéressés.  Mais,  comme  il 
sera  impossible  de  réunir  les  milliers  de  délégués  qui  la 
composeront,  ils  devront  à  leur  tour  déléguer  un  petit  nombre 
de  personnes  qui  puissent  conférer  ensemble  et  agir  en  leur 
nom.  Ce  Comité  comprendra,  on  peut  le  présumer,  des  per- 
sonnes dune  compétence  et  d'une  autorité  exceptionnelles, 


XXII  PRÉFACE 

choisies  autant  que  possible  dans  toutes  les  nations,  et  prises 
au  besoin  en  dehors  de  la  Délégation.  Il  sera  donc  le  repré- 
sentant, au  second  degré,  de  l'ensemble  des  intéressés,  et,  de 
même  qu'il  aura  toute  Tautorité  nécessaire  pour  être  leur 
interprète  auprès  des  Académies,  il  aura  toute  Tautorilé 
nécessaire  pour  prendre,  s'il  y  a  lieu,  la  décision  souveraine 
qui  fera  loi  pour  toutes  les  sociétés  adhérentes.  Il  pourra, 
d'ailleurs,  soit  se  compléter  en  s'adjoignant  les  compétences 
spéciales  dont  il  croira  avoir  besoin,  soit  confier  une  partie 
de  sa  tâche  à  des  commissions  techniques  nommées  par  lui  ', 

Au  surplus,  cette  procédure  ne  différerait  pas  sensiblement 
de  celle  que  suivrait  sans  doute  V Association  internationale  des 
Académies  :  car,  dans  les  quelques  jours  que  dure  une  Assem- 
blée générale,  elle  aurait  tout  juste  le  temps  de  prendre  une 
décision  de  principe,  et  elle  serait  obligée  d'instituer  une  ou 
plusieurs  commissions  pour  régler  les  innombrables  détails 
que  la  solution  comporte*.  Quelle  que  soit  donc  la  marche 
adoptée,  le  résultat  sera  très  probablement  le  môme;  la  seule 
différence  résidera  dans  l'autorité  qui  le  promulguera.  Mais, 
dans  un  cas  comme  dans  l'autre,  cette  autorité  aura  la  même 
valeur  aux  yeux  des  intéressés,  car  de  toute  façon  elle  sera 
émanée  de  leur  union  organisée  et  de  leurs  vœux  concordants. 

Ce  plan  d'action  a  été  compris  et  approuvé,  car  la  Déléga- 
tion a  reçu,  en  deux  ans,  plus  de  130  adhésions,  soit  de 
Congrès  internationaux,  soit  de  Sociétés  de  savants,  de 
commerçants,  d'industriels,  de  touristes,  d'ouvriers,  dont 
quelques-unes  sont  internationales,  et  dont  les  autres  appar- 

1.  Ce  sera  probablement  le  cas  pour  l'élaboration  des  vocabulaires  scien- 
tifiques internationaux. 

2.  C'est  précisément  ce  que  fit  le  Congrès  international  de  Chimie  en  1889. 
«  Le  temps  limité  dont  disposait  le  Congrès  ne  permit  pas  une  étude  com- 
plète des  reformes  à  effectuer  dans  une  question  aussi  complexe.  11  fut  aJors 
forme  une  Commission  internationale  permanente,  composée  de  savants 
pris  parmi  les  plus  autorisés  de  tous  les  pays  :  à  cette  Commission  était 
réservée  la  tache  d'étudier  un  système  complet  de  nomenclature  en  Chimie 
organique  ».  (Wurtz,  loc.  cit.)  Cette  Commission  chargea  à  son  tour  une 
sous-commission,  composée  de  ceux  de  ses  membres  qui  résidaient  à  Paris, 
de  préparer  la  réforme,  et  c'est  elle  qui  se  réunit  le  19  avril  1892  à  Genève 
pour  discuter  le  rapport  de  la  sous-commission  et  prendre  les  résolutions 
unaies  qui  ont  fixé  la  nomenclature  chimique  aujourd'hui  adoptée. 


PREFACE  XXIII 

liennent  à  la  France,  à  la  Belgique,  à  la  Suisse,  à  l'Angle- 
lerre,  à  lAllemagne,  à  la  Suède,  à  la  Russie,  à  rAutriche,  à 
l'Italie,  à  lEspagne,  à  la  Bulgarie,  aux  Etats-Unis  et  à  la 
République  Argentine.  Nous  ne  pouvons  les  énumérer  ici'; 
bornons-nous  à  citer  les  Touring-Club  de  France,  de  Belgique, 
de  Bohème,  de  Suède  et  de  Suisse,  et,  parmi  les  Sociétés 
savantes,  la  Société  mathématique  de  France,  la  Société  astro- 
nomique de  France,  la  Société  française  de  Phijsique,  la  Société 
internationale  des  Électriciens,  la  Société  mycologique  de  France, 
la  Société  de  Sociologie,  la  Société  Phïlomatkique,  la  Société 
des  Gens  de  Science,  V Association  Polytechnique,  etc.,  etc. 

Peu  de  temps  après  sa  fondation,  la  Délégation  s'est  asso- 
ciée à  une  démarche  dont  le  succès  a  été  complet  et  presque 
inespéré.  En  avril  1901,  à  l'occasion  de  la  première  Assemblée 
de  Y  Association  internationale  des  Académies,  tenue  à  Paris 
sous  la  présidence  de  l'Académie  des  Sciences,  une  adresse 
fut  présentée  à  cette  Académie  par  l'un  de  ses  membres, 
M.  le  général  Sebert,  pour  la  prier  de  mettre  à  l'ordre  du 
jour  de  l'Assemblée  la  question  de  la  langue  internationale  ; 
cette  adresse,  signée  de  quelques  membres  de  la  Délégation, 
parvint  au  Secrétariat  trop  tard  pour  pouvoir  être  prise  en 
considération;  mais  elle  avait  déjà  recueilli,  dès  le  premier 
jour,  l'approbation  et  la  signature  de  25  membres  de  l'Institut 
de  France.  Encouragé  par  ce  résultat,  le  bureau  de  la  Délé- 
gation continua  à  loisir  à  recueillir  pour  cette  adresse  les 
signatures  de  nombreux  membres  des  Académies  et  des  Uni- 
versités françaises.  Le  succès  obtenu  en  France  par  cette 
pétition  nous  a  suggéré  l'idée  de  la  généraliser  pour  l'étendre 
à  tous  les  pays  civilisés;  d'ailleurs,  son  texte  visait  une  cir- 
constance particulière  et  désormais  passée.  Il  convenait  de 
la  dépouiller  de  toute  détermination  de  temps  et  de  nationa- 
lité, et  de  la  transformer  en  une  approbation  pure  et  simple 
du  programme  de  la  Délégation,  de  manière  qu'elle  pût  être 
signée  par  les  savants  de  toutes  les  nations,  et  être  présentée 


1.  Demander  aux  auteurs  de  ce  livre  la  dernière  édition  de  VElat  de  ta 
Délégation. 


XXIV  PRÉFACE 

indifféremment,  suivant  les  cas,  à  Tune  quelconque  des  Acadé- 
mies associées*.  Sous  celte  nouvelle  forme,  la  pélilion  a  déjà 
reçu  la  signature  de  membres  très  distingués  des  Académies 
et  des  Universités  étrangères-;  elle  constitue  par  elle-méni<' 
une  manifestation  et  provoque  un  mouvement  d'opinion  Ires 
favorables  aux  progrès  de  la  Délégation. 

Pourquoi  réservons-nous  cette  pétition  aux  membres  des 
Académies  et  des  Universités?  D'abord,  parce  que  leur  opi- 
nion est  celle  qui  a  naturellement  le  plus  de  poids  auprès 
des  Académies  associées;  ensuite,  parce  que  les  Universités, 
étant  en  général  des  corps  officiels,  ne  peuvent  pas  donner  à 
la  Délégation  leur  adhésion  collective  :  celle-ci  doit  donc  être 
remplacée  par  l'adhésion  individuelle  de  leurs  membres,  qui 
aura  le  même  effet  moral.  D'autre  part,  avant  de  solliciter 
et  d'obtenir  l'adhésion  officielle  d'une  des  Académies  asso- 
ciées, il  est  nécessaire  de  gagner  l'approbation  el  l'appui  de 
quelques-uns  de  ses  membres  :  et  cette  approbation  peut 
même  avoir  du  prix  aux  yeux  des  autres  Académies,  surtout 
quand  il  s'agit  d'un  de  ces  savants  d'une  réputation  euro- 
péenne, qui  font  partie  de  plusieurs  Académies  nationales 
à  titre  de  correspondant  ou  d'associé.  Nous  avons  déjà  obtenu 
par  ce  moyen  des  résultats  précieux.  Le  plus  important  est 
la  décision  officielle  par  laquelle  V Académie  impériale  des 
Sciences  de  Vienne  a  chargé  (le  26  juin  1902)  un  de  ses 
membres,  M.  le  Professeur  Hugo  ScnucuARDT,  l'illustre  phi- 
lologue, «  de  suivre  le  mouvement  relatif  à  la  création  d'une 
Langue  auxiliaire  internationale  et  de  lui  en  rendre  compte  .>. 
C'est  là  une  prise  en  considération  de  l'œuvre  de  la 
Délégation,  et  un  témoignage  d'intérêt  de  la  part  d'une  des 
Académies  associées;  et  ce  premier  succès  en  présage  beau- 
coup d'autres.  La  question  a  été  également  posée  devant 
d'autres  Académies  d'Europe,  grâce  à   l'appui  de  certains 


1.  Le  texte  de  cette  pétition  internationale  se  compose  de  la  Déclaration 
accompagnée  de  cette  formule  :  «  Les  soussignés  approuvent  le  projet  for- 
mule d!insla  Declaralion  ci-contre,  et  le  recommandent  aux  Sociétés  savantes 
(lui  lont  i)artie  de  VAssociatio7i  internationale  des  Académies.  » 

-.  Voir  la  Liste  des  signatures,  que  nous  publions  périodiquement. 


PRÉFACE  XXV 

membres  très  éminents  et  très  influents,  dont  la  bienveil- 
lance et  la  sympathie  nous  font  espérer  un  résultat  favo- 
rable. 

On  le  voit,  la  question  de  la  langue  internationale  est  sortie 
de  la  période  des  tâtonnements,  des  tentatives  individuelles, 
des  efforts  isolés  et  divergents;  elle  entre  dans  une  période 
d'action  pratique,  concordante  et  organisée.  Eh  vertu  du 
principe  :  «  L'union  fait  la  force  »,  l'ensemble  des  intéressés 
trouvera  dans  une  représentation  impartiale  le  moyen  de  se 
faire  entendre,  de  formuler  ses  vœux  et  d'en  obtenir  l'accom- 
plissement. Au  surplus,  l'idée  de  la  L.  I.  fait  des  progrès  de 
plus  en  plus  rapides,  car  toutes  les  raisons  que  nous  avons 
énumérées  croissent  de  jour  en  jour  en  force  et  en  urgence. 
D'ailleurs,  l'œuvre  de  la  Délégation,  par  sa  nature  même, 
gagne  sans  cesse  du  terrain,  et  ne  peut  pas  en  perdre.  Le 
succès  final  est  donc  infaillible;  ce  n'est  qu'une  affaire  de 
temps.  Mais  il  dépend  de  chacun  des  partisans  de  l'idée 
d'avancer  l'heure  de  sa  réalisation;  et  pour  cela  le  meilleur 
et  le  plus  sûr  moyen  est  de  collaborer  à  l'œuvre  de  la  Déléga- 
tion. Par  leur  nombre  et  par  leur  union,  ils  sanctionneront 
pratiquement  la  sentence  arbitrale,  et  la  rendront  irrévo- 
cable; leur  adhésion  unanime  découragera  toute  concurrence 
et  préviendra  tout  schisme  ultérieur.  Du  reste,  la  Société  de 
propagande  qui  sera  instituée  à  ce  moment*  pourra  compter 
sur  l'appui  de  toutes  les  Sociétés  adhérentes  que  représentera 
la  Délégation;  la  tâche  de  cette  Société,  si  étendue  qu'elle 
soit,  sera  relativement  facile,  car,  par  la  publicité  universelle 
qu'aura  nécessairement  la  décision  finale,  le  monde  entier 
saura  qu'il  existe  désormais  une  langue  internationale  offî- 
cielle,  et  chacun  aura  intérêt  à  l'apprendre,  aura  môme  le 
droit  de  s'en  servir  avec  l'assurance  de  recevoir  une  réponse, 
ce  qui  est,  aux  yeux  du  grand  public,  la  meilleure  des  recom- 
mandations. C'est  alors  que  la  Société  pourra  solliciter  et 
obtenir  l'appui  des  gouvernements,  qui  donneront  à  la  langue 
universellement  adoptée   une    consécration   officielle.  Ainsi 

1.  En  vertu  de  l'art.  VI  de  la  Déclaration. 


XXVI  PRÉFACE 

sera  définitivement  réalisé  le  rèvc  de  tant  de  jj^rands  jiensenrs 
qui  furent,  là  comme  ailleurs,  des  précurseurs  et  des  pro- 
phètes; et  celte  institution,  tlont  les  conséquences  bienlai- 
sanles  sont  incalculables,  niarcpiera  une  ère  nouvelle  d.-in^ 
Ihistoire  de  Thumanité  et  de  la  civilisation. 


INTRODUCTION 


Il  nous  reste  à  expliquer  et  à  justifier  brièvement  le  plan  que 
nous  avons  adopté.  L'histoire  de  la  langue  universelle  '  est 
l'histoire  des  diverses  tentatives  qui  ont  été  faites  pour  instituer 
une  telle  langue,  et  principalement  des  divers  projets  de  langues 
artificielles  qui  ont  été  proposés  pour  cet  office.  Pour  classer 
ceux-ci,  l'ordre  chronologique  paraissait,  au  premier  abord, 
le  plus  naturel  dans  un  ouvrage  historique.  Mais,  si  nous  l'avions 
rigoureusement  suivi,  il  nous  eût  amenés  à  entremêler  des 
projets  de  nature  et  d'esprit  très  différents,  ce  qui  eût  laissé 
au  lecteur  une  impression  de  confusion  et  de  chaos.  Au  con- 
traire, leur  succession  en  apparence  irrégulière  s'éclaire  et 
s'ordonne,  si  l'on  distingue  trois  familles  de  projets.  Il  y  a, 
d'une  part,  des  projets  qui,  pour  des  raisons  diverses,  ne 
tiennent  aucun  compte  des  langues  naturelles,  et  qui  sont  des 
langues  originales,  construites  de  toutes  pièces  :  nous  les  appe- 
lons systèmes  a  priori.  Il  y  a,  d'autre  part,  des  projets  qui,  prenant 
pour  modèle  les  langues  naturelles  (particulièrement  les  lan- 
gues européennes),  s'efforcent  de  les  imiter  et  leur  empruntent 
presque  tous  leurs  éléments  :  nous  les  appelons  systèmes  a  pos- 
teriori. Entre  ces  deux  groupes,  radicalement  distincts  par 
leurs  tendances,  il  existe  un  certain  nombre  de  projets  qui 
s'inspirent  à  la  fois  des  deux  principes  opposés,  et  qui  offrent 

1.  Nous  prévenons  le  lecteur  que  nous  employons  l'expression  de  langue 
universelle  comme  synonyme  de  «  langue  internationale  auxiliaire  ».  En 
effet,  d'une  part,  «  langue  universelle  »  ne  veut  pas  dire  «  langue  unique  de 
l'humanité  »  ;  et,  d'autre  part,  nous  pouvons  affirmer,  après  enquête,  qu'aucun 
des  auteurs  modernes  de  «  langues  universelles  »  n'a  prétendu  supprimer 
ou  supplanter  les  langues  nationales  :  la  plupart  l'ont  môme  déclaré  expli- 
citement. L'interprétation  contraire  est  donc  injuste  et  fausse 


XXVIII  INTRODUCTION 

un  mélange  des  caractères  propres  aux  deux  groupes  (ce  sont 
principalement  le  Volapnk  et  ses  dérivés);  nous  les  appelons 
pour  cette  raison  systèmes  mixtes  K  Ce  sont  là  trois  familles  vrai 
ment  naturelles,  car,  comme  on  le  verra,  les  projets  de  chacune 
d'elles  présentent  des  caractères  communs  qui  les  distinguent 
nettement  des  autres.  Nous  avons  donc  réparti  tous  les  projets 
de  langues  artificielles  en  trois  sections,  et  c'est  seulement  à  l'inté 
rieur  de  chacune  d'elles  que  nous  avons  suivi  l'ordre  chronolo- 
gique, qui  souvent  marque  aussi  un  rapport  de  liliatifui. 

Nous  commencerons  parles  systèmes  a  priori,  parce  que  cett<- 
section  comprend  tous  les  projets  anciens,  notamment  les  pro 
jets  de  langues  philosophiques;  et  nous  finirons  par  les  sys- 
tèmes a  posteriori,  parce  qu'ils  sont  tous  modernes,  et  que  la 
plupart  d'entre  eux  sont  postérieurs  au  Volapûk  (type  des  sys- 
tèmes mixtes).  Cet  ordre  nous  paraît  d'ailleurs  conforme  à 
l'évolution  naturelle  de  l'idée  de  la  langue  universelle,  comme 
nous  le  montrerons  dans  notre  Conclusion.  A  la  suite  des  systèmes 
a  posteriori,  nous  étudierons,  dans  un  chapitre  final,  les  projets 
qui  tendent  à  ressusciter  une  des  langues  mortes  (le  latin  surtout^ 
car  ce  sont  évidemment  les  plus  a  posteriori.  Enfin,  il  convenait 
de  dire  un  mot  des  pasigraphies  (langues  universelles  écrites), 
bien  qu'elles  sortent  des  conditions  du  programme  de  la  Délé- 
galion,  parce  qu'on  les  confond  souvent  avec  les  langues  univer- 
selles proprement  dites  (à  la  fois  parlées  et  écrites),  et  parce 
qu'elles  reposent  sur  les  mêmes  principes  que  celles-ci.  Nous 
en  ferons  l'objet  d'un  chapitre  préliminaire,  attendu  que  la  plu- 
part des  pasigraphies  sont  des  projets  anciens,  analogues  aux 
langues  philosophiques. 

Nous  avons  analysé  tour  à  tour  les  différents  projets  d'une 
manière  absolument  impartiale,  en  leur  consacrant,  comme  de 
juste,  une  étendue  proportionnelle  à  leur  importance,  c'est-à-dire 
à  leur  degré  de  développement  et  à  leur  originalité.  Pour  rendre 
ces  analyses  plus  aisément  comparables,  nous  leur  avons  imposé, 
autant  que  possible,  un  plan  uniforme  :  après  un  préambule  où 
nous  résumons  les  idées  directrices  de  l'auteur,  les  intentions  et 
les   opinions   qui   ont   inspiré  son   projet,    nous    analysons  la 

1.  Cette  classification,  ainsi  que  les  appellations  a  priori,  a  posteriori,  nous 
a  ete  suggérée  par  le  Rapport  sur  la  question  de  la  langue  internationale, 
présente  par  M.  Gaston  Moch  au  8"  Congrès  universel  'de  la  Paix  (1897). 
l-t.  le  rapport  du  Comité  de  la  Société  de  Linguistique  (Section  I,  eh.  xi). 


INTRODUCTION  XXIX 

Grammaire,  puis  le  Vocabulaire,  et  chacune  de  ces  parties  toujours 
dans  le  même  ordre  (la  grammaire  comprenant  l'alphabet  et  la 
prononciation,  puis  la  morphologie  des  diverses  «  parties  du 
discours  »,  et  enfin  la  syntaxe;  le  vocabulaire  comprenant  les 
radicaux,  les  dérivés  et  les  composés).  A  cette  analyse  théorique 
nous  avons  joint,  autant  que  possible,  un  spécimen  de  la  langue  * 
et,  lorsqu'il  y  avait  lieu,  un  Historique  du  projet. 

Nous  aurions  pu  nous  en  tenir  là  ;  peut-être  même  l'aurions- 
nous  dû,  pour  conserver  à  notre  travail  un  caractère  rigoureu- 
sement historique  et  objectif.  Si  nous  ne  l'avons  pas  fait,  c'est 
parce  que  notre  ouvrage  a  en  même  temps  une  fin  pratique, 
qui  est  de  propager  l'idée  de  la  langue  universelle  et  de  préparer 
le  public  à  sa  réalisation.  Pour  cela,  il  fallait  dégager  de 
l'histoire,  impartialement  consultée,  les  conclusions  pratiques 
qu'elle  nous  paraît  comporter,  et  tirer  du  passé  d'utiles  leçons 
pour  l'avenir.  En  outre,  nous  tenions  à  rendre  notre  travail  aussi 
instructif  que  possible,  même  pour  le  lecteur  le  moins  versé 
dans  la  philologie.  Par  suite,  il  ne  convenait  pas  de  laisser 
celui-ci  en  présence  de  plus  de  cinquante  projets  très  divers, 
sans  lui  donner  aucune  indication  critique,  sans  lui  fournir 
aucun  point  de  repère  et  de  comparaison.  Il  y  a  plus  :  il  est 
impossible  de  donner  une  idée  exacte  et  complète  d'un  projet 
par  une  simple  analyse,  forcément  sommaire  et  abstraite,  de  sa* 
grammaire  et  de  son  vocabulaire,  ou  même  par  un  échantillon 
de  quelques  lignes;  il  faut  encore  en  caractériser  l'esprit,  la 
méthode  générale,  la  physionomie,  et  ces  considérations  d'en- 
semble pi'ennent  forcément  la  forme  d'une  critique*.  Pour 
toutes  ces  raisons,  nous  avons  cru  devoir  faire  de  chaque  projet 
une  Critique,  dont  l'étendue  se  mesure  en  général,  non  pas  à  ses 
défauts,  mais  bien  plutôt  à  ses  mérites,  et  qui  est  destinée  avant 
tout  à  en  dégager  les  principes  elles  traits  essentiels.  Sans  doute, 
nous  avons  été  ainsi  conduits  à  louer  tel  détail  et  à  blâmer  tel 
autre,  à  faire  ressortir  ce  qui  nous  paraissait  «  le  fort  »  et  «  le 
faible  «  de  chaque  projet.  Mais  ce  ne  sont  là  que  des  apprécia- 

1.  Toutes  les  fois  que  nous  l'avons  pu,  ce  spécimen  est  la  traduction  du 
Pater  :  1"  parce  que  le  texte  en  est  universellement  connu;  2"  parce  que  ce 
spécimen  nous  était  fourni  par  le  plus  grand  nombre  des  projets;  T  parce 
qu'il  est  plus  facile  de  comparer  les  diverses  langues  sur  un  même  texte 
original. 

2.  Est-il  besoin  de  dire  que  nous  employons  ce  mot  au  sens  propre  ot 
étymologique,  qui  signilie  jugement  et  non  blâme'! 


XXX  INTRODUCTION 

lions  personnelles,  que  le  lecteur  peut  rectifier  ou  retourner  au 
moyen  des  données  mêmes  que  nous  lui  fournissons.  De  mônic. 
nous  avons  résumé  dans  une  Critique  générale  les  caractères  com- 
muns et  les  principes  généraux  des  projets  de  chaque  section  ;  le 
lecteur  est  libre  de  les  juger  autrement  que  nous,  nous  lui 
aurons  du  moins  épargné  la  peine  de  les  dégager  et  de  les 
réunir.  De  même,  enfin,  nous  n'avons  pas  épargné  les  critiques 
au  latin.  Pourquoi?  Parce  que  les  avantages  historiques  et  lill 
raires  du  latin  sont  manifestes  à  tous,  tandis  que  les  difficultés, 
les  inconvénients  et  les  défauts  de  cette  langue  passent  inaperçus, 
tant  aux  yeux  de  ceux  qui  la  savent  (parce  que  l'habitude  les 
leur  fait  oublier)  qu'aux  yeux  de  ceux  qui  ne  la  savent  pas.  En 
un  mot,  nous  nous  sommes  efforcés  de  dresser  équitablenient  le 
bilan  de  chaque  projet,  et  nous  laissons  au  lecteur  le  soin 
d'évaluer  et  de  comparer  l'actif  et  le  passif.  Nous  avons  voulu 
simplement  mettre  le  public  au  courant  de  l'histoire  de  la  ques- 
tion et  de  son  état  actuel,  en  réunissant  dans  ce  volume  des 
renseignements  qu'il  est  impossible  de  trouver  ailleurs  rassem- 
blés; et  le  mettre  en  mesure  de  se  faire  une  opinion  personnelle, 
en  soumettant  ces  matériaux  à  une  discussion  critique  qui  en 
prépare  et  en  facilite  la  comparaison. 

11  est  souvent  très  difficile  de  se  procurer  les  documents  rela 
tifs  à  l'histoire  de  la  langue  universelle.  Quelques-uns  d'entre 
eux  (parfois  fort  rares  et  fort  précieux)  nous  ont  été  communi- 
qués par  MM.  Michel  Bréal  et  le  général  Sebert,  membres  de 
l'Institut  de  France;  Hermann  Diels,  de  l'Académie  des  Scienc 
de  Berlin;  Victor  Egger,  professeur  de  l'Université  de  Paris; 
L.  de  Beaufront,  Léon  Bollack,  C.  Bourlet,  George  Hesuerson, 
A.  Kerckhoffs,  F.  Kurschner,  le  D'  Letellier  et  VI,  Rosenbergeh. 
Nous  tenons  à  leur  en  exprimer  ici  tous  nos  remerciements. 


ABRÉVIATIONS    ET   SIGNES: 


D. 

=  allemand  (deulsch). 

E. 

=  anglais  (englisli). 

F. 

=  français. 

G. 

=  grec  (ancien). 

I. 

=  italien. 

L. 

=  latin. 

P. 

=  portugais. 

Pol. 

=  polonais. 

R. 

=  russe. 

S. 

=1::  espagnol. 

L.  I. 

=  langue  internationale. 

m. 

=:  masculin. 

f. 

=  féminin. 

n. 

=  neutre. 

s. 

=  sing.  =  singulier. 

pi. 

==  plur.  =  pluriel. 

P- 

=  pers.  =  personne. 

litt. 

=:  littéralement. 

Les  lettres  égyptiennes  indiquent  les  mots  de  la  langue  artificielle 
étudiée;  les  lettres  italiques  indiquent  les  mots  correspondants  des 
langues  naturelles  (du  français,  quand  il  n'y  a  pas  d'indication). 
Les  lettres  normandes  (c  et  v)  indiquent  la  place  respective  d'une 
consonne  ou  d'une  voyelle  indéterminée  dans  un  schéma  de  mot. 


HISTOIRE 


DE  LA 


LANGUE  UNIVERSELLE 


CHAPITRE  PRELIMINAIRE 


LES    PASIGRAPHIES 

On  appelle  pasigraphie  une  langue  universelle  exclusivement 
écrite,  un  système  de  signes  écrits  (ou  plus  généralement  de 
signes  optiques)  destiné  à  exprimer  et  à  transmettre  la  pensée. 
Comme  les  langues  de  ce  genre  se  trouvent  exclues  par  les  con- 
ditions énoncées  dans  la  Déclaration,  nous  ne  croyons  pas  devoir 
étudier  ici  un  à  un  les  divers  projets  de  pasigraphie.  Nous  nous 
bornerons,  pour  en  donner  une  idée,  à  en  formuler  le  principe 
général. 

Supposons  qu'on  numérote  tous  les  mots  du  dictionnaire 
d'une  langue,  ainsi  que  les  flexions  grammaticales  et  les  affixes  ; 
chaque  mot  (ou  élément  de  mot)  pourra  être  représenté  par  le 
nombre  correspondant;  et  si  l'on  assigne  les  mômes  numéros 
aux  mots  équivalents  d'une  autre  langue,  on  pourra  traduire 
dans  celle-ci  le  texte  chiffré.          ^ 

Tel  est  le  principe  général  de  toutes  les  pasigraphies.  Elles  ne 
diffèrent  que  dans  l'application,  et  cela  de  deux  manières  :  fpar 
l'ordre  assigné  aux  mots  ou  aux  idées;  2°  par  la  nature  des 
signes  employés. 

Si  l'ordre  assigné  aux  idéos  prétend  suivre  une  classification 
logique,  on  a  une  pasigraphie  philosophique.  Sinon,  on  a  une 
pasigraphie  purement  empirique  ou  pratique. 

CouTURAT  ET  Leau.  —  Lanfruc  uuiv.  1 


2  CHAPITRE  PRÉLIMINAIRE 

Les  nombres  dont  nous  avons  parlé  ne  sont  pas  autre  chose 
que  des  combinaisons  des  10  chiffres.  Si  l'on  remplace  ces 
chiffres  par  des  lettres  ou  des  signes  quelconques  (auxquels  on 
assigne  un  ordre  fixe)  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  on  aura 
des  combinaisons  de  lettres  ou  de  signes  qui  joueront  le  mi^mc 
rôle,  et  quon  pourra  ranger  dans  un  dictionnaire  suivant  un 
ordre  analogue  à  Tordre  numérique  ou  alphabétique. 

Les  pasigraphies  sont  analogues  aux  langues  a  priori,  l^ien 
nempèche,  en  effet, de  transformer  une pasùjrophieeu pasiphrasie. 
c'est-à-dire  en  une  langue  parlée  :  il  suffit  de  prendre  pour 
signes  des  lettres,  et  de  ne  former  que  des  combinaisons  «  pn» 
nonçables  »  de  lettres,  par  un  mélange  convenable  de  voyelles 
et  de  consonnes.  C'est  ce  qu'ont  fait  notamment  Dvlgarno  et 
WiLKiNS  pour  la  numération  et,  pour  tout  le  vocabulaire.  Gros 
SELiN  et  Letellier  (voir  Section  I,  ch.  il,  m,  vu,  i.\). 

Nous  ne  ferons  exception  que  pour  deux  pasigraphies,  parc<' 
qu'elles  ont  reçu  une  application  pratique  et  une  consécration 
officielle  :  ce  sont  le  Code  international  des  signaux  maritimes  et  la 
Classification  bibliographique  décimale. 


CODE  INTERNATIONAL  DES  SIGNAUX  MARITIMES  ' 

Les  signaux  maritimes  ont  pour  éléments  18  pavillons  '  bien 
distincts  de  couleur  et  de  dessin.  Chacun  de  ces  pavillons  cor- 
respond à  l'une  des  18  consonnes  :  R,  C,  D,  F,  G,  H,  J,  K,  L,  M, 
N,  P,  Q,  R,  S,  T,  Y,  W,  qui  est  en  quelque  sorte  son  nom,  et  qui 
le  représente  dans  le  Code  (pour  la  commodité  de  l'impression). 
Les  «  mots  *  de  la  langue  sont  constitués  par  les  «  arrange- 
ments »  sans  répétition  de  ces  pavillons  2  à  2,  3  à  3  et  4  à  4;  il 
y  en  a  78.642  :  c'est  dire  qu'il  en  reste  un  grand  nombre  en  blanc^ 
pour  les  usages  nationaux  et  particuliers.  Ces  combinaisons  sont 
consignées  par  ordre  dans  le  Code  avec  leur  signification  (dans 
l'une  quelconque  des  langues  fiationales).  Cette  signification  est 


\.  Code  international  de  signaux  à  l'usar/ecles  bâtiments  de  toutes  nations 
(in-8°,  Paris,  1871)  publié  par  les  soins  de  Sallandrouze  de  Lamornaix  (mort 
amiral  de  la  marine  française). 

2.  Plus  exactement  :  1  guidon,  5  flammes  et  12  pavillons  carrés:  plus  un 
pavillon  spécial  qui  est  le  symbole  du  Code,  et  qui  annonce  qu'on  va  faire 
les  signaux. 


LES    PASIGRAPHIES  3 

soit  un  mot,  soit  une  phrase  tout  entière,  ou  encore  un  nombre. 

La  classification  des  sens  attribués  à  ces  divers  signaux  n'a 
aucune  prétention  logique  :  elle  est  dictée  par  des  motifs  tout 
pratiques.  Les  signaux  de  2  signes  expriment  les  aires  de  vent, 
les  avis  pressés  et  importants.  Les  signaux  de  3  signes  expriment 
les  longitudes  et  latitudes,  et  les  demandes  et  renseignements 
les  plus  utiles  en  mer.  Les  signaux  de  4  signes  (de  beaucoup  les 
plus  nombreux)  sont  divisés  en  trois  catégories  :  jusqu'à  CGWV,  • 
ils  désignent  des  noms  géographiques;  de  CHBD  à  FGMD,  ils 
représentent  des  mots  usuels;  deGQBCà  WVTS,  ils  représentent 
des  noms  de  bâtiments,  différents  pour  chaque  nation,  de  sorte  que 
chacun  de  ces  signaux  doit  être  précédé  du  signal  indiquant  la 
nationalité.  Chaque  nation  dispose  donc  de  cette  section  du 
Code;  elle  y  inscrit  d'abord  ses  bâtiments  de  guerre  (initiale  G), 
puis  ses  bâtiments  de  commerce  (initiales  H  et  suivantes). 

Quand  les  bâtiments  qui  doivent  correspondre  sont  à  trop 
grande  distance  pour  qu'on  puisse  distinguer  les  pavillons,  on 
remplace  chacun  d'eux  par  une  combinaison  de  3  signes  incolores 
reconnaissables  à  leur  silhouette  (boule,  flamme  et  carré).  La 
nuit,  ces  signes  sont  remplacés  par  des  feux  de  couleurs  et  de 
dispositions  diverses. 

Le  Code  comprend,  outre  le  dictionnaire  qui  permet  de  tra- 
duire un  signal  en  langage  ordinaire,  un  dictionnaire  qui  permet 
de  traduire  un  mot  ou  une  phrase  par  un  signal.  Les  mots  sont 
rangés  par  ordre  alphabétique  ;  les  phrases  se  trouvent  à  la  suite 
du  mot  qui  y  joue  le  principal  rôle. 


Historique. 

L'histoire  de  l'invention  et  de  l'adoption  du  Code  international 
est  fort  intéressante  pour  les  partisans  de  la  langue  universelle, 
car  c'est  un  exemple  «  vivant  »  de  langue  universelle  adoptée  par 
une  entente  internationale.  Elle  est  résumée  dans  le  rapport 
adressé  par  le  ministre  de  la  marine  Chasseloup-Laubat  à  l'em- 
pereur Napoléon  III,  pour  le  prier  de  signer  le  décret  du 
23  juin  1864  qui  mettait  le  Code  en  vigueur  pour  la  France.  Le 
ministre  rappelle  que  le  Règlement  international  pour  prévenir  les 
abordages  en  mer  a  été  adopté  d'abord,  d'une  commune  entente, 
par  la  France  et  l'Angleterre  (décret  du  23   octobre  1862),  et 


4  CHAPITRE   PRÉLIMINAIRE 

ensuite,  à  leur  exemple,  par  20  autres  puissances  maritimes. 
De  même,  il  espère  (et  nous  croyons  que  cette  espérance  sVsl 
réalisée)  que  la  «  langue  maritime  universelle  »  (sic)  que  la  Fram 
et  l'Angleterre  vont  instituer  sera  bientôt  adoptée  par  toutes  1»- 
autres  nations. 

Il  existait  déjà  des  codes  de  signaux  maritimes,  mais  iU 
étaient  propres  à  chaque  nation,  et  même  il  y  en  avait  plusieurs 
de  la  même  nation  :  en  Angleterre,  ceux  de  Tynn  (1818),  de 
Squire  (1820),  de  Philipp  (1836)  et  de  Marryal;  en  France,  le 
code  Reynold;  en  Amérique,  le  code  Rogers.  On  comprend 
aisément  les  inconvénients  de  cet  étal  de  choses,  qui  empêchait 
les  navires  de  différentes  nations  de  communiquer  à  distance  et 
au  besoin  de  se  porter  secours;  de  même  qu'avant  le  lièglement 
de  1862,  faute  d'une  convention  internationale  sur  les  feux  de 
position  et  la  marche  à  suivre  en  cas  de  rencontre,  les  risques 
d'abordage  étaient  beaucoup  plus  grands.  Pour  remédier  à  cela, 
le  Board  of  Trade  avait  nommé  en  1855  un  comité  qui  formula  en 
1856  un  projet  de  code  international.  Le  ministère  dp  la  marine 
de  France  nomma  de  son  côté  une  commission  qui  s'entendit 
avec  celle  du  Board  of  Trade;  on  réforma  et  perfectionna  le  projet 
de  1856,  et  c'est  ce  projet  qui  fut  adopté  en  1864  par  les  deux 
gouvernements.  Comme  on  l'a  vu,  le  travail  de  rédaction  du  Code 
français  dura  plusieurs  années,  puisqu'il  ne  parut  qu'en  1871. 

Cette  histoire  suggère  quelques  réflexions.  Et  d'abord,  c'est 
avec  un  étonnement  mêlé  de  quelque  honte  qu'on  apprend  que 
des  mesures  dun  intérêt  aussi  urgent,  aussi  vital,  nont  été 
prises  qu'il  y  a  trente  ou  quarante  ans.  On  se  demande  comment 
et  pourquoi  l'on  ne  s'était  pas  avisé  plus  tôt  de  conventions  si 
simples  et  si  salutaires. 

Ensuite,  on  constate  avec  satisfaction  qu'il  a  suffi  de  l'entente 
de  deux  nations  (il  est  vrai  que  c'étaient  alors  les  deux  puis- 
sances maritimes  principales  et  presque  uniques)  pour  imposer 
à  toutes  les  autres  ces  institutions,  uniquement  en  vertu  de  leur 
intérêt.  On  peut  donc  croire  que,  le  jour  où  les  principales 
nations  d'Europe  et  d'Amérique  adopteraient  officiellement  une 
langue  internationale,  toutes  les  autres  seraient  bientôt  obligées 
de  l'apprendre  et  de  l'employer. 

Enfin,  on  ne  peut  s'empêcher  de  trouver  que  le  Code  interna- 
tional, si  bienfaisant  qu'il  soit,  est  pourtant  tout  à  fait  insuffi- 
sant. Il  permet  bien  aux  marins  de  correspondre  de  bord  à  bord, 


LES   PASIGRAPHIES  5 

mais  non  pas  d'homme  à  homme.  On  a  bien  un  signal  pour 
demander  d'un  bateau  à  l'autre  un  médecin  ou  un  chirurgien; 
mais,  par  un  contraste  étrange,  ce  médecin,  une  fois  à  bord,  ne 
peut  plus  communiquer  avec  les  hommes  qui  l'ont  appelé,  s'il 
se  trouve  appartenir  à  une  autre  nation  et  ignorer  leur  langue. 
Comment  pourra-t-il  interroger  le  malade  ou  le  blessé?  Comment 
celui-ci  ou  ses  camarades  pourront-ils  lui  expliquer  l'accident? 
Comment  i)ourra-t-il  demander  à  bord  ce  dont  il  a  besoin,  se 
faire  aider  dans  l'opération,  ordonner  des  soins?  Le  Code  inter- 
national n'est  plus  d'aucun  secours.  Son  œuvre  humanitaire  est 
donc  incomplète. 

Mais  il  n'est  pas  besoin  d'aller  sur  mer,  ni  d'envisager  des 
circonstances  imaginaires,  pour  se  convaincre  que  la  Langue 
internationale  est  d'une  nécessité  vitale  et  humaine.  Une  armée 
internationale  est  réunie  en  Chine  :  admettons  que  les  officiers 
soient  tous  d'éminents  polyglottes;  les  soldats,  en  tout  cas,  ne 
le  sont  pas.  Arrive  un  événement  grave  et  subit,  une  attaque, 
un  incendie,  une  rixe  :  comment  les  soldats  pourront-ils 
s'entendre  pour  se  prêter  main-forte,  pour  concerter  la  résistance, 
pour  dissiper  un  malentendu  meurtrier?  Comment  même  pour- 
ront-ils tous  ensemble  obéir  aux  commandements  qu'un  officier 
leur  donnera  dans  sa  langue  nationale?  Voici  un  autre  fait,  tout 
récent  :  pour  réprimer  des  troubles  dans  une  ville  de  population 
polonaise,  on  a  fait  faire  des  charges  par  des  détachements  de 
cavalerie  hongroise.  Plusieurs  personnes  ont  été  tuées  ou 
blessées  faute  de  comprendre  les  ordres  et  les  sommations;  un 
médecin  polonais  qui  soignait  les  blessés  n'a  dû  son  salut  qu'à 
ce  qu'il  s'est  rappelé  (à  temps!)  les  deux  mots  hongrois  qui 
signifient  :  Croix-Rouge. 

Tous  ces  faits  authentiques,  d'expérience  courante,  prouvent 
que  la  «  langue  maritime  universelle  »  est  loin  de  répondre  à 
tous  les  besoins  des  relations  internationales,  et  que,  si  l'on  veut 
être  fidèle  à  l'idée  humanitaire  qui  l'a  inspirée  et  la  réaliser  plei- 
nement, il  est  urgent  d'instituer  une  langue  internationale  parlée 
et  écrite,  qui  sera  d'un  usage  bien  plus  général  et  dun  manie- 
ment plus  facile. 


CHAPITRE   PRELIMINAIRE 


CLASSIFICATION  BIBLIOGRAPHIQUE  DÉCIMALE  ' 

Il  y  a  une  autre  pasigraphie  qui  est  entrée  dans  la  pra- 
tique et  qui  rend  des  services  d'un  autre  ordre  :  c'est  la  clas- 
sification bibliographique  décimale,  proposée  dés  1873  par  M.  Melvii. 
Dewey,  président  de  ÏAssociation  des  bibliothécaires  américains. 
et  adoptée  par  Vinstitiit  de  bibliographie  internationale,  fondé  ii 
Bruxelles  en  1895  pour  établir  un  répertoire  bibliographiqui- 
universel  des  productions  intellectuelles  du  monde  entier. 
Ce  répertoire  a  pour  base  une  classification  méthodique  de 
toutes  les  connaissances  humaines  et  de  tous  les  objets 
d'étude.  Celle-ci  se  traduit  par  des  nombres  ou  numéros  classi- 
ficateurs  qui  permettent  de  ranger  les  fiches  (représentatives 
des  ouvrages)  suivant  l'ordre  idéologique  des  matières,  tii- 
manière  à  rapprocher  et  à  classer  ensendjle  les  ouvrages 
relatifs  au  même  sujet,  et  à  permettre  l'intercalation  indéfinie 
de  nouvelles  fiches  sans  troubler  l'ordre  antérieurement  établi. 

Voici  comment  sont  formés  les  numéros  classificateurs  :  l'en- 
semble des  connaissances  humaines  est  divisé  en  dix  grandes 
classes  désignées  par  les  dix  chiffres,  de  0  à  9  : 

0  Généralités. 

1  Philosophie. 

2  Religion,  théologie. 

3  Sciences  sociales,  droit. 

4  Philologie,  linguistique. 

3  Sciences  mathématiques  et  naturelles. 

6  Sciences  appliquées,  technologie. 

7  Beaux-Arts. 

8  Littérature. 

9  Histoire  et  Géographie. 

Chacune  de  ces  classes  comprend  à  son  tour  10  divisions 
numérotées  par  un  des  chiffres  de  0  à  9,  et  qu'on  désigne  en 
plaçant  ce  chiffre  à  droite  du  chiffre  de  la  classe.  Par  exemple, 
la  cinquième  classe  est  divisée  comme  suit  : 

^  1.  Classification  décimale  :  Tables  rjénérales  abrégées.  Publication  n»  9  de 
rOfllce  international  de  Bibliographie,  73  p.  8"  (Bruxelles,  1897).  Annuah" 
de  l'Institut  international  de  Bibliographie  pour  l'année   1902,  174  i).  s 
(Bruxelles,  1902). 


LES   PASIGRAPHIES  7 

50  Généralités. 

51  Mathématiques. 

52  Astronomie,  géodésie,  navigation. 

53  Physique  (et  mécanique). 

54  Chimie  (et  minéralogie). 

55  Géologie. 

56  Paléontologie. 

57  Biologie,  anthropologie. 

58  Botanique. 

59  Zoologie. 

Puis  chacune  de  ces  divisions  est  partagée  en  10  sections, 
qu'on  désigne  en  plaçant  le  chiffre  correspondant  à  droite  de 
ceux  qui  désignent  la  division.  Par  exemple  la  Physique  (53)  est 
subdivisée  comme  suit  : 

530  Généralités. 

531  Mécanique. 

532  Hydrostatique  et  hydrodynamique. 

533  Pneumaticjue  (gaz;  aérostation). 

534  Acoustique. 

535  Optique. 

536  Chaleur,  thermodynamique. 

537  Électricité. 

538  Magnétisme. 

539  Physique  moléculaire. 

On  conçoit  aisément  que  ce  procédé  de  subdivision  peut  ètr(^ 
prolongé  autant  qu'il  est  besoin  pour  enfermer  l'idée  ou  le  sujet 
considéré  dans  une  classe  spéciale;  celle-ci  sera  désignée  sans 
ambiguïté    par   la  série   des   chiffres  qui   désignent    toutes  les 
divisions  antérieures.  Voici  un  exemple  de  ces  déterminations 
ou  spécifications  progressives  : 
61  Médecine. 
612  Physiologie. 
612.3  Digestion. 
612.31  Bouche. 

612.313  Glandes  salivaires. 

612.313.6  Pathologie  de  la  salive. 
612.313.03  Microbes  de  la  salive. 
Tel  est  le  principe  de  la  classification  décimale.  Nous  n'entre- 
rons pas  dans  le  détail  des  notations  qui  permettent  d'exprimer 
les  relations  ou  les  combinaisons  de  plusieurs  idées  exi)riniées 


8  CHAPITRE  PRÉLIMINAIRE 

chacune  par  un  nombre.  Bornons-nous  à  en  donner  un  exemple  : 

étant  donné  que  : 

31      =  statistique, 

331.2  =  salaire, 

677    =  industrie  textile, 

31  :  331,2  :  677  signifiera  :  statistique  des  salaires  dans  lindustrio 
textile. 

Pour  ranger  par  ordre  tous  ces  nombres  (qui  ont  des  nombres 
de  chiffres  très  divers),  on  les  considère  comme  dos  nombres 
décimaux  dont  on  aurait  supprimé  le  zéro  et  la  virgule,  et  on  les 
range  par  ordre  de  grandeur  croissante,  c'est-à-dire  dans  l'ordre 
de  leurs  premiers  chiffres  (à  gauche),  s'ils  diffèrent;  sinon,  dans 
l'ordre  de  leurs  deuxièmes  chilTres,  s'ils  dilTèrent;  sinon,  dans 
l'ordre  de  leurs  troisièmes  chiffres,  et  ainsi  de  suite.  Cet  ordre 
est  analogue  à  Tordre  alphabétique  employé  dans  les  diction- 
naires; il  permet  d'intercaler  entre  deux  nombres  quelconques 
autant  d'intermédiaires  qu'on  veut.  Ainsi  la  classification  déci- 
male réunit  les  avantages  du  classement  idéologique  et  du  clas- 
sement alphabétique.  En  outre,  elle  reste  toujours  ouverte  à  des 
subdivisions  nouvelles,  et  elle  est  i)ar  suite  susceptible  d'une 
extension  indéfinie. 

«  Les  nombres  classificateurs  correspondant  à  des  idées  et 
non  à  des  mots,  ils  constituent  une  véritable  nomenclature  inter- 
nationale. >  Par  exemple,  «  au  même  nombre  536  correspondra 
le  mot  Chaleur  dans  les  tables  françaises,  Wàrme  dans  les  tables 
allemandes,  Heat  dans  les  tables  anglaises  ».  La  classification 
bibliographique  ainsi  obtenue  est  donc  absolument  interna- 
tionale. 

Nous  n'avons  pas  à  apprécier  ici  les  services  que  ce  système 
rend  à  la  bibliographie'.  Nous  n'avons  à  le  considérer  que 
comme  une  pasigraphie  et  comme  un  moyen  de  communication 
international.  Au  contraire  du  Code  des  signaux  maritimes,  dont 
les  combinaisons  ont  une  signification  arbitraire,  cette  pasi- 
graphie repose  sur  une  base  logique.  En  revanche,  elle  est  d'une 
portée  bien  moins  étendue  :  ce  n'est  pas  une  langue,  mais  simple- 

1.  L'idée  de  prendre  les  chiffres  pour  index  des  subdivisions  d'une  classi- 
flcation  est  très  naturelle  et  très  ingénieuse.  Comme  le  pensait  Leibniz,  les 
nombres  sont  les  plus  commodes  de  tous  les  signes,  d'abord,  parce  qu'ils 
sont  concis  et  maniables;  ensuite,  parce  qu'ils  possèdent  un  ordre  fixe  et 
bien  déterminé;  enfin,  parce  qu'ils  sont  en  nombre  illimité. 


LES   PASIGRAPHIES  9 

ment  une  nomenclature.  Elle  n'exprime  en  somme  que  des  con- 
cepts ou  des  classes  d'objets;  elle  est  analogue  à  une  langue  qui 
ne  comprendrait  que  des  substantifs  et  des  adjectifs,  mais  pas 
de  verbes.  Elle  serait  incapable  de  traduire  la  moindre  phrase. 
On  ne  peut  donc  pas  la  considérer  comme  une  langue  interna- 
tionale. 

Nous  n'insistons  pas  sur  ce  fait  qu'elle  n'est  qu'une  pasigraphie, 
c'est-à-dire  une  langue  écrite,  car  il  serait  facile  de  la  transformer 
en  une  langue  parlée  en  traduisant  les  chiffres  par  des  sons. 
C'est  précisément  ce  qu'ont  fait  certaines  langues  philosophiques 
(Delormel,  Vidal,  Letellier)  qui  reposent  sur  une  classification 
décimale  des  idées.  Nous  indiquerons,  dans  la  critique  de  ces 
projets,  les  raisons  pour  lesquelles  il  ne  nous  paraît  pas  pos 
sible  de  prendre  une  classification  logique  quelconque  pour  base- 
d'une  langue  internationale;  nous  nous  permettons  d'y  renvoyer 
le  lecteur. 

Bibliographie. 

Voici,  à  titre  de  renseignement,  la  liste  des  principaux 
systèmes  de  pasigraphies  ; 

Joseph  DE  Malmieux  :  Pasigraphie,  dédiée  à  Sicard  (Paris,  1797). 

WoLKE  :  Die  Pasiphrasie  (Dessau,  1797). 

Moses  Paic  :  Pasigraphie  mittels  arabischer  Zahlzeichen  (Semlin, 
18o9). 

Sinibaldo  de  Mas  :  L'Idéographie  (Paris,  Duprat  et  Rothschild, 
1863). 

Bachmaier  :  Pasigraphisches  Wôrterbuch,  deutsch-englisch-fran- 
zosisch  (Augsburg,  1868);  id..  Édition  anglaise  (ibid.,  1870). 

Janne  Damm  :  Praklische  Pasigraphie  (Leipzig,  Douffet,  1876). 

E.  de  Baranovski  :  L'Idéographie,  une  langue  pour  toutes  les 
nations  (Kharkov,  1884). 

Cari  Haag  :  Versuch  einer  graphischen  Sprache  auf  logischer  Grund- 
lage  (Stuttgart,  Kohlhammer,  1902). 

W.  Rieger  :  Zifferngrammatik,  ivelche  mit  Hilfe  der  Wôrterbûcher 
ein  mechanisches  Uebersetzen  aus  einer  Sprache  in  aile  anderen  ermog- 
licht  (Graz,  Styria,  1903)  K 


1.  Ce  dernier  projet,  comme  son  titre  l'indique,  ne  traduit  en  chiffres  que 
la  partie  grammaticale  des  mots,  et  emploie  les  radicaux  nationaux.  Ce  n'est 


10  CHAPITRE   PRÉLLMINAIRE 

On  peut  joindre  aux  Pasigraphies  le  langage  mimique,  pi. 
conisé  comme  langue  universelle  par  quelques  i)ersonn«^. 
notamment  par  Jean  Rambosson,  auteur  d'un  livre  sur  YOv'ujinc 
de  la  parole  et  du  langage  parlé,  qui  publia  en  i8o3  une  Élude  phi- 
losophique et  pratique  du  langage  mimique  comme  langage  universel 
(Hachette)  '.  Il  est  clair  qu'il  ne  peut  ùlro  question  du  langage 
des  sourds-muets,  qui  se  compose  de  signes  alphabrlicjucs.  et 
qui  suppose  une  langue  écrite,  soit  nationale,  soif  inlcnin 
tionale  *;  mais  seulement  d'un  système  de  signes  itléographiqiK-s 
qui  serait  un  développement  et  un  perfectionnemtMit  de  la 
mimique  naturelle,  à  laquelle  on  est  obligé  de  recourir  avec  dc-^ 
étrangers  dont  on  ignore  la  langue.  Or  il  importe  peu  «pie  ces 
signes  soient  des  dessins  écrits  ou  des  gestes  :  tout  ce  que  nous 
dirons  des  langues  idéographiques  (ou  philosophiques)  s'appli- 
quera à  un  tel  système. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'immense  majorité  des  hommes  trouvera 
toujours  plus  commode  l'emploi  des  signes  vocaux  et  écrits 
habituels  que  celui  des  signes  manuels;  et  cela  est  si  vrai,  que 
l'on  apprend  à  présent  aux  sourds-muets  à  parler  et  à  lire  la 
parole,  et  que  cette  nouvelle  méthode  est  considérée  comme 
un  progrès  par  rapport  à  la  méthode  de  l'abbé  de  l'Epée,  si 
utile  et  si  ingénieuse  qu'elle  soit.  Dans  tous  les  cas,  on  voit 
que  les  sourds-muets,  auxquels  certains  inventeurs  de  L.  I. 
ont  pensé  avec  une  sollicitude  fort  louable,  mais  trop  exclu- 
sive, ne  seront  nullement  privés  des  bienfaits  d'une  L.  I.  écrite 
et  parlée,  et  pourront  s'en  servir  par  la  méthode  qui  leur  seiii 
familière. 

donc  que  la  moitié  d'une  pasigraphie  numérique  analogue  à  celles  de  Paic 
et  de  Bachmaier. 

1.  Voir  aussi  le  journal  La  Science,  1835. 

2.  Cette  remarque  suffit  à  montrer  que  les  sourds-muets  pourront  parler 
par  gestes  une  langue  internationale  quelconque  aussi  bien  qu'une  langue 
nationale. 


SECTION  1 

SYSTÈMES    «   A    PRIORI 


CHAPITRE   I 


DESCARTKS 


Le  grand  philosophe  français  a  exprimé  son  opinion  sur  le 
problème  de  la  Langue  universelle  dans  une  Lettre  au  P.  Merseiine 
du  20  novembre  1629  ^  Son  ami  et  correspondant  lui  avait 
envoyé  un  placard  ou  prospectus  imprimé,  en  latin,  d'un  auteur 
inconnu,  contenant  six  propositions  relatives  à  une  langue  uni- 
verselle. Descartes  commence  par  discuter  ces  propositions,  en 
essayant  de  deviner  leur  sens,  avec  une  tendance  visible  (qui  est 
un  trait  de  son  caractère)  à  n'y  trouver  rien  de  merveilleux,  rien 
qu'il  n'eut  pu  inventer  lui-même  sans  peine.  Nous  citons  le  pas- 
sage le  plus  intéressant  de  cette  discussion,  parce  qu'il  contient 
un  programme  de  langue  artificielle  qui  a  été  réalisé  de  nos 
jours  : 

«  Pour  la  signification  des  mots,  il  n'y  promet  rien  de  parti- 
culier; car  il  dit  dans  la  quatrième  proposition  :  lingiiam  illam 
interpretari  ex  didionario,  qui  est  ce  qu'un  homme  un  peu  versé 
aux  langues  peut  faire  sans  luy  en  toutes  les  langues  com- 
munes... Ce  qui  empesche  que  tout  le  monde  ne  le  pourroit  pas 
faire,  c'est  la  difficulté  de  la  grammaire;  et  je  devine  que  c'est 


I.  Edition  Clerselier,  t.   I,  n"   111,  p.  498;  éd.  Cousin,  t.  VI,  p.  61;  id. 
Adam-Tannery,  t.  1,  p.  76  (Paris,  Cerf,  1898). 


12  SECTION   I     CHAPITRE  I 

tout  le  secret  de  vostre  homme.  Mais  ce  n'est  rien  qui  ne  soit 
tres-aisé;  car  faisant  une  langue,  où  il  n'y  ait  quune  faconde 
conjuguer,  de  décliner,  et  de  construire  les  mots,  qu'il  n'y  en  ait 
point  de  defectifs  ny  d'irreguliers,  qui  sont  toutes  choses  venues 
de  la  corruption  de  l'usage,  et  mesmc  que  rinflexion  des  noms 
ou  des  verbes  et  la  construction  '  se  fassent  par  affixes,  ou  devant 
ou  après  les  mots  primitifs,  lesquelles  affixes  soient  toutes  spé- 
cifiées dans  le  dictionnaire,  ce  ne  sera  pas  merveille  que  les 
esprits  vulgaires  apprennent  en  moins  de  six  heures  à  composer 
en  cette  langue  avec  l'aide  du  dictionnaire,  qui  est  le  sujet  de  la 
première  proposition.  » 

Dans  ces  lignes,  Descartes  esquisse  le  plan  d'une  langue  régu- 
lière et  pratique,  que  l'on  puisse  comprendre  immédiatement 
à  l'aide  du  seul  dictionnaire.  C'est  précisément  là  ce  que  le 
D""  Zameniiof  a  voulu  et  réalisé  en  créant  VEsperanlo.  Mais  Des- 
cartes paraît  dédaigner  une  telle  langue  utilitaire,  faite  pour  les 
«  esprits  vulgaires  »  ;  il  rêve  d'une  langue  philosophique  qu'il  définit 
en  ces  termes  : 

«  Au  reste,  je  trouve  qu'on  pourroit  adjouter  à  cecy  line  inven- 
tion, tant  pour  composer  les  mots  primitifs  de  cette  langue,  que 
pour  leurs  caractères,  en  sorte  qu'elle  pourroit  estre  enseignée 
en  fort  peu  de  tems,  et  ce  par  le  moyen  de  l'ordre,  c'est-à-dire, 
établissant  un  ordre  entre  toutes  les  pensées  qui  peuvent  entrer 
en  l'Esprit  humain,  de  mesme  qu'il  y  en  a  un  naturellement 
établi  entre  les  nombres;  et  comme  on  peut  apprendre  en  un 
jour  à  nommer  tous  les  nombres  jusques  à  l'infini,  et  à  les  écrire, 
en  une  langue  inconnue,  qui  sont  toutesfois  une  infinité  de  mots 
differens;  qu'on  pust  faire  le  mesme  de  tous  les  autres  mots 
nécessaires  pour  exprimer  toutes  les  autres  choses  qui  tombent 
en  l'esprit  des  hommes;  si  cela  estoit  trouvé,  je  ne  doute  point 
que  cette  langue  n'eust  bien  tost  cours  parmy  le  monde,  car  il  y 
a  force  gens  qui  employeroient  volontiers  cinq  ou  six  jours  de 
tems  pour  se  pouvoir  faire  entendre  par  tous  les  hommes.  L'in- 
vention de  cette  langue  dépend  de  la  vraye  Philosophie;  car  il 
est  impossible  autrement  de  dénombrer  toutes  les  pensées  des 
hommes,  et  de  les  mettre  par  ordre,  ny  seulement  de  les  dis- 
tinguer en  sorte  qu'elles  soient  claires  et  simples;  qui  est  à  mon 
advis  le  plus  grand  secret  qu'on  puisse  avoir  pour  acquérir  la 

1.  Sous-entendu  :  des  mois. 


DESCARTES  13 

bonne  science;  et  si  quelqu'un  avoit  bien  expliqué  quelles  sont 
les  idées  simples  qui  sont  en  l'imagination  des  hommes,  des- 
quelles se  compose  tout  ce  qu'ils  pensent*  et  que  cela  fust  receu 
par  tout  le  monde,  j'oserois  espérer  ensuite  une  langue  univer- 
selle fort  aisée  à  apprendre,  à  prononcer  et  à  écrire,  et,  ce  qui 
est  le  principal,  qui  ayderoit  au  jugement,  luy  représentant  si 
distinctement  toutes  choses,  qu'il  luy  seroit  presque  impossible 
de  se  tromper;  au  lieu  que  tout  au  rebours,  les  mots  que  nous 
avons  n'ont  quasi  que  des  significations  confuses,  ausquelles 
l'esprit  des  hommes  s'estant  acoutumé  de  longue  main,  cela  est 
cause  qu'il  n'entend  presque  rien  parfaitement.  Or  je  tiens  que 
cette  langue  est  possible,  et  qu'on  peut  trouver  la  Science  de  qui 
elle  dépend,  par  le  moyen  de  laquelle  les  paysans  pourroient 
mieux  juger  de  la  vérité  des  choses,  que  ne  font  maintenant  les 
l)hilosophes-.  » 

Nous  avons  tenu  à  citer  en  entier  ce  passage,  car  il  formule 
avec  une  clarté  magistrale  le  programme  de  toutes  les  langues 
philosophiques  nées  depuis  lors,  et  en  exprime  les  idées  direc- 
trices :  l'analogie  de  toutes  les  idées  avec  les  notions  de  nom- 
bre; la  recherche  des  idées  simples  qui  forment  par  leurs  com- 
binaisons toutes  les  autres  idées;  l'analogie  de  ces  combinaisons 
avec  des  opérations  arithmétiques,  et  par  suite  l'assimilation  du 
raisonnement  à  un  calcul  mécanique  et  infaillible.  De  là  suit  que 
chaque  mot  doit  envelopper  et  symboliser  la  définition  de 
l'idée;  que  la  langue  ainsi  créée  «  dépend  de  la  vraie  philoso- 
phie »,  et  que,  inversement,  elle  l'incarne,  de  sorte   que  l'ap- 

1.  Ce  quelqu'un,  c'est  Descartes  lui-mt^me,  qui  voulait  fonder  toute  la  plii- 
losophie  sur  les  «  idées  claires  et  distinctes  ».  Ainsi  son  idée  de  la  langue 
universelle  se  rattache  directement  aux  principes  de  sa  philosophie. 

2.  Une  copie  de  ce  passage  se  trouve  dans  les  papiers  de  Lfibmz,  qui  y  a 
ajouté  la  remanjue  suivante  : 

«  Cependant  quoyque  cette  langue  dépende  de  la  vraye  philosophie,  elle 
ne  dépend  pas  de  sa  perfection.  C'est-à-dire  cette  langue  peut  estre  établie, 
quoy([ue  la  philosophie  ne  soit  pas  parfaite  :  et  à  mesure  que  la  science 
des  hommes  croistra,  cette  langue  croistra  aussi.  En  attendant  elle  sera 
d'un  secours  merveilleux  et  pour  se  servir  de  ce  que  nous  sçavons,  et  pour 
voir  ce  qui  nous  man([ue,  et  pour  inventer  les  moyens  d'y  arriver,  mais  sur 
tout  pour  exterminer  les  controverses  dans  les  matières  (jui  dépendent  du 
raisonnement.  Car  alors  raisonner  et  calculer  sera  la  môme  chose.  »  (Opus- 
cules et  fragmenls  inédits  de  Leibniz,  éd.  Couturat,  p.  27-28  ;  Paris, 
Alcan,  1903.) 

Cette  remarque  est  intéressante  :  1°  parce  qu'elle  tend  à  réfuter  une  objec- 
tion adressée  aux  langues  philosophiques;  2°  en  ce  qu'elle  montre  le  lien 
qui  rattache  le  projet  de  Leibniz  à  celui  de  Descartes. 


14  SECTION   I,    CHAPITRE   I 

prendre,  c'est  apprendre  à  penser.  Toutes  ces  idées  se  trouve» - 
ront  développées  et  appliquées  chez  les  successeurs  de  Descaries. 
Mais,  à  côté  de  ces  idées  qui  constituent  le  principe  d'un  voca- 
bulaire philosophique  tout  différent  de  celui  de  nos  langues, 
et  qui  caractérisent  les  langues  a  priori,  il  ne  faut  pas  oublioi- 
que  Descartes  a  émis  des  vues  d'une  justesse  et  d'une  précision 
admirables  sur  la  constitution  d'une  grammaire  régulière  el 
logique,  applicable  aux  radicaux  des  langues  a  posteriori.  On 
peut  donc  dire  que,  dans  cette  seule  lettre,  le  père  de  la  philoso- 
phie moderne  a  conçu  et  prévu  les  deux  principaux  systèmes 
de  langue  universelle  que  nous  allons  étudier  tour  à  tour. 


CHAPITRE  II 


DALGARNO  * 

La  langue  philosophique  de  George  Dalgarno  est  surtout  un 
vocabulaire  fondé  sur  une  classification  logique  de  toutes  les 
idées"-.  Los  17  classes  suprêmes  sont  désignées  par  17  lettres 
dont  chacune  sera  l'initiale  de  tous  les  mots  de  la  classe  corres- 
pondante. En  voici  la  liste,  qui  donne  en  môme  temps  l'alphabet 
do  la  langue  : 

A     Êtres,  choses. 

H  ^  Substances. 

E     Accidents. 

I      Êtres  concrets  (composés  de  substance  et  d'accident). 

0     Corps. 

Y*  Esprit. 

U     Homme  (composé  de  corps  et  d'esprit). 

M    Concrets  mathématiques. 

1.  Ars  Sionorian,  vulgo  Charncter  universalis  et  Lingiia  philosophica 
(London,  1001).  Le  sous-titre  est  significatif  :  Qua  potevunt  homines  cliver- 
sissimorum  Idiomatum,  spatio  duariim  septimanarum,  omnia  Animi  sua 
sensa  {in  Rébus  familiaribus)  non  minus  intelligibiliter,  sive  scribendo  sive 
loqiiendo,  mutuo  coinmunicare,  quam  Lingids  propriis  vernaculis.  Prœlerea 
hinc  etiam  poterunt  Juvenes  Philosophise  Principia  et  veram  Logicse  Praxin 
citiuset  facilius  multo  imbibere,  quam  ex  vulgaribus  Philosopkorum  scriplis. 
Cf.  Lexicon  grammalico-philosophicum,  dans  les  papiers  de  Leihmz  (Phil., 
VII,  D.  I,  1).  George  Dalgarno,  né  à  Oid-Aberdeen  vers  1020,  fut  directeur 
(Fécolo  privée  à  Guernesey.  puis  ù  Oxford,  et  mourut  en  1087.  Il  est  l'auteur 
du  Didascalocoplius  {[(SS^O),  c'est-à-dire  d'une  méthode  d'instruction  pour  les 
sourds-muets,  et  l'inventeur  d'un  alphabet  de  signes  manuels.  C'est,  comme 
on  voit,  un  précurseur  de  l'abbé  de  l'Épée. 

2.  Celte  classification  a  eu  l'iionneur  de  servir  de  guide  et  de  modèle  à 
Leibniz  dans  les  tables  de  définitions  (ju'il  dressait  en  vue  de  son  Encyclo- 
pédie. Voir  CouTURAT,  La  Logique  de  Leibniz,  ch.  V,  §  24;  et  Opuscules  et 
fragments  inédits  de  Leibniz  (Phil.,  Vil,  D,  ii.  1-2,  3). 

3.  Voyelle  grecque  :  r,  {êta), 

4.  Voyelle  grecciue  :  u  (upsilon). 


16  SECTION   I,    CHAPITRE  II 

N     Concrets  physiques. 
F     Concrets  artificiels. 
B     Accidents  mathématiques. 
D     Accidents  physiques  généraux. 
G     Çhialités  sensibles. 
P     Accidents  sensitifs. 
T     Accidents  rationnels  (intellectuels). 
K    Accidents  politiques. 
S     Accidents  communs. 
La  lettre  S,  quand  elle  n'est  pas  initiale,  est  une  lettre  servile 
ou  auxiliaire,  c'est-à-dire  qui  concourt  à'  la  formation  des  mots 
sans  avoir  un  sens  logique  déterminé.  Trois  autres  lettres  sont 
également  serviles  : 
r,  qui  signifie  l'opposition  (le  contraire); 
1,   qui  signifie  le  milieu  entre  les  extrêmes; 
V,  qui  est  l'initiale  caractéristique  des  noms  de  nombre. 
Chacune  des  17  classes  se  divise  en  sous-classes,  qui  se  dis- 
tinguent par  la  variation  de  la  seconde  lettre.  Voici,  par  exeniph-, 
les  sous-classes  de  la  classe  K  (accidents  politiques)  : 

Ka-      Relations  d'office  (de  JonctionJ. 

Kt,-      Relations  judiciaires. 

Ke-      Matière  judiciaire . 

Ki-       Rôle  des  parties. 

Ko-      Rôle  du  juge. 

Ku-      Délits. 

Ku-      Guerre. 

Ska-     Religion.  r  :  Superstition. 

Enfin,  chaque  sous-classe  comprend  un  certain  nombre  de  mois 
qui  se  distinguent  par  la  variation  de  la  dernière  lettre.  Voici, 
par  exemple,  les  mots  rangés  dans  la  dernière  sous-classe  (Ska-)  : 

r  :  nature. 
r  :  misère. 
r  :  profaner, 

r  :  louer. 


Skam 

grâce. 

Skan 

félicité. 

Skaf 

adorer. 

Skab 

juger. 

Skad 

prier. 

Skag 

sacrifice. 

Skap 

sacrement, 

Skat 

mystère. 

Skak 

miracle. 

DALGARNO  17 

On  voit  que  cette  classification  comprend  à  la  fois  les  noms  et 
les  verbes.  L'auteur  avait  inventé  des  mots  spéciaux  pour  servir 
de  pronoms,  de  particules  et  de  flexions  grammaticales. 

On  a  pu  remarquer  que  dans  cette  liste  les  mots  se  succèdent 
dans  un  ordre  déterminé,  correspondant  à  l'ordre  constant  des 
voyelles  et  des  consonnes.  Lorsqu'il  n'y  a  pas  assez  de  voyelles 
ou  de  consonnes  simples,  on  emploie  à  leur  suite  des  voyelles  ou 
consonnes  doubles. 

Cet  ordre  constant  établi  entre  les  voyelles,  d'une  part,  et  les 
consonnes,  d'autre  part,  correspond  à  leurs  valeurs  numériques. 
En  effet,  Dalgarno  a  inventé,  pour  traduire  les  nombres  en 
mots,  la  méthode  suivante.  A  chacun  des  10  chiffres  il  fait  cor- 
respondre une  voyelle  (ou  diphtongue)  et  une  consonne  : 

1 

2 

3 

4       ■ 

5 

6 

7 

8 

9 

0 

Un  nombre  écrit  dans  le  système  décimal  se  traduira  par  un 
mot  contenant  autant  de  lettres  (voyelles  et  consonnes,  alterna- 
tivement) qu'il  a  de  chiffres,  chaque  lettre  correspondant  au 
chitïre  de  même  rang  (toutes  ces  lettres  sont  précédées  de  Tini- 
tiale  caractéristique  V).  Ainsi  : 

Vel         signifie         30 

Vado  —  154 

Vendo         —  3234 

Ventura      —        32861 

Dans  les  mots  ordinaires  de  cette  langue,  chaque  lettre  n'a 
pas  un  sens  logique  déterminé,  attendu  que  ce  sens  varie  du 
tout  au  tout  d'une  classe  à  l'autre;  elle  n'a  qu'un  sens  numé- 
rique :  elle  indique  le  numéro  d'ordre  de  la  sous-classe  dans  la 
classe,  ou  du  mot  dans  la  sous-classe.  Mais  comme,  d'autre  part, 
l'ordre  des  sous-classes  et  celui  des  mots  est  presque  toujours 
absolument   arbitraire,  il   en   résulte   que   pour   connaître   ou 

CouTURAT  et  Leau.  —  I.anfruo  univ.  ^ 


A 

M 

H 

N 

£ 

F 

0 

B 

y 

D 

u 

G 

AI 

P 

El 

T 

01 

K 

I 

L 

18  SECTION   I,   CHAPITRE  II 

retrouver  le  sens  d'un  mot  il  faut  savoir  par  cœur  toute  la  clas 
sification  logique,  c'est-à-dire  tout  le  dictionnaire.  Par  exemple  : 

N^ika  signifie  Éléphant. 

Nr,kTi        —       Cheval. 

Nr.ke         —       Ane. 

Nïiko  —  Mulet. 
Pour  retenir  le  sens  de  chacun  de  ces  mots,  si  semblables  de 
forme,  il  faut  se  rappeler  exactement  l'ordre  dans  lequel  les 
animaux  correspondants  sont  rangés,  sans  en  omettre  un  seul. 
On  voit  par  cet  exemple  combien  une  telle  langue  est  artificielle, 
et  par  suite  difficile  à  apprendre,  à  retenir  et  à  pratiquer. 

P.-S.  —  Dalgarno  avait  eu  pour  précurseur  un  autre  Écossais,  sir 
Tliomas  Urquhart  (ou  Urchard)  de  Cromarty  (1611-1660),  connu 
surtout  par  sa  traduction  de  Rabelais,  devenue  classique  en  Anglt- 
terre,  qui  avait  publié  Logopandecteision,  or  an  Inlroduclion  to  thc 
Universal  Language  (London,  in-4°,  1053).  Ce  projet  tout  théorique 
ne  compi^enait  ni  vocabulaire  ni  grammaire.  Il  y  avait  12  parties  du 
discours;  les  noms  avaient  11  genres,  11  cas  et  4  nombres;  les 
verbes,  4  voix,  7  modes  et  H  temps;  enfin  chaque  mot  devait  avoir 
au  moins  iO  synonymes.  L'indication  la  plus  intéressante  est 
celle-ci  :  chacune  des  lettres  d'un  mot  devait  avoir  un  sens,  de  sorte 
qu'on  pourrait  les  intervertir  sans  inconvénient.  Cela  suffit  à  carac- 
tériser une  langue  philosophique  analogue  à  celle  de  Leibniz.  —  Un 
autre  projet  a  été  conçu  vers  le  même  temps  par  le  marquis  de  WoR- 
CESTER  {Century  of  thc  Names  and  Scantling  of...  Inventions,  1663  -, 
mais  ce  n'était  qu'un  «  caractère  universel  »,  c'est-à-dire  une  pasi- 
graphie  que  chacun  pourrait  lire  dans  sa  propre  langue.  V.  John 
WiLLCOCK,  Sir  Thomas  Urquhart  of  Cromartie  (Edinburgh  and  Lon- 
don, 1899). 


CHAPITRE  III 


WILKINS' 


John  WiLKiNS  (1614-1672),  évéque  de  Chester,  était  un  des 
savants  les  plus  éminents  de  l'Angleterre.  Il  lut  un  des  fonda- 
tours  de  la  Société  Royale  de  Londres,  et  son  premier  secrétaire. 
Il  avait  publié,  vingt  ans  avant  l'ouvrage  de  Dalgarno,  un  Mercure 
qui  paraît  n'être  qu'un  traité  de  Cryptographie  ou  de  correspon- 
<lance  secrète  2.  Le  projet  de  Dalgarno  fut  probablement  inspiré 
par  ce  premier  essai;  Wilkins  entreprit  à  son  tour  de  le  i)erlec- 
tionner.  Son  projet,  très  complet  et  très  développé,  comprend  à 
la  fois  une  langue  philosophique  et  une  pasigraphie  idéogra- 
phique {Caraclère  réel)  qui  traduit  les  mots  de  la  langue  par  des 
<'spècos  d'hiéroglyphes.  Mais,  comme  ces  mots  peuvent  aussi 
s'écrire  avec  les  lettres  ordinaires,  nous  ne  parlerons  pas  de 
cotte  i)asigraphie,  que  Leibniz  jugeait  entièrement  inutile,  et 
plutôt  rebutante^. 

Le  principe  du  système  de  Wilkins  est  le  même  que  celui  du 
système  de  Dalgarno.  Le  vocabulaire  est  fondé  sur  une  classifi- 
cation logique  de  toutes  les  idées,  réparties  en  40  genres,  que 
caractérisent  les  deux  premières  lettres  de  chaque  mot.  Eu  voici 

la  liste  : 

B*  Idées  transcendentales  générales. 

Ba  Relations  trenscendenlales  mixtes. 

Be  Relations  transcendentales  d'action. 


\.  An  Essai/  towards  a  Real  Characler  and  a  Philosop/iical  Language  (in- 
Tolio,  London,  1G68). 

2.  Mercury,  or  the  secret  and  swift  Messenger,  sheiving  hoiv  a  Man  ma;/ 
irilli  Privacg  and  Speed  communicate  his  Thoiighls  to  a  Friend  al  a  Distance 
(London,  1641). 

3.  Voir  CouTLUAT,  La  Logique  de  Leibniz,  p.  59. 


20 


SECTION 

I.    CHAPITRE  m 

Bi  Discours  (Langage). 

Da  Dieu. 

Da  Le  monde. 

De  Les  élémenls. 

Di  Les  pierres. 

Do  Les  métaux. 

Ga  Les  plantes  : 

feuilles. 

Ga          - 

fleurs. 

Ge          - 

fruits. 

Gi          - 

arbustes. 

Go          - 

arbres. 

Zx  Les  animaux 

:  exsangues. 

Za           - 

poissons. 

Ze           - 

oiseaux. 

Zi           — 

bêtes  (quadrupèdes) 

Pa  Parties  particulières. 

Pa  Parties  générales. 

Pe  Quontité  :  Grandeur. 

Pi         —  Espace. 

Po        —  Mesure. 

Ta  Qualité  :      Pouvoir  naturel. 

Ta       —  Habitude. 

Te       —  Manières. 

Ti        —  Qualités  sensibles. 

To       —  Maladies. 

Ga  Action  spirituelle. 

Ca  Action  corporelle. 

Ce  Mouvement. 

Ci  Opération. 

Co  Relations  économiques. 

Cy  Possessions. 

Sa  Provisions. 

Sa  Relations  civiles. 

Se  Relations  judiciaires. 

Si  Relations  militaires. 

So  Relations  navales. 

Sy  Relations  ecclésiastiques. 
Chacun  de  ces  40  genres  se  divise  en  un  certain  nombre  de 
dljj'évences,  et  chaque  différence  en  un  certain  nombre  d'espèces. 
Ces  différences  et  ces  espèces  étant  rangées  par  ordre,  on  leur 


WILKINS  2 1 

fait  correspondre  respectivement  les  9  consonnes  et  les  9  voyelles 
suivantes,  qui  représentent  leurs  numéros  d'ordre  : 

1       2       3       4       5       G       7        8  9 

Différences  :bdgptczs         n 
Espèces  :  a      a      e       i      o      u      y       yi      yui 

Un  radical  se  compose  des  deux  premières  lettres  correspon- 
dant à  son  genre,  de  la  consonne  correspondant  à  sa  différence, 
et  de  la  voyelle  correspondant  à  son  espèce.  Par  exemple,  De 
signifie  Élément;  Deb  indique  la  1'"  différence  du  genre  Élément. 
à  savoir  Feu  ;  et  Deba  indique  la  l""*  espèce  de  Feu,  à  savoir  Flamme. 

Aux  radicaux  ainsi  constitués  il  faut  ajouter  les  dérivations  et 
\cH  flexions. 

Les  dérivations  par  affinité  et  par  opposition  sont  indiquées  par 
la  répétition  de  certaines  lettres  du  radical,  ou  par  la  substitu- 
tion des  lettres  opposées-. 

Les  adjectifs  se  forment  en  changeant  la  1'''^  consonne  du  radical 
suivant  une  certaine  règle. 

Les  abstraits  se  forment  en  changeant  (suivant  la  même  règle) 
la  2''  consonne  du  radical.  Par  exemple,  Saba  signifie  roi;  Sava 
signifiera  royauté  '. 

Les  adverbes  se  forment  en  changeant  la  voyelle  radicale  en 
diphtongue  (en  lui  ajoutant  un  i). 

Dans  les  substantifs,  le  pluriel  s'indique  en  ajoutant  -u  à  la  fin 
du  radical. 

Dans  les  verbes,  Vactif  ci  le  passif  s'indiquent  en  insérant  res- 
pectivement 1  ou  m  après  la  première  voyelle  du  radical. 

Les  radicaux,  modifiés  au  besoin  par  les  dérivations  et  les  flexions 
précédentes,  constituent  les  mots  proprement  dits.  Restent  les 
particules,  qui  sont  de  deux  sortes  :  les  particules  grammaticales  et 
les  particules  transcendentales. 

Les  particules  grammaticales  sont 

i"  La  copule  (le  verbe  être); 

2°  Les  pronoms; 

1.  Nous  remplaçons  par  u  le  caractère  grec  composite  (cursil)  qui  repré- 
sente la  diphtongue  o-j.  Wilkins  a  prévu  le  cas  où  il  y  aurait  plus  de  9  dif- 
férences dans  un  genre  ou  plus  de  9  espèces  dans  une  différence,  et  inventé 
un  artifice  pour  continuer  la  numération  avec  des  lettres. 

2.  Un  tableau  spécial  indique  les  couples  de  lettres  qui  seront  par  conven- 
tion considérées  comme  opposées. 

3.  Ces  substitutions  de  consonnes  sont  rendues  possibles  par  le  fait  que  la 
moitié  seulement  (9)  sont  employées  à  former  les  radicaux. 


22  SECTION   I,    CHAPITRE   III 

3°  Les  interjections; 

4"  Les  prépositions  (monosyllabes  commençant  par  L  ou  R)  ; 

y°  Les  adverbes  (monosyllabes  en  M-); 

6°  Les  conjonctions  (monosyllabes  en  N-); 

7"  Les  articles  ; 

8',  9"  Les  modes  et  les  temps  des  verbes'. 

Les  particules  transcendentales  sont  des  syllabes  (préfixes  ou 
suffixes)  qui  contiennent  les  voyelles  a,  a,  ou  e,  et  qui  expriment 
les  relations  suivantes  par  rapport  à  l'idée  du  radical  : 


Métaphore. 
Similitude. 

Espèce. 
Manière. 

Chose. 
Personne. 

Liou. 
Temps. 

Cause. 
Signe. 

Agrégat, 
.•^égrégat. 

Lamo. 
Aiguille. 

Outil. 
Vase. 

Instrument. 
Machine. 

Cloison. 
Armemont 

Vôtement. 
Armure. 

Maison. 
Chanihre. 

Habitude. 
Art. 

Officier. 
Artiste. 

Artisan. 
Marchand. 

Faculté. 
Penchant. 

Commencement 
Képëtition. 

Entreprise. 
I^:ian. 

Augmentation. 
Diminution. 

E.\c6s. 
Défaut. 

Perfection. 
Corruption. 

Voi.x. 
Langage. 

Màlo. 
Fomello. 

Jeune. 
Partie. 

WiLKiNS  a  un  procédé  analogue  à  celui  de  Dai.g.vh.vo  pour  lia 
duire  les  nombres  en  mots  :  il  ajoute  à  la  syllabe  Pob  (caiaclc 
ristique  des  noms  de  nombre)  les  voyelles  ou   consonnes  qui 
correspondent,  dans  le  tableau  donné  plus  haut,  aux   cliilTres 
consécutifs  du  nombre  à  énoncer. 

L'ouvrage  de  Wilkins  se  termine  par  un  Dictionnaire  où  les 
mots  anglais  sont  rangés  par  ordre  alphabétique;  en  regard  de 
chaque  mot  se  trouve,  soit  l'indication  des  numéros  de  son 
■  genre,  de  sa  différence  et  de  son  espèce  (au  cas  où  ce  mot  est 
catalogué  dans  la  classification  logique),  soit  la  définition  du 
mot  au  moyen  de  radicaux  catalogués  (et,  au  besoin,  de  dériva- 
tions ou  de  flexions). 

Ce  système  a  le  môme  défaut  fondamental  que  celui  de  D.\i.- 
G.\RNO,  quoiqu'il  soit  théoriquement  plus  parfait.  C'est  celui  qu(> 
Leibniz  jugeait  le  meilleur  de  tous  ceux  qui  avaient  été  propo.sés 
de  son  temps;  il  faisait  grand  cas  de  l'œuvre  de  Wilkins,  et,  s'en 
inspirait  fréquemment,  tout  en  la  discutant. 

I.  On  voit  par  là  que  celte  langue  est  tout  à  fait  analytique. 


CHAPITRE   IV 

LEIBNIZ' 

Leibniz  reprochait  aux  systèmes  de  Dalgarno  et  de  Wilkins  de 
n"ôtre  pas  encore  assez  philosophiques.  Il  rêvait  d'une  langue 
qui  fût  non  seulement  l'expression  adéquate  de  la  pensée,  mais 
un  «  instrument  de  la  raison  ».  L'usage  international  devait  être 
le  moindre  avantage  de  cette  langue  :  non  seulement  les  mots 
devaient  traduire  la  définition  des  idées,  mais  ils  devaient  rendre 
sensibles  aux  yeux  leurs  connexions,  et  par  suite  les  vérités  rela- 
tives à  ces  idées,  de  telle  sorte  qu'on  pût  les  déduire  par  des 
transformations  algébriques,  et  remplacer  le  raisonnement  par 
le  calcul.  Cette  langue  procédait  directement  de  la  conception 
de  la  Caractéristique  universelle,  c'est-à-dire  d'une  Algèbre  logique 
applicable  à  toutes  les  idées  et  à  tous  les  objets  de  la  pensée. 

Le  principe  de  la  Caractéristique  était  celui-ci  :  toutes  les  idées 
complexes  sont  des  combinaisons  d'idées  simples,  de  même  que 
tous  les  nombres  non  premiers  sont  des  produits  de  nombres 
premiers.  La  composition  des  idées  entre  elles  est  analogue  à  la 
multiplication  arithmétique,  et  la  décomposition  d'une  idée  en 
ses  éléments  simples  est  analogue  à  la  décomposition  d'un 
nombre  en  ses  facteurs  premiers.  Cela  admis,  il  est  naturel  de 
représenter  les  idées  simples  par  les  nombres  premiers,  et  les 
idées  composées  de  telles  ou  telles  idées  simples  par  le  produit 
des  nombres  premiers  correspondants.  Peu  importe  d'ailleurs 

1.  L'illustre  philosophe  (1046-1716)  n'a  composé  aucun  ouvrage  spécial 
touchant  la  Langue  universelle.  11  a  pensé  à  ce  sujet  pendant  toute  sa  vie, 
depuis  l'âge  de  18  ans;  mais  il  s'en  est  surtout  occupé  vers  1679.  Les  nom- 
breux textes  relatifs  à  son  projet  sont  dispersés  dans  plusieurs  éditions,  et 
la  plus  grande  partie  est  encore  inédite.  Les  principaux  sont  cités  ap.  Col- 
TURAT,  La  Logique  de  Leibniz,  ch.  111,  et  Opuscules  et  fragments  inédits  de 
Leibniz,  notamment  Phil.  VII,  B,  ni. 


24  SECTION   I,    CHAPITRE  IV 

que  le  nombre  des  idées  simples  soit  petit  ou  grand,  ou  nuMne 
infini  :  elles  trouveront  toujours  assez  de  symboles  dans  la  suite 
des  nombres  premiers,  qui  est  infinie.  Toutes  les  vérités  logiques 
seront  représentées  par  des  vérités  arithmétiques  relatives  à  la 
multiplication  et  à  la  division,  comme  celles  de  la  table  de 
Pythagorc  (Ex.  :  2x3^6),  et  tout  raisonnement  se  réduira  à 
un  calcul  numérique. 

Pour  transformer  ce  calcul  logique  en  une  langue,  il  suffit  de 
traduire  les  nombres  par  des  mots  prononçables,  suivant  une 
méthode  analogue  à  celles  de  Dalg.\rno  et  de  ^VlLKINS.  On  repré 
sentera  les  9  chiffres  significatifs  par  les  9  premières  consonnes  : 
b,  G,  d,  f,  g,  h,  1,  m,  n;  et  les  unités  décimales  successives  (1.  K». 
100,  1  000,  10000)  par  les  5  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u.  Les  unités  d'ordre 
supérieur  pourront  être  représentées  par  des  diphtongues.  Dès 
lors,  pour  énoncer  ou  pour  écrire  un  nombre,  il  suffit  d'énoncer 
le  nombre  des  unités  de  chaque  ordre  décimal,  en  associant  la 
consonne  correspondant  au  chiffre  et  la  voyelle  correspondant 
à  l'ordre  décimal.  Par  exemple,  le  nombre  81  374  s'écrira  et  se 
prononcera  :  Mubodilefa. 

Cette  notation  a  sur  celle  de  DALGAR^'0  cet  avantage,  que  la 
valeur  numérique  des  lettres  est  indépendante  de  sa  position  (de 
son  rang),  de  sorte  qu'on  peut  intervertir  sans  inconvénient  les 
syllabes  du  mot,  chacune  d'elles  indiquant  par  sa  voyelle  l'ordre 
d'unités  qu'elle  représente.  Ainsi  le  môme  nombre  pourra  aussi 
bien  s'énoncer  :  Bodifalemu,  c'est-à-dire  : 

1  000  +  300  -f  4  +  70  -H  80  000  =  81  374. 

Leibniz  voit  dans  cette  faculté  de  permuter  les  syllabes  d'un 
mot  une  grande  commodité,  et  croit  qu'elle  offrira  des  ressources 
merveilleuses  pour  la  poésie  et  le  chant.  Il  entrevoit  même  la 
possibilité  de  traduire  cette  langue  en  musique. 

Telle  était  l'idée  première  de  sa  Langue  universelle.  Mais  pour 
la  réaliser,  il  fallait  élaborer  un  vocabulaire  et  une  grammaire. 
Pour  former  le  vocabulaire,  il  fallait  analyser  toutes  les  idées 
de  l'esprit  humain,  les  réduire  à  leurs  éléments  simples,  et  dresser 
le  catalogue  complet  de  ceux-ci,  c'est-à-dire  des  idées  premières. 
D  autre  part,  pour  composer  une  grammaire  «  rationnelle  »,  il 
convenait  d'étudier  les  grammaires  des  langues  naturelles,  pour 
démêler  et  dénombrer  les  diverses  relations  des  idées,  exprimées 
par  les  particules  et  par  les  flexions.  Ce  double  travail  d'analyse 
logique  des  mots  et  des  formes  grammaticales,  qui  devait  néces- 


LEIBNIZ  2d 

sairemont  prendre  pour  base  l'étude  comparative  des  langues  et 
des  grammaires,  a  beaucoup  occupé  Leibniz,  et  n'a  jamais  été 
achevé.  Aussi  sa  Langue  philosophique  est-elle  restée  à  l'état  de 
projet  théorique. 

Toutefois,  pour  faciliter  la  transition  des  langues  naturelles  à 
la  langue  «  rationnelle  »,  Leibniz  fut  amené  à  admettre  un  inter- 
médiaire et  un  substitut  provisoire.  L'élaboration  de  la  gram- 
maire devait  précéder  celle  du  vocabulaire;  par  suite,  en  atten- 
dant qu'on  eût  inventé  les  mots  véintables,  il  était  bon  d'appliquer 
les  règles  grammaticales  à  un  substratum  concret,  qui  ne  pou- 
vait être  emprunté  qu'à  une  langue  naturelle.  Leibniz  choisit 
naturellement  le  latin,  qui  était  la  langue  savante  de  son  temps. 
C'est  donc  au  vocabulaire  latin  qu'il  veut  appliquer  provi- 
soirement la  grammaire  philosophique.  Celle-ci  doit  être,  d'une 
part,  universelle,  c'est-à-dire  réunir  toutes  les  ressources  et  tous 
les  avantages  des  grammaires  naturelles,  de  manière  à  pouvoir 
exprimer  toutes  les  distinctions  et  toutes  les  nuances  qu'offrent 
les  diverses  langues;  mais,  d'autre  part,  elle  doit  être  absolu- 
ment régulière,  c'est-à-dire  exempte  des  exceptions,  des  anomalies 
et  des  illogismes  qui  entachent  toutes  les  grammaires  naturelles. 
De  cette  manière,  elle  sera  à  la  fois  plus  riche  et  plus  simple 
qu'aucune  d'elles;  d'autant  plus  que  Leibniz  s'attache  à  en 
bannir  toute  complication  superflue.  Cette  partie  de  son  œuvre 
étant  celle  qui  offre  aujourd'hui  le  plus  d'intérêt  pratique,  nous 
allons  l'exposer  avec  quelque  détail. 

En  premier  lieu,  Leibniz  déclare  inutile  et  illogique  la  plura- 
lité des  déclinaisons  et  des  conjugaisons.  Il  ne  devra  donc  y 
avoir  qu'une  seule  déclinaison  et  qu'une  seule  conjugaison, 
toutes  deux  absolument  régulières  et  sans  exception.  De  plus, 
la  distinction  des  genres  est  complètement  inutile  :  on  la  suppri- 
mera. Cette  triple  simplification  rend  déjà  la  langue  rationnelle 
bien  plus  facile  qu'aucune  langue  naturelle;  car,  comme  le 
remarque  expressément  Leibniz,  la  partie  la  plus  difficile  de  la 
grammaire  est  la  diversité  des  genres,  des  déclinaisons  et  des 
conjugaisons.  Mais  la  conjugaison  peut  se  simplifier  encore  :  la 
variation  du  verbe  suivant  les  personnes  et  les  nombres  est 
inutile,  car  cette  distinction  est  déjà  indiquée  par  le  sujet;  c'est 
là  une  sorte  de  pléonasme  ou  de  double  emploi,  comme  la  varia- 
tion du  verbe  suivant  le  genre,  qui  a  lieu  en  hébreu.  Même  dans 
le  substantif,  la  distinction  du  nombre  est  inutile,  car  elle  sera 


26  SECTION    I,    CHAPITIIE   IV 

suffisamment  indiquée  par  l'article  ou  l'adjectif  démonstratif  qui 
le  précède.  De  même  Tadjoctif  épithète  n'a  besoin  d'aucune 
flexion,  puisquesesflexionsnefont  que  répétercelles  du  substantif. 

D'ailleurs,  Leibniz  tend  à  supprimer  le  plus  possible  les 
flexions  •.  En  effet,  elles  font  double  emploi  avec  les  particules  : 
les  prépositions  régissent  les  cas;  les  conjonctions  régissent  les 
modes.  Par  conséquent,  ou  bien  les  cas  et  les  modes  dispensent 
des  particules,  ou  bien  les  particules  dispensent  des  cas  et  des 
modes.  Cette  dernière  alternative  est  évidemment  préférable,  car 
les  particules  sont  bien  plus  nombreuses  et  plus  variées  que  les 
flexions;  il  serait  impossible  d'avoir  autant  de  cas  que  de  pré- 
positions, et  autant  de  modes  que  de  conjonctions.  Il  faut  donc 
remplacer  tous  les  cas  par  le  nominatif  })récédé  de  diverses 
prépositions,  et  tous  les  modes  par  l'indicatif  précédé  de  diverses 
conjonctions.  Il  ne  reste  plus  que  la  distinction  des  temps,  qui 
est  essentielle  au  verbe,  mais  que  Leibniz  propose  d'étendre  aux 
adjectifs  (les  participes  l'ont  déjà),  aux  adverbes,  et  même  aux 
substantifs  (qui  peuvent  désigner  une  action  passée,  présente  on 
future)  2.  De  même,  il  applique  les  degrés  de  comparaison,  non 
seulement  aux  adjectifs  et  aux  adverbes,  mais  aux  verbes  et  aux 
substantifs  ^ 

Ces  quatre  classes  de  mots  proprement  dits  (par  opposition 
aux  particules)  sont  du  reste  intimement  unies  par  la  dérivation. 
Dabord,  il  n'y  a  pas  de  difl"érence  entre  les  adjectifs  et  les 
adverbes  :  l'adverbe  est  l'adjectif  du  verbe.  D'autre  part,  la  dis- 
tinction du  substantif  et  de  l'adjectif  n'a  pas  grande  importance 
logique  :  le  substantif  est  un  adjectif  joint  à  l'idée  de  chose  ou  d'être  : 
aussi  tout  adjectif  peut-il  devenir  un  substantif.  Il  n'y  a  donc  on 
définitive  que  deux  classes  de  mots  réellement  distinctes  :  les 
noms  et  les  verbes.  Mais  les  uns  peuvent  dériver  des  autres  :  l'hé- 
breu fait  dériver  les  noms  des  verbes;  Leibniz  aime  mieux  faiiv 
dériver  les  verbes  des  noms,  qui  expriment  des  idées  plus  sim- 
ples. Un  verbe  n'est  souvent  qu'un  nom  (un  adjectif  notamment) 
accompagné  du  verbe  être;  celui-ci  est  donc  le  seul  verbe  essen- 

1.  En  général,  il  préfère  les  langues  analytiques  (comme  le  français)  aux 
langues  synthétiques  (comme  le  latin). 

2.  Exemples  :  l'adjectif  ridiculurus,  pour  qualiOer  une  chose  qui  sera  ou 
ueviendra  ndicule  (voir  une  jolie  anecdote  à  ce  propos  dans  les  Opuscules 
ineaus,  p.  zsy)  ;  les  substantifs  amavilio  etamatâiritio,  pour  désigner  le  fait 
d  avoir  aime  ou  de  devoir  aimer,  l'amour  passé  ou  futur  (if>id.). 

6.  U.  la  règle  de  la  marguerite  de  M.  Bollack. 


LEIBNIZ  27 

tiol,  et  l'on  pourrait  former  tous  les  autrescn  l'employant  comme 
auxiliaire  ou  comme  affixe.  Ainsi,  une  fois  qu'on  aura  établi 
la  liste  des  mots-racines,  on  devra  dresser  une  liste  des  affixes 
(jui  serviront  à  former  les  mots  dérivés  ;  chaque  affixe  devra 
avoir  un  sens  déterminé  et  absolument  uniforme. 

Si  les  mots  proprement  dits  constituent  la  matière  du  discours, 
\oi^  particules  en  constituent  la  forme;  aussi  Leibni-z  attache-t-il 
une  grande  importance  à  l'analyse  de  leur  sens  et  de  leur  rôle 
grammatical,  non  seulement  pour  la  constitution  d'une  «  langue 
rationnelle  »,  mais  encore  pour  la  connaissance  des  «  diverses 
formes  de  l'entendement  >  ' .  Nous  ne  suivrons  pas  Leibniz  dans  le 
détail  de  son  «  analyse  des  particules»  (à  laquelle  il  a  consacré  de 
nombreuses  pages  inédites),  justement  parce  qu'elle  avait,  selon 
lui,  une  portée  logique  bien  plus  que  philologique.  Nous  indi- 
querons seulement  qu'il  avait  une  théorie  ingénieuse  au  sujet  des 
prépositions  :  toutes  les  prépositions  signifieraient  primitive- 
ment des  relations  de  lieu,  et  c'est  par  des  métaphores  spatiales 
qu'elles  arriveraient  à  signifier  des  relations  d'un  tout  autre 
genre. 

Nous  n'insisterons  pas  non  plus  sur  les  défauts  de  ce  projel, 
qui  sont  ceux  de  toute  langue  philosophique.  Nous  avons  indiqué 
ailleurs  ^  le  vice  capital  du  système  de  Leibniz  :  les  idées  ne  se 
combinent  pas  entre  elles  suivant  un  mode  de  composition 
symétrique  et  uniforme  comme  la  multiplication  arithmétique; 
elles  ont  entre  elles  des  relations  hétérogènes  et  très  variées,  qui 
correspondent  précisément  aux  particules,  et  qui  devraient  s'ex- 
primer par  autant  d'opérations  différentes.  De  plus,  le  nombre 
des  idées  simples  est  beaucoup  plus  grand  que  ne  le  croyait 
Leibniz,  de  sorte  que  VAlphabet  des  pensées  humaines  comprendrait 
des  centaines  et  peut-être  des  milliers  de  caractères;  en  leur 
ajoutant  la  multitude  de  signes  nécessaires  pour  traduire  les 
relations  des  idées,  on  obtiendrait  une  idéographie  extrêmement 
compliquée,  et  pratiquement  inutilisable  (lors  môme  qu'on  réus- 
sirait à  la  rendre  énonçable  sous  une  forme  suffisamment  concise 
et  claire).  Enfin,  la  richesse  même  que  Leibniz  prévoyait  pour  sa 
langue  serait  un  grand  défaut,  car  elle  constituerait  pour  la 
mémoire  une  surcharge  effrayante.  Non  seulement,  en  elïet,  il 

1.  Voir  les  Nouveaux  Essais,  livre  111,  ch.  vu. 

2.  L.  CouTURAT,   La  Logique  de  Leibniz,  Conclusion;   Pour  la  Langu 
internationale,  p.  13-14. 


28  SECTION   I,    CHAPITRE   IV 

faudrait  reconnaître  à  l'œil  et  à  l'oreille  le  même  mol  dans  les 
diverses  permutations  de  ses  syllabes;  mais  la  môme  idôe  serait 
exprimée  par  une  foule  de  mots  différents,  correspondant  A 
autant  de  décompositions  diflérentes  du  nombre  correspondant 
i  en  facteurs  (non  premiers)*.  Pour  comprendre  une  telle  langue 
et  pour  la  parler,  il  faudrait,  de  Taveu  même  de  Leibniz,  avoir 
constamment  à  l'esprit  la  table  de  Pythagore,  c'est-à-dire  elTec- 
tuer  sans  cesse  des  multiplications  et  divisions  moniales.  On  ne 
peut  rien  dire  de  plus  décisif  pour  prouver  qu'une  telle  langue 
serait  impraticable. 

1.  Par  exemple,  le  nombre  120  est  susceptible  de  7  décompositions  en 
2  facteurs:  2  x  GO,  4  x  30,  8  :k  15,  3  X  40,  6  X  20,  12  X  10,  24  X  5:  de  S 
en  3  facteurs,  de  4  en  4  facteurs,  et  d'une  en  5  facteurs  (qui  sont  ses  facteurs 
premiers). 


CHAPITRE   V 

DELORMEL  * 

L'auteur  de  ce  projet,  inspiré  des  idées  humanitaires  de  la 
Révolution,  se  propose  «  de  rapprocher  les  hommes  et  les  peuples 
par  le  doux  lien  de  la  fraternité  »  au  moyen  d'une  langue  univer- 
selle logique  et  régulière,  tandis  que  nos  langues  «  présentent  à 
chaque  instant  des  irrégularités  qui  les  rendent  difficiles  et  lon- 
gues à  apprendre  ».  Il  importe  d'autant  plus  de  remarquer  qu'il 
«  n'entend  point  par  là  une  langue  qui  supprime  et  remplace 
les  autres  ».  Il  reconnaît  qu'une  telle  langue  ne  peut  être  insti- 
tuée que  par  le  gouvernement  :  car  autrement  «  chacun  y  tra- 
vaillera à  sa  manière  »,  et  «  le  défaut  d'uniformité  en  empêchera 
le  succès  ».  D'ailleurs,  «  jamais  homme  ne  s'avisera  d'apprendre 
une  langue,  quelque  aisé  qu'il  soit  de  s'en  instruire,  s'il  ne  sait 
que  d'autres  l'apprennent  comme  lui  ».  On  ne  peut  formuler  avec 
plus  de  force  et  de  justesse  les  raisons  qui  rendent  nécessaire 
l'œuvre  entreprise  par  la  Délégation;  et  pour  cela  seul,  Delormel 
mériterait  de  n'être  pas  oublié  dans  cette  Histoire. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  de  sa  grammaire,  toute  a 
priori  et  embarrassée  de  néologismes  qu'il  faudrait  définir  et 
expliquer.  Nous  nous  contenterons  de  donner  une  idée  de  son 
vocabulaire.  Celui-ci  repose,  en  deux  mots,  sur  une  classification 
logique  des  idées  à  base  décimale  ".  C'est  pourquoi  l'alphabet 
comprend  10  voyelles  : 

a,  é,  i,  0,  u,  au,  ê.  ei,  eu,  ou, 

1.  Projet  cVune  Langue  universelle,  pre'senlé  à  la  Convention  nationale, 
par  le  Citoyen  Delormel.  A  Paris,  chez  l'auteur,  au  ci-devant  Collège  de  la 
Marche,  rue  et  Montagne  Geneviève  (sic).  An  3  (1793).  50  p.  in-8\ 

2.  On  pourrait  donc  voir  en  Delormel  un  précurseur  de  la  classification 
bibliographique  décimale  (Voir  le  Chapitre  préliminaire). 


30  SECTION   I,    CHAPITRE   V 

et  20  consonnes  : 

labiales  :      v,  f,  m,  b,  p; 

dentales  :     d,  t; 

linguales  :    z,  s,  r,  j,  c  (c/i); 

palatales  :    n,  1,  y; 

gutturales:  g  (dur),  k; 

pectorale  :    h; 

auxiliaires  :  q  ign),  x. 
Cela  posé,  les  radicaux  (tous  substantifs),  d'où  Ton   lire  par 
dérivation  les  adjectifs,  les  verbes  et  les  adverbes,  sont  distribués 
dans  les  classes  suivantes,  caractérisées  par  des  indicatives  ini- 
tiales : 


a  Grammaire. 

au  Agréables. 

e  Art  de  parler. 

é    Morale. 

i   État  des  cjioses. 

ei  Sensations. 

0  Corrélatifs. 

en  Perception,  jugement. 

u  Utiles. 

ou  AITections,  passions. 

V  Mathématique. 

r    Commerce. 

f   Géographie. 

j     Marine. 

m  Chronologie. 

c    Art  militaire. 

b   Physique. 

n    Arts  et  métiers. 

p  Astronomie. 

1    Sciences. 

d  Minéraux. 

y   Législation. 

t    Végétaux. 

g    Religion. 

z    Animaux. 

k   Gouvernement. 

s    Médecine. 

Les  subdivisions  de  chacune  de  ces  classes  s'obtiennent  en 
ajoutant  à  l'initiale  une  2"  et  une  3^  lettre.  On  forme  ainsi  des 
radicaux  de  3  lettres  et  de  2  syllabes.  Les  dérivés  directs  se  forment 
en  intercalant  une  lettre  entre  ces  2  syllabes;  et  les  dérivés  secon- 
daires, en  intercalant  2  ou  plusieurs  lettres.  Des  exemples  feront 
comprendre  ce  système  : 

Ava  ^  Grammaire. 
Ave  =  Lettre. 

Alve  =  voyelle. 
Adve  =  consonne. 
Avi    =  syllabe. 
Avo    =  accent. 
Avau  =:  mot. 


DELORMEL  31 

Âlvau  :=  nom. 

Alavau  =  nom  commun. 
Alevau  =  nom  propre. 
Âlivau  =  radical. 
Alidvau  =  dérivé. 
Alizvau  =  composé. 
ol  ainsi  de   suite,  les  subdivisions  étant  marquées  par  de  nou- 
velles lettres  intercalaires. 

Les  particules  sont  formées  tout  aussi  régulièrement  :  les  pro- 
noms personnels  sont  a,  e,  i;  les  nombres  :  za,  ze,  zi,  zo,  zu,... 
pour  les  unités,  da,  de,  di,  do,  du,.,  pour  les  dizaines,  fa,  fe,  fi, 
fo,  fu,...  pour  les  centaines  (ba,  be,  bi,  bo,  bu  désignant  les  unités 
décimales  d'ordre  ternaire  :  mille,  million...);  les  prépositions: 
la,  le,  li,  lo,  lu,...  les  conjonctions  :  ta,  te,  ti,  to,  tu,...;  et  même 
les  interjections  :  ha,  he,  hi,  ho,  hu...  , 

Les  mots  dérivés  d'un  radical  et  ses  diverses  flexions  se  for- 
ment au  moyen  des  l;j  indicatives  finales  suivantes  : 

z    marque  le  pluriel  dans  les  articles  et  les  pronoms; 
V    l'adjectif  et  le  nombre  ordinal; 
b    le  plus-que-parfait  du  verbe; 
p    le  passé  — 

d    le  présent  — 

s   le  futur  antérieur  — 

r   le  futur 
t    l'adverbe; 
1    le  diminutif; 
n  —  comparatif; 

g  —  superlatif; 

m  l'augmentatif; 
f  —  comparatif; 

c  —  superlatif; 

k  la  négation,  ou  plutôt  le  contraire;  exemples  :  le ^=  près 
de,  lek  =  loin  de;  li  =  dans,  lik  =  hors  de;  lau  =:  devant,  lauk  = 
derrière  ;  na  =:  avec,  nak  =  sans. 

Enfin  les  mois  composés  se  forment  aussi  par  intercalation  du 
radical  déterminant  au  milieu  du  radical  déterminé;  par  exemple, 
de  alve  :=  voyelle  et  ze  =  deux  on  forme  :  alzeve  =  diphtongue. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  la  critique  de  ce  projet,  qui  n'a 
qu'un  intérêt  historique.  Il  suffira  de  remarquer  qu'il  a  les 
mêmes  défauts  que  toutes  les  langues  philosophiques,    car  il 


32  SECTION   I,    CHAPITRE   V 

repose  comme  elles  sur  «  un  tableau  réfléchi  des  connaissances 
humaines  ».  Toutes  les  flexions  y  sont  également  arbitraires.  Il  a 
un  défaut  propre,  qui  est  la  formation  des  dérivés  et  composés 
par  intercalation  :  c'est  là  un  procédé  tout  à  fait  contraire  ;"i 
l'esprit  des  langues  européennes,  et  qu'on  ne  saurait  trop  évitei-, 
car  il  dénature  le  radical  et  le  rend  méconnaissable;  dans  nos 
langues,  un  radical  est  un  bloc,  dont  les  extrémités  peuvent  sans 
doute  s'altérer,  mais  dont  le  centre  est  immuable,  et  surtout  insé- 
parable. 


CHAPITRE    VI 

SUDIIE   :   SOLRÉSOL  * 

Jean-François  Sudre,  né  à  Albi  en  1787,  était  professeur  à  l'école 
de  Sorèze  lorsqu'il  eut  (en  1817)  l'idée  de  prendre  pour  éléments 
d'une  langue  universelle,  au  lieu  des  sons  divers  et  variables  de 
nos  langues,  les  sept  notes  de  la  musique,  signes  uniformes, 
invariables  et  vraiment  universels.  Ces  notes  pouvaient  dailleurs 
s'employer  de  sept  manières  différentes,  qui  constituent  autant 
de  formes  de  la  Langue  musicale  :  1"  on  peut  énoncer  ou  écrire 
les  noms  internationaux  de  ces  notes,  ou  seulement  leurs  ini- 
tiales (s  =  si,  so  =  sol);  2°  on  peut  les  chanter  ou  les  jouer  sur 
un  instrument  de  musique  quelconque;  3°  on  peut  les  écrire  sur 
une  portée  comme  de  la  musique;  4°  on  peut  les  représenter  par 
7  signes  sténographiques  spéciaux,  soit  écrits,  soit  dessinés  en 
l'air  avec  le  doigt-;  ii»  on  peut  les  figurer  par  les  7  premiers 
chiffres  arabes,  ou  par  les  nombres  correspondants  de  coups 
sonores,  de  pressions  tactiles,  etc.  ;  6"  on  peut  les  représenter  par 
les  7  couleurs  du  spectre  (feux,  lanternes,  fusées,  etc.)  ;  7"  enfin 
on  peut  les  désigner  en  touchant  avec  l'index  de  la  main  droite 
les  4  doigts  de  la  main  gauche  ou  leurs  intervalles  (qui  rempla- 
cent ainsi  la  portée  musicale).  Plusieurs  de  ces  modes  de  trans- 
mission peuvent  servir  aux  aveugles  et  aux  sourds-muets,  à  qui 
l'auteur  espérait  ainsi  faciliter  les  relations  sociales;  d'autres 
conviennent  aux  communications  à  distance,  optiques  ou  acous- 
tiques, sur  terre  ou  sur  mer,  de  jour  ou  de  nuit,  ou  à  la  corres- 

1.  Langue  musicale  universelle,  inventée  par  Fran(;ois  Siure,  également 
inventeur  de  la  Téléphonie.  Double  dictionnaire.  2*  éd.  xxxi  -|-  xxiv  -j-  147 
+  :il7  -j-  10  p.  in-i"  (Paris,  1800).  Grammaire  du  Solrésol  ou  Langue  uni- 
verselle de  Fr.  Sudre,  par  Colesias  Gajewski,  44  p.  in-lG  (Paris,  1902). 

2.  Inventés  par  Vincent  Gajewski  (1813-1881). 

CouTURAT  et  I-EAU.  —   Laiiguc  univ.  3 


34  SECTION   I,    CHAPITRE  VI 

pondance  secrète.  Cette  langue  est  donc  à  la  fois  parlée,  écrile, 
muette  et  occulte.  Il  n'est  d'ailleurs  pas  nécessaire  d'être  musicien 
pour  l'apprendre. 

Vocabulaire. 

Le  lexique  est  naturellement  combiné  tout  entier  a  priori;  mais 
il  ne  repose  pas,  comme  dans  les  langues  philosoi)hiques,  sur 
une  classification  logique  des  idées.  Les  mots  sont  de  1,  2,  3,  4 
ou  :i  syllabes  suivant  qu'ils  sont  formés  par  la  combinaison  dr 
1,  2,  3,  4  ou  5  notes  '. 

Les  combinaisons  de  1  et  2  notes  sont  les  particules  et  les  pro- 
noms :  si  =  oui,  do  =  non;  re  =et;  mi  =  ou;  sol  =  si  (conj.i: 
dore  =  je  ;  demi  =  tu  ;  dofa  =  il  ;  redo  =  mon  ;  remi  =  ton  ; 
refa  =  son,  etc. 

Les  combinaisons  de  3  notes  sont  les  mots  les  plus  usités  : 
doredo  =  temps  ;  doremi  =jour;  dorefa  =  semaine;  doresol  =  mois  ; 
dorela  =  année;  doresi  =  siècle,  etc. 

Les  combinaisons  de  4  notes  sont  distribuées  en  7  classes 
(assez  improprement  appelées  clefs)  d'après  la  note  initiale  :  la 
clef  de  do  appartient  à  l'homme  physique  et  moral;  celle  de  re, 
à  la  famille,  au  ménage  et  à  la  toilette;  celle  de  mi,  aux  actions 
de  l'homme  et  à  ses  défauts;  celle  de  fa,  h  la  campagne,  aux 
voyages,  à  la  guerre  et  à  la  marine;  celle  de  sol,  aux  arts  et  aux 
sciences;  celle  delà,  à  l'industrie  et  au  commerce;  celle  de  si, 
aux  rapports  politiques  et  sociaux  ^. 

Enfin  les  combinaisons  de  5  notes  fournissent  la  nomenclatur<> 
des  trois  règnes  :  animal,  végétal  et  minéral. 

Les  dérivations  s'effectuent  de  trois  manières  : 

i°  Quand  un  mot  représente  un  verbe,  le  nom  de  chose,  le 
nom  de  personne,  l'adjectif  et  l'adverbe  qui  procèdent  de  l'idée 
verbale  se  forment  en  accentuant  respectivement  la  f",  la  2«,  la 
3°  ou  la  4«  syllabe  du  mot.  Par  exemple  : 

sirelasi  (sans  accent)  =  constituer. 
sirelasi  =  constitution. 


1.  Uy  a  7  mots  de  I  syllabe;  49  de  2;  .330  de  3;  2  268  de  4,  et  9  072  do  5. 

2.  Nous  ne  parlons  pas,  pour  simplifier,  de  la  2'  partie  du  vocabulaire, 
contenant  les  notes  répétées,  et  dont  les  divisions  ne  correspondent  pas 
exactement  aux  7  clefs  précédentes.  Par  exemple,  la  clef  de  mi  y  comprend 
les  adverbes  et  les  prépositions. 


SUDRE    :    SOLRÉSOL  35 

sirêlasi  =  constituant. 

sirelâsi  =  constitutionnel. 

sirelasî  =  constitutionnellement. 

2°  Le  contraire  d'une  idée  s'exprime  en  renversant  l'ordre  des 
syllabes  du  mot  correspondant  :  Ex.  :  domisol  (accord  parfait)  = 
Dieu,  solmido  =  Satan  ;  misol  ==  le  bien,  solmi  =  le  mal  ;  soUasi  = 
monter,  silasol  =  descendre. 

3°  Les  degrés  d'une  idée  (d'un  adjectif  ou  d'un  subs!antif) 
se  marquent  par  les  particules  fasi  (augmentative)  et  sifa 
(diminutive)  ;  on  obtient  le  l'"'"  degré  (comparatif)  en  la  plaçant 
avant,  et  le  2°  degré  (superlatif)  en  la  plaçant  après  le  mot 
modifié. 

Enfin,  pour  pouvoir  incorporer  au  besoin  les  noms  propres, 
termes  géographiques,  etc.,  l'auteur  a  prévu  une  transcription 
en  notes  des  lettres  de  l'alphabet. 


•     Gramm.\ire. 

On  a  vu  comment  se  distinguent  les  diverses  «  parties  du 
discours  »  qui  correspondent  à  une  môme  idée  :  à  savoir  par  le 
renforcement  d'une  note,  marquée  d'un  accent  circonflexe. 

Deux  autres  flexions  grammaticales,  dans  les  substantifs,  se 
marquent  aussi  par  des  accents  :  le  féminin  (naturel),  exprimé 
par  la  répétition  de  la  voyelle  de  la  note  finale  (marquée  d'une 
barre  supérieure)  ;  et  le  pluriel,  exprimé  par  la  répétition  de  la 
consonne  initiale  de  la  note  finale  (marquée  d'un  accent  aigu). 
Ex.  :  sisol  =  monsieur;  sisôl  (prononcez  sisool)  =  madame; 
dofaa  =:  elle;  doffaa  =  elles. 

Le  substantif  ne  prend  ces  marques  du  féminin  et  du  pluriel 
que  lorsqu'il  est  isolé;  autrement,  il  reste  invariable,  et  c'est 
l'article  qui  les  prend.  11  n'y  a  qu'un  article  défini;  et  pas  d'article 
indéfini  ou  partitif. 

L'article  sert  encore  à  marquer  les  cas,  réduits  à  trois  :  le 
nominatif  accusatif  la  ;  le  datif  {à,  au,  à  la,  aux)  fa  ;  et  le  génitif- 
ablatif  {de,  du,  de  la,  des)  lasi. 

L'adjectif  est  invariable,  et  Suit  toujours  son  substantif.  On  a 
vu  comment  se  forment  ses  degrés  de  signification. 

Le  verbe  est  invariable;  l'infinitif  sert  aussi  d'indicatif  présent. 
La  conjugaison  se  fait  au  moyen  de  particules  auxiliaires  qui 


36  SECTION  I,    CHAPITRE  VI 

indiquent  le  temps  et  le  mode  (le  nombre  et  la  personne  étant 
indiqués  par  le  pronom-sujet).  Ce  sont  : 

dodo    pour  Vindicatif  imparfait; 

j.gj.g  —  plus-que-parfait: 

mimi  —  /«'"''' 

fafa      pour  \e  conditionnel  présent  ; 

solsol     —      Yimpératif; 

lala         —     le  participe  actif; 

sisi         —     le  participe  passif. 
Le  passif  se  forme  au  moyen  du  verbe  auxiliaire  être  =  faremi. 
L'interrogation  s'indique  en  mettant  le  pronom-sujet  après  le 
verbe  ;  la  négation  s'exprime  par  do. 


Historique. 

C'est  dix  ans  seulement  après  avoir  conçu  la  première  idée  de 
sa  langue  musicale  universelle  que  Sudre  présenta  son  travail, 
encore  incomplet,  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  Paris  (1827). 
Il  travailla  pendant  quarante-cinq  ans  à  le  compléter  et  à  le 
perfectionner.  A  sa  mort  (2  octobre  1862),  son  vocabulaire  n'était 
pas  encore  imprimé.  11  fut  publié  par  sa  veuve  en  1866,  et  c'est 
alors  seulement  que  le  Solrésol  fit  son  entrée  dans  le  monde. 
Toutefois,  il  avait  déjà  reçu  les  plus  bautes  et  les  plus  flatteuses 
approbations  :  et  d'abord,  celle  de  plusieurs  commissions  suc- 
cessives de  Vinstitut  de  France  (1827,  1833,  1839,1856),  où  figuraient 
des  savants  comme  Prony,  Arago,  Fourier,  Flourens,  des  musi- 
ciens comme  Cherubini,  Lesueur,  Auber,  Bo'ieldieu,  Halévy,  et 
l'illustre  philologue  Emile  Burnouf  ;  puis  celle  de  nombreuses 
sociétés  savantes,  notamment  des  Académies  de  Metz  (1844),  de 
Rouen  (1845),  de  Bordeaux  (1860).  Le  Solrésol  fut  récompensé  tour 
à  tour  par  le  Cercle  des  Arts  (1841),  la  Société  libre  des  Beaux-Arts 
(1842),  Y  Athénée  de  Paris  (1843),  la  Société  d'encouragement  (18o;>);  il 
fut  honoré  à  l'Exposition  universelle  de  Paris  (1835)  d'une 
récompense  exceptionnelle  de  dix  mille  francs,  et  à  l'Exposition 
de  Londres  (1862)  d'une  médaille  d'honneur*.  Enfin  il  fit 
l'objet  de  rapports,  tous  favorables,  de  plusieurs  commissions 
d'officiers  généraux  nommées  par  les  ministres  de  la  guerre  et 

1 .  Sur  le  rapport  du  physicien  Lissajoux. 


SUDRE   :    SOLRÉSOL  37 

de  la  marine  en  1829,  1843,  1833,  1864  '.  Le  maréchal  Soult  mit  à 
l'étude  la  Téléphonie  dans  l'armée  de  terre,  et  l'amiral  de  La  Uon- 
cière  Le  Noury  proposait  de  l'adopter  dans  la  marine  de  guerre. 
L'auteur  reçut  des  encouragements  et  des  témoignages  de  sym- 
l)athie  de  Victor  Hugo,  de  Lamartine  et  d'Alexandre  de  Hum- 
boldt;  il  fut  présenté  à  Napoléon  III  à  Plombières  (1837)  et  invité 
à  expérimenter  sa  méthode  devant  l'Empereur.  Il  parcourut  pen- 
dant de  longues  années  la  France  et  l'Angleterre  pour  faire 
connaître  son  système;  et,  après  sa  mort,  sa  veuve  continua 
courageusement  son  apostolat.  Elle  fonda,  avec  le  concours  de 
Vincent  Gajewski,  la  Société  pour  la  propagation  de  la  Langue  uni- 
verselle Solrésol,  qui  existe  toujours  '^. 


Critique. 

On  a  peine  à  s'expliquer  le  succès  relatif  de  cette  langue,  la 
plus  pauvre,  la  plus  artificielle  et  la  plus  impraticable  de  toutes 
les  langues  a  priori.  Il  n'est  pas  besoin  de  longues  réflexions 
pour  s'apercevoir  combien  est  vaine  la  tentative  d'exprimer 
toutes  les  idées  humaines  au  moyen  de  7  syllabes  seulement, 
toujours  les  mêmes.  Avec  une  base  aussi  étroite,  on  comprend 
aisément  que  la  langue  soit  d'une  rebutante  monotonie;  en  outre, 
les  mots,  tous  semblables,  défient  la  mémoire  la  plus  sûre.  En 
somme,  le  Solrésol  présente,  à  un  degré  suprême,  tous  les  défauts 
pratiques  des  langues  philosophiques,  sans  en  avoir  les  avan- 
tages théoriques. 

En  effet,  la  logique  est  la  moindre  qualité  de  ce  système.  Il 
suffit,  pour  s'en  convaincre,  d'examiner  la  numération  :  elle 
procède  par  périodes  de  6  nombres,  ce  qui  jure  avec  le  système 
décimal;  on  nomme  successivement  les  nombres  de  1  à  20,  puis  : 
.30,  40,  30,  60,  80,  100,  1000,  1  million,  en  omettant  70  et  90,  ce 
qui  est  un  pur  gallicisme.  Autre  exemple  :  il  n'y  a  aucun  lien 
de  dérivation  entre  les  pronoms  personnels  et  les  pronoms 
possessifs;    dore   (je)   n'est  pas  non  plus  le  contraire  de  redo 


1.  A  la  suite  d'un  rapport  du  général  baron  Marbot  (1839),  une  récom- 
pense nationale  de  5Ô  000  francs  fut  allouée  à  Sudre;  mais  elle  ne  fut  jamais 
payée. 

2.  Son  secrétaire  général  est  M.  Boleslas  Gajewski,  flls  de  Vincent 
Gajewski  (113,  avenue  de  Saint-Mandé,  Paris). 


38  SECTION   I,    CHAPITRE   VI 

(mon),  ni  remi  {ton)  celui  de  mire  (qui);  tandis  que  misi  (bonsoir) 
est  le  contraire  de  simi  {bonjour). 

La  règle  de  dérivation  des  quatre  ou  cinq  sens  du  même  mot 
dont  on  change  l'accentuation  n'est  pas  non  plus  appliquée  uni- 
formément. A  côté  de  la  série  suivante  :  lafalami  =  Géométrie, 
géomètre,  géométrique,  géométriquement,  on  trouve  celle-ci  :  fasol- 
lasol  =  Vaisseau,  navire,  brick,  corvette,  frégate,  qui  comprend  des 
espèces  différentes  du  même  genre,  et  non  pas  le  substantif 
(navigateur),  l'adjectif  (naval),  le  verbe  (naviguer  ')  et  l'adverbe 
(navalement)  dérivés  de  l'idée  de  vaisseau.  D'ailleurs,  la  classifica- 
tion des  idées  correspondant  aux  combinaisons  successives  de 
notes  n'est  pas  plus  régulière,  et  est  faite  sans  aucun  principe 
logique;  elles  sont  rangées  dans  un  ordre  à  peu  près  arbitraire, 
et  en  tout  cas  absolument  empirique  2. 

Mais,  lors  même  que  cette  classification  serait  régulière,  elle 
subirait  de  nombreuses  infractions  par  suite  de  la  règle  d'inver- 
sion. En  effet,  quand  on  retourne  un  mot  pour  exprimer  l'idée 
contraire,  la  dernière  syllabe  devient  la  première,  et  ne  corres- 
pond plus  à  la  clef  à  laquelle  le  mot  devrait  appartenir.  Le  mot 
vient  donc  s'insérer,  dans  l'ordre  «  alphabétique  »,  entre  les 
mots  d'une  tout  autre  classe  d'idées.  C'est  ainsi  qu'entre  redore 
=  philosophie  et  redofa  =  morale  s'intercale  redomi  =  répugnance, 
contraire  de  midore  =:  sympathie.  Inversement,  le  mot  qui  signifie 
démoraliser  (fadore)  se  trouvera,  bien  loin  de  son  inverse  redofa, 
dans  la  clef  de  fa.  Le  contraire  de  domiresi  =  entendre,  est 
siremido  =  être  sourd,  et  se  trouve  égaré  dans  la  clef  de  si  parmi 
les  idées  relatives  au  gouvernement  des  Etats  (député,  dynastie, 
empire,  royauté).  Ces  mots  (imprimés  en  italiques  dans  le  diction- 
naire) constituent  des  lacunes  choquantes  et  trompeuses  dans 
l'ordre  établi  tant  bien  que  mal  entre  les  idées  analogues  3. 

Il  y  a  pis  encore  :  certains  mots  sont  l'inverse  l'un  de  l'autre 
sans  exprimer  le  moins  du  monde  des  idées  contraires.  Ex.  : 
dosidomi  =  légume,  midosido  =  sacrifice  *. 

1.  Traduit  par  faladore. 

2.  Entre  faladore  =  naviguer  et  faladosol  =  ramer  se  trouvent  intercalés 
faladomi  =  espace  et  faladofa  =  lieue. 

3.  D'ailleurs,  cette  idée  de  l'inversion,  théoriquement  ingénieuse  et  sédui- 
sante, n'est  pas  du  tout  pratique;  car  la  relation  entre  un  mot  et  son  inverse 
est  bien  peu  sensible,  et  demande  un  effort  de  réflexion  pour  être  aperçue. 
Cela  tient  à  ce  que  le  temps  n'est  pas  réversible,  ou  que  la  succession  n'est 
pas  une  relation  symétrique. 

4.  Critique  due  à  M.  Dormoy,  auteur  du  Balta. 


SUDRE   :    SOLRÉSOL  39 

Enliu  une  source  d'équivoques  encore  plus  grave  est  la  liision 
possible  entre  plusieurs  mots  consécutils;  la  interne  phrase 
(succession  de  notes)  peut  avoir  des  sens  tout  différents  suivant 
la  manière  de  couper  les  mots  :  famisi  domido  =  porter  l'univers; 
mais  fami  sidomido  =  cette  place  *.  On  voit  que  les  amateurs  de 
calend.)ours  et  de  logogrii)lies  auraient  beau  jeu  dans  une  telle 
langue.  Aussi  est-il  recommandé  aux  adeptes  de  bien  séparer  les 
mots  dans  la  prononciation.  Mais  ce  précepte,  bon  tout  au  plus 
pour  les  novices,  est  la  condamnation  de  la  langue,  comme 
langue  parlée;  car  il  revient  à  dire  que  la  conversation  cou- 
rante y  est  impraticable. 

Nous  n'insisterions  pas  tant  sur  la  critique  de  ce  système,  s'il 
n'avait  pas  reçu  des  approbations  si  nombreuses  et  si  autorisées. 
On  a  môme  peine  à  se  les  expliquer,  tant  elles  contrastent  avec 
la  défiance,  le  scepticisme  et  surtout  l'inertie  auxquels  des 
projets  infiniment  supérieurs  se  heurtent  encore  de  nos  jours 
dans  le  monde  savant.  Nous  croyons  toutefois  en  découvrir  deux 
raisons.  D'une  part,  Sudre  paraît  avoir  été  guidé  par  la  pensée, 
éminemment  philanthropique,  détendre  les  bienfaits  de  la  langue 
universelle  aux  aveugles  et  aux  sourds-muets;  et  cette  pensée  a 
pu  toucher  les  savants,  les  artistes  et  les  lettrés  dont  nous  avons 
cité  les  noms.  D'autre  part,  l'application  de  son  système  (la 
Téléphonie)  aux  communications  (optiques  ou  acoustiques)  à 
grande  distance  ou  de  nuit  a  pu  séduire  à  bon  droit  les  autorités 
militaires  et  navales  qui  l'ont  ajjprécié  favorablement;  et  en 
effet,  ce  sont  des  combinaisons  analogues  qui  constituent  le 
Code  international  des  signaux  maritimes,  adoi)té  depuis  lors. 
Ainsi  le  système  peut  recevoir  des  applications  pratiques  dans 
certaines  circonstances  spéciales.  Mais  il  n'est  pas  raisonnable 
de  s'astreindre  à  des  conditions  aussi  gênantes  et  aussi  restric- 
tives pour  élai)orer  une  langue  d'un  usage  universel  et  courant. 
Autant  vaudrait  chercher  à  construire  une  bicyclette  qui  i)iit 
servir  même  aux  boiteux. 

1.  Autre  exemple  :  la  fadomi  =  la  lettre;  lafadomi  =  additionner. 


CHAPITRE  VII 


GROSSELIN 


La  langue  universelle  de  Grosselin  se  compose  de  lliOO  mots, 
dits  racines,  et  de  100  suffixes  de  d«''rivation  {terminaisons  modifica 
trices).  «  Chaque  racine  correspond  à  un  numéro  qui  est  l'expres- 
sion écrite  de  l'idée.  »  Les  nombres  de  1  à  100  représentent  les 
particules  et  les  noms  de  nombre;  de  101  à  200,  les  parties  des 
animaux;  de  201  à  300,  les  espèces  animales;  de  301  à  500",  les  végé- 
taux et  leurs  parties;  la  6°  centaine  est  consacrée  aux  phénomènes 
et  aux  corps  naturels,  la  l''  à  l'habitation  de  l'homme,  la  8"  aux 
vêtements,  jeux,  armes,  la  9«  aux  machines  et  outils,  la  10«  à  l:i 
métaphysique  et  à  la  littérature.  Les  H»  et  12"  contiennent  les 
qualités  (adjectifs);  les  3  dernières  contiennent  les  actions  (verbes). 

De  même,  les  suffixes  sont  numérotés  de  1  à  iOO,  et  dans 
l'écriture  ils  se  mettent  en  exposant  du  radical.  Ex.  :  1091  =  roi, 
i  r=r  qualité  abstraite  :  1091*  =^  royauté;  30  =  opinion,  parti, 
secte  :  1091^0  =  royalisme;  1047  =  vieux,  9  =  devenir  :  1047'  = 
vieillir,  et  ainsi  de  suite.  Les  llexions  grammaticales  sont  indi- 
quées par  des  préfixes  analogues. 

Jusqu'ici,  rien  ne  distingue  le  système  de  Grosselin  d'une 
pasigraphie  par  chiffres  ^.  Pour  en  faire  une  langue,  l'auteur  n'a 
eu  qu'à  assigner  des  sons  à  ses  chiffres.  Les  petits  chiffres  cor- 
respondent aux  voyelles  ou  diphtongues  : 

a,  è,  0,  ou,  eu,  i,  ai,  ei,  oi,  é, 
et  les  grands  chiffres  aux  consonnes  : 

p,  f,  m,  t,  s,  ch,  k,  n,  1,  r, 

1.  Système  de  Langue  universelle,  par  A.  Grosselin  :  Grammaire  abrégée 
de  la  Langue  universelle,  précédée  d'un  discours  de  l'auteur.  11  +  24  p. 
in-8\  Paris,  Rorct,  1836. 

2.  Comme  celles  de  Paic  et  de  Bachmaier,  qui  lui  sont  postérieures. 


GROSSELIN  41 

qui  peuvent  indifféremment  être  remplacées  par  les  douces  cor- 
respondantes, ce  qui  donne  une  certaine  latitude  à  la  pronon- 
ciation. Ainsi  les  affixes  sont  des  groupes  de  voyelles,  et  les 
radicaux  des  groupes  de  consonnes.  Pour  rendre  ceux-ci  pro- 
nonçables, l'auteur  y  intercale  des  voyelles  (non  significatives) 
suivant  une  règle  assez  compliquée.  Ex.  :  201  =  frap  =  homme. 
La  conjugaison  s'elïectue  au  moyen  de  voyelles  :  celle  qui  indique 
la  personne  (avec  le  nombre  et  le  genre)  se  met  avant  le  radical  ; 
celle  qui  indique  le  mode  s'intercale  après  la  l"""  consonne  du 
radical;  et  celle  qui  indique  le  temps,  après  la  2"  consonne. 

On  le  voit,  dans  ce  système,  «  c'est  l'écriture  qui  représente 
directement  les  idées,  et  la  parole  devient  une  traduction  de 
l'écriture  ».  C'est  pour  ainsi  dire  une  pasigraphie  parlée. 

Nous  passons  sous  silence  les  signes  sténographiques  par 
lesquels  l'auteur  remplace  ses  chiffres  ou  ses  lettres;  et  les  pro- 
cédés mnémotechniciues  qu'il  a  imaginés  pour  apprendre  plus 
facilement  le  v^ocabulaire,  c'est-à-dire  les  séries  d'idées  qui  cor- 
respondent aux  nombres  successifs.  Ces  procédés  nous  paraissent 
d'une  efficacité  douteuse;  mais,  loin  d'en  blâmer  l'auteur,  nous 
lui  ferons  un  mérite  d'avoir  aperçu  la  difficulté,  et  d'avoir  cherché 
à  y  remédier. 

Nous  ne  nous  attarderons  pas  à  critiquer  la  grammaire,  abso- 
lument contraire  à  l'esprit  de  nos  langues,  on  l'a  vu,  puisqu'elle 
emploie  des  préfixes  et,  qui  pis  est,  des  infixes  K  Nous  voulons 
seulement  faire  remarquer  une  illusion  de  l'auteur  (illusion  très 
fréquente),  qui  consiste  à  prétendre  qu'avec  loOO  racines  et 
iOO  affixes  de  dérivation  on  peut  former  150000  mots,  et  obtenir 
ainsi  un  dictionnaire  très  riche*.  C'est  que,  en  réalité,  l'immense 
majorité  des  combinaisons  ainsi  obtenues  n'aurait  aucun  sens. 
Soit  101  :=  tète  :  que  signifierait  101'  =  qualité  de  tôte;  lOP**  = 
parti  de  la  tête;  101®  =  devenir  tête,  etc.? 

En  revanche,  il  y  a  quelque  outrecuidance,  et  beaucoup  de 
naïveté,  à  prétendre  que  1500  racines  suffisent  à  former  tous  les 
mots  dont  on  a  besoin,  et  à  réserver,  en  tout  et  pour  tout, 
20  racines  aux  espèces  de  mammifèi^es,  30  aux  oiseaux,  20  aux 
poissons,  et  ainsi  de  suite.  Comment  désignera-ton  les  espèces 
qui  ne  figurent  pas  dans  le  catalogue  trop  sommaire  de  l'auteur? 

1.  Cf.  la  critique  de  Delormel  (ch.  v). 

2.  Et  même  15  millions  de  mots,  en  ajoutant  2  affl.ves  au  même  radical. 


42  SECTION   I,    CHAPITRE  VII 

Par  des  dérivés  sans  doute!  De  même,  il  est  puéril  de  réserver 
100  racines,  pas  une  de  plus,  aux  machines  :  n'en  invente-t-on 
pas  tous  les  jours  de  nouvelles?  Comment  l'auteur  eût-il  traduit 
ivagon,  locomotive,  télégraphe,  téléphone,  phonographe.  <|ui  manquent 
(et  pour  cause)  à  son  vocabulaire,  et  qui  ne  trouveraient  pas  de 
place  dans  sa  classification?  On  voit  par  ces  exemples  combien  il 
est  vain  de  prétendre  dresser  une  fois  pour  toutes  le  catalogue 
de  nos  idées,  et  en  faire  une  énumération  et  une  classification 
complètes.  Il  faut  toutefois  reconnaître  que  Grosselin  a  fort 
judicieusement  fait  place  dans  son  lexique  à  des  radicaux  adjec- 
tifs et  même  verbes,  alors  que  tant  d'auteurs  de  langues  a  priori 
et  même  mixtes  (Volaptik,  Bolak.  etc.),  veulent  systématiquement 
prendre  pour  racines  les  substantifs  seuls.  Il  emploie  mémo 
comme  racines  les  particules,  ce  qui  est  logique  et  ingénieux  '. 
Par  exemple,  les  adverbes  de  temps  et  de  lieu  {quand?  où.' 
dérivent  des  pronoms  (quel?);  de  0.3  =  auprès  dérive  l'adjectif 
53^  =:  voisin;  de  33  =  chez  dérive  le  verbe  fréquentatif  33"  = 
fréquenter. 

1.  Cf.  VEsperanlo. 


CHAPITRE  VIII 

VIDAL:    LANGUE  UNIVERSELLE  ET  ANALYTIQUE^ 
V alphabet  comprend   22   consonnes   et   13    voyelles,   classées 


comme  suit  : 

d 

t 

u 

g 

k 

2  (ou) 

b 

P 

é 

V 

f 

a 

i 

X 

i 

6  (r  lingual) 

1 

0 

z 

s 

7  {oui) 

ç  (dn) 

c 

m 

8  (ei) 

y 

û 

ign) 

9  (ai) 

n 

r 

(guttural) 

œ 

m 

à 

h 

ô 

e 
Les  9  premières  lettres  de  chaque  colonne  ont  la  valeur  numé- 
rique qui  correspond   à  leur   rang  (et  pour  certaines  à   leur 
figure).  «  Dans  ce  système,  les  chiffres  et  les  lettres  sont  une 
seule  et  môme  chose  »  (p.   34).  Aussi   nous  dispenserons-nous 
d'exposer  le  système  de  numération,  à  la  fois  compliqué  et  illo- 
gique. 
Voici  la  classification  des  parties  du  discours  d'après  leur  forme  : 
Tout  mot  d'une  lettre,  si  c'est  une  consonne,  est  un  pronom 
personnel;  si  c'est  une  voyelle,  c'est  un  verbe. 

1.  Langue  universelle  et  analytique,  par  E.-T.-T.  Vidal,  auteur  de  la  Sto- 
nograpliie  verticale.  414  p.  in-16  (Paris,  Sirou,  1844). 


4i  SECTION   I,    CHAPITRE   VIII 

Tout  mot  de  deux  lettres  (forme  cv)  est  une  forme  personnelle 
du  verbe  être  (pronom  et  verbe). 

Tout  mot  de  trois  lettres  terminé  par  un  a  est  un  article;  toi- 
miné  pari  ou  o,  est  un  pronom:  par  è,  une  préposition:  par  2  ou 
œ,  un  adverbe;  par  n,  une  conjonction. 

Tout  mot  de  plus  de  trois  lettres  terminé  par  une  voyelle  est  un 
substantif;  terminé  par  une  consonne,  un  adjectif. 

Les  pronoms  personnels  sont  : 


l'^p. 

2«p. 

3"  p.  m. 

3'  p.  f, 

Sing. 

V 

b 

g 

d 

Plur. 

f 

P 

k 

t 

Ces  consonnes  se  combinent  avec  les  voyelles  qui  constituent 
les  divers  temps  du  verbe  être  :  i,  indicatif  présent;  a,  imparfait; 
è,  passé;  u,  plus-que-parfait;  o,  futur;  on,  futur  antérieur,  etc. 
Ainsi  l'indicatif  présent  se  conjugue  comme  suit  :  vl,  bi,  gi;  fi,  pi, 
ki;  l'imparfait  :  va,  ba,  ga,...  et  ainsi  de  suite. 

Le  vocabulaire  ne  comprend  que  des  radicaux  substantifs,  iden- 
tiques aux  nombres;  ils  sont  rangés  par  ordre  alphabétique  ou 
numérique,  et  correspondent  à  une  classification  logique  des 
idées.  Les  initiales  désignent  les  vingt  classes  suprêmes  : 

N     :  mesure,  matière,  forme,  mouvement. 

Z     :  végétaux. 

B     :  animaux. 

T     :  homme  physique. 

D     :  homme  moral. 

F     :  homme  social. 

FL  :  métiers. 

F     :  agriculture,  arts  alimentaires, 

K     :  arts-sciences,  langue,  etc. 

R     :  temps,  transports. 

BL,  PL  :  dignitaires  et  dignités. 

G     :  lieux,  géographie. 

S     :  Dieu,  physique  et  métaphysique. 

J     :  homme  sensible. 

L     :  homme  intelligent. 

V     :  homme  pieux  (religion). 

KL  :  homme  civilisé. 

X     :  industrie,  commerce. 

GL  :  arts  libéraux- 


VIDAL    :    LANGUE   UNIVERSELLE   ET   ANALYTIQUE  45 

M     :  arts,  sciences  K 

Si  l'on  ajoute  à  chacune  de  ces  consonnes  une  voyelle,  on 
obtient  le  nom  des  premières  subdivisions.  Ex.  :  bu  =  quadru- 
pède; b2  =  oiseau;  hé  =  poisson;  ba  =  insecte.  Ensuite,  à  chacune 
de  ces  sylialics  on  peut  ajouter  20  consonnes,  puis  6  voyelles,  ce 
qui  donne  pour  chacune  120  mots  de  4  lettres.  Ex.  :  ga  =  géogra- 
phie ;  gan2  =  Europe  ;  gané  =  Asie  ;  gana  ==  Afrique  ;  gani  =  Amé- 
rique; garu  =  Russie;  gar2  =  Saint-Pétersbourg  ;  de  même  :  ginu 
=::  France,  gin2  =  Paris,  etc.  On  voit  que,  comme  l'auteur  s'en 
vante  (p.  12),  l'ordre  numérique,  l'ordre  alphabétique  et  l'ordre 
des  matières  ne  font  qu'un. 

Avec  ces  radicaux  on  forme  des  substantifs  dérivés  au  moyen 
de  96  syllabes-préfixes.  On  en  tire  également  les  adjectifs  :  «  il 
suffit  d'ajouter  une  de  ces  5  lettres  :  n,  s,  1,  x,  ô  à  une  voyelle 
d'un  substantif  pour  le  changer  en  adjectif  »  (p.  351). 

Ces  indications  suffisent  à  montrer  combien  un  tel  système  est 
peu  pratique,  et  contraire  à  toutes  les  habitudes  et  à  toutes  les 
lois  du  langage  naturel.  . 

1.  Les  12  premières  classes  sont  identiques  aux  12  classes  suprêmes  de  la 
Pasigraphie  de  Maimieux  (1797).  C'est  ce  qui  explique  (sans  le  justifier)  le 
désordre  de  cette  classification,  où  les  8  dernières  classes  font  visiblement 
double  emploi  avec  les  premières. 


CHAPITRE  IX 


LETELLIER 


L'auteur  de  ce  projet  de  langue,  qui  lui  avait  coftté  quinze  ans 
de  travail,  et  qui  était  achevé  en  18o0,  est  parti  de  cette  idée,  que 
la  langue  universelle  ne  doit  être  ni  une  langue  morte,  ni  une 
langue  vivante,  ni  une  langue  inventée  sur  le  modèle  des  langues 
vivantes.  Elle  doit  être  fondée,  selon  lui,  sur  la  théorie  du  langage, 
dont  voici  le  principal  axiome  :  *  Les  lettres  ou  caractères  dont 
se  compose  le  mot  théorique  doivent  représenter  quelque  analyse 
de  l'idée  qu'il  prétend  communiquer  »  ;  la  théorie  du  langage 
n'est  donc  pas  autre  chose  qu'un  inventaire  de  toutes  nos  idées, 

1.  Cours  complet  de  Langue  univei'selle ,  offrant  on  mi^inc  temps  une 
méthode  facile  et  sûre  pour  apprendre  les  langues,  et  pour  comparer,  en 
quelques  mois,  toutes  les  littératures  mortes  et  vivantes,  par  C.-L.-A.  Letel- 
LiER,  ex-régent  de  rhétorique  à  Lisieux,  ex-inspecteur  des  écoles  du  Cal- 
vados. 4  vol.  in-8"  (Caen,  Chesnel,  1852-55)  1. 1  (xlviii  +  372  p.)  :  Grammaire; 
t.  11  (ix  +  4G6  p.)  :  Radicaux  ;  t.  III  (m  4-515  p.)  :  Applications  aux  Sciences  ; 
t.  IV  (x-|-539  p.)  :  Applications  aux  Lettres.  —  Clef  de  la  théorie  du  lan- 
gage qui  donne  naissance  à  la  Langue  universelle,  par  Letellier,  23  p.  in-S" 
(Paris,  Duprat,  1856).  —  Etablissement  immédiat  de  la  Langue  universelle, 
par  Letellier,  52  p.  in-8*,  introduction  à  la  2"  édition  du  t.  I  du  Cows  com- 
plet (Paris,  Duprat,  1861).  —  Méthode  du  mot  théorique  grammatical  pour 
apprendre  en  quelques  mois  une  langue  morte  ou  vivante...  2*  éd.  v -}- 87 
p.  8°  (Caen,  1870).  —  Théorie  des  langues  maternelles  et  du  langage  interna- 
tional, 2"  éd.  XXXI  +  265  p.  8°  (Caen,  1883).  —  Dictionnaire  de  30.000  mois 
internationaux  définis  par  les  lettres  qui  les  composent  et  par  la  classifica- 
tion des  idées,  xiv  4-315+  19  p.  8°  (Caen,  1886).  —  Petit  Atlas  de  classifi- 
cation pour  toutes  les  idées  jusqu'à  la  4"  division,  ou  pour  tous  les  mots 
internationaux  jusqu'à  la  â"  lettre,  vu  4"  101  p.  8°  (Caen,  1886).  Mention- 
nons aussi  les  autres  ouvrages  de  l'auteur,  qui  se  rapportent  au  même 
sujet  :  Les  Lois  de  la  parole,  examen  critique  des  bases  sur  lesquelles  repo- 
sent les  langues  orientales  et  occidentales  (1861)  ;  —  Le  mot,  hase  de  la  raison 
et  source  de  ses  progrès  (1875);  —  Le  mot  Dieu,  étude  philosophique  sur  la 
pensée,  la  raison  et  la  vérité  relative  (1880).  Tous  ces  ouvrages  se  trouvent 
chez  le  D'  Letellier  (fils  de  l'auteur),  41,  rue  de  Bayeux,  à  Caen. 


LETELLIER  47 

soumises  à  une  analyse  logique  que  doit  traduire  la  nomencla- 
ture. Or  nos  idées  se  répartissent  en  deux  grandes  classes  :  les 
idées  de  rapport,  exprimées  par  les  flexions  grammaticales;  et 
les  concepts  absolus,  exprimés  par  les  radicaux.  L'analyse  de 
chaque  mot  du  discours  doit  donc  être  double  :  l'analyse  gramma- 
ticale (déjà  connue)  détermine  le  sens  des  flexions,  et  par  suite  les 
relations  du  mot  et  son  rôle  dans  la  phrase.  Il  faut  y  joindre 
ïanalyse  radicale  (que  l'auteur  croit  avoir  inventée),  qui  détermine 
le  sens  du  radical  et  sa  place  dans  la  classification  logique. 

Cette  théorie  du  langage,  qui  n'implique  pas  nécessairement 
rétablissement  de  la  Langue  universelle,  bien  qu'elle  y  conduise 
directement,  a  sa  valeur  et  son  utilité  propres;  on  peut  et  on 
doit  la  juger  en  elle-même,  selon  l'auteur,  indépendamment  de 
toute  application  pratique.  C'est  même  là,  selon  lui,  le  critérium 
d'après  lequel  on  doit  juger  tout  projet  de  langue  universelle  : 
il  faut  demander  aux  principes  proposés  ce  qu'ils  apportent 
d'utile  au  milieu  des  éléments  de  la  langue  que  l'on  parle,  c'est-à- 
dire  s'ils  font  mieux  comprendre  et  mieux  analyser  nos  langues 
naturelles.  L'auteur  ne  désire  nullement  supprimer  ou  remplacer 
les  langues  vivantes  ;  il  ne  prétend  même  pas  créer  à  lui  seul  la 
langue  universelle.  Il  demande  seulement  que  des  savants  réunis 
en  Congrès  ou  en  Académie  se  pénètrent  de  la  théorie  du  lan- 
gage, et  créent  eux-mêmes  la  langue  universelle  qui  est  une 
conséquence  de  cette  théorie.  Pour  que  la  théorie  du  langage 
engendrât  la  langue  universelle,  il  suffirait  que  les  principes  de 
cette  théorie  fussent  adoptés  par  les  délégués  de  quatre  ou  cinq 
grandes  nations  européennes.  L'auteur  soumet  d'avance  son 
système  à  «  la  commission  internationale  »  ou  à  1'  «  académie 
formée  des  délégués  de  tous  les  idiomes  »  (t.  II,  p.  329). 


Grammaire. 

Suivant  les  principes  mêmes  de  la  langue,  son  exposition  est 
divisée  en  deux  parties  (dont  chacune  forme  un  volume  de  son 
grand  ouvrage)  :  l'une  concerne  les  Grammaticaux,  c'est-à-dire 
les  éléments  grammaticaux  des  mots  et  de  la  phrase  (flexions 
et  particules);  l'autre  concerne  les  Radicaux  (éléments  invaria- 
bles des  mots). 

Cette  distinction  est  si  importante,  qu'elle  règne  même  dans 


48  SECTION   I,    CHAPITRE   IX 

l'alphabet,  où  les  lettres  sont  divisées  en  radicales  et  grammati- 
cales. Voici  le  tableau  des  15  voyelles  et  IG  consonnes  (nous 
ajoutons  la  prononciation  entre  parenthèses)  : 

VOYELLES 

,     (  Douces  :  a,       e,       i,         o,        u. 

Radicales  l  ^     ,  _,._,,.,-,.,-  ,^s    -  ,     , 

(  Fortes  :  a  (a),  e  (e),  i  (m),  o  {6),  u  (ou). 

Grammaticales  :  à  (an),  é  (e  muet),  ê  (eu),  ô  (on),  ù  (mi) 

CONSONNES 


Douces  :  b,  g  (dur),  d,  v,  j. 
Fortes  :  p,  c  (k),      t,  f,  h  (c/i). 


Radicales 

Grammaticales  :  1,  m,  n.  r,  s,  z 


Vaccent  n'est  d'aucune  utilité,  suivant  l'auteur  (II,  332);  c'est 
une  richesse  de  sa  langue  de  n'avoir  aucune  accentuation  propre; 
elle  se  prête  ainsi  à  tous  les  systèmes  de  versificatioa  (II,  334-j). 

Tout  radical  est  substantif  et  commence  par  une  voyelle.  Par 
suite,  la  première  voyelle  d'un  moi  est  la  première  lettre  de  son 
radical;  et  toute  consonne  initiale  est  grammaticale.  C'est  ainsi 
que  la  consonne  initiale 

b-  caractérise  un  adjectif  qualificatif , 

p-  —  un  adjectif  déterminatif 

g-  —  un  verbe, 

c-  —  un  participe, 

j-  —  un  adverbe  simple, 

h-  —  un  adverbe  dérivé, 

d-  —  un  pronom, 

t-  —  une  préposition, 

V-  —  une  conjonction, 

t-  —  une  interjection. 

Les  substantifs  se  déclinent  comme  suit.  On  ajoute  au  radical, 
au  singulier  : 

-a  pour  former  le  nominatij; 
•e  —  Vaccusatif; 

-i  —  le  génitif; 

-0  —  Vablatif; 

-u  —  le  datif. 


LETELLIER  49 

Au  pluriel,  on  remplace  chacune  de  ces  voyelles  douces  par  la 
voyelle  forte  correspondante  (voir  Y  Alphabet).  Le  radical  substantif 
est  masculin  en  principe.  Pour  former  le  féminin  et  le  neutre,  il 
suffit  d'intercaler  respectivement  r  ou  s  entre  le  radical  et  la 
désinence  casuelle. 

L'article  défini  n'est  pas  autre  chose  que  le  grammatical  de  son 
substantif,  placé  avant  lui.  Ainsi  :  a  ^  /e,  ra  =  la  (au  nominatif). 

Les  adjectifs  s'accordent  avec  leur  substantif,  c'est-à-dire  pren- 
nent le  même  grammatical. 

Les  pronoms  personnels  (caractéristique  d-)  sont  :  da  (l'i^pers.), 
de  (2"  pers.),  di  (3"  pers.).  Ils  se  déclinent  comme  les  substantifs  : 
les  pronoms  du  pluriel  sont  le  pluriel  des  pronoms  du  singulier. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  di  (1'®  pers.),  de  (2^  pers.),  di  (3^  pers.). 
Le  pronom  démonstratif  est  do  ; 

—  indéfini  du  ; 

—  interrogalif         do  ; 

—  relatif  dû  ' . 
Les  adjectifs  déterminatlfs  (caractéristique  p-)  sont  : 

1"  Les  adjectifs  possessifs  :  pa  (mon),  pe  (ton),  pi  {son);  pa  (notre), 
pi  (vo^re),  pi  (/eur)^. 

2°  L'adjectif  démonstratif:  po  ; 

3°       —         indéfini:  pu; 

4*5       —        interrogalif:    po; 

')'>      —        numéral  cardinal:  T^û-; 

1)0       —        numéral  ordinal  :    pê-^. 

L'article  indéfini  est  formé  par  pu-  et  le  grammatical  du  substantif. 

Les  verbes  ont  une  conjugaison  uniforme,  qui  s'effectue  au 
moyen  des  lettres  suivantes  : 

1"  Voix  :  g  pour  l'actif;  r  pour  le  passif;  1  pour  le  neutre;  s  pour 
l'impersonnel  (lettres  mises  avant  le  radical)  ; 

2'^  Modes  :  1  marque  Vindicatif;  m,  le  conditionnel-optatif;  n,  Vimpé- 
rat'if;v,  le  subjonctif;  s,  V infinitif  (letlres  mises  après  le  radical); 

3°  Temps  :  e  désigne  V imparfait,  1  le  passé,  è  le  passé  antérieur,  ê  le 


\.  On  remarquera  runiforiuité  de  tous  ces  pronoms,  bien  propre  à  engen- 
drer la  confusion.  Par  exemple,  dans  ceUe  phrase  :  «  C'est  vous  qui  7«'avez 
dit  laquelle  »,  les  cinq  mots  soulignés  se  traduiraient  par  :  dosa,  dea.  dûa, 
dau  et  dure. 

2.  On  remarquera  qu'ils  ne  correspondent  nullement  aux  pronoms  pos- 
sessifs. 

3.  Voir  la  numération  dans  le  Vocabulaire. 

CouTURAT  et  Leau.  —   Lanc-ue  univ.  4 


50  SECTION   I,    CHAPITRE  IX 

plus-que-parfait,  o  \c  futur,  ô  \c  futur  antérieur  (lettres  mises  après 
les  précédentes)  : 
40  Personnes  :  a  e,  i        au  singulier; 

0,  û,  ô        au  pluriel; 

â,  e,  ï        au  duel  '. 

(lettres  mises  après  les  précédentes). 

Voici,  par  exemple,  les  principales  formes  du  verhe  être,  (|ui 
n'a  pas  de  radical,  et  se  réduit  à  la  lettre  g  (caractérislique  du 
verbe),  suivie  des  flexions  : 

Indicatif  présent  :     gla.  gle,  gli,  glo,  glu,  glô; 

imparfait:  glea,  glee,  glei 

passé  :        glia 

—      futur:       gloa 

Subjonctif  présent  :     gra,  gre,  gri, 

—        imparfait  :  gréa, 

Infinitif  présent  :         gsé  (être); 
—      passé  :  gsi  (avoir  été). 

Pour  conjuguer  n'importe  quel  verbe,  il  suffit  d'intercaler  son 
radical  dans  les  formes  du  verbe  être  après  le  g  initial. 

Les  participes  sont  caractérisés,  comme  on  sait,  par  l'initiale  c 
substituée  à  l'initiale  g. 

L'auteur  forme  les  temps  secondaires  avec  le  particii)e  i>assé 
du  verbe  conjugué  joint  à  l'auxiliaire  ai'otr;  celui-ci  se  réduit  au 
grammatical  du  verbe,  c'est-à-dire  au  verbe  être  où  l'on  suppri- 
merait l'initiale  g. 

La  langue  universelle  de  Letellier  n'a  pas  de  syntaxe  propre  et 
autonome.  Et,  en  efl"et,  l'auteur  applique  son  analyse  grammati- 
cale à  des  exemples  empruntés  à  diverses  langues  (môme  non- 
aryennes),  en  calquant  mot  à  mot  toutes  les  particularités  de 
grammaire  et  de  syntaxe  de  ces  textes  (I,  ch.  iv);  et  il  la  pré- 
sente comme  *  une  méthode  pour  apprendre  les  langues  mortes 
ou  vivantes ,  ou  comme  instrument  pour  établir  une  com- 
paraison entre  tous  les  idiomes  connus  2  »  (I,  ch.  v).  C'est  pour- 
quoi il  s'efforce  d'enrichir  sa  grammaire  de  toutes  les  flexions  et 
de  toutes  les  nuances  des  langues  naturelles  :  il  regarde  «  ces 
divergences  comme  autant  de  richesses  »  (II,  3.30). 

1.  Facultatif,  mais  utile  pour  traduire  les  langues  qui  possèdent  un  duel 
(le  grec,  par  ex.).  Voir  la  Critique. 

2.  Cf.  la  Méthode  du  mol  théorique  grammatical  (1870). 


LETELLIER  5 1 


Vocabulaire. 


Vanalyse  radicale  d'un  mot  consiste  à  le  définir  et  à  le  classer, 
en  descendant  par  degrés  de  l'idée  la  plus  générale  dont  il  relève. 
La  formation  des  radicaux  présuppose  donc  une  classification 
logique  de  toutes  nos  idées  :  «  La  classification  donnera  nais- 
sance à  la  nomenclature,...  lorsque  les  classes,  ordres,  genres,  etc., 
étant  figurés  par  une  lettre,  voyelle  ou  consonne,  ces  caractères 
réunis  pour  analyser  une  même  idée  formeront  un  mot  aussi 
facile  à  prononcer  qu'à  écrire  ». 

L'auteur  adopte  une  classification  décimale  :  il  répartit  toutes 
les  idées  on  10  grandes  divisions  ou  catégories,  dont  chacune 
comprend  10  classes,  dont  chacune  comprend  10  ordres,  dont 
chacun  comprend  10  genres,  dont  chacun  comprend  10  espèces; 
ce  qui  fait  100  000  espèces. 

On  pourrait  représenter  ces  espèces  par  les  100  000  premiers 
nombres  (soit  par  tous  lès  nombres  de  5  chiffres).  Pour  les  repré- 
senter par  des  mots  prononçables,  il  suffit  de  remplacer  chaque 
chiffre  de  rang  impair  par  une  voyelle,  et  chaque  chiffre  de  rang 
pair  par  une  consonne  correspondante.  On  obtiendra  ainsi 
100  000  radicaux  composés  de  voyelles  et  consonnes  allernées, 
qui  représenteront  en  même  temps  les  100  000  premiers  nombres. 
Nous  forçons  un  peu  l'idée  de  l'auteur  pour  la  mieux  faire  com- 
prendre; mais  nous  y  sommes  autorisés  par  son  propre  aveu  : 
«  Nos  radicaux  sont  en  réalité  des  nombres  »  (t.  I,  p.  xliv). 

Il  convient  donc  d'exposer  d'abord  son  système  de  numération, 
puisque  la  construction  du  lexique  en  découle  tout  entière. 

Faisant  abstraction  du  préfixe  pu-,  caractéristique  des  noms 
de  nombres  cardinaux,  on  obtiendra  chacun  d'eux  en  remplaçant 
le  chitt're  des  unités  par  la  voyelle,  celui  des  dizaines  par  la  con- 
sonne, celui  des  centaines  par  la  voyelle,  celui  des  mille  i)ar  la 
consonne,  etc.,  qui  lui  correspond  dans  le  tableau  suivant  : 
12         3        4        5         6         7         8         9        0 
aeiouaeiôu 
bgdvj        pctf        h 
Exemples  :  bû  -=  10;  ba=:  11;  be  =  12;  bi=:  13;....  gû— 20;  ga  = 
2l:....fô  =  90;  ahû  =  100;....  ÔfÔ  =  999;  bûhû  =  1000;...  etc. 
Ainsi  un  nom  de  nombre  ne  comprend  pas  plus  de  lettres  que 


52  SECTION   I,    CHAPITRE   IX 

ce  nombre  ne  contient  de  chiffres  (dans  le  système  déciiual): 
ôtufopo  =  1)859  464.  Par  suite,  il  suflira  de  5  lettres  pour  former 
chacun  des  radicaux  qui  exprimeront  les  100  000  espèces  de  In 
classification.  La  f®  lettre  (voyelle)  sera  le  numéro  de  la  division  ; 
la  2°  lettre  (consonne),  le  numéro  de  la  classe;  la  ."Jo  (voyelle),  Ir 
numéro  de  l'ordre;  la  4^  (consonne),  le  numéro  du  genre;  la 
S"  (voyelle),  le  numéro  de  l'espèce. 

Exemple:  a  =  animal;  â.h^=  mammifère;  Aho=^ carnassier;  âboj=: 
félin  (genre  felis);  âboje  =:  c/ia/.  De  même:  chien  =ibode,  c'est- 
à-dire  animal  mammifère  carnassier  du  genre  canis  (d)  et  de  l'espèce 
chien  (e). 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  de  cette  classification 
logique  ;  nous  nous  bornerons  à  en  indiquer  les  dix  grandes 
divisions,  représentées  par  les  10  voyelles  initiales  : 


Manières  d'être 


aux  individus    (  isolément a 

pris  (  dans  leurs  rapports  mutuels    e 


,       ,.  ..        I  4P    <                  U-  »         S  du  monde  moral i 

des  faits  relatifs  1       aux  obiots       <    .  i      t     ■ 

/                   '            ^  du  monde  physique o 

à  l'usage  de  la  parole u 

"Si)             /                    .  j-,                         ^  animaux a 

proprement  dits. 


«s  g 

os  -z   I  i  i""i  " ^végétaux e 

Êtres  }  (  naturels 1 

ou  objets  )      ,n  ■  ,  (de  nécessité  primaire'...     o 

(  ^  de  nécessité  secondaire '. .     iï 

La  dénra/ioft  is'efîectue,  soit  au  moyen  de  voyelles-préfixes  :  ô- 
pour  les  augmentatifs,  ê-  pour  les  diminutifs,  o-  pour  la 
négation,  etc.  ;  soit  au  moyen  des  consonnes  grammaticales 
intercalées  entre  les  deux  premières  lettres  du  radical  :  r  indique 
la  répétition,  s  le  lieu,  n  la  durée,  m  la  possibilité;  1  et  z  indi- 
quent le  genre,  dans  un  être  animé;  etc.  Ainsi,  si  ibiv  =  cheval, 
albiv  =  étalon,  et  azbiv  =: jument. 

Les  mots  composés  se  forment  en  juxtaposant  les  radicaux  com- 
posants, et  en  intercalant  entre  eux  un  1  quand  leur  séparation 
n'est  pas  marquée  (par  deux  voyelles  ou  deux  consonnes  consé- 
cutives). D'ailleurs,  l'auteur  les  juge  inutiles  :  dans  son  système, 
la  composition  est  remplacée  par  la  formation  logique  des  radi- 

1.  Par  cette  distinction  peu  claire,  l'auteur  entend  la  distinction  des 
besoins  de  l'homme  individuel  (logement,  aliments,  vêtement,  mobilier)  et 
des  besoins  de  l'homme  social  (monnaies  et  mesures,  arts  et  jeux,  médecine 
et  navigation,  agriculture  et  industrie,  culte,  guerre). 


LETELLIER  53 

eaux,  i)uisqii(%  selon  ses  propres  ternies,  chaque  radical  «  ren- 
ferme autant  de  radicaux  qu'il  contient  de  lettres.  «  (II,  309). 

Pour  donner  une  idée  de  celte  langue,  il  sullit  de  citer  la 
traduction  du  vers  connu  de  Voltaire  :  «  Qui  sert  bien  son  pays 
n'a  pas  besoin  d'aïeux  »  :  Dua  gibéli  ji  pié  ivaé  je  gali  jéb  ibàé  té 
elgai. 

En  résumé,  Tauleur  attribue  à  sa  langue  les  qualités  suivantes  : 
clarté  (chaque  mot  ayant  un  sens  unique,  plus  d'équivoques  ni  de 
synonymes)  ;  richesse  (formation  indéfinie  de  nouveaux  radicaux, 
en  ajoutant  de  nouvelles  lettres  aux  anciens);  facililé  mnémo- 
nique (chaque  mot  traduisant  sa  propre  définition).  Il  prétend 
même  s'en  servir  i  pour  favoriser  l'intelligence  des  enfants  et  la 
mémoire  des  hommes  mûrs  »  (t.  II,  ch.  iv). 

Nous  n'insisterons  pas  sur  les  Applications  de  la  théorie  du  lan- 
gage aux  Sciences  et  aux  Lettres  qui  remplissent  les  deux  derniers 
volumes  de  son  grand  ouvrage.  Le  lecteur  devinera  aisément 
en  quoi  consistent  les  «  applications  aux  sciences  arithmétique, 
zoologique,  botanique,  nïinéralogique,  chimique,  médicale,  géo- 
graphique, etc.;  à  des  notions  toutes  nouvelles  sur  la  parenté, 
les  registres  de  l'état  civil,  les  rues  des  villes,  les  monnaies,  les 
poids  et  mesures;  aux  signes  représentatifs  de  la  parole  par 
l'écriture  sténographique,  par  les  mouvements  du  corps  humain, 
et  par  la  télégraphie  électrique  ».  Il  suffit  de  se  rappeler  que 
dans  cette  langue  la  nomenclature  équivaut  à  une  classification 
logique,  d'une  part,  et  à  la  numération  décimale,  d'autre  part, 
pour  comprendre  qu'elle  est  applicable  à  tous  les  ordres  d'objets 
que  l'on  peut  classer  ou  numéroter  (comme  les  rues  d'une  ville, 
par  exemple);  et  qu'elle  peut  se  traduire  par  toutes  sortes  de 
signes  conventionnels  correspondant  soit  aux  lettres,  soit  aux 
chiffres  '. 

De  môme,  quand  on  connaît  tous  les  avantages  que  l'auteur 
revenditjuait  pour  sa  langue,  on  ne  sera  pas  étonné  qu'il  pro- 
posât d'appliquer  sa  théorie  du  langage  :  «  1°  à  la  production  de 
la  pensée;  2°  à  l'étude  de  la  langue  maternelle;  3°  à  la  traduction 
des  auteurs  étrangers  dans  la  langue  maternelle;  4°  à  la  connais- 
sance des  littératures  de  tous  les  peuples;  5°  à  l'étude  approfondie 
d'une  langue  morte  ou  vivante;  6°  au  meilleur  système  d'instruc- 
tion publique  ou  privée  chez  tous  les  peuples  ».  Et  en  elîet.  sa 

1.  Cf.  los  signes  du  télégraplie  Morse,  ceux  du  Code  international  des 
signaux  maritimes  et  ceu.v  de  la  Langue  tnusicale  de  Siure. 


54  SECTION   I,   CHAPITRE  IX 

théorie  du  langage  comprenait  à  la  fois,  par  sa  partie  fornioUo 
(grammaire)  toute  la  Logique,  et  par  sa  partie  matérielle  (voca- 
bulaire) toute  une  Encyclopédie.  Il  aurait  pu  dire,  comme  son 
prédécesseur  Leibniz  :  «  Qui  linguam  hanc  discet,  siniul  et 
discet  Encyclopœdiam  »  '. 


Critique. 

Outre  les  défauts  communs  à  toutes  les  langues  philosophiques, 
que  nous  étudierons  plus  loin,  le  projet  de  Letellier  a  ses  défauts 
propres,  les  seuls  que  nous  ayons  à  discuter  ici.  Nous  n'insiste- 
rons pas  sur  les  défectuosités  de  la  grammaire,  sur  le  choix 
absolument  arbitraire  des  désinences,  et  sur  la  place  bizarre 
assignée  aux  consonnes  caractéristiques  des  diverses  parties  du 
discours;  ni  sur  le  nombre  vraiment  excessif  des  voyelles  (où 
l'auteur  fait  figurer  les  voyelles  nasales,  si  peu  internationales), 
qui  ne  s'explique  que  par  le  besoin  d'avoir  autant  de  voyelles 
que  de  consonnes  pour  représenter  les  subdivisions  décimales 
de  la  classification.  Le  défaut  fondamental  de  la  grammaire 
consiste  dans  la  prétendue  richesse  que  l'auteur  a  voulu  lui 
donner,  pour  lui  permettre  de  traduire  mot  à  mot  toutes  les 
langues  avec  leurs  particularités  de  style  et  leurs  anomalies  de 
syntaxe.  Il  suffit,  pour  le  montrer,  d'analyser  le  court  exemple 
cité  plus  haut  :  on  y  voit  ne...  pas  traduit  par  deux  négations  : 
je...  jéb,  ce  qui  est  un  gallicisme.  En  outre,  la  locution  avoir  besoin 
de,  qui  constitue  logiquement  un  verbe  simple  (et  même  un  verl)e 
actif),  est  traduite  littéralement  par  trois  mots  :  c'est  encore  un 
gallicisme.  Ainsi  la  langue  de  Letellier,  n'ayant  pas  de  syntaxe 
propre,  serait  le  rendez-vous  de  tous  les  idiotismes  nationaux, 
et  n'aurait  pas  l'intelligibilité  internationale  qu'on  doit  exiger 
d'une  langue  universelle. 

De  môme,  nous  nous  bornerons  à  remarquer  que  les  lettres 
affectées  à  la  dérivation  sont  choisies  arbitrairement,  et  que 
certaines   sont  étrangement  placées   à   l'intérieur  du    radical. 


1.  Lettre  à  Oldenburg  (Phil.  Schriflen,  VII,  13).  Cf.  De  Arle  combum- 
toria  :  ■<  simulque  imbibetur  omnium  rerum  fundamentalis  cog-nitio  »  (Phil. 
Sc/tr.,  IV,  73).  Voir  aussi  le  titre  de  VAts  Sir/norum  de  Dalgarno  :  «  liinc 
etiam  poterunt  Juvenes  Philosophiœ  principia  et  veram  Logica;  praxin... 
imbibere  ». 


LETELLIER  55 

([u'elles  viennent  ainsi  défigurer  •.  Nous  voulons  seulement 
insister  sur  le  principe  de  la  formation  des  radicaux,  c'est-à-dire 
sur  la  nomenclature  soi-disant  logique  de  l'auteur.  Il  dit  lui- 
même  :  «  Chaque  lettre  d'un  radical  émet  une  idée  »  (I,  p.  x.x.wi). 
Cela  est  vrai,  à  la  rigueur;  mais  il  faut  ajouter  que  (sauf  la 
voyelle  initiale,  qui  représente  la  division  suprême)  chaque  lettre 
d'un  mot  a  un  sens  tout  différent  suivant  les  lettres  qui  la  pré- 
cèdent. C'est  ainsi  que,  dans  les  mots  aboje  et  abode,  qui  ne  dif- 
fèrent que  par  la  4"  lettre,  la  dernière  lettre  e  signifie  l'espèce 
chat  dans  le  gerivofelis  (j)  et  l'espèce  chien  dans  le  genre  canis  (d). 
D'autre  part,  on  voit  que  le  changement  d'une  seule  lettre  du 
mot  fait  i)asser  d'un  genre  à  l'autre,  d'un  ordre  à  l'autre,  d'une 
classe  à  l'autre,  de  sorte  que  si  l'on  prononce  mal  ou  si  l'on 
entend  mal  (ce  qui  arriverait  aisément,  surtout  entre  étrangers) 
on  ne  s'entend  plus  ou  l'on  commet  d'énormes  quiproquos.  Ainsi 
agode  sera  un  nom  d'oiseau,  âdode  un  nom  de  reptile;  bien  pis, 
comme  certains  peuples  confondent  aisément  les  douces  et  les 
fortes,  on  pourra  entendre,  au  lieu  des  mots  précédents,  apode, 
qui  est  un  nom  d'annélide,  acode,  qui  est  un  nom  d'arachnide,  et 
âtode,  qui  est  un  nom  d'insecte.  Une  telle  nomenclature  est  une 
source  de  perpétuelles  confusions,  tant  entre  des  espèces  voi- 
sines qu'entre  des  espèces  très  éloignées. 

Si  le  sens  des  lettres  varie  d'un  mot  à  l'autre  et  d'une  place  à 
l'autre,  c'est  qu'en  réalité  les  lettres  ne  correspondent  pas  à  des 
idées,  mais  uniquement  à  des  nombres  :  ce  sont  de  simples 
numéros  d'ordre,  de  sorte  que,  pour  les  comprendre  et  les 
employer  correctement,  il  faut  avoir  présente  à  l'esprit  la  classi- 
fication entière,  soit  100  000  espèces,  avec  leur  ordre,  sans  en 
oublier  ou  intervertir  une  seule,  autrement  on  est  perdu  2. 

Ce  qui  confirme  cette  critique,  c'est  la  corrélation  que  l'auteur 
essaie  d'établir  entre  les  subdivisions  d'une  classe  et  celles  d'une 

1.  Cf.  la  critique  de  Delormel  (ch.  v). 

2.  Pour  se  rendre  compte  de  reffort  de  mémoire  que  suppose  la  recon- 
naissance d'un  mot,  il  suffit  de  lire  la  définition  suivante  (te.xtuelle)  : 
«  ëvëbo  définirait  le  laurier,  puisque  ë  figure  le  végétal  ;  v  indique  qu'il  a 
deux  cotylédones,  que  la  fleur  est  sans  corolle,  et  que  ses  étamines  sont 
sur  le  calice;  ë,  qu'il  a  les  caractères  des  laurinées;  b  annonce  qu'on  va 
compter  le  nombre  des  étamines;  ô  (9  en  arithmétique)  détermine  le 
nombre  9  de  ces  étamines.  Ainsi  ëvë  pla(;ait  avec  Jussicu  les  laurinées 
parmi  les  dicotylédones  apétales  périgynes;  bô  a  fait  rentrer  ce  végétal 
dans  l'ennéandrie  de  Linné.  »  On  a  pu  remarquer  que  le  sens  du  second  ë 
n'a  rien  de  commun  avec  celui  du  premier. 


36  SECTION   I,    CHAPITRE   IX 

autre,  notamment  entre  certains  êtres  et  certaines  manières 
d'être.  Ainsi  les  objets  naturels  relatifs  à  Ihomnie  forment  la 
classe  ij,  et  ceux  relatifs  à  l'animal,  la  classe  ip.  Telles  sont 
notamment  les  parties  du  corps  :  Tjo  sera  la  tèle  (ensemble), 
ijod  l'œil,  et  ijodé  la  paupière  de  Ihommc;  ipo,  ipod  et  Ipodé 
seront  les  mêmes  parties  chez  un  animal.  Or,  d'autre  part,  les 
maladies  (manières d'être)  forment  la  classe  af  :  ainsi  afodésiifiii- 
fiera  la  maladie  de  la  paupière,  ou  blépharile. 

Cette  corrélation  est  assez  satisfaisante,  parce  qu'elle  est  sensible. 
Mais  que  dire  de  la  suivante?  t  1  {objet  naturel)  suivi  de  la  con- 
sonne qui  équivaut  comme  a  {animal)  au  nombre  6,  représenlei-a 
l'objet  naturel  qui  appartient  à  l'animal  ».  Ainsi,  c'est  parce  que 
p  =  i  =  6  que  ip  représente  les  parties  des  animaux;  de  même, 
c'est  parce  que  k  =  ë  =  7  que  ik  représente  les  parties  des  végé- 
taux fë).  On  admet  ainsi  une  corrélation  entre  voyelles  et  con- 
sonnes; et  cette  corrélation,  qui  n'a  rien  de  naturel  ni  de 
sensible,  n'existe  que  par  l'intermédiaire  du  nombre.  N'avions- 
nous  pas  raison  de  dire  que  les  lettres  ne  sont  que  des  numéros? 

On  pourrait  encore  faire  bon  marché  d'une  telle  corrélation  ; 
mais  voici  un  cas  où  elle  est  bien  i)lus  nécessaire.  L'auteur  se 
flatte  d'avoir  trouvé  des  expressions  claires  et  concises  pour 
toutes  les  relations  de  parenté  (classe  eg).  Il  fait  correspondre 
les  voyelles  et  consonnes  suivantes  aux  relations  de  parenté 
écrites  au  dessous  : 

eiouaëlô 
g  d  V  j  p  c  t  f 

père        fils      frère      mari    épouse     mère      fille      sœur  ' 

Il  représente  les  relations  simples  en  ajoutant  la  voyelle  cor- 
respondante au  radical  générique  eg  :  ainsi  : 

ege  indique  la  condition  de  père; 

egi  —  fils; 

ego  —  frère; 

egu  —  mari; 

ega  —  épouse; 

egë  —  mère; 

egï  —  fille; 

6^0  —  sœur. 

1.  Ou  remarque  que  les  titres  masculins  et  féminins  se  correspondent 


LETELLIER  S  7 

Puis  il  représente  les  relations  composées  en  ajoutant  aux 
mots  précédents  la  consonne  qui  représente  la  première  relation 
simple  qui  entre  en  composition;  ainsi  : 

egeg  :=  (jrand-père  paternel  (père  du  père) 
egëg  =  —        maternel  (père  de  la  mère) 

egec  =  grand'mère  paternelle  (mère  du  père) 
egec  =^  —         maternelle  (mère  de  la  mère) 

egev  =  oncle  paternel  (frère  du  père) 
egêv  =    —    maternel 
egef  =  tante  paternelle 
egef  =    —    maternelle 

De  sorte  que  Ton  pourra  distinguer  4  espèces  de  cousins  (jermains 
au  moyen  des  4  mots  :  egevi,  egëvi,  egefi,  egefi,  ce  qui  permet  de 
définir  en  5  lettres  une  relation  de  parenté  précise  du  4"  degré'. 
Cest  assurément  très  ingénieux;  mais  on  voit  à  quel  prix  est 
achetée  cette  apparente  simplicité  :  c'est  à  la  condition  de  repré- 
senter la  même  idée  (père,  fils,  etc.)  par  deux  lettres,  une  voyelle  et 
une  consonne,  qui  n'ontqu'une  correspondance  conventionnelle 
et  arbitraire,  de  sorte  qu'elles  masquent  l'identité  de  l'idée,  au 
lieu  de  la  manifester. 

Cet  inconvénient,  que  nous  venons  d'expliquer  dans  un  cas 
spécial,  est  absolument  général;  il  entache  môme  la  grammaire, 
car  on  a  pu  voir  que  les  mêmes  lettres  grammaticales  ont  des 
sens  tout  différents  comme  désinences  casuelles,  comme  dési- 
nences personnelles,  comme  indices  des  genres,  des  voix,  des 
modes,  des  temps,  comme  affixes  de  dérivation,  etc.  L'auteur 
peut  donc  se  vanter  que,  dans  sa  langue,  chaque  mot  renferme 
autant  de  radicaux  que  de  lettres,  mais  à  la  condition  d'ajouter 
que  chacune  de  ces  lettres  ne  signilîe  rien  par  elle-même,  car 
(Ile  a  dans  chaque  mot  un  sens  différent.  11  donne  de  la  parole 
une  définition  qui  caractérise  à  merveille  sa  conception  du  lan- 
gage :  «  la  parole,  cette  algèbre  de  la  pensée  »  (t.  Il,  p.  m).  Mais 
sa  langue  ne  répond  que  très  imparfaitement  à  cet  idéal,  car  la 
première  condition  d'un  symbolisme  est  Yuniformilé  du  sens  de 
chaque  symbole.  11  est  certes  permis  d'admirer  la  somme  de 
science,  de  réflexion,  d'érudition  et  de  patience  que  représente 

comme  les  voyelles  douces  et  fortes,  sauf  ceux  de  niai-i  et  d'épouse,  ce  ([ui 
est  une  irrégularité. 

1.  En  général,  le  nombre  des  lettres  sera  supérieur  d'une  unité  au  degré. 


d8  section   1,    CHAPITRE   IX 

ce  grand  et  consciencieux  ouvrage  ;  mais  on  est  obligé  de  recon- 
naître que  les  idées  directrices  en  étaient  absolument  chiméri- 
ques, et  que  tout  ce  travail  a  été  dépensé  en  pure  perte  '. 

1.  On  peut  ajouter  que,  s'il  était  vrai  que  la  Méthode  du  mol  lliéorique. 
qrammalical  permît,  comme  le  promet  son  titre,  d'  «  apprendre  en  quel(|ues 
mois  une  langue  morte  ou  vivante,  avec  ou  sans  le  secours  d'un  maître, 
sans  être  astreint  aux  exercices  des  thèmes,  des  versions  et  des  legons  de 
mémoire  »,  la  lanc-ue  universelle  deviendrait  inutile. 


CHAPITRE  X 


SOTOS    OGHANDO 


L'idée  mère  de  cette  langue  philosophique  est,  selon  l'auteur 
lui-même,  d'  «  établir  une  parfaite  correspondance  entre  l'ordre 
naturel  et  logique  des  choses  signifiées  et  l'ordre  alphabétique 
des  mots  employés  pour  les  exprimer  ».  Ce  fut  là  pour  lui  1'  «  ins- 
piration subite  »  qui  lui  suggéra  tout  son  projet,  et  le  décida,  à 
un  âge  avancé,  à  élaborer  une  langue  universelle  à  laquelle  il 
n'avait  jamais  encore  songé.  Par  «  langue  universelle  »,  il  n'en- 
tend nullement  une  langue  destinée  à  devenir  commune  à  tous 
les  peuples  (qu'il  croit  actuellement  impossible^  mais  seulement 
une  langue  scientifique  internationale  ^  destinée  beaucoup  plus  à 
l'usage  écrit  qu'à  l'usage  oral.  Aussi  va-t-il  jusqu'à  la  qualifier 
de  «  langue  morte  >  ou  «  presque  morte  »  ^. 

Grammaire. 

L'alphabet  se  compose  de  20  lettres  :  5  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u; 
et  i'S  consonnes  :  b,  c,  d,  f,  g,  j,  1,  m,  n,  p,  r,  s,  t,  y,  z.  11  faut  y 
ajouter  l'h  et  l'e  muet,  lettres  auxiliaires  facultatives  et  purement 

1.  Projet  d'une  Langue  universelle,  par  Tabbé  Bonifacio  Sotos  Ochando, 
docteur  on  théologie,  traduit  de  rcspagnol  par  l'abbé  Touzé  (Paris,  LecolTre, 
1833).  L'original  espagnol  avait  paru  à  Madrid  en  1832.  Comme  nous 
l'apprend  une  note  jointe  au  titre  de  ce  volume,  •<  l'auteur  a  été  supérieur 
du  grand  séminaire  de  Murcie,  député  au.\  Cortès  de  1822,  maître  d'espa- 
gnol des  enfants  de  Louis-Philippe,  membre  du  Conseil  d'instruction 
publique  en  Espagne,  professeur  de  son  Université  centrale,  directeur  du 
Collège  polytechni(iue  de  Madrid,  etc.,  etc.  »  L'invention  du  projet  remon- 
tait à  1843  (voir  le  lleraldo  de  juillet  1845). 

2.  Section  II,  chap.  vu  :  Universalité  de  celle  langue  pour  toutes  les  per- 
sonnes d'une  médiocre  instruction. 

3.  SS  60  et  62. 


60  SECTION   I,    CHAPITRE   X 

euphoniques.  Chacune  de  ces  lettres  se  prononcera  comme  en 
français,  «  dans  les  cas  ordinaires  »,  sauf  la  voyelle  u  qui  se 
prononcera  ou.  Cette  indication  est  un  peu  vague,  notanuneni 
pour  c  et  g  :  doit-on  prononcer  ca,  ce,  ci,  co,  eu  comme  en 
français  {ka,  se,  si,  ko,  kou),  ou  doit-on  donner  au  c  un  son  uni- 
forme, et  lequel  des  deux?  L'auteur  ne  le  dit  pas;  il  se  borne  à 
édicter  que  chaque  lettre  se  prononcera  toujours  et  partout  de 
la  même  manière,  comme  si  elle  était  isolée. 

L'auteur  propose  pour  les  vingt  lettres  de  nouvelles  figures 
plus  simples  et  plus  géométriques  (des  barres  avec  crochets 
diversement  orientées  comme  des  L);  mais  il  reconnaît  que  cela 
rendrait  la  langue  plus  difficile  à  apprendre  et  à  adopter,  et  se 
résigne  prudemment  à  «  conserver,  pour  le  moment,  les  carac- 
tères actuels  ». 

Vaccent  devra  porter  sur  l'avant-dernière  syllabe  dans  les  mots 
terminés  par  une  voyelle  (c'est-à-dire  dans  les  substantifs),  et  sur 
la  dernière  dans  tous  les  autres.  L'auteur  hésite  toutefois  entre 
cette  règle  et  une  autre  plus  simple,  qui  ferait  porter  l'accent 
toujours  sur  l'avant-dernière  syllabe. 

Il  attache  une  grande  importance  à  la  ponctuation,  ((u'il  vou- 
drait réformer,  enrichir  et  compléter. 

Les  différentes  espèces  de  mots  (parties  du  discours)  sont  dis- 
tinguées par  leur  lettre  finale. 

L'auteur  admet  l'article  défini  pour  éviter  les  équivoques  du  latin 
(ex.  -.filius  régis).  Il  en  admet  môme  quatre,  dont  les  rôles  sont  dif- 
férents :  al,  el,  il,  ol.  Ces  articles  précèdent  le  substantif,  mais 
ils  peuvent  être  remplacés  par  les  voyelles  a,  e,  i,  o  ajoutées  à  la 
lin  du  substantif. 

Les  substantifs  sont  des  polysyllabes  finissant  par  une  voyelle. 

La  déclinaison  se  fait  au  moyen  des  cinq  syllabes  : 
la  le  li  lo  lu 

qui  correspondent  respectivement  aux  cas  suivants  : 
Nominatif,  Accusatif,  Datif  Génitif,  Vocatif 
et  qui  se  mettent,  soit  avant  le  substantif,  séparées,  soit  après,  en 
suffixes.  Par  exemple,  le  radical  ibaca  (homme)  se  décline  ainsi  : 

ibacala,  ibacale,  ibacali,....  ou  :  la  ibaca,  le  ibaca, L'homme  se 

dit  :  il  ibacala  ou  ibacalai. 

Les  adjectifs  se  terminent  tous  par  un  n.  Ils  se  déclinent  au 
moyen  des  terminaisons  na,  ne,  ni,  no,  nu,  ou  bien  au  moyen  des 
particules  la,  le,  li,  lo,  lu  qui  les  précèdent. 


SOTOS    OGHANDO  61 

Le  pluriel  dos  substantifs  et  des  adjectifs  se  forme  en  ajoutant 
un  s  final  au  singulier,  après  la  désinence  du  cas. 

Le  genre  des  substantifs  s'exprime  parles  trois  syllabes  : 
an  en  in 

pour  le  Masculin  Féminin  Neutre 

mises  devant  le  substantif. 

Pour  transformer  un  adjectif  en  substantif,  on  le  fait  précéder 
de  la  syllabe  un,  ou  encore  on  ajoute  un  u  avant  l'n  final.  Ex.  : 
acuban,  beau;  un  acuban  ou  acubaun  (le  beau],  «  Dans  une  langue 
I)hilosophique  »,  le  genre  doit  être  naturel,  c'est-à-dire  corres- 
l)ondre  au  sexe  '. 

Les  verbes  sont  des  polysyllabes  qui  se  terminent  en  vr.  A  cette 
forme  radicale  on  ajoute  successivement, 
pour  indiquer  les  voix  : 

active,  réciproque,  neutre,  impersonnelle,  passive, 
les  voyelles  :      a,  e,  1,  o,  u; 

pour  indiquer  les  modes  : 

indicatif,  conditionnel,  subjonctif,  volitif,  infinitif  gérondif, 
les  consonnes  :  b,  c,  d,  f,  g,  j; 

pour  indiquer  les  temps  : 

passé,  présent,  Jutur, 
l(>s  voyelles  :  a,  e,  i; 

et  pour  indiquer  les  perso/mes  : 

l"""  sing.,     20  s.,     30  s.,     l-^e  pL,     2e  pL,     3«  pi., 
les  consonnes  :    néant,  1,  n,  r,  s,  t. 

Par  exemple,  soit  ucerar  le  radical  du  verbe  aimer;  on  traduira 
par  exemple  : 


;  aimai 

par 

ucerarba 

j'aime 

— 

ucerarbe 

tu  aimes 

— 

ucerarbel 

il  aime 

— 

ucerarben 

f  aimerai 

— 

ucerarbi 

f  aimerais 

— 

ucerarce 

que  j'aime 

— 

ucerarde 

en  aimant 

— 

ucerarje 

etc. 

elc.  2 

Les   temps  indirects  s'expriment  en  ajoutant  à  la  voyelle  qui 

i.  Pour  les  noms  de  nombre  et  les  pronoms,  voir  le  Vocabulaire. 

2.  Dans  ce  paradigme  n'apparaît  pas  la  lettre  caractéristique  de  la  voix. 


62  SECTION   I,    CHAPITRE    X 

indique  le  temps  absolu  celle  qui  indique  le  temps  relalif:  ainsi 
l'on  traduira  : 

le  passé  antérieur  :  j'avais  aimé    par  ucerarbaa 
l'imparfait  :  j'aimais  —    ucerarbea 

le  futur  antérieur  :  j'aurai  aimé      —    ucerarbia 
et  ainsi  de  suite  *. 

Certains  modes  demandent  quelques  explications.  Le  volilij  se 
subdivise  en  cinq  autres  modes  : 

le  volilif  en  général  :  aime,  ucerarfal  : 

Vimpératif:  —    ucerarfel  : 

]e  supplicatif  :  —    ucerarfil; 

Vexcitatif:  —    ucerarfol: 

\c  permissif  :  —    ucerarful. 

Ll  finale  indique  la  2"   personne  du  singulier;  et  la  voyelle 

précédente  indique  ici  le  mode  spécial,  et  non  plus  le  temps,  (li- 

volitif  est  toujours  prése/iO. 

L'infinitif,  ou  mieux  Vimpersonnel,  est  le  substantif  du  verbe.  11 
est  susceptible  de  temps;  le  gérondif  également. 

Le  participe  est  l'adjectif  du  verbe.  Il  se  forme  par  suite  en 
ajoutant  un  -n  à  l'infinitif.  Ex.  : 

avoir  aimé  :     ucerarga,    qui  a  aimé  :  ucerargan  : 
aimer:  ucerarge,     aimant:        ucerargen; 

devoir  aimer  :  ucerargi.  qui  aimera  :  ucerargin. 
L'infinitif  sert  également  à  former  les  noms  verbaux,  au  moyen 
de  divers  suffixes  :  -ma  désigne  l'agent  (l'auteur  de  l'action 
exprimée  parle  verbe);  -me,  l'action  (exercée);  -min,  la  qualité 
active;  -na,  la  chose  faite  (résultat  de  l'action);  -ne,  l'action 
reçue  ou  subie;  -ni,  la  capacité  d'agir;  -no,  la  facilité  à  agir;  -nu, 
le  mérite  (comme  le  suffixe  -able  dans  les  mots  :  aimable,  admi- 
rable); enfin  -pa  désigne  le  lieu  de  l'action;  -pe,  le  temps  de 
l'action;  -pi,  l'objet  où  se  passe  l'action;  et  -po,  l'instrument  de 
l'action. 

Tous  les  adverbes  (monosyllabes  ou  polysyllabes)  se  terminent 
par  c. 
L'auteur  institue  en  outre  une  série  de  modificatlfs  de  la  forme 


1.  Dans  l'Appendice  I  (Théorie  philosophique  des  verbes),  l'auteur  juxtapose 
les  voyelles  pour  exprimer  la  jonction  des  temps  correspondants  :  «  -bea 
exprimera  le  présent  aveclé  passé;  -bel,  le  présent  avec  le  futur  »,  et  -béai, 
les  trois  temps  réunis  (ce  qu'on  pourrait  appeler  Yéternel),  comme  dans  cet 
exemple  :  «  Dieu  est  bon  ». 


SOTOS    OCHANDO  63 

cvn  :  les  comparatifs  en  plus,  qui  sont  :  ban.  un  peu  plus;  ben.  j)lus; 
bin,  beaucoup  plus  ;  bon,  beaucoup  beaucoup  plus  ;  les  comparatifs  en 
moins  (de  la  forme  :  cvn),  qui  correspondent  aux  mômes  degrés; 
les  comparatifs  d'égalité  (dvn)  et  de  proj)ortion  (Wn)  ;  les  superlatifs 
en  plus  (gvn)  et  les  augmentatifs  (jvn)  ;  les  superlatifs  en  moins 
(Ivn)  et  les  diminulifs  (mvn);  enfin  les  négatifs  (nvn)  et  les  gra- 
duels (pvn),  qui  indiquent  le  commencement,  la  répétition  ou 
l'achèvement  d'une  action. 

Les  prépositions  sont  des  monosyllabes  de  la  forme  cv  ou  ccv. 
Elles  sont  formées  suivant  une  classification  logique  :  colles  qui 
expriment  des  rapports  de  proximité  ont  l'initiale  b;  l'initiale  c 
correspond  aux  rapports  de  position;  d,  aux  rapports  de  présence; 
i,  aux  rapports  de  cause,  d'influence  et  d'exclusion;  g,  aux  rapports 
de  ressemblance  et  aux  rapports  généraux'. 

Les  conjonctions  sont  des  monosyllabes  de  la  forme  cvl.  Les 
conjonctions  copulatives  et  disjonctives  commencent  par  b;  les 
cxtensives,  par  c;  les  argumentatives,  par  d;  les  ampliatives,  par  f; 
]es  adversatives,  par  g;  les  comparatives,  par  j;  les  causales,  pari; 
les  finales  (indiquant  la  'finalité),  par  m;  les  conditionnelles,  par 
n:  les  temporelles,  par  p,  etc. 

Les  interjections  mêmes  sont  soumises  à  une  forme  régulière  : 
(>lles  se  terminent  toutes  par  f. 

L'auteur  invente  encore  des  particules  de  la  forme  cvr  pour 
annoncer  les  mots  techniques;  cvs  pour  annoncer  les  expres- 
sions métaphoriques;  et  des  diphtongues-préfixes  vv  pour 
annoncer  les  mots  étrangers  à  la  langue,  qu'on  ne  peut  ou  ne 
veut  pas  traduire  (noms  propres,  géographiques,  de  mesures, 
de  monnaies,  etc.)^. 

Voici  les  principales  règles  de  la  syntaxe  : 

Les  substantifs  en  apposition  s'accordent  en  cas.  sinon  en 
nombre. 

L'adjectif  s' accorde  avec  son  substantif  en  nombre  et  en  cas.  Il 
n'a  pas  de  genre. 

Le  relatif  (adjectif  ou  pronom)  s'accorde  avec  son  antécédent 
(Ml  nombre,  mais  non  en  cas. 

Enfin  le  verbe  s'accorde  en  nombre  et  en  personne  avec  son 
sujet. 

1.  Aux  prépositions  so  rattachent  les  particules  grammaticales,  qui  ont  In 
môme  forme  (cv),  par  exemple  les  particules  de  déclinaison  (à  initiale  1). 

2.  Cf.  les  «  mots  cadres  »  de  la  Langue  Bleue. 


64  '  SECTION   I,    CHAPITRE   X 

Les  règles  concernant  les  régimes  sont  les  suivantes  : 

Le  régime  direct  du  verbe  se  met  à  Vaccusalif.  En  général,  le 
régime  principal  ou  unique  du  verbe  se  met  à  raccusatif  autant 
que  possible,  à  moins  d'équivoque  '. 

Le  régime  indirect  du  verbe  se  met  au  datif,  lors  même  qu'il  a 
en  latin  un  autre  cas. 

Le  régime  des  substantifs  se  met  au  (jênitif  quand  il  exprime 
un  rapport  de  possession.  Dans  les  autres  cas,  on  emploie  la 
préposition  convenable. 

Le  régime  des  prépositions  ne  se  décline  pas  2. 

Les  verbes  ne  régissent  pas  d'autres  verbes  (comme  en  latin  )  : 
chaque  verbe  prend  le  temps  et  le  mode  qui  convient  au  sens  de 
la  proposition.  On  n'emploiera  la  proposition  infinifive  que 
lorsque  le  sujet  de  cette  proposition  est  le  même  que  celui  de  la 
proposition  principale;  on  dira,  comme  en  français  :  Je  veux 
aller....  et  :  Je  veux  qu'il  aille.... 

Enfin,  pour  les  cas  de  régime  qui  ne  rentrent  dans  aucun  des 
précédents,  l'auteur  réserve  cinq  prépositions  :  na,  ne,  ni,  no,  nu. 
En  général,  du  reste,  il  réserve  dans  sa  morphologie  des  places 
et  formes  vacantes  pour  les  cas  imprévus. 

Pour  la  construction,  il  ne  donne  aucune  régie,  parce  que  la 
syntaxe  permet  toutes  les  inversions,  comme  en  latin.  Il  recom- 
mande seulement  de  ne  pas  abuser  de  cette  faculté,  et  de  suivre 
autant  que  possible  l'ordre  logique.  En  général,  il  admet  beau- 
coup de  licences  grammaticales,  pour  donner  au  style  plus  de 
souplesse  et  de  liberté,  mais  il  conseille  den  user  discrètement, 
surtout  dans  le  langage  courant. 

Pour  la /ormafion  des  mots,  l'auteur  donne  peu  d'indications.  Il 
pose  en  règle  générale  que  les  radicaux  ne  devront  jamais  être 
altérés  par  la  dérivation  et  la  composition. 

On  a  déjà  vu  les  suffixes  -n,  -c,  qui  servent  à  former  les  adjec- 
tifs et  les  adverbes,  et  d'autres  suffixes  qui  servent  à  former  les 
noms  dérivés  des  verbes.  L'auteur  classe  un  certain  nombre  de 
syllabes  finales  servant  à  la  dérivation  :  de  la  forme  Icv  pour  les 
substantifs  dérivés  de  substantifs  (-Iba  désigne  le  fabricant  de, 
-Ica,  \e propriétaire  de,  -Ida,  la  science  de,  -Ifa,  la  collection  de,  etc.); 
de   la   forme  Icvn   pour   les   adjectifs    dérivés  de    substantifs 

1.  Cf.  VEsperanto. 

2.  Cela  veut-il  dire  que  les  prépositions  ne  régissent  aucun  cas,  ou 
qu'elles  régissent  le  nominatif? 


SOTOS    OCHANDO  65 

(Ibvn  pour  les  dérivés  par  ressemblance;  Icvn  pour  les  dérivés 
connue  cause,  etc.);  et  do  la  forme  Icvr  pour  les  verbes  dérivés 
des  substantifs  et  adjectifs  (Ibvr  i)Our  la  matière  employée,  Icvr 
l)Our  l'emploi  ou  usage  qu'on  en  fait,  etc.).  On  remarquera 
que  les  premières  lettres  le  ne  correspondent  nullement  au 
même  sens  dans  ces  trois  séries. 


Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  ne  comprend  que  les  radicaux  (en  général  des 
substantifs)  dont  on  sait  dériver  les  adjectifs,  les  verbes  et  les 
adverbes. 

Le  principe  de  ce  vocabulaire  étant  le  «  rapport  constant  entre 
Tordre  ali)habétique  des  mots  et  Tordre  naturel  et  logique  des 
choses  signifiées  »,  le  lexique  a  pour  base  une  classification 
logique  de  toutes  les  idées. 

La  première  lettre  d'un  radical  indiquera  la  classe  la  plus 
générale  à  laquelle  il  appartient  ;  la  2«  lettre  indiquera  la  classe 
du  2"  ordre,  la  .3"  celle  du  3"  ordre,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  la  fin 
du  radical,  qui  résume  ainsi  la  définition  logique  de  l'idée  cor- 
respondante. Des  exemples  feront  mieux  comprendre  ce  système. 
L'initiale  A  désigne  les  choses  matérielles  inorganiques  (classe  du 
l*""  ordre).  Les  lettres  Ab  désignent  les  objets  matériels  (classe  du 
2"  ordre).  Les  classes  du  3'  ordre  sont  caractérisées  par  les 
lettres  suivantes  : 

Aba  Corps  simples  ou  éléments. 

Abe  Matière,  corps  en  qénéral. 

Abi   Dimensions. 

Abo  Forme  dn  corps. 

Abu  Figure  du  corps. 

Les  autres  classes  du  2<^  ordre  (dans  la  classe  A)  sont  les  sui- 
vantes : 

Ac     Propriétés  absolues  des  corps. 

Ad    Propriétés  relatives  des  corps. 

Af     Circonstances  des  corps. 

{Aie  Adverbes  de  lieu 

Afi    Mesures) 

Ag     Actions  relatives  au  mouvement. 

Aj     Actions  modificatrices  des  corps. 

CouruHAT  ot  IjEau.  —   Lanoruc  univ.  5 


C6  SECTION   I,    CHAPITRE    X 

Al        Actions  des  corps  sur  d'aulrcs  corps. 
Am       Astronomie. 
An        Géographie  physique. 
Ap        Géographie  civile. 
Ar-Az  Règne  minéral. 
L'initiale  E  caractérise  la  classe  des  Corps  vivants,  qui  com 
prend  les  classes  du  second  ordre  suivantes  : 
Eb  Me  en  général. 

Ec-El     Règne  végétal. 

(Ef     Nomenclature  botanique) 
Em-Ez  Règne  animal. 
(Er,  Es  Nomenclature  zoologique; 
Ez  Chimie  organique) 
L'initiale  I  caractérise  les  idées  relatives  à  l'iioninie  corporel. 
L'initiale  0  caractérise  les  idées  relatives  aux  facultés  inleîl;' 
tuelles  de  l'homme. 

L'initiale  U  caractérise  les  idées  relatives  aux  facultés  actives 
de  l'homme  (à  la  volonté,  à  la  moralité). 

Les  classes  précédentes  contiennent  l'ensein!»!»'  des  vives  on 
.substances;  les  classes  suivantes  comprennent  ce  que  l'h^coh* 
appelle  les  accidents  '. 

L'initiale  B  caractérise  la  classe  des  Arls  liUrninx,  cjui  se 
divise  en  cinq  classes  du  2*^  ordre  : 

Ba  Enseignement. 
Be  Imprimerie. 
Bi  Librairie. 
Bo  Beaux-arts. 
Bu  Musique. 
L'initiale  C  désigne  les  Arls  mécaniques:  D,  la  Sor  lé  té  politique  ; 
T,  la  Justice  et  lesFma/ices;  G,  ÏArt  militaire;  J,  la  Marine  et  le  Com- 
merce; L,  les  Rapports  sociaux;  M,  les  Divertissements  et  Jeux;  N,  la 
Religion;  P,  le  Culle.  Enfin  les  initiales  R,  S,  T  désignent  des  idées 
très  générales  (R,  des  idées  d'objets,  de  qualités  et  d'actions: 
T,  des  idées  de  rapports).  L'initiale  S  contient  des  subdivisions 
particulièrement  intéressantes  :  Sa  caractérise  les  pronoms  (saia 
=je,  sabe  =  lu,  sabi  =  il,  etc.).  Se  caractérise  les  idées  de  quaii- 
iité;  Si,  les  idées  de  nombre;  So,  les  idées  de  temps. 

Nous  allons  donner  quelques  exemples  détaillés  de  ce  vocaliu 

1.  Cf.  la  classification  de  Dalgarno. 


SOTOS  OCHANDO  67 

laire.  |)our  montrer  comniont  la  nonionclaturc  y  est  cal(|uée  sur 
la  classilifalion  logique  des  idres. 

Le  premier  sera  emj)runlé  à  la  nomenclature  botanique, 
caractérisée  par  les  j)remières  lettres  Ef.  Efa  désignera  l'ordre 
des  llialamijhres.  Dans  cet  ordre.  Efaba  désignera  la  l'amille  des 
renonciilacées.  Dans  cette  famille,  Efababe  désignera  la  renoncule, 
Efabade  Vanénwne,  etc.  De  même.  Efage  désignera  la  famille  des 
crtivifères;  et  dans  cette  famille,  Efageca  désignera  le  radis, 
Efageco  la  moutarde,  Efagedi  le  chou,  etc.  Veut-on  enfin  distinguer 
les  diverses  espèces  ou  variétés  de  chou?  Il  suffit  d'ajouter  une 
nouvelle  syllabe  :  Efagedica  désignera  le  chou  cabus,  Efagedico  le 
chou  de  Lombardie,  Efagedimo  le  brocoli,  et  ainsi  de  suite. 

Voici  un  autre  exenq)le  de  nomenclature,  qui  dérive  d'un 
autre  genre  de  classification  :  c'est  la  nomenclature  des  vents.  An 
('tant  la  caractéristique  de  la  Géographie  physique,  Anca  sera 
le  type  des  noms  des  points  cardinaux  :  Anba  =  nord:  Anca  = 
(\s7:  Anda  =  sud;  Anfa  =  ouest.  Les  points  intermédiaires  se 
nommeront  en  variant  la  voyelle  finale  :  anbe  =  nord-nord- est; 
anbi  =  nord-est:  anbo  =^  est-nord-est.  Enfin  les  «  quarts  »  seront 
désignés  en  ajoutant  une  voyelle  (u)  aux  noms  précédents  : 
anbau  =  nord-quarl-esl;  anbeu  =  nord-est-quart- nord,  anbiu  = 
iiord-est-quart-est;  anbou  ^1=  est-quart-nord.  Les  trois  autres  qua- 
diants  de  la  rose  des  vents  portent  des  noms  analogues,  qu'on 
obtient  en  remplaçant  dans  les  précédents  la  consonne  b  par  c. 
d  ou  f. 

Une  nomenclature  particulièrement  intéressante  est  celle  des 
nondn'es  (initiales  :  Si)  : 

Siba  =  i  Sibra  =  6 

Sibe  =  2  Sibre  =  7 

Sibi  =  3  Sibri  =  8 

Sibo  =  4  Sibro  =  9 

Sibu  —  ;■)  Sibru  =  10 


Sica=lO'  Sicra  =  60 

Sice  =  20  Sicre  =  70 


Sida  =  100  Sidra  =  600 

Side  =  200  Sidre  =  700 

1.  Ou  romaniuora  ([iio  10,  lOJ,  1000,  ....  ont  deux  noms. 


08  SECTION   I,    CHAPITRE   X 


Sifa==  1.000  Sifra  =6.000 


Siga  =  10.000  Sigra  =  60.000 

Sija  =  100.000 


Sila  =  1  million 
Sile  =  1  billion 
Sili  =  1  trillion 


Pour  énoncer  un  nombre  compost',  on  nomme  successivement 
ses  éléments,  en  supprimant  le  préfixe  Si-,  sauf  pour  le  premier. 
Ex.  :  Sifadicibo  =  1  334,  Silajidecibo  =  1  300  234. 

Des  noms  de  nombre  on  dérive  les  adjectifs  et  adverbes  ordinaux 
au  moyen  des  suffi.xes  -n  et  -c,  suivant  la  règle  générale;  les 
multiples  (double,  triple....)  au  moyen  du  suffi.xe  -ma;  les  parties 
aliquotes  {moitié,  tiers,  quart...),  au  moyen  du  suffixe  -me;  les 
adjectifs  distributifs  [L.  bini,  terni...)  par  le  suffixe  -mins;  les 
adverbes  qui  indiquent  le  nombre  de  fois  (L.  bis,  ter...),  par  le 
suffixe  -moc,  et  ceux  qui  indiquent  le  nombre  d'espèces  ou  de 
manières  (L.  dupliciler,  tripliciter...)  par  le  suffixe  -mue. 

La  nomenclature  chimique  est  un  échantillon  typique  du 
système  de  l'auteur.  Tous  les  corps  simples  étant  rangés  suivant 
une  classification  naturelle,  on  formera  leurs  noms  en  ajoutant 
à  Aba  (caractéristique  des  corps  simples)  une  syllabe  variable  ; 
on  obtient  ainsi  : 

Ababa  =  oxygène  Abaca  r=  tellure 

Ababe  =  hydrogène        Abace  =  chlore 
Ababi  =  azote  Abaci  =  brome 

Ababo  =  soufre  Abaco  =  iode 

Ababu  =  sélénium  Abacu  =  fluor 

et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  : 

Abata  =  ruthénium        Abate  =  osmium  • 
Pour  nommer  les  composés,  on  énoncera   leur   formule  de 
composition  en  ajoutant  à  la  syllabe  caractéristique  de  chaque 

1.  La  nomenclature  indiquée  dans  l'Appendice  11  est  un  peu  différente. 


SOTOS   OCHANDO  69 

élément  la  syllabe  caractéristique  du  nombre  qui  lui  sert  d'expo- 
sant. Soit,  par  exemple,  à  nommer  le  corps  Pb*Sb'^  : 

Pb  (plomb)  =  abase      Sb  (antimoine)  =  abamu 
8  =  sibri  2  =^  sibe 

Pb^Sb^  =  Se  (bri)  mu  (be). 

Ainsi  le  nom  d'un  corps  est  la  traduction  exacte  et  complète 
de  sa  formule  chimique.  L'auteur  propose  pour  la  Chimie  orga- 
nique un  autre  système  de  nomenclature,  qui  consiste  aussi  à 
traduire  la  formule,  mais  plus  simplement,  en  supj)rimant  les 
noms  des  4  éléments  (toujours  les  mômes),  et  en  convenant  que 
la  l^"  syllabe  après  le  préfixe  commun  ez  indiquera  la  proportion 
d'oxygène;  la  2",  celle  d'hydrogène;  la  3"=  celle  de  carbone,  et  la  4^, 
celle  d'azote. 

Enfin,  un  dernier  exemple  achèvera  de  caractériser  l'esprit  du 
système.  L'auteur  prétend  qu'on  peut  «  apprendre  en  moins 
dune  heure  la  signification  de  plus  de  6  millions  de  noms  »,  par 
exemple  les  noms  de  toris  les  soldats  d'une. nation  *.  Pour  cela, 
il  établit  une  liste  de  100  syllabes  de  2  lettres  correspondant  aux 
100  premiers  nombres.  On  i)eut  en  former  un  million  de  noms 
de  3  syllabes  :  la  1'^'^  syllabe  indiquera  l'une  des  100  classes  du 
\cv  ordre;  la  2^  syllabe  indiquera  l'une  des  lOOclasses  du  2«  ordre 
que  contient  chaque  classe  du  1";  et  la  3°  indiquera  l'une  des 
100  classes  du  3«  ordre  que  contient  chaque  classe  du  i°.  On  a 
ainsi  nommé  un  million  de  subdivisions.  Supposons  que  chacune 
d'elles  contienne  fi  individus,  on  les  désignera  en  ajoutant  une 
des  voyelles  a,  e,  i,  o,  u.  Ainsi  avec  des  mots  de  7  lettres  on  peut 
nommer  6  millions  d'individus  ou  d'objets  classés. 

Critique. 

Cette  dernière  indication  révèle  à  plein  l'erreur  ou  l'illusion  de 
l'auteur  (et  de  tout  auteur  de  langue  philosophique)  :  il  fournit 
bien  le  moyen  de  former  6  millions  de  noms,  ou  plutôt  de 
luiméros;  mais  il  ne  fournit  pas,  et  ne  peut  pas  fournir,  le  moyen 
d'apprendre  et  de  retenir  leur  signification,  c'est-à-dire  la  corres- 
pondance établie  entre  eux  et  les  idées  qu'ils  doivent  exprimer. 
Il  faudrait  une  mémoire  prodigieuse  pour  se  rappeler  exacte- 

1.  Appendice  111. 


70  SECTION   I,    CHAPITRE   X 

mont  ot  à  point  nommé  le  nom  do  chaque  idée,  c  esl-à-dirc  son 
numéro  d'ordre;  car  cela  suppose  qu'on  a  constamment  présent 
à  l'esprit  l'ensemble  de  la  classification  avec  ses  innombrable^ 
subdivisions,  et  dans  leur  ordre.  Cette  i'emar((ue  suffit  à  montrer 
que  la  langue  de  SoTOS  Ociiando  serait  al)solument  impratical)le. 
Elle  donne  lieu,  il'ailleurs,  aux  mêmes  critiques  que  toutes  les 
langues  philosophiques,  parmi  lesquelles  elle  se  distingue  pour- 
tant, il  faut  le  reconnaître,  par  sa  sinq>licilé  relative  et  sa  régu- 
larité logique. 


CHAPITRE  XI 


LA   SOCIliTK    DE   LINGUISTIQUE;  M.   RENOUVIKR 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  savoir  que  la  question  de  la  langue 
universelle  a  fait  l'objet,  en  France,  vers  1855,  d'une  étude  cri- 
tique impartiale  destinée  à  choisir  et  à  faire  prévaloir  le  meilleur 
système.  Lhonnour  de  cette  initiative  revient  à  la  Société  inter- 
nationale de  Linguistique,  qui,  «  dès  sa  fondation,  a  déclaré  vou- 
loir s'occuper  de  toutes  les  matières  qui  se  rattachent  à  la 
philologie  et  à  la  linguistique  considérées  dans  leur  plus  grande 
extension,  et  surtout  au  point  de  vue  pratique  ».  Aussi  se  pro- 
posait-elle, «  tout  en  procédant  à  une  réforme  plus  ou  moins 
radicale  de  l'orthographe  de  la  langue  française,  de  répandre 
dans  les  esprits  l'idée  dune  langue  universelle,  dont  le  besoin 
commence  à  se  faire  généralement  sentir,  de  chercher  les  bases 
de  cette  langue,  d'en  définir  les  conditions,  d'en  grouper  les 
éléments,  et  de  préparer  les  voies  à  son  établissement'  ».  Elle 
nomma  à  cette  fin  un  Comité  de  23  membres,  dont  les  travaux 
furent  résumés  dans  deux  rapports  par  M.  Casimir  Henricv, 
secrétaire  général  de  la  Société.  Celui-ci  les  publia  dans  la  Tri- 
bune des  Linguistes,  dont  il  était  le  directeur^. 

Il  avait  fondé  cette  revue  surtout  dans  l'intention  de  vulgariser 
l'idée  de  la  langue  universelle.  L'Introduction  est  consacrée  à 
exposer  la  nécessité  d'une  telle  langue;  l'auteur  y  invoque  déjà 
des  arguments  qui  ont  été  bien  souvent  répétés  depuis  lors,  et 
qui  n'ont  rien  perdu  de  leur  force,  bien  au  contraire'. 

1.  Premier  rapport  du  Comité  de  la  Lançjue  universelle,  lu  à  la  Société  de 
Linguistique  le  3  juillet  1856. 

2.  Première  année,  1858,  p.  17-39,  65-105,  129-161). 

3.  Citons-on  quelques-uns  :  P.  8  :  «  On  a  rapproché  les  corps;  on  n'a 
rien  fait  pour  rnpproclier  les  esprits  ».  P.  14  :  «  Nul  ne  peut  contester  que 


72  SECTION   I,    CHAPITRE   XI 

Le  Comité  commença  par  formuler  les  conditions  théoriques 
de  la  langue  universelle  :  il  «  reconnut  unanimement...  quelle 
devait  avoir  un  caractère  scientifique.  Il  reconnut  également 
qu'elle  devait  être  tout  à  la  fois  claire,  simple,  facile,  rationnelle, 
logique,  philosophique,  riche,  harmonieuse,  et  en  outre  élas- 
tique, afin  de  se  prêter  à  tous  les  progrès  futurs.  Or  il  est  évident 
qu'aucune  des  langues  anciennes  et  modernes  n'a  ce  caractère 
et  ne  remplit  ces  conditions.  En  conséquence,  elles  furent 
repoussées  les  unes  et  les  autres  à  l'unanimité.  » 

«  On  examina  ensuite  s'il  ne  serait  pas  possible  d'adopter  l'une 
des  langues  vivantes  les  plus  répandues  des  peuples  civilisés, 
après  lavoir  améliorée,  enrichie,  complétée,  et  lui  avoir  fait 
subir  de  grandes  modifications.  Ce  système  eut  quelques  parti- 
sans; mais  le  Comité  se  convainquit  bientôt  qu'il  ne  valait  rien  », 
parce  qu'une  langue  ainsi  perfectionnée  serait  «  méconnaissable  », 
et  «  n'en  continuerait  pas  moins  à  être  irrationnelle,  illogique 
arbitraire,  difficile.  » 

«  Il  ne  restait  donc  plus  en  présence  que  deux  systèmes  de 
langues  :  celui  d'une  langue  a  posteriori,  c'est-à-dire  faite  de 
pièces  et  de  morceaux,  avec  des  radicaux,  des  onomato{)ées,  des 
mots  pris  dans  toutes  les  langues  mortes  et  vivantes,  da|)rès  les 
idées  des  étymologistes  tels  que  Volney,  Burnouf,  Ampère,  etc.  : 
et  celui  d'une  langue  a  priori,  c'est-à-dire  entièrement  neuve.  » 

«  On  n'eut  pas  de  peine  à  reconnaître  que  fous  les  systèmes  » 
(a  posteriori)  «  qui  s'appuient  sur  les  radicaux  sont  mauvais  », 
parce  que  les  langues  naturelles  correspondent,  non  à  l'état 
actuel  des  sciences,  mais  à  un  état  de  civilisation  primitif  et 
rudimentaire.  Le  Comité  rejeta  donc  «  toutes  les  langues 
anciennes  et  modernes,  mortes  ou  vivantes,  ainsi  que  tous  les 
systèmes  bâtis  à  le'ur  imitation  ou  fondés  sur  les  mômes  prin- 
cipes '  »,  et  se  prononça  «  pour  la  création  d'une  langue  apriori  »  ; 

le  besoin  d'une  langue  universelle  ne  se  fasse  vivement  sentir  aujourd'hui... 
C'est  le  complément  nécessaire,  fatal,  des  chemins  de  fer,  des  télégraphes 
électriques,  des  grandes  expositions,  de  toutes  les  découvertes  scientifiques, 
de  toutes  les  créations  industrielles  de  notre  époque.  »  Et  l'auteur  compa- 
rait les  sceptiques  à  «  ce  célèbre  ingénieur  français  qui,  à  l'aide  de  raisons 
puisées  dans  les  mathématiques  en  général  et  dans  la  statique  et  la  dyna- 
mique en  particulier,  démontra  fort  savamment  que  les  locomotives  ne 
pourraient  pas  marcher  ».  Les  mômes  idées  et  presque  les  mêmes  phrases 
se  retrouvent  dans  la  brochure  Pour  la  Langue  internationale  de  M.  Cou- 
TURAT,  qui  ne  connaissait  pas  encore  la  Trilmne  des  Linguistes. 
1.  Tribune  des  Linguistes,  p.  lOn. 


LA    SOCIÉTÉ  DE   LINGUISTIQUE!    M.    RENOUVIER  73 

à  son  avis,  «  uno  langue,  au  point  do  vue  rationnel,  ne  doit  Hre 
qu'une  nomenclature  correspondant  à  une  classification  univer- 
selle. »  En  un  mot,  il  concevait  la  langue  universelle  idéale 
comme  une  langue  philosophique.  Par  suite,  il  considérait  que  sa 
première  lAclie  était  d'établir  «  une  classification  générale  des 
choses  »,  et  il  adopta  un  tableau  dressé  par  un  de  ses  membres, 
le  D""  Chouippe,  sous  le  titre  :  Origine  et  lien  des  connaissances 
humaines  '. 

D'autre  part,  il  se  mit  en  devoir  de  faire  une  revue  critique  de 
tous  les  projets  antérieurs  ou  contemporains,  qu'il  jugea,  natu- 
rellement, d'après  son  idéal  de  langue  philosophique  et  analytique. 
Le  second  rapport  rappelle  les  idées  théoriques  émises  à  ce  sujet 
par  Bacon,  Descartes,  Leibniz,  Voltaire  2,  le  président  De  Brosses», 
Court  de  Gébelin*,  lord  Munboddo-',  Condillac  surtoutfi,  qui  «  a 
l'ait  ressortir...  les  avantages  d'une  langue  bien  faite,  d'une  langue 
philosophique  et  analytique  »;  Condorcet,  qui  assimilait  la 
langue  à  une  algèbre;  Destutt  de  Tracv,  qui  déclarait  la  langue 
universelle  impossible,"  parce  qu'elle  devrait  être  parfaite  ''; 
VoLNEvs  et  Charles  Nodier*.  D'autre  part,  il  expose  et  discute  les 
projets  de  Dalgarno  et  de  Wilkins,  le  «  ridicule  projet  »  de  VEn- 
cyçlopédie*^,  qui  n'est  «  qu'un  travestissement  grotesque  de  la 
langue  française  »  ;  puis  le  «  premier  projet  sérieux  »  et  «  pra- 
tique »,  celui  de  Delormel,  dont  «  la  marche  était  bonne  »,  car  il 
était  «  fondé  sur  les  principes  qui  doivent  servir  de  base  à  la 
langue  universelle  »;  la  Pasigraphie  de  Maimieux  (1797)  et  la  Po/y- 
graphie  de  Hourwitz  (1801);  le  projet  théorique  de  Le  Mesl,  pré- 
sident du  Tribunal  de  commerce   de   Saint-Pol-de-Léon",  «  la 

1.  Cette  classification,  inspirée  du  sensualisme  condillacien,  est  résumée 
dans  la  Tribune  des  Linguistes,  p.  33-34.  • 

2.  Qui  disait  de  la  diversité  des  langues  :  «  C'est  un  des  plus  grands 
fléaux  de  la  vie.  •> 

3.  Traité  de  ta  formation  mécanique  des  langues  et  principes  physiques 
de  Vétymologie. 

4.  Histoire  naturelle  de  la  parole,  ou  grammaire  unioerselle  (1776). 
,").  Essai  sur  l'origine  et  les  progrès  du  langage  (Edinburgh,  1774). 
().  L'Art  de  penf:er\  La  Langue  des  Calculs. 

7.  Cette  critique  est  péremptoire,  mais  elle  ne  porte  que  sur  les  langues 
philosopliiques. 
.  8.  Discoui's  sur  Vétude  philosophique  des  langues  (1819). 

0.  Notions  élémentaires  de  Linguistique  (1834). 

10.  V.  Section  III,  cli.  i  :  Faiguet. 

11.  Considérations  philosophiques  sur  la  langue  française,  suivies  de 
l'Esquisse  d'une  langue  bien  faite  (1834). 


74  SECTION   I,    CHAPITRE   XI 

moillcure  Ihéoric  ûc  la  langue  univorsollc  <|\ii  ait  «Hé  publi<'<- 
jusqua  ce  jour  >,  et  dont  les  principes  et  les  idées  «  sont  abso- 
lument ceux  du  Comité  »;  la  Génigraphie  de  Matraya  (Lucques, 
1831);  deux  projets  anonymes  (1837,  1838)  de  langues  a  pos<mon. 
à  base  de  latin,  que  le  rapport  considère  comme  «  grotesques  » 
et  «  ridicules  »,  et  traite  de  «  mauvaise  plaisanterie  »  et  de  t  latin 
de  cuisine  »  '  ;  enfin,  la  Langue  universelle  de  Vidal  (1844),  qui  «  n'est 
qu'un  audacieux  plagiat  »  de  la  Pasigraphie  de  Maimieux,  sauf 
pour  son  système  de  numération,  dont  on  lait  l'éloge. 

Le  premier  rapport  rend  compte  de  quelques  projets  ou  pro- 
positions émanés  de  membres  du  Comité,  et  qui  n'ont  pas  trouvé 
grâce  à  ses  yeux  :  il  condamne  également  Letellier  (dAmiens), 
qui  croyait  que  la  langue  primitive  est  le  celte,  et  qui  prétendait 
retrouver  le  sens  d'un  mot  en  le  décomposant  en  ses  lettres  2; 
Vaillant  (de  Bucharestj,  qui  soutenait  «  que  la  langue  universell(> 
existe,  et  qu'il  n'y  a  qu'à  en  réunir  les  éléments  épars  >,  et  dont 
le  système  «  reposait  exclusivement  sur  les  racines,  les  ononiti- 
topécs,  les  étymologies  et  les  syndjoles,  c'est-à-dire  sur  tout  ce 
que  le  Comité  avait  rejeté  »,  et  Gagne,  dont  la  Monopanglotte, 
qualifiée  de  «  grotesque  idiome  »,  était  «  composée  de  mots  pris 
dans  toutes  les  langues  mortes  ou  vivantes,  proportionnellement 
à  l'importance  des  peuples  qui  les  ont  parlées  ou  qui  les  parlent, 
afin  de  ne  pas  froisser  leur  susceptibilité  et  de  les  faire  tous 
concourir  d'une  manière  équitable  à  l'édifice  universel.  »  Tous 
les  noms  devaient  se  décliner  sur  dominus  ou  rosa,  tous  les  adjec- 
tifs sur  prudens,  et  tous  les  verbes  se  conjuguer  sur  amare^. 

Enfin  le  rapport  étudie  «  deux  projets  sérieux  et  complets  dr 
langue  universelle  a  priori,  projets  conformes  aux  idées  du 
comité  »,  à  savoir  ceux  de  Letellier  (de  Caen)  et  de  Sotos 
OcriANOo.  Il  critique  le  premier  comme  trop  artificiel  et  trop 
compliqué,  quoique  excellent   en   théorie*;  et  il  manifeste  sa 

1.  Par  exemple,  l'auteur  du  second  de  ces  projets  proposait  les  néolo- 
gismes  pi/roballum  (obusier)  et  aeronauta,  que  le  rapport  trouve  pourtant 
préférables  aux  périphrases  :  tormenlum  belliann  majus,  et  per  ae.'a  père- 
qrinalor  folle  suspensus.  L'auteur  conservait  d'ailleurs  ■<  les  déclinaisons, 
les  conjugaisons  avec  leurs  désinences,  ainsi  que  les  règles  grammaticales  ». 

2.  Par  exemple,  rat  =  animal  taré  et  rongeur;  chat  =  animal  charmant 
et  attachant. 

3.  Exemples  de  mots  :  femmea\  hommeua,  arbreus,  templumus\  gran- 
dens;  aimerare.  Cf.  les  projets  de  latin  simplifié  de  MM.  Isly  et  Frôhlich 
(Chapitre  final). 

4.  Citons  cette  remarque  judicieuse  :  «  On  dirait  que  la  Langue  universelle 


LA   SOCIETE  DE   LINGUISTIQUE;    M.    RENOUVIER  Tl) 

préférence  pour  le  second,  «  qui  pourrait  presque  être  considéré 
comme  la  réalisation  de  la  savante  et  judicieuse  théorie  de 
M.  Le  Mesl  »  ',  et  qui  est  «  conforme  aux  idées  du  Comité  >  2.  Il 
conclut  que,  sans  être  parfait,  le  projet  de  Sotos  Ochando  est 
supérieur  à  tous  les  autres,  et  que,  en  attendant  mieux,  le 
Comité  doit  travailler  «  à  Taméliorer,  à  le  vulgariser  et  à  le 
faire  adopter  ». 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  critiquer  à  notre  tour  les  vues 
théoriques  du  Comité  et  ses  conclusions  :  il  suffit  d'avoir  montré 
qu'il  est  systématiquement  hostile  à  tout  projet  de  langue  a  poste- 
riori, et  que  son  idéal  est  une  langue  philosophique  et  analytique 
telle  que.  comme  le  disait  Sotos  Ochando  3,  «  tous  ceux  qui 
l'apprendraient  apprendraient  en  même  temps  les  connaissances 
analysées  ».  Nous  exposerons  plus  loin  (dans  la  Critique  géné- 
rale) les  raisons  pour  lesquelles  cet  idéal  nous  paraît  chimérique 
et  illusoire.  Ce  qui  explique  et  excuse  l'erreur  du  Comité  de  la 
Société  de  Linguistique,  c'est  qu'à  l'époque  où  il  faisait  son 
enquête  il  n'existait  guère  que  des  j)rojets  a  priori,  et  que  l'idée 
d'une  langue  philosophique,  si  en  faveur  au  xvni''  siècle,  avait 
conservé  encore  tout  son  prestige. 

Toutefois,  il  est  intéressant  de  constater  qu'à  cette  même 
époque,  un  penseur  qui  devait  exercer  une  influence  durable 
et  profonde  sur  la  philosophie  française,  M.  Charles  Renou- 
viER  *,  émettait  sur  le  pro])lème  de  la  langue  universelle  des 
vues  plus  justes  et  plus  profondes,  que  l'avenir  devait  vérifier  et 
réaliser'.  Partisan  de  la  langue  universelle  pour  des  raisons 
philosophiques  «,  et  ne  connaissant  que  des  projets  de  langues 


de  M.  Letcllier  n'a  pas  été  faite  pour  Hrc  parlée,  mais  seulement  pour 
analyser  les  langues  connues,  mortes  et  vivantes,  d'une  manière  plus  com- 
plète qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'à  ce  jour,  et  permettre  de  saisir  leurs  moindres 
différences.  »  Tribune,  p.  140. 

1.  Remarquons  à  ce  propos,  avec  le  rapport,  que  ni  Letellier  ni  Sotos 
Octiando  ne  connaissaient  aucun  de  leurs  prédécesseurs. 

2.  Cette  rencontre  involontaire  et  imprévue  des  idées  de  Le  Mesl,  de  Sotos 
Ochando  et  du  Comité  parait  à  celui-ci  une  marque  de  vérité. 

3.  Dans  le  journal  El  Heraldo  (1843);  cité  ap.  La  Tribune,  p.  l.")8. 

4.  Aujourd'hui  membre  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques. 

5.  De  la  question  de  la  langue  universelle  au  XIX*  siècle,  ap.  La  Revue, 
t.  II,  p.  50-83  (août  1853). 

6.  «  Le  signe  est  l'instrument  nécessaire  des  développements  de  la  raison.... 
De  là  cette  conséquence,  (|ue  4a  raison  en  pleine  possession  d'elle-même 
peut  instituer  un  langage  réfléchi  pour  exprimer  des  idées  correctes  et  posi- 
tives, au  lieu  de  se  contenter  des  symboles  imparfaits  et  variables,  souvent 


76  SECTION   I,    CHAPITRE   XI 

philosophiques  (ou  prétendues  telles),  il  dénonçait  avec  clair- 
voyance leur  caractère  factice,  superficiel  et  précaire,  et  leur 
opposait  un  autre  programme,  qu'il  formulait  ainsi  :  La  langue 
universelle  doit  être  «  philosophique  par  sa  grammaire,  empi- 
rique par  son  vocabulaire  »;  c'est-à-dire  que  la  grammaire  devait 
être  fondée  sur  l'analyse  logique  de  la  pensée,  et  le  vocabulaire 
emprunté  aux  langues  vivantes  (par  exemple,  composé  de  racines 
romanes).  Cette  langue  serait  constituée  définitivement  quant  à  sa 
forme,  qui  est  la  grammaire,  attendu  que  celle-ci  répond  aux 
formes  invariables  de  la  pensée;  et  provisoirement  quant  à  sa 
matière,  qui  est  le  vocabulaire,  attendu  que  l'esprit  humain 
forme  sans  cesse  des  idées  nouvelles  et  crée  des  objets  nouveaux. 
Ainsi  la  langue  serait  indéfiniment  perfectible,  et  ouverte  à  tous 
les  progrès.  M.  Renouvier  traçait  même  le  plan  du  manuel  de 
cette  langue;  il  devait  comprendre  :  1°  une  syntaxe  générale 
(analyse  de  la  parole);  2°  une  explication  des  signes  catégoriques  * 
des  rapports  grammaticaux,  suivie  de  l'emploi  de  ces  signes 
pour  composer  les  mots  dérivés  de  chaque  famille  et  construire 
régulièrement  la  phrase  ;  3°  un  vocabulaire  de  racines  usuelles. 
Dans  ces  quelques  lignes,  passées  inaperçues  et  depuis  long 
temps  oubliées,  M.  Renouvier  avait,  avec  sa  pénétration  de  phi- 
losophe logicien,  dressé  d'avance  le  plan  des  langues  a  posteriori, 
qu'il  ne  connaissait  pas,  et  dont  il  n'existait  à  cette  époque  que 
des  projets  informes;  d'autres  sont  venues  depuis  illustrer  et 
justifier  ce  programme  prophétique. 

faux,  et  toujours  puérils,  qui  formeront  le  fond  des  langues  primitives,  et 
qui  bientôt  affaiblis,  altérés,  mêlés,  effacés,  n'ont  laissé  après  eux  que 
désordre  et  arbitraire  dans  nos  idiomes  les  plus  vantés.  » 

1.  C'est-à-dire  :  qui  expriment  les  catégories  ou  formes  générales  de  la 
pensée. 


CHAPITRE  XII 

BYER :   LISGUALUMINA^ 

Le  Lingualumina  prétend  être  à  la  fois  une  langue  philoso- 
phique et  une  langue  internationale.  Son  nom  {langue  de  la 
lumière)  veut  dire  qu'elle  sera  une  langue  instructive  par  elle- 
même,  un  véhicule  des  connaissances  scientifiques  et  philoso- 
phiques, parce  quelle  est  «  fondée  sur  les  éléments  logiques  de 
la  pensée  humaine  ».  En  fait,  voici  comment  l'auteur  trace  le 
programme  de  son  œuvre  : 

1°  Classification  logique-scientifique  de  tous  les  objets  (con- 
crets et  abstraits)  de  l'esprit  humain  ; 

2°  Classification  systématique  de  tous  les  sons  (voyelles  et 
consonnes),  et  formation  de  toutes  les  combinaisons  monosyl- 
labiques prononçables; 

3"  Application  des  syllabes  aux  idées,  les  idées  semblables 
étant  représentées  par  des  syllabes  semblables  ; 

4°  Représentation  des  idées  complexes  par  des  combinaisons 
de  monosyllabes  (représentant  des  idées  simples). 

Ainsi  les  monosyllabes  représenteront  les  idées  générales  et 
principales,  et  le  nombre  de  leurs  lettres  (2  à  5)  sera  propor- 
tionnel à  la  complexité  des  idées  correspondantes.  Inutile 
d'ajouter  que  cette  langue  sera  absolument  différente  et  indé- 
pendante de  toutes  les  langues  connues,  ce  qui,  selon  lauteur, 
garantit  sa  neutralUé. . 

1.  The  Linqualumina,  or  language  of  lifjht.  a  philosopliical  language  for 
inlernalional  communicalion.  A  now  vcliiclc  of  sciontidc  and  pliilosopliical 
pxpression,  îind  of  intoicommunicatioii  l)et\vecii  ail  tlio  nations  and  varied 
peoplos  of  tiio  cartli.  Foundod  on  tiie  Logical  Elcmonls  of  Ihiinan  Tlioiight, 
by  Frodorick  William  Dyeu.  Part.  I  :  Goneral  and  Inlroduclory.  27  p.  in-8" 
(London,  1889).  Gonféionco  donnée  le  9  juillet  1887;  mais  la  1"  édition  do 
de  co  projet  date  de  1875. 


78  SECTION   I,    CIIAPITUE    XII 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  de  la  classilication,  inijé 
nieuse  mais  compliquée,  que  l'auteur  donne  des  idées  et  de- 
mots  correspondants.  Qu'il  suffise  de  savoir  quil  attribue  aux 
16  consonnes  les  significations  suivantes: 


M: 

quantité; 

L: 

espace; 

S: 

existence; 

B: 

état  : 

Z: 

personnalité; 

K: 

relation; 

V: 

espèce  ou  classe; 

J  : 

c  interchange  »  ; 

Pf: 

qualité; 

D: 

variation; 

Th 

ordre  ; 

G: 

aspect  ; 

P: 

association; 

W: 

objet  de  désir; 

R: 

action; 

Y: 

objet  de  conimissance 

On  forme  les  radicaux  en  adjoignant  à  ces  consonnes  diverses 
voyelles,  soit  avant,  soit  après.  En  particulier,  les  mots  obtenus 
en  intervertissant  l'ordre  de  la  consonne  et  de  la  voyelle  dési- 
gnent des  idées  contraires.  (N.  B.  Les  lettres  n  et  a  sont  pure- 
ment euphoniques,  et  ne  comptent  pas  i)()ur  la  signification  du 
mot.)  Exemides  : 


li     =z  espace; 
lee  =;  ligne; 
lai   :=  angle; 
lah  z^aire; 
loh  ^  volume; 


eil    =  limite; 
cela  =  point; 
alla  =^cdlé; 
ahla  ^=  contour; 
ohla  =  surface  ; 


loo  =  sur/ace  (comme  ohla). 

Il  y  a  trois  manières  de  combiner  les  radicaux  pour  former 
des  dérivés  et  des  composés  : 

i°  l^' agglutination.  Exemples  :  Etant  donnés  les  pronoms  per- 
sonnels :  inza  =  je,  anza  =  tu,  onza  :=  il;  eeza  ^=  nous,  arza  =: 
vous,  orza  =  ils,  on  forme  :  izanza  =  moi  et  toi  ;  izarza  :=  moi  et  vous  ; 
et  ainsi  de  suite. 

2°  La  coalescence.  Ex.  :  delta  =:  mou.'ement  {parce  que  d  =  varia- 
tion, 1  =  espace,  t  =  temps). 

3"  L'inflexion,  au  moyen  de  suffixes.  Ainsi,  man  signifiant  beau- 
coup, et  min  peu,  de  ri  ^  pouvoir  on  forme  rimang  =  fort,  et 
rirain  =  faible. 

Los  verbes  se  composent  de  3  lettres  significatives  :  la  1™  indique 
si  le  sujet  est  une  personne  ou  une  chose  (rappelons  que  z  = 
personnalité);  la  2°  indique  la  personne  (les  brèves  i,  a,  o,  pour  le 
singulier,  les  longues  ee,  ah,  au  pour  le  pluriel);  la  3®  indique  le 
temps  :  b,  le  passé;  d,  le  présent;  g,  le  futur.  Ainsi  le  verbe  être 


DYEll    :    LLNGUALUMINA  79 

se  conjugue  au  i)résont  :  zinda,  zanda.zonda:  zeeda.  zahda,  zauda  : 
je  suis,  tu  es,  etc.  Au  passé  :  zimba.  zamba.  zomba,  elc.  Au  liilur  : 
zinga.  zanga,  zonga.  elc.  Il  y  a  en  outre  un  parfait,  ol)lenu  en 
(liircissant  la  consonne  du  temps:  zimpa.  zampa,  zompa;  zeepa, 
zarpa.  zorpa. 

L'auteur  complique  encore  cette  conjugaison  par  d'autres 
«  subtilités  ».  Comme  on  le  voit,  ce  système  soi-disant  logique 
est  le  comble  de  l'arbitraire,  de  la  fantaisie  et  de  Tirrégularilé. 
11  a  en  outre  un  défaut  qui  tient  à  la  nationalité  de  l'auteur  : 
jamais  un  Anglais  ne  pourra  concevoir  une  phonétique  coi-rectc 
et  internationale,  à  cause  de  la  détestable  prononciation  à 
laquelle  sa  langue  l'habitue.  Quoi  de  plus  absurde  que  de  pro- 
noncer une  lettre  simple  i  comme  2  voyelles  (aï),  et  de  rendi-e  un 
son  sinn)le  i  par  2  lettres  {ea,  ee)1 


CHAPITRE   XIII 

REIMANN  :  LANGUEINTERNATIONALE   ÉTYMOLOGIQUE   ' 

Valphabet  de  ce  projet  comi)rend  20  consonnes,  12  voyelles 
simples,  6  voyelles  longues,  4  voyelles  nasales  et  44  diphtongues. 
Les  consonnes  seront  figurées  par  des  lignes  droites,  les  voyelles 
l)ar  des  lignes  courbes  ^. 

Au  moyen  de  ces  lettre^,  on  formera  des  radicaux  vi-aiiiient 
étymologiques,  c'est-à-dire  qui  exprimeront  l'idée  par  la  seule 
construction  du  mot. 

Le  radical  est  toujours  le  substantif.  On  en  tire  l'adjectif,  le 
verbe  et  l'adverbe.  Le  verbe,  en  particulier,  dérive  du  substantif 
par  l'adjonction  d'une  des  voyelles  a  (pour  le  présent),  i  (passé), 
0  (futur). 

Les  substantifs  seront  classés  par  ordre  logique  :  tous  les 
quadrupèdes,  tous  les  oiseaux,  etc.,  seront  caractérisés  res- 
pectivement par  la  même  initiale.  Le  dictionnaire  constituera 
ainsi  une  véritable  encyclopédie. 

Le  système  de  numération,  entièrement  a  priori,  rappelle  celui 
de  Leibniz.  Les  neuf  chiffres  sont  représentés  par  des  con- 
sonnes : 

1234     5     6789 

d    V    1    m    k    r    t    n    j 

et  les  ordres  d'unités  décimales  par  des  voyelles  : 
1  10  100  1.000  10.000  100.000 
i     é       a        0  ou  u 

Un  nombre  s'énonce  donc  comme  il  suit  : 

74.f538.2oO  =  bémi,  rulouno  vaké. 

1.  Larousse,  Grand  Dicllonnaire  universel,  1"  supplément,  t.  XVI,  r.  1035 
(Paris,  1877). 

2.  Cf.  le  Chabé  ahan  de  M.\ldant. 


REIMANN    :    LANGUE   INTERNATIONALE   ETYMOLOGIQUE  81 

Los  voyelles  numériques  servent  aussi  à  exprimer  les  divers 

déférés  d'une  idée;  par  exemple,  les  différentes  nuances  de  bleu 

s'appelleront  : 

bliou  :    bleu  le  plus  foncé. 

blio  :  bleu  très  foncé. 

blia  :  bleu  plus  foncé. 

blié  :  bleu  foncé. 

blii  :  bleu  moyen. 

blien  :  bleu  clair. 

blian  :  bleu  plus  clair. 

blion  :  bleu  très  clair. 

blioun:  bleu  le  plus  clair  '. 

Ce  projet,  simple  esquisse  théorique,  a  tous  les  caractères  et 
tous  les  défauts  des  langues  philosophiques.  Il  se  distingue  par 
son  ali)habet,  le  plus  compliqué  que  nous  connaissions, 

I.  Cf.  la  règle  de  la  marguerite  de  M.  Boli.ack. 


f'oLTUBAT  et  Leau.  —   Languc  univ. 


CHAPITRE   XIV 


MALDANT  :  LA  LASGUE  NATURELLE  ' 

L'auteur  de  ce  projet  a  commencé  par  comparer  entre  elles  les 
langues  vivantes  pour  en  extraire  une  langue  simple  et  régulière  : 
«  procédant  d'abord  par  analyse,  il  essayait  laborieusement  de 
supprimer  dans  ces  langues  tous  les  illogismcs  et  les  irrégula- 
rités. Mais  il  s'apercevait  bientôt  qu'en  supprimant  ainsi,...  il  ne 
lui  restait  plus  rien  du  tout*!  »  Il  arriva  ainsi  à  cette  con- 
clusion, t  que  la  L.  I.  ne  pourrait  être,  logiquement,  qu'une 
langue  rationnelle,  absolument  neuve  et  faisant  résolument  table 
rase  du  passé  ».  C'est  dire  que  la  Langue  naturelle  est  entièrement 
a  priori,  et  n'a  de  «  naturel  »  que  le  titre. 

Grammaire. 

Valphabel  se  compose  de  21  lettres  :  5  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u  (ou), 
et  16  consonnes  :  b,  c  (c/i),  d,  f,  g,  j,  k,  1,  m,  n,  p,  r,  s,  t,  v,  z. 

L'auteur,  constatant  qu'il  y  a  «  presque  autant  d'écritures  que 
de  langages  »,  a  cru  qu'  «  il  fallait  logiquement  résister  à  l'en- 
traînement d'adopter  les  caractères  latins  ».  11  a  été  ainsi  con- 
duit à  inventer  un  alphabet,  où  les  voyelles  sont  représentées 
par  des  lignes  courbes  O  et  C ,  et  les  consonnes  par  des  lignes 
droites  :  I,  -\  et  L,  différemment  orientées  '.  Nous  nous  abstien- 
drons (et  pour  cause)  d'employer  cet  alphabet. 

1.  La  langue  naturelle  (Cliabé  Aban),  langue  internationale.  Grammaire 
avec  exercices  et  vocabulaires,  par  Eugène  Maldant,  ingénieur  civil.  130  p. 
in-8".  9"  éd.,  Paris,  1887. 

2.  P.  3.  On  verra  que  le  D'  Zamenhof  a  procédé  de  même  pour  construire 
VËsperanto.  Si  deux  auteurs  partant  du  même  principe  ont  abouti  à  des 
résultats  si  différents,  c'est  apparemment  que  l'un  d'eux  s'est  trompé. 

3.  Cf.  SoTos  OcHANDO  et  Reimann. 


MALDANT  :  LA  LANGUE  NATURELLE  83 

L'auteur  ajoute  à  ses  lettres  une  demi-douzaine  de  signes  dia- 
critiques (points,  accents)  pour  modifier  le  son  des  voyelles. 
Deux  de  ces  signes  sont  les  symboles,  l'un  de  la  répétition, 
l'autre  du  contraire  :  de  sorte  que,  par  exemple,  imi  =  bu,  iomi 
:=  rebu,  el  youmi  =  (délju)  vomi. 

L'arlicle  sert  à  déterminer  le  genre,  le  nombre  et  le  cas  des 
substantifs.  11  a  par  suite  12  formes  : 

Masculin  Féminin 

Sing.    Plur.  Sing.     Plur. 

Nom.  :    a      as  e      es 

Gén.  :      ad    ads  ed    eds 

Dat.  :      af     afs  ef     efs 

L'accusatif  est  semblable  au  nominatif.  Le  génitif  sert  d'article 
partitif,  ce  qui  est  un  gallicisme  illogique.  L'article  n'est  pas 
plus  défini  qu'indéfini,  car  il  doit  accompagner  tous  les  sul)- 
stantifs. 

Les«66'/a/j/i/est  invariable  en  genre,  en  nombre  et  en  cas  ;  il  est 
toujours  précédé  de  l'article.  Tous  les  substantifs  sont  masculins, 
excepté  les  noms  de  femmes  et  de  femelles. 

Les  adjectifs  sont  simples  ou  dérivés. 

Les  adjectifs  dérivés  sont  les  qualificatifs;  ils  sont  invariables. 
Leurs  degrés  sindiiiuent  au  moyen  de  ai  ^plus,  ia  =  moins,  et 
de  a  ai  =  le  plus,  a  ia=  le  moins  •  ;  o  =  très. 

Les  adjectifs  simples  sont  les  adjectifs-pronoms;  ils  varient  en 
genre  et  en  nombre,  comme  les  articles  (en  remplaçant  a  i)ar  e 
au  féminin,  et  en  prenant  s  au  i)luriel).  Ils  sont  de  la  forme  vc. 
Exemples  :  a.c  =  le  même;  ag  =  ce,  celte;  aj  ^  ceci,  cela;  am  = 
celui  ci,  celui-là;  an  =  tel;  ap  =  quel;  ar  =  aucun;  av  =  tout;  az  = 
chaque;  iv  =  qui;  iz  =^  que,  quoi  ^. 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  :  u  =  zéro  ;  ô  =  1  ;  ob  =  2 
oc  =  ;î  ;  od  =  4  ;  of  =  5  ;  og  =  6  ;  oj  =  7  ;  ok  —  8  ;  ol  =  9  ;  oa  =  10 
oao  =  M;  oab  =  12:  oag  =  13;...  obarr:20;  oga  =  30,...  oe  =100 
obe  =  200;  oge  =  300;...  oi  =  1.000;  obi  =  2.000;...  oai  =  10.000 
obai  =  20.000;...  oei  =  100.000;  obei=  200  000;...  ou  =  1  million 
oau  =  10  millions;  oeu  =  100  millions;  oub  =  1  billion,  etc. 

Pour  montrer  la  concision  de  ce  système  de  numération,  l'au- 

\.  Encore  un  gallicisme  illogique. 

2.  Le  nu'^me  mot  iz  est  employé  pour  Uaduiro  la  conjonclion  que  et  le  ç«e 
(Hii  suit  un  comparatif.  C'est  le  comble  du  gallicisme! 


84  SECTION   I,    CHAPITRE   XIV 

teur  donne  l'exemple  suivant  :  469  882  544  =  odegalukekabefedad. 
Les  pronoms  personnels  sont  : 

Masculin  Féminin 

■      Sing.  Plur.  Sing.  Plur. 

1«  pers.  ab    abs  eb    ebs 

2«  pers.  ak    aks  ek    eks 

3«  pers.  al     als  el     els 

Le  seul  verbe  conjugué  est  le  verbe  être,  qui  sert  à  conjuguer 
tous  les  autres  verbes  en  se  joignant  à  leurs  participes  présents 
et  passés,  actifs  et  passifs  '.  Il  est  invariable  en  nombre  et  en 
personne.  Voici  ses  différents  temps  et  modes  : 

Indicatif  présent  :  ib 

—  imparfait  :  ic 

—  passé  :  id 

—  plus-que-parfait  :  if 

—  futur  :  ig 

—  futur  antérieur  :  ij 
Impératif  :  ik 
Conditionnel  présent  :  il 

—  passé  :  im 

Infinitif  présent  :  i 

—  passé  :  in 

—  futur  :  ip 

—  futur  passé  :  ir 
Participe  présent  :  is 

—        passé  :  it. 

Il  n'y  a  pas  de  subjonctif. 

Les  adverbes  simples  ont  la  forme  w  :  aa  =  aujourd'hui  ;  ee  = 
maintenant;  ii  =  lot;  uu  =  lard;  ae  =  hier;  ea  ^=  demain;  ao  = 
beaucoup;  oa  ^  peu. 

Les  prépositions  ont  la  forme  v  ou  w  (voyelles  accentuées)  : 
â  =  à;ê=:de;i=  par,  etc. 

Les  conjonctions  ont  la  forme  vc  :  om  =  et;  on  =  ou;  op  =  oui; 
or  =  non  ;  ot  =  car  ;  oz  =  mais  ;  ub  =  donc,  etc. 

Môme  les  interjections  sont  fixées  a  priori  :  a  !  signifie  la  joie,  e  ! 

1.  Sic.  Mais  en  fait,  l'auteur  n'admet  que  deux  participes  :  lepi'ésent  actif 
et  le  passé  passif  (comme  en  français).  11  dit  textuellement  :  «  Les  participes 
sont  actifs  ou  passifs;  mais  ils  sont  en  môme  temps  (?)  prescrits  ou  past'és.  » 


MALDANT  :  LA  LANGUE  NATURELLE  8b 

la  douleur;  i!  la  colère  ou  le  mépris;  o!  l'admiration;  u!  le  désir 
ou  la  crainte. 

Syntaxe.  Le  substantif  est  précédé  de  l'article  et  des- adjectifs 
déterminatifs,  et  suivi  des  adjectifs  (|ualificatifs. 

Le  sujet  précède  le  verbe,  excepté  dans  le  cas  de  l'interroga- 
lioii,  où  il  le  suit. 

Voici  quelques  exemples  de  construction  :  Je  ne  crois  pas  qu'il 
vienne  =^je  ne  suis  pas  croyant  qu'il  sera  venant.  Celui  qui  dirige  l'État 
doit  savoir  se  diriger  soi-même  =  celui  qui  est  dirigeant  VÉtat  est 
devant  sachant  dirigeant  lui-même  K 

Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  delà  Langue  naturelle  est  constitué  par  Tensemble 
des  combinaisons  prononçables  de  2,  3,  4  et  5  lettres  (au  nombre 
de  plus  de  200  000).  Tous  les  substantifs  commencent  par  une 
consonne,  tous  les  autres  mots  par  une  voyelle.  Au  reste,  voici 
la  règle  générale  de  la  formation  des  mots  :  étant  donné  un 
radical  substantif, 

le  préfixe  a-  forme  l'adjectif  qualificatif; 

—  e-      —      le  participe  présent; 

—  i-       —      le  participe  passé; 

—  0-      —      l'adverbe  (dérivé  de  l'adjectif); 

—  u-      —      l'adjectif  négatif. 

Exemj)le  :  di  =  intelligence  ;  adi  =  intelligent  ;  edi  :=  comprenant  ;  idi 
=^  compris  ;  odi  =  intelligemment  ;  udi  =  inintelligent. 

Les  80  radicaux  de  2  lettres  (forme  cv)  de  ba  à  zu,  servent, 
selon  l'auteur,  de  racines;  cbacun  engendre  (par  l'adjonction 
dune  des  consonnes)  16  radicaux  dérivés  de  3  lettres  (forme  cve) 
et  peut  engendrer  80  radicaux  (substantifs)  de  4  lettres  (forme 
cvcv). 

L'auteur  forme  ainsi  un  lexique  de  3700  substantifs,  dont 
chacun  peut  engendrer,  comme  on  l'a  vu,  '6  dérivés. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  de  la  classification  de  ces 
mots,  qui  est  purement  empirique  :  ba=  dieu,  be  =  religion,  bi  = 
temps,  bo  =  homme,  bu  ^famille,  etc.,  jusqu'à  :  za  =  arbres,  ze  = 
fleurs,  zi  =^  fruits,  zo  =  légumes,  zu  =  plantes  diverses. 

1.  L'auteur  parait  ne  pas  distinguer  le  participe  actif  du  participe  passif, 
ni  l'auxiliaire  aooir  de  rau.\iliaire  élre  :  ainsi  il  traduit  littéralement  :  Je 
serais  venu  (au  lieu  do  :  J'aurais  été  venant). 


86  SECTION   I,    CHAPITRE   XIV 


Critique. 


Il  est  à  peine  utile  de  critiquer  ce  projet  :  il  suffit  d'en 
exposer  les  principes  pour  mettre  en  évidence  le  vice  fonda- 
mental dun  tel  système.  Nous  avons  relevé  en  passant  quelques 
idiotismes  qui  prouvent  chez  fauteur  une  méconnaissance  com- 
plète de  la  logique  et  de  la  grammaire.  Le  manque  de  logiipie 
se  trahit  à  chaque  pas  dans  le  vocabulaire  :  daboi'd  dans 
la  classification  des  idées,  ensuite  dans  ce  fait  que  le  sens  des 
prétendues  racines  ne  se  retrouve  nullement  dans  les  radicaux 
qui  en  dérivent  par  l'adjonction  dune  ou  deux  lettres  '.  Celte 
classification  n'a  guère  plus  de  valeur  qu'un  numérotage  arbi- 
traire des  mots  du  dictionnaire.  Nous  n'avons  cité  ce  système 
que  pour  montrer  où  peut  aboutir,  sous  prétexte  de  logique  et 
de  neutralité,  la  prétention  de  construire  une  langue  entière- 
ment a  priori  sur  des  combinaisons  matiiématiques  soi-disaid 
régulières  et  simples  ^. 

1.  La  preuve  en  est  fournie  par  le  nom  mémo  de  la  langue  :  cabe  aban 
=  langue  nattirelle,  car  cabe  =  Inngnf/e,  ot  ban  =  nature.  Or  on  Pécrit 
partout  :  Chabé abané,  ce  qui  n'a  pas  de  sens,  car  bane  =  exaucementl 

2.  Depuis  la  mort  de  l'auteur,  M.  Bourgoint-Lagninge  s'est  occupé  de  la 
propagation  et  du  perfectionnement  de  cette  langue;  il  s'est  notamment 
efforcé  d'en  bannir  les  voyelles  accentuées.  On  relève  dans  sa  brochure  de 
propagande  Le  C/jaie'(  1894)  deux  assertions  inconciliables  :  après  avoir  dit 
que  la  L.  I.  ■<  ne  doit  emprunter  ni  ses  règles,  ni  ses  mois,  ni  ses  lettres 
à  aucune  langue,  morte  ou  vivante  »,  il  affirme  (|ue  «  quelques  heures 
d'étude,  à  peine,  suffisent  pour  apprendre  a  rédiger  dans  cette  langue  », 
alors  qu'elles  ne  suffiraient  même  pas  à  en  apprendre  l'alphabet!  Notons, 
à  titre  de  curiosité,  que  le  Petit  Journal  du  22  sept.  188.")  consacrait  (sous  la 
signature  Th.  Grimm)  un  article  très  élogieux  à  la  Langue  naturelle,  en 
invitant  ses  lecteurs  <>  à  y  réclamer  une  participaticm  patriotique  »  (!  ?).  Mal- 
dant  a  eu  pour  collaborateur,  dans  la  confection  du  dictionnaire,  M.  Chan- 
CEREL,  qui  a  lui-même  élaboré  un  projet  de  L.  I.  nommé  VOïdapa  (1889). 
Nous  ne  connaissons  pas  celui-ci,  mais,  d'après  l'analyse  qu'en  donne 
M.  DoRMOv  {Le  lialla),  il  paraît  tout  à  fait  analogue  au  Chabé. 


CHAPITRE   XV 

D'  NICOLAS    :    SPOKIL  ' 

Lo  D'"  Nicolas  a  commencé  par  tMre  un  atlopfo  et  mémo  un 
dignitaire  du  Volapûk  :  il  était  vice-président  du  Comité  central 
de  V Association  française  pour  la  propagation  du  ]olapûk.  Mais 
dès  i889  il  avait  conçu  lui  projet  indépendant  ^,  que  depuis  lors 
t  il  a  remanié  de  fond  en  comble,  jusqu'à  34  fois  »,  tout  en  res- 
tant fidèle  à  son  principe,  qu'il  formule  lui-même  comme  suit  : 

«  Combiner  l'euphonie,  la  mnémotechnie,  l'analogie,  l'étymo- 
logie,  l'idéographie,  sur  le  principe  de  V invariabilité  du  mot,  au 
moyen  d'expressions  synthétiques,  plutôt  simplement  catégori- 
sées qu'explicitement  significatives,  susceptibles  (.Vévolution  et 
indéfiniment  perfectibles  sans  que  la  clarté  du  langage  en  soit 
compromise.  » 

Il  reconnaît  l'impossibilité  de  construire  une  langue  philoso- 
phique fondée  sur  une  classification  logique  des  idées;  mais  il 
croit  pouvoir  créer  des  vocables  en  combinant  des  éléments 
(voyelles  et  consonnes)  qui  ont  chacun  un  sens  symbolique,  et 
qui  déterminent  le  sens  du  mot  composé  moins  par  une  défini- 
tion formelle  que  par  des  associations  d'idées.  La  grammaire 
repose  sur  le  même  système  que  le  lexique,  c'est-à-dire  sur  l'ag- 
glutination d'éléments  invariables. 

i.  Spokil,  langue  systématique  pour  les  usaf/es  inlernalionaux,  par  le 
D'  Ad.  Nicolas,  médecin  do  1'"  classe  de  la  marine,  en  retraite,  lauréat  de 
rinstitiit,  etc.  Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  nationale  d'Agriculturp, 
Sciences  et  Arts  d'Angers,  janv.  11)00,  48  p.  in-8"  (Angers,  Laclièse,  1900). 
Nous  ajoutons  à  cet  opuscule  quelques  circulaires  envoyées  par  l'auteur. 

2.  Rapport  sur  un  projet  de  langue  scientifique  interna lionale,  ap.  Bul- 
letin de  la  Société  de  Médecine  pratique  de  Paris  (février  1889). 


SECTION    I,    CHAPITRE    XV 


Grammaire. 


L'alphabel  comprend  21  lettres  :  5  voyelles  :  a.  e.  i.  o,  u  (ou);  et 
16  consonnes,  douces  :  b.  d.  g  (dur),  v.  z,  r,  m,  j  ;  fortes  :  p,  t,  k, 
f,  s  (dur),  1,  n,  h  (c/i).  Leur  prononciation  est  invariable. 

Vaccent  tonique  est  facultatif;  mais  on  conseille  de  le  placer  sur 
la  dernière  syllabe  des  mots  terminés  en  1  et  sur  l'avant-dernière 
des  autres  mots. 

Les  principales  parties  du  discours  sont  distinguées  par  des 
voyelles  suffixes,  qui  sont  :  a  pour  les  substantifs:  e  poui-  les 
verbes  (à  l'infinitif);!  pour  les  prépositions  et  conjonctions  déri- 
vées; 0  pour  les  adjectifs;  u  pour  les  adverbes  K 

Il  y  a  trois  articles  :  défini  :  le;  indéfini  :  ne  ;  partitif  :  me. 
Les  substantifs  ne  se  déclinent  pas  :  le  génitif  et  le  datif  sont 
remplacés  par  les  prépositions  di  (de)  et  da  (à). 

La  marque  du  pluriel  est  un  s  final  qu'on  peut  appliffuer,  soit 
au  substantif,  soit  (de  préférence)  à  l'article  ou  à  ladjoctif  pos- 
sessif ou  démonstratif  qui  le  précède.  Ex.  :  di  les  moda  =  des 
maisons;  da  les  grula  =  aux  livres. 
Les  adjectifs  qualificatifs  sont  invariables. 
Les  noms  de  nombre  sont  formés  systématiquement  :  ba,  1  :  ge,  2; 
di,  3;  vo,  4;  mu,  ">:  fa,  6;  te,  7;  kl,  8:  po,  9:  nu,  0. 

Pour  énoncer  un  nombre  de  plusieurs  chilîres,  on  énonce  suc- 
cessivement tous  ses  chiffres,  de  gauche  à  droite,  en  intercalant 
un  1  euphonique  à  la  place  du  point  ou  de  la  virgule  qui  sépare 
les  tranches  de  trois  chiffres.  Ex.  :  1.345.796  =  bal  divomul  tepofal. 
Les  unités  décimales  successives  s'appellent  :  ha,  10;  he,  100; 
hi.  1.000;  ho,  10.000;  hu,  100.000.  Puis  viennent  baal  =  million; 
geai  =  billion;  dial  =  trillion,  etc. 

L'auteur  indique  certaines  variantes  destinées  à  éviter  la  répé- 
tition monotone  d'une  même  syllabe. 

Pour  former  les  nombres  multiplicatifs,  fractionnaires,  etc.,  l'au- 
teur incorpore  simplement  les  racines  qui  traduisent  les  signes 
d'opérations  :  im  =  plus,  in  =  moins,  irm  =  multiplié  par,  iks  = 
divisé  par.  Ex.  :  gilirmo  =  double;  diliksa  =  le  tiers. 

Les  pronoms  personnels  sont  :  mi  =  je;  ti  =  tu;  el  =  il;  ella  =^ 
elle;  ni  =  nous;  vi  —  vous;  li  =  ils;  ellas  =  elles. 

1.  Cf.  VEsperanlo. 


D"    NICOLAS    :    SPOKIL  89 

Le  pronom  réfléchi  est  si  =  soi. 

Les  adjectifs  possessifs  dérivent  des  pronoms  personnels  :  mio, 
tio.  sio:  nio,  vio,  lio. 

Lof^  pronoms  possessifs  sont  :  le  mio,  le  tio,  etc. 

Le  pronom  relatif  est  :  koe. 

Vacljectif  démonstratif  est  :  lu  (3  genres). 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  el  on  lo  =  celui,  ella  on  la 
=  celle,  los  ou  ellos  =  ceux,  las  ou  ellas  =  celles;  lo  do  =  celui-ci, 
lo  fo  =  celui-là,  etc. 

Le  verbe  est  invariable  en  personne  et  en  nombre;  il  varie 
suivant  le  temps,  le  mode  et  la  voix. 

Les  temps  principaux  se  distinguent  par  les  suffixes  -ai  (présent), 
-ei  (passé),  -oi  (futur)  et  -ui  (conditionnel)  soit  ajoutés  au  radical 
verbal,  soit  mis  à  la  suite  de  Tinfinitif  et  précédés  de  1-;  dans  ce 
dernier  cas,  ils  forment  une  sorte  de  verbe  auxiliaire.  Exemple  : 
arbe  ^=  travailler. 

Indicatif  présent  :  mi  àrbai  ou  arbe  lai. 

—  passé  :  mi  arbei   ou  arbe  lei. 

—  futur  :  mi  arboi   ou  arbe  loi. 
Conditionnel  présent  :  mi  arbui   ou  arbe  lui. 

Les  temps  secondaires  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -iz  (du 
l)articipe  passé  actif)  précédant  le  suffixe  temporel  : 

Imparfait  :  mi  arbizai  ou  arbe  lizai. 

Plus-que-parfait  :  mi  arbizei  ou  arbe  lizei. 
Futur  antérieur:  mi  arbizoi  ou  arbe  lizoi. 
Conditionnel  passé:  mi  arbizui  ou  arbe  lizui. 

On  peut  aussi  les  former  au  moyen  de  l'auxiliaire  de  (avoir) 
aux  temps  principaux,  suivi  du  participe  passé  (arbiz). 

L'impératif  ne  ûii'îî^ve  de  l'indicatif  qu'en  ce  que  le  pronom  se 
place  après  le  verbe,  excepté  à  la  2''  personne  sing.  où  on  le 
supprime  :  arbai  =  travaille:  arbai  vi  =  travaille:. 

Le  subjonctif  ne  difière  de  l'indicatif  que  par  la  conjonction  ko 
(que)  qui  le  précède. 

Le  participe  présent  se  forme  au  moyen  du  suHixe  -az  :  arbaz  = 
travaillant:  il  devient  adjectif  quand  on  y  ajoute  un  -o:  adverbe 
quand  on  ajoute  un  -u  :  arbazu  :=  en  travaillant. 

La  voix  passive  diffère  de  l'active  par  le  suffixe  -en  intercalé 
entre  le  radical  verbal  et  les  suffi.xes  tem})orels.  Ex.  :  move 
=  aimer,  movene  ^  être  aimé;  mi  movenai  =  je  suis  aimé;  mi 
movenizoi  =  j'aurai  été  aimé.  Le  participe  passif  qs[  moveno  =  aimé. 


90  SECTION    I,    CHAPITRE   XV 

On  peut  aussi  former  le  passif  en  suhslitnant  ce  participe 
passif  à  rinfinitif  de  l'actif  :  mi  moveno  lai,  mi  moveno  lizoi. 

On  peut  enfin  former  le  passif  au  moyen  du  verbe  auxiliaire 
ve  (être)  suivi  du  participe  passif  :  mi  vai  moveno.  mi  vizoi  moveno. 

V interrogation  se  marque  en  plaç:anl  le  pionom  npirs  le  verJje, 
et  surtout  par  le  ton. 

Pour  la  syntaxe,  il  n'y  a  pas  de. règle  absolue  :  l'adjectif  peut 
se  placer  avant  ou  après  le  substantif,  ladverbe  avant  ou  après 
le  verbe.  Il  y  a  seulement  un  ordre  normal  recommandable  : 
sujet,  verbe,  régime  direct,  régimes  indirects. 


V0C.\DUL.V1RE. 

Le  vocabulaire  est  construit  presque  entièrement  a  priori. 
«  Les  mots  du  Spokil  ne  sont  pas  formés  en  vue  de  synthétiser 
une  définition  de  l'objet...,  mais  simplement...  d'en  rappeler  la 
nature,  en  en  faisant  ressortir  telle  ou  telle  propriété  saillante, 
et  en  choisissant  des  traductions  qui.  autant  que  possible,  ne 
conviennent  qu'à  Vobjet...  que  rappelle  le  mot  »  (p.  11). 

Tout  le  vocabulaire  est  fondé  sur  la  «  valeur  conventionnelle 
attribuée  aux  consonnes  ou  doubles  consonnes,  et  précisée  par 
la  voyelle  ou  double  voyelle  ». 

Si  l'on  met  à  part  la  consonne  1  et  la  voyelle  i  qui  ont  surtout 
un  rôle  euphonique,  et  les  consonnes  m  et  n,  qui  désignent  les 
contraires  (le  positif  et  le  négatif],  toutes  les  autres  voyelles  et 
consonnes  ont  un  sens  symbolique  plus  ou  moins  vague,  con- 
signé dans  deux  tableaux.  Citons-en  seulement  quelques-unes, 
comme  exemples. 

La  lettre  r,  seule,  correspond  aux  idées  suivantes  :  occlusion, 
cacher,  retendent,  peau,  couverture,  autour;  la  lettre  s,  aux  idées 
suivantes  :  notion,  science,  encéphale,  raison,  pensée,  donc;  la  lettre  k, 
aux  idées  suivantes  :  division,  outil,  main,  pouvoir,  mécanique,  avant. 

Parmi  les  consonnes  doubles  ou  triples,  on  remarque  rb,  qui 
correspond  à  l'idée  de  travail;  rg,  à  l'idée  d'énergie;  rk,  à  l'idée 
de  cercle;  gn,  à  l'idée  de  feu;  dr,  à  l'idée  d'eau;  br,  à  l'idée  d'ali- 
ment; gr,  aux  idées  de  gravure  et  d'imprimerie;  pn,  à  l'idée  d'air; 
kl,  à  l'idée  d'éclatement;  kr,  à  l'idée  de  guerre;  ktr,  à  l'idée  d'élec- 
tricité; tr,  à  l'idée  de  richesse;  fr,  à  l'idée  de  fruit;  sp,  à  l'idée 
de  parole;  skr,  à  l'idée  d'écriture;  str,  à  l'idée  de  voyage. 


D"»    NICOLAS    :    SPOKIL  91 

Les  voyelles,  soit  simples,  soit  associées  h  d'autres  voyelles  ou 
h  (les  consonnes,  expriment  ù  leur  tour  des  nuances  de  pensée 
très  générales. 

Cela  posé,  voici  comment  on  forme  les  mots.  Les  racines  s'ob- 
tiennent en  juxtaposant  une  voyelle  (simple  ou  double)  et  une 
consonne  (sim})le  ou  double).  Ex.  :  ikr  exprime  Tidée  d'arme 
parce  que  kr  =  guerre,  et  que  i  indique  le  moyen;  de  même  ikl 
signifie  explosif:  iktr,  aimant;  istr,  véhicule,  etc. 

Les  mots  primitifs  s'obtiennent  en  préposant  à  une  racine  une 
consonne  (simple  ou  double).  Ainsi  ov  signifiant  affection,  inclina- 
tion, mov  signifiera  Vamour,  et  nov  la  haine. 

Ces  mots  se  complètent  par  les  suffixes  grammaticaux  :  ikra  = 
arme;  ikro  =  armé:  mova  =  amour,  move  =:  aimer.  De  ab  =  fiant 
on  forme  :  aba  =  le  haut;  abe  =  hausser:  abi  =  en  haut;  abo  =  haut 
(adj.);  abu  =  hautement. 

Les  mots  dérivés  se  forment  à  l'aide  de  suffixes  lexicologiques, 
dont  les  principaux  sont  : 
-al,  qui  désigne  la  généralité  ou  collectivité: 
-el,  —        l'auteur  de  l'action  :  arhel  =^  travailleur: 

-il,  —        rinstrumentde l'action  :  kahe^ lever. kahil^^ levier; 

-pi,  —        la  condition  de  l'action,  les  corps  (en  chimie), 

les  arbres  ; 
-ul,  —        le  résultat  de  l'action,  les  pi-oduils,  les  fruits  : 

grul  =  livre. 
-ella  sert  à  former  les  féminins,  et  -inna  les  diminutifs  :  felisella  = 
chatte,  lupusinna  =  louveteau. 

Il  n'y  a  pas  de  différence  entre  les  mots  dérivés  et  les  mots 
composés,  puiscpie  chaque  élément  de  mot  a  sa  significalion 
propre  et  indépendante.  Par  exemple,  si  l'on  combine  str  (idée 
de  voyage)  avec  igd  (idée  d'enduit),  on  forme  le  mot  strigda  = 
nsplialte.  De  même,  en  combinant  ga  (sol)  avec  stab  {niveau  liant) 
on  obtient  galstaba  =  plateau  (avec  un  1  euphonique). 

Enfin  le  Spokil  s'incorpore  les  mois  étrangers,  quand  ils  sont 
internationaux,  ou  les  mots  latins  qui  appartiennent  à  la  nomen- 
clature scientifique  (comme  felis,  lupus).  Mais  pour  les  distin- 
guer des  mots  propres  au  Spokil,  on  leur  réserve  les  suffixes 
exotiques  :  is,  es,  os.  us,  ais,  eis.  Les  mots  ainsi  incorporés 
engendreront  régulièrement  leurs  dérivés.  Ainsi  de  l'ilalieny/au/o 
on  fait  le  mot  flautis  =^  fïùte,  d'où  flautise  =  jouer  de  la  Jhite; 
flautisel  =  fldliste. 


92  SECTION    I,    CHAPITRE    XV 

Pour  donner  une  idée  de  la  physionomie  du  Spokil,  il  suffit 
den  citer  une  phrase  :  Meona  val  le  tsael  di  le  veol  =  l'homme  est 
le  roi  de  la  nalure. 

Critique. 

Le  Spokil  est,  comme  on  le  voit,  une  langue  a  priori,  mais  non 
une  langue  philosophique.  C'est,  suivant  l'expression  même  de 
l'auteur,  «  une  langue  absolument  artificielle,  c'est-à-dire  qui, 
faisant  table  rase  de  tous  les  vocabulaires  actuels,  cn'^e  de  toutes 
pièces  ses  racines  et  ses  dérivés  ».  Il  a  par  suite  le  défaut  capital 
de  toutes  les  langues  a  priori,  qui  est,  dun  seul  mot,  Varbilraire. 
La  grammaire  est  arbitraire,  et  n'a  même  pas  le  bénéfice  de  la 
simplicité  et  de  la  régularité  absolues  :  témoin  la  place  faculta- 
tive de  la  marque  du  pluriel,  et  les  formes  doubles  ou  triples 
dans  la  conjugaison. 

Le  vocabulaire  aussi  est  arbitraire,  tant  dans  ses  éléments  que 
dans  sa  composition.  En  vain  alléguerait-on  que  les  sens  choisis 
pour  les  consonnes  sont  plus  ou  moins  suggérés  par  elles,  soit 
par  une  association  d'idées  naturelle*,  soit  par  l'évocation  de 
racines  naturelles  où  elles  figurent  (nous  avons  cité  précisément 
celles  de  ces  consonnes  pour  lesquelles  cette  suggestion  est  la 
plus  manifeste).  Dans  les  langues  aryennes,  tout  au  moins, 
jamais  une  idée  n'est  associée  à  une  consonne  ou  combinaison 
de  consonnes,  mais  toujours  à  une  syllabe  complète.  L'idée 
d'écrire  n'est  pas  attachée  à  la  combinaison  (imprononçable 
séparément)  skr,  mais  à  la  syllabe  skrib.  La  voyelle  a  beau 
changer  et  quelques-unes  des  consonnes  aussi,  la  syllabe 
demeure  l'élément  fixe  et  irréductible  du  mot.  11  en  est  de  même 
des  affîxes  de  dérivation  :  ce  ne  sont  jamais  de  simples  lettres 
(v^oyelles  ou  consonnes),  mais  des  syllabes;  l'instrument  pour 
écrire  ne  se  dira  pas  iskr,  mais  écritoire  ou  Schreibzeug  (D.). 

Ainsi  le  Spokil  a  le  même  vice  rédhibitoire  que  les  langues 
philosophiques  :  ses  racines  sont  composées  de  lettres  dont 
chacune  a  un  sens  propre;  m^is  pratiquement,  elles  se  présentent 

1.  Dans  la  recherche  de  ces  significations,  l'auteur  ne  craint  pas  de  faire 
appel  à  des  considérations  de  symbolisme  ou  d'occultisme  fort  peu  scienti- 
fiques, comme  pour  z,  qui  évoque  par  sa  forme  l'idée  de  sinuosité,  de  zigzag. 
On  remarquera  qu'il  est  fâcheux  de  choisir  deux  lettres  aussi  aisées  à  con- 
fondre que  m  et  n  pour  désigner  et  distinguer  les  contraires. 


D"    NICOLAS    :    SPOKIL  93 

comme  des  combinaisons  arbitraires  dont  le  sens  purement 
convenlionnel  est  imposé  i>  la  mémoire.  En  veut-on  un  exemple? 
Soit  le  mot  primitif  jeb  :  j  signilie  privation,  vide,  lacune,  absence, 
sans;  e  indique  le  sens  fondamental  du  symbole  suivant; 
b  exprime  les  idées  de  priorité,  volonté,  tête,  causalité,  en  haut, 
(Vabord.  Qu'on  essaie,  d'après  cela,  de  construire  le  sens  du  mot 
jeb...  11  signifie  hésiterl 

L'auteur  prétend  que  son  système  offre  des  ressources  mné- 
motechniques parti(udières  et  possède  une  grande  facilité  d'assi- 
milation. C'est  là  une  étrange  illusion,  que  nous  avons  déjà 
signalée  pour  les  langues  philosophiques.  Nous  allons  en  faire 
le  lecteur  juge  par  quelques  exemples.  Pne  =  respirer;  pna  = 
soupir;  pni  =  haleine;  pno  ==  souffle;  pnu  -=  branchie  (pourquoi  pas 
poumon"!).  Stre  ^=  parcourir;  stra  =  voie;  stri  =  charrette;  stro  = 
pavage;  stru  =  gare  (stra  signi(ie-t-il  donc  chemin  de  fert).  Eilj 
=  cube;  eimj  =  prisme,  einj  =  pyramide;  eilz  ^=  cercle,  eimz  = 
cylindre,  einz  =  cône;  eilp  =  carré.  Le  lecteur  est-il  bien  sûr  de 
ne  jamais  confondre  le  cylindre  avec  le  cône,  ou  le  cube  avec  le 
carré,  ou  même  de  ne  pas  confondre  ces  figures  géométriques 
avec  les  vers  (eilb),  les  pierres  brillantes  (eild),  les  arômes  (eilf)  ou 
le  sucre  (eilv)?  Nous  le  laissons  répondre  à  cette  question  de 
l'auteur  :  «  Ne  pensez-vous  pas  que  la  série  de  ces  mots  du 
Spoldl  s'assimilera  plus  facilement  et  se  fixera  mieux  dans  la 
mémoire...  que  les  mots  correspondants  de  n'importe  quel 
Sabir  '  ?  » 

Enfin  l'auteur  revendique  pour  son  système  le  privilège  de 
donner  à  tous  les  éléments  du  mot  un  sens  propre  et  indépen- 
dant :  son  principal  avantage,  dit-il,  est  que  toutes  ses  racines 
peuvent  servir  d'afflxcs.  Nous  croyons  pouvoir  affirmer  qu'il  se 
trompe  sur  cette  question  de  l'ait.  Nous  n'avons  pas  à  discuter 
ici  les  critiques  qu'il  adresse  aux  langues  a  posteriori,  qualifiées 
dédaigneusement  de  Sabirs;  mais  il  les  méconnaît,  quand  il 
avance  que  les  «  Sabirs  n'ont  pas  de  racines  et  n'incorporent 
que  des  mots  »-.  Il  oublie  que  VEsperanto  (qu'il  parait  viser  par- 
ticulièrement) emploie  précisément  comme  affixes  des  racines 
<pii  possèdent  un  sens  individuel  et  qui  peuvent  devenir  des  mots. 
Oue  si  l'auteur  veut  dire  que  dans  les  mots  de  sa  langue  chaque 


1.  Circulaire  intiUiK'O  :  Sabir  or  nol  sihir  (1901). 

2.  Circulaire  de  novembre  1901  {Le  mot  et  la  chose). 


94  SECTION   I,    CHAPITRE   XV 

lettre  a  un  sens,  c'est  là   un  caractère   commun   à   toutes   les 
langues   philosophiques  (voir   notamment  Letellier    et    Sotos 

OCH.VNDOj. 

Nous  ne  nions  pas  l'ingéniosité  de  ce  système,  ni  la  science  do 
son  auteur  :  ses  théories  sur  le  sens  naturel  primitif  des  lettres, 
sur  la  correspondance  symbolique  des  mots  et  des  idées  sont 
séduisantes  et  curieuses;  elles  rappellent  certaines  spéculations 
de  Platon  et  de  Leibniz;  elles  peuvent  être  intéressantes  pour  la 
philosophie  du  langage,  pour  son  histoire  ou  plutôt  sa  paléon- 
tologie; mais  elles  ne  peuvent  servir  de  base  à  une  langue  inter- 
nationale pratique. 


CHAPITRE   XVI 

HILBE    :    ZAHLENSPRACHE^ 

Le  projet  de  M.  Hilbe  est  (loul)le.  Il  comprend,  d'abord,  une 
langue  a  priori  l'ondée  sur  une  traduction  des  concepts  en 
nombres;  ensuite,  une  langue  a  posteriori,  succédané  provisoire 
et  transitoire  de  l'autre.  Ces  deux  langues  auraient  la  même 
grammaire,  et  ne  différeraient  que  par  le  vocabulaire. 

L'idée  directrice  de  làuteur  a  été  de  fonder  la  langue  univer- 
selle sur  une  base  scientifique  inébranlable.  Or,  dans  tout  le 
domaine  des  sciences,  «  nous  ne  trouvons  rien  qui  reste  éternel- 
lemenl  invariable,  en  dehors  du  nombre  ».  Pour  construire  une 
langue  universelle  définitive  et  immuable,  il  faut  donc  lui  donner 
pour  base  le  système  des  nombres. 


I 

La  première  idée  de  l'auteur  était  de  former,  par  la  combi- 
naison systématique  des  voyelles  et  des  consonnes,  des  noms  ûo 
nombre  internationaux,  comme  le  sont  déjà  les  nombres  écrits 
en  cliitTres.  Les  10  chiffres  sont  traduits  par  des  voyelles  : 
012345678  9 

èaeiouàôô  à 

Prononcez  :     aï    a    é    i    6    ou    è    eu    o  bref  aom 
Ces  voyelles  représenteront  le  chiffre  des  unités. 

1.  Die  Zahlensprache.  Neue  Weltsprache  aitf  Griind  des  Zahlens'jstems, 
mil  einem  unabhûmjiqen  Worlschatze  von  Millionen  unverdnderlicher 
th'undwôrfer,  |)ar  Ferdinand  Hilbe.  32  p.  in-8"  (Fcidkirih,  1901).  Voici  la  tra 
duction  du  tilro:  Summerlingve,  nnuidlinçive  neod  sull  base  enummersisteme 
lioll  v'irôrike  tindepandrintpd  laverem-lu  fundamùnlvurben  linvariabled 
multe  mHlidne.  L'auteur  est  •<  Kaiscrlicher  kônigliclier  Kanilei-Direktor  ». 


96  *    SECTION   I,    CHAPITRE    XVI 

Le  chiffre  des  dizaines  sera  représenté  par  une  des  consonnes  : 
10     20     30    40     50     60     70     80     90 
bd       fgkmnpv 

Ainsi  l'on  dira  :  10,  bè;  11,  ba;  12,  be;  13,  bi; 20,  de;  21,  da; 

....  30,  fè;  ...  40,  gè;  90,  vè;  ...  99,  va. 

Les  centaines  seront  représentées  par  les  syllabes  : 
100     200     300     400     oOO     600     700     800     900 
la      le        li      lo       lu       là      lô      lô       là 

de  sorte  qu'on  dira  :  101,  laa;  102,  lae;  110,  labè;  999, 

làvà. 

Le  chiffre  des  mille  sera  représenté  par  les  syllabes  : 
sa,  se,  si,  so,  su,  sa,  sa,  sô,  sa. 

Par  exemi)le  :  sala  =  1.100;  salabè  =  1.110;  saline  =  1.372; 
salôno  =  1.874. 

Les  nombres  de  mille  se  représenteront  comme  les  nomlircs 
d'unités,  en  y  ajoutant  la  lettre  s.  Ainsi  :  bès  =  10.000;  das  = 
21.000;  fes  =  32.000;  las  =:  100.000;  laas  =  101.000;  laasa  =: 
101.001;  lakusdi  =  lao.023;  lapislage  =  183.142.  De  môme  : 
les  =:  200.000;  lis  =  300.000;  los  =400.000,  etc.,  jusqu'à  :  làvàs 
làvà  =  999.999. 

Après  cela,  rar  =  1  million;  rear  =  2  millions;  riar  ^  3  mil- 
lions, etc.  A  partir  de  10  millions,  les  nombres  de  millions 
s'expriment  comme  les  nombres  d'unités,  en  y  ajoutant  -rar  : 
laspirare  =  100.083.000.002. 

rer  =  1  billion  '.  On  compte  les  billions  comme  les  millions, 
de  1  à  999.909. 

rir  :=  1  trillion  ou  le  cube  d'un  million  (l.OOO.OOO^j  ;  et  ainsi  de 
suite  :  le  nombre  encadré  entre  les  deux  r  désigne  \a  puissance  du 
million.  On  va  ainsi  jusqu'à  la  millionième  puissance  du  million, 
qu'on  désigne  par  qar.  Ce  nombre  serait  représenté  par  1  suivi 
de  6  millions  de  zéros;  c'est-à-dire  qu'une  personne  qui  écrirait 
un  chiffre  à  la  seconde  sans  s'arrêter  mettrait  107  jours  à  écrire 
ce  nombre  dans  le  système  décimal. 

L'auteur  invente  un  nom,  xar,  pour  la  qar'"'-« puissance  de  qar; 
un  autre  pour  la  xar'""^  puissance  de  xar,  et  ainsi  de  suite.  Cette 
nomenclalurc  des  nombres  est  pratiquement  illimitée. 

Cette  nomenclature  fournit  en  même  temps  un  répertoire  indé- 


1.  C'est-à-dire,  comme  l'entendent  (fort  logiquement  d'ailleurs)  les  Alle- 
mands :  1  million  de  millions,  ou  1.000.000  2. 


HILBE    :    ZAHLENSPRACHE  97 

fini  de  vocables.  Au  lieu  de  traduire  les  concepts  par  des  «  mots 
sans  contenu  »  comme  les  langues  naturelles,  voici  comment  la 
langue  des  nombres  les  traduira  :  on  fera  correspondre  par  exemple 
les  oO  premiers  nombres  aux  idées  fondamentales  ou  catégories 
(Urbegriffe).  Ceux  de  51  à  100  correspondront  aux  mêmes  idées 
(dans  le  même  ordre)  ;  ils  sont  réservés  pour  combler  les  lacunes 
de  la  première  nomenclature.  Pour  les  autres  concepts,  on  déter- 
minera leur  degré  d'affinité  (Verwandtschaftsgrad)  par  rapport  à 
rune  des  catégories.  On  rangera  ceux  qui  dépendent  d'une  même 
catégorie  en  série  linéaire,  suivant  leur  degré  d'affinité,  et  on 
les  numérotera.  Soit  U  le  numéro  de  la  catégorie,  g  le  numéro 
du  concept  (mesurant  son  degré  d'affinité  avec  la  catégorie); 
son  expression  numérique  sera  déterminée  par  la  formule  : 

U  +  101  g 

et  du  même  coup  sera  trouvée  son  expression  verbale,  grâce  à 

la  traduction  des  nombres  en  mots.  Soit,  par  exemple,  un  concept 

qui  ait  le  degré  d'afAïiité  13  avec  la  catégorie  47  (gô),  son  nom 

sera  : 

47  +  15  X  101  =  1562  =  salume. 

Grâce  à  cette  formule,  deux  concepts  différents  ne  peuvent  pas 
avoir  le  même  nombre,  parce  que  U  est  toujours  inférieur  à  101. 
Et  réciproquement,  un  nom,  c'est-à-dire  un  nombre  donné,  ne 
peut  appartenir  qu'à  une  seule  catégorie,  par  rapport  à  laquelle 
il  représente  un  degré  d'affinité  déterminé. 

On  obtiendrait  ainsi  le  répertoire  des  radicaux,  dont  la  valeur 
numérique  serait  toujours  inférieure  à  qar.  Pour  former  les 
mots  dérivés,  on  aurait  besoin  d'une  centaine  d'affixes  de  3 
lettres,  quon  clioisirait  parmi  les  noms  de  nombres  supérieurs 
à  qar.  Bien  entendu,  dans  le  choix  de  toutes  ces  racines,  tant 
principales  qu'accessoires,  on  ne  tiendrait  aucun  compte  des 
sens  qu'elles  peuvent  avoir  dans  telle  langue  naturelle.  La  langue 
des  nombres  peut  et  doit  être  bien  plus  parfaite  que  les  langues 
naturelles,  et  son  vocalnilaire  sera  construit  entièrement  a  priori. 

Pour  l'instituer,  l'auteur  appelle  de  ses  vœux  une  «  commis- 
sion internationale  >  de  savants  compétents  de  toutes  les  spé- 
cialités, qui  auraient  :  l»»  à  dresser  la  liste  des  50  ou  100  catégo- 
ries; 2°  à  déterminer  le  degré  d'affinité  de  tous  les  concepts  par 
rapport  à  leurs  catégories  respectives;  3°  à  choisir  et  à  définir 
une  centaine  d'affixes. 

CouTURAT  et  Leau.  —   Langue  univ.  < 


98  SECTION   I,    CHAPITRE   XVI 

Pour  apprendre  la  langue  des  nombres,  il  suffirait  do  connaître 
ces  trois  séries  de  données,  ....  et  de  savoir  additionner  et  mul- 
tiplier les  nombres.  Un  dictionnaire  serait  inutile  à  qui  possé- 
derait la  science  du  calcul  linguistiqite  (die  sprachlicho  Rechnimgs- 
wissenschaft),  qui  s'enseignerait  dans  les  écoles  comme  aujour- 
d'hui la  grammaire. 

II 

En  attendant  que  cette  science  soit  constituée,  l'auteur  pro- 
pose une  langue  a  posteriori  dont  voici  les  principes.  Dans  le 
vocabulaire  immense  formé  par  tous  les  noms  de  nombre 
(jusqu'à  qar)  on  choisira  les  radicaux  qui  rossemblont  à  dos 
mots  des  langues  naturelles,  ot  ou  leur  attribuera  le  sens  qu'ils 
ont  déjà  dans  ces  langues.  On  adoptera  :  1°  les  radicaux  inter- 
nationaux (communs  à  toutes  les  langues  européennes);  2°  les 
radicaux  communs  à  2  ou  3  langues  européennes;  3°  les  radicaux 
latins;  4°  les  radicaux  qui  rappellent  des  mots  romans  ou  ger- 
maniques, do  préférence  les  plus  courts  et  les  i)his  harmonieux. 
Ce  choix  naura  naturellement  aucun  égard  à  la  valeur  numé-- 
rique  des  radicaux.  Seulement,  tous  ces  radicaux  seront  soumis 
à  certaines  conditions  de  forme,  parce  que  tout  mot  doit  corres- 
pondre à  un  nombre  entier.  Par  suite,  tous  les  radicaux  (substantifs) 
commenceront  par  une  consonne  '  ;  aucun  no  sera  terminé  par 
une  consonne  des  dizaines  (b  — v)  et  aux  autres  on  ajoutera  un  e, 
de  manière  que  tous  les  radicaux  finissent  par  une  voyelle.  On 
emploiera  les  voyelles  comme  préfixes  et  les  consonnes  comme 
suffixes  grammaticaux;  en  sorte  que  tout  mot  qui  commence  par 
une  voyelle  ou  finit  par  une  consonne  est  un  mot  modifié. 

Valphabet  comprend  les  10  voyelles  que  nous  connaissons,  et 
22  consonnes,  qui  sont  :  b,  d,  f,  g  (dur),  k,  m,  n.  p,  v;  1,  y  (j  alle- 
mand), s  (2),  ss,  sz,  szs2.  j  (français),  c  (dj)  ^.  t  ;  r,  q  (kv),  h  (ch  alle- 
mand), x;  plus  deux  lettres,  u  et  z  (ts),  qui  n'entrent  pas  dans  les 
radicaux  et  ne  servent  qu'à  la  grammaire. 

1.  Aux  radicaux  naturels  qui  commencent  par  une  voyelle,  on  ajoute  un 
I  initial.  Ex.  :  linvàntoro,  lindepândànted. 

2.  Nous  n'entrons  pas  dans  le  détail  de  la  prononciation  de  ces  trois  s, 
parce  que  leur  son,  d'ailleurs  peu  différent,  dépend  de  leur  position  ou  de 
leur  voisinage. 

3.  Le  double  ce  se  prononce  tch,  ce  qui  viole  la  règle  de  l'uniformité  du 
son  des  lettres. 


HILBE    :    ZAHLENSPRACHE  99 

Nous  ne  reproduirons  pas  les  règles  d'accent,  qui  sont  trop 
compliquées. 

Les  substanlifs  (radicaux)  se  terminent  par  une  voyelle  qui  est 
(Ml  général  -e.  Pour  indiquer  le  genre  (naturel),  on  la  change  en 
-0  (masc.)  ou  on  -a  (féminin).  Les  mômes  lettres  servent  aussi  «à 
distinguer  le  fruit  (-0)  de  l'arbre  (-a)'.  Ex.  :  filyie,  enfant;  filyio. 
fils;  iilyia,  fille  ;  sinyoro,  monsieur;  sinyora,  madame;  porno,  pomme: 
poma.  pommier. 

L'article  défini  est  lo,  la,  le;  Varlicle  indéfini  est  luno,  luna. 
lune. 

La  déclinaison  s'effectue  au  moyen  des  préfixes  e-  (génitif),  i- 
(datif),  0-  (accusatif),  attachés  soit  au  substantif,  soit  à  l'article 
ou  au  pronom  qui  le  précède. 

Ex.  :  pane  (pain),  epane,  ipane.  opane;  la  pane,  ela  pane,  ila  pane, 
ola  pane. 

Le  pluriel  est  indiqué  par  le  suffixe  -n  ajouté,  soit  au 
substantif,  soit  à  l'article.  Ex.  :  lan  filyie  =  les  filles. 

Du  substantif  on  déinve  l'adjectif,  le  verbe,  l'adverbe  et  la 
préposition  au  moyen  des  suffixes  respectifs  -d,  -m,  -k,  -p.  Ex.  : 
lamore,  amour;  lamored.  cher;  lamorem,  aimer;  lamorek,  avec 
ainour;  lamorep,  pour  l'amour  de. 

L'adjectif  est  donc  terminé  par  -d.  11  est  invariable,  et  se  place 
après  le  substantif. 

Le  comparatif  se  forme  en  répétant  la  dernière  syllabe  (-ed 
devient  -eded),  et  le  superlatif  en  la  remplaçant  par  -essed.  On  peut 
aussi  employer  les  préfixes  plu  et  most  :  boned,  bon,  plu  boned. 
most  boned. 

Nous  connaissons  déjà  les  noms  de  nombre.  Les  nombres  ordinaux 
eu  dérivent  par  l'adjonction  de  -d  (-tid,  -zûd);  les  adverbes  ordinaux 
par  ladjonction  de  -k(-iik,  -ztik);les  nombres  de  fois,  par  l'adjonc- 
tion de  -f  (-ùf,  -zûf);  les  nombres  multiplicatifs,  par  l'adjonction  de 
-g  (ùg,  -ztig);  les  nombres  d'espèces,  par  l'adjonction  de  -m  (ùm. 
-ziim);  les /rac/ions,  par  l'adjonction  de  -n;  les  nombres  distributifs. 
par  l'adjonction  de  -p;  les  verbes  multiplicatifs  (ex.  :  décupler)  par 
le  suffixe  -iimirem;  et  les  substantifs  numéraux  (ex.  :  dizaine)  par  le 
suffixe  -umare. 

Les  pronoms  personnels  sont  :  mi,  ti,  hi  ou  luy  ;  noy,  voy.  soy.  Le 
pronom  de  politesse  (vous)  est  vu  (sing.)  et  vuy  (plur.).  Le  pronom 

1.  Comme  dans  le  Mundolingue  de  Julius  Lott. 


100  SECTION  I,    CHAPITRE   XVI 

de  la  s*'  pers.  sing.  est,  au  féminin  (elle)  hia  ou  lua;  au  neutre, 

hie  ou  lue. 

Les  pronoms  personnels  se  déclinent  comme  les  substantifs, 
au  moyen  des  préfixes  e-,  i-,  o-. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  mo,  to,  so  (soa,  soe)  ;  nos,  vos,  lor 
(lora,  lore). 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  qàsto,  celui-ci;  qàllo,  celui-là; 
stesso,  même  {L.  ipse);  medesmo,  le  même  (L.  idem)  ',  etc. 

Les  pronoms  relatifs,  interrogatifs  et  corrélatifs  sont  formés  systé- 
matiquement, ainsi  que  les  adverbes  analogues.  Les  pronoms 
relatifs  commencent  en  général  par  k-;  les  pronoms  interrogatifs 
en  dérivent  au  moyen  du  préfixe  (interrogatif)  li  ^,  et  les  pro- 
noms corrélatifs  au  moyen  du  préfixe  so-.  Ex.  : 

soki,  celui;  ki,  qui;  liki,  qui? 

soqale  ^  tel;        kale,  quel;  li  qale,  quel? 

sokome,  ainsi;     kome,  comme;     li  kome,  comment? 

Citons  quelques  autres  adverbes  relatifs  :  kur,  pourquoi;  dove, 
où;  dadove,  d'où;  didove,  vers  où;  qande,  quand;  dall  qande,  depuis 
quand;  bis  qande,  jHsgM'à  quand. 

Les  verbes,  dont  le  radical  se  termine  toujours  par  m,  et  forme 
l'infinitif,  sont  invariables  en  personne  et  en  nombre.  Les  temps 
se  forment  au  moyen  de  préfixes,  et  les  modes  au  moyen  de 
suffixes.  Le  présent  de  l'indicatif  est  semblable  à  l'infinitif.  L'im- 
parfait  est  marqué  par  le  préfixe  a-;  le  parfait,  par  e-;  le  plus-que- 
parfait,  par  i-;  \e  futur,  par  o-;  le  futur  antérieur,  par  u-*.  Ex.  :  noy 
lamorem,  nous  aimons;  mi  àlamorem,  jVumais;  ti  elamorem,  tu  as 
aimé;  hi  ilamorem,  il  avait  aimé;  hia  elamorem,  elle  aimera;  vu 
ulamorem,  vous  aurez  aimé. 

Les  mômes  préfixes  servent  à  former  les  temps  des  autres 
modes,  qui  sont  caractérisés  : 

Le  subjonctif,  par  le  suffixe  -la  ; 

Le  conditionnel,  —           -le; 

U"  impératif,  —            -lo  ; 

Le  participe,  —            -lu. 

L'impératif  a  une   autre  forme    :  lamorez   (sing.),    lamorezet 

1.  Empruntés  à  l'italien. 

2.  Emprunté  au  Volapuk. 

3.  Ou  :  taie. 

4.  A  peu  près  comme  en  Volapuk. 


HILBE    :    ZAHLENSPRACHE  101 

(plui-.).  Le  participe  a  une  autre  forme  :  lamoranto  (subst.),  lamo- 
ranted  (adj.),  lamorantek  (adverbe). 

l.c  passif  SQ  foFine  avec  le  verbe  auxiliaire  sumum  (être),  suivi 
iimnédiatenient  de  l'infinitif  auquel  on  a  retranché  la  finale  -m  : 
mi  sumum  lamore,  je  suis  aimé. 

L'infinitif  passif  (présent)  est  :  zalamorem. 

Les  participes  passifs  (présent,  passé,  futur)  sont  :  zalamoro. 
zelamoro,  zolamoro  (substantif);  zolamored,  etc.  (adjectif);  zala- 
morek  (adverbe). 

\/ interrogation  est  marquée  par  li,  la  négation  par  no  placé 
d(>vant  le  verbe. 

Les  adverbes  sont,  soit  primitifs  (bâne.  bien),  soit  dérivés  de 
radicaux  sul)stantifs  au  moyen  de  -k  (bonek,  avec  bonté).  Leur 
comparatif  se  forme  en  redoublant  la  finale  -ek  (bonekek). 

Les  prépositions  sont,  soit  primitives,  soit  dérivées  de  substan- 
tifs au  moyen  de  -p.  Les  primitives  sont  en  général  empruntées 
au  latin,  à  l'italien  ou  au  français  :  per,  prope,  pr opter;  sotto, 
sopre;  par,  parmi,  durante. 

Les  conjonctions  sont  empruntées  aux  mêmes  langues  :  qia 
(parce  que);  ma,  pero;  lorske,  e  (et),  u  (ou),  si,  lossi  (aussi). 

De  même  la  plui)art  des  formules  de  politesse  sont  empruntées 
au  français:  mosyo (monsieur),  madame;  màsyô,  madame:  monami. 
bonami,  etc. 

La  syntaxe  se  borne  à  prescrire  l'ordre  naturel  de  la  proposi- 
tion :  sujet,  verbe,  régimes  direct  et  indirect.  Quand  le  régime 
direct  est  un  pronom,  il  ne  se  met  après  le  verbe  que  s'il  est 
seul;  autrement,  on  le  met  avant,  et  les  régimes  indirects  après. 
Cela  dispense  de  décliner  les  pronoms.  Ex.  :  mi  luy  donem  ti,  je 
te  le  donne  ;  mi  ti  donem  luy,  je  te  donne  à  lui.  On  peut  même  se 
dispenser  de  décliner  les  substantifs,  quand  leur  place  détermine 
suffisamment  leur  rôle  :  mi  edonem  luy  pane,  je  lui  ai  donné  du 
pain.  Les  prépositions  régissent  toujours  le  nominatif. 

La  formation  des  mois  dérivés  se  fait  à  l'aide  de  préfixes  et  suf- 
fixes. Nous  connaissons  déjà  les  suffi.xes  -d,  -k,  -m,  -p  et  leur  rôle. 
Le  suffi.xe  -b  indique  le  possesseur;  -i,  le  temps;  -g.  le  lieu. 

Les  voyelles  servent  de  préfixes  adverbiaux  et  marquent  une 
graduation.  Ainsi  serek  =  le  soir;  aserek,  ce  soir  (aujourd'hui); 
àserek,  hier  soir;  eserek,  avant-hier  soir;  iserek,  avant-avant-hier 
soir;  oserek,  demain  soir;  userek,  après-demain  soir. 

L'auteur  admet  une  foule  d'autres  i)réfixes  et  suffixes  servant  à 


102  SECTION   I,    CHAPITRE   XVI 

la  composition;  par  exemple  :1e  préfixe  no- indique  le contrairo  ', 
noiamore,  haine.  Le  suffixe -ie  caractérise  les  noms  de  pays;  on 
le  remplace  par  -o,  -a  pour  désigner  les  habifcints  (masculins, 
féminins),  et  par  -e  pour  désigner  la  langue.  Ex.  :  Gàrmanie, 
V Allemagne;  gàrmano,  gàrmana,  allemand,  allemande;  gârmane,  l'alle- 
mand (la  langue).  Le  suffixe  -ya  désigne  la  femme  de  ...  Le  suffixe 
ta  (-ità)  marque  la  qualité  (substantif  dérivé  dadjectif)  :  bonità; 
le  suffixe  -ô,  ïagent  :  battô,  batteur;  le  suffi.xe  -bli,  la  possibilité  : 
deklinablid,  déclinable;  les  suffixes  -ose,  -tive,  la  tendance  active; 
le  suffixe  -fikarer,  l'action  de  rendre  (tel  ou  tel):  làrifikarer.  action 
de  dorer;  et  -fikare,  le  résultat  de  cette  action  :  làrifikare,  dorure. 
Enfin  les  suffixes  -ete  et  -one  sont  respectivement  diminutif  et 
augmentatif  ^. 

Parmi  les  mots  cités  par  l'auteur,  on  remarque  des  formations 
systématiques  bizarres:  les  quatre  points  cardinaux  sont  appelés 
norde  (N),  nurde(E),  nàrde  (S),nôrde  (0);  et  minuit  est  traduit  par 
nordef  (par  opposition  sans  doute  à  midi,  qui  se  dit  pourtant  : 
midi).  Mais,  en  général,  les  mots  sont  empruntés  au  latin  ou  au 
français  et  plus  ou  moins  déformés.  Voici,  à  titre  d'échantillon 
de  cette  langue,  les  premières  phrases  de  l'opuscule  de  M.  Hiliœ. 

<  Nummerlingve  sum  produkte  leffektuirep  lideye,  tu  kreirem 
lossi  luna  nominare  lintârnassiônaled  par  kômbinassiône  natured  e 
regulared  elàttern  pro  nummersinyen  ca  lexistànted.  Resultate 
emônstrarem,  ko  vàrben  multed  zenated  talek  sum  simled  u  lidàn- 
ted  koll  vàrben  enaturlingven  ;  dunqe  lideye  âsum  vicinek,  tu  lusem 
qàsta  vàrbrike  lenormed  pro  luna  nummerlingve.  » 


•  Critique. 

Comme  le  projet,  la  critique  doit  être  double. 

I 

La  langue  a  priori  de  M.  Hilbe  prétend  échapper  aux  inconvé- 
nients des  langues  philosophiques;  mais  elle  en  a  d'autres  équi- 
valents. D'abord,  l'auteur  croit  pouvoir  se  dispenser  de  l'analyse 
logique  des  concepts,  en  se  bornant  à  leur  assigner  un  ordre 


1.  Tandis  qu'isolé  il  indique  simplement  la  négation. 

2.  Comme  chez  Julius  Lott. 


HILBE   :    ZAHLENSPRACHE  103 

logifjue;  mais  celui-ci  suppose  celle-là.  Ensuite,  comment  éta- 
blir cet  ordre  logique,  entre  les  catégories  d'une  part,  et  entre 
les  concepts  dérivés  de  chaque  catégorie,  d'autre  part"?  Kntre  ces 
catégories,  qui  sont  i»ar  hypothèse  les  idées  primitives  et  irré- 
ductibles, il  n'y  a  pas  de  degré  hiérarchique  ni  d'ordre  généalo- 
giciue.  Entre  les  concepts  dérivés  d'une  même  catégorie,  il  est 
en  général  inq)0ssil)le  de  trouver  un  ordre  linéaire  naturel  ; 
quel  que  soit  le  principe  d'une  classification  logique  (que  ce  soit 
la  relation  de  genre  à  espèce,  ou  celle  de  tout  à  partie,  ou  celle 
de  supérieur  à  inférieur,  etc.),  chaque  idée  a  presque  toujours 
plusieurs  idées  subordonnées,  qui  sont  coordonnées  entre  elles,  et 
dont  par  suite  l'ordre  ne  peut  être  qu'arbitraire.  Par  exemple, 
soit  la  catégorie  de  corps  (vivant);  énumère-t-on  les  espèces  : 
homme,  singe,...  ou  les  parties  :  tête,  bras,  jambe,  main,  pied,...  1 
Dans  l'un  et  l'autre  cas,  quelle  espèce  ou  quelle  partie  sera  la 
1'",  la  2",...  si  ce  n'est  par  une  pure  convention?  En  outre,  où  est, 
dans  ces  séries,  le  degré  d'affinitél  Peut-on  dire  que,  dans  la 
gamme  des  couleurs,  le  rouge  a  plus  d'affinité  que  le  violet  avec 
le  genre  couleurl  cela  n'a  pas  de  sens.  Et  puis,  même  dans  les 
classes  comme  celles-là,  où  l'on  peut  du  moins  reconnaître  un 
ordre  linéaire,  les  notions  classées  forment  le  plus  souvent  une 
série  continue,  de  sorte  qu'on  ne  peut  pas  dire  quelle  est  la  pre- 
mière après  une  autre,  et  qu'entre  deux  quelconques  on  peut 
toujours  en  intercaler  une  troisième.  Il  est  donc  impossible  de 
leur  assigner  un  ordre  numérique  qui  ne  soit  pas  arbitraire. 

Enfin,  lors  même  que  la  classification  des  idées  serait  natu- 
relle et  logiquement  irréprochable,  les  mots  correspondants 
n'exprimeraient  nullement  leurs  rapports  de  déjjendance,  ce  qui 
constitue  un  désavantage  de  la  Zahlemprache  j)ar  l'apport  aux 
langues  philosophiques  (où  le  nom  du  genre  sert  de  radical  aux 
noms  de  ses  espèces).  Par  exemple,  il  n'y  a  aucun  rapport  sen- 
sible (de  forme)  entre  la  catégorie  gô  et  son  dérivé  salume.  Cela 
vient  de  ce  que  les  nombres  qui  correspondent  aux  dérivés  d'une 
même  catégorie  forment  une  progression  arithmétique  de 
raison  101.  Exemi)le  :  fo  (34),  lafu  (135),  lefà  (236),  lifô  (337).... 
Eauteur  aurait  pu  diminuer  cette  disparate  en  prenant  100  i)our 
I  aison  de  la  progression  (pour  coefficient  de  g),  ou  mieux  encore 
on  adoptant  la  formule:  iOOU  +  <7;  mais  il  ne  l'a  pas  voulu,  dit-il, 
pour  éviter  la  monotonie;  comme  si  les  mots  correspondant  à 
des  concepts  voisins  se  trouvaient  toujours  rapprochés  dans  le 


104  SECTION   I,    CHAPITRE   XVI 

discours!  Ainsi  la  relation  entre  les  concepts  est  purement 
arithmétique,  et  pour  la  découvrir  il  faut  faire  un  calcul  mental. 
On  dira  peut-être  qu'il  suffit  de  retenir  de  mémoire  le  résultat 
du  calcul  fait  une  fois  pour  toutes  (comme  dans  la  table  de 
Pythagore).  Mais  alors  ce  n'est  plus  qu'une  série  de  mots  con- 
ventionnels à  apprendre  mécaniquement.  En  résumé,  ou  bien  il 
faut  savoir  par  cœur  toute  la  classification  logique  des  idées  et 
efi"ectuer  des  opérations  de  calcul  mental,  ou  bien  il  faut  savoir 
par  cœur  tout  un  dictionnaire  de  mots  dont  le  sens  est  absolu- 
ment arbitraire  (en  apparence  du  moins).  Mieux  vaut  évidem- 
ment une  langue  a  posteriori. 

II 

C'est  ce  qu'a  bien  compris  l'auteur,  et  c'est  pourquoi  il  a 
inventé  sa  Nummerlingve,  comme  succédané  provisoire  et  inter- 
médiaire. Seulement  cette  langue  a  posteriori  a,  par  rapport  aux 
autres,  l'inconvénient  d'être  soumise  à  des  conditions  restric- 
tives, qui  dérivent  de  cette  règle  arbitraire  :  Tout  mot  doit  être 
un  nombre.  De  là  vient  que  l'on  est  obligé  de  déformer  les  radi- 
caux empruntés  aux  langues  naturelles,  notamment  en  leur  pré- 
fixant des  consonnes.  En  outre,  les  flexions  grammaticales  et  les 
affixes  de  dérivation  sont  en  général  arbitrairement  choisis,  ce 
qui  achève  de  défigurer  les  mots  naturels.  L'alphabet  est  trop 
compliqué,  et  cela  vient  en  partie  de  ce  que  l'auteur  a  dû 
adopter  10  voyelles  pour  les  besoins  de  sa  numération  :  plusieurs 
d'entre  elles  sont  difficiles  à  distinguer  :  â,  ô,  e;  o,  ô;  il  en  est  de 
même  des  quatre  s;  il  y  a  des  diphtongues  :  à,  è,  qui  prêtent  à 
confusion.  L'auteur  semble  hésiter  entre  le  synthétisme  et  l'ana- 
lytisme  :  après  avoir  permis  de  décliner  à  volonté  l'article  ou  le 
substantif,  il  essaie  de  remplacer  les  cas  par  la  position  des 
mots.  D'ailleurs,  l'emploi  des  voyelles-préfixes  pour  la  décli- 
naison et  la  conjugaison  est  malencontreux;  non  seulement  il 
choque  les  habitudes  de  la  plupart  des  langues  européennes, 
mais  il  rend  le  radical  méconnaissable,  ou  tout  au  moins  plus 
difficile  à  trouver  dans  un  dictionnaire. 

En  général,  l'auteur  oscille  entre  la  méthode  a  priori  et  la 
méthode  aposferiort  (par  exemple  dans  la  formation  du  participe). 
Bien  que  son  vocabulaire  soit  en  principe  a  posteriori,  il  cons- 
truit a  priori,  non  seulement  les  noms  de  nombre  (c'est  la  base 


HILBE    :    ZAHLENSPRACHE  105 

de  son  système),  mais  les  pronoms  et  adverbes  interrogatifs,  et 
môme  certains  noms  (comme  ceux  des  points  cardinaux).  En 
somme,  la  physionomie  et  la  structure  de  cette  langue  sont  trop 
éloignées  de  celles  des  langues  naturelles  pour  offrir  la  facilité 
qu'on  est  en  droit  d'attendre  d'une  langue  a  posteriori.  Retenons 
seulement  ce  fait,  que  l'auteur,  voulant  choisir  les  radicaux  les 
plus  inler nationaux,  a  adopté  presque  exclusivement  des  radicaux 
latins.  C'est  en  ce  sens  seulement  qu'on  peut  souscrire  à  sa 
devise  :  «  NuUa  kulture  sine  nummerlingve.  » 


CHAPITRE  XVII 


DIETRICH    :    VÔLKERVERKEHRSSPRACHE 


Tandis  que  d'autres  reprochent  au  Volapûk  de  trop  s'éloigner 
des  langues  nationales  et  de  leurs  usages  grammaticaux, 
M.  DiETRicH  lui  reproche  au  contraire  d'avoir  gardé  quelques 
restes  des  grammaires  et  des  vocabulaires  naturels  2.  A  plus  forte 
raison  il  juge  sévèrement  les  langues  a  posteriori  :  elles  se  bor- 
nent à  copier  servilement  les  langues  naturelles,  et  n'en  sont 
que  des  imitations  ou  des  contrefaçons.  Selon  lui,  la  rivalité 
des  peuples  et  leur  amour-propre  linguistique  n'admettront 
jamais  une  «  langue  de  compromis  »  ;  chacun  voudra  avoir  la 
part  du  lion  ^  La  langue  internationale  ne  doit  pas  être  une  com 
pilation  faite  de  pièces  et  de  morceaux,  mais  un  «  organisme  » 
logique  homogène  et  indépendant.  La  langue  commerciale  *  des 
peuples  doit  être  neutre,  et  pour  cela,  elle  ne  doit  pas  être  inter- 
nationale, mais  «  extérieure  à  toutes  les  nations  »  ;  elle  «  exclura 
tous  les  éléments  nationaux  ».  En  s'affranchissant  de  l'imitation 
des  langues  naturelles,  elle  pourra  être  bien  plus  logique  et  plus 
parfaite  qu'elles.  Elle  doit  avoir  pour  base,  non  l'usage,  qui 
varie  d'un  peuple  à  l'autre,  mais  la  logique.  Les  concepts  seuls 


1.  Grundlagen  der  Vôlkerverkehrssprache.  Entwùrfe  fur  den  Auf- und 
Ausbau  einer  denkrichtigen,  neutralen  Kunstsprache  als  zukiinftige 
Schriftsprache,  eventuell  auch  Sprechsprache  fur  den  international  en 
Verkehr,  von  Cari  Dietrich.  70  p.  8''  (Dresden,  G.  Kùhtmann,  1002). 

2.  La  grammaire  du  Volapûk  «  ne  se  sépare  pas  assez  nettement  des 
grammaires  des  langues  naturelles  »  (p.  3). 

3.  Endresultate  meiner  Volapùkstudien,  ap.  Volapilkagased  valemik,  1895 
(Jvniele,  Allmendingen,  Wûrttemberg). 

4.  Il  faut  entendre  le  mot  commerce  (D.  Verkehr)  dans  son  sens  le  plus 
général  de  communication. 


DIETRICH    :    VOLKERVERKEHIISSPRACHE  107 

sont  internationaux,  et  non  les  mots  et  les  formes  grammati- 
cales. Les  mots  divisent  les  peuples;  seul  le  bon  sens  les  unit. 
Il  faut  donc  fonder  la  L.  I.  sur  l'analyse  logique  des  langues  et 
sur  la  classification  des  idées;  on  revêtira  ensuite  celles-ci  de 
formes  verbales  obtenues  par  la  combinaison  systématique  des 
voyelles  et  des  consonnes.  Cette  langue  purement  artificielle 
(surtout  destinée  à  l'usage  écrit)  sera  une  libre  construction  de 
l'esprit  humain,  un  «  chef-d'œuvre  par  la  multiplicité  de  ses 
parties,  l'unité  do  ses  éléments,  l'unité  et  la  finalité  de  ses  fonc- 
tions ».  Elle  ne  peut  être  l'œuvre  d'un  seul  homme;  elle  exige  la 
collaboration  d'une  »  corporation  de  logiciens  ».  Il  faudra 
d'abord  définir  et  classer  les  principaux  concepts,  établir  la 
grammaire,  puis  les  règles  de  dérivation,  et  enfin  le  lexique.  La 
formation  du  vocabulaire  doit  être  entièrement  subordonnée  à 
la  grammaire,  car  c'est  celle-ci  qui  réglera  la  forme  des  mots. 
Une  telle  langue  répondra  non  seulement  aux  besoins  pratiques 
du  commerce,  mais  encore  à  toutes  les  exigences  des  sciences. 
Elle  ne  remplacera  d'ailleurs  jamais  les  langues  naturelles, 
parce  qu'elle  ne  sera  pas  une  langue  maternelle. 


Grammaire. 

Voici  la  classification  «  scientifique  »  des  lettres  (7  voyelles, 
22  consonnes)  : 
1°  Voyelles  :  i,  e,  a,  o,  u(o«),  e  (eu),  h; 

2°  Consonnes  (par  paires)  :  b,  p;  d,  t;  g  (toujours  dur),  k; 
z.  s;  j  (français),  c  {ch);j(j  allemand),  q  (ch  allemand)  ;  v,  f  ;  deux 
m;  deux  n;  deux  r;  deux  1.  Chaque  lettre  a  toujours  le  même 
son.  Pour  que  les  prononciations  nationales  ne  risquent  pas 
d'altérer  les  sons,  on  inventera  des  lettres  nouvelles. 

Avec  ces  lettres  on  formera  tous  les  mots  par  des  combinai- 
sons systématiques,  dont  l'auteur  dresse  le  tableau.  On  obtient 
ainsi  facilement  50  000  radicaux  monosyllabiques  des  formes 
V,  vc,  cv  et  cvc.  Cette  dernière  forme  (syllabe  fermée)  est  le 
type  des  radicaux  substantifs,  d'où  dérivent  les  autres  espèces 
de  mots. 

Les  substantifs  se  déclinent  :  le  nominatif  singulier  se  réduit 
au  radical:  le  nominatif  pluriel  se  forme  en  y  ajoutant  un-s.  Les 
autres  cas  (génitif,  datif,  accusatif)  se  forment  en  ajoutant  res- 


108  SECTION   I,    CHAPITRE    XVII 

pectivement  -a,  -e,  -i  au  nominatif  (singulier  ou  pluriel)  *.  Il  n'y  a 
pas  d'articles,  ni  défini,  ni  indéfini,  l'auteur  les  jugeant  inutiles. 

Les  adjectifs  dérivent  des  radicaux  substantifs  au  moyen  du 
suffixe -0.  Employés  comme  épithètes,  ils  sont  invariables;  isolés, 
ils  se  déclinent  comme  les  substantifs  :  ils  prennent  au  singulier 
les  désinences -oa,  -oe,  -oi;  au  pluriel  les  désinences -osa,  -ose,  -osi. 

Les  degrés  de  comparaison  se  forment  en  remplaçant  la  dési- 
nence-o  par -zo  (comparatif)  ou  par -je  (superlatif).  Ils  se  déclinent 
comme  les  adjectifs  au  positif. 

Les  adverbes  dérivent  des  substantifs  au  moyen  du  suffixe  -yo, 
et  les  prépositions  au  moyen  du  suffixe -u. 

Les  noms  de  nombre  se  composent  au  moyen  des  noms  des  dix 

chiffres  : 

tiz,  1  ;  tez,  2  ;  taz,  3  ;  toz,  4  ;  tuz,  5  ; 

tij,   6;  tej,   7;  taj,   8;  toj,   9;  tuj,   0; 

chacun  étant  suivi  du  nom  des  unités  décimales  qu'il  repré- 
sente : 

mi,  10;  me,  100;  ma,  1000;  mo,  1  million;  mu,  1  billion^. 

Par  exemple,  1897  s'écrira  et  s'énoncera  : 

tiz  ma  taj  me  toj  mi  tej. 

Les  adjectifs  ordinaux  dérivent  des  noms  de  nombre  par  l'ad- 
jonction du  suffixe -to,  et,  quand  ils  sont  employés  substantive- 
ment, du  suffixe  -tem. 

Les  adverbes  ordinaux  se  forment  de  même  au  moyen  du  suffixe 
-tyo  (tiztyo,  premièrement). 

Les  pronoms  personnels  sont  :  im,  je;  em,  tu  ;  am,  il;  om,  on;  um, 
soi.  Ils  prennent  le  pluriel;  les  3  premiers  donnent  :  ims,  nous, 
ems,  vous;  ams,  ils^. 

Ils  se  déclinent  comme  les  substantifs  :  ima,  ime,  imi  ;  imsa, 
imse,  imsi. 

Ils  prennent  tous  un  genre  au  moyen  des  préfixes  i-  (masc.)  et 
e-(fém.).  Ex.  iam,  il;  eam,  elle. 

Les  adjectifs-pronoms  possessifs  dérivent  des  pronoms  personnels 
au  moyen  du  suffixe  -o  :  imo,  mon  ;  emo,  ton  ;  amo,  son  (en  général)  ; 
iamo,  son  (à  lui);  eamo,  son  (à  elle),  etc. 

1.  C'est  la  déclinaison  du  Volapïik,  a  cela  près  que  l's  du  pluriel  est 
interverti. 

2.  C'est-à-dire  1  million  de  millions. 

3.  Comme  en  Vclapiik. 


DIETRICH    :    VOLKERVERKEHRSSPRACHE  J09 

Ils  se  dc'clinont  comme  les  adjectifs  quand  ils  sont  pronoms. 
Les  autres  pronoms  sont  aussi  de  la  forme  vc,  et  se  déclinent 
de  môme. 

Tous  ces  pronoms  engendrent  des  adverbes  dérivés  au  moyen 
du  suffixe  -yo  :  imyo,  à  ma  manière,  etc. 

Les  verbes  se  conjuguent  sans  aucun  auxiliaire;  ils  ne  varient 
ni  en  nombre,  ni  en  personne,  ces  indications  étant  fournies  par 
les  pronoms. 

Les  temps  sont  marqués  par  des  préfixes,  les  modes  par  des 
suffixes. 

La  gamme  des  cinq  voyelles  sert  à  marquer  les  temps  :  i-,  le 
plus-que-parfait;  e-,  le  parfait;  a-,  le  présent;  o-,  le  futur  simple;  u-, 
le  second  futur  (futur  antérieur).  A  ces  temps  on  peut  ajouter 
Vimparjait,  marqué  par  ae-  ou  ea-;  et  le  duratif  (passé,  présent, 
futur),  marqué  par  la  répétition  des  voyelles  respectives  :  ee-, 
aa-,  00-. 

Dans  la  forme  active  simple,  le  radical  verbal  (de  la  forme  cvc) 
ne  prend  aucun  suffixe.  Les  autres  formes  du  verbe  signifient  : 

i°  L'existence  (du  sujet)  dans  l'état  (exprimé  par  le  verbe)  :  Je 
suis  malade.  Suffixe  :  -i; 

2"  Le  passage  à  l'état  :  je  deviens  malade.  Suffixe  :  -e; 

3®  L'action  qui  cause  l'état  :  je  rends  malade.  Suffixe  :  -a; 

4°  Le  fait  de  subir  l'action  exprimée  par  le  verbe  :  je  suis  battu 
{on  me  bat).  Suffixe  :  -u; 

5°  Le  fait  de  subir  l'état  exprimé  par  le  verbe  :  je  suis  rendu  tel 
ou  tel.  Suffixe  :  -au. 

Ces  deux  dernières  formes  correspondent  au  passif. 

Les  modes  proprement  dits  sont  : 

l"  V infinitif,  qui  dérive  des  formes  précédentes  par  l'adjonction 
de  -9z; 

2°  Voptalif,  qui  se  forme  de  même  par  l'adjonction  de-ze.  C'est 
un  impératif  poli  :  Veuillez  écrire,  s'il  vous  plaît; 

:\'^  IS impératif ,  qui  se  forme  de  même  par  l'adjonction  de  -se; 

4"  Le  conditionnel,  qui  se  forme  de  même  par  l'adjonction  de 
ca; 

5»  Le  potentiel  (mode  de  la  possibilité),  qui  se  forme  de  même 
par  l'adjonction  de  -jo. 

Comme  on  le  voit,  la  lettre  e  est  caractéristique  des  modes. 

Enfin  le  verbe  est  susceptible  de  degrés  de  comparaison  :  le  i"  est 
marqué  par  la  lettre  z,  le  2°  par  la  lettre  j  intercalée  entre  le 


110  SECTION   I,    CHAPITRE   XVII 

radical  et  les  autres  suffixes.  Ex.  :  soit  R  le  radical  qui  signifie 
bon;  R-iaz  =  être  bon;  R-ziaz  =  être  meilleur:  R-jiz  =  être  le  meilleur, 
être  très  bon.  De  même  à  n'importe  quels  temps  et  mode  :  e-R-za  = 
(il)  a  rendu  meilleur;  o-R-je  =  (il)  deviendra  très  bon. 

L'infinitif  étant  le  substantif  du  verbe,  \c  participe  en  dérive  par 
l'adjonction  du  suffixe  -o,  caractéristique  de  l'adjectif.  Il  a  donc 
la  forme  :  R-azo. 

Les  prépositions  ont  la  forme  cv.  L'auteur  les  classe  et  les  cons- 
truit comme  suit  : 

I.  Prépositions  indiquant  des  rapports  spatiaux  : 

A.  La  direction  :  forme  zv.  Les  deux  voyelles  i,  e  indiquent  res- 
pectivement le  lieu  où  Ton  va  et  celui  d'où  l'on  vient. 

B.  Le  lieu  et  la  direction  :  forme  b v.  Ex.  :  bi,  sur  (en  repos)  ;  bii, 
(aller)  sur;  bie,  (venir)  de  dessus;  bri,  sous  (en  repos);  brii,  (aller) 
sous;  brie,  (venir)  de  dessous. 

II.  Prépositions  indiquant  des  rapports  non  spatiaux.  Ex.  :  gi, 
avec;  gri,  sans  '. 

III.  Prépositions  dérivées.  Nous  savons  déjà  qu'elles  se  forment 
au  moyen  du  suffixe  -u.  Elles  traduisent  les  locutions  :  au  lieu 
de,  au  moyen  de,  sur  l'ordre  de,  pour  Vamour  de,  au  nord  de,  etc. 

Les  prépositions  ne  régissent  aucun  cas  et  se  mettent  toujours 
devant  le  substantif  régi. 

Les  prépositions  non  dérivées  peuvent  servir  en  môme  temps 
de  préfixes  en  composition. 

Les  conjonctions  sont  aussi  de  la  forme  cv;  mais  elles  diffèrent 
des  prépositions  par  la  consonne. 


Vocabulaire. 

Par  le  môme  procédé  combinatoire,  l'auteur  construit  les 
radicaux  (de  la  forme  cvc)  et  les  suffixes  de  dérivation  (de  la 
forme  vc).  Pour  commencer  par  ceux-ci,  -il  indique  un  diminutif, 
-el  un  augmentatif;  -ib  exprime  le  mérite  (honorabilité),  -ab  la  ressem- 
blance, -ub  l'opposition  ;-im désigne  les  personnes  de  qualité;  -em 
les  hommes  et  les  femmes  (avec  les  voyelles  génériques!,  e)  ;  -am  le 
fabricant  de...;  -om  les  animaux,  et  -um  les  plantes;  -iv  désigne  les 
sciences,  -ev  les  arts, -av  les  métiers,  -ovle  commerce,  -uvle  trans- 

1.  La  consonne  r  parait  marquer  l'opposition,  comme  chez  Dalgarno. 


DIETRICH    :    VOLKERVERKEHRSSPRACHE  lH 

port;  -in  désigne  les  éléments  chimiques; -en  les  solides;  -an  les 
liquides; -on,  les  gaz  ;  -un,  les  tluides  hypothétiques  (électricité, 
magnétisme). 

Suffixes  (le  lieu  :  -ig,  lieu  en  général;  -eg,  i)artiesde  la  terre;  -ag, 
états,  provinces;  og,  villes  et  villages;  -ug,  lieu  avec  direction 
(régions  du  ciel). 

Suffixes  (le  temps  :  -ir,  temps  en  général  ;-  er,  année  ;-  ar,  mois  ;  -or, 
jour ;-ur,  heure  ;  -iur,  minute;  -eur,  seconde.  Exemple  :  le 3 mai  189^, 
(1  k  heures  du  soir  =  1894-er,  5-ar,  3-or,  Ifi-ur  (voir  les  noms  de 
nombre). 

Entîn  certains  suffixes  servent  à  former  les  substantifs  dérivés 
de  verbes  :  -id  indique  l'état  ;  -ed  le  devenir  ;  -ad,  l'action,  le  «  faire  »  ; 
-od,  l'action  abstraite;  -ud,  la  chose  concrète,  résultat  de  l'action. 

Quant  à  la  formation  des  radicaux,  elle  présuppose  la  classifi- 
cation complète  des  concepts,  en  vertu  de  ce  principe  :  A  des 
gi'oupes  de  concepts  logiquement  voisins  doivent  correspondre 
des  groupes  de  mots  phonétiquement  voisins;  autrement  dit. 
l'affinité  des  sons  doit  exprimer  l'affinité  des  sens.  Voici,  à  titre 
d'exemple,  la  classification  et  la  nomenclature  des  couleurs. 

Supposons  que  la  racine  vit  désigne  le  blanc.  Les  radicaux  vitil, 
vital,  vitol.  vitul...  désigneront  les  diverses  espèces  de  blanc 
(substantifs  ;  les  adjectifs  prennent  -o).  On  aura  de  même  :  vet  =  le 
rouge,  vieto  =:  rose;  vaeto  =  vermillon;  voeto  =  ultra-violet:  vueto 
=  rouge  sombre.  Puis  :  vat  =  le  jaune  ;  viato  =  blond  ;  veato  =  orange  ; 
voato  =  vert:  vuato  =  brun.  Ensuite  :  vot  =  le  bleu;  vioto  =  azur: 
veoto  =  violet  (plus  bleu  que  voeto)  ;  vaoto  =  vert  (plus  bleu  que 
voato)  ;  vuoto  =  indigo.  Enfin  :  vut  =;  le  noir  ;  vuito  ou  viuto  =;  gris  ; 
veuto  =noir  rouge;  vauto  =  noir  jaune  ;  vouto  =  noir  bleu. 


Critique. 

Cette  langue  mérite  les  mêmes  critiques  que  les  langues  philo- 
sophiques proprement  dites  :  son  défaut  capital  consiste  dans  la 
formation  arbitraire  des  radicaux,  des  préfixes  et  des  suffixes. 
Selon  l'auteur,  «  la  langue  artificielle  ne  doit  employer  aucun 
mot  naturel  pour  ce  quelle  peut  exprimer  elle-même  plus  facile- 
ment, plus  simplement  et  plus  logiquement  ».  Mais  si  la  corres- 
pondance des  mots  aux  idées  est  arbitraire  dans  nos  langues,  en 
quoi  sera-t-elle  plus  logique  et  moins  arbitraire,  si  à  des  syllabes 


112  SECTION   I,    CHAPITRE    XVII 

mécaniquement  formées  en  vertu  d'un  ordre  obsohiment  conven- 
tionnel assigné  aux  lettres,  on  l'ait  correspondre  des  idées  classées 
dans  un  ordre  plus  ou  moins  naturel  et  logique?  Quant  à  la 
facilité  d'une  telle  nomenclature,  l'exemple  des  noms  de  nombre 
et  celui  des  noms  de  couleurs  permettent  d'en  juger.  Ils  montrent 
bien  plutôt  la  difficulté  énorme,  pour  ne  pas  dire  l'impossibilité, 
qu'il  y  aurait  à  retenir  le  sens  de  ces  combinaisons  phonétiques 
si  semblables;  et  la  seule  facilité  qu'elles  offrent  est  la  facilité  de 
les  confondre  entre  elles. 

La  grammaire  est  entachée  du  même  défaut.  D'abord,  elle  est 
trop  synthétique,  surtout  dans  la  conjugaison,  où  chaque  lettre 
a  une  signification  propre  (temps,  mode,  voix,  degré),  ce  qui 
exige  une  analyse  logique  impossible  à  la  simple  audition.  En 
outre,  toutes  les  flexions  se  ressemblent,  et  se  réduisent  aux 
5  voyelles  ;  il  faudrait  une  mémoire  exceptionnelle  pour  se  rap- 
peler les  sens  que  la  même  voyelle  reçoit  ;  1"  dans  la  déclinaison  ; 
2°  comme  préfixe  verbal;  3°  comme  suffixe  verbal;  et  cette  mulli- 
plicité  de  sens  ne  paraît  guère  conforme  à  la  logique  *.  D'ailleurs, 
pour  rester  fidèle  à  la  logique,  il  n'est  pas  indispensable  de 
prendre  le  contre-pied  des  langues  naturelles,  et  d'indiquer  les 
temps  par  des  préfixes,  plutôt  que  par  des  terminaisons.  On  ne 
voit  pas  non  plus  pourquoi  la  logique  exigerait  la  perpétuelle 
succession  des  mômes  lettres,  et  imposerait  aux  mots  une  clas- 
sification alphabétique.  Enfin  l'alphabet  lui-môme  est  trop  com- 
pliqué et  trop  peu  international  :  combien  de  peuples,  combien 
de  personnes  môme  seraient  capables  de  distinguer  dans  la  pro- 
nonciation et  à  l'audition  deux  m,  deux  n,  deux  1  et  deux  r?  Ren- 
dons du  moins  cette  justice  à  l'auteur,  qu'il  ne  prétend  pas  créer 
à  lui  seul  la  L.  1.,  et  se  borne  à  proposer  un  projet  ou  plutôt  un 
plana  une  «  corporation  de  logiciens  ». 

1.  De  même,  les  voyelles  e,  1,  qui  marquent  le  genre  dans  les  noms, 
marquent  la  direction  dans  les  prépositions. 


CRITIQUE    GENERALE 


Les  langues  a  priori  ont  poui"  défaut  capital  d'être...  a  priori^ 
t  est-à-dire  de  ne  tenir  aucun  compte  des  langues  vivantes,  ni 
dans  leur  matière,  ni  dans  leur  forme.  Dans  leur  matière, 
attendu  quelles  adoptent  des  radicaux  entièrement  nouveaux  et 
forgés  de  toutes  pièces,  qui  ne  rappellent,  môme  de  loin,  aucun 
mot  connu:  dans  leur  forme,  car  elles  adoptent  pour  leur  gram- 
maire des  flexions  tout  à  fait  arbitraires etsystématiques,  qui  ne 
ressemblent  nullement  aux  flexions  des  langues  indo-européennes, 
même  pas  parleur  place.  Il  en  résulte  que  chacun  de  ces  projets 
soffre  comme  une  langue  absolument  nouvelle,  et  par  conséquent 
très  difficile  à  apprendre,  aussi  difficile,  pour  le  moins,  qu'une 
langue  étrangère  quelconque,  car  si  elle  a  sur  celle-ci  (en  général) 
lavantage  énorme  de  la  régularité  (sinon  toujours  de  la  simpli- 
cité), elle  a  en  revanche  le  désavantage,  aussi  considérable,  de 
dérouter  toutes  nos  habitudes  de  langage  et  môme  d'esprit.  Ces 
langues  sont  donc  condamnées  d'avance  par  leur  principe 
même,  au  point  de  vue  pratique,  car  pour  réussir  à  se  faire 
nilopter,  la  L.  I.  doit  être  notablement  plus  facile  que  les  lan- 
gues naturelles  (européennes). 

Peut-être  toutefois  serait-on  tenté  de  passer  sur  ce  grave 
inconvénient,  si  l'une  de  ces  langues  présentait  un  avantage  théo- 
rique immense  et  incontestable,  si  elle  pouvait  fournir  l'expres- 
sion parfaite  de  nos  idées  et  devenir  un  auxiliaire  de  l'esprit,  une 
«  algèbre  de  la  pensée  »  (Letellier).  Mais  il  n'en  est  rien;  et  c'est 
<e  qu'il  importe  de  montrer,  moins  pour  réfuter  des  systèmes 
«[ui  n'ont  aucune  chance  de  succès  que  pour  décourager  les 
futurs  inventeurs  qui  seraient  tentés  d'en  élaborer  de  sembla- 
bles. 

Les  langues  philosophiques  reposent  toutes  sur  une  classifica- 

CoCTfBAT  et  Leau.  —  Langue  univ.  o 


1 1 4  SECTION    I 

tion  logique  de  nos  idées,  sur  une  analyse  complèfe  do  nos  con- 
naissances; elles  présupposent  donc  une  connaissance  parfaite 
du  monde  physique  et  moral,  ou,  comme  disaient  Descartes  et 
Leibniz,  elles  dépendent  de  la  vraie  philosophie  '.  Or  il  est  clair 
que  les  sciences  et  la  philosophie  no  seront  jamais  achevées;  il 
est  même  douteux  qu'elles  soient  jamais  assises  sur  des  prin- 
cipes fixes  et  inébranlables,  car  les  progrès  qu'elles  font  amèneiil 
une  revision  et  une  réforme  de  ces  principes.  Mémo  les  math(''- 
matiques,  que  les  profanes  considèrent  comme  la  science  certaine 
et  immuable,  ont  subi  une  refonte  complète  dei)uis  un  demi- 
siècle,  et  commencent  seulement  à  découvrir  leurs  propres  prin- 
cipes logiques,  qu'on  ne  peut  encore  considérer  comme  définiti- 
vement formulés.  S'il  en  est  ainsi  des  sciences  t  exactes  »,  que 
dire  des  sciences  expérimentales,  où  des  découvertes  nouvelles 
peuvent  bouleverser  les  cadres  anciens,  amener  à  identifier  ce 
qui  était  distinct,  à  distinguer  ce  qui  paraissait  identique,  ouvrir 
des  domaines  inconnus  et  créer  des  sciences  nouvelles?  Une 
classification  logique  serait  à  la  merci  de  tous  ces  progrès;  et  il 
ne  suffirait  pas,  pour  l'y  adapter,  de  réserver,  comme  quelques 
auteurs  prudents,  mais  naïfs,  des  cases  vides  pour  les  concepts 
nouveaux;  il  faudrait  la  remanier  de  fond  on  comble,  et  avec  elle 
la  nomenclature  qui  en  dépendrait.  Pour  montrer  combien  il  est 
téméraire  de  prétendre  fixer  une  nomenclature  logique,  il  suffit 
d'un  exemple  bien  simple.  Les  auteurs  de  la  nomenclature 
chimique  créée  à  la  fin  du  xviii°  siècle  croyaient  énoncer  des  pro- 
priétés essentielles  et  incontestables  de  l'oxygène  et  do  Vazote  on 
attribuant  ces  deux  noms  aux  principaux  gaz  de  l'atmosphère. 
Or  ces  noms  sont  devenus  des  contresens  on  moins  d'un  siècle  : 
pour  la  chimie  moderne,  c'est  l'hydrogène  qui  devrait  s'appeler 
oxygène,  car  c'est  lui  qui  caractérise  les  acides  ;  et  quant  à  l'azote, 
on  lui  donnerait  un  nom  tout  contraire,  car  c'est  l'élément  le  plus 
essentiel  des  êtres  vivants.  Tel  est  le  danger  dos  nomenclatures 
idéologiques,  qui  essaient  d'incorporer  la  définition  de  l'objet 
dans  le  nom  qu'on  lui  donne. 

Ce  genre  de  nomenclature  a  un  autre  inconvénient  :  c'est  la 
longueur  et  la  complication  des  mots  qu'on  est  amené  à  former 
pour  désigner  les  notions  tant  soit  peu  complexes.  Ici  encore, 

1.  Il  convient  de  rappeler  que  pour  ces  auteurs  la  philosophie  représentait 
l'ensemble  des  sciences. 


CRITIQUE  GENERALE  1  1  ^ 

la  nomenclature  chimique  nous  fournit  un  exemple  et  un  argu- 
ment; on  sait  que  celte  nomenclature,  justement  parce  qu'elle 
pr<''tend  traduire  la  composition  d'un  corps  par  son  nom,  aboutit 
à  former  des  mots  d'une  longueur  fantastique,  qui,  difficiles  à 
retenir,  impossibles  à  énoncer,  rebutent  les  savants  eux-mêmes 
et  condamnent  à  leurs  yeux  ce  système  de  nomenclature,  qui  ne 
date  pas  de  vingt  ans. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  ne  s'applique  qu'aux  langues 
l)hilosophiques,  c'est-à-dire  fondées  sur  une  classification 
logique.  Mais  cette  critique  vaut,  à  plus  forte  raison,  pour  les 
langues  a  priori  non  philosophiques  (Solrésol,  Chabé,  etc.),  car 
elles  reposent  sur  une  classification  empirique  et  arbitraire  des 
idées;  elles  n'ont  donc  même  pas  l'excuse  de  la  recherche 
logique  et  de  l'apparence  scientifique^ 

Si  nous  voulons  préciser  un  peu,  nous  trouvons  que  la  plupart 
des  langues  philosophiques  (en  tout  cas,  les  plus  complètes  : 
Letellier,  Sotos  Ociiaxdo)  reposent  sur  une  classification  par 
(jenres  et  par  espèces.  Or  c'est  une  erreur  de  croire  que  toutes  nos 
idées  puissent  être  classées  de  cette  manière;  et  il  faut  bien 
dénoncer  cette  erreur,  puisque,  malgré  ou  à  cause  de  son  anti- 
quité (elle  remonte  à  Aristote),  elle  règne  encore  dans  les  cours 
dé  philosoi)hie.  En  effet,  il  y  a  bien  d'autres  principes  de  classi- 
fication que  la  relation  de  l'espèce  au  genre  ;  citons,  par  exemple, 
la  classification  qui  procède  du  tout  aux  parties,  la  classification 
généalogique,  la  classification  hiérarchique,  etc.  '.  La  relation 
du  corps  humain  à  ses  parties  n'est  pas  celle  du  genre  humain 
aux  diverses  races  humaines  qui  en  sont  les  c  espèces  »  logiques; 
elle  n'est  pas  non  plus  celle  de  l'a'ieul  à  ses  descendants,  ni  celle 
du  colonel  aux  commandants  et  aux  capitaines  qui  sont  sous  ses 
ordres.  En  réalité,  les  classifications  soi-disant  logiques  font 
intervenir  tour  à  tour  ces  diverses  relations;  mais  elles  admet- 
tent ainsi  une  hétérogénéité  qui  ruine  leur  uniformité  et  leur 
symétrie  apparentes  '^. 

Sans  doute,  certains  projets  {Lingualumina,  SpoJdl)    semblent 


i.  Cf.  Durand  (de  Gros)  :  Aperçus  de  taxinomie  générale  (Paris,  Alcan, 
18!)<.)). 

2.  On  pourrait  sans  doute  imaginer  des  caractéristiques  grammaticales 
qui  permettent  de  distinguer  ces  divers  principes  de  classification;  mais 
t'ii  fait  aucun  auteur  ne  s'en  est  avisé  jusqu'ici,  et  cela  compliquerait  encore 
la  formation  des  mots. 


1  i  6  SECTION  I 

éviter  cet  écueil,  en  composant  leurs  mots  d'éléments  caracté- 
ristiques (lettres  ou  combinaisons  de  lettres)  qui  correspon 
dent  à  des  idées  simples.  Mais  (outre  qu'aucun  de  ces  projets 
ne  comporte  une  classification  complète  des  idées  suivant  ce 
principe),  ils  supposent  que  toutes  nos  idées  se  forment  par 
des  combinaisons  homogènes  d'idées  simples,  ce  qui  est  faux. 
Lorsque  Dver,  par  exemple,  forme  le  mot  delta  =  mouvement 
au  moyen  des  éléments  d  =  variation,  1  =  espace  et  t  =  temps,  il 
suppose  cette  définition  du  mouvement  :  «  variation  dans  l'espace 
et  dans  le  temps  »;  or  si,  dans  cette  formule,  on  supprime  les 
mots  en  italiques,  on  la  rend  inintelligible,  parce  qu'on  sujjprime 
la  relation  spéciale  qui  unit  les  trois  éléments;  et  cette  relation 
n'est  pas  symétrique,  car  si  l'on  permute  ces  trois  termes,  la 
formule  devient  un  non-sens.  Par  conséquent,  combiner  des 
idées  par  simple  juxtaposition,  comme  si  elles  étaient  homo- 
gènes, c'est  négliger  la  diversité  des  relations  qui  les  unissent, 
c'est-à-dire  l'élément  le  plus  important  de  l'idée  composée,  car 
c'est  lui  qui  détermine  le  sens  de  celle-ci.  Ainsi  ces  systèmes 
méconnaissent,  comme  les  systèmes  à  classification  logique, 
l'hétérogénéité  réelle  des  relations  qui  existent  entre  nos  idées'. 
Nous  venons  de  discuter  les  principes  logico-philosophiqnes 
des  langues  a  priori.  Mais  lors  même  que  ces  principes  seraient 
excellents,  ces  langues  seraient  encore  sujettes  à  critique  par  la 
manière  dont  elles  les  appliquent,  c'est-à-dire  par  leur  morpho- 
logie. En  efïet,  comment  les  langues  a  priori  traduisent-elles  en 
mots  leurs  classifications,  bonnes  ou  mauvaises?  C'est  toujours 
par  des  combinaisons  systématiques  de  lettres  qui  équivalent. 


1.  Ces  relations  sont  exprimées,  dans  nos  langues,  d'une  part,  par  Ifs 
particules  (prépositions,  conjonctions,  adverbes  simples),  d'autre  part,  par 
la  dérivation  et  la  composition.  On  remanjucra  que  ce  défaut  des  langues 
a  priori  concorde  avec  le  peu  d'importance  que  leurs  auteurs  attachent  aux 
particules,  à  la  dérivation  et  à  la  composition.  On  peut,  il  est  vrai,  concevoir 
un  système  de  signes  propres  à  représenter  les  différentes  relations  des  idées 
qui  entrent  dans  la  composition  d'une  idée  complexe.  On  trouve  [)ar  exemple 
un  tel  symbolisme,  appliqué  aux  mathémaliiiues,  dans  le  Formulaire  de 
Matliémutigws  de  M.  Peano.  Mais  cet  exemple  même  montre  à  quelle  com- 
plication atteindrait  une  telle  pnsigraphie,  étendue  à  tous  les  ordres  d'idées, 
puisque,  pour  les  idées  rnathémati(iues  seulement,  on  est  obligé  d'emi)loyer 
une  centaine  de  symboles  différents.  En  outre,  s'il  est  vrai  qu'on  peut, 
théoriquement,  inventer  une  traduction  phonétique  de  ce  symbolisme  pour 
transformer  celte  pasigraphie  enune  langue  universelle,  on  voit  que  celle-ci 
serait  bien  peu  pratique,  car  il  faudrait  probablement  des  milliers  de  pho- 
nèmes différents,  correspondant  à  autant  d'idées  élémentaires. 


CRITIQUE   GÉNÉRALE  H7 

au  fond,  à  des  numéros  d'ordre  :  dans  tous  ces  systèmes,  les 
lettres  sont  des  nombres,  et  l'ordre  alphabétique  correspond  à 
tordre  numérique  (Vidal).  Il  y  a  une  grande  analogie  entre  ces 
langues  et  les  pasigraphies  :  les  unes  et  les  autres  numérotent  les 
idées  préalablement  classées;  seulement  les  numéros  des  unes 
sont  prononçables,  tandis  que  ceux  des  autres  ne  le  sont  pas'. 
Mais  le  principe  est  le  môme  :  c'est  la  formation  du  vocabulaire 
au  moyen  de  combinaisons  mathématiques. 

Or  ce  princii)e  a  des  conséquences  très  fâcheuses.  Chaque 
lettre  n'étant,  au  fond,  qu'un  chiffre,  n'a  pas  de  sens  par  elle- 
même  :  elle  n'en  a  que  par  la  place  qu'elle  occupe  dans  le  mot, 
et  par  les  lettres  qui  l'y  précèdent.  Deux  mots  peuvent  avoir  en 
commun  une  syllabe,  et  môme  être  semblables  à  l'initiale  près, 
et  avoir  des  sens  tout  différents,  sans  aucun  rapport  et  sans 
aucune  analogie.  Cela  est  contraire  à  l'esprit  de  nos  langues, 
et  môme,  semble-t-il,  de  toute  langue.  En  effet,  le  langage  repose 
sur  l'association,  conventionnelle  et  plus  ou  moins  arbitraire, 
sans  doute,  mais  constante  et  habituelle,  d'une  idée  à  un  son  (et 
})ar  son  il  ne  faut  pas  entendre  une  simple  lettre,  ni  surtout  une 
consonne  ou  combinaison  de  consonnes,  mais  une  syllabe,  car 
c'est  là  le  véritable  élément  phonétique).  Apprendre  une  langue 
(par  l'usage  surtout),  c'est  principalement  acquérir  les  associa- 
tions qui  donnent  à  ses  radicaux  leur  sens,  de  telle  sorte  qu'un 
radical,  vu  ou  entendu,  évoque  automatiquement  l'idée  qu'il 
exprime.  Or  cette  correspondance  uniforme  et  fixe  du  sens  au 
son  n'existe  pas  dans  les  langues  philosophiques,  et  cela  seul 
permet  d'affirmer  que  de  telles  langues  seraient  extrêmement 
difficiles,  sinon  impossibles  à  apprendre.  Leur  constitution 
méconnaît  donc  les  lois  fondamentales  de  la  linguistique  et  de 
la  psychologie. 

Elles  les  méconnaissent  encore  par  un  autre  de  leurs  principes, 
qui  est  celui-ci.  Des  idées  voisines  doivent  être  représentées  par 
des  mots  voisins;  plus  les  idées  sont  analogues,  plus  les  sons 
doivent  l'être  2,  Or  l'on  peut  soutenir,  sans  aucun  paradoxe,  le 
|)rincipe  contraire  :  plus  deux  idées  sont  semblables,  plus  les 


1.  C'est  ce  que  montre  bien  le  projet  de  Grosselin. 

2.  Remarquons  en  passant  que  la  réciproque  n'est  pas  vraie;  comme  nous 
venons  do  le  dire,  deux  mots  qui  ne  diffèrent  que  par  leur  initiale  peuvent 
navoir  rien  de  commun  pour  le  sens.  Cela  enlève  toute  valeur  pratique 
au  principe  en  question. 


118  SECTION   I 

mots  qui  les  expriment  doivent  cHre  différents.  En  effet,  plus  le 
sens  de  deux  mots  est  voisin,  plus  on  est  porté  à  les  confondre; 
et,  au  contraire,  il  y  a  moins  de  danger  à  avoir  deux  mots  sem- 
blables pour  désigner  deux  idées  très  différentes  i.  Si,  comme 
dans  les  langues  philosophiques,  on  désigne  les  idées  d'un 
même  genre  par  des  mots  qui  ne  diffèrent  que  par  une  lettre, 
cela  les  rend  d'autant  plus  dilTiciles  à  ajjprendre,  et  dautant 
plus  faciles  à  confondre.  Sans  doute  on  retiendra  aisément  leurs 
formes;  mais  on  se  rappellera  avec  peine  leurs  sens.  Pour  se 
retrouver,  par  exemple,  dans  la  nomenclature  des  corps  simples 
d'après  Sotos  Ochando,  il  ne  suffit  pas  de  savoir  la  série  de 
vocables  :  Âbaba,  ababe,  ababi....  mais  il  faut  savoir  par  cœur  la 
suite  des  noms  correspondants  :  oxygène,  hydrogène,  azote,...  sans 
en  omettre  ni  intervertir  un  seul.  Si  Ion  en  oublie  un,  on  est 
perdu;  le  nom  de  chacun  dépendant  de  son  rang,  on  se  trom- 
pera fatalement  sur  tous  les  suivants.  Il  y  a  donc  fort  peu  de 
chances  pour  qu'on  arrive  au  bout  sans  erreur,  et  il  y  en  a 
beaucoup  pour  que  l'on  confonde  le  ruthénium  et  Vosmium;  d'au- 
tant plus  que  l'ordre  assigné  aux  idées  d'une  même  classe  est 
toujours  plus  ou  moins  arbitraire  ^.  D'ailleurs,  l'ordre  assigné 
aux  lettres  de  l'alphabet  est  également  arbitraire,  et,  dans  cer- 
tains systèmes,  diffère  de  l'ordre  alphabétique,  de  sorte  qu'il 
prête,  lui  aussi,  à  des  erreurs  de  mémoire.  Et  c'est  en  juxtapo- 
sant, par  une  correspondance  arbitraire,  deux  ordres  dont 
chacun  est  déjà  par  lui-même  arbitraire,  que  l'on  prétend  cons- 
tituer un  vocabulaire  logique  et  naturel  ! 

Aussi,  quand  les  auteurs  de  ces  langues  prétendent  que  leur 
vocabulaire  n'est  pas  plus  long  ni  plus  difficile  à  apprendre  que 
la  numération,  ils  se  trompent  lourdement  :  apprendre  un  tel 
vocabulaire,  cest  sans  doute  apprendre  d'abord  un  système  de 
numération;  mais  c'est  ensuite  apprendre  le  sens  de  milliers  de 
nombres,  c'est-à-dire  les  idées  qui  leur  sont  associées  en  vertu 
d'une  correspondance  doublement  arbitraire. 

En  résumé,  les  langues  a  priori  supposent,  comme  fondement 


1.  C'est  ce  qui  permet,  dans  nos  langues,  de  distinguer  les  homonymes 
et  les  paronymes  d'après  le  contexte,  c'est-ù-dire  par  le  sens  général  de  la 
phrase;  cela  diminue  tout  au  moins  les  risques  d'équivoque  et  de  confusion. 

2.  C'est  ici  qu'on  voit  combien  l'analogie  des  nombres  est  trompeuse;  le 
sens  de  chaque  nombre  est  exactement  déterminé  par  son  rang  même  dans 
la  suite,  ce  qui  n'est  pas  vrai  pour  toutes  les  autres  séries. 


CRITIQUE  GÉNÉRALE  119 

logique,  un  ('tat  d'achèvement  ou  tout  au  moins  d'avancement 
des  sciences  qui  est  et  sera  longtemps  encore  chimérique;  et 
dans  l'application  de  la  classification  des  idées  (fût-ello  parfaite) 
à  la  rorniation  des  mots,  elles  procèdent  par  un  arbitraire  com- 
plet, que  cache  mal  l'emploi  systématique  et  monotone  de  corn- 
l)inaisons  mathématiques.  Ainsi,  dune  part,  elles  reposent  sur 
un  i)rincipe  tout  subjectif,  essentiellement  précaire  et  caduc; 
et  d'autre  part  elles  offrent  un  vocabulaire  entièrement  conven- 
tionnel, et  par  suite  extrêmement  difficile  à  apprendre.  Elles 
n'ont  donc  ni  valeur  scientifique,  ni  utilité  pratique. 


SECTION  II 

SYSTÈMES   MIXTES 


CHAPITRE   I 


LE    PUOGRAMME  DE  J.   von   GRIMM 

Les  systèmes  mixtes  comprennent  principalement  le  Volapiik 
(>t  ses  dérivés.  Toutefois,  bien  avant  l'apparition  du  Volapiik,  l'il- 
lustre philologue  Jacob  von  Grimm  avait  publié,  non  pas  un 
projet,  mais  le  plan  d'élaboration  d'une  langue  universelle  que 
nous  croyons  devoir  classer  dans  cette  section,  car,  comme  on 
va  le  voir,  si  par  beaucoup  de  points  la  langue  idéale  qu'il 
conçoit  est  a  posteriori,  par  quelques-uns  elle  se  rapproche  des 
systèmes  a  priori.  Comme  ce  document  est  très  intéressant  et 
assez  court,  nous  le  traduisons  in  extenso^. 


Programme  pour  la  formation  d'une  langue  universelle 

A  l'égard  du  grand  public,  il  sera  utile  d'exposer  : 

1°  Les  avantages  extraordinaires  qui  résulteraient  pour  tout  le 

genre  humain  de  la  formation  et  de  l'adoption  d'une  langue 

universelle  ; 
2«  Les  raisons  pour  lesquelles  aucune  des  langues  connues 

jusqu'ici  ne  peut  être  employée  à  cette  fin; 

1.  EiCHHORN,  Die   Weltsprache,  p.  8-15  (Bamberg,  1887);  Hans  Moser, 
Grundtiss  einer  Geschichle  der  Weltsprache,  p.  20-24  (Berlin-Neuwied,  1888). 


122  SECTION   II,    CHAPITRE   I 

3°  Les  causes  pour  lesquelles  tous  les  essais  faits  jusqu'ici 
dans  ce  sens  ont  nécessairement  échoué; 

4"  Les  difficultés  attachées  à  l'exécution  de  ce  projet. 

A  regard  des  penseurs,  ce  serait  prendre  leur  temps  et  perdi<' 
son  temps,  et  comme  le  présent  écrit  leur  est  exclusivement  des- 
tiné, je  commence  sans  autre  préambule  l'exposé  de  mon  plan. 

Le  programme  devrait  poser  à  peu  prés  les  principes   sui- 
vants : 
Quelles  propriétés  doit  posséder  la  langue  universelle? 

I.  Elle  doit  être  rigoureusement  logique,  c'est-à-dire  : 

A.  Chaque  mot  doit  désigner  précisément  et  sans  équivoque  le 
concept  correspondant  (quand  la  langue  universelle  n'aurait  pas 
d'autre  avantage  que  de  remédier  aux  confusions  d'idées  qui 
naissent,  dans  toutes  les  langues,  de  la  signification  vague  de 
tant  de  mots,  la  peine  qu'on  y  aurait  dépensée  serait  ample- 
ment payée). 

B.  La  formation  des  mots,  la  dérivation  et  la  composition 
doivent  avoir  lieu  d'après  des  règles  déterminées,  aussi  simples 
que  possible,  de  sorte  qu'aucun  doute  ne  puisse  s'élever  sur  la 
signification  des  mots  dérivés  ou  composés. 

II.  Elle  doit  être  d'une  richesse  illimitée. 

A.  La  richesse  du  vocabulaire  résulte  déjà  naturellement  de  la 
condition  précédente.  Car  ce  serait  une  superfluité  fâcheuse  que 
d'avoir  plusieurs  mots  pour  le  môme  concept;  mais  si  chaque 
mot  doit  désigner  exactement  le  concept  correspondant,  il  va  de 
soi  que  chaque  nuance  du  môme  concept  doit  être  désignée  par 
un  autre  mot,  ou  par  une  syllabe  de  dérivation,  ou  par  une 
épithète. 

B.  La  variété  de  l'ordre  des  mots  est  indispensable  pour 
l'expression  juste  de  la  pensée.  L'ordre  des  mots  de' la  langue 
universelle  doit  être  également  éloigné  de  la  dispersion  arbi- 
traire des  mots  en  latin  et  des  règles  restrictives  de  beaucoup 
de  langues  vivantes.  11  doit  permettre  toutes  les  inversions;  mais 
chacune  de  ces  inversions  doit  avoir  un  sens  et  une  intention. 

C.  Une  conséquence  nécessaire  de  la  richesse  est  la  grande 
flexibilité  et  maniabilité. 

III.  Elle  doit  être  harmonieuse,  et  également  appropriée  à  la 
poésie  et  au  chant. 

La  langue  italienne  est  généralement  reconnue  comme  la  plus 


LE  PROGRAMME  DE  J.  VON  GRIMM  123 

harmonieuse,  et  si  nous  cherchons  la  cause  de  cette  qualité, 
nous  la  trouvons  lians  cotte  propri«''té,  que  la  plupart  dos  syllabes 
se  composent  seulement  d'une  consonne  suivie  dune  voyelle,  et 
que  presque  tous  les  mots  se  terminent  par  une  voyelle. 

Nous  trouvons  aussi  la  promiôro  propriété  dans  lo  hongrois  et 
dans  le  turc,  qui  pourraient  être  rangés  après  l'italien  à  l'égard 
de  l'harmonie.  Mais  beaucoup  de  finales  de  ces  deux  langues  se 
terminent  i)ar  une  consonne.  Cela  peut  donner  à  la  langue  un 
caractère  plus  roijuste  et  plus  mâle;  cela  parait  aussi  désirable 
pour  la  variété  des  rimes.  Mais  en  hongrois,  par  exemple,  la 
dernière  lettre  est  très  fréquemment  un  k,  lettre  dont  la  répéti- 
tion est  dure  à  l'oreille.  11  sera  facile  de  choisir  un  juste  milieu 
et  de  réunir  ainsi  tous  les  avantages. 

IV.  Elle  doit  être  extrêmement  facile  à  apprendre,  à  parler  et 
à  écrire. 

A.  Pour  qu'elle  soit  facile  à  apprendre,  il  faut  que  non  seule- 
mont  les  flexions,  dérivations  et  compositions  se  fassent  suivant 
dos  règles  déterminées,  mais  encore  que  l'arbitraire  soit  exclu 
autant  que  possible  de  la  formation  dés  racines;  et  là  mémo  où 
cet  arbitraire  est  inévitable,  il  faut  qu'on  puisse  au  moins  donner 
la  raison  pour  laquelle  on  choisit  telle  expression  et  non  une 
autre. 

Par  exemple,  chaque  lettre  devra  posséder  un  certain  carac- 
tère, ou  plut(M  certains  caractères.  En  dehors  dos  lettres  qui  pei- 
gnent les  sons,  je  ne  connais  que  deux  lettres  qui  me  paraissent 
avoir  un  certain  caractère  :  R  pour  ce  qui  est  rond,  et  L  pour  ce 
qui  est  fluide,  ce  qui  coule.  On  devra  donc  assigner  arbitraire- 
ment un  caractère  aux  lettres.  Mais  cela  pourrait  et  devrait  se 
faire  toujours  d'après  certaines  lois;  par  exemple,  de  la  manière 
suivante. 

Le  latin  paraît  être  la  langue  la  plus  propre  à  servir  de  fil  con- 
ducteur dans  la  formation  des  racines  primordiales.  Elle  a 
l'avantage  : 

1°  D'être  une  langue  morte  ; 

2°  D'être  étroitement  apparentée  à  toutes  les  familles  de  langues 
indo-européennes  ; 

3^  D'être  connue  au  moins  des  savants  de  toutes  les  nations. 

Si  maintenant  je  choisis  le  mot  latin  spatium  pour  en  former 
le  mot  de  la  langue  universelle  qui  doit  exprimer  l'idée  d'espace, 
j'en  formerai  sapai,  que  je  justifierai  comme  suit.  J'emploie  dans 


124  SECTION   II,    CHAPITRE   I 

ce  mot  une  voyelle  qui  représente  l'idée  d'étendue.  J'emploie  de 
plus  trois  consonnes,  dont  la  première  représente  l'idée  de  lon- 
gueur, la  seconde  celle  de  largeur,  et  la  troisième  celle  de  hau- 
teur. Quiconque  aura  entendu  cela  une  fois  ne  l'oubliera  jamais 
de  sa  vie.  La  circonstance  que  s  l'orme  le  contraire  de  t  devra  être 
érigée  en  règle  pour  tous  les  autres  cas  où  l'on  attribuera  à  s  un 
autre  caractère.  La  formation  des  mots  sera  extraordinairement 
simplifiée  et  facilitée  par  le  fait  que  chaque  lettre  aura  son 
opposée  '. 

Si  par  exemple  je  veux  former  d'après  le  mot  tempiis  le  mot  qui 
doit  représenter  l'idée  de  temps  dans  la  langue  universelle,  je 
choisirai  ternes.  Ici  la  lettrée  reçoit  le  caractère  de  la  succession: 
t  celui  du  passé,  m  celui  du  présent,  et  s  celui  de  l'avenir;  par  où 
s  forme  encore  l'opposé  de  t. 

On  ne  disconvient  pas  que  l'exécution  conséquente  d'un  tel 
système  est  extraordinairement  difficile,  peut-être  même  impos- 
sible ;  mais  il  ne  s'agit  pas  d'exprimer  les  idées  par  des  formules 
algébriques;  il  s'agit  seulement  de  se  rapprocher  de  certte  expres- 
sion autant  que  possible,  et  autant  que  l'euphonie  le  comporte, 
pour  régler  la  formation  des  racines  et  en  faciliter  l'apprentis- 
sage. 

B.  Pour  qu'elle  soit  facile  à  parler,  elle  doit  exclure  tous  les 
sons  difficiles  à  prononcer  pour  telle  ou  telle  nation,  par 
exemple  les  nasales,  ch  ^,  mn,  sm,  etc.  J'excepterais  sch  ^,  bien 
que  les  Grecs  ne  le  prononcent  pas;  parce  que  :  1°  ce  son  est  très 
caractéristique  ;  2°  il  apporte  beaucoup  de  variété  dans  le  son  de 
la  parole;  3°  il  est  indispensable  pour  beaucoup  de  mots  qui  pei- 
gnent le  son;  et  4°  il  est  si  facile  à  prononcer,  que  les  gens  en 
apprendront  aisément  la  prononciation,  avec  un  peu  de  bonne 
volonté. 

C.  Pour  qu'elle  soit  facile  à  écrire,  il  suffit  que  chaque  lettre 
ait  sa  prononciation  invariable,  et  que  chaque  mot  s'écrive 
exactement  comme  il  se  prononce. 

Les  travaux  devraient  probablement  être  entrepris  dans  l'ordre 
suivant  : 

1.  Cette  idée  de  lettres  opposées  (par  convention)  se  trouve  déjà  chez 

WlLKINS. 

2.  Le  ch  allemand  (aspiration  gutturale). 

3.  Le  ch  français  (chuintante). 


LE  PROGRAMME  DE  J.  VON  GRIMM  125 

1"  Fixation  des  parties  du  discours  et  de  leurs  domaines.  Par 
<'xemplc,  il  faudra  bien  ('tudicr  les  questions  suivantes  :  L'article 
doit-il  tHre  oiuployé,  quand  et  comment?  Doit-on  enq)loyer  des 
prépositions  ou  des  suffixes,  ou,  si  l'on  a  les  deux,  dans  quels 
cas?  Le  gérondif  est-il  nécessaire?  A-t-on  besoin  de  verbes 
auxiliaires,  et  desquels? 

2"  Fixation  des  flexions  et  variations  que  doit  subir  chaque 
partie  du  discours. 

Ici  on  devra  procéder  d'une  manière  critique,  par  exemple, 
comparer  le  verbe  anglais  au  verbe  latin  et  arabe,  peser  les 
avantages  et  inconvénients  de  chacun,  etc. 

'^"  Fixation  des  règles  suivant  lesquelles  on  devra  former  une 
partie  du  discours  en  partant  d'une  autre. 

Par  exemple,  le  nom  doit-il  toujours  être  formé  du  verbe,  ou 
inversement?  Ou  bien  :  La  racine  doit-elle  être  toujours  formée 
du  concept  primitif,  ou  peut-être  du  concept  abstrait? 

C'est  la  partie  du  travail  que  je  regarde  comme  la  plus  difficile. 
Elaborer  un  tel  système  xl'une  manière  indépendante  et  d'un  seul 
jet  ne  peut  être  que  l'œuvre  d'un  seul,  et  surpasse  les  forces 
humaines.  Par  suite  il  ne  restera  plus  qu'un  moyen  :  rechercher 
la  marche  que  l'esprit  humain  a  suivie  dans  le  développement 
des  langues.  Mais  dans  le  développement  de  toutes  les  langues 
civilisées,  les  influences  extérieures  accidentelles  et  l'arbitraire 
injustifié  ont  eu  tant  de  pouvoir,  qu'une  telle  étude  peut  tout  au 
plus  servir  à  montrer  les  écueils  qu'il  faut  éviter.  De  toutes  les 
langues  que  je  connais,  le  hongrois  est  celle  qui  a  le  mieux  con- 
servé son  originalité.  Aussi  l'élude  de  ses  dérivations  (qui  sont 
l>resque  toujours  remarquablement  logiques),  ainsi  que  l'histoire 
de  la  transformation  qu'elle  a  subie  dans  les  années  1820-1840, 
seront  ici  de  grande  utilité. 

i"  Fixation  des  règles  suivant  lesquelles  les  racines  devront 
être  formées. 

;i"  Formation  de  ces  racines. 

Ce  qui  reste  alors  à  faire  ne  me  paraît  qu'un  jeu  d'enfant  en 
comparaison  avec  ce  qui  précède;  et  si  ces  cinq  questions  sont 
résolues  à  la  satisfaction  générale,  il  ne  reste  à  mon  avis  aucun 
<loute  sur  le  succès  complet  de  cette  grande  œuvre. 

Fera,  le  10  janvier  1860. 

J.  VON  Grimm. 


126  SECTION   II,    CHAPITRE   I 


Critique. 


Presque  toutes  les  conditions  que  Grimm  impose  à  la  langue 
universelle  idéale  nous  paraissent  fort  judicieuses  et  fort  pra- 
tiques, et  les  langues  a  posteriori  n'ont  guère  fait  que  réaliser  ce 
programme,  dans  la  mesure  même  de  leur  degré  de  perfection. 
11  ny  a  qu'une  seule  prescription  qui  soit  regrettable,  parce  que 
son  application  détruirait  tous  les  avantages  qui  seraient  la  con- 
séquence des  autres  :  c'est  celle  qui  tend  à  constituer  les  racines 
en  «  assignant  arbitrairement  un  caractère  »  à  chaque  lettre.  Sans 
doute,  on  ne  peut  nier  qu'à  l'origine  des  langues  indo-euro- 
péennes il  n'y  ait  eu  une  correspondance  naturelle,  plus  ou  moins 
latente,  entre  les  sons  et  les  objets;  que,  par  exemple,  r  seml)le 
exprimer  le  mouvement,  la  rapidité,  le  roulement,!  (ou  plutôt  fl) 
la  fluidité,  st  le  repos,  l'arrêt,  etc.  *.  Mais  ces  analogies  sont  si 
lointaines  et  si  flottantes  que  l'on  n'est  même  pas  d'accord  sur  la 
signification  de  telle  lettre  (nous  en  donnons  un  exemple  pourr, 
que  nous  interprétons,  avec  Platon,  autrement  que  Grimm).  Et 
les  idées  ainsi  associées  aux  lettres  sont  si  vagues  et  si  confuses 
qu'on  ne  peut  espérer  constituer  avec  elles  ce  que  Leibniz  appelait 
Y  Alphabet  des  pensées  humaines.  Comment  veut-on  qu'avec  25  ou 
30  idées  très  générales  on  compose  toutes  les  idées  particulières 
que  l'esprit  le  plus  vulgaire  emploie  journellement?  Grimm  lui- 
même  entrevoit  que  ce  système  est  d'une  exécution  impossible 
D'ailleurs,  il  avoue  que  cela  introduirait  l'arbitraire  dans  la 
formation  des  racines,  alors  qu'il  veut  l'en  exclure  autant  que 
possible,  et  obligerait  à  assigner  plusieurs  sens  à  chaque  lettre. 
Les  exemples  mêmes  qu'il  donne  confirment  cette  critique.  Les 
3  consonnes  du  mot  sapât  représenteront  respectivement  les 
trois  dimensions  de  l'espace,  dit-il.  Mais,  d'autre  part,  deux 
d'entre  elles  figurent  dans  le  mot  ternes  -,  où  elles  représentent 
le  passé  et  l'avenir.  En  outre,  ces  consonnes  ont  des  sens  opposés 
dans  un  cas,  mais  non  dans  l'autre  :  est-ce  que  la  longueur 
est  l'opposé  de  la  profondeur?  D'ailleurs,  ce  n'est  que  par  des 
conventions  arbitraires  que  l'on  peut  ainsi  accoupler  les  con- 

1.  Cf.  Opuscules  et  fragments  inédits  de  Leibniz,  éd.  Couturat,  p.  151  ; 
Leibniz,  Nouveaux  Essais,  III,  ii,  §  1,  et  le  Cratyle  de  Pl.\ton. 

2.  Pourquoi  temes  plutôt  que  temp  ou  tempor?  * 


LE   PROGRAMME   DE   J.    VON   GRIMM  127 

sonnes  en  antithèses.  De  même  pour  les  voyelles  :  lorsqu'on  na 
(jue  ')  ou  6  voyelles  à  sa  disposition,  peut-on  en  consacrer  une  à 
signifier  l'étendue,  et  une  autre  à  signifier  la  successioni  Évideni- 
luent  non.  Il  en  résulte  que  chaque  lettre  changera  de  sens  d'un 
mot  à  l'autre,  de  sorte  que  son  sens  sera,  pratiquement,  déter- 
miné par  le  sens  de  la  racine  où  elle  figure,  et  non  celui  de  la 
racine  par  celui  des  lettres  qui  la  constituent  •.  Concluons  donc 
que  les  véritables  véhicules  des  idées  ne  sont  pas  les  lettres, 
mais  les  syllabes  et  les  racines.  Dés  loi-s,  si  l'on  veut  «  exclure 
lout  arbitraire  »  du  choix  des  racines,  on  n'a  qu'à  les  emprunter 
aux  langues  naturelles,  au  latin,  si  l'on  veut.  Avec  cette  correc- 
tion caiiitale  et  indispensable,  on  peut  dire  que  le  programme 
(le  Grimm  est  parlait.  Mais  en  même  temps  on  le  purge  de  tout 
principe  a  priori,  et  il  devient  le  programme  d'une  langue  a  pos- 
teriori. On  verra  qu'il  existe  de  telles  langues  qui  se  rapprochent 
en  etïot  l)eaucoup  de  l'idéal  de  Grimm,  et  qui  remplissent  toutes 
les  conditions  de  son  programme,  excepté  celle  que  nous  venons 
(le  critiquer. 

1.  On  rouuiniucra  ([uo  co  systcnio  de  formation  des  racines  a  été  adopté 
par  le  Spokil.  Aussi  la  crili(|ue  (|IK'  nous  en  faisons  porle-t-elle  contre  le 
SpoJcil  et  contre  lout  système  analojrue. 


CHAPITRE   II 


SGH LEVER  :    VOLAPUK  ' 

L'auteur  du  Volapûk  est  Monseigneur  Schleyer,  né  le  18  juil- 
let 1831  à  Obcrlauda  (Bade),  curé  de  Litzelsteltcn,  près  Cons- 
tance, et  prélat  romain  ^  Ses  admirateurs  lui  attribuent  la  con- 
naissance de  plus  de  oO  langues  ^  Ils  vantent  aussi  ses  talents  de 
poète  et  de  musicien.  L'invention  du  Volapûk  serait,  à  ce  qu'on 
raconte,  le  fruit  d'une  inspiration  soudaine  et  presque  miracu- 
leuse, survenue  dans  une  nuit  d'insomnie,  le  31  mars  1879. 
Mgr  SciiLEYER  a  été  inspiré  par  les  mobiles  philanthropiques  les 
plus  élevés  :  il  s'est  proposé  de  contribuer  à  l'union  et  à  la  fra- 
ternité des  hommes;  il  considère  son  invention  comme  une 
«  grande  œuvre  de  paix  »,  comme  «  un  des  meilleurs  moyens  do 
réaliser  l'union  des  peuples  »,  et  il  la  destine  à  «  tous  les  habi- 
tants cultivés  de  la  terre  ».  La  devise  du  Volapûk  :  Menade  bal 
puki  bal  :  A  une  humanité  une  langue!  a  été  souvent  mal  comprise; 
on  a  cru  à  tort  qu'elle  visait  l'unité  de  langue  dans  l'humanité. 
L'auteur  déclare  expressément,  dans  la  Préjace  de  la  f®  édition 
de  sa  Grammatik,  qu'on  peut  fort  bien  concilier  l'amour  de  sa 
patrie  et  l'amour  de  l'humanité.  Il  avait  d'abord   inventé  un 

1.  Grammatik  der  Universahprache  fur  aile  Erdbewohner,  vom  Erflnder 
dorsclben,  Johann  Martin  Schleyer,  5"  éd.,  Konstanz,  1883  (contient  un 
lexique  double).  La  3°  éd.  (1883)  est  la  plus  complète.  Wôrlerhucli  der 
Universalsprache,  etc.  —  Aug.  Iverckhoffs  :  Cours  complet  de  Volapù/c 
(1883).  Grammaire  abrégée  de  Volapûk  (1886).  DiAionnaire  Volapiik- 
Français  et  Français-Volapûk,  précédé  d'une  grammaire  complète  de  la 
langue  (1887).  Paris,  Le  Soudier. 

2.  Depuis  la  fondation  AnBureau  central  du  Volapûk  (l88o),  Mgr  Schleyer 
habile  Constance,  où  il  vit  toujours,  bien  que  les  journaux  aient  annoncé 
trois  fois  sa  mort.  11  a  reçu  en  1894  le  titre  de  camérier  secret  du  pape. 

3.  Ce  nombre  s'élève  maintenant  à  83.  d'après  des  prospectus  que  nous 
avons  reçus  récemment  du  Bureau  central  du  Volapûk  à  Constance. 


SCHLEYER    .'    VOLAPÛK  129 

alphabet  universel  pour  la  correspondance  internationale  et  la 
transcription  des  noms  étrangers  (1878),  et  c'est  ainsi  qu'il  fut 
amené  à  concevoir  et  à  réaliser  une  langue  universelle,  pour  dis- 
penser les  hommes  de  science,  les  voyageurs  et  les  commerçants 
de  l'éludi^  longue  et  difficile  des  langues  étrangères.  Le  dévelop- 
pement des  moyens  de  communication,  l'union  postale  univer- 
selle, etc.,  lui  paraissaient  entraîner  nécessairement  l'adoption 
d'une  écriture,  d'une  langue  et  d'une  grammaire  universelles. 
Toutes  les  langues  nationales  ont  do  graves  défauts  et  des  diffi- 
cultés sans  nombre  *.  Il  faut  au  contraire  que  la  langue  univer- 
selle ait  une  grammaire  absolument  régulière  et  rationnelle. 
Quant  à  la  source  à  laquelle  ses  éléments  ont  été  puisés,  elle  est 
indiquée  expressément  dans  le  premier  paragraphe  des  Généra- 
lités de  la  Grammaire  (§  38,  5°  éd.)  :  «  La  langue  universelle  a  pour 
l)ase  la  langue  anglaise  populaire,  parce  que  celle-ci  est  la  plus 
répandue  de  toutes  les  langues  des  peuples  civilisés  (abstraction 
faite  de  son  orthographe  trop  embrouillée).  » 


Grammaire. 

L'alphabet  du  Volapûk  comprend  28  lettres,  8  voyelles  :  a,  e,  i, 
0,  u  (ou),  à  (è),  ô  (eu),  ù  (u  français);  et  20  consonnes  :  b,  c  (tch), 
d.  f,  g  (toujours  dur),  h  (c/i  allemand),  j  (c/i  français),  k.  l,  m,  n, 
p.  r,  s.  t.  V,  X  (toujours  ks),y  (comme  dansyeua;),  z  (ts);  auxquelles 
il  faut  ajouter  Yesprit  rude  '  (G.  ;  h  aspirée)  2. 

Chaque  lettre  a  toujours  un  seul  et  même  son;  les  voyelles 
sont  toujours  longues.  Il  n'y  a  pas  de  diphtongues.  Pour  régler 
l'orthographe  et  la  prononciation,  l'auteur  prévoit  linstitution 
d'une  Académie  internationale  de  langue  universelle  '. 

L'accent  porte  toujours  sur  la  dernière  syllabe  de  chaque  mol. 

Il  y  a  un  article  défini  el,  et  un  article  indéfini  un,  mais  on  ne  doit 
les  employer  qu'en  cas  d'absolue  nécessité,  ou  dans  une  traduc- 
tion littérale.  Ex.  :  no  vilob  eli  buki.  sod  uni  buki  =je  ne  veux  pas 

1.  Dans  sa  Grammaire,  Mgr  Sohleyer  énumère  les  principaux  défauts  des 
anguos  naturelles  (vivantes  ou    mortes),  et  les  avantages  de  sa   langue 

artilloielle. 

2.  Cet  alphabet  fait  partie  de  V Alphabet  universel,  qui  comprend  10  lettres 
de  plus  (soit  38  en  tout),  et  qui  devait  servir  à  la  transcription  phonétique 
des  noms  propres  de  toutes  les  langues  (Voir  le  Vocabulaire). 

3.  Voir  VHistorique. 

CouTCRAT  et  Leau.  —  Langue  univ.  J 


130  SECTION   II,    CHAPITRE  II 

le  livre,  mais  un  livre.  Les  articles  se  déclinent  comme  les  sub- 
stantifs. Dans  la  pratique,  ces  deux  articles  sont  inusités;  Varticle 
indéfini  se  traduit  en  cas  de  nécessité  par  sembal  (quelqu'un). 

Les  substanlifs  se  déclinent  au  moyen  des  voyelles-suffixes  -a 
(génitif)  ',  -e  (datif),  -i  (accusatif).  Ils  prennent  en  outre  -s  au  plu- 
riel. Exemple  :  dom,  la  maison. 


Sir 

igiilier. 

Pluriel. 

N. 

dom 

doms 

G. 

doma 

domas 

D. 

dôme 

dômes 

A. 

domi 

domis 

Le  vocatij  est  indiqué  par  un  o  mis  devant  le  nom. 

Les  substantifs  ont  le  genre  naturel.  Le  genre  ne  s'indique  que 
par  dérivation.  Le  substantif  pur  et  simple  a  le  sens  du  masculin. 
Le  féminin  se  forme  au  moyen  du  préfixe  ji-  (E.  she),  et  le  neutre 
au  moyen  du  suffixe  -os.  Ex.  son^=  fils,  ji-son  z=  fille;  blod  =  frère, 
ji-blod  =:  sœur;  ji-dog  =  chienne  ;  ji-gok  =  poule. 

Il  y  a  un  autre  préfixe  féminin,  le  pronom  of  (elle). 

Les  adjectifs  ont  tous  la  terminaison  caractéristique  -ik  :  gudik 
=  bon  (gud  =  bonté),  gletik  ==  grand  (glet  =:  grandeur). 

Le  comparatif  se  forme  au  moyen  du  suffixe  -um,  et  le  superlatif 
(relatif)  au  moyen  du  suffixe  -tin  ^  :  gudikum,  meilleur;  gudikun,  le 
meilleur.  Le  que  qui  suit  un  comparatif  se  traduit  par  ka. 

Le  superlatif  absolu  est  marqué  par  l'adverbe  vemo  :=  très. 
Ex.  :  vemo  gletik,  très  grand. 

Les  degrés  de  comparaison  peuvent  s'appliquer  au  besoin  aux 
substantifs  ^.  Ex.:  fam,  ^Zoire ;  famum,  une  plus  grande  gloire; 
famùn,  la  plus  grande  gloire. 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  :  bal,  i  ;  tel,  2  ;  kil,  3  ;  fol, 
4;  lui,  o;  mal,  6;  vel,  7;  jôl,  8  ;  zùl,  9.  Les  dizaines  se  forment  en 
ajoutant  un  -s  aux  unités  :  bals,  10;  tels,  20;  kils,  30;...  Les 
nombres  intermédiaires  sont  :  balsebal,  H  ;  balsetel,  12;  balsekil, 
13;...  Puis  :  tum  =  100;  mil  =  1.000 ;balion  =  1.000.000\ 

1.  Comme  en  russe. 

2.  Ces  suffixes  peuvent  s'employer  séparément  comme  adverbes  {plus  et 
le  plus). 

3.  Comme  en  magyar. 

4.  Pour  substantifler  les  nombres  cardinaux,  on  leur  ajoute  le  suffixe  -el 
(D.  -er)  :  balel,  unité;  balsel,  dizaine. 


SCHLEYER    :    VOLAPUK  131 

Les  9  premiers  noms  clc  nombre  varient  en  genre,  en  nombre 
et  en  cas. 

Les  adjeclifs  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  aux  nombres  car- 
dinaux le  suffixe  -id  :  balid,  premier;  telid,  second. 

Les  adverbes  ordinaux  dérivent  de  ces  adjectifs  i)ar  l'adjonction 
<ie-o  (suffixe  adverbial)  :  balido,  premièrement. 

Les  nombres  multiplicatifs  se  forment  en  ajoutant  aux  nombres 
cardinaux  le  suffixe  -ik  :  balik,  simple  ;  telik,  double. 

Lcii  nombres  J'ractionnaires  se  forment  au  moyen  du  suffixe  dil 
(D.  -tel)  :  kildiL  tiers;  foldil,  quart. 

Les  nombres  répétitifs  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -na  : 
kilna,  ^  fois;  telsna  (ou  telsena),  20  fois  '. 

Les  nombres  distributifs  se  forment  en  mettant  devant  le  nombre 
cardinal  un  a  (comme  en  F.)  :  a  tel,  à  deux:  a  tels,  à  vingt;  a 
folid,  chaque  quatrième. 

Enfin  les  verbes  multiplicatifs  ont  simplement  pour  radical  le 
nombre  cardinal  correspondant  :  balôn,  unir:  telon,  doubler; 
kilôn,  tripler. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  singulier  :  oh,  Je;  ol.  tu:  om.  il: 
of.  elle;  os,  il  (neutre);  et  au  pluriel  :  obs,  nous:  ois.  vous:  oms, 
ils;  ofs.  elles. 

On  y  ajoute  le  pronom  réfléchi  ok  (pi.  oks),  se,  soi;  et  le  pronom 
indéfini  on  (pi.  ons),  on.  0ns  sert  aussi  de  2»  i)ersonne  de  politesse 
{vous  V.,Sie  D.). 

Ils  se  déclinent  comme  les  substantifs  :  oba,  obe,  obi:  obas, 
obes,  obis  (ou  obsa,  obse,  obsi). 

Les  adjectifs  possessifs  dérivent  des  pronoms  personnels  par 
fadjonction  du  suffixe  -ik  :  obik,  mon  ;  olik,  ton  :  omik,  son  (à  lui)  ; 
ofik.  son  (à  elle);  osik,  son  (à  une  chose);  de  même  :  obsik,  olsik, 
omsik.  ofsik:  okik,  onik,  onsik. 

Ces  adjectifs  varient  en  nombre  et  en  cas,  comme  les  sub- 
stantifs. 

Ils  sont  souvent  remplacés  (pour  l'euphonie)  par  le  génitif  des 
pronoms  personnels  (oba.  ola.  oma.  ofa;  obas....). 

Les  pronoms  possessifs  dérivent  des  adjectifs  possessifs  par 
ladjonction  de -el  au  radical  :  obikel,  le  mien;  obsikel.  les  noires. 
lisse  déclinent  et  forment  leur  pluriel  comme  les  substantifs  *. 

1.  De  ces  nombres  dérivent  des  adjectifs  en  -nalik  (=:  -malig  D.). 

2.  Ln  dislinclion  des  adjectifs  el  des  pronoms  possessifs  est  une  innova- 
lion  de  la  5'  édition  (1883). 


132  SECTION   II,    CHAPITRE   II 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  at,  celui-ci;  et,  celui-là;  it.  même 
(L.  ipse);  ot,  le  même  (L.  idem  );  ut,  celui  (qui);  som,  tel^;  votik. 
autre.  D'où  :  balimik...,  votimik....  l'un....  Vautre...;  balim  votimi  ou 
balvotik.  l'un  Vautre. 

Les  pronoms  interrogatifs  sont  : 

Masc.  Fëni.  Neutre. 

kim,      ji-kim  (of-kim,  kif),  kis,    qui,  quoH 
kiom.  kiof,  kios,  quel,  quelle"*. 

kimik,  quelle  espèce  de...'*. 

Les  pronoms  relatifs  sont  : 

kel,  ji-keL  kelos,  qui. 

Les  principaux  pronoms  indéfinis  sont  :  sembal,  u/i  (quelconque)  ; 
ek,  quelqu'un;  nek,  personne;  alik,  chaque;  alim,  chacun;  nonik. 
aucun;  valik,  tout  (tous);  bos,  quelque  chose;  nos,  rien. 

Les  verbes  ont  une  conjugaison  unique  et  absolument  régu 
lière.  La  voix  (active  ou  passive)  et  le  temps  sont  indiqués  par  des 
préfixes;  la  personne  par  le  pronom  personnel  suffixe,  et  le  mode 
par  un  suffixe  placé  à  la  fin,  même  après  le  pronom.  Voici  d'abord 
Vindicatif  présent  du  verbe  lôfôn,  aimer  (radical  lof)  : 


lofob, 

j'aime. 

lôfobs, 

nous  aimons. 

lôfol, 

tu  aimes. 

lûfols, 

vous  aimez. 

lofom, 

il  aime. 

lôfoms. 

ils  aiment. 

lofof, 

elle  aime. 

lôfofs. 

elles  aiment. 

lôfos, 

il  (cela)  aime. 

lôfon. 

on  aime. 

Les  autres  temps  de  Vindicatif  se  forment  en  préfixant  au  pré- 
sent :  à-  (imparfait),  e-  (parfait),  i-  (plus-que-parfait) ,  o-  (futur)  et  u- 
(futur  antérieur).  Ainsi  l'on  a  : 

àlôfob,  j'aimais.  olofob,  j'aimerai. 

elofob,  j'ai  aimé.         ulofob,  f  aurai  aimé. 
ilôfob;  j'avais  aimé. 
Les  autres  modes  se  forment  en  ajoutant  à  toutes  les  formes  de 
l'indicatif  les  suffixes  :  -la  ^  (subjonctif)^,  -os  (optatif),  -6d  (impératif) 
-àz  (jussif)  *,  -on  (infinitif)  et-  ôl  (participe)  :  elôfom-la,  qu'il  ait  aimé. 

1.  Ces  six  pronoms  ont  des  formes  différentes  quand  on  veut  insister  ou 
préciser  (comme  en  1).  par  eien)  :  àt,  eit,  iet,  ôt,  ùt,  sôm.  Ils  varient  en 
genre. 

2.  Le  suffixe  -la  garde  son  tiret,  pour  marquer  qu'il  ne  prend  pas  l'accent. 

3.  L'imparfait  et  le  plus-que-parfait  du  subjonctif  remplacent  les  condi- 
tionnels présent  et  passé  (comme  en  D.). 

4.  Impératif  plus  ...  impérieux. 


SCHLEYER    :    VOLAPÛK  133 

Ainsi  chaque  mode  a  (ou  peut  avoir)  autant  de  temps  que 
l'indicatif.  Exemple  :  lôfom-la,  im'il  aime;  àlofob-la,  j'aimerais; 
ilôfobs-la,  nous  aurions  aimé;  lofomos,  qu'il  aime  '!  lofolsod,  aimez! 
lôfolôz,  aime  (impérieusement);  lôfôn,  aimer;  elôfôn,  avoir  aimé; 
lofôl,  aimant  ;  elofol,  ayant  aimé  ;  olofôl,  devant  aimer  *. 

Les  temps  et  modes  du  passif  se  forment  en  préfixant  aux 
formes  de  l'actif  la  lettre  p-  (ou,  au  présent,  la  syllabe  pa-)  '. 
Exemple  :  palôfon,  être  aimé;  pâlôfol,  tu  étais  aimé:  palôfôl,  aimé 
(|)résentement)  ;  pelôfôl,  qui  a  été  aimé;  polofôl,  qui  sera  aimé; 
pulofol,  ([ui  aura  été  aimé  *. 

Chacun  des  temps  et  modes  énumérés  peut  se  mettre  au 
duralifiqni  exprime  la  durée  ou  la  continuité  de  l'action);  pour 
cela,  on  intercale  un  i  api'ès  le  préfixe  qui  marque  le  temps  : 
ailôfob  =  faime  (continuellement)  ;  peilôfof  =  elle  a  (toujours) 
été  aimée. 

Les  verbes  réfléchis  se  forment  en  suffixant  à  toutes  les  per- 
sonnes le  pronom  réfléchi  -ok  :  lôfobok,  je  m'aime:  lôfobsok  ou 
lôfoboks,  nous  nous  aimons  '■'. 

Les  verbes  réciproques  se  forment  avec  le  pronom  rélléchi  ok 
séparé,  à  l'accusatif:  lôfobs  okis  =  nous  nous  aimons  (l'un  l'autre). 

Les  verbes  impersonnels  se  conjuguent  avec  le  pronom  neutre 
-os  :  nifos,  il  neige;  lômibos,  il  pleut. 

L'interrogation  est  marquée  par  le  préfixe  ou  suffi.xe  li  (avec  un 
trait  d'union)  :  li-lôfom  ou  lôfom-li,  aime-t-il1  Quand  -li  se  trouve 
réuni  au  suffi.xe  -la  (du  subjonctif),  il  le  précède.  La  négation 
s'exprime  par  no  placé  devant  le  verbe.  Ex.  :  no  elôfons-li-la,  ou  : 
no-li  elôfons-la,  est-ce  que  vous  n'auriez  pas  aimé? 

Les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  se  terminent  en  -ik,  comme  les 
adjectifs  (auxquels  ils  sont  identiques)  et  ont  les  mêmes  degrés; 
ils  prennent  en  outre  la  désinence  -o  quand  ils  sont  séparés  du 
verbe,  ou  que  la  clarté  l'exige  :  gudiko,  bien;  gudikumo,  mieux; 


1.  Volapùk  lifomôs  =  vive  le  Volaptikl  (Ui  =  vie). 

2.  Linlinitif  cl  le  pnrlicipe  peuvent  prendre  des  désinences  personnelles; 
rinlinilif  peut  se  dérliner. 

3.  Mgr  ScHLEYER  traduit  par  le  passif  (3°  pers.  neutre  -os)  les  verbes  actiTs 
dont  le  sujet  est  on  :  pafopos,  on  raconte;  pofutelos,  on  ira  à  pied.  C'est 
un  idiotisme  latin  et  allemand. 

4.  Il  y  a  en  outre  vin  gérondif  formé  du  participe  et  du  préll.xe  pô-  : 
pôlôfôI,  aimable  (r/ui  doit  être  aimé  ;  L.  amandus). 

5.  Le  pronom  ok  peut  s'intercaler  entre  le  radical  et  le  pronom  personnel  : 
lôfokom,  il  s'aime;  lôfônok  ou  lôfokôn,  s'aiiner. 


134  SECTION   II,   CHAPITRE   II 

gudikùno,  au  mieux.  Les  adverbes  dérivés  de  substantifs  prennent 
-0  :  neito,  de  nuit  (neit,  nuit). 

Les  principaux  adverbes  primilifs  sont  :  si,  ou/;  no,  non;  te,  seu- 
lement; ti,  presque;  za,  à  peu  près;  nu,  maintenant;  is,  ici;  us,  là;  ya, 
déjà;oten,  souvent;  nerelo, jamais;  suno.  tôt;  nesuno,  tard;  kiôp,  oir> 
kiûp,  quandi  kikod.  pourquoi  (kod  =  cause)1  liko,  comment  1  lio, 
comi>ie/i? 

Les  adverbes  de  lieu  prennent  F-i  de  l'accusatif  quand  ils  mar- 
quent le  mouvement  vers  le  lieu  :  golob  usi,  j'y  vais.  Ils  prennent 
1 -a  du  génitif  quand  ils  marquent  Téloignement  du  lieu  :  komob 
usa,  je  viens  de  là. 

Les  principales  prépositions  sont  :  aL  à,  vers  (et  pour  devant  un 
infinitif)  ;  de,  de  :  in,  dans  ;  se,  hors  de  ;  su,  sur  :  dis,  sous  ;  bifù,  devant  ; 
po,  derrière  ;  pos,  après  ;  ko,  avec;  nen,  sans;  ta,  contre;  fa,  i>ar:  pic, 
/'our  *,  etc. 

Dix-huit  prépositions  de  lieu  régissent  l'accusatif,  quand  elles 
marquent  mouvement  vers,  ou  bien  le  prennent  elles-mêmes  :  golob 
al  zifi  ou  ali  zif,  je  vais  à  la  ville.  Dans  les  autres  cas,  elles 
régissent  le  nominatif,  ainsi  que  les  autres  :  in  zif,  dans  la  ville. 

Les  prépositions  dérivées  prennent  le  suffixe  -u  :  bûdù,  sur  l'ordre 
de  (bùd,  ordre);  nemû,  au  nom  de  (nem,  nom). 

Les  principales  conjonctions  sont  :  e,et;  i,  aussi  ;  u,  ou  ^  ;  ni,  ni  ;  ab, 
mais;das  (D.),  que;da.t{E.),  afin  que  ;  do,  quoique  ;bi,  puisque  ;it{E.), 
si;  ven  {D.),  lorsque;  ibo,  car;  kludo,  donc. 

Syntaxe.  L'adjectif  reste  invariable  quand  il  suit  immédiate- 
ment le  nom  qu'il  qualifie,  ce  qui  est  sa  place  normale;  dans 
les  autres  cas,  il  s'accorde  avec  lui.  Il  en  est  de  même  des  pro- 
noms et  des  noms  de  nombre  ^ 

En  principe,  la  construction  est  libre.  Mais  l'ordre  normal  est  : 
sujet  (suivi  de  pronom,  nom  de  nombre  et  qualificatif)  ;  verbe 
(suivi  d'adverbe)  ;  complément  direct,  compléments  indirects. 

Le  subjonctif  est  très  fréquemment  employé  dans  les  proposi- 
tions subordonnées,  et  notamment  dans  le  style  indirect  (comme 


1.  En  composition,  ko  et  plo  deviennent  ke  et  pie. 

2.  Les  conjonctions  e,  i,  u  prennent  un  -d  euphonique  devant  une 
voyelle  :  ed  (I.),  id,  ud. 

3.  Cette  règle  se  comprend  pour  les  adjectifs  et  pronoms  isolés.  Elle  se 
justifie  pour  les  adjectifs  et  pronoms  qui  précèdent  le  substantif,  parce  que, 
selon  Mgr  Schleyer,  on  ne  saurait  pas  alors  s'ils  se  rapportent  au  substantif 
qui  précède  ou  à  celui  qui  suit. 


SCHLEYER    :    VOLAPUK 


135 


en  allemand  et  en  latin)  ;  aussi  Mgr  Schleyer  conseille-t-il  de 
préférer  le  style  direct. 

Vocabulaire. 


«  Le  Lexique  du  Volapùk  a  pour  base,  en  première  ligne,  la 
langue  anglaise,  parce  qu'elle  est  parlée  par  100  millions 
d'hommes  environ....  Après  l'anglais,  on  tient  compte  particu- 
lièrement de  l'allemand  et  du  français,  et  aussi  de  l'espagnol  et 
de  l'italien  '.  » 

Toutefois,  comme  l'auteur  l'indique  aussitôt,  «  beaucoup  de 
mots  doivent  être  Iransfonnés,  notamment  ceux  qui  finissent  par 
des  sifflantes  ».  En  effet,  aucun  mot  déclinable  ne  peut  se  terminer 
par  une  dos  sifflantes  (ou  chuintantes)  c,  j,  s,  x,  z,  afin  de  pouvoir 
prendre  l'sdu  pluriel.  De  plus,»  les  radicaux  des  substantifs  doi- 
vent être  autant  que  possible  monosyllabiques  >,  afin  de  ne  pas 
engendrer  des  mots  dérivés  (surtout  des  verbes)  trop  longs. 

En  outre,  Mgr  Schleyer  impose  aux  radicaux  certaines  règles 
de  structure  :  il  en  exclut  les  lettres  ',  h,  et  presque  entièrement  la 
lettre  r  (en  considération  des  Chinois,  ainsi  que  des  vieillards  et 
des  enfants).  11  ne  doit  pas  y  avoir  plus  de  deux  consonnes  ni  de 
deux  voyelles  de  suite.  Et  même,  autant  que  possible,  l'auteur  fait 
alterner  les  voyelles  et  les  consonnes.  Enfin,  tous  les  radicaux 
doivent  commencer  et  finir  par  une  consonne. 

11  en  résulte  que  les  radicaux  empruntés  aux  langues  vivantes 
subissent  des  déformations  et  des  mutilations  souvent  considé- 
rables, qui  ont  pour  effet  de  les  réduire  à  leur  syllabe  centrale. 

Exemples  : 


Latin  : 

bunda 

n, 

abondance. 

dol 

(dolor), 

douleur. 

mag 

(imago), 

image. 

nim, 

animal. 

rig, 

origine. 

sap 

(sapieniia), 

sagesse. 

tal 

(terra), 

terre. 

Allemand  ; 

:  fel 

ifeld). 

champ. 

lit 

(licht). 

lumière. 

vun 

(wunde), 

blessure. 

1.  Grammalik,  5°  édition,  §  71. 


136 


Anglais 


Français 


SECTION 

II,    CHAPITRÏ 

î  II 

beg, 

prière. 

bim 

(beam^), 

arbre. 

lif 

[life), 

vie. 

mun 

(rnoon), 

lune. 

nol 

(knoivledge) 

,  science. 

pûk 

(speak), 

langage. 

tim 

(time), 

temps. 

vol 

(world), 

monde. 

:    fikul, 

difficulté. 

kadem, 

académie. 

makab. 

(chose) 

remarquable. 

plim. 

compliment. 

pak, 

propagation. 

«  Comme  l'orthographe  du  Volapùk  est  essentiellement  phoné- 
tique, les  mots  d'origine  anglaise  y  sont  quelquefois  méconnais- 
sables 2  »  : 


cem 

(chamber),  chambre. 

cif 

(chief),         chef. 

flen 

ifriend),       ami. 

sel 

(sale),           vente. 

tut 

(tooth),         dent. 

La  lettre  r  est  remplacée  tantôt  par  un  1  : 

bel 

(berg  D.),     mont. 

fil 

(fire  E.),      feu. 

klon 

(krone  D.),  couronne. 

led 

{red  E.),       rouge. 

loi, 

rose. 

pal. 

paire. 

plogam 

,                     programme 

tlup, 

troupe. 

yel 

[year  E.),    année. 

tantôt  par  une  autre  consonne  : 

nuf 

(roofE.),       toit. 

zigad, 

cigare. 

ou  bien  elle  est  supprimée  : 

fem,  fermentation. 

fot,    forêt. 

fom,  forme. 

fum,  fourmi. 

1.  N.  B.  :  bea7n  veut  dire  arbre  de  couche  (mécanique). 

2.  Kerckhoffs,  Dictionnaire,  p.  34. 


SCHLEYER    .*    VOLAPL'K  137 

mab,      marbre.  telegaf,  léléyraphe. 

pat,      parlicularilé.  fotogaf,  photographie. 
Enfin,  pour  obtenir  des  monosyllabes  fermés,  les  radicaux  qui 
commencent  par  une  voyelle  prennent  un  1  initial  : 
lab,  avoir;    111      {ear  E.),    oreille. 

lan,  âme;      lof,  offre. 

lek,  écho;      lop,  opéra. 

lep    (ape  E.),  singe;    log    (auge  D.),  œil. 
Ils  subissent  encore  d'autres  modifications,  notamment  en  vue 
de  l's  du  pluriel  : 

xol  (ochs  D.),  bœuf;  pot,  poste. 
Les  noms  propres  doivent  être  transcrits  phonétiquement  au 
moyen  de  l'alphabet  universel,  suivant  la  prononciation  de  leur 
langue  nationale  (les  prénoms  après  le  nom).  Ainsi  l'auteur  du 
Volapùk  signe  :  Jleyer  Yo'ann  Martin,  et  traduit  James  Johnson  par 
Consn  Cems. 

Les  noms  géographiques  sont  transformés  systématiquement  au 
moyen  de  suffixes  caractéristiques  (voir  plus  bas). 

Mots  dérivés.  Nous  connaissons  déjà  les  principales  dérivations 
grammaticales  :  formation  du  féminin  et  du  neutre;  formation 
des  noms  de  nombre  dérivés;  formation  de  l'adjectif,  du  verbe 
et  de  l'adverbe.  En  règle  générale,  les  radicaux  sont  des  substan- 
tifs 1. 

Parmi  les  flexions  grammaticales,  les  préfixes  de  temps  entrent 
dans  la  composition  des  mots  qui  indiquent  une  idée  de  temps  : 
adelo,  aujourd'hui  {del=  jour);  àdelo,  /u'er; edelo,  avant-hier;  odelo. 
demain;  udelo,  après-demain;  ayel,  cette  année,  etc. 

Les  autres  dérivations  se  font  au  moyen  d'affixes,  les  uns  à  sens 
déterminé,  les  autres  à  sens  indéterminé.  Voici  d'abord  les  prin- 
cipaux suffixes  à  sens  déterminé  : 

-il  marque  le  diminutif:  bod  =pain,  bodil^^  petit  pain;  kat  =  chat, 
katil  =  petit  chat. 

av  indique  une  science  :  stel  =  étoile,  stelav  =  astronomie  ;  lit 
=  lumière,   litav  =  optique;  God  =  Dieu,    godav  =:  théologie. 


l.  Mgr  ScHLEYER  remarque  que  les  désinences  cnractérisent  en  quelque 
mesure  les  parties  du  discours  :  les  voyelles  a,  e,  i  distinguent  les  sub- 
stantifs; les  voyelles  u  et  ù  appartiennent  aux  adjectifs;  et  les  voyelles  o  et 
ô  raractérisent  les  verbes  et  les  adverbes  (Grammatik,  §  73).  Les  verbes 
dérivés  de  noms  d'organes  indiquent  Faction  de  percevoir  par  ces  organes  : 
în  =  voir;  lilôn  =  entendre. 


I 


138  SECTION   II,    CHAPITRE   II 

-âl  indique  un  «  concept  spirituel  ou  abstrait  »  :  kap  =■  tète,  kapàl 
=  intelligence  ;  lad  =  cœur,  ladâl  =  cordialité  ;  men  =  homme,  menai 
=  humanité  (sentiment)  ;  jôn  =  beauté,  jônàl  =  beauté  d'esprit  (?)  ; 
tik  =  pensée,  tikàl  =  esprit. 

-el  indique  les  habitants  de  —  ou  les  personnes  qui  s'occupent 
de  —  :  Pârisel  {sic)  ^  Parisien  ;  mit  =  viande,  mitel  =  boucher.  Il  sert 
aussi  (avec  un  radical  verbal)  à  désigner  l'acteur  ou  agent. 

-al  indique  la  même  idée,  avec  une  nuance  de  supériorité  :  san 
signifiant  à  la  fois  le  salut  physique  et  moral,  sanel  =  médecin,  et 
Sanal  =  le  Sauveur  (sanàl  =  sainteté);  datuvel  =  inventeur,  mais 
Mgr  Soulever  a  le  titre  de  Datuval. 

-an  forme  des  noms  de  personnes,  sans  impliquer  une  idée 
d'activité  *  :  flutan,  flûtiste  ;  gelam,  organiste  {qél=^  orgue  F.,  orgel  D). 

-am  indique  l'action  :  fom  ^  forme,  fomam  =  formation;  finam 
=  achèvement.  Les  suffixes  ed,  -od  ont  le  même  sens. 

-an  (lân  =  pays)  désigne  les  noms  (propres  et  communs)  de 
pays  :  reg  =  roi,  regàn  =  royaume;  limep  =  empereur,  limepàn  = 
empire  ;  fat  =  père,  fatàn  =  patrie. 

-en  indique  le  métier  ou  l'industrie  :  bil  =  bière,  bilen  =  brasserie  ; 
glàt  =  verre,  glàten  =  verrerie. 

-6p  indique  le  lieu  de  —  :  bilop  =  brasserie  ;  kafôp  =  ca/é  (établis- 
sement). 

-ef  indique  une  réunion  de  personnes  :  musig  =  musique, 
musigef  =  orchestre  (musigel  =:  musicien). 

-em  indique  une  collection  de  choses  :  pàk  =  paquet,  pàkem  = 
bagage;  flol  =  fleur,  flolem  =  bouquet;  kàn  =  canon,  kânem  =  artil- 
lerie. 

-ôf  indique  une  qualité  abstraite  :  dun  =  acte,  dunôf  =  activité  ; 
giv  =  don,  givôf  =  générosité. 

-ai  sert  à  former  les  noms  d'animaux  :  spul  =:  tissu,  spulaf  = 
araignée  ;  jal  =  carapace,  jalaf  =  crustacé. 

-it  est  le  suffixe  spécial  des  noms  d'oiseaux  :  gai  =  veillée,  galit 
=  rossignol. 

-in  sert  à  former  les  noms  d'éléments  matériels  :  vat  =  eau, 
vatin  =  hydrogène  ;  ziid  =  acide,  zûdin  =  oxygène. 

-ip  sert  à  former  les  noms  de  maladies  :  vatip  =  hydropisie  ; 
ladip  :^  maladie  de  cœur. 

Enfin,  les  deux  suffixes -lik  et  -nik  servent  à  former  des  adjectifs 

1.  Sic  :  Kerckhoffs,  Dictionnaire,  p.  37. 


SCHLEYER    :    VOLAPLK  139 

qui  expriment  la  nature  ou  la  ressemblance  :  led  =  rouge,  ledlik 
=:  rougeâtre;  leûl  =  huile,  leûlnik  =  oléagineux. 

A  ces  suffixes  il  faut  joindre  17  snflixes  sans  signification 
déterminée  :  ab,  ad,  ap,  at,  àt,  ed,  et,  ib,  im,  it,  od,  ub,  ùb,  ud, 
uf,  ug,  iig.  Ex.  :  menad  =  humanité  (ensemi)le  des  hommes). 

Les  principaux  pr<''/îa"<'s  sont  : 

be-  (D.),  qui  renforce  Tidée  du  radical  (verbal),  ou  transforme 
un  verbe  neutre  en  verbe  actif  :  givôn  =  donner,  begivôn  =:  doter; 
lifôn  =:  vivre,  belifôn  =  animer. 

da-  étend  ou  complète  l'idée  du  radical  (verbal)  :  tuvën  = 
trouver,  datuvôn  =  inventer;  lilôn  =  écouter,  dalilôn  =  exaucer. 

ge-  indique  l'action  en  retour  (D.  zuriick)  :  gegivôn  =  rendre. 

gi-  indique  la  répétition  de  l'action  (D.  wieder)  :  mekàn=  faire, 
gimekôn  =  refaire. 

le-  indique  la  supériorité,  c'est  un  augmentatif:  ledom  =  pa/ais  ; 
bijop  =  évéque,  lebijop  =  archevêque. 

lu-  indique  l'infériorité,  c'est  un  péjoratif  :  ludom  ^=  cabane; 
lugod  =  idole  ;  luvat  =  urine. 

ne-  indique  soit  la  négation,  soit  le  contraire  :  pùkôn  ^  por/er, 
nepiikôn  =  se  taire;  flen  =  ami,  neflen  =  ennemi. 

D'autres  préfixes  sont  des  radicaux  plus  ou  moins  modifiés  : 

gle-  ajoute  l'idée  de  grandeur  iglet)  :  zif  :=  ville,  glezlf  ^  capitale. 

sma-  implique  l'idée  de  petitesse  (smal)  :  bel  =  montagne,  smabel 
=  colline  * . 

Le  pronom  of  sert  à  former  les  noms  féminins  qui  marquent 
une  situation  indépendante,  par  opposition  au  préfixe  ji-  qui 
marque  le  féminin  natupel  (ji-kat  =  chatte;  ji-jeval  =  jument)  : 
ainsi  of-lidel  =  institutrice,  tandis  que  ji-tldel  =  femme  d'institu- 
teur: ji-blod  =  sœur,  mais  of-blod  =  sœur  (religieuse). 

On  emploie  encore  comme  préfixes  :  l'adverbe  beno  =  bien  : 
smel  =  odeur,  benosmel  =  parfum  ;  —  et  les  prépositions  : 

bevù  =  entre  :  net  =  nation,  bevûnetik  =  international; 

bi  =  devant  :  nem  =  nom,  binem  =  prénom; 

disa  =  sous  :  penôn  =  écrire,  disapenôn  =:  souscrire  ; 

denu  =  de  nouveau  :  denupûkôn,  reparler; 

du  =  à  travers  :  dugolcn.  /reverser; 

love  =  trans-  :  polôn  =  porter,  lovepolôn  =  traduire: 

nin  ou  ni  =  dans  :  sedôn  =  envoyer,  ninsedon  =  importer  ; 

1.  Smakap  devrait  alors  signifier  petite  télé,  cl  non  microcéphale. 


140  SECTION    II,   CHAPITRE   II 

zi  =  autour  :  logam  =  vue,  zilogam  =  circonspection; 
mo,  de  et  se  indiquent  éloignenient  ou  sortie  :  flumôn  =  couler, 
defluin6n=  découler;  mopolôn,  emporter;  segolôn  z=  sortir; 
ko  indique  réunion  :  komôn  =  venir,  kokomôn  =  s'assembler; 
ta  indique  action  contraire,  opposition  :  tapûkôn  =  contredire. 
Il  y  a  d'autres  préfixes    qui  n'ont  pas   de    sens   déterminé, 
comme  fô,  fe,  là,  len. 

Tous  les  mots  cités  jusqu'ici  sont  formés  par  l'adjonction 
d'un  affixe  à  un  radical  ayant  déjà  un  sens  déterminé  par  lui- 
même.  Mais  le  Volapùk  emploie  les  mêmes  affixes,  et  d'autres 
encore,  comme  affixes  caractéristiques  de  certaines  classes  d'idées; 
ils  font  alors  partie  intégrante  du  radical,  qui  sans  eux  n'aurait 
pas  de  sens.  Nous  allons  en  citer  quelques  exemples  pour  chaque 
suffixe  : 

-el  (personnes):  Apostél  =  apôtre  ;    zuafel  —  zouave, 
-af  (animaux)  :    leaf       =  léopard;  moaf  —  taupe. 
-ip  (maladies)  :     kolerip  =  choléra;  snôfip  =  rhume. 
-eî  (réunions)  :     kongef  =  congrès. 

an  (pays)  :  Lusàn   =: Russie;  Nugàn  =  //o/igfrte;  Rilàn 

=  Irlande;  Nidàn  =  Inde^. 

-in  (éléments)  :  lômin  =  élément;  diamin  =  diamant;  gasin  = 
gaz;  golin  =  or;  kupin  =  cuivre;  svefin  =  soufre. 

-op  est  la  désinence  caractéristique  des  5  parties  du  monde  : 
Yulop  =  Europe,  Silop  =  Asie,  Fikop  =  Afrique,  Melop  =  Amérique, 
Talop  =  Australie^. 

-ùd  est  la  désinence  caractéristique  des  4  points  cardinaux  : 
nolud  =  nord,  suliid  =  sud,  vesûd  =:  ouest,  lefûd  =  est. 

Les  mots  composés  se  forment  en  général  au  moyen  du  génitif 
singulier  du  mot  déterminant,  qui  se  met  le  premier,  de  sorte 
que  les  radicaux  composants  se  trouvent  unis  par  la  voyelle  a. 
Ex.  :  volapùk  =  langue  de  l'univers  (vol  =  monde,  pùk  =  langage)  ; 
filabel  =  volcan;  Ledamel  =  Mer  Rouge. 

Ce  n'est  que  pour  éviter  des  équivoques  que  l'on  forme  les 
mots  composés  au  moyen  du  génitif  pluriel  (-as)  ou  au  moyen 
des  désinences  de  l'accusatif  (-1)  ou  de  l'adverbe  (-o).  Ex.  :  netas- 
fetan  =  union  des  peuples  (net  =:  nation;  fetan  =  union);  vôdasbuk 

1.  Exceptions  :  Fient  =  France;  Nelij  =  Angleterre;  Deut  =  Allemagne; 
Tàl  =  Italie;  Jveiz  =  Suisse;  Lôstakin  =  Autriche  (kin  =  empire);  Nor- 
veg,  Sved. 

2.  M.  Kerckhoffs  y  a  ajouté  :  Seanop  =  Océanie, 


SCHLEYER   :    VOLAPCK  141 

=  dictionnaire  (vôd  =  mot,  buk  =  livre);  vôdiplad  =  place  des  mots. 
Certains  mots  composés  font  exception  ù  cette  règle,  notam- 
ment les  noms  des  jours  et  des  mois,  formés  avec  les  noms  de 
nombre  et  les  terminaisons  ùdel  ot  -ul  (del  =jour;  mul  =  mois)  : 
balûdel  =  dimanche,  balul  =: janvier, 
teludel  =  lundi,         telul  =:  février, 
kilûdel  =  mardi,        kilul  =  mars, 


balsul  =  octobre, 
babul  ou  balsebalul  =  noyembre, 
balsetelul  :=  décembre''. 

Comme  exemples  de  mots  composés,  citons  encore  les  noms 
des  saisons  :  flolatim  =  printemps  (flol  =  fleur);  'itatim  =  été 
('it  =  chaleur)  ;  flukatim  =  automne  (fluk  =  fruit)  ;  nifatim  =  hiver 
(nif  =  neige). 

Mgr  SciiLEYER  admet  des  mots  composés  de  trois  racines, 
comme  :  Volapûkatidel  =  professeur  de  Volapiik;  tedatidastid  = 
école  de  commerce  (ted  ^^  commerce,  tid  =  enseignement,  stid  =  insti- 
tution); klonalitakip  :=  lustre  (klon  ^  couronne,  lit  =  lumière,  kip 
=  garde-,  porte-)  -  ;  nobastonacan,  joai//erie  (can  =  marchandise,  ston 
=  pierre,  nob  =  noblesse);  Fotazifalak  =  lac  des  it  Cantons  (Wald- 
stildtersee  D.). 

Voici,  à  titre  de  spécimen,  la  traduction  du  Pater  en  Volapiik^  : 

0  Fat  obas,  kel  binol  in  suis,  paisaludomôz  nem  ola!  Kômomôd 
monargàn  ola!  Jenomôz  vil  olik,  as  in  sûl,  i  su  tal!  Bodi  obsik 
vâdeliki  givolos  obes  adelo!  £  pardolos  obes  debis  obsik,  as  id  obs 
aipardobs  debeles  obas.  £  no  obis  nindukolôs  in  tentadi;  sod  aida- 
livolôs  obis  de  bad.  Jenosod! 

Historique. 

Le  Volapiik  parut  à  la  fin  de  1880;  il  se  répandit  d'abord  dans 
l'Allemagne  du  Sud,  puis  en  France,  vers  1885,  et  de  là  dans 

1.  Mgr  ScHLEYER  avait  aussi  admis  d'abord  les  noms  suivants  :  pour  les 
jours  :  soldel,  mundel,  tusdel,  vesdel,  dôdel,  flidel,  zâdel;  et  pour  les 
mois  :  yanul.  febul,  mâzul,  apul,  mayul,  yunul.  yulul.  gustul,  setul, 
otul,  novul,  dekul. 

2.  Ce  mot  est  d'ailleurs  mal  formé  :  il  signifie  chandelier  de  couronne, 
et  non  pas  couronne  de  chandeliers  (Germanisme  :  Kronleuchter). 

■\.  On  remarquera  que  cette  traduction  est  calquée  mot  pour  mot  sur  le 
le.\le  latin. 


142  SECTION   ir,   CHAPITRE   II 

tous  les  pays  civilisés  des  deux  continents.  Son  principal  i)ro- 
pagateur  en  France  fut  le  D'  Auguste  Kerckhoffs,  professeur 
de  langues  vivantes  à  l'École  des  hautes  éludes  commerciales 
de  Paris,  qui  publia  en  français  les  manuels  de  Volapùk  (cités 
plus  haut),  et  fonda  V Association  française  pour  la  propagation  du 
Volapiik  (autorisée  par  arrêté  du  8  avril  1886).  Le  Comité  central 
de  cette  Association  comprenait  des  notabilités  des  lettres  et  des 
sciences,  du  commerce  et  de  l'industrie,  de  la  politique  et  du 
journalisme,  comme  MM.  Lourdelet  et  Iliélard,  les  D""»  Nicolas 
et  AUaire,  les  ingénieurs  Dormoy  et  Max  de  Nansouty,  le 
député  Raoul  Duval,  les  libraires  Le  Soudier  et  Pedone-Lauricl, 
MM.  Kœchlin-Schwartz,  Kastler  et  Bcurdeley,  et  jusqu'à  Fran- 
cisque Sarcey,  l'incarnation  populaire  du  bon  sens  national. 
VAssocialion  faisait  à  Paris  simultanément  14  cours  publics  et 
gratuits,  suivis  par  «  des  officiers  supérieurs  de  l'armée  et  des 
inspecteurs  d'académie  ».  Un  cours  spécial  organisé  par  les 
Grands  Magasins  du  Printemps  comptait  à  lui  seul  121  audi- 
teurs. En  un  mot,  le  Volapiik  fit  chez  nous  des  progrès  rapides 
et  eut  un  succès  inou'i.  Il  en  était  de  même  dans  les  autres  pays  : 
toutes  les  grandes  villes  d'Europe  et  d'Amérique  avaient  leurs 
cours  de  Volapiik.  Le  ministre  de  l'instruction  publique  en  Italie 
autorisait  des  cours  libres  aux  Instituts  techniques  de  Turin  et 
de  Reggio  d'Emilie.  L'année  1888  marqua  l'apogée  de  ce  mouve- 
ment. On  comptait,  en  1889,  283  sociétés  ou  clubs  volapïikistes, 
répartis  sur  tout  le  globe,  jusqu'au  Cap,  à  Melbourne,  à  Sydney 
et  à  San  Francisco.  Le  nombre  des  diplômés  dépassait  1600  * 
(dont  950  par  Mgr  Schleyer  et  650  par  VAssociation  française).  On 
évaluait  à  1  million  le  nombre  total  des  Volapïikistes.  Le  nombre 
des  ouvrages  publiés  pour  l'étude  du  Volapiik  était  de  316  (dont 
182  parus  dans  la  seule  année  1888);  ils  étaient  écrits  dans 
25  langues  (85  en  allemand  et  60  en  Volapiik).  Enfin  on  comptait 
25  journaux  consacrés  au  Volapiik  (dont  7  entièrement  rédigés  en 
Volapiik)^.  C'est  en  1889  que  se  tint  à  Paris  le  troisième  et  le  plus 
important  des  Congrès  volapûkistes,  où  l'on  parla  exclusivement 

1.  Voirie  Ye  tabule  pedipedelas  (Annuaire  dos  diplômés)  de  1889,  Paris,  Le 
Soudier,  1880. 

2.  1  à  Paris,  1  à  Anvers,  1  à  Londres,  1  à  Arniicm,  1  à  Haarlem,  1  à 
Copenhague,  1  à  Stockholm,  1  à  Berlin,  1  à  Hambourg,  1  à  Breslau,  2  à 
Munich,  1  à  Constance  (Schleyer),  1  à  Saint-Gall,  2  à  Vienne,  1  à  Milan,  1 
à  Turin,  1  à  Naples,  1  à  Girgenti,  1  à  Guadalajara,  1  à  New  York,  1  à 
Boston,  et  2  à  Amoy  (Chine). 


SCHLEYER  :  volapCk  143 

en  Volapi'ik,  et  qui  semblait  ronsacrer  le  triomphe  universel  et 
(iénnitif  de  la  langue.  Mais  la  mOme  année  vit  commencer  son 
déclin,  qui  fut  plus  rapide  encore  que  son  progrès.  Pour  expli- 
(jner  ce  phénomène  étrange,  il  faut  entrer  dans  l'histoire  inté- 
rieure de  la  langue  elle-même 

Mgr  SCHLEVER  avait  voulu  doter  sa  langue  de  toutes  les  res- 
sources que  pont  offrir  une  langue  vivante  quelconque;  il  pré- 
tendait la  rendre  capable  de  traduire  les  nuances  les  plus 
complexes  et  les  plus  subtiles  de  la  pensée.  M.  Kerckhofks,  au 
contraire,  la  considérait  surtout  comme  une  «  langue  commer- 
ciale »,  et,  en  fait,  c'est  à  ce  titre  qu'elle  fut  surtout  pratiquée. 
Or,  pour  cet  usage,  les  Volapùkistes  de  France  et  des  autres 
pays  (sauf  l'Allemagne)  trouvaient  la  langue  trop  compliquée  et 
trop  difficile.  Et  lorsque  M.  Karl  Lentze,  le  i«'"  volapûkatidel  du 
monde,  vantait  les  503.440  formes  différentes  que  peut  prendre 
un  verbe  en  Volopûk,  M.  Kerckhoffs  répondait  que  cette  richesse 
prétendue  était  un  défaut,  et  qu'elle  «  conduirait  infailliblement 
le  Volapiik  à  sa  perte  >  ^  En  un  mot,  Mgr  Schlever  avait  voulu 
créer  la  langue  la  plus  riche  et  la  plus  parfaite  (littérairement)  ; 
M.  Kerckiioffs  et  la  plupart  des  Volapùkistes  réclamaient  la 
langue  la  plus  simple  et  la  plus  pratique.  De  cette  divergence 
de  conceptions  devait  naître  un  conflit  inévitable  2. 

Tout  d'abord,  M.  Kerckuoffs  s'efforça  d'introduire  dans  ses 
manuels  de  roiapiïA:  quelques tsimplifical ions;  adoptant  et  respec- 
tant les  principes  du  Volapiik,  il  se  borna  à  supprimer  les  formes 
grammaticales  qu'il  jugeait  superflues,  et  à  régulariser  le  voca- 
bulaire ^  Nous  allons  énumérer  les  principales  des  corrections 
introduites  ou  des  réformes  proposées  par  M.  Kekckiioffs. 

Dans  Valphabet,  suppression  de  l'esprit  rude  ',  remplacé  par  h, 
et  par  suite  remplacement  de  h  par  k  :  '  it  devient  hit  (chaleur); 
hem  devient  kiemav  {chimie). 

Suppression  de  la  transcription  des  noms  propres  au  moyen  do 
l'alphabet  universel  (d'ailleurs  insuffisant).  Chaque  nom  propre 
devra  s'écrire  et  se  prononcer  comme  dans  sa  langue  d'origine. 


1.  Revue  mensuelle  Le  Volapiik,  p.  48  (août  1886). 

2.  Certains  Volapùkistes  raillaient,  non  sans  raison,  les  Irais  sl;/les  dont 
le  Volapilkabled  Zenodik  {n"  95)  donnait  des  modèles  :  le  style  vulgaire  ou 
chinois,  le  style  commercial  et  le  style  classique  [Le  Volapiik,  p.  200). 

3.  •  11  n'y  a  rien  à  changer  au  Volapiik  :  pour  le  rendre  parfait,  il  suffit 
d'en  retrancher  le  superllu.  »  Le  Volapiik,  n"  9  (mai-juin  1887). 


d44  SECTION   II,    CHAPITRE   II 

Il  ne  devra  pas  se  décliner;  le  génitif  et  le  datif  seront  marqués 
par  les  prépositions  de  et  al  :  on  dira  de  Schleyer,  al  Schleyer,  au 
lieu  de  Jleyera,  Jleyere. 

La  question  se  pose  de  savoir  si  l'on  ne  devra  pas  appliquer, 
par  analogie,  cette  déclinaison  analytique  aux  noms  communs, 
ou  tout  au  moins  l'admettre  à  côté  de  la  déclinaison  synthétique 
de  Schleyer. 

Suppression  des  articles  el  et  un;  l'article  indéfini  (et  partitif) 
serait,  au  pluriel  comme  au  singulier,  sembal  placé  après  le  sub- 
stantif. 

Suppression  de  la  déclinaison  des  noms  de  nombre.  Unifor- 
mité de  la  déclinaison  des  pronoms  personnels  :  obas,  obes.  obis 
(et  non  obsa.  obse.  obsl). 

Suppression  du  pronom  de  politesse  ons  (pluriel  de  on),  emploi 
du  pronom  singulier  ol  quand  on  s'adresse  à  une  seule  personne. 

Suppression  de  la  déclinaison  des  infinitifs,  et  des  désinences 
personnelles  des  infinitifs  et  des  participes  :  lôfobôn,  moi  aimer; 
Ipfobol,  moi  aimant.  M.  Kerckhoffs  proteste  contre  des  formes 
comme  celle-ci  :  olôfonsofsën  =  le  fuhir  aimer  de  vous  autres 
femmes. 

Suppression  de  quatre  des  six  temps  du  conditionnel;  on  con- 
serverait seulement  :  àlàiohÔY  =  j'aimerais,  et  ilàiohoY  =f  aurais 
aimé^. 

Suppression  du  jussif(-àz)  et  de  Voptatif{-ox). 

Restriction  de  l'usage  du  subjonctif,  qui  devra  être  distingué 
du  conditionnel  ^. 

Remplacement  du  pronom  réfléchi  ok  par  le  pronom  personnel 
à  l'accusatif  :  vatûkob  obi,  je  me  lave,  au  lieu  de  :  vatiikokob. 

Suppression  de  la  déclinaison  des  adverbes  de  lieu  et  des  pré- 
positions; suppression  de  l'accusatif*  de  mouvement  >,  la  direc- 
tion devant  être  indiquée  par  des  prépositions  différentes  ;  golob 
al  jul  =  je  vais  à  l'école;  golob  in  jul  =je  marche  dans  l'école. 

Suppression  de  la  double  orthographe  de  certaines  préposi- 
tions et  conjonctions  (ko,  ke;  plo,  pie;  e,  ed;  i,  id). 


1.  Pourquoi  assimiler  le  conditionnel  présent  a  un  imparfait,  et  le  condi- 
tionnel passé  à  un  plus-que-par faitl  L'exemple  des  langues  vivantes,  qu'in- 
voque M.  Kerckhoffs,  ne  suffit  pas  ù  justifier  cette  infraction  à  la  logique. 

2.  M.  Kebckhoffs  veut  réserver  le  subjonctif  pour  les  propositions  com- 
mençant par  un  si,  c'est-à-dire  là  où  le  conditionnel  semble  s'imposer  plus 
que  jamais. 


SCHLEVER    :    VOLAPCK  145 

Enfin  et  surtout,  adoption  de  la  construction  normale,  au 
moins  dans  le  style  commercial,  pour  éviter  les  phrases  confuses 
<'t  parfois  même  inintelligibles  des  Volapûkistes  allemands.  On 
mettra  l'adjectif  toujours  après  le  substantif,  de  sorte  cpi'il  res- 
tera toujours  invariable.  L'adverbe  aura  toujours  la  désinence  -o,  ' 
pour  se  distinguer  de  l'adjectif. 

Quant  au  vocabulaire,  M.  Kerckiiokfs  l'accepte  tel  quel,  sauf 
quelques  corrections  en  vue  de  l'uniformité  et  de  l'analogie'. 
Mais  il  critique  vivement  l'abus  (germanique)  des  mots  com- 
posés, la  formation  irrégulière  et  illogique  de  certains  mots. 
Sur  le  premier  point,  il  réprouve  des  mots  comme  klonalitakip, 
et  n'admet  pas  de  mots  composés  de  plus  de  deux  radicaux*.  Il 
ivniplace  tedatidastid  par  tedastid  ou  tedajul  (école  de  commerce)  : 
Lemotofazàl  [)nr  Kritazàl  [Noël)  et  Lesustanazàl  par  Lezàl  [Pâques). 
Sur  le  second  point,  il  fait  ressortir  l'inconséquence  de  mots 
composés  comme  vôdasbuk  ((liclionnnire)  comparé  à  bukakonlet 
{bibliothèque),  bukatedam  (librairie),  bukatanel  (relieur).  Pounpioi 
luetlre  le  signe  du  pluriel  à  vôd  dans  le  premier  plutôt  qu'à  buk 
dans  les  autres 3?  .M.  Kerckiioffs  rappelait  la  devise  du  Volapuli  : 
Volapûk  binom  ptik  nen  sesums  =  Le  Volapiik  est  une  langue  sans 
exceptions.  11  relevait  dans  les  dérivés  d'innombrables  illogismes, 
parfois  même  de  véritables  contre-sens,  comme  tikàlin  =  esprit- 
de-vin  (tikà.l=-  esprit...  qui  pense!)  et  il  employait  ce  mot  malencon- 
treux pour  désigner  tous  les  coqs-à-l'âne  ou  quiproquos  commis 
par  ScuLEVER  et  ses  disciples  en  traduisant  littéralement  les  idio- 
tismes  des  langues  vivantes  ^  Par  exemple  (comme   pour  com- 


1.  Par  oxeniple.  pour  les  noms  de  pays,  (lu'il  aiïecto  tous  de  la  dcsinonco 
<'arni  t(>ristii|ii(>  -an  :  Flentân.  Nelijân,  Deutân,  Tâlân,  Jveizân.  Lôstàn. 
Svedàn.  Novegàn. 

2.  Un  .Maisi'illais  facétieux  parodia  ce  procédé  de  composition  illimitée 
en  s'inlitulant  : 

klonalitakipafablùdacifalôpasekretan 
(•"cst-à-dirc  :  secrétaire  de  lu  direction  d'une  fabrique  de  lustres  (Le  Volapii/f, 
p.  200  et  340).  Le  Cogabled  (journal  amusant)  de  Munich  avait  déjà 
l>roposé  à  ses  lecteurs  ce  logogriphe  :  lôpikalarevidasekretel  =  secréluire 
en  chef  de  la  cour  des  comptes,  que  2  Volapûkistes  seulement  purent 
déohilTrer  (Le  Volapûk,  p.  59  et  95). 

3.  Celte  inconséciuence  est  un  simple  germanisme  :  elle  vient  de  ce  que 
l'auteur  a  calqué  les  mots  Worterhuch  d'une  pari,  et  Buchbinder,  Btich- 
luindler,  d'autre  part. 

4.  Article  |)ul)lié  dans  Le  Volapûk  (p.  186),  sous  le  pseudonyme  de  Glû- 
(jai/ad,  ([ui  est  lui-même  un  échantillon  ironique  de  Tikàlin  (Glùg  =  église, 
jad  =:  cour  :  traduction  littérale  de  Kerckhoffs). 

CoLTUBAT  et  Leau.  —  LaDguo  univ,  10 


146  SECTION    II,   CHAPITRE   II 

penser  l'illogisme  précédent),  spit  =  spiritueux  et  spitim  =  spiri- 
tisme. De  même  :  filabel  =  volcan,  filabelôn  =  vulcaniser(\o  caout- 
chouc); badôn  =  être  méchant  (bad),  mais  gudôn  =  dédommager  (et 
non  :  être  bon,  gud)  ;  deutôn  =  parler  allemand,  mais  flentôn  =: 
singer  les  Français,  et  nehion^ cour tauder  (mi  cheval)  [D.  englisiren]\ 

La  plupart  de  ces  illogismes  viennent  de  ce  que  Mgr  Sciilever 
a  tout  bonnement  traduit  mot  à  mot  les  expressions  allemandes, 
sans  en  analyser  le  sens.  Par  exemple  :  star  =  étourneou.  starip 
=  cataracte  {staar  en  D.  a  ces  deux  sens);  jafan  =  condurteur, 
D.  Schajjner  (de  jaf  =  créer,  D.  schaffen  ');  sebalvoto  :=  séparément 
(se  =  hors  de;  bal  =  un;  vot  =  autre)  est  la  transcrijUion  pure  et 
simple  du  mot  D.  auseinander.  De  môme  :  posbalvoto  =  à  la  suite 
(D.  nacheinander).  M.  Kerckhoffs  critiquait  aussi  vifafut  =  vélo- 
cipède, et  ditavat  =  eau-forte  (traduction  littérale  de  Scheide- 
ivasser,  D.)-  L'auteur  faisait  correspondre  ses  préfixes  et  suffixes, 
non  à  des  idées  déterminées,  mais  aux  préfixes  et  suffixes  de 
l'allemand,  dont  le  sens  est  souvent  vague  ou  équivoque,  ce  qui 
transporte  en  Volapûk  toutes  les  inconséquences  de  la  dérivation 
allemande  ^  Ainsi  le  préfixe  len-  traduit  le  préfixe  D.  an-  (L.  ad-)  ^  ; 
fe-  et  fô-  traduisent  le  préfixe  D.  ver-  (L.  per-,  F.  par-),  d'où  :  fetan 
==  liaison,  D.  Verbindung  (tan  =  lien,  D.  band]  ;  feleigam  =  compa- 
raison, D.  Vergleichung  (leig  =  égal,  D.  gleich)  ;  fegivôn  =  par- 
donner (givôn  =  donner);  fegolôn  =  périr,  L.  perire  (golôn  = 
aller,  L.  ire),  etc. 

Les  corrections  proposées  par  M.  Kerckhoffs  étaient  en  général 
adoptées  par  la  majorité  des  Volapïikistes*;  certains  d'entre  eux 
allaient  même  plus  loin,  et  réclamaient  notamment  la  suppres- 
sion des  voyelles  infléchies  (à,  ô,  ii)  ■'.  Mais  ces  projets  de  réformes 
se  heurtaient  à  l'opposition  de  Mgr  Scfilever  et  de  la  plupart  des 
V^olapïikistes  allemands.  C'est  en  partie  pour  juger  ces  questions 
et  mettre  fin  aux  différends  que  furent  convoqués  trois  Congrès 
successifs. 


1.  Cf.  :  itasûk  =  amour-propre,  D.  Selbstsucht  (ita  =  sell/st,  sûk  = 
suchetil). 

2.  M.  Kerckhoffs  remarque  que  chacun  des  préfixes  len-,  là-,  fe-,  sa-  a 
une  dizaine  de  sens  au  moins  (Le  Volapûk,  p.  loi  et  238). 

3.  Le  Volapûk,  p.  151. 

4.  Id.,  p.  153. 

0.  Propositions  de  l'Association  des  Volapiikistes  espagnols  (présidée  par 
M.  Iparraguirre)  et  de  M.  Ferretti,  membre  italien  de  l'Académie  du  Vola- 
pûk (Le  Volapûk,  p.  153  et  237). 


SCHLEYER    :    VOLAPOK  147 

Le  premier,  convoqué  par  Mgr  Schleyer,  avait  eu  lieu  à 
Friotlriclishafen  (sur  le  lac  de  Constance)  les  25-28  août  1884. 
Il  ne  comprenait  guère  (et  pour  cause)  que  des  Allemands,  et  les 
désaccords  auxquels  nous  venons  de  faire  allusion  ne  s'étaient 
pas  encore  produits.  Il  élut  un  comité  chargé  de  préparer  un 
second  Congrès,  plus  international.  Celui-ci  se  tint  à  Munich, 
les  6-9  août  1887,  sous  la  présidence  de  M.  Kirchhoff,  professeur 
de  géologie  à  l'Université  de  Halle  :  il  réunit  plus  de  200  Vola- 
pûkistes  de  diverses  nations.  11  fonda  le  Vohipiikakhib  valemik 
(Association  universelle  des  Volapûkistes),  et  institua  une  Aca- 
démie internationale  de  Volapiik  «  chargée  de  veiller  au  développe- 
mont  régulier  de  la  langue,  à  la  conservation  de  son  unité,  et  à 
l'élaboration  du  dictionnaire  ».  L'Académie  devait  comprendre 
des  Kademals  (membres  du  grand  conseil),  des  Eademels  (simples 
académiciens)  et  des  Kademans  (membres  correspondants).  Le 
Congrès  élut  17  Kademals  représentant  13  pays*.  Mgr  Schleyer 
devait  être  grand-maître  (CifaI)  ta  vie;  M.  Kerckiioffs  fut  élu  à 
Tunanimité  directeur  (Dilekel).  Quant  aux  réformes  à  introduire 
dans  la  langue,  le  Congrès  ne  les  étudia  pas  en  détail,  et  s'en 
remit  à  l'Académie'^.  Celle-ci  n'avait  que  des  statuts  provisoires; 
elle  devait  élaborer  ses  statuts  définitifs  et  les  soumettre  au 
Congrès  suivant. 

M.  Kerckiioffs  proposa  à  l'Académie  le  programme  de  travail 
suivant  : 

«  I.  Alphabet  :  !<>  Sons;  2'^  Lettres. 

«  II.  Formation  des  mots:  1° radicaux;  2°  dérivés;  .3°  composés. 

«  111.  Place  des  mots  (syntaxe). 

«  IV.  Grammaire  :  1°  déclinaison;  2°  conjugaison;  3'^  usage  et 
signification  des  particules. 

«  V.  Examen  des  mots  défectueux  du  vocabulaire. 

t  VI.  Admission  de  mots  nouveaux.  » 

Mgr  Schleyer  parait  avoir  reconnu  en  principe  l'autorité  de 
l'Académie,  puisqu'il  fut  le  premier  à  lui  poser  plusieurs  ques- 
tions, dont  voici  les  principales  : 


1.  lisse  complétèrent  ensuite  par  cooptation,  ce  qui  porta  leur  nombre  à 
20  (Le  Volapiik,  p.   178). 

2.  Toutefois,  le  Congrès  de  Munich  décida  de  substituer  partout  le  préfixe 
féminin  ji-  à  of-,  et  Mjjr  Schleyer  introduisit  celte  réforme  dans  l'édition  de 
1888  de  son  Dictionnaire.  M.  Rehckhoffs  était,  au  contraire,  d'avis  de  rem- 
placer partout  ji-  par  of-. 


14  8  SECTION   II,   CHAPITRE   II 

«  Que  doit-on  le  plus  rechercher  dans  la  formation  des  mots 
nouveaux,  la  brièveté  ou  la  clarté? 

La  lettre  initiale  des  radicaux  peut-elle  être  une  voyelle? 

Peut-on  et  doit-on  établir  une  règle  fixe  pour  l'emploi  du 
conditionnel  et  du  subjonctif?  » 

Par  les  deux  premières  questions,  il  remettait  en  discussion 
deux  des  principes  essentiels  de  son  vocabulaire,  et  par  la  troi- 
sième il  avouait  un  des  vices  de  sa  grammaire. 

M.  Kerckhoffs  posa  à  son  tour  diverses  questions  à  l'Aca- 
démie, et  la  première  (conformément  au  programme)  fut  celle-ci  : 
«  Doit-on  admettre  les  sons  à,  ô,  u;  h,  r,  x,  z;  dl,  tl?  »  Comme 
on  le  voit,  il  ne  s'agissait  pas  là  de  corrections  de  détail;  car, 
ainsi  que  M,  Kerckhoffs  lui-même  l'avait  fait  observer*,  l'exclu- 
sion des  voyelles  infléchies  devait  entraîner  un  «  remaniement 
complet  »  de  la  grammaire  et  du  vocabulaire*.  M.  Kerckhoffs 
hésitait  à  les  bannir;  mais  il  était  d'avis  d'exclure  entièrement 
le  son  h  {ch  allemand),  les  doubles  consonnes  dl,  tl,  et  de  rem- 
placer X  et  z  par  ks,  ts.  L'Académie  décida  (à  la  majorité)  de 
conserver  à,  ô,  ù,  mais  d'en  éviter  l'emploi  à  l'avenir;  de  con- 
server r  et  z;  et  de  rejeter  h,  x,  dl,  tl. 

M.  Kerckhoffs  posa  ensuite  une  série  de  questions  sur  le  choix 
des  radicaux  et  la  formation  des  dérivés.  L'Académie  répondit 
par  les  décisions  suivantes  :  «  Il  est  permis  d'adopter  des  radi- 
caux quelconques,  mais,  quand  il  est  possible,  on  doit  préférer 
les  radicaux  courts  existant  déjà  dans  des  langues  nationales,  » 
«  11  n'est  pas  indispensable  de  conserver  la  forme  originaire  des 
radicaux.  Mais  la  meilleure  forme  est  celle  qui  ressemble  le 
plus  à  la  forme  originaire  (Ex.  :  baromet,  telegraf)^.  »  En  outre, 
«  on  doit  éviter  des  radicaux  trisyllabiques;  tous  les  radicaux 
qui  appartiennent  aux  principales  classes  de  mots  doivent 
prendre  les  désinences  caractéristiques  »  de  ces  classes  (par 
exemple  les  noms  de  pays  en  -an)  ;  enfin,  «  les  radicaux  polysylla- 
biques ne  doivent  pas  avoir  des  terminaisons  qui  sont  employées 
comme  suffixes.  » 

1.  Le  Volapùk,  p.  154,  197. 

2.  Mgr  ScHLEYER  fit  ses  réserves  sur  des  modiflcations  aussi  fondamen- 
tales, en  rappelant  que  M.  Iverckhoffs  avait  déclaré  qu'il  n'y  avait  rien  à 
changer  du  fond  de  la  langue  (voir  p.  143,  note  3). 

3.  On  remarquera  que,  par  ces  deux  décisions  capitales,  l'Académie  rom- 
pait implicitement  avec  les  principes  essentiels  du  Volapûk,  pour  adopter 
une  méthode  a  posteriori. 


SCHLEYER    :    VOLAPÛK  149 

En  même  temps,  M.  Kerkcfioffs  faisait  adopter  par  ses  col- 
lègues un  règlement  qui  conférait  à  Mgr  Schleyer  triple  voix  dans 
les  votes,  mais  lui  refusait  tout  droit  de  veto.  Naturellement, 
Mgr  Schleyer  protesta  et  menaça  de  destituer  M.  Kerckiioffs, 
comme  si  celui-ci  eût  tenu  ses  pouvoirs  de  l'Inventeur.  Il  considé- 
rait le  Volapiik  comme  sa  propriété,  parce  qu'il  en  était  le  père  ; 
mais  on  lui  répondait  que  le  Volapiik  appartenait  au  public, 
tout  au  moins  au  public  volapïikiste,  et  qu'étant  fait  pour  son 
usage,  il  devait  subir  les  améliorations  jugées  nécessaires  pour 
l'emploi  et  la  dilïusion  de  la  langue. 

L'Académie  n'en  continua  pas  moins  à  approuver  la  plupart 
des  réformes  proposées  par  M.  Kerckhoffs.  Elle  adopta  pour  la 
construction  la  règle  fondamentale  suivante  :  «  Le  mot  ou  la 
proposition  déterminante  suit  le  mot  ou  la  proposition  déter- 
minée »,  et  toutes  les  règles  spéciales  qui  en  découlent.  Elle 
prépara  en  outre  le  Congrès  de  1889,  et,  pour  lui  assurer  un 
caractère  international  et  neutre,  elle  décida  que  chaque  pays 
y  serait  représenté  par  un  nombre  de  délégués  proportionnel 
à  sa  population,  et  que  ces  délégués  seraient  choisis  à  raison  de  3 
par  chaque  académicien. 

Le  Congrès  devait  avoir  une  double  tâche  :  1"  ratifier  les  sta- 
tuts définitifs  de  l'Académie  ;  2°  promulguer  les  règles  de  la 
grammaire.  M.  Kerckiioffs  se  proposait  de  lui  soumettre  un 
Projet  de  Grammaire  normale  résumant  ses  propositions,  dont  la 
plupart  avaient  déjà  été  adoptées  par  l'Académie.  Le  Congrès 
eut  lieu  à  Paris  les  19-2i  août  1889.  Il  réunit  des  Volapûkistes  de 
13  pays  ditïérents  (y  compris  la  Turquie  et  la  Chine),  et  élut 
pour  président  M.  Kerckiioffs.  La  langue  officielle  du  Congrès 
fut  le  Volapiik.  On  n'eut  pas  le  temps  d'étudier  en  détail  les 
questions  de  grammaire;  le  Congrès  se  borna  à  décider  que 
l'Académie  rédigerait  «  une  grammaire  normale  simple,  d'où 
l'on  bannirait  toute  règle  inutile  ».  Son  œuvre  principale  fut  la 
discussion  et  l'adoption  des  statuts  définitifs  de  l'Académie  (en 
21  paragraphes)  ;  le  Congrès  approuva  en  outre  la  composition 
de  lAcadémie  et  tous  ses  actes  antérieurs.  Voici  les  principaux 
statuts  de  l'Académie  : 

«  1 .  L'Académie  s'occupe  uniquement  de  compléter  et  de  perfec- 
tionner la  grammaire  et  le  vocabulaire  de  l'Inventeur. 

»  2.  L'Académie  est  l'autorité  unique  dans  les  questions  lin- 
guistiques. 


laO  SECTION   II,   CHAPITRE   II 

»  3.  Les  académiciens  sont  choisis  parmi  les  Volapûkistes' 
les  plus  distingués  des  différents  pays  de  la  terre 

»  7.  L'élection  des  académiciens  a  lieu  sur  la  proposition  du 
directeur,  et  à  la  majorité  des  volants. 

>  8.  Le  directeur  de  l'Académie  doit  proposer  comme  académi- 
ciens les  personnes  qui  lui  sont  proposées  par  les  cercles  [Vola- 
pïikistes]  des  pays  respectifs 

»  11.  L'Académie  est  administrée  par  un  bureau  qui  comprend  : 
1*^  l'Inventeur;  2'*  le  directeur;  3"  le  sous-directeur;  4"  deux 
secrétaires. 

»  12.  Le  directeur  et  le  sous-directeur  sont  élus  pour  cinq  ans 
par  les  académiciens;  ils  sont  rééligibles 

»  15.  Les  décisions  de  l'Académie  doivent  être  aussitôt  sou- 
mises à  l'Inventeur.  Si  l'Inventeur  n'a  pas  protesté  avant  trente 
jours  contre  les  décisions,  celles-ci  sont  valables.  Les  décisions 
que  l'Inventeur  n'aura  pas  approuvées  sont  soumises  de  nouveau 
à  l'Académie,  et  ne  deviennent  valables  qu'après  avoir  été 
adoptées  à  la  majorité  des  deux  tiers 

»  21.  Ces  statuts  ne  peuvent  être  modifiés  que  par  un  Congrès 
internalionaP.  » 

Mgr  ScHLEVER  fit  ses  réserves  sur  les  articles  qui  le  concer- 
naient, et  prétendit  s'attribuer  un  droit  de  veto  absolu  (et  non 
pas  seulement  suspensif). 

Le  Congrès  remit  à  l'Académie  le  soin  de  convoquer  le  pro- 
chain Congrès,  et  de  décider  où  et  quand  il  se  réunirait.  Il  ny  a 
pas  eu  d'autre  Congrès  jusqu'ici. 

Après  le  Congrès  de  Paris,  le  directeur  de  l'Académie,  au  lieu 
de  poser  à  ses  collègues  une  série  de  questions  détaillées  sur  les 
différents  points  du  programme,  leur  proposa  en  bloc  un  projet 
complet  de  grammaire.  De  leur  côté,  divers  académiciens  '^  pro- 
posèrent d'autres  projets  de  grammaire,  de  sorte  qu'on  ne  put 
s'entendre.  M.  Kerckhoffs  donna  sa  démission  de  directeur  le 
20  juillet  1891,  et  l'Académie  chargea  un  Comité  de  trois  mem- 


1.  Le  mot  Volapùk  donne  lieu  en  Volapûk  à  une  perpétuelle  équivoque  : 
on  ne  sait  pas  s'il  désigne  la  Langue  universelle  en  général  ou  le  Volapûk 
en  particulier. 

2.  Le  texte  original  de  ces  statuts  (en  Volapùk)  est  signé  de  M.  Champ- 
Rigot,  Volapukiste  français. 

3.  MM.  Dayet  Holden,  Guigues,  Heyligers,  Knuth,  Kriiger,  Lederer  et  von 
Rylski,  Plum,  Rosenberger. 


SCHLEYER   :    VOLAPCk  151 

bres  *  de  préparer  l'élection  d'un  nouveau  directeur.  Ce  Comité 
fît  paraître  une  Grammaire  normale  (Glamat  nomik)  conforme  aux 
décisions  déjà  prises  par  l'Académie.  Celle-ci  élut  directeur 
M.  RosENBERGER,  de  Saint-Pétershourg  (15  mai  189:}). 

A  partir  de  ce  jour,  les  travaux  de  l'Académie  entrèrent  dans 
une  phase  nouvelle;  on  fît  table  rase  du  Volapûk,  et  l'on  aboutit  à 
la  constitution  d'une  langue  toute  différente,  Vidiom  neulral,  que 
nous  étudierons  plus  loin. 

On  comprend  que  ces  dissensions  entre  les  Volapïikistes,  et 
notamment  le  conflit,  d'abord  latent,  puis  déclaré,  entre  l'Inven- 
teur et  l'Académie  aient  été  funestes  à  la  langue.  Dès  1889,  la 
[iropagande  se  ralentissait,  bientôt  elle  s'arrêtait  complète- 
ment, et  dès  lors  le  Volapûk  perdait  rapidement  ses  adeptes. 
D'autre  part,  de  nombreux  professeurs  et  propagateurs  du 
Volapiik,  ayant  conscience  de  ses  défauts  et  n'ayant  pu  faire 
accepter  leurs  projets  de  réformes,  soit  par  Mgr  Sciii.eyer,  soit 
par  le  Congi'ès  et  l'Académie,  se  mirent  à  élaborer  des  langues 
nouvelles,  ce  qui  acheva  de  diviser  le  monde  volapïikiste  et  de 
ruiner  le  Volapiik.  Nous  retrouverons  ces  projets  dans  la  suite 
de  cet  ouvrage. 

Aujourd'hui,  le  Volapiik  est  à  peu  près  mort.  Il  ne  conserve 
plus  qu'un  petit  nombre  de  fidèles  -.  Il  subsiste  encore  4  clubs 
volapiikistes  :  2  en  Autriche,  1  en  Allemagne  et  1  aux  Pays-Ras. 
Le  principal  est  le  Volapûkaklub  zenodik  plo  Stirân  de  Graz 
{Clnb  volapûkisle  central  pour  la  Slyrie),  présidé  par  le  Prof.  Karl 
Zetter.  Celui-ci  continue  à  publier  le  Volapùkabled  lezenodik 
{Journal  central  du  Volapûk,  22«  année,  1902),  organe  officiel  de 
-Mgr  ScnLEYER,  qui  est  le  seul  journal  volapiikiste  survivant. 
M.  Zetter  est  le  président  de  l'Académie  fondée  en  1893  par 
-Mgr  SciiLEYER  quand  il  rompit  avec  l'Académie  instituée  par  les 
Congrès;  et  il  prétend  représenter  «  le  monde  volapQkiste  »,  en 
lout  cas  bien  réduit. 

En  résumé,  l'histoire  du  Volapûk,  de  ses  progrès  rapides  et  de 
sa  prompte  décadence,  est  extrêmement  instructive.  11  a  dû  son 
succès  prodigieux  à  ce  fait  que,  confondant  le  principe  et  l'ap- 
plication, tous  les  partisans  d'une  langue  internationale  se  sont 


\.  M.M.  CIiamp-Rigot,  Guiguos  et  Hoylijrors. 

2.  La  Liste    des   correspondants  (Lised  spodelas)  pour    tOOl   contonnit 
159  noms. 


^'6i  SECTION   II,    CHAPITRE   II 

ralliés  à  lui  dans  l'espoir  qu'il  incarnerait  et  ferait  triompher 
leur  idéal.  Puis  la  difficulté  et  les  défauts  de  lidiome  sont 
apparus  peu  à  peu, à  la  pratique;  la  désillusion  est  venue;  toutes 
les  propositions  de  réformes  et  d'amendements  se  sont  heurtées 
à  l'intransigeance  obstinée  de  Mgr  Sciileyer,  et  alors  chacun 
reprit  sa  liberté  :  ce  fut  la  discorde,  l'anarchie  et  la  dissolution 
finale.  Ainsi  le  Volapûk  a  réussi,  parce  qu'il  paraissait  répondre 
à  un  besoin  très  vivement  ressenti,  surtout  dans  le  monde  com- 
mercial ;  et  il  a  échoué  à  cause  de  ses  vices  intrinsèques,  du 
.dogmatisme  inflexible  de  son  inventeur,  et  de  la  désunion  de  ses 
adhérents. 

Critique. 

Il  semble  au  premier  abord  qu'on  ne  puisse  pas  faire  du 
Volapûk  une  critique  plus  complète  et  plus  sévère  que  celle  qu'en 
ont  faite  M.  Kerckhoffs  et  bien  d'autres  Volapûkistes.  Mais  c'est 
là  une  illusion.  En  réalité,  ils  ne  critiquaient  que  des  détails 
d'application,  et  restaient  fidèles  aux  principes  de  la  langue. 
Quand  ils  blâmaient  les  inconséquences  et  les  idiotismes  de 
l'auteur,  ils  lui  reprochaient  de  violer  ses  propres  règles,  et 
quand  ils  s'efforçaient  de  réformer  et  de  corriger  le  Volapûk, 
c'était  en  en  conservant  le  plan  et  les  caractères  essentiels.  Ce 
sont  ces  caractères  que  nous  avons  maintenant  à  dégager 
pour  découvrir  les  vices  fondamentaux  du  système,  vices  qui 
se  seraient  fatalement  retrouvés  même  dans  le  Volapûk  simplifié 
et  amendé  de  M.  Kerckhoffs.  Ils  se  ramènent  à  deux  :  la  gram- 
maire est  trop  synthétique;  le  vocabulaire  mancfue  d'interna- 
tionalité. 

La  grammaire  est  trop  synthétique  :  M.  Kerckhoffs  l'avait 
bien  senti,  puisqu'il  essayait  de  substituer  à  la  déclinaison  par 
flexions  une  déclinaison  analytique  (par  prépositions).  Mais 
c'est  surtout  la  conjugaison  qui  offrait  ce  défaut  à  un  degré 
exorbitant.  Lors  môme  qu'on  eût  supprimé  une  bonne  moitié 
des  modes  et  des  temps  inventés  par  Mgr  Schleyer,  ce  vice  irré- 
médiable eût  subsisté.  M.  Kerckhoffs  a  beau  dire  que  cette  con- 
jugaison t  est  essentiellement  grecque  »  ;  il  répugne  à  l'esprit 
analytique  des  langues  modernes  d'accoler  au  radical  verbal 
comme  suffi.xe  le  pronom  personnel  (qui  fait  d'ailleurs  double 
emploi  avec  le  sujet),  et  comme  préfixe  la  caractéristique  des 


sdHLEYEU  :  volapCk  153 

temps  (imitée  de  raugment  grec).Peu  importe  que  ce  soit  là  *  le 
procédé  de  toutes  les  langues  primitives  de  lEurope  et  de 
l'Inde  »;  la  L.  I.  na  pas  besoin  d'ôtre  une  langue  primitive,  et 
une  stiueture  savante  et  archaïque  ne  peut  que  lui  nuire.  On 
aijontit.  par  raccumulalion  des  préfixes  et  des  suffixes,  à  des 
l'ornies  tellement  longues  et  compliquées,  que  le  radical  verbal 
y  devient  méconnaissable,  au  point  que  l'Inventeur  lui-même 
avait  pris  l'habitude  de  l'imprimer  en  italiques  '.  En  outre,  le  p 
initial  du  passif  ne  suffit  pas  à  le  caractériser,  d'autant  plus 
qu'il  y  a  des  mots  commençant  par  p  suivi  d'une  voyelle  qui  ne 
sont  nullement  des  verbes  au  passif  (Ex.  :  pen  =  p/Hme  et  ses 
nomiireux  dérivés). 

On  peut  ajouter  que  toutes  les  flexions  grammaticales  sont 
entièrement  arl)itraires  *;  elles  sont  empruntées  le  plus  souvent 
à  l'ordre  alphabétique  des  voyelles,  et  n'ont  aucune  ressemblance 
ni  même  aucune  analogie  avec  les  flexions  des  langues  natu- 
rellc^s  3.  C'est  un  mécanisme  monotone  et  tout  a  priori  qui 
déroute  la  mémoire  au  lieu  de  l'aider. 

Cet  arbitraire  règne  également  dans  le  choix  des  radicaux  et 
dans  la  formation  des  mots.  Aux  restrictions  imposées  par  la 
grammaire,  l'auteur  en  ajoutait  d'autres  par  les  règles  de  struc- 
ture et  par  son  alphabet.  Tandis  qu'il  admettait  les  sons  à,  ô,  û, 
difficiles  à  prononcer  pour  beaucoup  de  peuples  européens,  il 
excluait  presque  entièrement  la  consonne  r,  en  considération  des 
Chinois;  mais  bientôt  il  apprenait  du  D'  Fever.vbend  que  les 
Japonais  possèdent  au  contraire  l'ret  manquent  de  1,  et  dans  sa 
Kur:e  cliinesisch-wellsprachliche  Grammatik  (1885),  il  reconnaissait 
que  les  Chinois  ont  un  r.  C'était  bien  la  peine  de  défigurer  une 
multitude  de  radicaux  européens,  et  même  de  noms  propres 
comme  Bodiigân  =  Portugal  ^! 

1.  E.xcniplcs  tirés  d'une  lettre  de  Mgr  Scur.EVER  dans  Le  Y^olapâk  (p.  239)  : 
paleiis»»a)ms,  papeHomsôd,  pabe/onom,  peda/iAôls,  padcjafôn,  pane/wrôn, 

past7^/^/,oiiiôv,  por/eôoinôd M.  Kerckhoffs  cite  (ibicL,  p.  2G'2)  les  formes  : 

âlovepolob-la,  li-àlovepolob-ôv,  qu'il  essaie  de  rendre  plus  claires  par  des 
traits  d'unions. 

2.  Kx.  :  les  sufd.xes  de  comparaison  -um  et  -un,  trop  semblables  d'ailleurs. 

3.  Les  temps  du  verbe  se  nomment  eux-mêmes  par  ce  procédé  :  patûp, 
présent ;-p'àtÛTp,  imparfait;  petûp,  parfait;  TpitÛTp,  plus-qne-par fait;  potùp, 
futur:  putûp.  futur  antérieur.  De  même  les  cas  s'appellent  (ù  l'imitation  de 
rnllomnnd)  :  kimfal,  nominatif;  kimafal,  génitif;  kimefal,  datif;  kimifal, 
accusatif.  Ces  mots  sont  trop  aisés  à  confondre. 

4.  Tout  en  conservant  l'r,  par  une  incoaséquence  singulière,  dans  un 


134  SECTION   II,   CHAPITRE   II 

Mais  ce  qui  contribuait  le  plus  à  rendre  les  racines  nationales 
méconnaissables,  c'est  la  tendance  au  monosyllabisme,  qui  limi- 
tait à  l'excès  le  nombre  des  combinaisons.  Aussi  certaines  de 
ces  racines  ont-elles  subi  une  série  de  déformations  invraisem- 
blables. Par  exemple,  jim  (ciseaux)  vient  de  Schere(D.)  qui,  trans- 
crit phonétiquement,  donne  jer,  donc  jel,  par  substitution  de  1  à 
r.  Mais  jel  signifie  protection;  on  change  la  voyelle,  et  l'on  obtient 
jil.  Mais  jil  exprime  déjà  l'idée  de  femelle;  on  change  alors  la 
consonne,  et  l'on  trouve  enfin  jim.  De  même,  lel  provient  de 
fer  :  en  effet,  cette  racine  romane  devient  d'abord  fel,  mais  fel 
signifie  champ;  fil,  fol,  fui  ont  également  des  sens  déterminés.  On 
remplace  alors  la  consonne  initiale  parcelles  qui  la  suivent  dans 
l'alphabet  :  on  trouve  ainsi  gel  (orgue),  hel  (cheveu),  jel  (que  nous 
venons  de  voir),  kel  iqni),  et  enfin  lel,  qui  n'a  pas  encore  de  sens. 
Et  voilà  pourquoi  lel  =fer  '  ! 

On  comprend,  après  cela,  que  la  plupart  des  radicaux  du 
Volapûk,  quelle  que  soit  leur  origine  naturelle,  soient  pratique- 
ment méconnaissables,  et  paraissent  être  uniquement  le  produit 
du  caprice  et  de  la  fantaisie.  Pourquoi,  dans  le  mot  latin  centum, 
garder  précisément  la  terminaison  tum,  qui  est  commune  à  des 
centaines  de  mots  latins?  D'où  vient  que  pet  signifie  parole; 
ped,  presse;  pel,  paiement,  etc.?  D'ailleurs,  les  noms  de  nombre, 
les  pronoms  personnels  et  démonstratifs,  sont  construits  entière- 
ment a  priori,  et  sur  un  type  uniforme  qui  les  rend  encore  plus 
difficiles  à  retenir  et  à  distinguer.  On  peut  aisément  confondre 
entre  eux  les  pronoms  at,  et,  it,  ot,  ut,  ou  les  nombres  mal, 
vel,  jôl-.  Là  encore  l'auteur  n"a  pas  eu  d'autre  princijjc  que 
l'ordre  conventionnel  des  voyelles  dans  l'alphabet. 

Cette  tendance  au  monosyllabisme  était  d'ailleurs  approuvée 


certain  nombre  de  noms  de  pays  comme  Rilân,  Ràbàn,  Ramàn,   Rumàn, 
Algerân  et  ...  Berberàn! 

1.  Ces  deux  exemples  sont  empruntés  à  M.  Julius  Lott  (op.  1),  qui  fut 
professeur  et  propagateur  de  Volapûk  en  Autriche. 

2.  Pourquoi  terminer  tous  les  noms  de  nombre  par  un  1,  alors  que  celte 
lettre  n'est  nullement  caractéristique  des  nombres?  Ex.  :  val  (choix),  mel 
(mer),  IaI  (terre),  til  (chardon),  kôl  (couleur);  nouvelle  source  de  confusions! 
En  outre,  Tidée  de  représenter  les  dizaines  en  ajoutant  l's  du  pluriel  aux 
unités  est  tout  à  fait  malencontreuse  (bien  qu'elle  se  retrouve  dans  la  plu- 
part des  projets  issus  du  Volapûk)  :  bals  devrait  signifier  des  uns,  plusieurs 
uns,  et  non  pas  dix.  Cela  prête  d'ailleurs  à  confusion  :  il  est  difficile  de 
distinguer  à  l'audition  :  maks  tel  segivôn  et  maks  tels  segivon  (payer 
deux  ou  vinç/t  marks),  et  l'on  voit  que  l'erreur  est  considérable. 


SÔHLEYER    :    VOLAPCK  155 

et  partagée  par  M.  Kerckhoffs;  il  la  justifiait  en  disant  qu'il  fallait 
adopter  des  racines  très  courtes,  afin  de  ne  pas  avoir  des  mots 
(surtout  des  verbes)  trop  lon^s,  et  il  proposait  de  rein  placer  literat 
par  lirat,  balomet  par  lomet,  lotogaf  par  togaf,  filosop  pnr  fisop. 
ce  qui  eût  rendu  ces  mots  tout  à  lait  méconnaissables  '.  N'eùt-il 
pas  mieux  valu  sacrifier  le  synthétisme  de  la  grammaire  à  l'intel- 
ligibilité des  radicaux?  On  a  vu  que  l'Académie  recherchait  aussi 
la  brièveté  des  radicaux  :  mais  elle  ne  lui  sacrifiait  pas  aussi 
complètement  l'internationalité,  puisqu'elle  préférait  baromet  à 
balomet.  et  telegraf  à  telegaf.  On  verra  plus  tard  qu'elle  a  fini 
par  faire  triompher  le  principe  de  l'internationalité  dans  Vldiom 
neiitral. 

Au  contraire,  Mgr  Sciilever  ne  s'est  jamais  incjuiété  de  l'interna 
tionalité  des  radicaux  2;  il  les  choisissait  au  hasard,  surtout  dans 
les  langues  germaniques,  quitte  à  les  déformer  ensuite  de  manière 
à  les  rendre  inintelligibles  même  au  peuple  auquel  il  les  empi'un- 
lait.  Les  exemples  sont  innombrables  :  fire  (E.)  devient  fil,  qui 
rappelle  aux  peuples  romans  les  idées  de  yîf,  de  fils  ou  défile; 
mais  fir  existe,  et  il  signifie  sapin.  Bel  évoque  chez  les  j)eu- 
ples  romans  l'idée  de  beauté,  sans  rappeler  berg  aux  peuples  ger- 
maniques. Glob  signifiera  grossièreté  (D.grob),  tandis  que  globe  se 
traduira  parglop.  Kanad  signifiera  ca««i,  tandis  que  kanal  signifiera 
grand  artiste.  Logik  signifiera  visible,  et  la  Zof/igue  s'appellera  tikav. 
Quel  nom  est  plus  universellement  connu  que  celui  des  Alpes? 
En  vertu  de  règles  de  structure  inexorables,  il  devient  lap.  Le 
mot  exclusivement  allemand  Degen  (épée)  devient  den.  Qui  recon- 
naîtrait les  mots  ochs  (D.)  dans  xol  {bœuf),  graf  (D.)  dans  gab 
{comte),  ink  (E.)  dans  nig  (encre),  roof  (E.)  dans  nuf  (toit),  travel  (E.) 
dans  tâv  {voyage),  trinken  (D.)  dans  dlinôn  (botre)  ?  Qui  devinerait 
le  sens  des  mots  dip  {diplomatie),  pat  {particularité),  pal  (parent), 
fat  (père),  mat  (mariage),  mot  (mère),  blod  (frère),  net  (nation),  plin 
(prince)l  A  quoi  bon  emprunter  des  radicaux  à  l'anglais,  si  on 
les  rend  méconnaissables  aux  Anglais  eux-mômes? 

A  cette  erreur  s'en  ajoute  une  autre  qui  l'aggrave  :  c'estde  pré- 
férer le  phonétisme  au  graphisme,  alors  que  celui-ci  est  plus 


1.  Ln  mpillouro  preuve  en  est  que  togaf  représente  ailleurs  pour  lui  le 
nidt  fotogaf  (voir  Le  Volapiik,  p.  170  et  243.) 

2.  -M.  Kerckhoffs  non  plus  :  «  Quanta  conserver  plus  ou  moins  fidèlement 
la  fornic  du  radical,  telle  qu'elle  est  fournie  par  la  langue  naturelle,  nous 
no  devons  y  attacher  aucune  importance  ».  (Le  Volapiik,  p.  243). 


136  SECTION   II,   CHAPITRE   II 

international  que  celui-là,  et  d'adopter  le  plionétisme  anglais, 
qui  est,  comme  on  sait,  absolument  national.  C'est  ainsi  que  le 
mot  international  slation  devient  stajen  ou  stejen,  qui  n'est  plus 
,  reconnaissable  que  pour  les  Anglais.  Un  exemple  plus  typique 
encore  est  le  suivant  :  il  y  a  une  racine  internationale  pour  l'idée 
de  chambre,  c'est  kanier  (L.  caméra,  D.Kammer,  etc.)  Mgr  Soulever 
la  prend,  déjà  déformée,  dans  l'anglais  (chamber)  et  la  déforme 
encore  en  cem.  On  voit  quel  est  l'inconvénient  d'emprunter  des 
racines  à  l'anglais  :  ces  racines,  qu'elles  soient  d'origine  romane 
ou  germanique,  sont  généralement  déformées  par  l'écriture,  et 
bien  plus  encore  par  la  i)rononciation  ;  de  sorte  que  des  racines 
internationales  en  elles-mêmes  y  perdent  leur  internationalité*. 

D'ailleurs,  si  monosyllabiques  que  soient  les  racines,  cela 
n'empêche  pas  d'avoir  des  radicaux  composés,  donc  polysyllabi- 
ques, notamment  dans  les  verbes.  Ex.  :  lovepolôn  =  traduire  (love 
=  trans,  polôn  =  porter).  On  ne  peut  donc  éviter  de  former  de 
longs  mots,  à  moins  de  renoncera  la  conjugaison  synthétique. 

Enfin  l'on  fait  valoir  la  concision  du  Volapak,  qui  permet  de 
dire  en  6  mots  ce  que  les  langues  naturelles  disent  en  12  ou 
15  mots  et  le  latin  en  9.  Ex.  :  Itisevam  eibinom  stabin  gudikùn 
tugas  valik.  =  La  connaissance  de  soi-même  a  toujours  été  le  meilleur 
fondement  de  toutes  les  vertus.  Mais  à  quoi  bon,  si  chacun  de  ces 
mots  complexes  exige  une  analyse  qui  se  présente  toute  faite 
dans  les  langues  analytiques']  On  allègue  que  cette  concision  est 
très  économique  pour  les  télégrammes;  sans  doute,  mais  ce 
n'est  ni  une  économie  de  pensée,  ni  une  économie  de  temps,  et 
cette  considération  doit  l'emporter  sur  la  précédente,  étant  d'une 
application  beaucoup  plus  générale. 

Les  Volapïikistes  essaient  aujourd'hui  de  justifier  leur  vocabu- 
laire en  disant  que  son  auteur  n'a  pas  recherché  V internationalité ^ 
qui  est  selon  eux  une  chimère,  mais  bien  Vanationalité,  la  neutra- 
lité absolue.  Que  l'internationalité  des  radicaux  ne  soit  nullement 
une  chimère,  c'est  ce  que  prouvent  tous  les  projets  de  langues 

1.  Disons,  à  ce  propos,  que  certains  Anglais,  voulant  faire  de  leur  idiome 
la  langue  internationale,  et  constatant  que  le  principal  obstacle  est  le  désac- 
cord complet  entre  le  graphisme  et  le  plionétisme,  ont  proposé,  non  pas  de 
réformer  la  prononciation  anglaise,  mais  au  contraire  de  rendre  l'ortho- 
graphe anglaise  phonétique.  Ils  ne  réussiraient  ainsi  qu'à  rendre  l'anglais 
illisible  pour  les  étrangers,  et  à  enlever  à  beaucoup  de  mots  anglais  leur 
internationalité,  qui  réside  uniquement  dans  le  graphisme.  Voir  Melville 
Bell,   World-English,  the  universal  language  (London,  Trubner,  1888). 


SCHLEYER    :    VOLAPCK  157 

a  poslcriori,  et  notamment  Vldioni  neutral,  élaboré  par  d'anciens 
Vola[)ïikislos.  Quant  à  la  prét(Muluo  neutralité  du  Volnptik,  elle 
est  démentie  par  l'assertion  formelle  et  répétée  de  Mgr  Schleyer, 
qu'il  a  emprunté  ses  racines  en  première  ligne  à  l'anglais.  Au 
fond,  lavorsion  dos  Volapiikistes  pour  les  radicaux  internatio- 
naux (dont  la  plupart  sont  d'origine  latine)  parait  venir  du  pré- 
jugé germanique  contre  les  «  mots  étrangers  ». 

En  tout  cas,  cette  aversion  semble  avoir  guidé  l'auteur  dans 
le  choix  de  ses  racines,  et  plus  encore  dans  la  formation  de 
ses  mots  composés.  Au  lieu  d'adopter  les  termes  techniques  et 
scientifiques  internationaux  (composés  de  racines  grecques  ou 
latines),  il  a  tenu  à  former  ses  mots  composés  d'une  manière 
autonome  (à  l'imitation  de  l'allemand),  en  traduisant  séparément 
les  racines  composantes.  C'est  ainsi  que  thermomètre  se  dit  vama- 
mafel  (vam  =  chaleur,  mafel  =  mesureur)  ;  presbyte  =  fagalogamik 
(fag=  loin,  logam  =  vue)  ;  tramway  =  klautavab  (klaut=  mil,  vab 
r=  voiture)  ;  lelod  =  chemin  de  fer  (lel  =fer,  od  =  chemin),  ivrujon  = 
lelodavab;  automobile  =  itomufik  (it  =^  même,  mui  ^  mouvement)  ; 
photographie  =  litamag  (lit  ■=  lumière,  mag  =  image);  anonyme  = 
nenemôf,  etc.  11  est  vrai  que  l'auteur  capitule  quelquefois  avec 
les  mois  grecs  :  il  admet  fotogaf  comme  synonyme  de  litamag,  et 
balomet  à  côté  de  vamamafel,  ce  qui  est  une  inconséquence. 

Il  commet  bien  d'autres  illogismesdans  la  formation  des  mots 
dérivés.  Et  d'abord,  il  admet  de  nombreuses  isoménVs,  c'est-à-dire 
des  mots  qui  peuvent  se  décomposer  de  diverses  manières  et 
avoir  par  suite  des  sens  tout  différents.  Exemples  : 

le-dom   ^^ palais; 

le-lod      =  forte  charge  ; 

le-mel     =  océan; 

le-nad     =  grande  aiguille; 

ko-nam  =  collaboration  ; 

mi-ten    =  gauchissement; 

gle-tip    =  pointe  principale  ; 

bi-nom    =  règle  préliminaire; 

ti-del      =  presque  jour  ; 

Sans  doute,  les  deux  sens  sont  si  hétérogènes  que  le  contexte 

suffit  en  général  à  déterminer  le  vrai  sens;  mais  il   n'est    pas 

moins  fAchcux qu'on  puisse  hésiter,  mémo  un  instant,  entre  deux 

1.  D'après  Bauer  et  Ste.mpfl. 


led-om 

=  il  rougit. 

lel-od 

=-  chemin  de  fer. 

lem-el 

=  acheteur. 

len-ad 

=  apprentissage. 

kon-am 

=:  récit. 

mit-en 

=  boucherie. 

glet-ip 

= folie  des  grandeurs. 

bin-om 

=  il  est. 

tid-el 

=  professeur  ^ . 

158  SECTION   II,  CHAPITRE   II 

sens,  et  qu'on  soit  obligé  de  choisir.  De  plus,  il  est  dangereux  de 
s'en  remettre  toujours  au  contexte,  car  si  le  contexte  est  obscur 
ou  mal  compris,  le  sens  i)eut  dépendre  précisément  du  mot  dou- 
teux. C'est  commettre  un  cercle  vicieux  que  de  prétendre  que  les 
mots  s'expliquent  et  s'éclairent  les  uns  par  les  autres.  Il  est 
assurément  préférable  qu'ils  aient  chacun  par  soi  un  sens  bien 
déterminé. 

Un  inconvénient  plus  grave  encore  que  les  isoméries  est  la 
multitude  des  dérivations  apparentes  qui  peuvent  donner  lieu  à 
des  contresens.  Ainsi  balip  =  barbe  semble  signifier  :  maladie 
(manie)  de  l'unité;  plepalôn  =pr<'parer  ne  vient  ni  de  pie  ni  de  pal: 
fibaf  {amphibie)  ne  vient  pas  de  fib  (faiblesse),  ni  fetan  {liaison)  d(>  fet 
(fertilité).  Beaucoup  de  radicaux  commencent  par  de-  sans  contenir 
le  préfixe  de-  ni  en  avoir  le  sens  (depad,  demad,  desid,  etc.).  De 
même  pôtet  =  pomme  de  terre,  et  pôtit  =  appétit  ont  l'air  de 
dériver  de  pot  =  occasion  (cf.  pôtek  =  pharmacie,  et  pôtut  =  faim)  '. 
Souvent  même  on  ne  sait  pas  comment  analyser  un  mot  com- 
posé où  l'on  croit  reconnaître  tel  radical  connu.  Ainsi  kobotonôn 
se  décompose  en  kobo^  ensemble,  ton  =  accord  (s'accorder).  Pedi- 
pedel  semble  contenir  deux  fois  le  radical  ped  :  or  il  a  pour 
radical  diped  [diplôme)  et  signifie  diplômé  ^. 

"D'ailleurs,  beaucoup  de  mots  dérivés  sont  formés  contraire- 
ment à  la  logique  et  môme  au  bon  sens.  Sans  revenir  sur  les 
nombreux  cas  de  Tikûlin  cités  par  M.  Kerckhoffs,  pourquoi 
employer  le  suffixe  -el  dans  des  mots  comme  fatel  =  grand-père 
paternel,  motel  =  grand-père  maternels  Si  mùf  signifie  locomobile, 
comment  son  augmentatif  lemuf  signific-t-il  locomotive'?  Pourquoi 
la  mouche  s'appelle-t-elle  flitaf  (litt.  :  animal  qui  vole),  comme  s'il 
n'y  avait  pas  d'autres  animaux  ailés  et  volants? , Pourquoi  la 
guêpe  s'appelle-t-elle  lubiea,  péjoratif  de  bien  =  abeillel  Luvat, 
péjoratif  de  vat  =  eau,  pourrait  à  la  rigueur  désigner  les  eaux 
sales;  il  signifie...  urine  \  De  pab  =  papillon  dérive  lupab  =  che- 
nille; est-ce  de  la  même  manière  que  lugil  =:  vautour  dérive  de  gil 
=  aigle,  ou  que  luspog  ■=  champignon  dérive  de  spog  =  éponge'! 
De  telles  dénominations  sont  aussi  peu  scientifiques  que  la  locu- 

1.  Autres  exemples  :  kat  =  chai,  katad  =  capital,  katan  =  capitaine; 
din  =  chose,  dinit  =  dignité. 

2.  D'une  manière  générale,  il  est  fâcheux  d'employer  les  préfixes  du 
passif  dans  des  mots  qui  ne  sont  ni  verbes  ni  même  participes.  Ex.  :  Pe- 
baltats  =  Etals- Unis. 


SCHLEYER    :    VOLAPLK  loO 

lion  mauvaise  herbe,  ou  que  la  classification  des  insectes  en 
utiles  et  nuisibles.  Comment  de  lom  =  pays  natal  (E.  home)  peut-on 
déduire  lomon  =  s'établir  en  pays  étranger,  et  de  mag  =  image  tirer 
lumag  =  faste  •?  D'autres  dérivations  sont  vagues  ou,  comme  on 
dit.  tirées  par  les  cheveux  :  lusôlel  =  tyran  (litt.  :  mauvais  maître); 
lulisàlel  =  sophiste  (Usai  =  raison;  lisàlel  =  raisonneur).  Dufaston 
{pierre  dure)  désiijne  le  granité,  comme  s'il  n'y  avait  pas  d'autres 
pierres  dures;  bigovaet  (suc  épais)  sigmUc gélatine  ;  flumapop.  yjopier 
buvard  (litt.  :  papier  de  fleuve,  cf.  :  flumabed  =  lit  de  fleuve),  etc. 
D'autres  sont  des  périplirases  inexactes  ou  équivoques  :  smabed=: 
nid  (litt.  :  petit  lit;  pourquoi  pas  :  berceaul)^;  silavat  =  pluie  (eau 
du  ciel);  vatalubel  =  flot  (petite  montagne  deau);  lustelavel  ::=  astro- 
lùijne  (litt.  :  mauvais  astronome  :  stoi^  étoile ,  stelav  =  astronomie)^  ; 
logamagil  =: pupille  (litt.  :  petite  image  de  VœU;  D.  Augenstern). 

Ces  défauts  viennent  de  ce  que  le  Volapûk  est  une  langue  trop 
syiiiliélique  et  trop  a  priori;  sans  être  une  langue  philosophique, 
il  prétend  analyser  les  notions  et  les  reconstituer  suivant  la 
méthode  philosophique-;  de  sorte  qu'il  a  les  défauts  pratiques 
d'une  f(>lle  langue  sans  en  avoir  les  avantages  logiques.  Celle  ten- 
dance se  manifeste  surtout  par  l'emploi  des  affixes  caractéristiques 
pour  certaines  classes  d'idées.  Autant  il  est  naturel  et  nécessaire 
d'enq)loyer  des  affixes  de  dérivation  d'un  sens  déterminé  pour 
former  les  mots  dont  le  sens  dérive  réellement  de  celui  d'un 
mot  primitif,  autant  il  est  inutile  et  incommode  d'imposer  à 
Ions  les  mots  d'une  même  catégorie  logique  la  même  termi- 
naison, connue  un  faux-nez  qui  ne  sert  qu'à  les  rendre  mécon- 
naissables et  à  les  faire  confondre  *.  Pourquoi  appeler  le  choléra 
kolerip,  les  vacances  vakanûp,  Vargent  silin,  etc.?  Ou  bien  on  con- 
naît le  sens  de  ces  radicaux  (que  le  suffixe  ne  fait  que  défigurer), 
et  alors  on  sait  quelle  espèce  d'objets  ils  désignent;  ou  bien  on 
ne  les  connaît  pas,  et  alors  il  est  inutile  de  savoir  qu'il  s'agit 


1.  Nous  no  parlons  j)ns  de  ccrlninos  dérivations  ohlonuos  par  In  simple 
inllexion  de  la  voyelle  du  radical  (transformation  de  verbes  neutres  en 
actifs,  comme  en  allemand),  que  M.  Kehckhoffs  a  critiquées  d'autant  plus 
justement,  ([u'il  existait  déjà  des  couples  de  radicaux  (|ui  ne  dilTéraient  que 
par  rintlexion  d'une  voyelle,  et  (|ui  n'étaient  nullement  dérivés  l'iui  de 
l'autre  (Le  Volapûk,  p.  171-172). 

2.  Pourquoi,  bov  signifiant  plal,  smabov  signilic-t-il  assiette,  et  bovil 
tasse  '? 

3.  Cf.  :  lu-se-vestig-el  =  espion. 

4.  Cf.  Stempfl,  Myrana,  p.  111-120. 


160  SECTION   H,   CHAPITRE   II 

d'une  maladie,  d'une  notion  de  temps  ou  d'un  élément  chimique. 
Mais,  qui  pis  est,  ces  terminaisons  ne  sont  même  pas  caractéristiques 
des  classes  d'idées  auxquelles  on  les  a  attribuées  :  -af  est  la  désinence 
caractéristique  des  animaux;  or,  à  côté  du  tigre,  qui  s'appelle  tiaf. 
on  a  le  lion  (lein),  le  chien  (dog),  le  cheval  (jeval),  le  bwnf  (xol),  le  porc 
(svin),  le  serpent  (snek),  le  ver  (vum),  l'éléphant  (nelfan).  etc.,  et, 
d'autre  part  :  bagaf  [paragraphe),  lemaf  (barque),  lotogaf,  etc.  '.  Et 
comment  expliquer  que  de  nim  =  animal  dérive  nimaf  =  mani- 
mifèrel  De  même,  bien  que  -it  soit  le  suffixe  caractéristique  des 
oiseaux  (pourquoi  un  suffixe  spécial  aux  oiseaux?  ne  sont-ce  pas 
des  animaux?),  on  a  :  laud  =  alouette,  sval  :=  hirondelle,  spàr  = 
moineau;  et  en  revanche  :  neit  =  nuit,  negit  =  tort,  pulit  ^=  poulie, 
visit  =  visite,  vindit  =  vengeance.  In  est  le  suffixe  des  éléments 
chimiques;  mais  l'auteur  admet  silef  à  côté  de  silin  (argent),  golud 
à  côté  de  golin  (or),  plum  à  côté  de  plumin  (plomb)  ;  et  en  revanche  : 
fein  =:  finesse,  lein  =  lion,  pein  =  pin,  pejin  =  pigeon,  fogin  =  pays 
étranger,  lastin  =  élasticité,  latin  =  latin,  lapin  =  rapine,  butin 
=  tire-bottes  (but  =  botte),  spatin  =  canne  (spat  =  promenade)  ^. 
Ip  caractérise  les  maladies;  mais  komip  =  combat.  Av  désigne 
toutes  les  sciences;  mais  géométrie  ^=  geomet,  algèbre  =  lageb,  et 
physique  =  fùsud  (natav  =  histoire  naturelle).  Etc.,  etc. 

M.  Kerckhoffs  reconnaissait  sans  doute  cet  abus  du  principe 
des  langues  philosophiques  :  «  Il  sera  bien  difficile...  de  donner 
à  tous  les  radicaux  des  terminaisons  caractéristiques;  il  faudrait 
établir,  au  préalable,  une  classification  systématique  de  toutes 
les  connaissances  humaines,  chose  impossible  dans  l'état  actuel 
de  la  science.  »  Il  avouait  que  «  M.  Schleyer  a  un  peu  prodigué 
ses  premiers  suffixes  »,  en  affectant  par  exemple  une  désinence 
spéciale  aux  cinq  parties  du  monde,  alors  qu'il  avait  déjà  le 
suffixe  -an  pour  les  noms  de  pays  ^.  Mais  il  n'en  restait  pas  moins 
fidèle  au  principe,  el  voulait  surtout  en  régulariser  l'application  *. 
C'est  ainsi  qu'il  proposait  une  nomenclature  des  corps  simples 
de  la  chimie,  en  leur  donnant  à  tous  des  noms  de  deux  syllabes 
contenant  leurs  lettres  symboliques  et  finissant  par  -in,  ce  qui 

1.  Critique  empruntée  à  M.  Dormoy. 

2.  Citons  encore  les  radicaux  :  begin,  deklin,  desin,  disin,  medin,' 
plovin,  satin,  violin,  tous  étrangers  à  la  chimie. 

3.  Le  Volapûlc,  p.  243. 

4.  Un  savant  danois,  M.  Aaen,  renchérissant  sur  l'Inventeur,  proposait  les 
désinences  caractéristiques  -eb  pour  les  phanérogames  et  -ep  pour  les  cryp- 
togames (l.e  Volapiik,  p.  183). 


SCHLEYER   :    VOLAPÛK  161 

n'allait  pas  sans  de  graves  altérations  de  leurs  noms  tradition- 
nels :  agin  =  argent,  cabin  =  carbone,  colin  =  chlore,  félin  =  fer, 
hûdin  =  hydrogène,  htigin  =  mercure  (llg),  oxin  =  oxygène,  natin  = 
sodium  (Na),  nogin  =  azote  (N),  etc  *. 

Par  une  singulière  inconséquence,  tandis  que  Mgr  Schleyer 
poussait  à  l'extrême  l'emploi  de  la  dérivation  et  de  la  composi- 
tion, il  ne  les  employait  pas  toujours  là  où  le  sens  parait  l'exiger: 
il  n'établissait  aucune  relation  entre  k\oi:=  habit  et  teladel  ^=  tail- 
leur; entre  deil  =  la  mort,  nelifik  =  le  mort  (litt.  :  non  vivant)  et 
funôn  =  tuer  (litt.  :  rendre  cadavre). 

Enfin,  bien  que  l'harmonie  ne  soit  qu'une  qualité  secondaire 
d'une  langue  internationale,  le  Volapiik  en  est  vraiment  trop 
dépourvu.  Ce  n'est  pas,  certes,  qu'il  soit  difficile  à  prononcer, 
au  contraire  :  mais  l'alternance  trop  régulière  des  voyelles  et 
des  consonnes,  et  le  retour  trop  fréquent  des  mêmes  lettres 
lui  donnent  un  caractère  monotone  qui  n'est  pas  seulement 
ennuyeux,  mais  qui  rend  les  mots  indistincts.  Des  mots  comme 
kobotonomod  (qu'il  s'accorde),  nomamafiko  (régulièrement),  Lefudà- 
natàv  (voyage  en  Orient),  balidomotôf  (primogéniture) ,  potananam 
(remboursement  par  la  poste),  ne  disent  rien  à  l'esprit  ni  à  l'oreille. 
Qu'on  ajoute  à  cela  la  fréquence  des  voyelles  infléchies,  disgra- 
cieuses et  difficiles  à  prononcer  :  tàvâl,  zônùl,  sùlo,  sâslupôn, 
pôligu,  ptikôlùn,  sàlàd,  Tàlàn,  Tûkàn,  Paris  (!),  surtout  de  6  (pii  a 
été  prodigué  dans  la  conjugaison  :  penecodàtôl.  pematibometôl ; 
la  fréquence  du  k'  :  ninkikik  =  inclusif;  la  fréquence  du  I  sub 
stitué  k  T,  même  dans  les  combinaisons  pénibles  dl,  tl  :  lululik 
(de  mai);  dlànùb,  dledàl,  dlinôn,  tlàtôn,  etc.  Tout  cela,  et  surtout 
l'absence  de  r,  donne  au  Volapùk  le  caractère  d'un  balbutiement 
enfantin  :  taif  (tarif),  bagaf  (paragraphe),  telesop  (/é/escope ),  plogam 
(programme),  banoam  (panorama). 

Mais  ce  défaut  d'harmonie  n'est  rien  au  prix  de  l'aspect 
étrange  et  rébarbatif  d'une  page  de  Volapiik  où  tout  déconcerte 
l'œil  et  l'esprit,  où  rien  ne  rappelle  les  langues  européennes  et 
ne  vient  au  secours  de  la  mémoire.  On  croit  avoir  affaire  à  une 
langue  barbare,  analogue  au  malgache  ou  an  mexicain.  Cet 
aspect  ne  fait  que  traduire  le  manque  d'internationalité  des 
éléments  constitutifs  de  la  langue.  On  se  demande  à  quoi  a  pu 

1.  Dictionnaire,  p.  10-11.  Cf.  un  projet  de  Nomenclature  chimique  ap.  Le 
Volapiik,  p.  51  s(iq. 

2.  M.  Baueh  n  compto  en  moyenne  116  k  dans  100  mots  volapiik. 

CouTUBAT  ot  Lbau.  —  Langue  uaiv.  1 1 


162  SECTION    II,   CHAPITRE   II 

servir  à  l'auteur  son  polygloltisnie  tant  vanté  (et  invraisem- 
blable, s'il  n'était  nécessairement  superficiel),  puisqu'il  ne  lui  a 
même  pas  permis  d'éviter  les  nombreux  germanismes  qu'il  a 
introduits  dans  la  grammaire  et  la  formation  des  mots  *.  M.  Kerck- 
iiOFFS  semble  avoir  touché  juste  quand  il  disait  :  t  M.  Schleyer 
est  un  polyglotte  distingué,  il  est  môme  un  poète  de  talent,  mais  il 
n'est  pas  assez  linguiste,  et  surtout  il  n'est  pas  homme  pratique-.  » 
On  peut  ajouter  qu'il  n'est  pas  non  plus  logicien  ^ 

Le  défaut  capital  du  Volapilk  est  de  n'avoir  pas  de  principes 
fixes  et  consistants*.  Ce  n'est  pas  une  langue  a  posteriori,  puis- 
qu'elle ne  se  soucie  nullement  de  linlernationalité  de  ses  élé- 
ments; et  ce  n'est  pas  une  langue  a  priori,  puisqu'elle  les 
emprunte  au  hasard  aux  langues  vivantes.  Elle  a  tous  les  incon- 
vénients des  langues  philosophiques,  sans  en  avoir  les  avantages. 
D'une  part,  en  visant  l'humanité  tout  entière,  elle  a  dépassé  le 
but  pratique  et  immédiat  d'une  langue  auxiliaire,  et  s'est  privée 
de  l'internationalité  européenne  dans  l'intérêt  (problématique)  des 
Chinois,  qui  seraient  trop  heureux  déjà  de  n'avoir  à  apprendre 
qu'une  seule  langue  européenne,  même  avec  un  r;  c'est  le  cas  de 
dire  que  «  Qui  trop  embrasse,  mal  étreint  ».  Et  d'autre  part, 
elle  n'a  même  pas  le  bénéfice  de  la  neutralité,  car  elle  repose,  en 
fait,  sur  une  base  presque  exclusivement  germanique,  avec  cette 
circonstance  atténuante,  qu'elle  a  rendu  les  racines  germaniques 
méconnaissables. 

Au  point  de  vue  historique,  le  Volapûk  a  eu  le  mérite  de  fournir 
la  première  preuve  expérimentale  de  la  possibilité  pratique  d'une 
langue  artificielle  écrite  et  parlée;  mais,  d'un  autre  côté,  son 
échec  final  a  engendré  dans  l'opinion  publique  un  préjugé  (abso- 
lument injuste)  contre  tout  projet  de  langue  internationale.  Son 
nom  a  eu  l'honneur  de  devenir  le  nom  commun  et  générique  de 
toutes  les  langues  artificielles;  on  dit  :  «  un  nouveau  Volapûk  ». 

1.  Exemple  :  flan  =pnge  (D.  Seite  =  F.  flanc,  calé);  filedapûn  =  foyer 
(en  physique),  litt.  ;  point  d'incendie  (D.  Brennpunkt).  L'auteur  était  dupe 
des  idiotismes  germaniques  au  point  de  calquer  :  deutiko-volapûkik 
vôdasbuk  sur  :  deutsch-franzosisches  Wôrterbiic/t,  c'est-à-dire  de  prendre 
l'adjectif  deulsch  pour  un  adverbe!  (Le  Volapûk,  p.  151.) 

2.  Le  Volapûk,  p.  248. 

3.  M.  Kerckhoffs  lui  reprocliait  d'ailleurs  sans  cesse  de  violer  la  "  logique 
grammaticale  ». 

4.  M.  Eugen  Lauda  a  pu  dire,  sans  trop  de  sévérité,  que  le  seul  principe 
du  Volapûk  était  de  n'avoir  pas  de  principe;  qu'il  était  une  œuvre  de  fan- 
taisie, de  caprice  et  d'arbitraire  (Kosmos,  1888). 


SCHLEYER    :    VOLAPL'K  163 

Mais  il  a  aussi  rinconvénient  de  servir  d'injure,  et  d'impliquer 
un  jugement  défavorable,  sinon  une  condamnation.  En  somme, 
on  ne  peut  pas  encore  savoir  si  le  Volapûk  a  plus  servi  à  la  cause 
de  la  langue  internationale  qu'il  ne  lui  a  nui. 

En  tout  cas,  on  peut  tirer  de  son  histoire  une  double  conclu- 
sion. En  premier  lieu,  elle  fournit  aux  partisans  d'une  langue 
artificielle  un  puissant  argument  a  fortiori.  Si  le  Volapûk,  malgré 
ses  difficultés  et  ses  graves  défauts,  a  pu  être  pratiqué  avec 
succès,  voire  avec  enthousiasme ,  par  des  milliers  de  personnes 
de  toutes  les  nations,  c'est  une  preuve  de  fait  irréfutable  qu'une 
langue  artificielle  plus  simple,  plus  facile,  et  surtout  plus  inter- 
nationale, peut  être  universellement  adoptée.  En  second  lieu, 
elle  prouve  que,  quel  que  soit  le  zèle  de  ses  propagateurs  et 
l'engouement  de  ses  adeptes,  une  langue  internationale  ne  sera 
sûre  du  triomphe  final  et  définitif  que  lorsqu'elle  aura  reçu  une 
sanction  officielle  par  une  entente  internationale.  Jusque-là, 
elle  est  à  la  merci  des  hérésies  et  des  schismes,  et  peut  tou- 
jours craindre  la  concurrence  d'une  rivale  plus  parfaite,  ou  même 
moins  parfaite.  En  deux  mots,  dans  l'histoire  du  Volapûk,  les 
partisans  d'une  langue  artificielle  peuvent  puiser  à  la  fois  des 
motifs  de  confiance  et  des  motifs  de  modestie. 


CHAPITRE   III 

VERHEGGEN  :  NAL  B/A'O' 

U alphabet  du  Nal  Bino  comprend  24  consonnes  et  24  voyelles  : 
chaque  voyelle  est  en  effet  brève  ou  longue,  et  la  brève  est 
figurée  par  le  caractère  de  la  longue  renversée. 

Tous  les  radicaux  sont  des  monosyllabes  terminés  par  une 
consonne. 

Les  substantifs  forment  leur  pluriel  en  -e. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif: 


1"  p. 

■2'P. 

3«  p.  m. 

3»  p.  f. 

Sing.               ma 

pa 

sa 

va 

Plur.               ne 

re 

te 

we 

et  à  l'accusatif  : 

Sing.               mia 

pia 

sia 

via 

Plur.               nie 

rie 

tie 

wie 

Les  pronoms  possessifs  sont  : 

Sing.               mo 

po 

so 

vo 

Plur.               no 

ro 

to 

wo 

Ils  forment  leur  pluriel  en  changeant  o  en  i  :  mi,  pi,  si,... 

Le  verbe  a  pour  terminaisons  :  -av  à  l'infinitif,  -a  au  présent, 
-la  au  passé,  -ava  au  futur,  -ave  au  conditionnel,  -la  au  participe 
présent,  -ya  au  participe  passé. 

Il  y  a  deux  verbes  auxiliaires  :  bov  (avoir)  pour  les  verbes 
actifs,  neutres  et  impersonnels;  fov  (être)  pour  les  verbes  pas- 
sifs et  réfléchis  2. 


1.  Nal  Bino.  Projet  d'une  langue  universelle  simple,  facile  et  harmonieuse. 
Grammaire,  par  Séb.  Verhkggen.  42  p.  in-S"  (Liège,  1886). 

2.  Gallicisme  illogique  :  je  me  suis  lavé  =  fai  lavé  moi;  on  devrait  donc 
dire  (comme  les  enfants)  :  Je  m'ai  lavé. 


VERHEGGEN    :    NAL  BINO  16K 

Nous  n'aurions  pas  parlé  de  ce  projet  informe,  si  son  auteur 
n'avait  pas  écrit  les  lignes  suivantes,  qui  sont  ce  qu'il  y  a  de 
plus  raisonnable  dans  son  opuscule  : 

«  Si  les  Gouvernements  veulent  bien  prendre  l'initiative, 
l'Union  linguistique  suivra  de  près,  en  notre  époque,  l'Union 
postale  et  l'Union  télégraphique;  il  suffirait  que  les  Gouverne- 
ments s'entendissent  pour  élaborer  un  programme  et  pour  orga- 
niser un  concours  international.  Un  Congrès,  composé  de  délé- 
gués des  principaux  pays  civilisés,  choisirait  le  meilleur  projet 
qu'on  adoptera,  soit  intégralement,  soit  en  y  faisant  les  amélio- 
rations que  l'autorité  compétente  jugera  nécessaires.  A  peine  le 
jury  se  sera-t-il  prononcé  que  dans  toutes  les  localités  policées 
du  monde  on  apprendra  avec  confiance  le  nouvel  idiome... 
A  défaut  de  l'initiative  des  Gouvernements,  les  partisans  d'une 
langue  universelle  pourraient  organiser  eux-mômes  un  concours 
international.  » 

En  considération  de  ce  vœu  désintéressé,  on  pardonnera  à 
l'auteur  de  ne  pas  nous  avoir  donné  la  *  langue  simple,  facile  et 
harmonieuse  »  qu'il  a  rêvée. 


i 


CHAPITRE  IV 

CH.  MENET  :  LANGUE  UNIVERSELLE^ 

Ce  projet  est  une  imitation  du  Volapiik.  Nous  l'analyserons 
brièvement.  Varlicle  défini  est  zi  (the  El).  Le  pluriel  des  siibslan- 
tifs  se  forme  au  moyen  de  la  terminaison  -is,  et  le  féminin  au 
moyen  du  préfixe  é-  :  dom  =  homme,  édom  =  femme. 

Les  adjectifs  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -il  :  dag  =  mon- 
tagne, dagil  =  montagneux.  Leurs  degrés  se  forment  comme  suit  ^  : 

sapil  =:  sage. 

sapila  =  moins  sage. 

sapile  =  aussi  sage. 

sapilo  =plus  sage. 

sapilio  =  le  plus  sage. 

sapilu  =  très  sage. 
sapily  ^  =^  trop  sage. 

Vadverbe  se  forme  en  ajoutant  -é  à  l'adjectif. 

Les  9  premiers  nombres  sont  :  bo,  be,  bu,  do,  de,  du,  fo,  fe,  fu; 
les  dizaines  sont  :  bos,  bes,  bus,  etc.  ;  les  centaines  :  bost,  best, 
bust,  etc. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  singulier  :  1^°  p.  o,  2"  p.  e, 
polie  :  y;  3«  p.  m.  :  i,  f.  :  a,  n.  :  é.  Au  pluriel,  on  ajoute  -s.  On  = 
u  (pi.  us). 

Les  adjectifs  possessifs  sont  :  om,  em,  ym...  pour  les  personnes 
du  singulier,  on,  en,  yn...  pour  celles  du  pluriel. 

Les  verbes  ont  l'infinitif  présent  terminé  en  -ar  :  men  =  langage, 

1.  Grammaire  élémen/aire  de  la  langue  universelle,  par  Charles  Menet, 
15  p.  in-S"  (Paris,  Bonhoure,  1886). 

2.  Cf.  la  Règle  de  la  Marguerite  de  M.  Bollack. 

3.  u  se  prononce  m;  y  se  prononce  ou. 


cil.    MENET   :    LANGUE   UNIVERSELLE 


107 


menar  =  parler.    Invariables   on  nombre   et  en   personne,   ils 
forment  tous  leurs  temps  et  modes  au  moyen  de  suffixes  voyelles  : 


Indicatif. 

Sul)jonctif. 

Conditionnel. 

Présent  : 

mena 

menya 

menua 

Imparfait  : 

meni 

menyi 

Passé  défini  : 
Passé  indéfini  : 

mené 
mené 

^  menye 

menue 

Passé  antérieur  . 

meno 

Plus-que-parfait  : 

menu 

menyu 

Futur  : 

menia 

Futur  antérieur  : 

menie 

Participes  présent  :  menas,  passé  :  menas,  futur  :  menias.  liifi 
nitif  passé  :  mener. 

Les  temps  et  modes  du  passif  se  forment  en  ajoutant  -t  à 
«•eux  de  l'actif. 

Les  radicaux  sont  tous  des  monosyllabes  composés  de  3  ou 
4  lettres,  depuis  bab  =  porte  jusqu'à  :  zib  =  villa  pour  la  belle 
saison.  Exemples  :  brod  =  gué,  cas  =^  mariage,  fel  =  cheval,  gar  = 
sortie,  mat  =  meurtre,  pal  =  certitude,  rig=  épingle,  teg  =  lélé- 
ijraphc,  Tos  =  Dieu,  vot  =  mot,  zem  =  terre.  Comme  on  le  voit, 
le  vocabulaire  est  presque  entièrement  arbitraire,  ainsi  que  la 
irrammairc. 


CHAPITRE   V 

ST.  DE  MAX  :  BOPAL^ 

Le  Bopal  est  encore  une  imitation  du  Volapûk,  que  nous  résu- 
merons en  quelques  mots.  Voici  le  paradigme  delà  déclinaison 
(pad  =  père)  avec  Varticle  défini  : 

Singulier.  Pluriel. 

Nom.        el  pad        el  pads 
Voc.  0  pad         0  pad's 

Gén.         del  pada    del  padas 
Dat.  lel  pade     lel  pades 

Ace.  el  padi       el  padis 

Abl.  le  padè      le  padès 

Font  exception  à  la  déclinaison  les  noms  terminés  en  -a,  -e,  -f, 
-V,  -1,  -m,  -n,  -r.  Le  féminin  s'indique  par  un  des  4  affixes  :  fa-,  -of, 
-if,  -iv  ;  le  neutre  par  -os. 

Tous  les  adjectifs  se  terminent  en  -ik.  Ils  changent  le  k  final 
en  gu  au  comparatif,  et  en  x  au  superlatif. 

Les  9  premiers  nombres  sont  :  en,  de,  te,  fe,  ve,  ge,  ce^,  pe,  ne; 
les  dizaines  sont  :  o,  deo,  teo,  etc. 
Les  pronoms  personnels  sont  : 


1"  p. 

2«  p. 

3*  p.  m. 

3«  p.  f. 

Sing.               ma 

ta 

la 

fa 

Plur.              nas 

vas 

las 

fas 

Les  adjectifs  possessifs  sont  : 

Sing.               mi 

ti 

li 

fi 

Plur.               ni 

vi 

las 

fas 

Les  verbes  varient  suivant  les  personnes.  Voici,  par  exemple, 

1.  Le  Bopal,  langue  univei'selle.   Grammaire,  textes  et  vocabulaire,  par 
St.  de  Max  (Streiff),  54  p.  in-24  (Paris,  Val  et  Baudry,  1887). 

2.  c  se  prononce  ch. 


ST.    DE   MAX    :    BOPAL  169 

l'indicatif  présent  du  verbe  hVn  =  aimer  :  filo.  filol,  filom;  filomas, 
filovas,  filolas.  La  1"  pcrs.  des  autres  temps  est  : 
Imparfait  :  èfilo. 

Parfait  :  efilo. 

Plus-que-parfait  :  ifilo. 

Futur  :  ofilo. 

Futur  antérieur  :  ufilo. 

Subjonctif  présent  :        filema. 
Conditionnel  présent  :    filœma. 
Impératif  :  filoma. 

Participe  présent  :  filon. 

Les  autres  temps  du  subjonctif,  du  conditionnel,  de  l'infinitil 
et  du  participe  se  forment  au  moyen  des  voyelle  préfixes  è-,  e-, 
i-,  0-,  U-.  Il  y  a  en  outre  un  optatif  et  un  participe  conditionnel. 
Les  temps  correspondants  du  passif  se  forment  au  moyen  des 
préfixes  pa-,  pè-,  pe-,  pi-,  po-,  pu-. 

Il  y  a  18  verbes  auxiliaires  de  la  forme  co,  qui  s'emploient 
comme  suffixes. 

Le  vocabulaire  se  compose  de  radicaux  monosyllabiques,  qui 
(Migondrent  des  dérivés  au  moyen  d'affixes.  Exemple:  ha.T  =  ville, 
baril  =  faubourg  ;  cab  :=  perfeciion  ;  cob  =  cheval,  ricob  =  jument  •  ; 
,  dom  =  maison  ;  gai  =  terre,  galop  =  continent,  galopar  =  habitant 
de  la  terre,  galav  =  géographie,  galavist  =  géographe;  mat  =  expé- 
rience; max  =  industrie;  nil  =  assemblée;  pab  =  prière;  pet  =  men- 
songe; rab  =  attention;  sal  =:  mer,  salop  =  île;  tad  =  réaction; 
van  =  viande,  vanop  =  boucherie,  vanor  =  boucher;  xol  =  animal; 
sudor  =  ouest,  xudor  =  est. 

Voici  un  écliantillon  de  cette  langue  :  t  In  nitlid'n  e  domi  keri- 
pol  el  pèmi  ke  toinopen  ogibol  in  dis'n  les...  ■»,  ce  qui  veut  dire  : 
c  En  entrant  dans  une  maison  vous  pouvez  saluer  les  gens  que  vous  y 
rencontrerez  en  leur  disant...  » 

Il  est  évident  qu'on  peut  fabriquer  de  telles  langues  à  la  dou- 
zaine, du  moment  que  le  choix  des  radicaux,  des  affixes  et  des 
flexions  dépend  de  l'arbitraire  et  de  la  fantaisie  individuelle.  Ces 
systèmes  se  donnent  pour  des  perfectionnements  du  Volapûk, 
et  en  fait  ils  reposent  sur  les  mêmes  principes.  11  faut  avouer  que 
si  leurs  auteurs  ont  eu  lintention  de  déconsidérer  le  Volapûk,  ils 
y  ont  parfaitement  réussi. 

1.  Le  préfixe  ri-  est  donc  à  ajouter  aux  4  afflxes  du  féminin. 


CHAPITRE   VI 

BAUER : SPELIN' 

Le  projet  de  M.  Bauer  est  fondé  sur  une  «  Combinatoire  lin- 
guistique »  dont  nous  n'exj)oserons  pas  les  principes  :  le  lecteur 
la  comprendra  et  la  jugera  suffisamment  d'ajjrès  ses  applica- 
tions *.  Il  se  présente  comme  un  perfectionnement  du  Volapiik, 
dont  il  adopte  les  principes.  Les  deux  idées  qui  lui  assurent,  selon 
Tauteur,  un  avantage  sur  le  Volapiik  sont  les  suivantes  :  1°  étendre 
la  loi  de  corrélation  à  toutes  les  formes  grammaticales  et  à  la 
formation  des  mots  ';  2'  rapprocher  la  langue  des  trois  langues 
modernes  les  plus  répandues  :  l'allemand,  l'anglais  et  le  français; 
et  cela,  tant  dans  la  grammaire  que  dans  le  vocabulaire.  Celui-ci 
sera  emprunté  en  première  ligne  à  l'anglais  (comme  dans  le 
Volapiik),  parce  qu'il  est  le  plus  répandu,  et  qu'il  unit  les  élé- 
ments romans  et  germaniques;  ensuite  à  l'allemand  et  au  fran- 
çais, et  enfin  aux  autres  langues  indo-européennes.  Selon  l'au- 
teur, la  grammaire  doit  avoir  le  pas  sur  le  vocabulaire,  parce 
qu'elle  détermine  d'avance  les  formes  que  doivent  posséder  les 
racines,  les  flexions  et  les  affixes.  C'est  une  des  raisons  pour  les- 
(juclles  Bauer  n'admet  pas  de  racines  internationales  (ou  du  moins 
ne  les  recherche  pas  systématiquement)  ;  car  il  faudrait  le  plus  sou-- 

1.  Georg  Bauer,  professeur  de  mathématiques  à  Técole  réale  supérieure 
d'Agram  :  L  Sprachwissenschaflliche  Kombinatorik,  xii  -f-  36  p.  (Agram, 
1886).  H.  Volapiik  und  meine  sprachw.  Kombinatorik  (Agram,  1887).  III. 
Spelin,  eine  Allsprache  auf  allgemeinen  Griindlagen  der  sprac/ur.  Kom- 
binatorik, VII  -f  72  p.  8°  (Agram,  1888).  IV.  Spelin-Wôrterbuch;  wider  die 
internationalen  Wôrter  und  die  Môglichkeit  eine  Weltsprache  aus  soge- 
nannten  internationalen  Wôrtern  zu  klauben  (Agram,  1892).  L'auteur  a  été 
|)endant  trois  ans  professeur  de  Volapiik. 

2.  L'auteur  dit  même  :  «  Le  Spelin  se  présente  comme  une  partie  de  la 
Combinatoire  mathématique  »  (IV,  49). 

3.  A  l'exemple  du  croato-serbe,  qui  est  la  langue  maternelle  de  l'auteur. 


BAUER    :    SPELIN  i'ii 

vent  les  défoniKM' jusqu'à  les  rendre  iuéconnaissal)les  pour  les  faire 
entrer  dans  les  types  exigés  par  la  grammaire;  si  on  les  adoptait 
telles  quelles,  elles  bouleverseraient  toute  la  Combinatoirc  lin- 
guistique. En  particulier,  les  racines  doivent  être  autant  (|ue  pos- 
sible monosyllabiques,  et  avoir  la  forme  d'une  syllabe  fermée 
(cvc,  ccvc,  cvcc,  ccvcc,  cvvc,  ccwc,  cvvcc,  ccvvcc), 
tandis  que  les  pai'licules  et  les  affîxes  auront  les  formes  :  cv,  ve. 
La  Combinatoire  nous  apprend  qu'on  peut  former  180  racines  de 
2  lettres,  368i  de  3  lettres,  20980  de  4  lettres,  etc.;  qu'avec 
20  racines,  20  préfixes  et  20  suffixes  on  peut  former  8380  mots,  et 
qu'avec  100  racines,  l'>0  préfixes  et  50  suffixes,  on  peut  en  former 
dix  fois  plus  que  n'en  contient  aucune  langue.  L'idéal  de  l'au- 
teur est  en  conséquence  d'employer  le  plus  petit  nombre  d'élé- 
ments, et  de  «  pousser  la  combinatoire  le  plus  loin  possible  »  en 
l'appliquant  à  la  fois  à  la  grammaire,  à  la  formation  des  idées 
et  à  la  formation  parallèle  des  mots. 


Grammaire. 

L'alphabet  comprend  6  voyelles,  rangées  dans  l'ordre  «  scienti- 
fique »  (acoustique  et  physiologique)  suivant  :  i,  e,  a,  o,  u  (ou), 
œ  {eu);  et  lo  consonnes  :  b.  c,  d,  f,  g,  k.  L  m,  n,  p,  s,  t,  v,  y,  z. 
(L'auteur  réserve  h  et  r  pour  l'avenir,  sans  doute  pour  de  nou- 
velles combinaisons.)  c  se  prononce  c/i;  get  s  sont  toujours  durs. 
L'auteur  met  à  part  2  voyelles  euphoniques  :  e  et  œ,  et  2  con- 
sonnes euphoniques  :  y  et  z,  destinées  à  éviter  les  rencontres  de 
voyelles  et  de  consonnes,  et  exclues  par  suite  de  la  formation  des 
racines. 

Vaccent  suit  la  règle  de  l'espagnol  :  il  est  sur  la  dernière  syllabe 
des  mots  terminés  par  une  consonne,  et  sur  l'avant-dernière  des 
mots  terminés  par  une  voyelle. 

La  série  scientifique  des  o  voyelles  i,  e,  a,  o,  u  est  la  base  de  toute 
la  grammaire.  Elle  fournit  d'abord  les  pronoms  personnels  :  i,je;  e, 
tu;  a,  il;  o,  elle;  u,  il  (neutre);  auxquels  s'ajoute  œ  =  on  (voyelle 
mixte  et  terne,  symbole  de  l'indifférence  et  de  l'indétermination). 
Les  pronoms  du  pluriel  sont  les  pluriels  de  ceux  du  singulier 
(comme  en  Volapûk)  :  is,  nous;  es,  vous;  as,  ils;  os,  elles;  ns.  Us 
(neutre). 
Le  pronom  réfléchi  est  zœ. 


172  SECTION   II,    CHAPITRE  VI 

Les  pronoms  relatifsinterrogatifs  sont  :  ka  (m.  f.),  gui;  ku  (n.),  que  ; 
yœka  =  quiconque. 

Les  principaux  pronoms  indéfinis  sont  :  da  (n.  du),  quelqu'un 
{quelque  chose)  ;  ga  (n.  gu),  n'importe  qui  (quoi)  ;  nega  (negu),  personne 
(rien)  ;  ma,  Vautre;  gama,  un  autre;  la,  le  même;  pa  (pu),  chacun. 

Les  pronoms  possessifs  dérivent  des  personnels  par  l'adjonction 
d'un  1  (signe  de  l'adjectif)  :  il,  el,  al,  ol,  ul;  œl;  isel,  esel,  asel, 
osel,  usel  ;  zœl.  —  Kel  {de  qui),  del  {de  quelqu'un),  gel  (de  n'importe  qui), 
negel  [de  personne),  mel  (de  l'autre),  gamel  (d'un  autre),  lel  (du  même), 
pel  (de  chacun),  etc. 

Les  adjectifs  démonstratifs  sont  formés  de  même  au  moyen  de  la 
finale  -f  :  if,  celui-ci;  el,  celui-là;  af,  cet  autre;  zœf,  même;  kef,  quel; 
yœkef,  quelconque;  def,  un  certain;  gef,  n'importe  quel;  negef,  aucun; 
met,  l'autre;  gamef,  un  autre;  lef,  le  même;  pef,  chaque. 

Les  adverbes  correspondants  dérivent  des  pronoms  précédents 
par  l'addition  de  -e  (caractéristique  des  adverbes)  :  kefe,  comment; 
lefe,  de  la  même  manière;  gamefe,  autrement;  negefe,  d'aucune 
manière,  etc. 

En  ajoutant  de  môme  aux  adverbes  précédents  un  1,  on  forme 
des  adjectifs-pronoms  indiquant  la  manière  ou  l'espèce  :  kefel, 
quel  {de  quelle  espèce)  ;  ifel,  tel  (que  celui-ci)  ;  efel,  tel  (que  celui-là)  ; 
pefel,  de  chaque  espèce;  gamefel,  d'une  autre  espèce  ;  negefel,  d'aucune 
espèce,  etc. 

On  forme  d'une  manière  analogue  les  adverbes  de  temps,  au 
moyen  de  la  consonne  caractéristique  t  et  du  suffixe  adverbial  : 
kete,  quandHte,  maintenant  ;  pete,  en  tout  temps  ;  negete,  jamais,  etc.  ; 
les  adverbes  de  lieu,  au  moyen  de  la  consonne  caractéristique  v  : 
keve,  où  ?  ive,  ici  ;  eve,  ave,  là  ;  peve,  en  tout  lieu  ;  negeve,  nulle  part  ; 
gameve,  ailleurs,  etc.  ;  d'où  l'on  déduit  au  moyen  du  suffixe  -1  des 
adjectifs  de  temps  et  de  lieu  :  itel,  de  maintenant;  ivel,  d'ici. 

On  forme  encore  de  la  môme  manière  les  adverbes  indiquant 
la  direction  :  kevle,  où  (allez-vous)"?  le  chemin  :  kelve,  par  quel 
chemin?  les  pronoms  de  nombre  :  kem,  combien? et  de  grandeur  :  kec 
combien  grand?  d'où  dérivent  les  adverbes  correspondants  :  keme, 
combien  (L.  quot)1  kece,  combien{L.  quantum)^ 

Les  noms  de  nombre  sont  construits  systématiquement  par  la 
combinaison  de  3  voyelles  et  de  3  consonnes  : 
ik,  1  ;  ek,  2  ;  ak,,  3  ; 
in,  4;  en,  5;  an,  6; 
ip,  7;  ep,  8;  ap,  9. 


BAUER   :   SPELIN  173 

Les  dizaines  se  forment  en  ajoutant  un  s  (comme  en  Volapûk)  : 
iks,  10;  eks,  20;  aks,  30;  etc.,  iksik=  11,  et  ainsi  de  suite. 

Puis  viennent:  uc,  100»;  ekuc,  200,  etc.;  ok,  1.000»;  ekok, 
2.000;....  iksok,  10.000;  eksok.  20.000;....  ucok,  100.000;  ekucok, 
200.000;....  lion,  1  iniUion;  kelion,  1  milliard  (10»);  elion,  1  billion 
(10'2);  alion,  1  Ir illion  (W^),  etc.  Zéro  se  dit  nik. 

Les  adverbes  ordinaux  dérivent  des  nombres  cardinaux  par 
l'adjonction  de  -e  :  ike,  premièrement;  et  les  adjectifs  ordinaux 
par  l'adjonction  de  -el  :  ikel,  premier. 

Les  adjectifs  multiplicatifs  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -œl  : 
ikœl,  simple  ;  ekœl,  double. 

Les  nombres  défais  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -(e)te  :  ikte, 
une  fois;  eksete,  20  fois.  On  en  dérive,  au  moyen  du  suffixe  -1,  les 
adjectifs  :  iktel,  ektel. 

Les  nombres  despèces  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -tœl  : 
iktœl,  d'une  seule  espèce. 

Enfin  les  nombres  distributifs  sont  indiqués  par  la  particule  pef  : 
pef  ek,  deux  à  deux;  d'où  les  adjectifs  ordinaux  :  pef  ekel,  chaque 
deuxième. 

La  gamme  des  5  voyelles  sert  encore  à  la  conjugaison  des 
verbes.  Il  suffit  de  les  ajouter  au  radical  verbal  pour  avoir  les 
5  temps  de  Vinfinilif.  Exemple  : 

Présent  :  mili,    aimer. 

Passé  :  mile,  avoir  aimé. 

Plus-que-parfait  :  mila. 
Futur  :  milo. 

Futur  antérieur  :  milu. 
Pour  former  les  temps  de  Vindicatif,  il  suffit  de  mettre  devant 
l'infinitif  correspondant  les  pronoms  personnels  :  i,  e,  a,  o,  u,...  : 
i  mili,  j'aime;       is  mili,  nous  aimons; 
e  mili.  tu  aimes;    es  mili,  vous  aimez,  etc. 

Il  n'y  a  pas  de  subjonctif.  Le  conditionnel  est  marqué  par  le  suffixe 
-ui  au  présent,  -ua  au  passé  :  i  milui,  j'aimerais  ;  a  milua,  il  aurait 
aimé. 

L'impératif  est  marqué  par  la  particule  let  (E.)  ou  l'auxiliaire 
zi;  l'optatif  par  l'auxiliaire  me  (E.  may). 

Le  participe  présent  est  marqué  par  -in  :  milin.  aimant.  Il  n'est 
pas  question  d'autres  temps  du  participe. 

1.  Le  lexique  (IV)  donne  oc  =  100,  el  uk  =  1.000. 


474  SECTION   II,    CHAPITRE   VI 

Le  passif  se  forme  au  moyen  de  lauxiliaire  bi  (E.  be)  et  du 
participe  passé  (passif)  terminé  par  -ed  :  i  bi  miled,  je  suis  aimé. 
Les  verbes  réfléchis  se  forment  au  moyen  du  i)ronom  réfléchi 
zœ;  les  verbes  réciproques,  au  moyen  du  pronom  pâma  (l'un  l'autre). 
V interrogation  est  marquée  par  la  particule  koe  mise  au  com- 
mencement de  la  proposition.  Cette  particule  sert  aussi  à  rem- 
placer tous  les  relatifs,  en  tôte  des  propositions  relatives. 

Nous  arrivons  au  substantif.  Il  n'y  a  pas  d'article  :  l'article 
indéfini  est  remplacé  par  le  pronom  ga  (quelque),  l'article  défini 
par  un  pronom  démonstratif. 

Le  pluriel  des  substantifs  est  marqué  par  le  suffixe  -œs  :  mik, 
ami;  mikœs  (rappelons  que  toute  racine  étant  une  syllabe  fermée, 
tous  les  substantifs  finissent  par  une  consonne). 

La  déclinaison  s'efTectue  au  moyen  des  particules  (prépositions) 
dœ  (F.)  pour  le  génitif,  et  tu  (E.)  pour  le  datif.  Vaccusatif  est  sem- 
blable au  nominatif,  et  ne  s'en  distingue  que  par  la  position. 

Ex.  :  mik  ka  mili  =  Vami  qui  aime;  mik  ka  a  mili,  Vami  qu'il  aime; 
ka  mili.  qui  aime?  ka  a  mili,  qui  aime-t-il?  ka  mili  ya,  qui  l'aime? 

Le  genre  (naturel)  est  indiqué  par  les  préfixes  ya  (masc),  yo 
(fém.),  yoB  (neutre).  Le  préfixe  yu  marque  le  jeune  : 
yabif  taureau,  yaz    homme  (L.  vir). 
yobif  vache.      yoz  femme. 
yœbif  bœuf.       yœz  homme  (L.  homo). 
yubif   l'eau.       yuz  enfant. 
L'auteur  se    félicite    particulièrement    de    l'invention   de    ces 
préfixes;  il  distingue  par  exemple  yuyaz  =jeu/ie  homme  de  yayuz 
=  garçon,  et  yuyoz  ^=  jeune  fille  de  yoyuz  =  (petite)  fille. 

Les  adjectifs  sont  invariables,  et  suivent  toujours  le  substantif. 
Les  degrés  de  comparaison  se  forment  :  1"  d'une  manière  synthé- 
tique, en  variant  la  voyelle  du  suffixe  :  gudik,  bon;  gudek,  meil- 
leur; gudak,  le  meilleur;  2"  d'une  manière  analytique,  au  moyen 
d<?s  particules  meo,  mao  :  meo  gudik,  mao  gudik.  Le  superlatif 
absolu  est  marqué  par  la  particule  mio  ou  par  l'adverbe  plavio 
{vraiment,  E.  very). 

Les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  finissent  en  -io,  qui  se  change 
en  -eo,  -ao  aux  degrés  de  comparaison. 

Les  prépositions  ont  la  forme  cv  (ccv,  cvv)  pour  pouvoir  servir 
de  préfixes  (terminés  en  e  ou  œ). 

Les  conjonctions  finissent  au  contraire  par  une  consonne,  elles 
ont  donc  les  formes  vc,  Vvc,   ou  evc  (dans  ce  dernier  cas, 


BAUER   :   SPELIN  17o 

V  est  e  ou  08,  car  les  autres  voyelles  sont  réservées  aux  racines 
(le  substantifs). 

La  syntaxe  se  réduit  à  cette  ri'gle  unique  :  adopter  l'ordre  le 
plus  clair,  qui  est  en  général  le  suivant  :  sujet,  verbe,  com- 
l)létnents. 

Vocabulaire. 

«  Le  vocabulaire  doit  se  rapprocher  autant  que  possible  de  la 
langue  anglaise,  et  ensuite  des  autres  langues  aryennes.  »  Tou- 
tefois, «  on  choisira  d'abord  dans  le  vocabulaire  anglais  les 
racines  qui  ont  un  caractère  international  (aryen).  >  Par  exem|)le. 
on  préférera  la  racine  pat  (dans  pnternily)  à  la  racine  fat  (falher. 
E.  ;  vater,  D.),  la  racine  nud  (dans  imdily)  h  la  racine  bar.  la  racine 
lun  (dans  hinar)  à  la  racine  mon  ou  mun  (moon,  E.  ;  mond,  D.),  la 
racine  nom  (E.  nominal,  nomenclature)  à  la  racine  nem  (D.  E.  name), 
la  racine  vol  (E.  volition,  volunlary)  à  la  racine  vil  (D.  wille),  et 
ainsi  de  suite.  Préférer  (comme  le  Volap(ik)  les  secondes  racines 
aux  premières,  c'est,  selon  l'auteur,  «  vouloir  germani.ser  inuti- 
lement les  racines  internationales  ».  «  Ce  n'est  que  lorsqu'il 
n'y  a  aucune  ressemblance  entre  les  racines  romanes  et  les 
anglaises,  que  celles-ci  ont  la  préférence.  »  Ainsi  l'auteur  cherche 
à  enrichir  son  vocabulaire  de  racines  internationales. 

Mais,  d'autre  part,  ces  racines  sont  soumises  à  des  condi- 
tions restrictives  qui  viennent  de  la  Combinatoire.  Par  exem- 
ple, la  lettre  s  est,  non  seulement  le  signe  du  pluriel,  mais  le 
symbole  de  la  totalité  :  c'est  ainsi  que  le  «  pluriel  »  du  verbe 
(formé  par  l'addition  de  s)  signifie  le  duratif,  si  le  verbe 
exprime  un  état,  ou  le  fréquentatif,  s'il  exprime  une  action. 
Ex.  :  me  spelin  vivis  =  vive  le  Spelin  (qu'il  dure!)'.  De  même, 
étant  donné  qiu^ pe  =  chaque,  spe  veut  dire  tout;  et  comme  lin  = 
langue,  spelin  signifie  :  la  langue  de  tous  (D.  Allsprache).  De  môme 
encore,  spaz  désigne  le  monde  (des  hommes),  spuz  Vunivers  (des 
choses)  ;  spuv,  Veapace  (speve  =  partout)  ;  sput.  Véternilé  (spete  = 
toujours),  etc.,  etc. 

Cela  étant,  on  conçoit  que  la  lettre  s  ne  puisse  pas  être  l'ini- 
tiale d'une  racine,  comme  svin  (D.  schwein);  on  est  donc  obligé 


.  1.   L'auteur  se  flatte  d'économiser  ainsi  des  racines  :  iuki,  voir;  lukis. 
ref/arder. 


176  SECTION    II,    CHAPITRE    VI 

de  la  remplacer  par  may  (I.   majale)^.  Ainsi  cette  seule  règle 
exclut  toute  une  série  de  racines  internationales. 

Inversement,  stim  signifiant  honneur,  tim  signifie  simplement 
estime  (l'honneur  étant  1'  «  intégrale  »  de  l'estime).  On  en  tire  les 
préfixes  honorifiques  te-  et  ste-  :  teyaz  =  monsieur;  steyaz  =  sire 2. 
Mais  ce  n'est  là  qu'une  des  moindres  applications  de  la  Combi- 
natoire  à  la  lexicologie.  La  série  des  voyelles  fournit  une  infinité 
de  gammes  variées,  partout  où  il  y  a  place  pour  des  degrés  ou 
des  nuances  diverses. 

De  même  que  les  voyelles  servent  à  marquer  le  temps  dans 
les  verbes,  elles  servent  à  former  les  adverbes  qui  indiquent  les 
relations  de  temps.  Ainsi,  dez  =  jour,  lez.  :=  mois,  yez  =  an; 
par  suite  : 

ide  =  aujourd'hui;       ile  =  ce  mois-ci;      iye  =  celte  année-ci. 
ede^hier;  ele  eye 

ade  =  avant-hier  ;        aie  aye 

ode  =  demain  ;  oie  oye 

ude  =  après-demain  ;   nie  uye 

Si  à  ces  mots  on  ajoute  -z  ou  -1,  on  forme  le  substantif  ou  l'ad- 
jectif correspondant;  et  si  on  leur  préfixe  la  lettre  s-,  on  indique 
l'intégralité  :  sidez  =  tout  ce  jour;  seyez  =  toute  l'année  dernière; 
solez  =  tout  le  mois  prochain.  On  peut  même  former  des  intégrales 
doubles  :  i  labo  sodese  =  je  travaillerai  continuellement  toute  la 
journée  de  demain. 

D'une  manière  analogue,  les  noms  de  nombre  servent  à 
nommer  les  jours  de  la  semaine  et  les  mois  ^  : 

duik  =  lundi.  luik    ^=  janvier. 

duek  =  mardi.  luek   =  février. 

duin  =  jeudi.  luin    =  avril. 


duip  =^  dimanche.       luip    =  juillet. 
lusik  =  octobre. 


1.  III,  41.  Dans  le  lexique  (IV)  on  trouve  la  racine  exclusivement  anglaise 
pig  (et  non  la  racine  romane  porc). 

2.  De  même  :  stat  =  état,  donc  :  tat  =  province;  til  =  partie,  donc  : 
stil  =  totalité. 

3.  L'auteur  fait  honneur  de  cette  idée  à  M.  C.  Sprague  (de  New  York). 
Elle  était  déjà  appliquée  dans  le  Volapuk. 


BAUER    :    SPELIN  177 

lusek  =  novembre. 
lusak  =  décembre. 

On  forme  de  môme  les  mots  : 

kuik.  kuek,  kuak,  kuin,...  =  voiture  à  1  cheval,  à2,3,  ^...  chevaux; 
et  mrme  les  ji^radcs  militaires  : 

muit,  soiis-lieutenanl;  muet,  lieutenant;  muât,  capitaine;  muist, 
major;  muest,  lieutenant-colonel;  muast,  colonel K 

La  Combiiiatoirc  s'étend  jusqu'aux  noms  propres  de  pays. 
Perfectionnant  le  système  du  Volapùk,  l'auteur  donne  à  tous  les 
pays  d'Europe  le  suffixe  -im,  à  ceux  d'Amérique  le  suffixe  -em,  à 
VAsie,  -am,  à  V Afrique,  -om  et  à  V Australie  ^  -um.  Les  cinq  parties 
du  monde  ont  elles-mêmes  les  noms  (formés  avec  Vintégrale  s)  : 
sim,  sera,  sam,  som,  sum.  Ainsi  :  Indem  =  Indes  occidentales,  Indim 
--  Indes  orientales  ;  Rusim  =:  Russie  d'Europe,  Rusam  =  Russie  d'Asie  ; 
Rusiam  =  la  Russie  entière.  Enfin  pim  =  continent;  et  spim  = 
la  terre  entière.  Pour  former  l'adjectif  d'un  pays,  il  suffit  de 
changer  l'm  final  en  c;  et  pour  désigner  les  habitants  (mAles  ou 
femelles)  de  ce  pays,  il  suffit  de  préfixer  ya-  ou  yo-  :  yazinlic  = 
un  Anglais;  yoflansic  =  une  Française. 

L'auteur  établit  beaucoup  d'autres  affi.xes  de  dérivation  : 
€  Plus  il  y  a  de  préfixes  et  de  sutfixes,  mieux  cela  vaut  ».  Il  admet 
un  certain  nombre  de  préfixes  destinés  à  modifier  le  sens  des 
substantifs  :  be-  exprime  l'idée  de  beau;  gre-,  celle  de  grand;  le-, 
celle  de  rapidité;  me-,  celle  d'intensité  (renforcement  de  sens'); 
muo-,  celle  d'excès  (muo  =  troj))  ;  ne-  celle  de  négation  ;  ko-  celle 
d'infériorité  ([)éjoratif);  skô-  celle  de  mépris;  glô-  celle  d'(animal) 
sauvage;  blô-  celle  de  noir  (blôdez  =  nuit  =jour  noir).  Les  préfixes 
ya-,  yo-,  yu-,  appliqués  à  une  racine  verbale,  indiquent  Vhomme, 
\ix  femme  ou  la  chose  qui  fait  l'action  exprimée  par  cette  racine. 
Le  préfixe  ye-  indique  un  castrat.  Citons  encore  les  préfixes  de- 
(marquant  éloignement),  fô-  (signifiant  devant),  pô-  (signifiant 
autour),  vœ-  (signifiant  avec),  rei-  (indiquant  la  répétition). 

Les  principaux  suffixes  qui  servent  à  former  des  substantifs 
sont  :  -et,  diminutif;  -ab  désigne  un  art;  -ip  désigne  une  science; 
-ay  désigne  un  métier;  -ak  désigne  la  machine,  -ef,  l'instrument  à 

1.  Dnns  III,  les  grades  étaient  indiqués  comme  suit  :  tuik,  tuek,  tuak; 
tuin.  tuen,  tuan;  ...  ensuivant  exactement  la  série  des  nombres.  Dans  IV, 
ces  mots  désignent  les  intervalles  musicau.x  {prime,  seconde,  tierce,  ...). 

2.  Pourquoi  pas  à  l'Océanie  tout  entière? 

3.  D'où  sme-,  qui  signiRe  capital,  principal,  primordial. 

.. ^ «■ 


178  SECTION   II,    CHAPITRE   VI 

faire  la  chose  indiquée  par  la  racine;  -un  (D.  -ung)  désigne 
Vaction  exprimée  parla  racine;  -ud,  le  résultat  de  l'action;  -uv,  le 
lieu,  et  -ut,  le  temps  de  l'action;  -uf,  la  qualité  abstraite.  Cer- 
tains de  ces  suffixes  sont  parfois  de  simples  caractéristiques 
logiques,  comme  -ip  (nous  connaissons  déjà  les  suffixes  -im. 
-em,...  caractéristiques  des  noms  de  pays).  Tels  sont  aussi  :  -an, 
qui  désigne  les  choses  spirituelles;  et  -eg,  qui  désigne  les  ani- 
maux, excepté  les  plus  familiers,  comme  dog  =  chien,  kat  =  chat, 
kav  =  cheval,  etc.  ;  mais  on  «  spélinise  »  les  noms  suivants  : 
kengeg  =  kangourou,  krokeg  =  crocodile,  salmeg  =  salamandre.  On 
en  forme  d'autres  avec  des  racines  abstraites  :  mileg  =  colombe 
(de  mil  =  amour);  kobeg  =  araignée  (de  kob  ^  filer).  L'auteur 
préfère  les  racines  abstraites  au  point  de  proposer  d'appeler  fie 
la  pêche  (action  de  pécher),  et  ficeg  \&  poisson.  Ici  encore,  la  varia- 
tion des  voyelles  sert  à  exprimer  divers  degrés  :  ainsi  de  nat  = 
nature  on  forme  d'abord  natip  =  histoire  naturelle,  puis  natep  = 
physique,  et  enfin  natap  =  métaphysique. 

Les  principaux  suffixes  qui  servent  à  former  les  adjectifs  sont  •  : 
-1  (il,  -el)  que  nous  avons  vu  appliquer  aux  pronoms  et  aux 
noms  de  nombre;  -ik,  -ir;  -if,  qui  signifie  plein  de  (E.  -fui);  -lik, 
qui  signifie  semblable  à  (D.  -lich)  ;  -nik,  qui  signifie  privé  de  (E.  less)  ; 
-iv,  qui  indique  la  capacité  d'agir  (E.  -ive,  F,  -if);  -œbil,  qui 
exprime  la  possibilité  ou  la  dignité  (E.  F.  -able,  -ible). 

Les  verbes  se  forment  souvent  en  ajoutant  simplement  à  une 
racine  substantive  la  voyelle  caractéristique  des  temps  (-i  au 
présent).  Quand  la  racine  désigne  un  animal,  le  verbe  dérivé 
indique  le  cri  de  cet  animal  :  dogi,  aboyer;  kati,  miauler,  etc. 
Si  l'animal  ne  rend  aucun  son,  le  verbe  dérivé  indique  une  action 
ou  une  propriété  caractéristique.  De  même  le  verbe  dérivé  du 
nom  d'un  organe  indique  sa  fonction  :  luk  =:  œil,  luki  =  voir. 

Les  verbes  qui  signifient /atre  ou  rendre  tel  ou  tel  se  forment 
au  moyen  du  suffixe  -ig  :  ex.  :  dol,  douleur,  doligi,  faire  mal;  lum, 
lumière,  lumigi,  éclairer.  Mais  cet  emploi  n'est  pas  général; 
ex.  :  klin,  propreté,  klini,  nettoyer;  nud,  nudité,  nudi,  dénuder,  etc. 

Les  mots  composés  se  forment  en  juxtaposant  les  racines, 
séparées,  s'il  y  a  lieu,  par  la  voyelle  -o.  Ex.  :  vapobad,  bain  de 
vapeur;   vaponav,    bateau    à  vapeur;    vapovag,    voiture   à   vapeur; 


1.  Comme  en  Volapùk,  la  racine  est  toujours  le  substantif  :  klin,  pro- 
preté, klinir,  propre;  nud,  nudité',  nudir,  nu. 


BAUER    :    SPELIN  179 

natosap,  science  de  la  nature  ;  lumolog,  fenêtre  {trou  à  lumière)  ;  spa- 
zolin,  langue  universelle. 

Certains  mots  dégénèrent  on  préfixes  :  ainsi  slak  =^  électricité 
ilovicnt  en  composition  sle-  :  slegaf,  télégraphe;  slefon,  léléptione 
(cf.  fonogaf  =  phonographe). 

Enfin  rauteur  semble  indiquer  certains  contraires  en  retour 
nant  la  syllabe-racine  :  gub  =  froid,  bug  =  chaud  (d'où  :  bugo- 
yumiz  =  thermomètre)  :  lin  =  langue  (d'où  Uni  =  parler),  nil  = 
oreille  (d"où  nili^  entendre). 

Voici,  à  titre  d'échantillon,  le  Pater  traduit  en  Spelin  : 

Pat  isel.  ka  bi  ni  sielœs  !  Nom  el  zi  bi  santed  !  Klol  el  zi  komi  !  Vol 
el  zi  bi  faked,  kefe  ni  siel.  efe  su  sium!  Givi  ide  bod  isel  desel  is. 
Fegivi  dobœs  isel.  kefe  tet  is  fegivis  ta  yadobœs  isel;  et  nen  duki 
is  ni  tantœ.  bœt  libi  is  de  mal. 

L'auteur  fait  ressortir  la  brièveté  de  sa  langue  par  rapport  aux 
langues  vivantes  et  même  au  Volapûk  :  il  constate  que  là  où  le 
\'olapnlc  emploie  100  lettres,  le  Spelin  n'en  emploie  que  80:  que 
le  Spelin  a  oO  pour  100  de  mots  monosyllabes,  tandis  que  le 
]olapûk  n'en  a  que  24  pour  100;  et  qu'en  Spelin  62  pour  100  des 
mots  se  terminent  par  une  voyelle,  tandis  qu'en  Volapillt  on  n'en 
trouve  que  40  pour  100  au  plivs,  ce  qui  rend  le  premier  plus 
harmonieux  que  le  second.  Enfin  il  a  établi  certaines  règles  de 
formation  des  mots  pour  éviter  les  nombreuses  isoméries  du 
l'olapiik.  11  conclut  à  la  supériorité  du  Spelin  sur  le  Volapiik. 


Critique. 

Comme  nous  l'avons  dit,  nous  laissons  au  lecteur  le  soin  de 
juger  la  «  Combinatoire  linguistique  »  d'après  ses  résultats. 
<lont  nous  avons  cité  de  nombreux  exemples.  Nous  nous  borne- 
rons à  remarquer  l'incompatibilité  qui  existe  entre  les  deux 
principes  adoptés  à  la  fois  par  l'auteur  :  d'une  part,  le  principe 
<j  priori  de  la  Combinatoire  et  de  la  corrélation,  c'est-à-dire  de 
la  construction  logique  des  mots;  d'autre  part,  le  principe  a 
posteriori  de  la  conformité  aux  langues  vivantes,  et  de  l'adoption 
<les  racines  internationales.  Le  conflit  perpétuel  de  ces  deux 
principes  aboutit  à  une  incohérence  parfaite  dans  le  vocabu- 
laire et  tlans  la  grammaire  ;  en  définitive,  c'est  le  principe  a 
posteriori  qui  est  sacrifié  au  principe  a  priori.  Par  exemple,  le 


180  SECTION   II,    CHAPITRE  VI 

fait  de  réserver  2  voyelles  et  2  consonnes  à  la  formation  des 
affixes  et  à  l'euphonie  oblige  à  les  exclure  des  racines,  et  par- 
tant à  dénaturer  les  racines  qui  les  contiennent.  Le  retour 
incessant  de  la  gamme  des  voyelles,  employée  pour  toutes  les 
flexions  grammaticales,  rend  celles-ci  entièrement  artificielles 
et  arbitraires,  et,  de  plus,  difficiles  à  distinguer,  car  il  faut  un 
effort  de  mémoire  pour  se  rappeler  ce  que  chaque  voyelle 
signifie  dans  tant  de  circonstances  diverses  '.  Dans  le  vocabu- 
laire, ce  ne  sont  pas  seulement  les  pronoms,  les  particules,  les 
noms  de  nombre  qui  sont  formés  a  priori  de  toutes  pièces  ^  ;  ce 
sont  encore  la  plupart  des  noms  et  des  verbes,  composés  sui- 
vant des  règles  logiques  qui  rappellent  les  langues  philoso- 
phiques. L'usage  des  affixes  caractéristiques  exerce  sur  les 
racines  naturelles  plus  do  ravages  encore  qu'en  Volapiik  notam- 
ment dans  les  noms  de  pays).  L'exemple  le  plus  curieux  de  cet 
abus  est  l'emploi  de  la  lettre  s  comme  «  signe  d'intégration  ». 
qui  devrait  aboutir  logiquement  à  l'exclure  de  toutes  les  racines. 
L'auteur  n'a  pas  consenti  à  ce  sacrifice  héroïque,  de  sorte  qu'à 
côté  de  mots  comme  spaz,  side,  sif,  ou  de  préfixes  comme  8me-,sko-, 
où  s  a  le  sens  défini,  on  a  des  mots  comme  siel  (ciel),  sian  (océan), 
sig  (cigare),  et  des  préfixes  comme  sle-,  où  s  n'a  pas  du  tout  ce 
sens.  Enfin  l'auteur  aime  mieux  former  des  mots  composés  ori- 
ginaux que  d'adopter  les  mots  internationaux  les  plus  connus  ; 
et  sa  Combinatoire  est  si  riche  qu'elle  lui  fournit  tous  les  syno- 
nymes suivants  :  spesapuv.  gresapuv.  mesapuv,  gresapokul,  gre 
nocuv,  grenocokul,  stekul,  stesapuv,  speticuv,  spelernuv,  etc., 
pour  désigner  ce  que  dans  tous  les  pays  civilisés  on  appelle... 
Université. 


1.  Quelle  corrélation  y  a-t-il,  par  exemple,  entre  Je,  tu,  il,  et  aujourd'hui, 
hier,  avant-hier? 

2.  Peu  importe  que  ni  signifie  dans  en  japonais,  et  que  ik  signifie  un 
en  ...  tchérémisse  (!);  ce  sont  là  des  rencontres  fortuites  qui  n'empêchent 
pas  ces  mots  d'être  construits  a  priori. 


CHAPITRE  Vil 


FIEWEGER  :  DIL 


Le  DU  se  présente  manifestement  comme  un  perfectionnement 
du  Volapûk.  Il  repose  sur  les  mômes  principes,  et  nous  permettra 
d'en  mieux  apprécier  la  valeur. 


•     Grammaire. 

L'alphabet  se  compose  des  H  voyelles  : 

a,  e,  i,  0,  u  (ou) 
et  dos  17  consonnes  : 

b,  p;  d,  t;  g,  k:  v.  f;  z,  s;  c,  j;  y,  1,  m,  n,  r, 

qui  se  prononcent  comme  en  français,  à  part  :  g  toujours  dur; 

s  toujours  dur  ;  c  =  dch;  j  =  ch  (comme  en  Volapûk). 

Vaccent  csl  sur  la  dernière  syllabe  (comme  en  Volapûk). 

Il  n'y  a  pas  d'article,  ni  défini  ni  indéfini. 

Les  substantifs  se  déclinent  comme  il  suit  : 


Nom.  om     Vhomme 
Gén.     orna  de  l'homme 
Dat.     omo  à  l'homme 
Ace.     omi   l'homme 


ornez  les  hommes 
omaz  des  hommes 
omoz  aux  hommes 
omiz   les  hommes 


Les  genres  sont  toujours  naturels.  Ils  se  distinguent  par  les 
désinences  -ec  (masc.)  et  -ev  (fém.). 
Los  adjectifs  sont  invariables  en  genre  et  en  nombre.  Le  com- 

1.  Internationale  Verkehrssprache  Dil  oder  besles  Vei'stàndigungstnitlel 
zwischen  den  Nationen  nach  dem  System  des  Dr.  Gûl  in  Bagdad  :  Gram- 
înalik,  par  Fieweger  (1893).  —  Slammwôrterbuch  des  Dil  und  stammàhn- 
liche  Wôrfer,  par  Fiewec.er  (1894;  Brcslau,  Adcrholz).  Il  y  a  une  traduc- 
tion de  la  Grammaire  en  Volapilk,  et  une  autre  en  Dil,  dont  voici  le  titre  : 
Dil  0  med  gutun  kaipeni  fra  nepez  ze  gloz  doka  Gûl  en  Bagdad. 


182  SECTION   II,    CHAPITRE   VU 

paratifet  le  superlatif  se  forment  au  moyeu  des  suffixes -ur  ef 
-un.  Ex.  :  gut,  bon;  gutur,  meilleur:  gutun.  le  meilleur. 

Les  noms  de  nombre  sont  : 

un,  1;  tun.  2;  zan,  3;  fir,  4;  bej,  5;  siz,  6;  sib,  7;  sek.  8;  nov,  0. 

Les  dizaines  se  forment  en  ajoutant  aux  unités  le  suffixe  du 
pluriel  -ez  (comme  en  Volapiik)  :  unez,  10;  tunez,  20;  zanez,  30; 
tunezzan,  23;  zad  =  100;  mil  =  1.000;  unon  =  1  million;  tunon  = 
1  billion,  etc. 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  précédents  au  moyen  du 
suffixe  -un  (comme  le  superlatif). 

Les  pronoms  personnels  sont  : 

Sing.  Plur. 

l'«  personne    eb,  je,  ebz,   nous. 

2*         —  el,    tu,  elz,     vous. 

3«         —  em,  il,  emz,  ils. 

Ils  se  déclinent  comme  les  substantifs.  Les  pronoms  de  la 
3''  personne  prennent  les  désinences  du  genre. 

Les  pronoms  possessifs  dérivent  des  pronoms  personnels  par 
l'adjonction  d'un  -e  :  ebe,  ele,  eme;  ebze,  elze,  emze.  Ils  sont  sou- 
vent remplacés  (comme  en  Volapiik)  par  le  génitif  du  pronom 
personnel  ;  eba,  ela,  ema,  etc. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  id,  ceci;  ed,  cela;  kid,  tel;  did,  le 
même;  ded,  celui  (qui). 

Les  pronoms  relatifs-interrogatifs  sont  :  ki  (masc.  fém.)  et  kt 
(neutre)  ;  les  mêmes  à  l'accusatif  qu'au  nominatif  (comme  en 
français).  Ils  servent  aussi  d'adjectifs  interrogatifs  :  quel? 

Tous  ces  pronoms  prennent  les  désinences  masculine  et  fémi- 
nine. 

Les  pronoms  indéfinis  sont  :  ik,  quelqu'un;  ek,  personne;  an, 
aucun;  kik,  chacun;  ez,  quelque  chose;  nez,  rien;  iz,  tout;  jak,  peu; 
jok,  beaucoup  '. 

Les  verbes  n'ont  qu'une  seule  conjugaison.  Soit  le  radical  lob 
(louer,  D.).  L'indicatif  présent  se  forme  en  lui  ajoutant  les  pro- 
noms personnels  : 

lobeb,  lobel,  lobem  ^  ;  lobebz,  lobelz,  lobemz. 

1.  On  remarquera  l'opposition  de  sens  entre  ek  et  ik,  jak  et  jok  (voir  le 
Vocohulaire). 

2.  Les  3°'  personnes  (sing.  et  plur.)  peuvent  prendre  au  besoin  les  dési- 
nences de  genre. 


FIEVVEGER   t   DIL  183 

Le  parfait  (défini  et  indéfini),  le  plus-que-parfait,  le  futur  et  le 
futur  antérieur  se  forment  en  remplaçant  respectivement  e  par 
a,  i,  0,  u  dans  la  terminaison  de  l'indicatif.  Ainsi  :  lobab,  j'ai 
loué;  lohib,  j  avais  loué;  lobob.  Je  louerai;  lobub, /aurfli  loué. 

Vinfinitifsc  forme  en  ajoutant  au  radical  les  terminaisons  -en 
(présent)  et  -an  (passé)  :  loben,  louer;  loban,  avoir  loué. 

Les  participes  se  forment  en  ajoutant  au  radical  les  terminai- 
sons ed  (présent)  et -ad  (passé)  :  lobed,  louant;  lobad,  ayant  loué. 

Le  subjonctif  se  forme  en  ajoutant  les  désinences  personnelles 
à  linfinitif  présent  :  lobeneb,  que  je  loue;  lobenab,  que  j'aie  loué; 
lobenib,  que  j'eusse  loué. 

Le  conditionnel  (présent,  passé)  coïncide  avec  le  subjonctif 
(imparfait,  plus-que-parfait)  comme  en  allemand. 

L'mipt'ra/i/ s'indique  en  ajoutant  la  désinence  -ed  '  à  l'indicatif  : 
lobeled,  louez  ;  lobebzed,  louons. 

L'optatif  (impératif  poli)  remplace  cette  désinence  -ed  par  la 
désinence  -ez. 

Le  passif  se  forme  eh  intercalant  i  immédiatement  après  le 
radical  à  tous  les  modes  et  temps  de  l'actif:  lobien,  être  loué; 
lobian,  avoir  été  loué;  lobied,  loué  (qu'on  loue);  lobiad,  loué  (qu'on 
a  loué). 

Le  passif  sert  à  suppléer  l'absence  du  pronom  on.  On  traduit 
on  loue  par  lobiem,  est  loué  (comme  en  latin). 

La  forme  réfléchie  est  indiquée  par  un  i  placé  après  la  dési- 
nence :  lobebi,  je  me  loue. 

La  forme  réciproque  est  indiquée  par  un  a  placé  après  la  dési- 
nence :  lobemzu,  ils  se  louent  l'un  l'autre. 

Enfin  on  traduit  certains  auxiliaires  (allemands)  en  intercalant 
après  le  radical  les  syllabes  suivantes  : 

aj  pouvoir  (moralement);  D.  dûrjen. 

ej  devoir;  D.  sollen. 

ij    vouloir. 

oj  pouvoir  (physiquement);  D.  kônnen. 

uj  devoir,  falloir;  D.  mùssen. 

La  syntaxe  est  très  simple  :  les  verbes  régissent  tous  l'accusatif 
pour  leur  l'"'  complément  (régime  direct)  et  le  datif  pour  les 
autres  (régime  indirect).  Les  prépositions  régissent  toutes  le 
nominatif. 

1.  La  même  que  pour  le  participe  présent. 


184  SECTION   II,    CHAPITRE   VII 

La  construction  régulière  est  la  suivante  :  sujet,  verbe,  régime 
direct,  régime  indirect.  L'adjectif,  le  nom  de  nombre,  le  génitif 
se  mettent  après  le  substantif,  et  la  préposition  avant  lui  ;  l'adverbe 
se  met  après  le  verbe  ou  le  mot  qu'il  détermine  (y  compris  la 
négation  ne).  L'interrogation  se  traduit  par  la  particule  11  en  tête 
de  la  proposition  (comme  en  Volapiik). 


Vocabulaire. 

Le  DU  n'a  que  des  racines  monosyllabiques,  qui  paraissent 
construites  par  combinaison;  les  unes  ont  le  sens  des  racines 
naturelles  (surtout  allemandes)  qu'elles  rappellent  plus  ou  moins 
vaguement;  les  autres  ont  des  sens  arbitrairement  choisis.  Le 
monosyllabisme  n'épargne  même  pas  les  noms  propres  de  pays  : 
rop,  Europe;  sic,  Asie;  frik,  Afrique;  rik,  Amérique;  rus,  Bussie; 
sman,  Turquie  (Osmanlis);  doit,  Allemagne  (D.  Deulschland) ;  dien, 
Inde  (D.  Indien);  tien,  Argentine;  ciar,  Hongrie  (magyar);  cik,  Bel- 
gique; cip,  Egypte;  sem,  Luxembourg;  yer,  Bavière;  veir,  Wiirttem- 
berg;  nal,  Anhalt;  enfin  :  meuk,  Mecklembourg  ;  meak,  Mecklembourg- 
Schwerin,  et  meok,  Mecklembourg-Strelitz. 

De  même,  les  noms  des  éléments  chimiques  sont  réduits  à 
une  syllabe,  qui  rappelle  plus  ou  moins  leur  notation  abrégée  : 
ag,  argent;  al,  aluminium;  ok,  oxygène;  col,  chlore;  cor,  chrome; 
civ,  mercure. 

Les  racines  empruntées  aux  langues  anciennes  sont  traitées  de 
môme  :  blem,  problème;  blik,  république;  dak,  rédaction;  mem, 
mémoire;  mik,  fourmi  (L.  formica):  plom,  diplôme;  nés,  fenêtre 
(L.  fenestra),  etc. 

Certaines  racines  sont  empruntées  textuellement  (phonétique- 
ment) au  français,  comme  :  blag,  ble,  brid,  briz,  dot,  drol,  foar, 
fuet,  flej,  goj,  jat  (achat,  et  non  chat),  jik,  joz,  kaj,  kloj,  koz,  ku, 
kud,  kut  (coût),  kuv  (couverture),  let  [lettre),  moan,  mok,  muj  (niou- 
cher,  non  mouche),  nec  (neige),  nos,  pak  (Pâques),  pej  (pèche,  fruit), 
pus  {pouce),  roj,  sac  (sage),  sir  (cire),  suj  (souche),  taj  [tache),  trus, 
truv  (trouver),  zit  (visite). 

D'autres  à  l'anglais,  comme  :  beg  (prière),  bon  (os),  bim  (rayon), 
bren  (cerveau),  dir  (cher),  diuk  (duc),  dor  (porte),  jep  (forme),  jev 
(raser),  nait  (chevalier),  rul  (règle),  sev  (sauver),  spun  (cuiller),  ti  (</ié), 
vik  (semaine),  vit  (blanc),  vod  (eau). 


FIEWEGER    :    DIL  185 

D'autres  enfin  ont  une  origine  obscure  ou  incertaine,  et 
paraissent  choisies  arbitrairement,  comme  :  dil,  langage;  din, 
religion;  fil  ",  éléphant;  gur,  mont;  mab,  temple;  nan,  été;  nib,  voiture; 
nim-,  ichneumon;  ran,  orient;  sag,  sanlé;  sed,  coutume;  siv,  cœur; 
toj,  encre;  tul,  longueur;  ved,  6ots;  yir,  crainte;  ZOT,  force.  C'est  le 
cas  d'une  bonne  moitié  des  racines  du  lexique. 

Les  procédés  de  dérivation  ne  sont  pas  moins  arbitraires.  Le 
suffixe  -er  indique  les  personnes  en  général  ;  -ec  indique  les  per- 
sonnes masculines,  et  -ev  les  féminines.  Les  mômes  suffixes  pré- 
cédés de  i  (signe  du  passif)  marquent  les  personnes  qui  subissent 
une  action.  Les  mômes,  précédés  de  u,  marquent  les  personnes 
dégénérées  (ex.  :  omuec,  eunuque). 

Le  suffixe  -ir  marque  les  animaux,  en  général  ;  -ic  les  animaux 
mules,  et  -iv  les  femelles.  Les  mômes,  précédés  de  u,  marquent 
les  animaux  chAtrés.  Ex.  :  galuic,  chapon. 

Le  suffixe  -ar  marque  les  plantes  (-ac  les  plantes  mâles;  -av,  les 
plantes  femelles). 

Le  suffixe  -id  marque  les  jeunes.  Ex.  :  loj,  cheval;  loiid,  poulain. 

Le  suffi.xo  -ef  marque  les  collectivités;  -if  marque  les  emplois, 
fonctions,  dignités;  -of  marque  le  commerce;  -on,  le  lieu,  etc. 

Les  adjectifs  se  forment  au  moyen  des  suffixes  -aie,  qui  marque 
la  forme;  -oie,  la  ressemblance;  -ile,  la  manière;  -oce,  la  dignité 
(qui  mérite  de...);  -ioje,  la  possibilité;  -uoje,  la  facilité;  -iuje,  la 
nécessité,  etc. 

Les  verbes  dérivés  d'adjectifs  se  forment  au  moyen  des  suffixes 
-en  =  être  (guten,  être  bon);  et -eten  =  rendre (guteten,  rendre  bon). 
Nous  avons  vu  les  suffixes  qui  remplacent  les  auxiliaires. 
D'autres  expriment  :  -ap,  le  commencement  de  l'action  ;  -ep,  la  fin 
de  l'action;  -ip,  l'achèvement  de  l'action;  -iep  la  continuation 
de  l'action;  -iap,  l'apprentissage.  Ex.  :  yazen,  écrire;  yazapen, 
commencer  à  écrire;...  yaziapen,  apprendre  à  écrire. 

Il  y  a  aussi  de  nombreux  préfixes,  dont  la  plupart  sont  des 
particules  (prépositions  ou  conjonctions).  Certaines  de  ces  parti- 
cules sont  empruntées  au  latin  ou  aux  langues  vivantes  :  e,  et: 
0,  ou;  ne,  ni;  si,  si;  ma,  mais;  fra,  entre;  gre,  malgré;  d'autres  sont 
comi)osécs  a  priori,  et  toujours  monosyllabiques  :  fu,  à  côté  de;  lu, 
le  long  de;  bu,  nonobstant,  etc. 


1.  Qui  signifie  feu  en  Volapilk. 

2.  Qui  signifie  animal  en  Volapilk. 


186  SECTION   II,    CHAPITRE   VII 

Il  y  a  encore  d'autres  procédés  de  dérivation,  spéciaux  au  DU, 
qui  consistent,  soit  à  ajouter  une  voyelle  à  l'intérieur  du  radical, 
soit  à  remplacer  la  voyelle  radicale  par  une  voyelle  contraire 
(pour  marquer  les  opposés).  Les  voyelles  contraires  sont  :  a  et  e; 
e  et  i;  a  et  o;  a  et  u. 

Ce  procédé  de  dérivation  s'applique  aux  particules  :  ex.  :  en  = 
dans,  in  =  hors  de;  u  ^=  près,  a  =  loin;  su  =  sur,  sa  =:  sous;  le  = 
avant,  la  =  après;  spe  =  tard,  spi  =  tôt;  ik  =  quelque  part,  ek  r= 
nulle  part  ;  ta  =  hier,  te  =  aujourd'hui,  to  =  demain  (cf.  :  ti  =  thé, 
tu  =/rop);  etc.  (Voir  aussi  les  pronoms  indéfinis  cités  plus  haut). 

11  s'applique  aussi  aux  grands  mots.  Voici  les  exemples  cités 
par  l'auteur  :  geb  :=  donner,  geib  =  prendre;  vig  =  berceau,  vieg 
=  tombe  ;  Ion  =  source,  foan  =  embouchure  ;  tul  =  longueur,  tuai  = 
brièveté.  Ajoutons-en  quelques  autres  non  moins  caractéristiques  : 
ne  =  non,  nei  :=  oui:  nor  =  nord,  noar  =  sud;  goj  =:  gauche,  gaj  = 
droite  ;  soaf  =  soif,  sof  =  faim  ;  stad  =  ville,  staed  =  campagne  ;  laf 
=  rire,  laef  =  pleurer;  rij  =  richesse,  riej  =  pauvreté;  ren  =  pro- 
preté, rein  =  malpropreté;  poem  :=  poésie,  poim  =  prose;  slaf  = 
sommeil,  slaef  =  veille;  stel  =  étoile,  steol  =  étoile  fixe,  steal  = 
planète  ;  top  =  canon,  toip  =  obus  ;  lek  =  électricité,  lik  =  magné- 
tisme: vit  =  blanc,  viet  =:  «o/r;  ver  =  vers,  vier  =  strophe  (vir  = 
tourbillon);  vin  =  i»i/i,  vien  =  vinaigre  (ven  =  veine);  vor  =  pn/i- 
temps,  voar  =  automne:  nan  =  e'/é,  naen  =  /lirer  (non  =  none°>.): 
enfin  :  kriv  =  catholicisme,  et  kriev  =  protestantisme.  Citons  aussi  : 
glev  =  glaive,  glav  =  sabre,  gliv  =  ^pe'e. 


Critique, 

Le  DU  a  les  mêmes  défauts  que  le  Volapûk,  notamment  l'arbi- 
traire du  vocabulaire  et  de  la  grammaire.  Comme  lui,  il  déforme 
systématiquement  les  racines  naturelles  pour  se  conformer  à 
certaines  règles  a  priori,  et  surtout  à  l'exigence  excessive  de  la 
brièveté  et  du  monosyllabisme.  Comme  lui,  il  compose  les 
flexions  grammaticales  et  les  affîxes  de  dérivation  par  des  com- 
binaisons arbitraires  de  lettres  (notamment  de  voyelles).  Il  a 
pourtant  sur  lui  quelques  avantages  :  son  alphabet  est  plus 
complet;  sa  conjugaison  est  plus  rationnelle  (quoique  tout  aussi 
arbitraire),  les  temps  étant  indiqués,  non  plus  par  des  préfixes 
qui  défigurent  le  radical  verbal,  mais  par  des  suffixes  (comme 


FIEWEGER    :    DIL  187 

dans  les  principales  langues  européennes).  Mais  ce  qui  est  le  plus 
intéressant  et  le  plus  instructif  dans  le  DU,  c'est  son  vocabulaire, 
parce  qu'il  montre  à  quelles  incohérences  et  à  quelles  fantaisies 
on  peut  al)outir  par  l'application  simultanée  de  principes  a  prtort 
et  de  principes  a  posteriori.  Les  nombreux  exemples  que  nous 
avons  cités  nous  dispensent  de  toute  critique  sur  ce  point,  et 
montrent  que  le  choix  des  racines  ne  tient  aucun  compte  de  leur 
internationalité  :  c'est  ainsi  que  sak,  le  plus  international  des 
radicaux,  ne  signifie  pas  sac,  mais  cuissel  En  somme,  le  DU  est  à 
certains  égards  un  perfectionnement  du  Volapiik;  mais,  à  d'autres 
égards,  il  en  est  la  caricature. 


CHAPITRE  VIII 

DORMOY : BALTA * 

Le  Balta  est  un  perfectionnement  du  Volapûk,  dont  l'auteur  sest 
efforcé  de  simplifier  et  de  régulariser  la  grammaire. 

Grammaire. 

Valphabet  comprend  5  voyelles  : 

a,  e,  i,  0,  u  (ou) 
et  14  consonnes  : 

b,  d,  f,  g,  j,  k,  1,  m,  n,  p,  s,  t,  v,  y. 

g  et  s  sont  toujours  durs;  j  se  prononce  ch.  L'auteur  rejette  les 
voyelles  infléchies  du  Volapûk;  il  exclut  les  consonnes  c,  q,  h,  r, 
X,  z,  comme  inutiles  ou  malaisées  à  prononcer.  Toutes  les  syllabes 
devront  être  à  peu  près  également  accentuées  ;  la  dernière  pourra 
l'être  un  peu  plus. 

11  n'y  a  pas  d'article,  ni  défini,  ni  indéfini. 

Les  substantifs  ont  leur  radical  commençant  et  finissant  par 
une  consonne.  Ils  n'ont  pas  de  genre  propre;  le  féminin  sera 
marqué  par  un  préfixe  (ej-)-  Us  ne  se  déclinent  pas,  et  prennent 
simplement  un  -s  au  pluriel. 

Les  adjectifs  se  terminent  tous  en  -a.  Ils  ne  se  déclinent  pas 
plus  que  les  substantifs,  et  ne  prennent  le  -s  du  pluriel  que 
lorsqu'il  est  nécessaire  pour  le  sens. 

1.  Le  Balta,  langacje  international  conventionnel,  par  Emile  Dormoy, 
ingénieur  en  chef  des  mines  (Tours,  impr.  Arrault,  189.3).  M.  Dormoy  a  fait 
partie  du  Comité  central  de  l'Association  française  pour  la  propagation  du 
Volapûk.  Son  ouvrage  contient  une  revue  historique  des  projets  antérieurs. 
Ce  projet  avait  paru  en  1887  dans  Le  Moniteur  de  l'Exposition. 


DORMOY   :    BALTA  189 

Los  degrés  de  comparaison  seront  indiquf^s  analytiqucment  par 
(les  particules  spéciales  (comme  plus,  très  en  français). 

Les  noms  de  nombre  sont  construits  a  priori  par  des  combinai- 
sons de  voyelles  et  de  consonnes  : 

ba,  1  ;  be,  2  ;  bi  3  ;  bo,  4  ;  bu,  5  ; 
ja,  6;  je,  7;  ji,  8;  jo,  9;  ju,  0  '. 
Les  dizaines  sont  indiquées  par  les  mômes  syllabes  suivies  de  -s  : 
bas,  10;  bes,  20;  bis,  30,  etc.  Puis  :  fol  =  100;  mil  =  1.000;  mion 
=:  1  million;  mimion  =  1  milliard.  Par  exemple  : 
Mijifoljisejo  =  1889. 
Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  nombres  cardinaux  au  moyen 
(lu  suffixe  -a  (des  adjectifs)  :   bala,  premier;  bêla,   second,  etc.  ; 
basa,  dixième;  besa,  vingtième,  etc. 

Les  adjectifs  multiplicatifs  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -ta  : 
balta,  simple;  belta,  double,  etc. 
Ainsi  s'explique  le  nom  du  Balta...,  grâce  à  une  métaphore. 
Les  adverbes  numéraux  se  forment  (comme  tous  les  adverbes 
dérivés  d'adjectifs)  en  .changeant  -a  en  -i  :  bali,  premièrement; 
balti,  simplement. 

Les  nombres  partitifs  (dénominateurs  de  fractions)  se  forment 
au  moyen  du  suffixe  -dil  :  beldil  =  demi,  moitié;  bildil  =  tiers; 
boldils  bi  =  trois  quarts. 

Les  nombres  de  fois  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -kemi  :  bel 
kemi  ==  deux  fois. 

Ia'9,  pronoms  personnels  sont  également  formés  a  pnori.  L'auteur 
préfère  (à  l'inverse  du  Volapûk)  faire  varier  la  voyelle  et  garder 
la  même  consonne  :  al  ==  je;  el  =  tu;  il  =  il,  elle;  ol  =  on;  ul  = 
ce  {cela). 

Les  pronoms  du  pluriel  se  forment  au  moyen  de  la  consonne  s  : 
as  =  nous;  es  =  vous;  is  =  ils,  elles.  Même  (L.  ipse)  se  traduit  par 
la  répétition  du  pronom  :  al-al,  moi-même. 

Les  adjectifs-pronoms  possessifs  dérivent  des  pronoms  personnels 
par  l'adjonction  du  suffixe  -a  :  ala,  mon;  ela,  ton;  ila.  son:  ola;  ula; 
asa,  /io/r<?;  esa,  votre;  isa,  leur. 

Les  pronoms-adjectifs  démonstratifs  sont  de  la  forme  vca  : 
apa,  ce,  ce...  -ci, celui-ci. 
epa,  un  certain. 
ata.   quelque,  quelqu'un. 

1.  La  place  assignée  au  zéro  étonne,  de  la  part  d'un  mathématicien. 


190  SECTION   II,    CHAPITRE   VIII 

eta,  chaque,  chacun. 
ita,    l'autre,  un  autre. 
ota,  aucun,  personne. 
uta,  le  même. 

De  même,  les  pronoms  relatifs  : 

oka,  qui;    okea,  que, 

qui  deviennent  interrogatifs  à  l'aide  du  préfixe  li  : 

li-oka,       qui?  quel?      li-okea,        que?  quoi? 
apaka    =  celui  qui;        apakea    =  celui  que. 
ulka      ^ ce  qui;  ulkea      :=cequeK 

La  conjugaison  des  verbes  est  réduite  au  minimum.  L'auteur  a 
été  d'abord  tenté  de  suivre  l'exemple  du  Volapûk,  en  soudant  le 
pronom  au  radical  verbal  (par  exemple  :  logal,  je  vois  ;  logel,  tu 
vois;  logil,  il  voit,  etc.).  Mais  il  a  préféré  une  conjugaison  [)lus 
analytique,  où  le  pronom  (ou  le  sujet)  précède  le  verbe,  inva- 
riable en  personne  et  en  nombre. 

Il  n'admet  que  trois  temps,  marqués  respectivement  par  les 
préfixes  a-  (présent),  e-  (passé),  i-  (futur).  Ainsi  : 

al  alog  =  je  vois. 
el  elog  =  tu  as  vu. 
il  ilog  =  il  verra. 

11  ne  prévoit  pas  de  temps  secondaires,  ni  de  modes,  sauf  l'in- 
finitif, marqué  par  le  suffixe  -e  :  loge,  voir.  Le  participe  passé 
passif  se  forme  en  ajoutant  -a  à  l'infinitif  :  logea,  vu.  Le  passif 
se  forme  au  moyen  du  préfixe  oj-  :  al  oj-alog,  je  suis  vu. 

Les  verbes  impersonnels  se  conjuguent  de  même.  Exemple  : 
nife  =  neiger;  ul  nif  =:  il  neige. 

Les  verbes  te  (être)  et  fe  (avoir)  se  conjuguent  régulièrement  : 
al  at,  je  suis;  al  et,  je  fus;  alit,  Je  serai;  al  ai,  j'ai;  al  et,  j'eus;  alif, 
j'aurai. 

La  négation  et  V interrogation  s'expriment  respectivement  par  les 
préfixes  ni  et  li-  :  al  ni  alog  =  je  ne  vois  pas  ;  el  li-alog  =  vois-tu  ? 
el  ni  li-alog  ^  ne  vois-tu  pas? 

Les  adverbes  (primitifs),  les  prépositions  et  les  conjonctions  sont 
de  la  forme  vcv,  et  se  terminent  respectivement  en  -i,  -o,  -u. 
Ainsi  :  efi  ==  auparavant;  efo  =  avant;  efu  =  avant  que.  Ces  trois 

1.  II  semble  que  dans  ulka,  apaka,  le  changement  de  -a  en  -ea  traduise 
l'accusatif,  tandis  que  dans  oka  il  traduit  le  neutre. 


DORMOY    :    BALTA  191 

formes  peuvent  s  eniployer  l'une  i)Our  l'autre,  quand  il  n'y  a  pas 
lieu  à  équivo(iue. 

La  principale  règle  de  syntaxe  consiste  (comme  en  Volapuk)  à 
placer  le  déterminant  après  le  déterminé  :  buk  penea  gudi  =  un 
livre  bien  écrit  (buk  =  livre  ;  pen  =  plume  ;  gud  =  bonté). 

La  construction  régulière  est  la  suivante  :  sujet,  verbe,  régimes 
direct  et  indirect.  Seulement  cet  ordre  peut  être  interverti  pour 
rattacher  les  propositions  subordonnées  (relatives)  à  la  prin- 
cipale. 

Vocabulaire. 

L'auteur  a  donné  un  lexique  français-balta  contenant 2200  mots 
usuels.  Il  a  conservé  autant  que  possible  les  radicaux  du  Volapiik, 
excepté  quand  son  alphabet  ou  les  règles  relatives  à  la  forme 
des  mots  l'obligent  ù  les  changer. 

Les  radicaux  sont  tous  des  substantifs;  en  leur  ajoutant  le  suf- 
fixe-a,  on  forme  des  adjectifs;  -e,  des  verbes;  -i,  des  adverbes. 
Ainsi  toutes  les  parties  du   discours  se    distinguent   par   leur 
forme  :  «  Tous  les  mots  qui  finissent  par  une  consonne  autre 
que  s  sont  des  substantifs,  s'ils  commencent  également  par  une 
consonne;  et  des   verbes  conjugués,  s'ils  commencent  par  une 
voyelle  »,  qui  est  a,  e,  i  suivant  le  temps.  «  Tous  les  mots  qui 
finissent  en  -a  sont  des  adjectifs  s'ils  commencent  par  une  con- 
sonne, et  des  pronoms  s'ils  commencent  par  une  voyelle.  Tous 
les  mots  qui  finissent  en  -ea  sont  des  adjectifs  verbaux;  tous  les 
mots  qui  finissent  en  -e  sont  des  verbes  à  l'infinitif;  en  -i.  des 
adverbes;  en  -o,  des  prépositions;  en  -u,  des  conjonctions.  » 
Les  dérivés  se  forment  au  moyen  des  suffixes  : 
-am  qui  indique  l'action, 
•en  —  l'industrie,  et 

-el  —  celui  qui  exerce  l'industrie  : 

bir  :==  bière,  biren  =  brasserie,  birel  =  brasseur. 
-il     qui  indique  un  diminutif; 

dom  =  maison,  domil  =  petite  maison. 
-av    qni  indique  la  science  : 

God  =  Dieu,  godav  =  théologie. 
et  des  préfixes  : 

aj-     qui  indique  le  mâle  :  aj-gok  ^cog. 

ej-  —  la  femelle  :      ej-gok  =pou/«. 


192  SECTION   II,    CHAPITRE   VIII 

ij-      qui  indique  le  jeune  :  ij-gok  =pou/e/. 

le-  —  la  grandeur  :  ledom=  pa/ais. 

lu-  —  l'humilité  : 

heg^  prière,  lubeg  =  mendicité. 

ko-   qui  indique  l'idée  d'avec,  en  commun 
vob  =  travail;  kovob  =  collaboration. 

disa-  qui  signifie  sous. 

de-    qui  indique  éloignement,  séparation. 

ge-  —  la  répétition. 

ta-  —  le  contraire. 

ne-  —  la  négation. 

Tous  ces  affixes  sont  empruntés  au  Volapûk.  Quant  aux  mots 
composés,  ils  se  forment,  comme  en  Volapûk,  en  unissant  les 
deux  radicaux  au  moyen  de  la  voyelle  -a-  (l'idée  déterminante  la 
première).  Exemple  :  ted  =  commerce;  tedadom  =  maison  de 
commerce. 

Pour  donner  une  idée  de  la  méthode  de  composition  de  l'au- 
teur, citons  les  mots  qu'il  compose  au  moyen  des  noms  de  nom- 
bres. D'abord  les  heures  :  jaltok=  six  heures;  beldila  dup  =  une 
demi-heure;  basbedel  =  midi  (douze-jour);  basbeneit  =  minuit 
{douze-nuit).  Puis  les  jours  de  la  semaine  :  baldel  =  dimanche; 
beldel  =:  lundi,  etc.  Ensuite  les  mois  :  balmul  =  janvier;  belmul  = 
février;...  basbemul  =:  décembre.  Enfin  les  saisons  :  balsod  =  prin- 
temps;.... bolsod  =  hiver.  L'auteur  applique  encore  ce  système  de 
numérotage  aux  sept  couleurs  de  l'arc-en-ciel  :  balkol  =  violet 
(kol  =  couleur);  helkol  =  indigo;....  jalkol  =  orangé;  jelkol  =  ro«gfe; 
et  même  aux  cinq  parties  du  monde  :  Lebalen  =:  Europe; 
Lebelen  =  Asie;  Lebilen  =:  Afrique;  Lebolen  =  Amérique;  Lebulen 
=  Océanie. 

Critique. 

Par  rapport  au  Volapûk,  auquel  il  convient  de  le  comparer,  le 
Balta  marque  un  progrès  :  sa  grammaire  est  beaucoup  plus 
simple  ;  elle  est  aussi  plus  analytique,  et  par  là  plus  conforme  à 
l'esprit  des  langues  modernes.  Mais  elle  est  trop  simple,  ou  tout 
au  moins  incomplète  (le  Balta  n'est  d'ailleurs  qu'un  projet  de 
langue,  et  non  une  langue  toute  faite).  De  plus  elle  emploie  des 
flexions  absolument  arbitraires,  fondées  uniquement  sur  la  suc- 
cession conventionnelle  des  voyelles.  De  même  les  pronoms,  les 


DORMOY   :    BALTA  193 

noms  de  nombre  et  les  particules  sont  construits  entièrement  a 
priori,  ce  qui  les  rend  fort  (lifficiles  à  retenir  et  j\  distinguer. 
Itnfin  le  vocabulaire,  étant  celui  du  Volapûk,  a  tous  les  défauts 
(jue  nous  avons  déjà  signalés;  il  est  même  encore  plus  factice, 
par  suite  de  l'introduction  des  nombres  dans  la  formation  de 
certaines  séries  de  mots,  qui  rappelle  les  pasigraphics  les  j)lus 
artificielles. 


CouTURAT  et  I^EAU.  —  I^angue  univ. 


13 


CHAPITRE   IX 

GUARDIOLA :  ORBA * 

Valphabelde  cette  langue  comprend  21  lettres,  5  voyelles  :  a,  e, 
i,  0,  u  (ou),  et  16  consonnes  :  b,  d,  f,  g,  h  (Icli),  k,  1,  m,  n,  p,  r,  s, 
t,  V,  X  (c/i),  y  (i  consonne).  Il  n'y  a  pas  de  diphtongues. 

L'accent  porte  en  général  sur  la  voyelle  qui  précède  la  dernière 
consonne  du  mot,  excepté  quand  elle  est  une  désinence  gramma- 
ticale ;  dans  les  autres  cas,  il  est  marqué  dans  l'écriture  et  l'im- 
pression. La  déclinaison  ne  porte  que  sur  les  articles  et  les  pro- 
noms. 

Varticle  défini  est  i,  l'article  indéfini  u.  Ils  se  déclinent  comme 
suit  : 


Sing. 

Plur. 

Sing. 

Plur. 

Nom. 

i 

is 

U 

US 

Gén. 

iti 

isti 

uti 

usti 

Dat. 

ita 

ista 

uta 

usta 

L'accusatif  et  l'ablatif  sont  semblables  au  nominatif. 

Les  substantifs  ont  3  genres  (naturels)  :  le  masculin  caractérisé 
par  -0,  le  féminin  par  -a;  le  neutre  n'a  pas  de  désinence  propre, 
mais  le  genre  indéterminé  (m.  et  f.  à  la  fois)  a  pour  désinence 
-ie. 

Le  pluriel  se  forme  en  ajoutant  un  -s. 

Les  adjectifs  sont  invariables,  excepté  quand  on  les  trans- 
forme en  substantifs,  en  leur  ajoutant  -io  pour  le  masculin,  -la 
pour  le  féminin  et  -ie  pour  le  genre  indéterminé  ^. 

L  Kosmal  Idioma.  Gramàlika  uti  nove  praia  kiamso  Orba.  —  Universal- 
Sprache.  Grammalik  einer  neuen  Sprache,  Orba  genannt,  von  José  Guar- 
DioLA.  96  p.  in-S"  (Paris,  Paul  Schmidt,  1893). 

2.  Le  neutre  est  identique  au  radical  :  V8k=  une  vieille  chose  \  vekio  = 
(un)  vieux;  vekia  =  (une)  vieille;  vekies  =  (les)  vieux. 


del 

dol 

dels 

dois 

elol 

olol 

elols 

olols 

GUARDIOLA    :    ORBA  195 

Les  degrés  s'indiquent  par  les  surfîxes  -al  (comparatif)  et  alto 
(superlatif)  •. 
Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif  : 

1"  p.  2«  p.  2'  p.  polio.      3«  p.  m.        3*  p.  f.  3'  p.  n. 

Sing.        in  at  ul  il  el  ol 

Plur.        ins  ats  uls  ils  els  ois 

Ils  forment  leur  génitif  et  leur  datif  comme  les  articles  (-ti,-ta), 
et  leur  accusatif  en  préfixant  1-.  Ils  prennent  dans  certains  cas 
une  forme  abrégée. 
Les  adjectijs  possessifs  sont,  au  nominatif  : 
Sing.       din  dat  dul  dil 

Plur.       dins         dats         duls         dils 
et  \es  pronoms  possessifs  : 

Sing.         inol         atol  ulol          ilol 

PI  tu*.         inols        atols        ulols        ilols 
Les  uns  et  les  autres  se  déclinent  comme  Jes  articles. 
Les  pronoms  démonslratifs  sont,  au  nominatif  singulier  : 

den,  celui-ci;        len,  celui-là. 
Les  pronoms  relatifs  sont  ki  (m.  et  f.),  ke  (n.),  et  kial  (iki=  celai 
qui). 

Tous  ces  pronoms  forment  leur  pluriel  et  se  déclinent  comme 
les  articles. 

Les  nombres  cardinaux  sont  : 

u,  du,  tre,  kat,  hin,  sei,  set,  ot,  neu,  sen;  puis  :  usen,  dusen 

neusen;  vin  =  20;  tren  =  30;  katten  =  40;  hinten  =  50;....  senti 
=  100;  du  senti  =  200;....  mil  =  1.000.  Les  unités  précèdent  tou- 
jours les  dizaines  2  ;  87  =  setotten. 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  aux  cardinaux  le 
suffixe  -lo. 

Les  noms  de  nombre  servent  à  former  les  noms  des  jours  et 
des  mois. 

Les  verbes  n'ont  qu'une  conjugaison,  qui  est  régulière.  Bien 
qu'ils  soient  facultativement  précédés  des  pronoms,  ils  varient 
suivant  la  personne.  Les  6  personnes  du  singulier  sont  caracté- 
risées respectivement  par  les  voyelles  :  0,  a,  ia,  i.  e.  ie.  et  les 
6  personnes  du  pluriel  par  les  mêmes  voyelles  suivies  de  -s. 

1.  Cependant,  on  trouve  parmi  les  adverbes  :  bene  =  bien,  et  esior  = 
très  bien. 

2.  Suivant  l'usage  illogique  de  ralletnand  (qui  énonce  les  mille,  les  cen- 
taines, puis  les  unités  et  eniln  les  dizaines). 


196  SECTION   II,    CHAPITRE   IX 

Les  temps  principaux  sont  caractérisés  par  diverses  consonnes 
qui  précèdent  la  désinence  personnelle;  savoir  : 
b  pour  l'indicatif       présent  ; 
d  —         imparfait; 

f  —         parfait; 

1  —         futur  ; 

k      —   le  subjonctif  présent; 
m  —         passé  ; 

n      —   le  conditionnel; 
t       —    l'impératif; 
s       —   l'infinitif  et  les  participes  : 
[  -se  désigne  l'infinitif  présent; 
<  -sa      —        le  participe  présent; 
(  -80      —  —  passé  (passif). 

Exemple  :  lem  =  amour;  lemse  =  aimer,  lemsA  =  aimant,  lemso  = 
aimé. 

Il  y  a  deux  auxiliaires  :  ase  =  avoir,  ese^  être.  Le  premier  sert 
à  former  les  temps  indirects  de  l'actif;  le  second,  tous  les  temps 
du  passif.  Ils  peuvent  perdre  leur  radical  (a,  e)  et  se  réduire  à 
leur  terminaison  qui  s'accole  au  participe  (avant  pour  avoir,  après 
pour  être).  Exemple  :  in  abo  lemso  ou  in  bolemso,  j'ai  aimé;  in  ebo 
lemso  ou  in  lemsobo,  je  sais  aimé.  Les  temps  indirects  du  passif 
emploient  les  deux  auxiliaires  :  j'ai  été  aimé  =  in  abo  eso  lemso. 
Le  verbe  e/re,  employé  comme  copule,  peut  aussi  se  réduire  à  un 
suffixe  :  belbe  =  elle  est  belle  ;  belfe  =  elle  fat  belle. 

Les  verbes  réfléchis  se  forment  en  ajoutant  simplement  un  -1  à 
toutes  les  formes  de  l'actif  :  lemsel  :=  s'aimer. 

Les  verbes    réciproques  ont  la   forme  réfléchie  suivie   de   uta 
(pi.  utas)  =  l'un  l'autre  {les  uns  les  autres). 
L'interrogation  se  marque  par  l'inversion  du  sujet. 
La  syntaxe  se  borne  à  quelques  conseils  généraux  d'ordre  et  de 
clarté,  attendu  que  ce  sont  les  grands  écrivains  qui  forment  le 
style. 

.  Pour  le  vocabulaire,  l'auteur  n'admet  pas  l'utilité  de  racines  inter- 
nationales pour  les  termes  usuels  ;  il  cite  un  exemple  (chemin)  où 
les  mots  équivalents  dans  les  principales  langues  sont  presque 
tous  différents;  il  constate  qu'aucun  de  ces  mots  ne  dit  rien  à  un 
étranger,  remarque  que  la  correspondance  des  mots  aux  idées 
est  absolument  arbitraire,  et  en  conclut  qu'il  n'y  a  pas  intérêt 
à  emprunter  les  radicaux  usuels  aux  langues  vivantes.  Aussi  le 


GUARDIOLA   :   ORBA  197 

choix  de  ces  radicaux  paralt-il,  en  fait,  presque  toujours  arbi- 
traire :  lan  =  chant;  ser  =  pensée;  bah  =^  misère  ;  bo  =  bon,  nat  = 
mauvais;  nim  =  grand  ;  kin  =:  riche,  meb  =:  pauvre;  kiel  =  rapide; 
yol  ^=  danse;  nix  =  trompeur  (F.  niche?):  xik  =joli  (F.  chici). 

En  revanche,  l'auteur  reconnaît  (par  une  heureuse  inconsé- 
quence) que  les  termes  scientifiques  et  techniques  sont  t  cosmo- 
polites »  (ex.  :  harmonie,  philosophie,  énergie,  organisme,  etc.)  et 
doivent  par  suite  être  admis  dans  sa  langue  avec  des  désinences 
appropriées. 

Il  indique  en  passant  certains  affixesde  dérivation,  par  exemple  : 

-el  (elka  au  féni.)  pour  désigner  l'acteur  :  lanel  :=  chanteur, 
lanelka  :=  chanteuse  ' . 

-loi  pour  former  les  diminutifs,  et  -iont  pour  former  les  aug- 
mentatifs, auxquels  on  ajoute  -oh  pour  leur  donner  un  sens 
péjoratif. 

-il  pour  indiquer  la  qualité  :  boil  =  bonté. 

-Ile  pour  former  l'adjectif  dérivé  d'un  substantif  :  seda  =  soie, 
sedile  =  soyeux. 

-ti  pour  former  l'adjectif  qui  indique  la  matière  :  aryenti  loxka 
:=  cuiller  d'argent. 

-ix  pour  former  l'adjectif  de  pays  :  frankix  ^=  français. 

-ay  pour  former  l'adjectif  de  ville  :  Parisay  =  parisien. 

-su  pour  former  l'adjectif  qui  signifie  plein  de  —  :  met  =  peur, 
meiavL  =  peureux*. 

-nu  pour  former  l'adjectif  qui  signifie  privé  de  —  :  val  =  courage, 
valnu  =  sans  courage,  lâche. 

En  somme,  VOrba  est  une  langue  aussi  artificielle  que  le  Volapûk; 
il  a  les  mêmes  défauts  essentiels.  Les  radicaux  sont  choisis 
aussi  arbitrairement  que  ses  flexions  grammaticales  (sauf  pour 
la  numération).  La  grammaire  est  inutilement  compliquée,  et  les 
formes  n'ont  rien  qui  rappelle  les  langues  européennes.  La 
langue  n'est  pas  pour  cela  plus  logique,  et  nous  avons  relevé  en 
passant  plusieurs  fortes  inconséquences.  C'est  un  projet  pure- 
ment fantaisiste,  et  qui  n'a  rien  de  pratique  ni  de  séduisant. 

1.  Suivant  cette  règle,  lemel  devrait  signifier  Vamant;  il  signifie  Vaimé. 

2.  Mais  lab  =  bord,  et  labsu  =  plein  Jusqu'au  bord. 


CHAPITRE  X 

W.  VON  ARNIM   :    VELTPARfJ 

Le  Veltparl  procède  du  Volapûk,  de  l'aveu  même  de  son  auteur, 
qui  déclare  emprunter  à  celui-ci  des  mots  et  des  formes  gram- 
maticales (comme  on  pourra  en  juger  bientôt)  pour  rendre  aux 
Volapfikistes  la  transition  plus  facile.  Comme  le  Volapûk,  il 
rejette  les  mots  dits  étrangers,  t  devenus  presque  internatio- 
naux »,  et  prétend  qu'on  ne  peut  pas  construire  avec  ces  mots 
une  langue  internationale  :  i°  parce  qu'ils  n'y  suffisent  pas; 
2<^  parce  qu'ils  sont  polysyllabiques;  3'^  parce  qu'ils  sont  pro- 
noncés et  même  compris  différemment  par  les  diverses  nations. 
L'auteur  déclare  s'être  inspiré  des  projets  et  des  critiques  de 
MM.  Beermann,  Lederer  et  von  Rvlski^.  11  prévoit  l'institution 
d'une  Académie  chargée  de  conserver,  de  développer  et  de  per- 
fectionner sa  langue,...  au  cas  où  elle  serait  adoptée. 

Grammaire. 

L'alphabet  se  compose  de  24  lettres,  6  voyelles  : 
a,  e  (é),  i,  o,  u  (ou),  y  (u  français) 
et  18  consonnes  : 

b,  c  (ich),  d,  f,  g  (toujours  dur),  h  (dj),  j  (J  allemand),  k,  1,  m,  n,  p, 
r,  s  (2),  s  (s  dur,  ss),  t,  v,  z  {ts).  Il  faut  y  ajouter  la  combinaison  de 
consonnes  sh,  qui  se  prononce  comme  ch  F.,  sh  E.  ou  sch  D  h 

1.  Entwurf  einer  internationalen  Verkehrs-Sprache,  genannt  «  Velt- 
parl »,  enthaltend  1"  die  Grammatik,  2°  einen  Teil  des  Verzeichnisses  der 
Wurzelwôrter  mit  den  wichtigsten  Ableitungen,  par  Wilhelm  von  Arnim, 
36  p.  in-8»  (Oppeln  [Silésie],  Maske,  1896). 

2.  Voir  Section  III,  chap.  xxii  et  xxiii. 

3.  L'auteur  édicté  touchant  la  quantité  (longueur  ou  brièveté)  des  syllabes 
Anales  des  règles  assez  compliquées,  qu'il  est  inutile  de  rapporter  ici. 


I 


W.    VON   ARNIM    :    VELTPARL  199 

L'accent,  dans  les  mots  polysyllabiques,  porte  sur  l'avanl-der- 
ni^re  syllabe. 

11  y  a  un  article  défini  el  et  un  article  indéfini  an. 

Les  substantifs  prennent  au  pluriel  -y.  Ils  ne  se  déclinent  pas; 
ce  sont  les  articles,  les  pronoms  et  les  noms  de  nombre  qui  se 
déclinent,  en  prenant  -a  au  génitif,  -e  au  datif  et  -i  à  laccusatif  ; 
ils  ont  la  môme  forme  au  pluriel  qu'au  singulier.  Exemple  : 

Sing.  Plur. 

N.  el  dog,    le  chien  el  dogy 

G.  ela  dog,  du  chien  ela  dogy 

I).  ele  dog,  au  chien  ele  dogy 

A.  eli  dog,  le  chien  eli  dogy 

L'adjectif  [nxec  lequel  l'auteur  confond  Vadverbe^)  est  caractérisé 
par  la  désinence  -o,  qui  sert  ù  former  les  adjectifs  et  adverbes 
dérivés.  Ex.  :  gret  =  grandeur,  greto  =  grand  et  grandement. 

Les  degrés  de  comparaison  se  forment  au  moyen  des  i)rérixes 
plur,  plir  ;  min,  mir  :  gleig  ^égalité)  :  minpresto  ka  =  moins  rapide  que. 

Les  nombres  cardinaux  sont  : 

zer,  0;  prim,  1;  tven,  2;  tril,  3;  kar,  4;  fiv,  :>;  seks,  0;  sev,  7; 
tam,  8;  nov,  9.  Les  dizaines  se  forment  en  ajoutant  -og  aux 
unités  :  primog,  10:  tvenog.  20:  trilog,  30...  Puis  viennent  :  zent, 
100;  mil,  1.000;  mion,  1  million.  Les  puissances  successives  du 
million  se  nomment  :  primion,  tvenion,  trilion... 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  nombres  cardinaux  au 
moyen  du  suffixe  -id  :  primid,  1";  tvenid,  2'^;  trilid,  3'=. 

Les  nombres  multiplicatifs  dérivent  des  mêmes  au  moyen  du 
suffixe  -ik  :  primik,  simple;  tvenik,  double;  trilik.  triple:...  On  leur 
ajoute  le  préfixe  dif  (différence)  pour  former  les  nombres  d'espèces  : 
diffivik,  de  cinq  espèces. 

Les  nombres  fractionnaires  se  forment  au  moyen  du  sufli.xe  -iv  : 
tril  kariv  =  trois  quarts. 

Les  nombres  de  fois  s'indiquent  i)ar  le  suffixe  -nal  :  novnal  =  neuf 
Jbis;  al  primid  nal  =  pour  la  première  fois. 

On  forme  les  adverbes  numéraux  en  ajoutant  -o  aux  adjectifs 
précédents  :  primido  :=  premièrement;  kariko  =  quadruplement ; 
difseviko,  de  sept  manières. 

I.  C'est  un  germanisme.  L'auteur  croit  que  l'adjectif  allril)ut  est  un 
adverbe,  parce  qu'il  est  invarial)le  en  allemand  ;  et  il  en  conclut  que  la 
distinction  de  l'adjectif  et  de  l'adverbe  est  un  idiotisme  national. 


200  SECTION   II,    CHAPITRE   X 

Les  pronoms  personnels  sont  : 

og  =je  ogy  =  nous 

ov  =  tu  ovy  =  vous 

om  =  il  (m.)  omy  =  ils  (m.) 

ol   =  elle  (f.)  oly  =  elles  (f.) 

od  :=  il  (n.)  ody  =  ils  (n.) 

auxquels  on  peut  ajouter  on  =  on  (pi.  ony  =  tout  le  monde),  self 
=  même  (pi.  selfy),  qui  sert  de  pronom  réfléchi. 

Les  substantifs  n'ont  pas  de  genre  par  eux-mêmes.  Quand  on 
veut  indiquer  leur  genre,  on  leur  ajoute  en  suffixes  les  pronoms 
-om  et  -ol.  Ex.  :  shvalom  =  étalon;  shvalol  ^=  jument. 

En  parlant  des  animaux,  on  emploie  toujours  le  pronom 
neutre  od. 

Les  pronoms  possessifs  dérivent  des  pronoms  personnels  au 
moyen  du  suffixe  -un. 

Les  principaux  pronoms  démonstratifs  sont  : 
at  =  celui-là. 
ir    =  celui-ci. 
id   =  celui  {qui). 
soj  =  tel. 
Les  pronoms  interrogatifs-relatifs  sont  : 

kel  =  qui?        kak  =  quelle  espèce  de? 
Les  principaux  pronoms  indéfinis  sont  : 

manj  =  maint  ;  mult  =  beaucoup  ;  nul  =  aucun  ;  val  =  tout 
(L.  omnis);  tôt  =  tout  entier  (L.  totus). 

Les  verbes  se  conjuguent  suivant  les  principes  du  Volapûk.  Les 
temps  sont  indiqués  par  les  préfixes  :  a-  (présent),  e-  (passé),  o- 
(futur)  1  ;  les  modes  par  les  suffixes  :  -al  (indicatif),  -aj  (subjonctif- 
conditionnel),  -af  (impératif),  -at  (optatif),  -ar  (infinitif),  -an  (par- 
ticipe), -and  (participe  de  nécessité  [gérondif]).  Le  passij  est 
indiqué  simplement  par  un  i  intercalé  entre  le  radical  et  la  dési- 
nence du  mode.  Exemple  : 

filar        =  aimer.  filiar        =  être  aimé. 

og  afilal  =faime.  og  afilial  :=je  suis  aimé. 

og  ofilal  z=zf  aimerai.  og  efilial  =j'ai  été  aimé. 

ov  filaf   ^=aime!  og  aliliaj  =  je  serais  atm^. 

filan        =:  aimant.  filian        ==  qui  est  aimé. 

filand      =  qui  doit  aimer,      filiand       =  qui  doit  être  aimé. 

i.  L'on  n'emploie  ces  préfixes  que  pour  marquer  un  temps  bien  déterminé. 


W.    VON   ARNIM    :    VELTPARL  201 

Les  verbes  réfléchis  prennent  pour  régime  le  pronom  self  à 
toutes  les  personnes  :  og  filai  selfi  =je  m'aime. 

Les  verbes  impersonnels  ne  prennent  aucun  pronom  :  apluval  = 
il  pleut. 

L'interrogation,  même  indirecte,  est  marquée  par  la  particule  li, 
à  moins  qu'il  n'y  ait  un  mot  interrogatif  dans  la  proposition. 

La  négation  est  marquée  par  la  particule  no.  Ces  deux  parti- 
cules se  placent  entre  le  sujet  et  le  verbe. 

On  remarquera  qu'il  n'y  a  pas  de  temps  secondaires.  La  relation 
du  temps  de  la  proposition  subordonnée  au  temps  de  la  propo- 
sition i)rincipale  est  suffisamment  marquée  par  la  conjonction 
qui  les  relie  {pendant  que,  avant  que,  après  que,  etc.).  Exemple  : 
og  oslipal,  na  ov  edesviagal  =  je  dormirai  quand  tu  seras  parti 
(litt.  :  après  que  ta  es  parti). 

Les  adverbes  dérivés  se  confondent,  on  l'a  vu,  avec  les  adjectifs. 
Les  principaux  adverbes  primitifs  sont  :  ci  =  ici;  da  =  /à;  ha  = 
déjà;  im  =  toujours;  ka  =  comme;  ra  =  très;  ur  =  seulement; 
fre  =  presque. 

Les  adverbes  de  temps  prennent  les  préfixes  verbaux  a,  e,  o  : 
adelo  =  aujourd'hui,  edelo  =  hier,  odelo  =  demain.  De  même  : 
osmeno  =  la  semaine  prochaine;  ejaro  =  l'an  passé. 

Les  prépositions  dérivent  des  autres  espèces  de  mots  au  moyen 
de  la  désinence  -u  :  danku  =  grâce  à  ;  favu  =  en  faveur  de  ;  manda 
=  par  l'ordre  de  ;  stimu  =  en  l'honneur  de. 

Les  principales  prépositions  ont  deux  formes,  une  longue  ter- 
minée en  -u  (2  syllabes,  4  ou  5  lettres),  et  une  courte  (1  syllabe, 
2  ou  3  lettres).  Nous  ne  citerons  que  celle-ci  :  en  =  sans,  fo  = 
avant,  in  =:  dans,  ko  =  avec,  ni  =  près,  su  =  sous,  up  =^  sur,  ut 
:=  hors  de. 

Les  principales  conjonctions  sont  :  et  =  et,  ud  ^  ou,  ab  =  mais, 
erg  =  donc,  uz  :=  aussi,  ib  =  car.  eh  =  que,  if  =  si,  bi  =  parce  que. 

Certaines  conjonctions  sont  composées  d'une  préposition 
suivie  de  eh  (que)  :  en-eh  =  sans  que.  fo-eh  =  avant  que,  etc. 

Les  interjections  dérivées  se  terminent  par  oe. 

Syntaxe.  Un  substantif  est  précédé  des  prépositions,  pronoms 
et  noms  de  nombre,  suivi  des  adjectifs,  participes  et  appositions. 

Un  verbe  est  précédé  dos  adverbes  monosyllabiques,  suivi  des 
adverbes  polysyllabiques  et  des  autres  compléments. 

L'ordre  normal  de  la  phrase  est  :  sujet,  verbe,  régime  direct, 
régime  indirect. 


202  SB.TION   II,    CHAPITRE   X 

La  proposition  auDordonnée  doit  suivre  en  général  la  propo- 
sition principale.  On  doit  éviter  d'emboîter  les  propositions 
les  unes  dans  les  autres,  et  d'employer  les  tournures  indirectes. 


Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  comprend  environ  3730  radicaux.  Les  radi- 
caux et  les  affixes  sont  tous  monosyllabiques;  les  radicaux  des 
noms  et  verbes  ont  la  forme  de  syllabe  fermée  (evc)  ;  les  radi- 
caux des  particules  et  les  affixes  ont  les  formes  vv,  vc  ou  vcc, 
cv  ou  cvv. 

Les  radicaux  sont  empruntés  :  !<>  aux  langues  des  principaux 
peuples  civilisés;  2°  aux  autres  langues  nationales;  3°  au  latin  et 
au  grec  ;  4°  au  Volapiik. 

Les  mots  dérivés  se  forment  au  moyen  de  46  suffixes  (de  la 
forme  vc  qui  correspondent  à  des  classes  d'idées;  i)ar  exemple: 

-ed   désigne  les  métiers; 

-eg        —       les  choses; 

-ep        —       les  plantes; 

-up       —       les  arbres  ; 

-or        —       les  fleurs  ; 

-uk     ■  —        les  fruits; 

-op       —       les  matériaux; 

-in        —        les  corps  chimiques; 

-ir         —        les  mammifères; 

-if         —       les  oiseaux; 

-ib         —       les  amphibies  et  reptiles; 

-ish       —        les  poissons; 

-iz         —        les  insectes; 

-it         —       les  maladies; 

-od        —       les  parties  du  corps  ; 

-on        —       les  pierres; 

-op        —        les  lieux; 

-im       —       les  temps; 

-ot         —       les  aliments  préparés; 

-oz        —        les  sciences,  etc. 
Ces  suffixes  caractéristiques  servent  à  former  même  les  noms 
non   dérivés  des    classes    correspondantes;    ils   sont    séparés 
alors  du  radical  par  une  apostrophe  :  cela  signifie   que   leur 


W.    VON   ARNIM    :    VELTPARL  203 

emploi  est  facultatif,  et  qu'ils  ne  passent  pas  dans  les  mots 
cl«^rivés  et  composés.  Ils  servent  aussi  à  préciser  le  sens  d'un 
radical  et  à  en  exprimer  les  diverses  nuances.  Ex.  :  slad  =  salade 
(en  général)  ;  sladep  =  salade  (comme  plante)  ;  sladot  =  salade 
comme  mets).  Suif  =  soufre  (vulgaire);  sulfin  =  soufre  (élément 
chimique). 

A  ces  suffixes  il  faut  ajouter  les  suffixes  -om  et  -ol,  caractéris- 
tiques du  genre;  et  les  suffixes  -ad,  -ak  et  -am,  qui  servent  à  former 
des  substantifs  verbaux  :  -am  indique  l'action  exprimée  par  le 
radical  verbal  :  benetar  =  bénir,  benetam  =  bénédiction;  -ak 
désigne  le  résultat  de  l'action  :  piktar  =  peindre,  piktak=  (une) 
peinture,  (un)  tableau;  -ad  signifie  la  causation  de  l'état  exi)rimé 
par  le  radical  :  gaud  =joie,  gaudad  =  action  de  causer  la  joie;  d'où 
les  verbes  :  gaudar  =  se  réjouir;  gaudadar,  réjouir  (act.). 

Le  suffixe  -io  (i  ])assif,  o  adjectif)  sert  à  dériver  des  verbes  les 
adjectifs  exprimant  la  possibilité  passive  de  l'action.  Ex.  :  sanad 
=  guérison,  sanadio  =  curable;  nontruvio  =  introuvable. 

Le  suffixe  -eo  forme  les  adjectifs  indiquant  la  matière  :  un  glob 
silveo  =  un  globe  d'argent  (silv), 

11  n'y  a  pas  de  préfixes  proprement  dits.  Mais  il  y  a  une  tren 
taine  de  radicaux  monosyllabiques  qui  en  tiennent  lieu,  et  appor- 
tent leur  sens  dans  les  mots  où  ils  entrent  en  composition.  Ex.  : 
des  (idée  de  séparation),  kon  (union),  mal  (mal),  non  (négation),  nin 
{intérieur),  nir  (proximité),  etc.  La  plujjart  de  ces  radicaux  servent 
aussi  à  former  des  prépositions.  Ex.  :  for  (devant),  neb(à  côté),  snb 
[sous),  trans  (au  delà)  '. 

Enfin  les  mots  composés  se  forment  par  simple  juxtaposition  des 
radicaux  :  jungshval  =pou/am.  Mais,  «  pour  éviter  des  formations 
monstrueuses  »,  il  est  préférable  de  mettre  le  radical  déterminant 
(complémentaire)  sous  forme  d'adjectif  (comme  en  polonais),  et 
de  dire  par  e.Kcmple  :  cem  nebo  au  lieu  de  nebcem  (c/in»i6re  à  côté). 

Nous  n'avons  pas  d'autre  écliantillon  du  ]eltparl  que  le  titre 
même  de  l'ouvrage  de  M.  von  Arnim  : 

Jekt  una  zovparl  bevnazo  namian  <  Veltparl  »,  ninan  1.  eli  greb; 
IL  uni  kvot  ela  liât  rizebo  ko  destvigamy  plirvijdo. 

1.  En  somme,  ces  prélLxos  conslituont  une  3*  forme  des  prépositions, 
celle  sous  Inquelle  elles  entrent  en  composition. 


204  SECTION  II,    CHAPITRE   X 


Critique. 


Le  Veltparl  est  un  Volapûk  plus  régulier  et  plus  logique;  mais 
il  a  les  mêmes  défauts  fondamentaux  :  l'abus  de  l'arbitraire  et  de 
Va  priori.  L'arbitraire  se  manifeste  déjà  dans  la  composition  de 
l'alphabet,  notamment  dans  le  son  assigné  aux  lettres  c,  h,  y  ; 
dans  la  déclinaison  (empruntée  au  Volapûk)  et  la  formation  du 
pluriel;  dans  la  conjugaison,  trop  synthétique;  dans  la  forma- 
tion des  noms  de  nombre,  dans  le  choix  des  pronoms,  des  parti- 
cules et  des  flexions.  Il  faut  toutefois  reconnaître  qu'il  sévit  un 
peu  moins  que  dans  le  Volapûk,  d'abord  parce  que  la  grammaire 
est  plus  simple,  ensuite  parce  que  le  Veltparl  a  une  tendance 
(partielle  et  intermittente)  à  emprunter  ses  formes  aux  langues 
naturelles,  par  exemple  la  plupart  des  noms  de  nombre,  et  les 
désinences  de  l'infinitif  (-ar),  du  participe  (-an)  et  du  gérondif 
(-and).  De  même,  le  Vei/paH  s'efforce  de  constituer  un  vocabulaire 
a  posteriori,  mais  il  n'y  réussit  pas  pour  deux  raisons,  dont  une 
seule  suffirait  :  1°  le  monosyllabisme  imposé  aux  racines;  2°  la 
méconnaissance  du  principe  de  l'internationalité.  C'est  ainsi  que 
ven  signifie  événement,  tandis  que  veine  se  dit  vein;  roue  se  traduit 
par  vil,  richesse  par  vils,  qui  rappellent  (de  loin)  les  mots  anglais 
ivheel  elwealth;  au  lieu  de  district  {D.  E.  F.)  on  dira  vier(D.  revier) 
qui  n'évoque  pour  un  Français  que  l'idée  de  rivière.  Villa  devient 
vial;    vision,  vios;  voisinage,  voas;  vanille,  vail;  histoire,  stior.    Le 
mot  français  avouer  devient  vaur.  Le  latin  vallis  donne  vais,  et  non 
val,  qui  conserve  le  sens  que  le  Volapûk  lui  avait  arbitrairement 
assigné;  de  même  vob  =  travail,  simplement  en  vertu  d'un  caprice 
de  Mgr  Schleyer.  On  emprunte  des  mots  au  hasard,  au  danois  : 
vejr  =  temps  qu'il  fait  (D.   wetter);    au    polonais:   vilk  =  loup 
CD.  wolj).  On  en  emprunte  même  aux  langues  non-aryennes  :  non 
seulement  des  mots  devenus  internationaux  comme  algèbre,  gong, 
islam,  pacha,  caravane,  et  même  à  la  rigueur  bakchich  (pourboire), 
mais  des  mots  magyars  comme   kert   (jardin)  et  tys  (feu),  des 
mots   hindoustani  comme    seb   (pomme),    chinois    comme    tael 
(D.  thaler),  japonais  comme  tok  (horloge),  annamites  comme  tam 
(huit).  De  telles  fantaisies  dénotent  une  indifférence  absolue  à 
l'égard  de  l'internationalité. 

De  même,  le  dédain  des  mots  internationaux  aboutit  (comme 


W.    VON   ARNIM    :    VELTPARL  205 

on  Volapiik)  h  traduire  los  tonnes  scicnlifiqnos  connus  par  les 
composés  «  autochtones  »  les  plus  bizarres;  exemple  :  vavshi- 
fram  =  calcul  des  fluxions*.  Pourquoi?  Parce  que  ray  ^  Jluclualion 
(E.  tuave  =  ondulalion) ;  shifr  =  chiffre,  et  -am  est  le  suffixe  «pii 
marque  l'action. Celui  (jui  voudrait  comprendre  ce  mot  par  sa  seule 
étymologie  (or  à  quoi  servirait  l'étymologie,  si  ce  n'est  à  révéler 
le  sens  des  mots?)  arriverait  à  cette  traduction  :  action  de  chiffrer 
des  ondulations.  Cela  est  apparemment  plus  clair  et  plus  sinq)le 
que  la  locution  internationale  :  Calcul  différentiel. 

Enfin  le  Veltparl  a,  autant  et  plus  que  le  Volapiik,  la  prétention, 
proi)re  aux  systèmes  a  priori,  de  distinguer  les  principales  classes 
d'idées  par  la  forme  des  mots,  par  des  suffixes  caractéristiques; 
et  si  sa  classification  logique  est  plus  complète  et  plus  systéma- 
tique, le  principe  n'en  est  pas  autre  ni  meilleur.  A  côté  de  suf- 
fixes de  dérivation  proprement  dits  (comme  -em  pour  les  noms 
collectifs,  -ilpourles  diminutifs),  on  trouve  des  suffixes  purement 
logiques,  comme  -us  pour  les  termes  musicaux,  -ev  pour  les  termes 
\)oétiques,  -eb  pour  les  termes  grammaticaux;  de  sorte  que,  par 
exemple,  les  noms  de  toutes  les  parties  du  discours  riment  en -eb: 
Kapeb.  ladeb,  numeb,  vizeb,  releb.  lazeb.  klameb  (excepté  verb  et 
adverb).  Bien  i)lus  :  il  y  a  un  suffixe  spécial  pour  les  bouquets  : 
-eup  (roseup  =  bouquet  de  roses)  et  un  autre  pour  les  mois  (-er).  Il 
ne  manque  plus  que  les  désinences  caractéristiques  des  cinq 
parties  du  monde  et  des  quatre  j)oints  cardinaux. 

Ce  système,  joint  au  monosyllabisme  des  radicaux,  oblige  à 
défigurer  la  plupart  des  mots  :  à  côté  de  vamp'ir  {vampire)  et  de 
vasl'in  {vaseline)  (pii  jiar  un  heureux  hasard  peuvent  garder  leur 
désinence,  on  trouve  vult'if  pour  vautour  e[  vandl'ep  pour  lavande. 

En  résumé,  le  Veltparl  est  un  Volapûk  perfectionné  à  certains 
égards,  et  aggravé  à  d'autres  :  il  est  plus  a  posteriori  par  cer- 
tains côtés,  mais  par  d'autres  il  est  plus  a  priori.  Comme  le 
Volapûk,  c'est  un  système  bAtard  :  ni  philosophique,  ni  interna- 
tional. 

1.  Calcul  des  variations,  on  calcul  différentiel,  ou  calcul  infinitésimal  in 
général  ? 


CHAPITRE   XI 


MARCHAND  :  DILPOK^ 

Valphabet  du  Dilpok  comprend  28  lettres,  notamment  les 
3  voyelles  infléchies  à,  ô,  û,  la  diphtongue  y  (et),  et  la  consonne  û 
(gn);  c  =  s,  ç  =  ch,  et  z  =:  th  anglais  doux. 

Il  n'y  a  pas  d'article  défini;  Varticle  indéfini  est  an,  invariable. 

Les  substantifs  forment  leur  pluriel  en  -s. 

Les  adjectifs  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -id. 

La  numération  est  la  partie  la  plus  originale  du  système.  Les 
9  premiers  nombres  sont  :  ja,  dà,  ze,  fi,  lu,  su,  pô,  to,  ny;  les 
dizaines  sont  :  jar,  dàr,  zer,...  les  centaines  :  jak,  dàk,  zek,...  et 
les  mille  :  jam,  dam,  zem...  Ainsi  :  1898  =  jamtok  nyro.  Cet 
exemple  montre  la  concision  de  ce  procédé  de  numération  2. 

Les  adjectifs  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  aux  cardinaux  -d 
ou  -id.  Les  adverbes  ordinaux  en  dérivent  par  l'adjonction  d'un  -e. 

Les  nombres  fractionnaires  se  forment  en  ajoutant  -t  aux  cardi- 
naux; ils  prennent  -s  au  pluriel.  Ex.  :  2/3  =  dâ  zets;  3/4  =ze  fits. 

Les  noms  des  jours  et  des  mois  sont  formés  au  moyen  des 
nombres. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif  : 


i"p. 

2«  p.          2*  p.  polie. 

3"  p.  m. 

3«  p.  f. 

3«  p.  n. 

Sing. 

mi 

ti            vi 

si 

ri 

it 

Plur. 

nis 

vis 

Us 

ris 

1.  Dilpok,  manuel  de  conversation  l'enfermant  sous  forme  de  phrases 
usuelles  les  radicaux  de  25.000  mots,  par  l'abbé  Marchand  (Besançon,  Jac- 
quin,  1898). 

2.  L'auteur  fait  remarquer  que  le  nombre  1898  prend  35  lettres  en  D.,  34 
en  E.,  29  en  F.,  21  en  Volapûk,  17  en  Espéranto,  et  10  en  Dilpok,  ...  d'où 
il  conclut  à  la  supériorité  de  celui-ci. 


MARCHAND    : 

DILPOK 

à  l'accusatif 

Sing. 

me 

te           ve 

se 

re 

Plur. 

nés 

ves 

les 

res 

et  au  datif  : 

Sing. 

mei 

tel          vei 

sei 

rei 

Plur. 

neis 

yeis 

leis 

reis 

207 
it 

eit 


Les  pronoms  possessifs  sont  : 

min         tin  vin  sin         rin         din 

Le  verbe  est  invariable  en  personne  et  en  nombre.  Voici  le 
paradigme  de  la  conjugaison  (verbe  avoir  =  avi)  : 

Indicatif  présent  :  ave(e  mi-muet). 

—  passé  :  ava. 

—  futur  :  avo. 
parfait  :                  avu. 

—  plus-(iuo-parfait  :  ava  aved. 

—  futur  antérieur  :    avo  aved. 
Subjonctif  présent  :      avie. 

—  passé  :  avia. 

Conditionnel  présent  :  avio. 

—  passé  :      aviu. 

Impératif  :  ave,  avem,  avet. 


Infinitif  présent  : 

avi. 

—      passé  : 

avai. 

—      futur  : 

avoi. 

Participe  présent  : 

avend. 

—        passé  : 

avand. 

—        futur  : 

avond. 

Gérondif  {en  ayant)  : 

avende 

Participe  passif: 

aved. 

Le  passif  se  forme  avec  l'auxiliaire  eri  (être)  et  le  participe 
passif  :  mi  ère  loved  =Je  suis  aimé. 

Le  verbe  (copule)  être  est  esi  :  mi  ese  glad  =Je  suis  content. 

L'auteur  ne  donne  aucune  indication  sur  la  méthode  par 
laquelle  il  a  construit  son  vocabulaire,  et  il  est  difficile  de  s'en 
faire  une  idée,  vu  la  forme  de  manuel  de  convei*sation  qu'il  a 
donnée  à  son  ouvrage.  Ce  manuel  renferme  environ  îiOO  radicaux, 
presque  tous  monosyllabiques,  qui  semblent  empruntés  surtout 
au  latin  et  à  l'anglais.  Ex.  :  Al  nam  of  Got  =  au  nom  de  Dieu. 

En  revanche,  l'auteur  donne  une  longue  liste  d'affixes  de  déri- 
vation. Nous  n'en  citerons  que  quelques-uns  : 


208  SECTION   II,    CHAPITRE   XI 

Le  suffixe  -in  indique  la  femme  de  — . 

—  -e  (accompagné  d'une  inflexion  du  radical)  indique  le 

—  féminin  :  sar  =  monsieur,  sàre  =  madame  ;  bul  rz=  taureau, 

—  bùle  =  vache. 

—  -an  indique  l'origine,  l'appartenance  :  urban,  ruran. 

—  -ar        —       le  métier. 

—  -el         —       rinstrunient '. 

—  -er        —       l'agent  :  paner  ^  boulanger. 

—  -ery      —       le  métier  :  panery  =  boulangerie. 

—  -et  et  -il  forment  les  diminutifs. 

—  -ard  forme  les  adjectifs  péjoratifs. 

—  -ul  indique  un  lieu  clos,  un   étui  :   monetul  :=  porte- 

—  monnaie. 

—  -ili  forme  les  verbes  fréquentatifs  :  mordili  =:  mordiller. 

—  -iri    —     lesverbessignifiantdeuenir(pd/ir,5frandtr,etc.). 

—  -uri    —     les  verbes  signifiant  un  besoin  :  edi=:  mangier, 

eduri  =  avoir  faim  (L.  esurire). 

—  -ivi    —     les  verbes  signifiant  faire  —  :  activi  =^  faire 

agir. 
Le  préfixe  en-    —    les  verbes  inchoatifs  :  enslipi  =  s'endormir. 

—  re-  ou  red-  indique  la  répétition  ou  le  retour; 

—  ro-  signifie  en  arrière  (L.  rétro). 

—  mes-,   mis-   sont  des   péjoratifs  de  nuance  diverse   . 

mesuti  =  mésuser;  misuti  =  abuser. 

—  ne-  est  négatif*. 

Citons  encore  les  préfixes  ad-,  bi-,  co-,  de-,  dis-,  e-,  in-,  ob-,  per-, 
por-,  pro-,  sur-,  tra-,  qui  ont  le  même  sens  que  dans  les  langues 
romanes.  Ex.  :  bifut  =  bipède. 

Dans  les  mots  composés,  le  radical  déterminant  précède  le 
déterminé. 

La  nomenclature  chimique  est  une  ingénieuse  application  de  la 
numération  :  le  nom  de  chaque  corps  simple  indique  son  poids 
atomique,  grâce  à  la  valeur  numérique  assignée  aux  voyelles. 

En  jésumé,  le  Dilpok  est  un  Volapûk  simplifié  et  perfectionné. 
Les  flexions  grammaticales  et  les  affixes  de  dérivation  se  rap- 

1.  Seulement,  si  arel  =  charrue  (instrument  à  labourer),  vapel  ne  peut 
signifier  machine  à  vapeur,  mais  ...  vaporisateur. 

2.  L'auteur  admet  des  formations  irrégulières  :  voit  =  vouloir,  noli  =  ne 
pas  vouloir;  keni  :=  connaître,  neni  =  ne  pas  connaître;  cali  =  savoir 
(un  art),  nali  =  ne  pas  savoir. 


MARCHAND    :    DILPOK  209 

prochent  des  langues  naturelles;  mais  le  vocabulaire  est  aussi 
arbitraire,  et  manifeste  la  mc^mc  tendance  au  monosyllabisme. 
L'ali)hab('t  est  trop  com[>li<iué  et  trop  peu  international  {th 
anglais!).  C'est  un  projet  ingénieux  et  à  prétentions  scientifiques 
(numération  et  nomenclature  chimique),  mais  par  h\  même  fort 
peu  pratique. 


CouTURAT  ot  Leau.  —  Langue  univ. 


14 


CHAPITRE  XII 

BOLLACK  :  LA   LANGUE  BLEUE^ 

La  Langue  bleue ^  ou  Bolak  est  l'œuvre  de  M.  Léon  Bollack, 
commerçant,  de  Paris.  Elle  est  destinée  surtout  aux  relations 
commerciales  et  usuelles.  Elle  décline  toute  prétention  littéraire, 
et  vise  à  être  un  moyen  de  communication  facile,  simple  et  pra- 
tique'. Elle  s'adresse  uniquement  aux  peuples  de  civilisation 
européenne,  et  surtout  aux  peuples  germaniques  et  latins.  Les 
qualités  que  l'auteur  a  cherché  à  lui  donner  sont  :  la  concision, 
la  précision,  la  clarté  et  la  rigidité,  d'où  doit  résulter  la  facilité 
d'acquisition  de  cette  langue.  Pour  y  parvenir,  il  a  posé  quatre 
règles-bases  résumées  dans  la  Loi  des  huit  1  : 

1  lettre,  1  son  :  d'où  concision. 

1  mot,  1  sens  :  d'où  précision. 

1  classe  (de  mots),  1  aspect  :  d'où  clarté. 

1  phrase,  1  construction  :  d'où  rigidité. 

C'est  sur  ces  quatre  règles  que  reposent  la  grammaire  et  le 
vocabulaire  de   la  Langue  bleue:  le   vocabulaire   est    d'ailleurs 

1.  Lib.  1  :  La  Langue  bleue  (Bolak),  Langue  internationale  pratique,  480  p. 
(1899).  —  Lib.  2  :  Grammaire  abrégée  de  la  Langue  bleue,  64  p.  (1899).  — 
Lib.  4  :  Méthode  et  Vocabulaire  de  la  Langue  bleue,  304  p.  (1900).  —  Lib.  7  : 
Résumé  théorique  de  la  Langue  bleue,  124  p.  (1899).  —  Lib.  3  :  Premier  voca- 
bulaire de  la  Langue  bleue,  90  p.  (1902).  —  Lib.  8  :  Textes  français  traduits 
dans  la  Langue  bleue,  90  p.  (1902).  Tous  ces  ouvrages  se  trouvent  cbez 
l'auteur  (147,  avenue  Malakofî,  Paris,  10').  Le  lib.  2  est  aussi  publié  en 
allemand,  en  anglais,  en  italien  et  en  espagnol.  Un  manuel  de  Langue 
bleue  a  été  publié  en  tchèque  par  M.  Gustav  Pergl,  de  Pilsen  :  Modra  rec, 
28  p.  (1902). 

2.  La  Langue  bleue  est  ainsi  nommée  de  la  couleur  du  ciel,  «  sur  l'azur 
duquel  il  n'est  pas  de  frontières  »,  symbole  de  l'unité  et  de  la  fraternité  des 
hommes,  que  la  L.  I.  doit  réaliser  ou  promouvoir;  sa  devise  est  :  «  dovem 
pro  tle  »,  la  deuxième  pour  tous. 

3.  «  La  Langue  bleue  est  un  idiome  terre  à  terre.  »  (Lib.  1,  p.  il.) 


BOLLACK    :    LA  LANGUE  BLEUE  211 

entièrement  subordonné  à  la  grammaire,  et  celle-ci  à  une  théorie 
du  langage. 

Grammaire. 

L'alphabet  ne  comprend  que  19  lettres,  ii  voyelles  :  a.  e,  i,  o,  u 
{ou):  et  14  consonnes  :  b,  q  {tch  R.'),  d,  f,  g  (toujours  dur),  k,  1, 
m,  n,  p,  r.  s  (toujours  dur),  t.  v.  11  n'y  a  pas  de  diphtongues  : 
deux  voyelles  consécutives  se  prononcent  séparément.  11  n'y  a 
aucun  signe  orthographique  (accents,  cédille,  apostrophe,  trait 
d'union). 

11  n'y  a  pas  d'accent  tonique  :  toutes  les  syllabes  doivent  être 
émises  avec  une  égale  intensité,  «  martelées  ».  Une  petite  pause 
marquera  la  séparation  des  mots;  une  plus  grande,  celle  des 
phrases. 

La  classification  des  parties  du  discours  repose  sur  une  théorie 
du  langage  qui  est  propre  à  l'auteur,  et  qu'il  expose  sous  la  forme 
d'un  apologue  :  le  réveil  d'Adam.  Dépouillée  de  toute  parure 
mythique,  cette  théorie  se  réduit  aux  propositions  suivantes  : 

Il  y  a  lieu  de  distinguer  deux  catégories  d'idées,  les  idées  vagues 
(idées  subjectives  et  de  relation)  et  les  idées  précises  (idées  objec- 
tives, complètes  et  significatives  par  elles-mêmes).  Conformé- 
ment à  l'usage  général  des  langues  européennes,  les  premières 
seront  représentées  par  des  Motules  (mots  courts),  les  secondes 
par  des  Granmots  (mots  longs). 

Chacune  de  ces  deux  catégories  comprend  quatre  classes  de 
mots,  qui  sont,  par  ordre  de  précision  et  d'objectivité  croissante  : 

i"  Les  Interjections,  simi)le  expression  des  sentiments: 

2"  Les  Mots-cadres,  qui  expriment  les  modalités  de  la  pensée  : 
affirmation,  négation,  interrogation,  et  les  idées  générales  de 
relation  :  ressemblance,  contrariété,  supériorité,  etc.  ; 

3"  Les  Connectifs,  qui  expriment  la  connexion  entre  les  idées  et 
les  jugements  (prépositions  et  conjonctions): 

4"  Les  Désignatifs.  qui  indi<pient  déjà  des  objets,  mais  par  leur 
relation  à  la  personne  qui  parle  (pronoms  et  adjectifs  relatifs, 
interrogatifs,  exclamatifs,  indéfinis,  démonstratifs,  possessifs, 
personnels).  Les  pronoms  pei*sonnels  forment  la  transition  logi- 
([ue  des  idées  vagues  aux  idées  précises,  des  Motules  aux  Granmots; 

1 .  Prononciation  :  dch,  dj,  ou  simplement  ch. 


212  SECTION   II,    CHAPITRE   XII 

5°  Les  Noms  et  Nombres,  représentant  des  idées  objectives  et 
précises,  soit  de  classes  d'objets,  soit  de  multitude; 
G"  Les  Verbes,  qui  expriment  l'action  des  objets; 
7°  Les  Attributifs,  qui  expriment  les  qualités  des  objets  (adjectifs 
qualificatifs,  participes); 

8°  Les  Modificalifs,  qui  expriment  la  manière  d'être  des  ol)jets 
(adverbes  qualificatifs,  gérondifs). 

En  vertu  de  la  3"  règle-base,  chacune  de  ces  classes  de  mots 
se  distinguera  par  son  aspect  (à  l'œil  et  à  l'oreille),  c'est-à-dire 
par  sa  longueur  et  par  sa  forme.  Et  d'abord,  les  Motules  ont 
3  lettres  au  plus,  et  s'ils  ont  3  lettres,  ils  sont  terminés  par  une 
voyelle:  les  Granmots  ont  3  lettres  au  moins,  et  s'ils  ont  3  lettres, 
ils  sont  terminés  par  une  consonne. 

Les  Interjections  se  composent  d'une  seule  voyelle,  simple  ou 
répétée. 

Les  Mots-cadres  sont  formés,  soit  de  2  voyelles  dissemblables 
(  vv),  soit  de  2  ou  3  lettres  dont  la  dernière,  seule  voyelle,  est  u 
(eu,  ccu). 
Les  Connectifs  sont  caractérisés  par  la  présence  des  voyelles  i  et  o. 
Les  Désignatifs,  par  la  présence  des  voyelles  a  et  e. 
Les  Noms  et  Nombres  (en  général  d'une  syllabe,  rarement  de 
deux)   commencent   et  finissent    par  une   consonne,   la    finale 
n'étant  ni  d  ni  q  (cvc,  ccvc,  cvcc,  ecvcc).  Les  noms  servent  de 
radicaux  aux  mots  des  classes  suivantes. 

Les  Verbes  sont  formés  par  l'adjonction  d'une  voyelle  (a,  e,  i,  o) 
à  un  radical  (nom).  Ils  ont  donc  deux  syllabes  (4  lettres)  au  moins, 
et  se  terminent  par  une  voyelle. 

Les  Attributifs  sont  formés  par  l'adjonction  de  -d  à  une  forme 
verbale.  Ils  ont  donc  deux  syllabes  (5  lettres)  au  moins,  et  se  ter- 
minent par  un  -d. 

Les  Modificatifs  sont  formés  par  l'adjonction  de  q  à  une  forme 
verbale.  Ils  ont  donc  deux  syllabes  (o  lettres)  au  moins,  et  se  ter- 
minent par  un  q*. 

De  ces  règles  de  structure  dérivent  des  règles  permettant  de 
reconnaître  à  première  vue  (ou  à  première  audition)  la  classe  de 
chaque  mot. 
Elles  ont  pour  conséquence  nécessaire  ce  principe,  que  les 


1.  On  remarquera  que  les  Motules  sont  distingués  par  la  sonorité,  et  les 
Granmots  par  la  terminaison. 


nOLLACK  :  LA  LANGUE  BLEUE  213 

classes  do  mots  sont  «  inconiniulablcs  »  :  un  mot  de  l'une  ne  peut 
jamais  remplacer  un  mot  dune  autre. 

Les  aspects  définis  ci-dessus  sont  ceux  des  mots  «  à  l'état 
naturel  »:  nous  allons  voir  ce  qu'ils  deviennent  t  à  l'élat  loiiuel  », 
c'est-à-dire  par  suite  des  diverses  variations  grammaticales 
(flexions).  Mais  auparavant,  il  faut  savoir  que  M.  Bollack  a  eu 
l'idée  '  de  réserver  une  lettre,  la  voyelle  u,  comme  outil  gramma- 
tical, et  par  suite  de  lexclure  de  la  formation  des  radicaux^.  Les 
quatre  autres  voyelles  servent  aussi  aux  flexions,  mais  sans  être 
exclues  des  radicaux. 

L'article  indéfini  est  an  (E.),  pluriel  :  ane.  Il  n'y  a  pas  d'article 
défini;  il  est  remplacé  par  les  pronoms  démonstratifs,  ou  par  le 
mot-cadre  lu,  quand  il  s'agit  d'une  désignation  précise. 

L'ai'ticle  se  décline,  et  ses  cas  indirects  ont  à  la  fois  le  sens 
défini  et  le  sens  indéfini  : 


Sing. 

Plur. 

Génitif  : 

ad,  du.  d'un; 

ade,  des,  de. 

Datif  : 

■    ail,  au,  à  un; 

aie,  aux,  à  des. 

L'accusatif  ne  se  distingue  pas  du  nominatif. 

Les  substantifs  ne  se  déclinent  pas.  Leurs  cas  sont  marqués  par 
l'article  qui  les  précède.  Ex.  :  feg  ad  reks.  la  fille  du  {(run)  roi:  et 
givo  al  pobr,  donne  au  (à  un)  pauvre. 

Le  pluriel  est  marqué  par  la  finale  -u  :  fegu  ade  reksu.  les  filles 
(tes  (de)  rois. 

Le  genre  tles  substantifs  est  naturel,  l.o  féminin  se  forme  en 
préfixant  u-  :  kvaL  cheval,  nkval,  jument;  bov,  bœuf  ubov.  vache: 
au  pluriel  :  ubovu,  vaches. 

Toutefois,  il  y  a  une  trentaine  de  noms  quiontdes  formes  dis- 
tinctes pour  les  deux  genres  : 

per,  père,  mer,  mère. 

les,  fils,  feg,  fille. 

TBT.  frère,  sar.  sœur. 

sir,  sor,  monsieur,  mam,  dam,  madame  =>. 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  (forme  cvc)  :  nol.  0  ;  ven,  1  : 

1.  Idéo  moins  originale  ([uo  no  le  croit  rniitour,  car  oUo  so  trouve  déjà 
dans  d'autres  projets,  notanunenl  dans  la  langue  de  Letellier,  qui  réser- 
vait toute  une  série  de  lettres  grammaticales. 

2.  Excepté  de  4")  mots-cadres,  où  elle  est  la  finale  (ou.  ccu). 

3.  Voir  Lib.  2,  p.  45.  Voir  aux  mots  dérivés  le  féminin  de  silualion. 


214  SECTION   II,    CHAPITRE   XII 

dov,  2  ;  ter.  .*i;  far,  4;  kel,  o;  gab,  0;  qep,  7:  lok,  8;  nif,  0;  dis,  10; 
diven,  11  ;  didov,  12;....  dovis,  20;  teris,  30:  nifis,  90;  (ven)  son,  100; 
dovson,  200;...  mel,  1.000;  mlon,  un  million;  mlar,  un  milliard  (mille 
millions). 

Les  nombres  cardinaux  prennent  le  signe  du  pluriel  (-u)  : 
1»  quand  ils  sont  pris  comme  substantifs;  2«  pour  indiquer 
l'heure  :  teru  dis,  3  heures  10. 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  cardinaux  au  moyen  du 
suffixe  -em  :  dovem,  deuxième. 

Leur  pluriel  se  forme  en  -u  ;  venemu,  les  premiers. 

Les  nombres  multiplicatifs  se  forment  de  môme  au  moyen  du 
suffixe  -ip  :  terip,  triple. 

Les  nombres  fractionnaires  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -om  : 
farom,  [le)  quart. 

Les  nombres  de  fois,  au  moyen  du  suffixe  -oit  :  nifolt,  neuf  fois. 

Les  nombres  d'espèces,  au  moyen  du  suffixe  -erl  :  qeperl,  de  sept 
sortes. 

Les  nombres  substantifs  (collectifs)  au  moyen  du  suffixe  -am  : 
lokam,  huitaine. 

Les  pronoms  personnels  sont  au  nombre  de  12  (6  personnes  dis- 
tinctes), caractérisés  par  autant  de  consonnes. différentes  : 

1"  pers.        2*  pers.  2'  pers.        3*  pcrs.         3"  pers.        3'  pors. 

familière    respectueuse      inasc.  fém.  neutre 

Sing.        me  te  ve  se  le  qe 

Plur.        ne  pe  ge  be  fe  de 

Tel  est  du  moins  leur  nominatif,  car  ils  se  déclinent.  Ils 
deviennent  à  Vaccusatif  : 

ma,  ta,  va,  sa,  la,  

au  datif  : 

ama,  ata,  ava,  asa, 

au  génitif-ablatif  : 

ema,  eta,  eva,  esa, 

au  vocatif  : 

em,  et,  ev,  es, 

Les  pronoms  emphatiques  (moi-même,  etc.)  sont  :  eme,  ete,  eve, 
ese,....  Ils  se  déclinent  au  moyen  des  particules  ad  et  al. 
Les  pronoms  possessifs  correspondants  sont,  au  singulier  : 

mea,  tea,  vea,  sea,  lea, 

et  au  pluriel  : 

mae,  tae,  vae,  sae,  lae, 


BOLLACK  :  LA  LANGUE  BLEUE  215 

Les  pronoms  relatifs  sont  caractérisés  par  la  consonne  r  :  ra 
sing.  :  re  pliir. 

Les  pronoms  mlerrofjalijs-exclamalifs  sont  caractérisés  par  la 
consonne  k  :  ka  sing.  ;  ke  plur. 

Les  uns  <it  les  autres  se  déclinent  comme  les  pronoms  person- 
nels (excepté  que  l'accusatif  est  semblable  au  nominatif). 

Les  pronoms  démonslralifs  sont  :  aq,  ce,  celui;  ag,  celui-ci,  at,  celui- 
là;  nu  pluriel  :  aqe,  âge,  afe. 

Comme  les  précédents,  ils  ne  varient  pas  en  genre.  Ils  se  décli- 
nent au  moyen  des  particules  ad  et  al  (au  sing.),  ade,  aie  (au  plur.). 

Pour  une  désignation  précise  (d'un  objet  individuel),  on 
emploie  le  mot-cadre  lu  :  qo  lu  man,  voilà  l'homme  (en  question). 

Les  principaux proAio/ns  indéfinis  ( formes  vc  ou <*cv)  sont  :  ab,  tel; 
am,  /<•  màne;  ap,  quelconque;  as.  certain;  at,  tout;  av,  autre;  sta,  on; 
spa.  chaque,  chacun;  ske, plusieurs;  kla,  quelqu'un;  mra,  personne;  tle, 
tous:  pna,  rien.  Les  premiers  forment  leur  pluriel  en  ajoutant  un 
-e;  les  seconds,  en  changeant  -a  en  -e. 

11  y  a  deux  désignatifs  généraux  ou  indéterminés  :  ea  sing.  ; 
ae,  plur. 

Les  verbes  sont  invariables  en  personne  :  la  personne  est  indi- 
quée par  le  nom  ou  le  pronom  sujet  qui  précède. 

Ils  ont  quatre  temps  :  l'éternel,  \e  présent,  \o  passé  et  \o  futur,  carac- 
térisés respectivement  par  les  quatre  voyelles  i,  o,  e,  a,  qui,  ajou- 
tées au  radical  verbal  (nom),  forment  les  infinitifs  correspondants. 
Ex.  :  lov  {amour)  engendre  les  quatre  infinitifs  du  verbe  aimer  : 

lovi,  aimer  (toujours). 
lovo,  aimer  (présentement), 
love,  avoir  aimé. 
lova,  devoir  aimer. 

De  l'infinitif  dérivent  les  autres  modes,  sans  altération  de  la 
forme  verbale  : 

L'indicatif  est  l'infinitif  précédé  d'un  pronom  personnel  au 
nominatif  (^ou  du  nom  sujet). 

L'exclamatif  (comprenant  Vimpératif)  est  Vinfinitif  précédé  d'un 
pronom  personnel  au  vocatif  :  et  lovo,  aime! 

Le  subjonctif  es\  l'indicatif  précédé  du  mot-cadre  de  subordi- 
nation (conjonction)  ku. 

Il  n'y  a  pas  de  condilionnel  ;  il  est  remplacé  par  l'indicatif  pré- 
sent ou  futur. 


216  SECTION   II,    CHAPITRE   XII 

Les  quatre  temps  principaux  donnent  naissance  à  des  temps 
secondaires  (antérieurs)  au  moyen  du  préfixe  u-  :  cela  donne  au 
total  8  temps,  qui  sont,  pour  l'indicatif  : 

Éternel  :  me  lovi,    faime  (toujours). 

Imparfait  :  me  ulovi,  j'aimais. 

Présent  :  me  lovo,   j'aime  (à  présent). 

Parfait  :  me  ulovo,  j'ai  aimé. 

Passé  défini  :        me  love,    j'aimai. 
Plus-que-parfait:  me  ulove,  j'avais  aimé. 
Futur  :  me  lova,    j'aimerai. 

Futur  antérieur  :  me  ulova.  j'aurai  aimé. 

La  voix  passive  dérive  de  la  voix  active  par  l'intercalation  de  la 
voyelle-outil  u  entre  le  radical  verbal  et  la  voyelle  finale  :/ 

me  lovui,  je  suis  aimé  (toujours).  ■ 

me  lovuo,  je  suis  aimé  (à  présent). 

La  voix  réjléchie  se  forme  au  moyen  du  mot-cadre  su  (pronom 
réfléchi  de  toutes  personnes)  placé  entre  le  sujet  (pronom)  et  le 
verbe  :  me  su  lovo,  je  m'aime  ;  te  su  lovo,  tu  t'aimes,  etc. 

V interrogation  est  marquée  par  le  mot-cadre  du  (E.  do)  placé 
devant  le  verbe  (sans  changer  l'ordre  invariable  des  mots)  :  te 
du  lovo?  aimes-tu? 

La  négation  est  marquée  par  le  mot-cadre  nu  placé  devant  le 
verbe  :  te  nu  lovo,  tu  n'aimes  pas. 

Ce  mot  se  combine  avec  les  particules  ku,  su,  du  pour  former 
les  particules  knu,  snu,  tnu.  Ex.  : 

knu  te  lovo,  que  tu  n'aimes  pas. 

me  snu  lovo,       je  ne  m'aime  pas. 

te  tnu  lovo?  n'aimes- tu  pas? 

me  du  snu  lovo  ?  est-ce  que  je  ne  m'aime  pas  ? 

Les  verbes  impersonnels  se  forment  avec  le  pronom  de  la  3®  pers. 
sing.  neutre  :  qeplovo,  il  pleut;  qe  belto,  il  fait  beau;  qe  malto,  il  fait 
laid. 

11  convient  de  rattacher  à  la  conjugaison  8  mots-cadres  qui  ser- 
vent d'auxiliaires  et  expriment  les  idées  de  modalité  suivantes  : 

oa         commencer  de. 
eo         finir  de. 
ia  vouloir. 


BOLLACK 

:    LA    LANGUE   BLEUE 

ai 

désirer,  aimer  (à). 

oe 

devoir. 

ei 

pouvoir. 

le 

fréquemment. 

ao 

rarement. 

217 


Les  Attributifs  comprennent  les  adjectifs  qualificatifs  et  les  par- 
ticipes. Les  premiers  ont  tous  la  terminaison  caractéristique  -éd. 
Ex.  :  boned  =  bon  (bon  signifiant  bonté);yiked  =  méchant. 

Les  seconds  ont  les  terminaisons  ad,  ed,  id,  od,  qui  signifient 
respectivement  : 
-id,  le  participe  éternel  actif, 
-od,  le  participe  présent  actif. 
-ed,  le  participe  présent  passif, 
-ad,  le  participe  futur  passif  (avec  idée  de  possibilité  ou  de  dignité). 

Ex.  :  lovod,  aimant  (à  présent);  lovid,  aimant  (habituellement  : 
un  enfant  aimant)  ;  loved,  aimé  ;  lovad,  aimable. 

Les  Attributifs  ne  subissent  pas  d'autre  variation  que  les  degrés 
de  comparaison  (voir  plus  bas). 

Les  Modificatifs  ne  diffèrent  des  Attributifs  que  i)ar  le  change- 
ment du  -d  en  -q.  Ceux  qui  dérivent  des  adjectifs  ont  le  sens 
d'adverbes  de  qualité  ou  de  manière  .boneq,  avec  bonté.  Ceux  qui 
dérivent  dos  participes  ont  le  sens  du  gérondif  :  loviq,  lovoq,  en 
aimant;  loveq,  avec  amour;  lovaq,  aimablement. 

Quelques  Modificatifs  dérivent  directement  d'un  substantif. 
Ex.  :  releq.  par  chemin  de  fer  {do  rel). 

Enfui  certains  Modificatifs  ne  sont  pas  dérivés  :  ce  sont  les 
adverbes  primitifs  ou  simples  (monosyllabes  de  4  lettres  au 
plus),  comme  '  :  geq  (D.  gestern),  hier;  daq  (E.  day),  aujourd'hui; 
morq  (D.  morgen),  demain;  toq,  tôt;  tarq,  tard;  steq  (D.  stets),  tou- 
jours: moq,  surtout;  maq,  beaucoup  (E.  much);  pliq,  p/us;  leq,  moins 
(E.  less).  Oui  se  dit  si;  non,  no. 

Les  degrés  de  comparaison  des  Attributifs  et  des  Modificatifs  se 
forment  par  la  Règle  de  la  Marguerite,  qui  consiste  à  employer  les 
voyelles  a,  e,  i,  o,  comme  préfixes  indiquant  le  degré.  Ex.  : 
aloved  =  le  moins  aimé. 
oloved  =  moins  aimé. 
eloved  =  plus  aimé. 
iloved  =:  le  plus  aimé. 

1.  Lib.  I,  p.  449-452.  Lib.  4,  p.  190-1. 


218  SECTION   II,    CHAPITRE    XII 

La  voyelle  u  s'emploie  de  la  même  manière  pour  indiquer 
régalité  :  uloved  =  aussi  aimé. 

La  «  margueritation  »  s'applique  aussi,  facultativement,  aux 
substantifs  et  aux  verbes  (exprimant  une  idée  abstraite).  Elle  a 
alors  un  sens  un  peu  différent.  Ex.  : 

alov  =  indifférence  {manque  d'amour), 
olov  ^penchant  (un  peu  —      ). 

elov  =  passion  (beaucoup  —      ). 

ilov  =  idolâtrie  (excès  —      )  ' . 

Ces  voyelles  servent  aussi  comme  interjections  pour  exprimer 
respectivement  : 

a  l'indifférence,  le  découragement. 
0  le  doute,  l'avertissement. 
e  l'exubérance,  l'approbation, 
i  le  paroxysme,  la  joie. 
u  le  consentement. 
Répétées,  ces  5  voyelles  ont  encore  un  autre  sens  comme  inter- 
jections *. 

Les  prépositions  ont  la  forme  des  connectifs  :  elles  gouvernent 
toujours  le   nominatif.  Chacune  d'elles  a   un  sens  unique  et 
précis,  de  sorte  que  plusieurs  correspondent  à  la  même  préposi- 
tion française  (ou  nationale).  Ex.  : 
di    =  de  (composition)  :  vaks  di  lor,  montre  d'or. 
of    =  de  (provenance  morale)  :  meg  of  verkor,  hommage  de  l'auteur. 
om  =:  de  (provenance  physique)  :  venki  om  sit,  venir  de  la  ville. 
in   =  à  (dans)  :  stiri  in  Paris,  être  à  Paris. 
to    =  à  (vers)  :  govi  to  sit,  aller  à  la  ville. 
id    =  à  (fixation)  :  id  ventag,  à  lundi. 

Dans  les  cas  de  doute  ou  d'embarras,  on  peut  employer  la 
préposition  générale  (mot-cadre)  io. 

Les  prépositions  de  lieu  (forme  vc)  prennent  respectivement 
un  -i  ou  un  -o  final  pour  marquer  Véloignement  ou  la  direction 
vers.  Ex.  : 

ib  =  sur,       ibi  =  de  dessus,  ibo  =  dessus  (avec  mouvement  vers). 
ot  =  dehors,  oti  =  de  dehors,  oto  =  au  dehors  (sortir). 
ol  =  auprès,  oli  =  d'auprès,    olo  =  (aller)  auprès. 

1.  Lorsqu'un  degré  de  comparaison  s'applique  à  un  mot  déjà  «  margue- 
rite »,  on  est  obligé  d'employer  un  adverbe.  Ex.  :  pliq  iloved,  plus  ido- 
lâtré (Lib.  7,  p.  28,  note  4). 

2.  Lib.  1,  p.  32.3. 


BOLLACK   :    LA   LANGUE  BLEUE  219 

Ij's  prrpositions  s'onipIoÙMit  «'gaiement  comme  adverbes  :  ib 
signifie  sur  et  dessus;  in,  dans  et  dedans,  etc. 

Les  mots  si  =  oui  et  no  =  non  (ordinairement  classés  comme 
adverbes)  ont  la  forme  des  connectifs. 

Les  conjonctions  sont  t'galement  des  connectifs,  et  donnent 
lieu  aux  m(^mes  remarques  que  les  prépositions.  Les  principales 
sont  :  it,  et;  or,  ou;  ni,  ni;  if,  si;  bo,  mais;  gi,  donc;  ko,  que;  ob, 
car;  qo,  parce  que;  po,  pour  que;  so,  de  même  que;  fi,  quoique;  fo, 
lorsque.  En  cas  d'incertitude,  on  peut  employer  la  conjonction 
générale  (mot-cadre)  oi.  La  conjonction  ko  est  seulement  coor- 
dinative  :  me  sago  ko  qe  sero,  je  dis  que  cela  est.  La  conjonction 
subordinative  se  traduit  par  le  mot-cadre  ku  :  me  vilo  ku  qe 
sero,  je  veux  que  cela  soit,  qui  remplace  ainsi  le  subjonctif. 

Les  connectifs  (prépositions  et  conjonctions)  n'entrent  jamais 
dans  la  composition  des  autres  mots. 

Telles  sont  les  règles  synthétiques  de  la  grammaire  Bolak. 
Llles  engendrent  naturellement  les  règles  analytiques,  qui  ser- 
vent à  décomposer  les  luots  à  l'état  formel  et  à  reconnaître  leur 
rôle  grammatical.  Celles-ci  peuvent  servir  à  résumer  toute  la 
morphologie  du  Bolak  ^. 

Laissant  de  côté  les  Motules,  qui  se  trouvent  tous  dans  le  dic- 
tionnaire, un  Granmot  peut  présenter  les  formes  suivantes  : 

10  S'il  commence  et  finit  par  une  consonne  autre  que  d  et  q, 
c'est  un  substantif  singulier  masculin  ou  neutre; 

2°  S'il  commence  par  une  voyelle  autre  que  u,  c'est  un  mot 
marguerite  ; 

3°  S'il  commence  par  u,  c'est  un  substantif  féminin,  ou  un 
temps  secondaire  de  verbe,  ou  un  attributif  ou  modificatif  au 
degré  d'égalité  ; 

4"  S'il  finit  par  la  consonne  d  ou  q,  c'est  un  attributif  ou  modi- 
licatif: 

o"  S'il  finit  par  une  voyelle  autre  que  u,  c'est  un  verbe; 

6°  S'il  finit  par  u,  c'est  un  substantif  au  pluriel  *. 

Syntaxe.  Ln  vertu  de  la  4«  règle-base,  la  syntaxe  impose  aux 
mots  de  la  phrase  un  ordre  rigide  et  invariable  :  sujet,  verbe, 
régime  direct,  compléments.  Le  désignatif  se  met  avant  le  nom: 
l'attributif  se  met  après  le  nom;  le  modificatif  se  met  après  le 

1.  Voir  losTabfenux  récapitulatifs  généraux  de  l'aspoct  do  la  Langue  hleue 
et  les  Tfibloau.x-gaufriors  complots  (Lib.  1.  p.  2G3-263,  62-64;  lib.  7,  p.  34-36). 

2.  Voir  lo  tabloau  de  l'outil  U  (lib.  1,  p.  202;  lib.  2,  p.  3;  lib.  7,  p.  32). 


220  SECTION   II,    CHAPITRE   XII 

verbe  et  avant  l'adjectif  ou  l'adverbe  qu'il  modifie.  Enfin  la  pro- 
position subordonnée  vient  après  la  proposition  principale. 
Seuls,  l'ordre  des  régimes  indirects  et  la  place  du  gérondif  sont 
facultatifs. 

M.  BoLLACK  illustre  ces  règles  par  un  exemple  amusant. 
M.  Jourdain  n'eût  pas  été  embarrassé  dans  la  Langue  bleue  pour 
savoir  dans  quel  ordre  ranger  les  mots  de  cette  phrase  :  «  Belle 
marquise,  vos  beaux  yeux  me  font  mourir  d'amour  *  ».  Il  n'au- 
rait pu  dire  que  ceci  :  Marquise  belle,  vos  yeux  beaux  font  mourir 
moi  par  amour  :  Markesin  beled,  vae  logu  beled  mortigo  ma  fri  lov  -. 

Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  du  Bolak  a  été  construit  entièrement  a  priori, 
conformément  aux  règles  de  structure  des  diverses  classes  de 
mots,  auxquelles  il  faut  joindre  les  suivantes  : 

1°  Dans  aucun  mot  ne  se  trouvent  3  consonnes  ou  3  voyelles 
consécutives,  ni  2  consonnes  consécutives  semblables; 

2"  Dans  aucun  Granmot  ne  se  trouvent  la  voyelle  uni  2  voyelles 
consécutives  ; 

3°  Aucun  Motule  n'a  la  forme  wc  ou  vce. 

Enfin  l'auteur  a  dressé  la  liste  des  31  consonnes  doubles  ini- 
tiales et  des  59  consonnes  doubles  finales  phonétiquement 
admissibles  ^. 

Cela  posé,  le  nombre  des  mots  théoriquement  possibles 


de  1  lettre  est 

5 

2  lettres 

151 

3        — 

1051 

4         — 

12420 

5         — 

130512 

soit  un  nombre  total  de  144139 

formes  obtenues  par  la  combinaison  de  5  lettres  au  plus,  et  que 

1.  Molière,  Le  Bourgeois  gentilhomme,  acte  II,  scène  vi. 

2.  Lib.  7,  p.  98;  lib.  4,  p.  60. 

3.  Lib.  1,  p.  299,  301-2.  L'autour  pose  les  règles  suivantes,  pour  éviter  de 
former  des  mots  qui,  ne  différant  que  par  une  consonne  dure  ou  douce, 
pourraient  se  confondre  dans  une  mauvaise  prononciation  :  «  Dans  toute 
consonne  double  initiale,  la  première  sera  dure;  dans  toute  consonne  double 
finale,  la  seconde  sera  douce  »  (Lib.  1,  p.  298). 


BOLLACK    :    LA   LANGUE  BLEUE  221 

l'aiiUnir  pr^fôro  ji  toutes  Ifs  autres,  dans  rintértft  de  la  conci- 
sion '.  t  ToiU  le  dictionnaire  de  la  Langue  bleue  a  été  constitué 
sans  que  l'auteur  ait  connu  un  seul  des  sens  que  ces  formes... 
allaient  avoir  par  la  suite  *.  » 

Pour  les  Molules,  l'auteur  a  ainsi  obtenu  475  formes  différentes, 
cl  conime  le  nombre  des  Molules  est  de  400  environ,  «  les  signifi- 
cations données  à  cette  catégorie  de  mots  ont  été  attribuées 
arbitrairement  »,  sauf  de  rares  exceptions  '. 

Pour  les  Granmots,  c'est-à-dire  pour  les  Noms-souches,  l'auteur 
«  lut  à  haute  voix  ces  phonèmes  inertes  »  et  leur  assigna  le 
sens  que  lui  suggérait  leur  ressemblance  phonétique  plus  ou 
moins  éloignée  avec  les  mots  des  diverses  langues  européennes. 
Ainsi  «  ce  sont  les  vocables  des  langues  vivantes  qui  viennent  se 
mouler  dans  les  formes  du  dictionnaire  »,  non  sans  subir  parfois 
de  notables  déformations,  à  cause  de  la  brièveté  monosyllabique 
(le  ces  formes  :  ex.  :  bolv  =  boulevard;  tlaf  =  télégraphe;  stit  := 
constitution;  flist  =  félicitalion .  Faute  de  mieux,  l'auteur  fait 
appel  à  l'argot  :  pif  =,nez;  paf  =:  ivrognerie  ^.  Enfin  cette  res- 
source fait  assez  souvent  défaut,  et  alors,  «  en  dernier  lieu 
seulement,  l'arbitraire  est  intervenu  dans  les  attributions  de 
sens'*  ».  Cet  arbitraire  est  d'ailleurs  guidé  par  des  associa- 
tions d'idées  souvent  spirituelles,  que  nous  laissons  au  lec- 
teur le  plaisir  de  deviner  dans  les  exemples  suivants  :  plin, 
histoire  naturelle;  lalm,  université;  vivl,  chauvinisme.  C'est  ainsi 
encore  que  le  dernier  mot  du  dictionnaire,  vovs,  signifie  :  achè- 
vement, clôture,  fin. 

Les  noms  propres  sont  «  hors  la  langue  »  ;  toutefois,  l'auteur 
propose  certaines  traductions  pour  les  noms  géographiques,  en 

1.  Lil».  1.  p.  263-267. 

2.  Article  do  M.  Lt'onBoLLACK  dans  la  Revue  internationale  de  Socioloyie, 
dt'c.  1900  (p.  86.~)).  Cf.  Lib.  4,  p.  61. 

3.  Lil).  1,  p.  420. 

4.  Lib.  1,  p.  429.  Pour  obtenir  dos  «  syllabes  closes  »,  le  Bolak  ajoute 
parfois  un  1  initial  au.x  mots  des  langues  vivantes  (comme  le  Volapiik)  :  lor, 
or;  lart,  art. 

T).  Lib.  2,  p.  54.  L'auteur  avoue  •  que  les  règles  orthopraphii|ues  de  la 
Langue  bleue,  ainsi  que  l'aspect  syllabe  close  que  doivent  forcément  pos- 
séder les  noms  ...  lui  imposent  de  très  grandes  déformations  dans  la  con- 
texture  de  vocables  existant  dans  certaines  langues  •  ;  mais  il  allègue,  pour 
se  justiller,  «lue  «  ces  déformations  sont  de  même  nature  que  celles  des 
mots  des  langues  vivantes  »,  au  cours  d'une  évolution  séculaire  (Lib.  1, 
p.  429).  Ainsi  bisp  signifiera  évéque  (L.  episcopus,  D.  bischof,  E.  bishop) 
comme  en  danois. 


222  SECTION   II,    CHAPITRE   XII 

se  conformant  autant  que  possible  au  phonétisme  du  pays  d'ori- 
gine, et  pour  les  prénoms  '. 

Les  noms  des  jours  et  des  mois  sont  composés  avec  dos  noms 
de  nombre  (comme  en  Volapûk)  : 

ventag,  hindi.  y enmes,  janvier. 

dovtag,  mardi.  dovmes,  février. 

tertag,  mercredi.       termes,  mars. 
etc.  etc. 

Mots  dérivés.  —  II  y  a  d'abord  un  mode  grammatical  de  dériva- 
tion :  c'est  celui  qui  sert  à  tirer  des  noms-souches  les  verbes,  les 
adjectifs  et  les  adverbes. 

On  sait  que  chaque  substantif  peut  former  un  verbe  par  la  simple 
adjonction  d'une  des  voyelles  a,  e,  i,  o  caractéristiques  des  temps. 
Le  sens  de  ce  verbe  dérivé  est  fixé  par  les  règles  suivantes  : 

1°  11  signifie  être  à  l'état  de  —  ou  avoir  — .  Ex.  :  fami,  avoir  faim; 
lovi,  aimer; 

2°  A  défaut  de  ce  premier  sens,  il  signifie  :  accomplir  Vaction 
indiquée  par  le  radical.  Ex.  :  bet  =  pari,  beti  =  parier: 

3'^  A  défaut  des  deux  premiers  sens,  il  signifie  -.faire  usage  de  — . 
Ex.  :  bilb  ^=  bilboquet,  bilbi  =  jouer  au  bilboquet-. 

Par  exception,  le  verbe  dérivé  d'un  nom  d'animal  signifie  le 
cri  de  cet  animal  :  dogi  =  aboyer:  kati  =  miauler  ^ ;  kvali  =  hennir 
(et  non  pas  :  monter  à  cheval,  chevaucher,  suivant  la  3°  règle). 

En  vertu  de  ces  règles,  on  peut  employer  un  verbe  simple  pour 
dire  :  être  —  (tel  ou  tel).  Ex.  :  bono,  être  bon:  benso,  être  bien  por- 
tant; malso,  être  mal  portant:  lalgo,  être  malade  (lalg  =  maladie). 

Cela  permet  de  traduire  simplement  certains  idiotismes  : 
Ve  du  sano,  vous  portez-vous  bien?  (litt.  :  Êtes-vous  sain?)  Ve  du  lago 
kaq,  quel  âge  avez-vous?  (litt.  :  Vous  êtes  âgé  combien?) 

Les  autres  dérivations  s'effectuent  au  moyen  des  terminaisons 
absolues  et  secondaires. 

Les  23  terminaisons  absolues  sont  celles  qu'on  doit  employer 
obligatoirement  en  vertu  des  règles  de  grammaire.  Ce  sont  :  les 
désinences  du  pluriel  et  des  temps  actifs  et  passifs:  les  6  termi- 
naisons des  noms  de  nombre  dérivés;  les  terminaisons  régu- 
lières des  attributifs  (-ad,  -ed,  -id,  -od)  et  des  modificatifs  (-aq,  -eq, 
-iq,  oq);  enfin,  les  deux  suffixes  suivants,  applicables  aux  noms  : 

1.  Lib.  4,  p.  274-3. 

2.  Lib.  4,  p.  47. 

3.  Cf.  le  Spelin. 


BOLLACK    :    LA   LANGUE  BLEUE  223 

-an,  qui  indique  Vhabilont  de  —  :  Parian  =^  Parisien  (car,  pho- 
nétiquenuMil.  Paris  =  Pari). 

-in,  qui  indique  Vépoase  de  —  :  reks  =  roi,  reksin  =  reine  *.  Ce 
fi'^minin  de  situation  sociale  ne  doit  pas  être  confondu  avec  le 
réniiiiin  naturel  maniué  par  u-  (uParian  =  Parisienne).  Ainsi 
umedsor  =  femme-médecin,  et  medsorin  =  femme  de  médecin. 

Les  33  terminaisons  secondaires  sont  des  suffixes  qu'on  peut 
employer  facultativement  pour  former  des  mots  dérivés,  en 
l'absence  de  mots  primitifs  ayant  le  môme  sens.  Ces  suffixes  ne 
sont  pas  des  mots  indépendants,  et  n'ont  aucun  sens  par  eux- 
mêmes'^.  Voici  les  principaux  de  ces  suffixes  : 
-as.  augmentatif  :  mesr  =  couteau,  mesras  ==  coutelas. 
-et,      diminutif:  mesret,  petit  couteau;  kvalet,  poulain  (de  même 

tous  les  petits  d'animaux), 
-ist,     désigne  l'ouvrier  :  panist,  boulanger. 
-ost.     le  patron  :  panost.  patron  boulanger. 
-erk,    le  commerce  :  birerk,  commerce  de  bière. 
-ik,      la  fabrique,  la  science  ou  larl  :  birik.  brasserie  (fabrique  ou 

art);  montik,  orograplUe;  gerik,  stratégie. 
-ort,    le  lieu  ou  l'on  fait  ou  vend  quelque  chose  :  birort,  brasserie 

(débit), 
-or,      l'acteur  ou  agent  :  tansor,  danseur;  geror,  belligérant. 
-il,       l'outil  ou  l'instrument  :  banil,  baignoire  ;  tintil,  encrier. 
-ef,       le  résultat  de  l'action  :  dogef.  aboiement. 
-ig,       l'action  de  faire  ou  rendre  (tel  ou  tel)  :  krantigi,  agrandir. 
-ir,       l'action  de  devenir  (tel  ou  tel)  :  krantiri,  grandir. 
-enk,    le  commencement  de  l'action  :  dormenki,  s'endormir. 
-art,     un  morceau  de  —  (part  =  partie)  :  panart,  morceau  de  pain. 
-alg,    une  maladie  (lalg  =:  maladie)  :  kopvalg,  mal  de  tête  (kopv  = 

tète,  D.). 
-olb,     un  coup  de  —  (kolb  =  coup)  :  fotolb,  coup  de  pied. 
-olm,    l'arbre  qui  porte  —  (bolm  =:  arbre)  :  rosolm,  rosier. 
-olv,     le  lieu  planté  de  —  :  rosolv,  l'oseraie. 
-osm,  une  collection  matérielle  :  libosm,  bibliothèque. 
-ism,   un  système  d'idées  :  librism,  libéralisme. 


1.  Mais  une  reine  régnante  s'appelle  kvin  (E.  queen). 

2.  Néanmoins,  l'autour  les  associe  (au  moins  comme  moyen  mnémo- 
technique) il  certains  noms-souches  dont  ils  ne  diffèrent  que  par  la  suppres- 
sion de  la  consonne  initiale  (Lib.  1,  p.  109;  lib.  4,  p.  194;  lib.  2,  p.  52;  lib. 

T,  p.  108). 


224  SECTION   II,    CHAPITRE    XII 

A  ces  suffixes  il  faut  ajouter  certains  mots-cadres  qui  servent 
de  préfixes  pour  exprimer  : 
stu,     le  mâle  :  stu  kval,  étalon;  stu  bov,  taureau. 
pu,       la  supériorité  hiérarchique  :  pu  bisp,  archevêque. 
qu,      l'infériorité  hiérarchique  :  qu  mest,  sous-maître. 
plu,     la  pluralité  :    plu  gon,  polygone. 
tu,        la  totalité  :  tu  slavism,  panslavisme. 

fku,      le  contraire,  l'opposition  :  fku  lov,  haine;  fku  virt,  viceK 
ru,       la  répétition; 
sru,     le  retour  en  arrière  ; 
pru,    la  suppléance  ; 
sku,     la  ressemblance; 
pnu,     la  dissemblance,  etc. 

Le  Bolak  a  même  des  mots-cadres  pour  exprimer  sommairement 
certains  sentiments  ou  jugements  : 

gu,    qui  indique  un  goût  physique; 
kvu,  —  un  goût  moral; 

pfu,  —  un  dégoût  physique  ; 

mu,  —  un  dégoût  moral. 

Ainsi,  pour  indiquer  qu'une  femme  vous  plaît,  vous  n'avez 
qu'à  dire  :  gu  fem*. 

Les  mots  composés  se  forment  par  la  juxtaposition  de  deux 
radicaux  (le  principal  étant  le  dernier)  réunis  par  l'outil  u  : 
dormukar  =  wagon-lit  ;  vintumilv,  moulin  à  vent. 

Voici,  à  titre  d'exemple,  la  traduction  du  Pater  en  Langue  bleue  : 

Nea  per,  ev  ra  seri  in  silu,  vea  nom  eq  santigui;  vea  regn  eq 
komi  ;  vea  vil  eq  makui  ib  gev  so  in  sil  ;  ev  givo  daq  nea  pan  taged 
ana,  it  ev  solvi  nae  fansu  ana  so  ne  solvo  aqe  re  ufanso  na  ;  it  ev  nu 
lefti  na  to  temt,  bo  ev  bevri  na  om  mal  ^. 

Voici  encore  un  autre  échantillon  : 

Aq  ra  poni  an  fren  al  tsorm  ade  vevu, 
Se  savi  soq  stopi  plotu  ade  vikoru  *. 

1.  Lib.  1,  p.  138. 

2.  Lib.  I,  p.  139. 

3.  Lib.  8,  p.  76.  L'auteur  fait  remarquer  la  concision  de  sa  langue,  qui 
emploie  58  mots  et  177  lettres  là  où  le  français  emploie  63  mots  et  289  lettres. 

4.  Traduction  de  ces  vers  de  Racine  (Athalie,  acte  I,  scène  i)  : 

Celui  qui  met  un  frein  à  la  fureur  des  flots, 
Sait  aussi  des  méchants  arrêter  les  complots. 

(Lib.  2,  p.  58;  lib.  7,  p.  113.) 


BOLLACK  :  LA  LANGUE  BLEUE  225 


Critique. 

On  no  peut  refuser  de  souscrire  à  l'éloge  que  lauleur  de  la 
Langue  bleue  décerne  à  son  œuvre  par  cette  étymologie  fantai- 
siste :  bol  =  ingéniosité,  -ak  =  fait  avec:  donc  :  bolak  =  Jait  avec 
ingéniosiléK  Mais  cette  ingéniosité  parfois  excessive  aboutit  trop 
souvent  à  des  règles  compliquées  ou  à  des  formations  aussi 
ailiilraires  que  celle  que  nous  venons  de  citer.  On  peut  recon- 
naître que  sa  théorie  du  langage  a  une  grande  part  de  vérité;  mais 
elle  n'a  pas  pour  résultat  pratique  de  simplifier  la  grammaire, 
tout  au  contraii'e. 

In  premier  défaut  de  cette  grammaire  est  l'absence  d'article 
défini.  S'il  y  a  un  article  dont  on  puisse  se  passer,  c'est  l'article 
indéliui,  et  non  l'arlicle  défini.  L'auteur  l'a  si  bien  senti  qu'il  a 
rélal)li  celui-ci,  confondu  avec  l'article  indéfini,  aux  cas  indi- 
rects'; ce  qui  est  une  inconséquence  logique. 

Un  autre  défaut  grave  est  la  pluralité  des  déclinaisons.  Les  noms 
ont  une  déclinaison  analytique  et  un  pluriel  en  -u:  les  pronoms 
personnels  ont  une  déclinaison  synthétique:  les  pronoms  rela- 
tifs, interrogatifs,  etc.,  ont  une  autre  déclinaison  synthétique,  et 
l'article  une  autre  encore.  De  plus,  certains  pronoms  (et  l'article) 
lorment  leur  pluriel  en  ajoutant  -e  au  singulier;  d'autres,  en 
changeant  l'-a  du  singulier  en  -e:  d'autres  encore,  en  changeant 
ea  en  ae  ^.  Ce  sont  là  des  complications  inutiles,  faites  pour 
embrouiller  et  dérouter  le  novice.  Ajoutons  que  le  nominatif 
et  l'accusatif  se  confondent  dans  les  pronoms  relatifs,  c'est-à- 
dire  là  où  justement  il  est  le  plus  utile  de  les  distinguer. 

La  conjugaison  n'est  pas  non  plus  îi  l'abri  de  toute  critique. 
La  formation  des  temps  secondaires  au  moyen  du  préfixe  u,  et 
surtout  celle  du  passif  au  moyen  du  suffixe  u  est  arbitraire,  et 
ne  les  distingue  i)as  suffisamment,  soit  à  l'oeil,  soit  à  l'oreille. 

En  général,  du  reste,  l'idée  de  faire  de  la  voyelle  u  un  outil  gram- 
matical est  malencontreuse  :  cet  outil-omnibus  a  des  rôles  très 
divers  suivant  qu'il  est  au  commencement,  à  la  fin  ou  au  milieu 

1.  Lil).  4,  p.  165. 

2.  Lih.  4.  p.  27. 

3.  Os  deux  dornièros  llcvions  violent  le  principe  de  l'invariabilité  des 
radicaux,  adopté  par  l'auteur. 

CouTURAT  et  Leau.  —  Langue  univ.  lO 


226  SECTION   II,    CHAPITRE   XII 

des  mots,  et,  môme  au  commencement  d'un  mot,  il  a  un  sens  tout 
différent  suivant  la  nature  de  ce  mot.  De  même,  les  autres 
voyelles  (a,  e,  i,  o)  ont  un  rôle  grammatical  différent  comme 
suffixes  et  comme  préfixes.  Or  il  est  très  difficile  de  savoir,  à 
l'audition,  si  une  voyelle  est  l'initiale  d'un  mot  ou  la  finale  du 
mot  précédent. 

Sans  doute,  l'auteur  édicté  pour  la  prononciation  des  règles 
très  sévères;  mais  elles  sont  inapplicables  dans  la  pratique. 
€  Marteler  »  les  syllabes,  séparer  tous  les  mots  par  des  pauses, 
c'est  bon  pour  des  novices  qui  épellent  et  ânonnent;  mais  pour 
peu  qu'on  soit  familiarisé  avec  une  langue,  on  est  irrésistible- 
ment entraîné  à  lier  les  mots  entre  eux.  Seul,  l'accent  peut  mar- 
quer et  conserver  l'individualité  des  mots,  et  par  suite  les  dis- 
tinguer dans  la  prononciation  courante.  Aussi  est-il  chimérique 
de  vouloir  le  supprimer  :  on  ne  peut  pas  parler,  et  penser  ce 
qu'on  parle,  sans  accentuer  involontairement  les  mots  princi- 
paux du  discours  '.  Une  telle  suppression  n'aurait  qu'un  résultat  : 
c'est  que  chaque  peuple  placerait  inconsciemment  l'accent  sui- 
vant ses  habitudes  nationales,  ce  qui  aboutirait  à  une  confusion 
complète. 

Quanta  la  règle  de  la  Marguerite,  outre  qu'elle  est  sans  exemple 
dans  nos  langues  ^,  elle  est  très  équivoque  dans  son  application  : 
les  4  voyelles  signifient  tantôt  un  degré  de  comparaison  (plus,  le 
plus,  moins,  le  moins),  tantôt  un  degré  absolu  (beaucoup,  très,  peu,  pas 
du  tout)  5,  tantôt  enfin  un  sentiment  plus  ou  moins  quantitatif. 
C'est  là  une  cause  d'équivoque  et  d'obscurité. 

La  formation  des  participes  contient  une  grave  inconséquence. 
Alors  que  les  4  voyelles  (a,  e,  i,  o)  servent  à  former  les  temps  de 
l'actif,  les  terminaisons  correspondantes  (ad,  ed,  id,  od)  ont, 
deux  le  sens  actif,  deux  le  sens  passif:  et  chacune  des  deux  voix 
est  ainsi  privée  des  participes  de  certains  temps,  contrairement 
à  l'analogie  et  à  la  symétrie  *. 

1.  M.  BoLLACK  veut  même  supprimer  l'intonation  spéciale  des  phrases 
interrogatives  et  exclamatives. 

2.  Quoi  qu'en  dise  M.  Bollack  :  le  préfixe  a-  (anormal,  acéphale)  est  l'a 
privatif  grec;  et  le  préfixe  e-  (dans  échauffer,  élever-)  est  la  préposition 
latine  e  ou  ex. 

3.  M.  Bollack  pourrait  citer  à  son  appui  l'exemple  du  latin,  qui  emploie 
le  comparatif  et  le  superlatif  dans  les  deux  sens,  relatif  et  absolu.  Mais  si  le 
latin  est  équivoque,  ce  n'est  pas  une  raison  suffisante  pour  que  la  L.  I. 
le  soit. 

4.  Ajoutons  que  la  terminaison  -ad  confond  deux  idées  bien  différentes, 


BOLLACK  :  LA  LANGUE  BLEUE  227 

D'autre  part,  le  Bolak  a,  comme  le  VolapCik,  le  tort  de  former 
tous  ses  adjectifs  au  moyeu  d'un  suffixe  de  dérivation  uniforme; 
comme  lui  aussi,  il  n'admet  comme  racines  que  les  sulisfanlifs. 
Cela  est  contraire  à  l'ordre  naturel  des  idées  :  bonlé,  beauté  déri- 
vent de  bon  et  beau,  et  non  pas  bon  et  beau  de  bonlé  et  beauté.  Un 
autre  inconvénient  est  l'incommutabilité  des  parties  du  discours 
(par  exemple,  l'interdiction  de  dire  :  le  boire  et  le  manger,  les  bons 
et  les  méchants),  alors  que  toutes  les  langues  naturelles  l'admet- 
tent, et  cela  d'autant  plus  qu'elles  sont  plus  riches  et  plus 
souples. 

Mais  l'erreur  la  plus  grave  consiste  à  subordonner  le  vocabu- 
laire à  la  grammaire,  et  à  édicter  a  priori  des  règles  de  structure 
restrictives  pour  chaque  classe  de  mots.  Rien  ne  montre  mieux 
à  quels  résultats  détestables  peut  conduire  un  principe  excellent, 
quand  l'application  en  est  arbitraire.  L'idée  de  distinguer  les 
parties  du  discours  par  la  forme  (idée  qui  n'appartient  pas  en 
propre  au  Bolak,  comme  on  l'a  vu  et  le  verra  dans  cet  ouvrage) 
est  assurément  louable  :  mais  il  y  a  bien  des  moyens  de  réaliser 
cette  distinction,  et  l'auteur  a  choisi  les  plus  mauvais.  D'abord 
la  longueur  :  si  l'on  peut  compter  à  l'œil  les  lettres  d'un  mot. 
peut-on  distinguera  l'audition  un  mot  de  3  lettres  et  un  mot  de  4. 
et  a-t-on  le  temps  de  remarquer  si  le  mot  de  3  lettres  se  termine 
par  une  voyelle  ou  i)ar  une  consonne  1  Ensuite  la  sonorité  :  assi- 
gner aux  mots-cadres  la  voyelle  a,  aux  connectifs  les  voyelles  i  et  o. 
et  aux  (lésignalifs  les  voyelles  a  et  e,  c'est  faire  tout  ce  qu'on  peut 
pour  confondre  tous  les  mots-cadres  entre  eux,  tous  les  connec- 
tifs entre  eux  et  tous  les  désignatifs  entre  eux,  d'autant  qu'ils  ne 
se  distinguent  plus  entre  eux  que  par  une  ou  deux  consonnes. 
Le  lecteur  le  plus  attentif  s(>  rappelle-t-il  vn  ce  monuMit  les  sens 
de  stu.  sku,  fku,  ou  ceux  de  ib,  to,  sti,  flo,  ou  ceux  de  spa,  ste. 
kla.  ske?  Il  est  vrai  qu'il  a  la  ressource  d'employer,  dans  l'em- 
barras, les  connectifs  généraux  io,  oi.  et  les  désignatifs  généraux 
ae,  ea:  heureux  encore  s'il  se  souvient  exactement  de  leurs  rcMes 
respectifs! 

Il  est  inutile  d'insister  sur  l'arbitraire  qui  a  présidé  au  choix 
des  motules  :  l'auteur  le  reconnaît  lui-même:  mais  il  importe  de 
montrer  qu'il  ne  règne  guère  moins  dans  le  choix  des  gran- 

In  possiliilitc  et  In  dipnilé  :  spegad  :=  respectable  veut  dire  :  qu'on  doil..., 
H  non  :  qu'on  peut  resperler.  Antre  inconséquonco  :  speged  =  respecté 
(sens  passif):  ot  spegeq  =  respectueusement  (sens  actif). 


228  SECTION   II,    CHAPITRE    XII 

mots.  Ici  encore,  les  règles  de  structure  et  l'exclusion  de  la 
voyelle  u  l'ont  empêché  d'adopter  la  plupart  des  radicaux  inter- 
nationaux comme  théâtre,  université,  etc.  L'idéal  de  la  syllabe  close 
constitue  un  lit  de  Procuste  d'où  les  mots  les  plus  connus  sortent 
mutilés  et  défigurés,  comme  stit  cfui  provient  de  constitution  (pour- 
quoi pas  d'institut,  institution,  instituteur,  etc.  *  ?).  L'auteur  allègue,  il 
est  vrai,  que  les  prétendus  mots  internationaux  ne  le  sont  pas 
autant  qu'on  le  croit,  du  moins  par  la  prononciation  :  ainsi  le 
mot  théâtre,  que  les  Anglais  prononcent  à  peu  près  zîteuh  ^. 
Mais  en  quoi  cela  rend-il  le  mot  tatr  préférable  à  teatr?  Celui-ci 
se  rapproche  davantage  du  mot  international  tliéâtre,  au  moins 
par  le  graphisme. 

Cela  nous  amène  à  signaler  une  autre  erreur  de  M.  Bollack  : 
dans  le  choix  des  sens  de  ses  mots  fabriqués  d'avance,  il  a  tenu 
compte  uniquement  du  phonétisme,  et  nullement  du  graphisme  ; 
il  a  érigé  cette  préférence  arbitraire  en  principe  ^  Or  c'est  là 
tourner  le  dos  à  l'internationalité,  car  le  graphisme  est  bien  plus 
international  cjue  le  phonétisme  *. 

Aussi  l'auteur  fait-il  bon  marché  du  «  vocabulaire  soi-disant 
international  »  ;  il  prétend  en  revanche  à  la  neutralité  absolue. 
Son  vocabulaire  n'est  pas  inter-national,  mais  bien  extra-national, 
et  par  là  il  croit  supprimer  toute  question  d'amour-propre 
national.  Et  en  effet,  «  le  dictionnaire  de  la  Langue  bleue  a  pu  être 
construit  tout  entier  sans  connaître  aucun  des  sens  attribués 
aux  fantômes  de  mots  hypothétiquement  créés  "  »  :  et  c'est,  l'au- 
teur s'en  flatte,  t  la  plus  grande  originalité  »  de  ce  vocabulaire, 
et  probablement  de  la  langue  elle-même.  Fâcheuse  originalité, 
si  elle  interdit  à  l'auteur  d'emprunter  ses  vocables  aux  langues 
existantes,  et  le  force  à  former  arbitrairement  des  mots,  })our 
leur  imposer  ensuite,  non  moins  arbitrairement,  un  sens.  Ce  pro- 
cédé est  d'ailleurs  moins  original  cjue  ne  le  croit  l'auteur  :  car 
toutes  les  langues  a  priori  construisent,  elles  aussi,  leurs  mots  par 
des   combinaisons   régulières  de  lettres;  et  parla,  le  Bolak  se 

1.  Pourquoi  philosophie  devient-il  flof,  et  non  flosf,  qui  signifie  voleur? 

2.  Lib.  4,  p.  07. 

3.  Un  psychologue  conclurait  de  ce  fait  que  M.  Bollack  est  un  auditif  et 
non  un  viiuel  :  c'est  en  lisant  à  haute  voix  ses  fantômes  de  mots  qu'il 
essayait  d'évoquer  leur  sens. 

4.  L'auteur  reconnaît  lui-même  que  «  le  mot  théâtre  s'écrit  à  peu  près  de 
la  même  manière  dans  toutes  les  langues  de  l'Europe  ». 

5.  Lib.  4,  p.  CL 


BOLLACK  :  LA  LANGUE  BLEL'E  229 

rapproche  de  ce  genre  de  langues,  et  se  sépare  radicalement  des 
langues  n  posleriori,  l)ien  qu'il  semble  emprunter,  comme  elles, 
ses  matériaux  aux  langues  vivantes  '. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  neutralité  même  dont  il  se  vante,  ou 
dont  il  se  contente,  n'est  nullement  assurée  par  sa  méthode 
a  priori,  qui  consiste  à  couler  des  sens  dans  des  moules  préparés 
à  l'avance;  car  le  sens  choisi  dépend  des  langues  que  l'auteur 
connaît.  Il  ignore,  dit-il,  le  russe:  qui  répond  que  beaucoup  de 
mots  russes  ne  seraient  pas  venus  se  couler  dans  certains  moules 
qu'il  a  remplis  arl)itrairement  ou  avec  des  mots  d'autres  langues? 
S'il  n'avait  su  que  le  français,  il  aurait  simplement  rempli  ses 
moules  avec  des  mots  français  plus  ou  moins  dénaturés:  sa 
langue  non  serait  ni  plus  ni  moins  neutre. 

1. "auteur  se  soucie  si  peu  de  rinternalionalité  de  ses  radicaux, 
qu'il  emprunte  parfois  leur  sens  à  l'argot,  qui  est  essentielle- 
ment national,  et.  qui  pis  est,  incom])réliensil>le  pour  les  autres 
nations.  (Juel  autre  qu'un  Français  devinerait  jamais  (pu*  bigr 
signifie  admirah'oa,  ïiik,- mouchard,  et  trim,  faux-semblant  -1 

Mais  souvent  on  n'a  nuhne  pas  cette  rossourre,  car  la  plupart 
des  mots  ont  des  sens  aussi  arbitraires  que  leur  forme,  et  ne 
rappellent,  même  de  loin,  aucun  vocable  d'une  langue  connue. 
Pour  le  prouver,  il  suffira  de  citer  une  vingtaine  de  mots  pris  à 
la  suite  au  commencement  du  dictionnaire  Français-Bolak  : 

Abaissement  (moral)  snarp 

Abaisser  (action  d')  basp 

Abandon  left 

Abandonner  (action  de  s')  mlasp 

Abal-jour  kosn 

Abattement  (moral)  knir 

Abattre  (action  d')  fkarf 

1 .  L'nutour  titMit  à  distinguer  sa  métliode  lo.xicologiquc  de  celle  du  Vohtpûk 
qu'il  (|unlill('  iVarbitraire  (Lib.  I,  p.  430);  cl.  en  olTot,  Mjrr  Schueveb  com- 
nuMicail  par  emprunter  ses  mots  aux  Innjrues  vivantes,  (juilte  à  les  estropier 
ensuite;  tandis  <jue  M.  Boll.\ck  commence  par  créer  (J^s  mots  sans  savoir 
s'ils  existent  dans  une  langue  quelcon<|ue,  et  leur  donne  ensuite  un  sens 
d'après  leur  analogie  plus  ou  moins  lointaine  avec  des  mots  existants,  ce 
qui  déllgure  bien  davantage  ceux-ci.  .\insi  sa  méthode  est  encore  plus  arbi- 
traire et  a  priori  (|ue  celle  du  Volapiik.  En  revanche,  elle  ressemble  éton- 
namment à  la  •  Combinatoire  »  em|)loyée  lunr  n.vCER.  (Cf.  le  Spelin  de 
celui-ci.  p.  37  :  Mathe>nalische  Komhinatorik.) 

2.  Voir,  dans  Lib.  4,  le  sens  des  mots  gob,  gog.  gos,  gaf,  gag,  gars,  kavl, 
pegr,  begn,  tof.  bavr. 


230  SECTION   II,    CHAPITRE  XII 


Abcès 

flimt 

Abdication 

pnabs 

Abeille 

bepv 

Abîme 

pfos 

Abîmer  (action  d') 

dorp 

Abjuration 

smads 

Ablatif 

plavs 

Ablation 

krelv 

Ablution 

slalv 

Abnégation 

nirl 

Abois  (être  aux) 

spamt 

Abolition 

pivs 

Abominable  (état) 

mnabl 

Abondance 

dab 

Abonder  (action  d') 

mrolm 

Abonnement 

bomt 

M.  BoLLAÇK  croit  excuser  le  choix  arbitraire  du  sens  de  la  i)lu- 
part  de  ses  racines  en  déclarant  avec  désinvolture  que  «  les 
mots  sont  indifférents  par  eux-mêmes,  parce  qu'ils  sont  les 
signes  conventionnels  de  nos  pensées  »,  et  il  va  jusqu'à  dire 
qu'après  tout,  si  les  Français  convenaient  d'appeler  désormais 
les  fenêtres  des  portes  et  les  portes  des  fenêtres,  ils  s'enten- 
draient tout  aussi  bien  qu'avant*.  Pour  réfuter  ce  paradoxe,  il 
suffît  de  le  pousser  à  l'extrême  :  on  pourrait  numéroter  tous  les 
mots  du  dictionnaire  français  :  1"  en  commençant  par  le  com- 
mencement (A),  2^  en  commençant  par  la  fin  (Z),  et  convenir  de 
donner  désormais  à  chaque  mot  le  sens  du  mot  qui  aurait  le 
môme  numéro  dans  l'ordre  inverse  (au  !'='■  le  sens  du  dernier,  au 
2«  le  sens  de  l'avant-dernier,  etc.).  Croit-on  que  les  Français 
arriveraient  aisément  à  s'entendre  dans  cette  nouvelle  langue? 
C'est  que,  quand  même  il  serait  vrai  (en  gros  et  dans  l'état 
actuel  des  langues)  que  le  sens  des  mots  est  conventionnel,  il 
est  devenu  naturel  en  vertu  d'une  association  invétérée.  En  outre, 
l'auteur  oublie  tout  bonnement  qu'il  n'a  pas  à  créer  «  une  langue 
nouvelle  »  de  toutes  pièces,  sans  tenir  compte  des  langues  exis- 
tantes, mais  une  langue  internationale  auxiliaire,  qui  a  intérêt  à 
«e  rapprocher  autant  que  possible  des  langues  vivantes,  et  par 
suite  à  leur  emprunter  le  plus  grand  nombre  possible  de  ses  élé- 

1.  Lib.  4,  p.  61. 


BOLLACK  :  LA  LANGUE  BLEUE  231 

nuMits.  Enfin  M.  Hollack  dit,  pour  justifier  son  dédain  dos  mots 
iiitornationaux  :  (^n'inipoile  que  tel  mot  soit  commun  à  plu- 
sieurs nations?  Pour  quelqu'un  qui  ne  sait  que  sa  langue  natio- 
nale, il  est  indifférent  que  ce  mot  se  trouve  dans  une  ou  plu- 
sieurs langues  étrangères,  puisqu'il  les  ignore.  Sans  doute, 
répondra-t-on;  mais  il  ne  lui  est  pas  indifférent  qu'il  se  trouve 
ou  non  dans  la  sienne;  or,  plus  la  langue  internationale  con- 
tiendra de  mots  internationaux,  moins  elle  présentera  à  chaque 
nation  de  mots  étrangers  et  inconnus  à  apprendre.  Il  y  a  donc  une 
nécessité,  non  seulement  logique,  mais  pratique,  à  ce  que  la 
langue  internationale  soit  fondée  sur  le  vocabulaire  in/er/ja/io/ia/,  et 
non  sur  un  lexique  arbitraire  et  fantaisiste  comme  celui  du  Bolak. 

Dans  la  formation  des  termes  scientifiques,  l'auteur  ne  tient 
naturellement  aucun  compte  de  l'étymologie  :  krob  =  microbe; 
gelg  ^  gêolo(jie:  gekv  =:  géographie:  gemv  =  géométrie.  Mais  il  ne 
cherche  pas  davantage,  on  le  voit,  à  composer  des  mots  analogues, 
c'est-à-dire  ayant  une  étymologie  semblable  dans  sa  langue. 

En  général,  l'auteur  affiche  un  souverain  mépris,  non  seule- 
ment de  l'étymologie,  mais  de  l'affinité  ou  de  la  (iliation  logique 
des  idées.  Sans  doute,  il  est  bon  de  distinguer  les  sens  d'un  mot 
<(nand  ils  sont  si  difTérents  qu'ils  constituent  une  sorte  de  calem- 
l)our  (Ex.  :  action,  charme,  équipage,  mousse,  etc.).  Mais  il  est 
<>xcessif  de  représenter  par  des  mots  absolument  différents  des 
s(>ns  voisins  ou  dérivais  les  uns  des  autres  {accent,  accord)  ou 
mémo  diverses  espèces  d'un  même  genre  :  lor  =  or  (métal):  golt 
=:or  (monnaie):  chapeau,  chemise  (d'homme,  de  femme,  de  nuit): 
fcrt/(pid)li('.  masqué):  bois(h  brûler,  tle construction»:  ba'ii/( animal, 
viande  :  bov,  bif):  cochon  (animal,  viande  :  pig,  pork).  Bien  plus  : 
l'auteur  ne  cherche  nullement  à  dériver  les  uns  des  autres,  ou  à 
rajtprocher  par  la  forme,  des  mois  qui  expriment  des  idées 
connexes  ou  dérivées.  Ainsi  :  paks  =  paix,  skalm  =^  apaisement; 
klerk  =:  clergé,  frar  =  étal  ecclésiastique,  frok  =  cléricalisme  ;  rar  = 
frère,  frat  =:  fraternité  (frer  =  compagnon,  fradr  ^=  solidarité):  vern 
=r  hiver,  snemv  =  hivernage:  lart  =  art.  tist  =  artiste^,  etc.  De 
même  pour  les  mots  composés  :  kart  =  carte  à  jouer:  kert  = 
carte  de  visite:  psarl  =  carte  postale  (alors  que  tout  Européen  com- 
prendrait :  post-kart). 


1.  Cotlo  dornièro  singularitt"'  est  d'autant  plus  t'ionnanto  <|ut>  lo  Bolak  pos- 
sède k'  sufll.xo  -ist.  Cola  fait  donc  deux  racines  à  apprendre  au  lieu  d'une. 


232  SECTION   II,    CHAPITRE   XII 

Toutefois,  l'auteur  permet  de  former  un  mot  composé  ou 
dérivé,  quand  le  mot  simple  manque  ou  est  oublié.  Par  exemple, 
on  pourra  dire  kotil  au  lieu  de  mesr  (couteau)  et  kotilet  au  lieu  de 
knif  {canif y.  Mais  si  cela  dispense  de  connaître  le  mot  simple 
quand  on  veut  s'en  servir  soi-même,  cela  ne  dispense  pas  de  le 
connaître  quand  on  l'entend  ou  le  lit;  et  par  conséquent  cela  fait 
deux  mots  à  apprendre,  au  lieu  d'un.  Toutes  les  critiques  que 
l'auteur  adresse  aux  langues  agglutinantes,  auxquelles  il  reproche 
«  d'imposer  à  l'esprit  le  travail  incessant  de  décomposition  et  de 
recomposition  de  toutes  les  notions  »,  retombent  ainsi  sur  le 
Bolak  lui-même,  d'autant  plus  que  son  dictionnaire  ne  donne 
que  les  racines  simples,  et  non  les  dérivés  et  les  composés  que 
chacun  peut  en  former  facultativement.  Il  vaudrait  mieux  que  ces 
dérivés  et  composés  fussent  formés  une  fois  pour  toutes  et 
inscrits  dans  le  dictionnaire,  où  iraient  les  chercher  ceux  qui 
n'auraient  pas  l'esprit  assez  inventif  pour  les  former  d'eux- 
mêmes. 

Enfin,  bien  que  l'harmonie  ne  soit  qu'une  qualité  accessoire 
d'une  L.  I.,  et  bien  que  le  Bolak  décline  toute  prétention  litté- 
raire, il  faut  avouer  qu'il  manque  par  trop  d'euphonie;  on  a  pu 
en  juger  par  tous  les  exemples  que  nous  avons  cités.  Cela  vient 
de  la  forme  de  syllabe  close  que  l'auteur  donne  systématiquement 
à  ses  radicaux;  ce  sont  des  monosyllabes  durs  et  rocailleux  qui 
s'entrechoquent  par  leurs  consonnes*.  Sans  doute,  l'auteur 
allègue  que  les  voyelles  qui  servent  de  flexions  jouent  le  rôle 
de  tampons  entre  ces  monosyllabes;  mais  ces  flexions  ne  sont 
pas  assez  fréquentes  pour  adoucir  la  prononciation  (seuls  les 
substantifs  au  pluriel  et  les  verbes  se  terminent  par  une  voyelle^). 

La  rigidité  de  la  construction  est  une  gêne  et  une  pauvreté  ; 
vme  gêne,  parce  qu'elle  empêcherait  toute  traduction  exacte 
d'une  phrase  tant  soit  peu  compliquée  ;  une  pauvreté,  parce  qu'elle 
empêcherait  de  former  une  telle  phrase,  c'est-à-dire  d'exprimer 
des  pensées  un  peu  complexes  et  délicates.  Aussi  l'auteur  recom- 

1.  De  même,  coup  de  pied  se  dit  kik  et  fotolb,  etc. 

2.  Le  dictionnaire  Bolak  contient  103  mots  commentant  par  fk  (fkab, 
fkabs,  fkaf,...),  164  par  fn,  122  par  ft,  133  par  ml,  144  par  mr,  184  par 
tl,  etc.  Un  grand  nombre  de  mots  se  terminent  aussi  par  des  consonnes 
doubles  aussi  peu  agréables  à  prononcer  ;  -pv,  -tv,  etc. 

3.  «  Si  quelques  consonnes  doubles  initiales...  semblent  trop  dures  à 
émettre,  on  peut,  sans  inconvénient,  les  faire  précéder  d'un  e  ».  (Lib.  4, 
p.  9).  L'auteur  oublie  que  parla  même  les  mots  seront  «  marguerites  ». 


BOLLACK  :  LA  LANGUE  BLEUE  233 

maiulc-t-il  pruclemmcnt  de  faire  des  phrases  courtes.  Mais  en 
imposant  h  sa  langue  toutes  ces  entraves,  il  l'exclut  de  l'usage 
scientifique  et  la  confine  dans  les  usages  les  plus  modestes  et 
les  plus  vulgaires. 

En  résumé,  l'auteur  de  la  Langue  bleue  a  voulu  créer  une 
langue,  non  pas  philosophique  ni  scientifique,  mais  pratique;  en 
fait,  il  a  créé  une  langue  aussi  arbitraire  et  aussi  difficile  qu'une 
langue  pliilosoi)hique,  et  aussi  peu  pratique  que  possilile.  11  n'a 
pas  voulu  faire  appel  à  l'intelligence  des  adeptes,  mais  seulement 
à  leur  mémoire;  mais  il  leur  demande  un  tel  travail  de  mémoire 
que  i»ersonne  ne  pourrait  jamais  apprendre  son  vocabulaire. 
En  subordonnant  le  vocabulaire  à  la  grammaire,  et  en  soumet- 
tant celle-ci  à  une  foule  de  règles  arbitraires  et  restrictives,  il 
s'est  privé  comme  à  plaisir  de  tous  les  éléments  qui  peuvent 
rendre  une  L.  I.  facile  à  acquérir  et  agréable  à  parler;  il  s'est 
condamné  à  exclure  ou  à  défigurer  les  radicaux  internationaux. 
11  a  tout  sacrifié  à  la  concision,  sous  prétexte  d'obéir  à  la  loi  du 
moindre  effort:  il  a  ainsi- obtenu  des  séries  de  monosyllabes  rébar- 
batifs et  indiscernables  bien  plus  difficiles  à  retenir  et  à  pro- 
noncer que  les  mots  internationaux,  et  qui  imposeraient  à  la 
fois  à  la  mémoire  et  à  l'intelligence  de  ses  adeptes  des  efforts 
surhumains.  Tous  ces  vices  constitutionnels  et  rédhibiloires  du 
Bolak  viennent  d'une  seule  cause  :  une  méthode  trop  a  priori. 


CRITIQUE    GENERALE 


Il  semble,  au  premier  abord,  que  les  langues  que  nous  avons 
réunies  dans  la  classe  des  systèmes  mixtes  n'aient  entre  elles 
rien  de  commun,  si  ce  n'est  ce  double  caractère  négatif,  de  n'être 
ni  des  langues  a  priori,  ni  des  langues  a  posteriori.  Mais,  à  un 
examen  plus  attentif,  on  constate  qu'elles  ont  toutes  une  ana- 
logie réelle,  et  forment  une  famille  naturelle.  Elles  ont  à  la  fois 
certains  caractères  des  langues  a  priori  et  certains  des  langues 
a  posteriori,  et  par  là  elles  méritent  l'épithète  de  mixtes.  Comme 
les  systèmes  a  priori,  elles  emploient  la  méthode  combinatoire 
pour  former  les  mots  dérivés  ou  composés;  mais  elles  ne  fondent 
pas  comme  elles  leur  vocabulaire  sur  une  classification  logique 
de  toutes  les  idées.  Comme  les  langues  a  posteriori,  elles  emprun- 
tent leurs  racines  aux  langues  naturelles;  mais  elles  les  déna- 
turent pour  les  soumettre  à  certaines  règles  systématiques,  et 
ne  se  soucient  nullement  de  leur  degré  d'internationalité.  Dans 
la  grammaire  aussi  règne  la  Combinatoire  :  les  flexions  sont  en 
général  constituées  par  la  gamme  des  voyelles,  dont  le  retour 
monotone  et  incessant  engendre  l'uniformité  et  la  confusion. 
En  conséquence,  ces  langues  n'ont  ni  l'avantage  théorique  (pro- 
blématique) des  langues  philosophiques,  qui  sont  (ou  prétendent 
être)  un  calque  fidèle  de  la  pensée  et  l'expression  des  relations 
logiques  des  idées;  ni  l'avantage  pratique  (réel  et  immense)  des 
langues  a  posteriori,  dont  les  mots  sont  déjà  connus,  au  moins 
en  partie,  de  tout  Européen  un  peu  instruit,  et  qui,  par  suite, 
n'offrent  pas  la  difficulté  d'une  langue  toute  nouvelle.  En  effet, 
ces  systèmes  ne  visent  en  aucune  façon  à  V internationalité;  plu- 
sieurs d'entre  eux  visent  à  la  neutralité  absolue,  mais,  pour  ne 
favoriser  aucun  peuple,  ils  se  montrent  également  difficiles 
et  rébarbatifs  pour  tous.  Aussi  sont-ils  plutôt  extra-nationaux 
qu'internationaux,   et   certains   d'entre   eux   s'en   vantent.    Nous 


CRITIQUE  GÉNÉRALE  23S 

aurons  h  discuter  plus  loin  les  oljjdctions  cju  il>  lont  aux  sys- 
tiMiies  vrainuMit  inlernaUonaux.  Hornous-nous  ici  à  remarquer, 
qu'ils  parlent  des  «  mots  internationaux  »  comme  le  renard  de 
la  fable  parle  des  raisins  :  «  ils  sont  trop  verts  »,  c'est-à-din.' 
qu'ils  ne  peuvent  pas  entrer  dans  les  €  moules  »  rigides  et  uni- 
formes qu'ils  construisent  n  priori  et  dans  lesquels  ils  prétendent 
«  couler  »  tous  les  mots.  Cela  vient  de  ce  que  la  plupart  de  ces 
projets  subordonnent  le  vocabulaire  à  la  grammaire:  comme  ils 
composent  celle-ci  de  décrets  arl)itraires,  ils  se  lient  les  mains 
«l'avance,  et  soumettent  leur  vocabulaire  à  une  foule  de  condi- 
tions gênantes  et  de  restrictions  gratuites  :  et  ils  s'en  prennent 
;ui\  mots  internationaux  de  ce  qu'ils  refusent  d'entrer  dans  les 
"•adros  imposés  par  leurs  caprices  tyranniques'. 

Le  mot  qui  caractérise  le  mieux  ces  systèmes  bâtards  et  incon- 
séquents, et  qui  résume  tous  leurs  défauts,  est  celui  qui  revient 
sans  cesse  dans  toutes  nos  critiques  :  c'est  ïarbilraire  :  arbitraire 
dans  le  clioix  des  racines,  arbitraire  dans  la  formation  des  mots, 
arluliaire  dans  les  règles  grammaticales,  arbitraire  dans  le 
choix  des  flexions  et  des  affixes  de  dérivation.  Leurs  auteurs  se 
sont  imaginés  qu'ils  pouvaient  et  devaient  forger  une  langue  de 
toutes  pièces,  sans  consulter  autre  chose  que  leur  goût  ou  leur 
fantaisie,  et  sans  s'astreindre  à  d'autres  règles  que  celle  d'une 
symétrie  superficielle  et  puérile.  Ils  se  sont  flattés  que  le  monde 
(Miropéen  s'enq)resserait  d'adopter  une  langue  dont  le  vocabu- 
laire et  la  grammaire  lui  seraient  également  éiraïujers.  Mais, 
< omme  chacun  de  ces  projets  était  le  produit  d'une  création 
individuelle  et  arbitraire,  leur  multiplicité  même  et  leur  diversité 
ont  n'])nté  le  pul)lic.  Kt,  en  elïet,  ils  ne  i)résentent  -h  aucun  degré 
la  convergence  et  le  progrès  que  nous  aurons  à  constater  parmi 
les  langues  a  posteriori. 

Enlin.  il  y  aurait  bien  des  réserves  à  faire  sur  les  prétentions 
«  scientifiques  »  de  la  plui')art  de  ces  systèmes.  Ils  se  vantent 
d'être  des  langues  très  savantes  et  très  modernes,  conformes 
aux  données  de  la  philologie,  à  l'évolution  des  langues,  etc.  Ils 
--r  flattent  aussi  d'une  richesse  et  d'une  variété  inépuisables,  parce. 
qu'ils  peuvent  former  une  infinité  de  mots  par  la  juxtaposition 

1.  Qu'on  puisso,  notnmniont,  établir  une  dislinrtion  formelle  entre  les 
parties  du  «liseours  nutrennuil  (ju^cn  leur  inii)Osant  des  conditions  de  lon- 
gueur ou  do  forme  qui  dollpurent  les  racines,  c'est  ce  que  prouve  re.\emple 
de  VEsperanto. 


236  SECTION   II 

de  racines  monosyllabiques.  On  peut  réduire  ces  prétentions  et 
ces  avantages  à  leur  juste  valeur,  mieux  que  par  de  longues  et 
savantes  dissertations,  en  comparant  simplement  ces  projets  à 
certaines  langues  barbares.  Par  exemple,  il  paraît  que  les  Iro- 
quois,  qui  ne  connaissaient  pas  le  vin  avant  la  venue  des  Euro- 
péens, le  nommèrent  d'un  mot  qui  signifie  :  boisson  faite  avec  le 
jus  du  raisin,  et  qui  contient  27  lettres  et  M  syllabes  ^  C'est  le  pro- 
totype des  mots  composés  ai</o/iomes  du  Volapûk.  Un  exemple  plus 
frappant  est  fourni  pav  le  pidgin-english.  On  sait  (et  il  convient 
de  rappeler  ici  ces  faits)  qu'il  s'est  formé  spontanément  des 
langues  auxiliaires,  artificielles  et  composites,  dans  certains 
pays  (surtout  maritimes)  où  plusieurs  langues  se  trouvent  en 
concurrence;  la  nécessité  de  s'entendre,  entre  gens  de  langues 
maternelles  différentes,  adonné  naissance  à  ces  jargons  mélangés 
d'éléments  empruntés  à  divers  idiomes  :  le  plus  connu  est  le 
sabir  ou  la  lingua  franca,  parlée  depuis  plusieurs  siècles  dans  les 
ports  de  la  Méditerranée  orientale.  Mais  ce  n'est  pas  le  seul;  on 
cite  encore  le  pidgin-english,  qui  est  parlé  dans  les  ports  des  mers 
de  Chine  ;  le  chinook,  qui  est  employé  sur  la  côte  américaine  du 
Pacifique;  le  benguela,  qui  sert  au  Congo  d'intermédiaire  entre 
une  foule  de  tribus  de  langues  différentes,  etc.  ^  Le  pidgin-english 
est  une  langue  qui  emprunte  la  plupart  de  ses  éléments  à  l'an- 
glais, mais  qui  les  combine,  semble-t-il,  suivant  le  procédé  des 
langues  monosyllabiques  comme  le  chinois.  C'est  ainsi  que  les 
bateaux  à  vapeur,  suivant  cju'ils  sont  à  roues  ou  à  hélice,  sont 
appelés  respectivement  :  «  avance  par  l'extérieur  on  peut  voir  » 
(outside-ivalkee-can-see)  et  «  avance  par  l'intérieur  on  ne  peut  pas 
voir  »  {inside-walkee-no-can-see)  ^.  Ce  procédé  de  composition  est 
tout  à  fait  semblable  (à  la  naïveté  près)  à  celui  qu'emploient  le 
Volapûk  et  ses  congénères  ;  et  l'on  voit  que,  loin  d'être  le  privi- 


1.  Joseph  DE  Maimieux,  Pasigraphie,  p.  41,  note  1  (1797). 

2.  Peut-être  faudrait-il  y  joindre  le  taal,  déformation  du  hollandais,  qui 
est  parlé  dans  l'Afrique  du  Sud,  môme  par  les  Anglais,  quand  ils  veulent 
se  faire  comprendre  des  indigènes. 

3.  Article  du  Daily  Telegraph  du  6  novembre  1900.  Naturellement,  le 
rédacteur  anglais  tire  de  là  cette  conclusion,  que  c'est  l'anglais  qui  est  la 
langue  prépondérante  en  Exlrôme-Orient.  Il  nous  semble  que  l'existence  du 
pidgin-english  (comme  celle  du  taal)  est  plutôt  une  preuve  de  la  non-uni- 
versalité de  la  langue  anglaise,  attendu  que  ce  jargon  n'est  même  pas  de 
l'anglais  corrompu,  et  n'a  que  les  éléments  de  commun  avec  la  langue  de 
Shakespeare  (et  encore  pas  tous  :  il  contient  aussi  de  nombreux  éléments 
portugais  et  chinois,  d'après  le  môme  article). 


CRITIQUE  GÉiNÉRALE  237 

lègo  (les  langues  les  plus  savantes  et  les  plus  civilisées,  il  est 
caracténsli<iue  d'un  état  desprit  plutôt  barbare  ou  enfantin.  En 
tout  cas,  il  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  moins  pratique,  car  il  produit 
des  expressions  extrêmement  longues  et  compli(iu(''es,  surfout 
par  opposition  aux  vocal)les  concis  et  presque  monosyllabiques 
des  langues  européennes,  et  notamment  de  l'anglais.  Cette  simple 
comparaison  suffit  à  montrer  que  les  langues  artificielles  qui 
prétendent  construire  tous  leurs  mots  par  composition  autonome 
ne  sont  pas  progressives,  mais  réellement  rétrogrades.  Elle 
(ondamne  le  système  de  formation  des  mots  du  Volapûk  cl  des 
projets  analogues  '. 

I.  tl  faut  reinaniuer  quo,sur  ce  point,  fa  Langue  bleue  se  sépare  des  autres 

[H'ojols,  el  inèine  s'y  oppose.  " 


SECTION    III 

SYSTÈMES   «  A  POSTERIORI  » 


CHAPITRE  I 

FAIGUET-:   LANGUE  NOUVELLE* 

La  première  idée  d'une  langue  a  posteriori  se  trouve  dans  la 
fameuse  Encyclopédie  du  xviii*  siècle.  Ce  projet  n'est  guère  qu'une 
esquisse  de  graniniairo  régulière  et  simplifiée.  L'autour  dit  lui- 
même  :  «  Mon  dessein  n'est  pas  au  reste  de  former  un  langage 
universel  à  l'usage  de  plusieurs  nations.  Cette  entreprise  ne  peut 
convenir  qu'aux  académies  savantes  que  nous  avons  en  Europe, 
supposé  encore  qu'elles  travaillassent  de  concert  et  sous  les 
auspices  des  puissances.  » 

Il  n'y  a  pas  iVarlicle,  ni  aucune  distinction  de  genre.  Les  adjec- 
tifs  seront  invariai  dos  :  ce  sont  des  «  espèces  d'adverbes  », 

Les  substantifs  formeront  leur  pluriel  en  -s.  Leure  cas  sont 
remplacés  par  des  prépositions.  Les  substantifs  dérivés  des 
verbes  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -ou  idonou  =  dona- 
tion) ;  les  augmentatifs  au  moyen  de  -lé,  les  diminutifs  au  moyen 
de  -li. 

Les  pronoms  personnel  sont  :  jo,  to,  lo  :  no,  vo,  zo. 

Les  verbes  sont  invariables  en  personne  et  en  nombre.  Leurs 
temps  et  modes  sont  caractérisés  par  les  terminaisons  suivantes  : 


1.  Encyclopédie  de  Diderot  et  u'Alcmbert,  t.  IX,  article  :  Langue  nou- 
velle, par  M.  Faiouet,  trésorier  de  France  (1765), 


240 


SECTION   III,    CHAPITRE 

I 

Infinitif  présent  : 

-as. 

—      passé  : 

-is. 

—      futur  : 

-os. 

Participe  présent  : 

-ont 

Indicatif  présent  : 

-a. 

—        imparfait  : 

-é. 

—        parfait  : 

-i. 

—        plus-que-parfait  : 

-0. 

—        futur  : 

-u. 

Le  subjonctif  ne  forme  en  ajoutant  -r  à  l'indicatif.  L'imparfait 
et  le  plus-que-parfait  du  subjonctif  servent  de  conditionnels 
présent  et  passé. 

L'impéra^i/ emprunte  sa  2«  personne  singulier  à  l'indicatif  pré- 
sent (sans  pronom)  ;  les  autres  personnes  au  subjonctif  présent 
(avec  pronom). 

Le  passif  se  forme  au  moyen  du  vei'be  être  (sas),  suivi  de  l'indi- 
catif présent. 

L'interrogation  s'indique  en  plaçant  le  sujet  après  le  verbe. 

La  numération  est  prescjue  entièrement  a  priori.  Les  10  premiers 
nombres  sont  :  ba,  co,  de,  ga,  ji,  lu,  ma,  ni,  pa,  vu;  puis  :  vuba, 
vuco :  covu  =  20;  sinta  =  100:  mila  =  1000. 

Nous  n'avons  cité  ce  projet  ancien  que  parce  qu'il  contient 
quelques  indications  intéressantes  sur  ce  que  peut  et  doit  être 
une  grammaire  réduite  au  maximum  de  simplicité,  et  que  cer- 
tains détails  se  retrouvent  chez  des  auteurs  modernes  qui  ne 
connaissaient  probablement  pas  ce  précurseur  '. 

1.  Les  terminaisons  verbales  -as,  -is,  -os,  -ont  se  retrouvent  en  Espé- 
ranto. 


CHAPITRE  II 


J.  SCHIFFER  :  COMMUNICATIONSSPRACHE  ' 

Lo  pivinior  projet  complot  de  langue  a  posteriori  est,  à  notre 
<«)nnaissanco,  celui  de  Sciiipfer.  L'auteur  lui  a  donné  pour  base 
le  vocabulaire  français,  *  parce  que  la  langue  Irangaise  est  la 
plus  connue,  la  plus  répandue  de  tous  côtés,  et  la  |)lus  usitée 
Miissi  bien  comme  langue  de  cour  que  comme  langue  de  conver- 
■-ation  dans  la  vie  de  la  haute  bourgeoisie  »,  au  point  qu'il  la 
regarde  comme  étant  «  déjà  dans  une  certaine  mesure  luu^  langue 
universelle  ».  Mais  alors,  sobje(;te-t-il,  pourquoi  «  estrojiier  les 
mots  de  la  belle  langue  française  »?  Pour  la  rendre  plus  facile  à 
iipprtMidre,  et  plus  régulière  dans  sa  grammaire,  dans  son 
orlliograplicet  dans  sa  prononciation.  Pour  apprendre  sa  langue 
artificielle,  il  n'est  nullement  nécessaire  de  savoir  le  français: 
tout  au  plus  est-il  utile  d'en  connaître  les  éléments.  L'auteur 
proteste  éuergiquement  contre  l'intention  de  remi)laeer  les  lan- 
Lîues  e.xistanles  par  sa  t  langue  universelle  »  :  celle  idée  serait 
d'un  fou.  Il  veut  seulement  foiu'uir  aux  difTérents  jteuples  un 
moyen  de  communication,  ((ui  sera  i)articulièrement  utile  main- 
lenant  que  «  la  nouvelle  manière  de  voyager  »  (chemins  de  fer 
l't  bateaux  à  vapeur)  amène  à  parcourir  en  peu  de  leiups  des 
pays  de  langues  dilTérentes.  Cette  langue  facilitera  en  outre 
l'échange  des  idées  et  la  diffusion  des  sciences,  et  mettra  l'esprit 
luuuain  tout  entier  à  la  portée  d'un  chacun:  enfin  elle  suppri- 
mera les  l)arrières  que  la  diversité  des  langues  élève  eutre  les 
peuples,  et   fera  d'eux,   en  quelque  nu^sure,   une  seide  nation. 

I.  Versuch  ehier  Grammatik  filr  eine  allgemeine  Communiculions-oder 
Wellsprtiche.  xix  -f  lOô  p.  12".  (Wicsbadon,  1839).  L'niitour,  mntlrp  d'écolo 
a  Niedrrwnlliif  (sur  le  Rhin),  a  ooncu  co  projet  ayant  près  de  80  ans.  Il 
aiinonco  la  publication  d'un  Dictionnaire  et  d'une  Clireslonuilliio. 

CouTURAT  et  Leau.  —   I^nguo  univ.  10 


242  SECTION   III,    CHAPITRE   II 

L"auteur  présente  d'ailleurs  son  projet  sous  les  formes  les  plus 
modestes;  ce  n'est  qu'un  «  embryon  ».  mais  toutes  les  inventions 
ont  commencé  par  un  état  rudimentaire,  y  compris  celle  de 
Gutenberg.  Aussi  invitc-t-il  les  savants  de  tous  les  pays  à 
adopter  son  projet,  à  le  développer  et  à  le  perfectionner. 

Tous  les  mots  delà  langue  sont  empruntés  au  français,  excepté 
les  pronoms  et  les  noms  de  nombre. 

L'auteur  commence  par  énoncer  de  nombreuses  et  minutieuses 
règles  pour  écrire  phonétique  ment  les  mots  français.  Voici  quel- 
ques échantillons  de  son  orttiographe  :  iasilman,  facilement:  rena, 
reine:  geanra,  genre:  penja,  peigne:  galita,  qualité:  roa,  roi:  batailja. 
bataille:  ua,  août:  bôtea,  beauté:  masona,  nm(;on:  sesi,  ceci:  filosofia; 
cretiena.  Il  adopte  l'alphabet  français,  non  compris  k,  et  y  compris 
rv  (u  se  prononce  ou).  Il  y  ajoute  les  voyelles  infléchies  à,  ô,  u  de 
l'allemand  :  pàa,  paix;  cùriô,  curieux. 

II  n'y  a  pas  d'article,  défini,  ni  indéfini.  Un  ne  se  traduit  que 
quand  il  signifie  le  nombre  un. 

Les  substantifs  se  terminent  tous  par  -a  au  nominatif-vocatif.  On 
les  décline  en  remplaçant  cet  -a  par  -e  (génitif),  -i  (datif),  -o  (accu- 
satif), et  -u  (ablatif)  '.  Le  pluriel  se  forme  en  ajoutant  un  -s  à  la 
désinence  de  chaque  cas. 

Les  adjectifs  (transcrits  du  français  suivant  les  règles  générales) 
sont  invariables  en  genre,  en  nombre  et  en  cas.  Les  degrés  de 
comparaison  se  forment,  pour  ceux  terminés  par  une  consonne, 
au  moyen  des  suffixes  -ior  (comparatif)  et  -iost  (superlatif):  pour 
ceux  terminés  par  une  voyelle,  au  moyen  des  mots  mor  (plus)  et 
most  [le  plus)  placés  devant.  Ce  dernier  système  prévaut  toutes 
les  fois  que  le  premier  viole  l'euphonie  -. 

Les  noms  de  nombre  se  terminent  tous  par  -a,  comme  les  sub- 
stantifs, et  sont  invariables  :  Una,  dua,  tria,  quatra,  quina,  sesta, 
setta,  otta.  nona.  dia:  undia.  duadia,  tredia,  quaterdia,...;  venti: 
venti  una,...  tranti  :  tranti  una,...:  quaranti,  quinti,  sesti,  setti, 
octi,  nonti,  senti:  duasenti,....  nonasenti:  mille:  diamille,... 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  précédents  au  moyen  du 
suffixe  -nia.  Ils  se  déclinent  comme  les  substantifs. 

Les  adverbes   ordinaux  se  forment  en   ajoutant  aux   noms   de 


1.  C'est  presque  la  déclinaison  du   Volapûk. 

2.  Certaines  lettres  du  radical  reparaissent  au  comparatif  et  au  superlatif. 
Ex.  :  gran,  (jrand;  grandior,  grandiost. 


J.    SCHIFFER    :    COMMUNICATIONSSPRACHE  243 

nombre  le  suffixe  -ly  (caractéristique  des  adverbes)  :  unaly,  pr^- 

inièremeiii :  dualy.  (IctiTihnement,  etc. 

i.es  adjectifs  midi iplira tifs  sont  :  sempel,  dubel,  tripel,  quatru- 
pel.  etc.  Ils  dérivent  des  noms  de  nombre  en  changeant  -a  en-npel. 

Les  nomtn'es  de  fois  s'expriinenf  en  ajoutant  aux  noms  de 
nombre  le  sullixe  -foa  :  unafoa,  duafoa,  etr. 

Les  nombres  collectifs  se  forment  en  ajoutant  aux  noms  de 
nouibre  le  suffixe  -na  :  diana.  une  dizaine  :  duadiana,  une  douzaine,  etc. 

Les  pronoms  }>ersonnels  sont  formés  a  priori  des  trois  voyelles 
a.  e.  i.  correspondant  aux  trois  personnes  (au  nominatif);  ils  se 
déclinent  comme  les  substantifs  (ae.  ai.  ao.au.  etc.)  ',  et  forment 
leur  pluriel  comme  eux  :  as.  nous;  es,  vous:  is,  ils.  Le  pronom  de 
la  3«  personne  a  un  féminin  :  la,  elle:  ias,  elles,  qui  se  décline  de 
même  :  la,  iae,  lai,...;  ias.  iaes.  lais....  11  a  aussi  un  neutre  :  IL 
dont  les  autres  cas  sont  ceux  du  pronom  réfléclii  se  :  see.  sei, 
seo.  seu:  sees.  sais.  seos.  seus.  Ils  servent  également  à  décliner 
on  (comme  en  franc^ais). 

Les  adjectifs  possessifs  sont  :  ma.  ta,  sa;  no.  vo.  lora.  Ils  sont 
invariables,  mais  peuvent  prendre  un  -s  eupboniijue. 

Les  pronoms  possessifs  en  dérivent  par  l'adjonction  de  -la  :  maia 
ou  masia....  (le  mien).  Us  se  déclinent  comnu'  les  substantifs,  y 
(  nmpris  le  pluri«'l. 

Les  adjectifs  démonstratij's  sont  :  tis.  ce...  ci:  tos,  ce...  M*.  Ils  sont 
invariables. 

Les  pronoms  démonstratifs  en  dérivent  par  l'adjonetion  de  -la  : 
tisia.  celui-ci:  tosia.  celui-là.  Ils  se  déclinent  comme  les  substan- 
tifs. 

\ / adjccti r  interrogatif  csl  wa  ou  was.  invnriabli»;  le  pronom  inter- 
mijatifosl  waia  ou  wasia.  qui  se  décline  comme  un  substantif. 

Le  pronom  relatif  csl  wia.  invariable  en  genre,  mais  déclinable 
comme  un  substantif. 

Lnlin  \os  pronoms  indéfuds  seuls  sont  empnnités  au  français,  par 
(  xtMuple  :  quelq,  chac,  quelcuna,  chacuna,  ocun.  nul.  plûsiôr,  tu, 
tel.  tis  mem(/c  mème\  etc. 

L<'s  vcrl)cs  se  ttM'iuinent  tous  à  lïnfinitif  par  -er  :  parler,  finer, 
recever.  render.  Us  n'ont  qu'une  seule  conjugaison,  qui  s'elTectue 


\.  Toutefois,  comme  réjrime  direct  des  verbes  réfléchi»,  on  emploie  me, 

te.  se  (nu  sinjrulior  soulomonl). 

2.  Kiunrunlés  à  l'anglais  :  This  ol  Tfiose  (\A.  de  Thaï). 


244  SECTION   III,    CHAPITRE   II 

entièrement  au  moyen  des  5  voyelles.  Les  persomies  sont  indiquées 
par  les  syllabes  terminales  a,  e,  i  (sing.),  as,  es,  is  (plur.)  '. 

U  indicatif  présent  se  forme  en  substituant  ces  6  désinences  à  la 
terminaison  -er  de  l'infinitif; 

L' imparfait  se  forme  en  intercalant  un  e; 

Le  parfait  —  i  ; 

Le  plus-que-parjait        —  o; 

Le  futur  —  u, 

entre  le  radical  et  les  désinences  personnelles. 

Les  temps  du  subjonctif  se  forment  en  intercalant  un  i  avant  la 
désinence  personnelle  dans  les  temps  correspondants  de  l'indicatif. 

U  infinitif  passé  se  forme  en  changeant  -er  en  -i  dans  l'infinitif 
présent. 

Les  participes  présent,  passé,  futur  (actif)  se  forment  en  chan- 
geant la  terminaison  -er  de  l'infinitif  respectivement  en  -ang. 
-ing,  -ung.  Ex.  :  àmang,  qui  aime;  âming,  qui  a  aimé;  àmung,  qui 
aimera  ^. 

h' infinilij  présent  passif  se  forme  en  ajoutant  un -i  à  linfinitif 
actif  :  àmeri,  être  aimé. 

Les  temps  de  l'indicatif  passif  se  forment  en  ajoutant  à  l'infi- 
nitif actif  les  désinences  -a  (présent),  -ea  (imparfait),  -la  (parfait), 
-oa  (plus-que-parfait),  -ua  (futur). 

Les  temps  du  subjonctif  passif  dérivent  de  ceux  de  l'indicatif 
suivant  la  même  règle  qu'à  l'actif. 

Les.  participes  présent,  passé,  futur  (passif)  se  forment  en  ajou- 
tant à  linfinitif  actif  respectivement  les  terminaisons  -ang.  -ing, 
-ung.  Ex.  :  àmerang,  qui  est  aimé;  âmering,  qui  a  été  aimé:  àmerung, 
qui  sera  aimé  (ou  qui  doit  être  aimé). 

Les  participes  sont  invariables,  comme  les  adjectifs. 

La  négation  s'exprime  par  non,  mis  avant  le  verbe;  Vinterroga- 
tion  s'exprime  par  an  en  tête  de  la  phrase,  ou  par  ne  enclitique 
après  le  premier  mot  de  la  phrase  ^ 

Les  adverbes  primitifs  (et  locutions  adverbiales)  sont  empruntés 
littéralement  au  français. 

Les  adverbes  dérivés  se  forment  en  ajoutant  le  suffixe  -ly  (E.)  à 
l'adjectif  :  hôrôly,  heureusement. 

i.  Par  suite,  le  pronom  sujet'n'est  jamais  énoncé  (comme  en  latin). 
2.  Cela  ressemble  beaucoup  aux  participes  de  V Espéranto, 
■i.   Comme   en   latin.    De   même,   Tintcrrogation  négative   s'e.xprime    par 
annon  ou  nonne. 


J.   SCHIFFER    :    COMMUNICATIONSSPRACHE  245 

Leur  comparalif  et  leur  su|»(M'lalir  se  foiMuciit  <mi  rijoiitanf  -ly 
au  coniparalif  ol  au  suporlalif  de  ladjcctir  :  profundiorly,  profun- 
diostly;  mor  agreabely,  most  agreabely. 

Les  prépositions  et  conjonctions  sont  empruntéos  littéralement  au 
IVanc^ais. 

Pour  la  Syntaxe,  l'autour  laisse  toute  liberté  aux  diverses 
nalious  do  suivre  leurs  règles  et  leurs  usages.  Toutefois,  il  pro- 
l)()se  (pi<>l<pies  règles,  dont  voici  les  i)rincipales. 

Le  nom  du  lieu  où  l'on  va  se  mettra  à  raccusatif,  celui  du  lieu 
où  l'on  est  ou  d'où  l'on  vient,  à  l'ablatif.  Ex.  :  veni  Pragu  e  alli 
Yienno,  il  vient  de  Prague  et  va  à  Vienne. 

L'auteur  montre  par  des  e;cemplesla  commodité  des  participes 
passé,  présent  et  futur  de  l'actif  et  du  passif,  (jui  peuvent  rem- 
placer les  propositions  relatives  et  qui  jouent  le  rôle  de  lablalif 
absolu  du  latin. 

Il  propose  divers  suffixes  pour  la  formation  des  mots  dérivés. 
Ainsi  le  suffixe  -la  sert  à  former  le  féminin  des  substantifs  :amia. 
ami  :  amiaia,  amie. 

Le  suffixe  -er  sert  à  former  les  verbes  dérivés  de  substantifs  et 
d'adjectifs.  Mais  fauteur  ne  donne  aucune  règle  pour  le  sens  de 
ces  verbes;  ainsi  :  viner  =  boire  du  vin;  egliser  =  aller  à  l'église: 
màsoner  =  rester  à  la  maison:  jardiner  =  travailler  au  jardin  (V.  jar- 
diner). De  même,  grander  =  grandir  (devenir  grand):  mais  àser 
=  rendre  aisé. 

L'auteur  imagine  encore  pour  les  verbes  un  suffixe  augmen- 
tatif -oner  ivineroner  =  boire  beaucoup  de  vin),  un  suffixe  diminutif 
-iner,  et  un  suffixe  péjoratif  -riser.  De  plus,  il  applique  aux 
verbes  les  degrés  de  comparaison:  morviner, />oirf  p/»s  devin; 
mostviner,  boire  le  plus  possible  de  vin  ;  menviner,  boire  moins  de  vin 
Enlin  il  admet  le  {)réfixe  négatif  ou  privatif  a-  pour  tous  les 
verbes  :  aviner,  ne  pas  boire  de  vin  '. 

D'ailleurs,  l'auteur  se  défend  de  vouloir  prescrire  des  règles 
déllnitives,  et  de  se  poser  en  «  dictateur  »,  Il  fait  appel  à  la  col- 
laboration des  [)hilologues  et  grammairiens. 

Son  ouvrage  se  termine  par  divers  textes  (contes,  lettres) 
écrits  dans  la  «  langue  de  communication  »,  et  traduits  en  alle- 
mand et  en  français.  Nous  en  extrayons  le  Pater  : 

No  Fera,  wia  ete  Cielu,  ta   Noma  sanctiferii;  ta  Royoma  Âis 

1.  Cf.  la  M argneri talion  de  M.  Bollack. 


246  SECTION   III,    CHAPITRE   II 

arrivii;  ta  volonta  fàrerii  com  Cielu  ànsi  Terru.  Donne  Ais  noa 
Pàno  quotidien;  pardonne  Ais  noa  offansos,  com  pardonnas  Aos 
offanding;  non  permette  que  succombias  tantationi;  ma  délivre 
Aos  malu. 

L'auteur  constate  que  le  Pater  contient  237  lettres  dans  sa 
langue,  tandis  qu'il  en  contient  271  en  anglais,  288  en  latin, 
331  en  allemand,  333  en  italien  et  334  en  français;  ce  qui  prouve 
la  concision  de  sa  langue. 

D'autre  part,  il  donne  diverses  traductions  des  premières 
phrases  du  Télémaque,  pour  montrer  la  flexibilité  de  sa  langue  et 
la  variété  des  inversions  qu'elle  permet. 

Nous  ne  nous  attarderons  pas  à  critiquer  ce  projet  curieux. 
Son  principal  défaut  est  de  prendre  pour  base  une  seule  langue 
nationale,  et  de  lui  emprunter  tous  ses  mots  :  il  les  dénature 
assez  pour  rendre  sa  langue  déplaisante  aux  Français,  pas  assez 
pour  la  rendre  régulière  et  simple.  On  remarquera  que  Schiffer 
emploie  comme  flexions  grammaticales  et  môme  comme  pro- 
noms la  série  des  voyelles  :  c'est  un  procédé  qui  rappelle  les 
langues  a  priori  et  mixtes,  et  qui,  pour  les  pronoms  surtout, 
produit  une  disparate  choquante  dans  une  langue  a  posteriori. 


CHAPITRE  III 


L.   DE   RUDELLE  :  PANTOS-DIMOU-G LOSSA^ 

L'aulcur,  (jui  l'ut  professeur  de  langues  vivantes  dans  plusieurs 
lycées  de  France  et  à  TÉcole  polytechnique  de  Londres,  ne 
propose  nullement  une  langue  universelle,  c'est-à-dire  unique 
|)Our  tous  les  peuples,  qu'il  considère  comme  «  le  riHe  du  plus 
insensé  des  utopistes  »,  mais  simplement  une  langue  cosmopo- 
lite, commerciale,  «  destinée  à  faciliter  les  relations  internatio- 
nales ».  II  la  imaginée  en  combinant  les  dix  langues  (ju'il 
connaissait  de  manière  à  en  former  un  idiome  simple,  logique 
et  absolument  régulier.  Il  a  pris  spécial(Mnent  pour  base  de  son 
vocabulaire  le  grec,  le  latin  et  les  langues  néo-latines;  mais 
dans  sa  grammaire  il  s'est  aussi  inspiré  de  l'anglais,  de  l'alle- 
maïul  et  du  russe.  11  se  promettait,  si  la  grammaire  trouvait  bon 
accueil,  de  publier  un  Dictionnaire,  qui  n'a  jamais  paru. 

GR.4MM.MRE. 

L'alphabet  comprend  23  lettres  simples,  6  voyelles  :  a.  e.  i,  o.  y 
iou),  œ  (en):  et  17  consonnes  :  b.  c  (s),  d,  f,  g  (dur),  h,  j.  k,  1.  m.  n. 
p.  r,  s,  t,  V,  z:  plus  ;>  lettres  complexes  :  sh  (ch),  ch  [iclD.  gh  i(/  tbir 
<levant  e.  il:  Ih  [Il  mouillées):  û  (S.,  comme  gn  F.K 

I.  Grammaire  primidve  d'une  langue  commune  à  tous  les  peuples  (l'anlos- 
(limou-glossa)  destint'e  à  faciliter  les  relations  internationales  dan.^  les  cinq 
parties  du  monde,  por  Llcien  de  Rldelle,  08  p.  in-S"  (Bordeaux,  iliez  l'au- 
teur, rue  (les  Trois-Couiis.  i3;  Paris,  Delalain,  1858).  L'auteur,  «'tant  profes- 
seur de  langues  vivantes  nu  collège  Louis-le-Grand,n  Paris,  avait  inventé  en 
1830  un  système  d'orllio-phonographie  pour  représenter  In  prononciation  si 
difficile  de  l'anglais,  et  publié  divers  ouvrages  scolaires  :  Instructeur  théo- 
rique et  pratique  de  la  prononciation  anglaise  (1831,  1850);  Grammaire 
de'monstratiee  de  la  langue  anglaise  (liH). 


248  SECTION   III,    CHAPITRE   III 

L'auteur  a  exclu  lu  français.  La  lettre  h  n'a  pas  de  son  propre, 
et  ne  sert  qu'à  composer  les  lettres  complexes.  Toutes  l(>s  autres 
lettres  ont  partout  et  toujours  le  même  son  :  le  c  n'est  employé 
que  devant  e  et  i:  le  g  doux  est  remplacé  par  j  devant  e  et  i. 

L'acceiil  porte  sur  la  dernière  syllabe  du  mot,  s'il  finit  par  une 
consonne:  sur  l'avant-dernicre,  s'il  finit  par  une  voyelle.  On  ne 
le  marque  que  dans  les  verbes. 

Certaines  parties  du  discours  se  distinguent  par  leurs  finales  : 
les  adverbes  se  terminent  en  o,  les  prépositions  en  i,  les  conjonc- 
tions en  y,  les  interjections  en  ce.  Les  adjectifs  sont  caractérisés 
par  la  finale  z. 

Les  trois  genres  se  distinguent  par  trois  voyelles  caractéris- 
tiques :  e  (masc),  a  (fém.),  o  (neutre). 

Le  pluriel  est  marqué  par  la  finale  i,  et  Vaccusatif  est  caractérisé 
par  la  lettre  m. 

Les  autres  cas  de  la  déclinaison  sont  indiqués  par  des  préposi- 
tions :  di  (génitif),  zi  (datif),  fi  (ablatif). 

Il  y  a  trois  articles  :  définitif,  indéfinitif,  partitif.  Voici  la 
déclinaison  de  Varticle  définitif  : 


Masc. 

Fém. 

Neutre. 

Sing. 

Nom. 

el 

al 

Ol 

Ace. 

lem 

lam 

lom 

Gén. 

del 

dal 

dol 

Dat. 

zel 

zal 

zol 

Abl. 

fel 

fal 

fol 

Plur. 

Nom. 

eli 

ali 

oli 

Ace. 

lemi 

lami 

lomi 

Gén. 

deli 

dali 

doli 

Dat. 

zeli 

zali 

zoli 

Abl. 

feli 

fali 

foli 

L'article  indéfinitif  est  (au  nom.  sing.)  :  en,  an,  on.  11  se  décline 
comme  le  précédent  (remplacer  partout  I  par  n). 

L'article  partitif  n'o.  que  les  formes  suivantes  :  Gén.  sing.  neutre  : 
dol,  du,  de  la,  un  peu  de:  Gén.  plur.  :  deli  (m.),  dali  (f.),  doli  (n.), 
des,  quelques. 

Les  substantifs  se  terminent  tous  par  une  des  voyelles  géné- 
riques e,  a,  0.  Leur  genre  est  toujours  naturel.  Pour  les  noms 
d'animaux,  le  neutre  indique  l'espèce  en  général  :  el  eke,  le  cheval: 
al  eka,  la  jument:  ol  eko,  le  cheval,  la  race  chevaline  (L.  equus). 


L.    DE   nUDELLE   :    PANTOS-DIMOU-GLOSSA  249 

\.o  pluriel  des  siibstanlifs  se  forme  en  ajoutant  -ci  au  sinij^nlier  : 
eli  ekeci,  les  chevaux. 

Les  substantifs  ne  se  déclinent  pas.  Leur  cas  est  indiqué  par 
l'article,  par  le  pronom  ou  par  la  préposition  qui  les  accompagne. 

lis  sont  susceptibles  tlo degrés  marqués  par  les  suffixes  suivants  : 

-mô,  augmentatif  mélioratif; 
-nô,  augmentatif  i)éjoratif  ; 
-tô,   diminutif  mélioratif; 
-dô,  diminutif  péjoratif. 

Exemples:  oma-mô,   (j  r  amie  el  belle  femme  ; 

ome-dô.    vilain  petit  homme  ; 
oma-tô.    jolie  petite  femme. 

L'adjectif  se  termine  toujours  au  singulier  par  un  z.  précédé 
i\o  la  voyelle  généri(iue  (e.  a.  o).  11  prend  un  -i  au  pluriel.  11  s'ac- 
rorde  en  genre  et  en  nombre  avec  le  substantif. 

Les  degrés  sont  : 

Le  comparatif  de  supériorité,  marqué  par  -pô  (plus); 

—  dinfériorité,  —  -mnô  {moins); 

—  d'égalité,  —  -tô  (autant); 

—  d'inégalité,  —  -nô-tô: 
Le  superlatif   de  supériorité,            —  -gô; 

—  d'infériorité,  —  -mnô; 

—  absolu.  —  gô-. 

Le  que  ({ui  suit  un  comparatif  se  traduit  par  ky.  Kx.  :  pry- 
dentez-pô  ky  =  plus  prudent  que:  rikez-mnô  ky  =  moins  riche  que: 
allez  tô  ky  =  aussi  haut  que;  grandez-nô  tô  ky  =  pas  si  grand  que- 
el  rikez-gô  =  le  plus  riche:  gô-belez  =  très  beau. 

Les  noms  de  nombres  cardinaux  sont  invariables  et  terminés 
en  0  :  ono.  I:  dyo.  2;  tro,  3:  tetro.  4:  pento.  "i:  ekso.  ('>:  epto.  7: 
okto.  S:  nono.  0:  deko.  10:  ondeko.  Il:  dodeko.  1-2:  trodeko.  13:... 
venteko.  20:  ventekono.  21  :  ventekdyo.  22:...  trenteko.  30:  tetrenko. 
40:penteko.  îiO;...  ekato.  100:  dyekato.  200:  trekato,  300:...  kilo. 
1.000;  myro,  10.000:  ekatokilo.  100.000:  ekato  myro.  /  million. 

Les  nombres  ordinaux  sont  des  adjectifs  formés  en  remplaçant 
lo  fmal  des  nombres  cardinaux  par  les  désinences  -ez.  -az.  -oz 
(suivant  le  genre)  :  onez  (-az.  -oz),  premier;  dyez.  deuxième,  etc. 

Les  adverbes  numéraux  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  -ô  aux 


250  SECTION    III,    CHAPITRE   III 

nombres  ordinaux  neutres  :  onozô.  premièrement:  dyozô.  deuxiè- 
mement, etc. 

Les  nombres  mulliplicatifs  ont  la  désinence  -plez  (plaz,  -ploz)  : 
simplez.  dyplez.  triplez,  kadryplez.  kintyplez,  sestyplez,  oktyplez. 
nonyplez.  dekyplez....  centyplez*... 

Les  nombres  répélitijs  se  forment  en  mettant  un  accent  grave 
sur  l'o  final  des  nombres  cardinaux  :  onô,  une  fois;  dyô,  deux 
fois,  etc. 

Les  nombres  fractionnaires  sont  les  substantifs  :  medio  ou  mezo. 
moitié:  terzo.  tiers;  karto,  quart;  kinto.  sesto,  septimo.  oktavo. 
nono,  decimo,  ondeclmo,...  centimo...  milezimo...  On  peut  les  rem- 
placer par  ladjectif  ordinal  au  neutre  suivi  de  parto  {partie)  . 

01  ekatoz  parto,  la  centième  partie. 

Enlin  les  nombres  dL^^tributifs  se  forment  au  moyen  de  la  prépo- 
sition zi  (à)  :  dyo  zi  dyo  =  deux  à  deux. 

Les  pronoms  persoiuiels  n'ont  que  le  masculin  et  le  féminin  aux 

2  premières  personnes.  Ils  ont  deux  cas  :  \e  nominatif  et  Vaccusatif. 


Nominatif 
f. 


Accusatif 
f. 


1'"  pers.  smg.  (je)  : 

—  plur.  (nous) 
2'  pers.    sing.  (iu)  : 

—  plur.  (vous) 
3e  pers.   sing.  : 

—  plur.  : 


e 

eci 

te 

teci 

Ihe 

Iheci 


a 

> 

em 

am 

> 

aci 

» 

emci 

amci 

» 

ta 

» 

tem 

tam 

» 

taci 

> 

temci 

tamci 

» 

Iha 

Iho 

Ihem 

Iham 

Ihom 

Ihaci 

Ihoci 

Ihemci 

Ihamci 

Ihomci 

11  y  a  en  outre  un  pronom  réfléchi  et  indéfini  à  la  fois 


Sing.  (on)  : 
Plur.  (certains)  : 


dzo;     dzem,      dzam,      dzom. 
dzoci;  dzemci,  dzamci,  dzomci. 


Les  cas  indirects  de  ces  pronoms  se  forment  au  moyen  de 
Taccusatif  et  des  prépositions. 

Pour  donner  aux  pro/ioms  personnels  un  sens  emphatique,  on  leur 
ajoute  (au  radical)  -dze,  -dza,  -dzo  (suivant  le  genre)  :  edze,  moi- 
même;  Ihadza,  elle-même. 

Les  adjectifs-pronoms  possessifs  sont  les  mômes  pour  les  per- 
sonnes du  pluriel  que  pour  celles  du  singulier.  Ils  varient 
comme  des  adjectifs  : 

1.  On  remarquera  qu'ils  ne  dérivent  pas  régulièrement  des  nombres  car- 
dinaux. 


L.    DE    RUDELLE   :    PANTOS-DIMOU-GLOSSA  251 

Singulier  Pluriel 

m.  f.  II.  m.  {.  n. 

l"pors.  :       emez.  emaz.  emoz.        emezi,  emazi,  emozi. 
2"  pors.  :       tez.      taz.      toz.  tezi,      tazi.      tozi. 

3<^  pcrs.  :       Ihez,    Ihaz,    Ihoz.         Ihezi.    Ihazi,    Ihozi. 
Au  pronom  ivfléclii  correspond  le  pronom  possessif  : 

dzoz  (son)  dzozi  (ses) 

Les  adjeclifs-pronoms  déinonstralifs  sont  : 

dez.    daz,    doz    {celui-ci)  ;  dezi,    dazi.     dozi. 

stez,  staz,  stoz  {celui-là);  stezi,   stazi,   stozi. 

ktez,  ktaz,  ktoz  {celui  [qui]);    ktezi,  ktazi,  ktozi. 
Le  pronom  relalif  est  : 

Nom.  :    ke,       ka,       ko;  keci,        kaci,         koci. 

Aoc.  :      kem,    kam,    kom:  kecimi,     kacimi.     kocimi. 

Los  pronoms  inlerroyalifs  sonl  au  nombre  de  trois.  L(>  prcinicr 
sert  uniquement  de  pronom  (qui)  : 
Nom.  :  ke  ly.     ka-ly.     ko-ly:       keci-ly.       kaci-ly,      koci-ly. 
Ace.  :    kem-ly,  kam-ly,  kom-ly;     kecimi-ly,  kacimi-ly,  kocimi-ly. 
Le  second  sert  uniquement  d'adjectif  (que/)  : 

kez,        kaz,        koz;  kezi,  kazi,  kozi. 

Le  troisième  peut  s'employer  avec  ou  sans  substantif: 

kedez,    kadaz.    kodoz:      kedezi,        kadazi.        kodozi. 
Le  pronom  exclnmnlif  (quel!)  est  : 

ketez,     kataz,     kotoz;      ketezi,        katazi,        kotozi. 
Les   principaux  pro/ioms  indéfinis  sont:  alikez  (quelque):  nylez 
(«»/);  nenez  {aucun,  personne);  niloz  (nV/i);tote2  (loui);  omnez  (toul, 
chaque);  talez  (tel),  etc. 

Les  l'erbes  ont  une  conjugaison  absolument  uniforme.  Ils  sont 
invariables  en  nombre  et  en  personne  (étant  précédés  du  pronom). 
Leur  infinitif  {qui  se  termine  en  -ar,  -er  ou  -ir)  constitue  le  radical 
verbal.  A  ce  radical  on  ajoute  les  terminaisons  suivantes  : 
-a      pour   Vindicatif  présent; 
-e         —  —  imparfait; 

-i         —  —  passé  défini; 

-0        —  —  futur; 

-iy  -     —     le  conditionnel  présent  ; 
-y        —     le  subjonctif  présent  ; 

\.  On  peut  remarquer  cpren  français  son  est  le  pronom  possessif  corres- 
pondant au  pronom  indéfini  on. 
2.  Auparavant  Vu  français. 


252  SECTION   III,    CHAPITRE   III 

-œ    pour  le  subjonctif  imparfait  ; 
-vê  pour  former  les  temps  secondaires  passés; 
-se  —  les  temps  et  modes  du  passif; 

-nô  pour  marquer  la  négation; 
-ly  —  l'interrogation; 

-sô  —  lix  fréquence  ; 

-rô  —  la  répétition; 

-tô  —  la  restriction  («  seulement  »); 

-do  pour  former  le  gérondif  (substantif  verbal)  ; 
-dez,  -daz,  -doz  —  le  participe  présent; 
-tez,  -taz,  -toz  —       passé; 

-nez,  -naz,  noz  —       futur. 

L'impératif  se  forme  en   suffixant  à  l'infinitif  le  pronom  per- 
sonnel. Exemjile  : 

amar,  aimer.  amardo,  en  aimant. 

amara,  j'aime.  amara-ve,  fai  aimé. 

amare,  f  aimais.  amare-ve, /ayais  aimé. 

amari,  f  aimai.  amari-ve,  feus  aimé. 

amaro.  f  aimerai.  amaro-ve,  f  aurai  aimé. 

amariy,  f  aimerais.  amariy-ve, /aurais  aimé. 

amary,  que  f  aime.  amary-ve,  que  f  aie  aimé. 

amaroe.  que  f  aimasse.  amarce-ve,  que  f  eusse  aimé. 

amara-se,  je  suis  aimé.  amara-se-ve,  j'ai  été  aimé. 


amara-nô,  je  n'aime  pas. 
amara-ly,  est-ce  que  j'aime? 
amara-nô-ly,  est-ce  que  je  n'aime  pas? 

amardez  (-az, -oz),  aimant;  amartez,  aimé  *  ;  amarnez,  qui  aimera; 
amarnez-vê,  qui  a  dû  aimer  ;  amarnez-sê,  qui  sera  aimé; 
amarnez-sê-vê,  qui  a  dû  être  aimé. 
Les  verbes  impersonnels  se  conjuguent  sans  pronom  :  plyera  = 
il  pleut. 

Les  verbes  réfléchis  se  forment  à  toutes  les  personnes  au  moyen 
de  l'accusatif  du  pronom  réfléchi  :  -dzem,  -dzam,  -dzom;  dzemci, 
dzamci,  dzomci. 

Les  verbes  réciproques  se  forment  au  moyen  des  suffixes  :  en- 
-nem,  -an-nam,  -on-nom,  l'un  l'autre  (suivant  le  genre)  ;  au  plur.  : 
-eni-nemci,  -ani-namci,  -oni-nomci,  les  uns  les  autres. 

1.  Remarquer  cette  inconséquence. 


L.    DE    RUDELLE    :    PANTOS-DIMOU-GLOSSA  2?) 3 

Tous  les  adverbes,  primitils  ou  dérivas,  finissent  en  -ô.  Citons 
en  quelques-uns  :  ito,  oui;  no,  non;  ko,  on;  kyndo,  quand;  kanto. 
combien;  komodô,  conimenl;  kyro.  pourquoi;  orô,  maintenant;  nynkà, 
jamais;  solô.  seulement;  satizo,  assez;  nimio,  trop;  spo.  souvent;  ià, 
dedans;  eksô,  dehors;  syprô,  dessus;  sybo,  dessous. 

Toutes  les  prépositions  se  terminent  en  -i.  Voici  les  principales 
(outre  di,  zi  et  fi)  :  ji,  dans;  eksi.  hors  de;  sypri.  sur;  sybi,  sous; 
anti,  avant;  posti,  après;  ki,  avec;  sini,  sans;  pi,  par:  pri,  pour; 
obi,  à  cause  de;  fri,  de  la  part  de;  lokdi,  au  lieu  de. 

Toutes  les  conjonctions  se  terminent  en  -y.  Voici  les  j)rinci- 
pales  :  y,  et;  vely,  ou;  ny,  ni;  sedy,  mais;  atky,  or;  ergy,  (/o/ic;  kipy. 
car,  parce  que;  ejy,  si  (conditionnel);  ejazy,  si  (dubitatif);  ky,  que. 
pour  que;  yty,  afin  de;  nyky,  de  peur  que;  kiy,  pourquoi. 

La  synta.re  est  réduite  au  minimum.  L'adjectif  se  place  après  le 
substantif,  quand  il  exprime  une  qualité  naturelle  et  perma- 
nente; avant,  quand  il  exprime  une  qualité  passagère  ou  contes- 
table, ou  quand  il  est  pris  au  figuré  [un  homme  grand,  un  grand 
homme). 

Les  prépositions  régissent  toutes  l'accusatif. 

Le  subjonctif  est  réservé  aux  cas  où  la  pensée  implique  le 
doute  ou  l'incertitude. 

L'ordre  des  mots,  dans  la  phrase,  est  entièrement  facultatif, 
comme  en  latin,  la  grammaire  permettant  toutes  les  inver- 
sions. 

Pour  éviter  les  hiatus,  on  peut  ajouter  un  d  eu|)honique  h  la 
lin  des  mots  finissant  par  une  voyelle.  Cette  addition  est  (»bliga- 
toire  avec  les  monosyllabes,  et  avec  les  polysyllabes  dont  la  finale 
est  semblable  h  l'initiale  du  mot  suivant. 


VOCABL'LAIRE. 

Le  vocabulaire  (autant  qu'on  en  peut  juger  par  le  glossaire 
de  4  pages  que  contient  la  Grammaire)  est  emprunté  au  latin,  au 
grec  et  aux  langues  romanes.  Ex.  :  substantifs  :  ako  =:eau:  doloro 
=  douleur;  eksito  =  sortie;  kalitato  =  qualité;  lakrimo  =  larme; 
maro  =  mer;  naturo  =  nature:  palpebro  =  paupière;  rejo  =  roi; 
verano  =  printemps;  adjectifs  :  bonez  :=  bon:  eternez  =  éternel; 
iioritez  ^=  Jleuri:  infortynatez  =  malheureu.T:  pylchrez  ■=  beau: 
verl)es  :  ser  =  cire;  aver  =  avoir;  dicer  =  dire;  facer  =  Jnire: 


254  SECTION   III,    CHAPITRE   III 

evanecer  =  disparaître;  irigar  =  arroser;  mirar  ^=  regarder;  oder 
=^  oser:  poter  =  pouvoir;  seghir  =:  suivre;  trovar  =:  trouver; 
verter  =  tourner;  vider  =  voir. 

Pour  la  dérivation,  l'auteur  donne  de  brèves  indications.  Pour 
dériver  un  substantif  d'un  verbe,  on  ajoute  au  radical  (infinitif) 
le  suffixe  -de.  -da,  -do  (suivant  le  genre).  Ex.  :  parlarde  =  par- 
leur. 

Pour  dériver  un  adjectif  d'un  substantif,  on  emploie  les  suf- 
fixes -dez  (daz.  -doz)  et  -pez  (paz.  -poz>  suivant  la  relation  à 
exprimer.  Ex  :  marmorodez  =  de  marbre  ;  vaporopez  =  à  vapeur. 

Pour  dériver  un  verbe  d'un  substantif,  on  emploie  les  suffixes 
-facer  {changer  en),  -fikar  {faire),  -zir  {entrer),  -star  [être),  -fyjir 
{sortir,  s'éloigner).  Ex.  :  niàitacer.  foire  son  nid  de...;  nidifikar,  cons- 
truire un  nid;  nidizir,  entrer  ou  nid:  nidistar.  se  tenir  dans  le  nid; 
nidifyjir,  sor//r  (/«  nid. 

De  tout  adjectif  neutre  on  peut  former  un  adverbe  en  y  ajou- 
tant la  désinence  -ô. 

Voici,  comme  échantillon  de  la  Pantos-dîmou-glossn,  la  traduc- 
tion de  la  première  phrase  du  Télémoque  : 

Potére-nô  konsolar-dzam  Kalipsoa  dol  eksito  did  Ylise. 


Critique. 

Il  nous  a  paru  intéressant  d'exposer  avec  quelque  détail  ce 
projet  ancien  et  peu  connu,  parce  qu'il  est  vraiment  remar- 
quable, eu  égard  à  sa  date,  et  quil  peut  soutenir  la  comparaison 
avec  bon  nombre  de  projets  postérieurs,  où  l'on  retrouve  souvent 
les  mêmes  idées  et  parfois  les  mômes  formes.  Les  principes  théo- 
riques en  sont  presque  irréprochables,  la  grammaire  est 
presque  entièrement  régulière  (sauf  dans  la  numération)  ;  mais 
elle  est  plus  compliquée  qu'il  n'est  nécessaire  :  par  exemple,  on 
pourrait  supprimer  sans  inconvénient  la  distinction  formelle 
des  genres.  C'est  surtout  dans  l'application  qu'elle  pèche  :  en 
particulier,  le  choix  des  flexions  grammaticales  est  trop  arbi- 
traire, ce  qui  donne  à  la  langue  un  aspect  un  peu  baroque.  Mais 
la  conjugaison,  quoique  synthétique,  n'est  pas  plus  artificielle 
que  celle  du  Volapiik,  qui  n'a  guère  fait  que  changer  en  i)réfixes 
les  voyelles  qui  servent  de  suffixes  temporels.  (Le  fait  de  n'em- 
ployer dans  la  conjugaison  que  des  suffixes,  et  pas  de  préfixes. 


L.    DE    HUDELLE    :    PANTOS-DIMOU-GLOSSA  255 

ost  m(^mo  un  avantage  au  point  do  vue  do  la  clarté.)  En 
lovancho,  lo  d  ouphonique  et  la  faculté  d'inversion  presque 
illimiléc  nuisent  beaucoup  à  la  clarté.  En  somme,  ce  projet, 
ôvidiMuiuont  dorectnoux.  est  certainoinonf  moins  imparfait,  plus 
simple  et  plus  prati(iue  que  la  plupart  de  ceux  qui  lui  ont 
succédé,  et  c'est  là  un  mérite  singulier  pour  son  inventeur.  Il 
a  ou  lo  |)romior  corlainos  idôi^s  qui  ont  été  appliquées  avec  plus 
do  rigueur  et  de  bonheur  dans  d'autres  systèmes  :  telles  sont 
l'idée  de  distinguer  les  parties  du  discours  par  leurs  désinences; 
l'idée  do  remplacer  tous  los  cas,  sauf  l'accusatif,  par  dos  prépo- 
sitions; celle  de  supprimer  dans  los  verbes  toute  distinction  do 
l>ersonnes:  enfin  l'idée  de  former  régulièrement  des  dérivés 
avec  des  suffixes  do  sons  dot<M'miuo.  Tout  cela  fait  honneur  à 
l'ingéniosité  et  au  jugement  do  l'auteur,  et  mérite  que  son  nom 
r\  son  système  soient  sauvés  de  l'oubli. 


CHAPITRE   IV 

PIR^O  :  UNIVERSAL-SPRACHE^ 

Dans  une  courte  Préface,  l'auteur  expose  d'abord  la  nécessité 
croissante  d'une  langue  auxiliaire  pour  les  relations  internatio- 
nales (surtout  commerciales),  et  l'impossibilité  d'adopter  pour 
cela  une  langue  nationale.  «  Nous  n'adoptons  donc  aucune  des 
langues  connues,  ou  plutôt  nous  les  adoptons  toutes  :  car  nous 
choisissons  dans  chaque  langue  les  mots  les  plus  connus  et 
ceux  dont  la  prononciation  donne  le  moins  de  difficulté  »  :  par 
suite,  «  le  latin  fournit  la  plus  grande  partie  de  ces  mots  ».  Telle 
est  la  base  du  vocabulaire.  Quant  à  la  grammaire,  elle  n'offrira 
aucune  des  difficultés  propres  aux  langues  nationales  :  «  elle 
aura  peu  de  règles,  une  seule  conjugaison  très  simple  »,  lal- 
phabet  «  se  composera  de  sons  communs  à  toutes  les  langues  ». 
L'auteur  avoue  môme  que  sa  langue  serait  encore  plus  simple  et 
plus  régulière  (par  exemple  dans  la  dérivation)  s'il  n'avait  pas 
voulu  tenir  compte  des  langues  naturelles.  Les  langues  qu'il  vise 
sont  les  cinq  langues  dans  lesquelles  son  vocabulaire  est  traduit, 
et  dans  lesquelles  il  se  proposait  de  publier  son  ouvrage,  à 
savoir  :  le  français,  l'allemand,  l'anglais,  l'italien  et  l'espagnol. 

Grammaire. 

Valphabet  (en  lettres  latines)  comprend  6  voyelles  :  a,  e,  i.  o.  u 
(ou),  ù  («);  et  20  consonnes  :  b,  c  (ts),  d,  f,  g  (dur),  h,  j  (y),  k,  1,  m, 
n,  p,  q,  r,  s,  t,  v,  x,  z  [Is),  plus  la  lettre  grecque  a  (ch). 

Toutes  les  lettres  se  prononcent  séparément. 

1.  Universal-Sprache,  \on  Pirro.  124  +  200  p.  in-S-  (Paris,  Retniix,  1808). 
Il  existe  des  traductions  de  cet  ouvrn.ire  en  français  et  en  anglais. 


PIRRO    :    UNIVERSAL-SPRACHE  257 

\. 'article  défini  est  el  (sing.),  li  (plur.)  sans  distinction  de  genres. 
L' article  indéfini  est  un  (sing.  seulement). 

Le  substantif  ost  invariable  ;  le  nombre  est  indiqué  par  l'article  *. 
Los  cas  sont  indiqués  par  des  prépositions  :  de,  ad,  ex. 

\.c  féminin  (naturel)  est  indiqué  par  le  suffixe  -in  :  rex  =  roi, 
rexin  =  reine:  kavalin  =  jument. 

L"a</;Vc/(/' est  également  invariable  en  nombre,  en  genre  et  en 
cas.  Ses  deyrés  sont  indiqués,  soit  par  les  suffixes  -er  et  -est,  soit 
par  les  particules  mer  et  mest.  Ex.  :  riker  ou  mer  rik,  plus 
rirlw  :  el  rikest  ou  el  mest  rik,  le  plus  riche. 

L»>s  nombres  cardinaïur  sont  : 

un,  du,  tri,  quat,  quint,  sex,  sept,  okt,  nov,  dec  ;  undec.  1 1  :  dudec, 
12:...  duta,  20:  duta  un,  21  :...  trita,  30;...  cent,  100;...  mil,  1.000; 
milion:  miliar.  mille  millions. 

Los  adjectifs  ordinaux  se  forment  (sauf  le  premier)  au  moyen  du 
suffixe  (des  adjectifs)  -li  :  prim.  1":  duli,  2»:  trili,  :)'". 

Les  adverbes  ordinaux  dérivent  des  précédents  par  Taddilion 
d  nii  -t  (suffi.xe  des  adverbes)  :  primlit,  1°:  dulit,  2°. 

I.ts  nombres  ordinaux  servent  aussi  de  nombres  fractionnaires  : 
du  trili  =  2/3. 

Les  nombres  de  fois  s'expriment  avec  le  mot  volt  =:  fois.  On 
substantifio  les  noms  de  nombre  au  moyen  du  suffixe  -in  :  septin, 
semaine. 

Les  pronoms  personnels  ont  chacun  deux  formes,  l'une  pour  le 
nominatif,  laulre  pour  l'accusatif  et  les  autres  cas.  Ce  sont  : 


1"  p.  s. 

2«  p.  s. 

3"  p.  s. 

1"  p.  1-1. 

■i'  p.  pi. 

.T  p.  pi. 

Nom. 

I 

tu 

li 

nos 

vos 

ili 

Ace, 

etc.  me 

te 

eil 

enos 

evos 

eili 

11  n'y  a  pas  de  distinction  de  genre,  même  à  la  3«  personne. 

Le  ])rononi  réfléchi  est  se  (ace). 
Les  adjectifs  possessifs  sont  : 


1«  p.  s. 

•2"-  p.  s. 

y  p.  s. 

1"  p.  pi. 

•2'  p.  pi. 

3'  p.  pi. 

Siiig. 

men 

ten 

sen 

nor 

vor 

lot 

Plur. 

ment 

teni 

seni 

nori 

vori 

lori 

On  voit  qu'ils  varient  en  nombre,  mais  non  en  cas. 

1.  Le  pluriel  indéfini  est   marqué  par   l'absence  d'article  :   I  habe  un 
kaval,  y'flj  un  cheval;  I  habe  kaval.y'rt/  des  chevaux. 

CouTCRAT  et  Leav.  —  I.Anguo  univ.  '  ' 


258  SECTION   III,    CHAPITRE   IV 

Les  pronoms  possessifs  sont  les  adjectifs  possessifs  précédés  de 
l'article  défini  (el,  11). 

Les  adjectifs-pronoms  démonstratifs  sont  invariables  en  genre  : 
Sin^.       dit,  celui-ci;        dat,  celui-là. 
Plur.       diti,  dati. 

Le  pronom  relatif  interrogatif  unique  est  :  ke  (sing.),  kei  (plur.) 
invariable  en  cas. 

Les  principaux  pronoms  indéfinis  sont  :  on,  on:  jed,  chaque:  un, 
quelque  :  nul,  aucun:  tôt,  tout;  tal,  tel;  alter,  autre:  self,  même.  Ils 
prennent  un  -i  au  pluriel  (sauf  les  2  premiers). 

Les  verbes  ont  tous  la  même  conjugaison.  Ils  sont  invariables 
en  personne  et  en  nombre.  On  ajoute  au  radical  verbal  -en  pour 
former  l'infinitif,  -ant  pour  le  participe  présent,  -ed  pour  le  parti- 
cipe passé  ;  -e  pour  l'indicatif  présent,  -ed  pour  le  passé,  -rai 
pour  le  futur,  et  -rais  pour  le  conditionnel  présent.  Les  temps 
secondaires  se  forment  au  moyen  de  l'auxiliaire  haben  (avoir) 
et  du  participe  passé.  L'impératif  se  réduit  au  radical  verbal. 
Exemple  :  lob  (idée  de  louange). 

loben  :=  louer,  lobant  =  louant,  lobed  =  loué. 
Indicatif  présent  :  lobe. 

—  passé  :  lobed. 

—  futur  :  lobrai. 

—  futur  antérieur  :  habrai  lobed. 
Conditionnel  présent  :        lobrais. 

—  passé  :  habrais  lobed. 

Impératif:  lob. 

Le  passif  se  forme  au  moyen  de  l'auxiliaire  esen  {être)  et  du 
participe  passé  : 

Infinitif  :  esen  lobed 

Indicatif  présent  :  ese  lobed 

—  passé  :  esed  lobed 

—  futur  :  esrai lobed 

—  futur  antérieur  :  esrai  esed  lobed 
Conditionnel  présent  :      esrais  lobed 

—  passé  :  esrais  esed  lobed 

Impératif  :  es  lobed 

Les  verbes  réfléchis  se  forment  à  l'aide  du  pronom  réfiéchi  se  à 
la  3'=  personne,    et  des  pronoms  personnels  à  l'accusatif  aux 
autres  personnes  :  se  loben,  se  louer;  I  lobe  me,  Je  me  loue. 
Les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  se  forment  par  l'addition  d'un 


PIRRO    :    UNIVERSAL-SPRACHE  259 

-t  :  totlit,  totalement:  gradlit.  (jraduellemenl:  nuovlit.  récemment; 
naturlit,  naturellement  :  unlit,  seulement. 

Les  adverbes  primitifs  n'ont  pas  de  forme  spéciale.  Los  princi- 
paux sont  :  jes.  oui:  non,  non:  di,  ici:  da,  là:  nun.  maintenant: 
mai.  jamais:  semper,  toujours:  oft,  souvent:  jam,  déjà:  bald,  bientôt: 
tant,  autant:  quant,  combien:  molt,  beaucoup,  très:  sat.  assez:  trop. 
trop:  vo,  0»? 

\j's  préi)ositions  sont  empruntées  la  |)lupart  au  latin  :  ad,  de, 
ex,  in,  per,  pre,  post,  pro,  sub,  inter:  kon,  avec:  sin,  sans:  kontra. 
'•onire:  tra,  à  travers:  tlL  jusqu'à:  um,  autour:  up,  sur:  uper, 
au-dessus  de. 

I..CS  conjonctions  sont  formées  de  môme  :  e,  et:  o,  ou:  ed,  aussi: 
ma,  (drus:  den  (D.),  car:  ferner  (D.),  en  outre:  si.  si:  quan,  quand: 
ke,  (ytu':  perke,  y^arce  ryue:  exke,  depuis  que:  postke,  ajirh  (jue: 
tilke,  jusqu'à  ce  que. 

La  Syntaxe  est  extrêmement  simple  :  l'auteur  ne  donne  [tas  de 
règles  de  construction,  et  se  borne  à  recommander  de  suivre 
l'ordre  naturel  et  d'éviter  les  inversions.  Dans  les  exemples  qu'il 
donne.  le  réirinio  direct  suit  toujours  le  verbe  :  El  man  de  ke  vos 
habe  vided  el  sonin  =  L'Iiomme  de  qui  vous  avez  vu  la  jille  '. 


VOC.VBULAIRE. 

L'ouvrage  de  Pirro  contient  un  Lexique  allemand- universel  de 
<S7  pages  (à  3  colonnes),  et  un  «  Verb-bibel  »  universel  rrant:ais- 
allemand-anglais-italien-espagnol  de  23t")  pages,  contenant  au 
moins  7000  mots:  plus  un  Lexique  géographique,  où  les  noms 
géographiques  sont  adoptés  avec  l'orthographe  nationale.  Les 
radicaux  send)lent  empruntés  un  peu  au  hasard  aux  langues 
vivantes  et  surtout  au  latin.  Les  radicaux  germaniques  sont  assez 
rares  :  on  remarque  :  hand  ^  main  :  hund  =  chien  ;  haus  =  maison  ; 
held  — -  héros:  help  =  aide:  hirn  =r. cerveau:  varm  =  chaud:  vald  = 
l'orcl:  vang  =  joue :vaser^  eau:  vork  =  ouvrage:  vund  =  blessure: 
vil  =  volonté:  vild  =  sauvage:  vind  =  vent.  Les  noms  des  saisons 
sont  mi-germanrques,  mi-latins  :  printemp.  somer.  vintemp, 
vinter.  Les  noms  des  mois  sont  germano-latins  :  Januar.  Februar, 


I.  Constriiclion  française;  tandis  que  rallemand  dit  :   l>er  Mann  dessen 
Tocfiter  ihr  geseUen  habet. 


260  SECTION   III,    CHAPITRE   IV 

Mars,  April,  Mai.  Juni,  Juli,  August,  September,  Oktober,  November, 
December:  ceux  des  jours  de  la  semaine  sont  plutôt  latins  : 
Lundai,  Mardai,  Erdai,  Jovdai,  Vendai,  Samdai,  Diodai.  A  côté  de 
pater  (père),  mater  (mère),  on  a  :  son  (fils)  et  sonin  (fille):  man 
(homme)  et  manin  (femme)  *. 

La  dérivation  s'eflectue  régulièrement  par  l'adjonction  de  suf- 
fixes aux  radicaux.  Outre  le  suffixe  du  féminin  -in,  et  le  suffixe 
verbal  -en,  il  y  a  un  suffixe  -iet  pour  former  les  diminutifs:  un 
suffixe  -nes(D.,  E.)pour  former  les  substantifs  (abstraits)  dérivés 
d'adjectifs;  des  suffixes  -er  pour  désigner  l'agent,  -stan  le  lieu,  et 
-toi  rinstrument  de  l'action:  plus  des  suffixes  indéterminés 
empruntés  au  latin  :  -al,  -el,  -ur,  -tat,  -ion  ou  -sion.  Pour  former 
les  adjectifs,  on  a  les  suffixes  -li  pour  les  qualités  passives 
{•ly  E.,  -lich  D.):  -iv  ou-ant  pour  les  qualités  actives:  -fol  (E.  -fui, 
D.  -voll)  ou  -rik  pour  désigner  la  plénitude  ou  l'abondance: 
le  préfixe  an-  (G.)  pour  désigner  le  manqu(>  ou  l'absence: 
enfin  les  suffixes  indéterminés  -al  et  -ik.  Exemples  :  viv  =  vie, 
viven  =  vivre,  vivli  =  vif,  vivlines  =  vivacilé:  visen  n=  savoir, 
visnes  =  science,  visli  =  scientifique  :  maniet  =  garçon,  manietin  = 
fille,  manli  =  viril,  maninli  =  féminin:  kost  =  prix,  kosten  = 
coûter,  kostli  =  précieux:  anfidli  =  infidèle:  anfirm  =  infirme, 
anfirmnes  =  infirmité,  anfirmstan  =  infirmerie:  observatnes  = 
observation,  observatstan  =  observatoire  :  anfinited  =  infini,  anfi- 
nitiv=  infinitif:  monak,  monakal  :  lir,  lirik:  spiritfol  ^=  spirituel,  etc. 

Les  mots  composés  se  forment  en  juxtaposant  les  radicaux  : 
lobkant  =:  hymne:  vapornav  =  bateau  à  vapeur:  Unedstat  =  États- 
Unis. 

Voici  un  échantillon  de  VUniversal  Sprache  :  «  Men  senior,  I 
sende  evos  un  gramatik  e  un  verb-bibel  de  un  nuov  glot  nomed  uni- 
versal  glot.  In  futur  I  scriptrai  evos  semper  in  dit  glot.  I  pregate 
evos  responden  ad  me  in  dit  self  glot.  » 


Critique. 

PiRRO  a  eu  le  mérite  de  formuler  le  premier  avec  netteté  les 
l)rincipes  d'une  langue  a  posteriori  vraiment  internationale  et 
neutre.  Sa  grammaire  est  régulière  et  simple,  trop  simple  peut- 

1.  L'auteur  n'a  pas  évité  les  homonymes  :  post  =  api^ès  et  poste. 


PIRRO    :    UNIVERSAL-SPRACHË  261 

ôtre  (par  exemple  (piami  il  supprime  le  pluriel  des  substantifs 
pour  le  IranslV'rer  aux  artieles  ou  pronoms  ('oncf)niitants).  Les 
formes  de  la  conjugaison  sont  heureusement  choisies;  on  n'en 
peut  pas  dire  autant  des  flexions  qui  les  traduisent  :  comme  elles 
sont  empruntées  trop  servilement  aux  lanf^ues  vivantes,  leur  liélé- 
rogénéilé  ressoi't  d'une  façon  chociuanle  i-en  1).,  -ant  F.,  -ed  K.  : 
-rai,  -rais  F.).  De  plus,  elles  ofl"reut  un  autre  inconvénient  :  c'est 
(pie  les  peuples  aux<piels  elles  sont  empruntées  seraient  leidés 
irrésistiblement  de  les  prononcera  la  manière  nationale  t-ant 
nasal;  -rai,  -rais  comme  ré,  rè:  -en  D.  non  accentué,  etc.).  L'em- 
ploi de  l'auxiliaire  être  pour  le  verbe  être  lui-même  est  une 
inconséquence  (et  un  germanisme). 

Le  vocabulaire  pèche  aussi  par  l'hétérogénéité,  non  pas  que 
nous  blAmions  l'introduction  de  racines  germaniques,  mais 
parce  qu'elles  ne  sont  pas  suffisamment  fondues  avec  les  racines 
latines.  C'est  surtout  dans  les  dérivations  que  cette  hétérogé- 
néité apparaît,  et  donne  lieu  h  des  doublets  :  ainsi  à  côté  de 
observâmes,  on  a  observatsion:  de  violnes.  violatsion:  de  trans- 
formnes.  transformatsion:  de  ratsionli,  ratsionaL  etc.  En  outre,  les 
suffixes  de  tiérivation  n'ont  pas  un  sens  assez  i)récis  et  spécia- 
lisé :  -nés  exprime  à  la  fois  l'état  ou  la  qualité,  l'action,  le  résultat 
d(>  l'action  :  vedovnes  =  veuvage,  vildnes  =  sauvfKjerie  et  déserL 
viatnes  ^=:  voynije,  kennes  --  connaissance,  manifestnes  =  manifesta- 
tion, haines  =:  hachis.  Cela  vient  de  ce  que  l'auteur  fait  corres- 
[tondre  ses  suffixes  aux  suffixes  des  langues  naturelles,  et  non  à 
une  idée  bien  iléter minée  •.  Ainsi,  dans  veines  =  voilure,  piknes 
=  piqiire,  sodnes  =  soudure,  le  môme  suffixe  -are  répond  à  des 
idées  bien  dilïérentes. 

Malgré  ces  imperfections,  le  projet  de  PiRRO  a  plus  de  qualités 
et  moins  de  défauts  que  la  plupart  des  projets  postérieurs,  et, 
vu  l'époque  où  il  a  paru,  il  fait  grand  honneur  à  son  inventeur. 

1 .  Nous  avons  déjà  remarqué  ce  défaut  dans  le  Volapttk. 


CHAPITRE    V 


VOLK   ET  FUCHS  :  WELTSPRACHE  » 

Les  autours  de  cette  langue  sont  très  sobres  d'explications  sur 
leur  système.  Ils  ont  pris  pour  base  le  vocabulaire  latin,  «  parce 
que  non  seulement  il  est  connu  do  tous  les  gens  cultivés,  mais 
encore  parce  qu'il  est  le  fondement  des  langues  romanes  ». 

Grammaire 

IJalphabel  comprend  7  voyelles,  5  pures  :  a,  e,  i,  o,  u,  et  2 
inlléchios  :  à,  ô  *:  et  14  consonnes  :  b,  c,  d,  f,  g,  j,  1,  m,  n, 
p.  r,  s.  t,  V.  Les  voyelles  u,  à,  ô,  se  prononcent  comme  en  alle- 
mand: c  se  prononce  toujours  k:  g  est  toujours  dur:  j  se  pro- 
nonce y  (comme  en  D.). 

L'accentuation  est  soumise  à  des  règles  assez  compliquées  qui 
tondent  à  faire  coïncider  l'accent  avec  l'accent  latin,  malgré 
l'altération  (abréviation)  des  radicaux  et  des  désinences. 

11  y  a  un  article  défini  le  (plur.  les)  et  un  article  indéfini  un  (sing. 
seulement)  qui  sont  invariables  en  genre  et  se  déclinent  comme 
suit  : 

Sing.  Plur.  Art.  ind. 

Nom.  le  les  un 

Gén.  lis  lum  unis 

Dat.  li  lib  uni 

Ace.  la  las  una 

1.  Die  Weltsprache,  entvorfen  auf  Grundlage  des  Laleinischen,  zum 
Selbstunterricht,  von  A.  Volk  und  R.  Fuchs,  105  p.  8°  (Berlin,  Kiihl,  1883). 
La  préface  est  datée  de  janvier  1882. 

2.  Qui  correspondent  aux  ae,  oe  du  latin. 


VOLK   ET   FUGHS    :    WELTSPRACHE  263 

Los  substantifs  n'ont  pas  de  genre  non  plus.  La  difTérence  de 
genre  est  in(li(|iu''(',  soit  par  des  mots  différents  :  pater.  mater: 
frater,  soror:  leon=^ lion,  leàn  =  lionne:  soit  par  le  sul'lixo  féminin 
-in  :  fil  ^=Jlls,  filin  =  fille:  lup  =  loup,  lupin  =  louve. 

Ils  ont  deux  déclinaisons,  une  «  organique  »  (synthétique)  et 
une  «  mécanique  »  (analytique). 

Les  substantifs  dont  le  radical  se  termine  par  une  consonne 
(c'est  la  grande  majorité)  suivent  la  déclinaison  synthétique, 
marquée  par  les  désinences  suivantes  (—  représente  le  radical)  '  : 

Singulier  Pluriel 

Nom.  —  —  es 

Gén.  — is  —  um 

Dat.  —  i  —  ib 

Ace.  — a  —as 

Les  substantifs  dont  le  radical  se  termine  par  une  voyelle  (mots 
étrangers)  sont  invariables;  seul  l'article  se  décline  (comme  avec 
les  autres  substantifs,  d'ailleurs). 

Knlin  les  noms  propres,  n'ayant  i)as  d'article,  sont  simplement 
précédés  dos  [)articules  de  au  génitif  et  a  au  datif. 

Les  adjectifs  sont  invariables,  soit  comme  épithètes,  soit  comme 
attributs  (prédicats).  Ils  ne  varient  que  lorsqu'ils  sont  employés 
substantivement  (avec  l'article).  Ils  prennent  alors  les  suffixes  -a 
au  féminin  ^  et  -ot  au  neutre. 

l.e^deyrés  de  comparaison  s'indiipient,  soit  d'une  manière  synthé- 
tique, soit  d'une  manière  analytique,  comme  le  montre  l'exemple 
suivant  : 

grand:        grandio.  plus  grand:     grandisse,  le  plus  grand^: 
ou  :  mage  grand.  —  magisse  grand,  — 

Les  noms  de  nombre  sont  : 

un,  du.  très,  cvart.  cvint,  secs,  sept,  oct.  nov,  dec:  undec.  11  : 
dudec.  12,  tresdec.  13:...  vigin.  20:  unvigin.  21:...  tresgin,  30: 
cvargin,  40  ;  cvingin,  50  :  secgin.  («O  :  sepgin.  70  :  ocgin.  so  :  nogin.  '.•0  : 
cent.  100:  cent  un.  101:...  ducent.  200.  etc.  (comme  les  dizaines); 
mil.  1.000:  du  mil,  2.000.  etc.  :  million. 

1.  Los  désinonccs  is,  i.  es,  um.  ib  rappellent  la  3"  déclinaison  latine;  les 
désinences  a  et  as  rappellent  la  3"  déclinaison  grecque. 

2.  On  reniar(|uera  (juc  ce  sufllxe  n'est  pas  le  même  que  le  suffixe  des 
substantifs  féminins  (-in). 

3.  Les  adjectifs  (assez  nombreu.x)  en  -iv  perdent  cette  terminaison  aux 
degrés  de  comparaison  :  diligentiv.  diligentio,  diligentisso. 


264  SECTION   III,    CHAPITRE  V 

Ils  sont  tous  invariables,  sauf  un,  qui  se  décline  et  peut  s'em- 
ployer substantivement. 

Les  adjectifs  ordinaux  dérivent  des  nombres  cardinaux  au  moyen 
du  suffixe  -iv,  sauf  les  deux  premiers  :  primiv,  secundiv,  tresiv, 
cvartiv,  etc.  ;  centiv,  cent  primiv,  etc. 

Les  adverbes  ordinaux  dérivent  des  nombres  ordinaux  i)ar  le 
changement  de  -iv  en  -o  :  primo,  secundo,  treso,  cvarto.... 

Les  nombres  multiplicatifs  sont  :  simplo,  duplo....  decplo... 

Les  nombres  de  fois  (répétitifs)  sont  :  semel,  dumel... 

Les  fractions  s'énoncent  comme  suit  :  un  dupart.  1/2;  du 
trespart,  2/3. 

Enfin  les  noms  de  nombre  se  substantifîent  au  moyen  du 
suffi.xe  -ad  :  tresad,  la  triade:  tresunad,  la  Trinité. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif  et  au  singulier  : 

1"  p.  2'  p.  3"  p.  m.  3"  p.  f.  3''  p.  n. 

em  at  il  el  it 

Ils  se  déclinent  comme  les  substantifs,  seulement  le  r-adicaldes 
2  premiers  se  réduit  aux  cas  obliques  à  m,  t  :  mis,  mi,  ma  :  mum, 
mib,  mas.  Ainsi  les  pronoms  du  pluriel  sont,  au  nominatif  : 

ems,  nous;  ets,  vous;  ils,  ils  ;  els,  elles;  ils,  ils  (neutre). 

Il  y  a  en  outre  un  pronom  de  politesse  :  vos  [vous)  qui  se  décline 
comme  un  substantif  et  fait  par  suite  au  nom.  pluriel  :  voses;  un 
pronom  réfléchi  ^  se  (sis,  si,  sa;  ses,...)  et  un  pronom  indéfini  on 
(onis,  oni,  ona;  ons...). 

Les  adjectifs  possessifs  sont,  pour  les  personnes  du  singulier  : 

mon,  ton,  von,  son  (m.),  san  (f.),  son  (n.). 
et  pour  les  personnes  du  pluriel  : 

not,  vot,  vosot,  lot  (m.),  lat  (f.),  lot  (n.). 

Ils  se  transforment  en  pronoms  possessifs  quand  ils  sont  pré- 
cédés de  l'article  le.  Ils  sont  invariables  comme  les  adjectifs.  Ils 
peuvent  se  remplacer  par  le  génitif  du  pronom  personnel  corres- 
pondant (comme  en  Volapûk);  cela  est  même  obligatoire  pour 
celui  de  la  3<=  personne,  quand  il  n'est  pas  réfléchi. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  : 

die  (m.),  dac  (f.),  doc  (n.),  celui-ci,  celle-ci,  ceci; 
lie  (m.),  lac  (f.),  loc  (n.),  celui-là,  celle-là,  cela; 

1.  Le  pronom  réfléchi  s'emploie  pour  désigner  le  sujet  de  la  proposition 
(ou  de  la  proposition  principale,  lorsqu'il  se  trouve  dans  une  proposition 
subordonnée). 


VOLK   ET   FLCHS    :    WELTSPRACHE  265 

dicil,  dicel,  dicot,  celui  {qui)  ; 
lemet,  lemat,  lemot,  le  même. 
Ils  se  décliiioiit  comme  des  substantifs. 
Le  pronom  relatif  osl  : 

vel  (m.  f.),  vet(n.),  qui,  que. 
Le  pronom  interrogalif  esl  : 

vil  (m.  1'.),  vit  (n.),  qui?  que? 
Les  principaux  pro/ioms  indéfinis  sont  : 

onal  (m.  f.),  onot    (n.),  maint. 
alon       —      alot       —    quelque. 
nalon     —      nalot     —   aucun. 
tal  —      talot     —    tel. 

alvel      —      alvelot  —    chaque. 
velon     —     velot     —    tout. 
Les  verbes  ont  tous  linlinitif  actif  terminé  en  -an.  Us  ont  deu.v 
conjugaisons,    suivant   qu'ils    sont   monosyllabiques   ou    poly- 
syllabiques. Les  deux  conjugaisons  se  distinguent  par  ce  que 
les  premiers  prennent  comme  préfixes  et   les   seconds  comme 
suffixes  les  caractéristiques  des  temps,  qui  sont  : 
pour  le  présent  :  néant. 

—  V imparfait  :  a. 

—  le  parfait  :  e. 

—  le  plus-que-parfail  :    i. 

—  \e  futur  :  o. 

—  le  futur  antérieur  :      u'. 

Les  modes  sont  indiqués  par  les  suffixes  a  [indicatif)  et  à  {sub- 
jonctij,  optatif  et  conditionnel).  Les  temps  tlu  su6/o/jc///' correspon- 
dent au  présent  et  au  parfait;  ceux  de  Voptatif,  à  l'inqiarfait  et  au 
plus-que-parfait;  et  ceux  du  conditionnel,  aux  deux  futurs  de  l'in- 
<licalif. 

La  voix  passive  ne  diiTère  de  la  voix  active  que  par  le  change- 
ment des  voyelles  des  modes  a  et  à  en  o  et  ô. 

La  conjugaison  des  modes  personnels  s'elTectuc  au  moyen  des 
désinences  personnelles  suivantes  *  : 

!•  p.  s.  2'  p.  s.  3'  p.  s.  1'  p.  pi.  2*  p.  pi.  3»  p.  pi. 

-m  -s  -t  -mi  -si  -ti 


1.  Quand  ces  voyelles  sont  suf(l.xes,  elles  sont  suivies  d'un  s  qui    les 
sépare  du  suffl.\e  caracléristiiiue  des  modes  (voir  plus  bas). 

2.  Empruntées  aux  langues  anciennes,  surtout  au  grec. 


266  SECTION   III,    CHAPITRE   V 

Voici  par  exemple  l'indicatif  présent  du  verbe  diligan,  aimer  : 

em  diligam.  j'aime. 

at  diligas,  tu  aimes. 

il  diligat,  il  aime. 

ems  diligami,  nous  aimons. 

ats  diligasi,  vous  aimez. 

ils  diligati,  ils  aiment. 

Il  faudrait  conjuguer  de  môme  tous  les  temps,  dont  voici  le 

tableau  complet  : 

ACTIF 

SUBJONCTIF 

em  diligam. 
em  diligesàm. 


INDICATIF 

Présent  :  em  diligam 
Parfait  :  em  diligesàm 


Imparfait  :  em  diligasam 
Plus-que-parfait  :  em  diligisam 


OPTATIF 

em  diligasam. 
em  diligisam. 

CONDITIONNEL 

em  diligosàm. 
em  diligusâm. 


Futur  :  em  diligosàm 

Futur  antérieur  :  em  diligusâm 

I.MPÉRAT1F  (présent)  : 
2*^  pers.  sing.  :  diliga  plur.  :  diligate. 

INFINITIF  PARTICIPE 

Présent  :  diligan.  diligant. 

Passé  :  diligesan.  diligesant. 

Futur  :  diligosan.  diligosant. 

Pour  obtenir  les  temps  correspondants  du  passif,  il  suffit  de 
remplacer  partout  dans  la  dernière  syllabe  a  et  a  respective- 
ment par  0  et  ô. 

Le  verbe  san,  être,  étant  monosyllabique,  a  les  formes  sui- 
vantes (correspondantes)  : 


em  sam 

em  sàm 

em  esam 

em  esam 

em  asam 

em  asam 

em  isam 

em  isâm 

em  osam 

em  osàm 

em  usam 

em  usâm 

sa 

sate 

san 

sant 

esan 

esant 

osan 

osant 

VOLK    ET   FUCHS    :    WELTSPIIACHE  267 

On  conjuf^iio  de  même  le  verbe  son,  devenir;  il  suffit  tlo  rom- 
placor  partout  a  ot  a  par  o  rt  ô.  Lo  vorbe  avoir  se  dit  lan. 

Les  verbes  impersonnels  se  mettent  h  la  3*  pers.  sing.  avec  le 
sujet  it  (neutre)  :  it  oportat,  il  faut:  it  decat,  il  convient. 

Les  auteurs  vont  jus(prà  conserver  les   faux  inipcrsoniwl.'i  du 
lalin  avec  leur  construction  bizarre  :  it  ponitat  ta  ton  negligentitis 
=  ta  te  repens  de  ta  négligence  (L.  te  pœnitet  tux  néglige nliœ). 
I.a  négation  s'exprime  par  non  devant  le  verbe. 
L'interrogation  s'exprime  en  plaçant  après  le  verbe,  soit  son 
sujet,  soit  l'enclitique  -ne  (L.). 

I,(>s  adrerht's  (It'rirês  se  tei'mincnt  généralement  en  -e:  bon. 
bone:  diligentiv,  diligente'.  Leurs  degrés  de  comi)araison  se 
loiment  comme  ceux  des  adjectifs  :  bone,  bonie,  bonisse.  Ceux 
des  adrerbes  i)rimilifs  se  forment  analytiquement  (au  moyen 
de  mage,  magisse). 

Ces  derniers  sont  empruntés  en  général  au  latin.  Mais  les 
adverbes  démonstratifs,   relatifs-interrogalifs  et   indéfinis  sont 
construits  a  priori,  en  coi'rélation  entre  eux  et  avec  les  [)ronoms 
analogues.  Ainsi  aux  adverbes  relatifs-interrogatifs  suivants  : 
vo       vinde       cvo  van  cvote  vam 

OH        d'où  où  ([uand  combien  comment 

correspondent  les  adverbes  indéfinis  : 

alvo    alvinde    alcvo         alvan  alcvote  alvam 

n'importe  où 

el  les  adverbes  démonstratifs  : 

le      Une         lo  nunc  tote  tam 

ici      d'ici      vers  ici      maintenant      autant  de  fois      aatant 
Les  prépositions  et  les  conjonctions  sont  presque  toutes  emprun- 
li'(>s  au  latin. 

La  Syntaxe  est  particulièrement  soignée  et  détaillée,  et  illustrée 
de  nondireux  exemples.  Toutes  les  prépositions  régissent  le 
nominatif  (la  distinction  du  lieu  où  l'on  va  est  marquée  par  la 
variation  de  la  préposition  :  in.  ini>.  Le  genre  (dans  les  |)ronoms 
notamment)  est  toujours  naturel.  Le  complément  essentiel  d'un 
adjectif  (son  objet)  se  met  à  l'accusatif  (comme  parfois  en  latin 
et  en  grec)  :  le  vent  sat  util  la  notera,  le  vent  est  utile  au  navigateur: 
le  sim  sat  simil  la  gomona.  le  singe  est  semblable  à  l'homme. 

De   lut'ine.  \o  comi)lément  direct  (ou  unique)  du  verbe  se  met 

\.  Ici  oncore  la  terminaison  -iv  disparaît. 


268  SECTION   III,    CHAPITRE   V 

toujours  à  l'accusatif  :  le  frig  nocat  las  arboras,  le  froid  nuit  aux 
arbres  :  le  puer  ludat  la  mendica,  l'enfant  se  moque  du  mendiant. 

Le  complcnient  indirect  se  met  au  génitif  ou  au  datif,  suivant 
le  sens  :  em  gloram  ma  lis  amicis,  je  me  vante  de  mon  ami;  em 
gloram  ma  11  amici.  je  me  vante  à  mon  ami. 

Pour  la  corresi)ondance  des  temps  et  modes  des  propositions 
principales  et  subordonnées,  les  auteurs  adoptent  les  règles 
compliquées  du  latin.  Le  subjonctif  s'emploie  dans  tous  les  cas 
d'incertitude,  d'interrogation,  d'intention,  de  discours  indi- 
rect, etc.  *.  On  admet  même  la  proposition  infinitive  avec  le  sujet 
à  l'accusatif  :  at  scias,  ma  diligan  ta  =  tu  sais  que  je  Vaime. 

D'autre  part,  rinfiiiitif  s'emploie  à  l'actif  ou  au  passif  suivant 
le  sens  :  il sat terribil  specton,  il  est  terrible  à  uoir(litt.  :  àêtrevu).  Le 
participe,  avec  ses  trois  temps,  peut  souvent  remplacer  toute 
une  proposition  relative.  Ex.  :  la  vira,  timanta  nalota  in  le  mund, 
non  terrosat  le  mort,  la  mort  n'effraiera  pas  l'homme  qui  ne  craint 
rien  au  monde. 

Le  conditionnel  est  employé  (fort  logiquement)  dans  la  proposi- 
tion conditionnelle  aussi  bien  que  dans  la  principale  :  si  em 
olàmtempa,  scribosâmunaepistola,  si  j'avais  (litt.  -.j'aurais)  le  temps, 
j'écrirais  une  lettre. 

Pour  la  construction,  l'adjectif-épithète,  le  nombre  et  le  pronom 
se  mettent  en  général  devant  le  substantif;  le  génitif  se  met 
après.  Le  sujet  se  met  avant  le  verbe;  l'adverbe  et  les  complé- 
ments après.  Mais  cet  ordre  normal  peut  être  interverti  sans 
inconvénient,  grâce  aux  cas  (à  l'accusatif  surtout),  comme  le 
montre  l'exemple  cité  plus  haut  (la  vira  timanta...). 


Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  csl  emprunté  en  grande  partie  au  latin.  Les  mots 
latins  doivent  subir  quelques  altérations,  d'abord  à  cause  de 
l'absence  de  certaines  lettres  :  au  se  change  en  o,  eu  en  e,  y  en  i, 
k,  ch  et  sch  en  c,  qu  en  cv,  zen  s,  x  en  es,  th  en  t,  ph  en  f,  et  /i  en  g  : 
ensuite,  parce  que,  pour  se  soumettre  à  la  déclinaison  unique, 

1.  Les  auteurs  sont  surtout  guidés  par  l'usage  allemand.  Ex.  :  it  sat  bon, 
ce  at  venas,  il  est  bon  que  tu  viennes  (D.  :  dass  du  kommst,  indic);  em 
credasam,  ce  il  sciasât  ita,  je  croyais  qu'il  le  savait  (dass  er  es  icusste, 
subj.). 


VOLK   ET   FUCHS    :    WELTSPRACHE  269 

les  substantifs  doivent  avoir  le  radical  terminé  par  une  consonne. 

Los  désinences  -a  et  -us  sont  supprimées:  les  noms  de  la 
3'^  déclinaison  sont  réduits  à  leur  radical  (obtenu  en  supprimant 
la  désinence  -is  du  génitif).  Ex.  :  fin,  pan,  mar,  flor,  milit,  lact, 
pac.  bov.  greg.  nub.  mont.  cord.  itiner.  carn  icxceplion  temp.  d(; 
leminis).  l.cs  mots  eu  -o  prciiiicid  un  n  :  carbon,  virgon,  ordon, 
gomon  {homme).  Les  noms  de  la  5°  déclinaison  prennent  aussi 
un  n  au  lieu  de  s  final  :  spen  =  espoir  (spes),  din  =  jour  (dies), 
facin  =:face  (Jhcies). 

Certains  mots  sont  plus  altérés  :  fil  =  fils  (fllias):  vict  =  vic- 
toire (Victoria):  avac  =  eau  [aqua):  igen  =feu  (ignis):  tant  =  enfant. 

Les  adjectifs  sont  modifiés  suivant  les  mêmes  règles:  ils 
prennent  souvent  la  désinence  -iv. 

Les  verbes  prennent  à  l'infinitif  la  désinence  -an.  qu'on  sub- 
stitue à  V-o  final  du  présent  latin  (à  -or  dans  les  déponents)  :  dan. 
donner:  ridan,  rire:  locvan.  parler. 

Outre  les  mots  latins,  la  langue  adopte  tous  les  €  mois  étran- 
gers »  iidernationaux  :  dogma;  rapport:  telescop;  cemi  (chimie); 
basar:  pot:  gans:firma:  tallor  (/oi7/eijr):  etablan  le/ab/jr). Quelques 
mots  allemands  sont  (Muployés  pour  éviter  l'équivoque  des 
racines  latines  :  glas  =  verre  (à  boire);  bue  =  livre:  monat  = 
mois  (mens  ^=  table)  ^.  Pour  la  même  raison,  quelques  racines 
latines  sont  légèrement  alt<''r<'es  :  judec  =  jutic  <Jiiflir-i!<\:  judic 
=  jugement  (judicianv.  ' 

L(>s  auteurs  forgent  même  des  mots  à  racines  latines,  comme 
antores.  prédécesseurs,  ancêtres,  et  postures,  successeurs,  postérité. 

Les  auteurs  admettent,  outre  les  désinences  caractéristiques 
([ue  l'on  connaît  déjà  (-iv  pour  les  adjectifs,  -e  pour  les  adverbes) 
quelques  suffixes  de  dérivation  :  -in  i)our  les  êtres  féminins: 
-or  pour  les  êtres  masculins;  -ol  pour  les  diminutifs  :  filol  = 
filiolus  (L.):  -on  pour  les  fruits  et  diverses  autres  choses  :  malon 
=  pomme  :  ovon  =  œuf^. 

\  oici.  à  titre  d'échantillon  de  cette  langue,  la  traduction 
(lu  Ptiler  : 

Not  pater,  val  sas  in  les  côles,  ton  nomen  sanctôt,  ton  regnon 
venàt,  ton  voluntat  sot  vam  in  le  col,  tam  in  le  ter.  Not  diniv  pana 
da  mib  godie.  Condona  mib  not  culpa.  vam  ems  condonami  not 


I 


I.  Cr.  VEsperanto. 
2.  Cet  -on  correspond  à  la  désinence  neutre  -tim  (L.)  ou  -on  (G.). 


270  SECTION   III,    CHAPITRE   V 

debitorib.   Non  duca  mas  in  tentation,  sed  libéra  mas  lis  malot 
(ou  :  ab  le  malot). 

Critique. 

Ce  projet  est  intéressant  et  bien  étudié.  Mais  sa  grannnaire 
est  encore  trop  compliquée.  D'une  part,  la  déclinaison  de  l'ar- 
ticle fait  double  emploi  avec  celle  du  substantif:  dautre  part,  la 
variation  du  verbe  suivant  les  personnes  fait  double  emploi  avec 
les  pronoms.  La  déclinaison  et  la  conjugaison  font  un  effort 
louable  pour  se  rapprocher  des  langues  connues,  du  latin  sur- 
tout: mais  les  désinences  des  cas  sont  peu  harmonieuses  et 
manquent  d'homogénéité,  tandis  que  les  désinences  person- 
nelles ont  troj)  de  symétrie  et  d'uniformité.  Malgré  la  tendance 
a  posteriori  de  l'ensemble  du  projet,  la  méthode  a  priori  y  a  une 
part  excessive,  d'abord  dans  les  caractéristiques  des  temps 
(3,  e,  i,  0,  u),  ensuite  dans  la  construction  des  pronoms  et 
adverbes  démonstratifs  et  autres.  La  synta.xe  est  également  trop 
compliquée,  et  inutilement,  comme  le  montrent  les  exemples  où 
le  même  verbe  est  à  l'indicatif  en  français  et  au  subjonctif  en 
allemand,  ou  inversement.  En  revanche,  elle  offre  certains  avan- 
tages de  souplesse  et  de  brièveté  (grâce  à  l'accusatif  et  aux  trois 
temps  du  participe). 

Dans  le  vocabulaire,  les  mots  latins  sont  trop  souvent  déformés 
par  suite  du  manque  de  lettres,  ou  par  certaines  tendances 
a  priori  assez  peu  conformes  à  l'esprit  du  système.  Ex.  :  libiv  := 
libre  (cf.  libéral,  liberan,  liberalitât,  libertât);  patrut  :=  patrie  (cf. 
patriv  =  de  la  patrie,  adjectif). 

D'autre  part,  malgré  le  petit  nombre  des  suffixes  caractéris- 
tiques, les  auteurs  admettent  beaucoup  de  radicaux  qui  se  ter- 
minent comme  ces  suffixes,  ce  cjui  est  fait  pour  induire  en 
erreur;  notamment,  il  y  a  beaucoup  de  noms  terminés  en  -an  et 
-on,  comme  des  infinitifs  :  vétéran,  gortulan  (jardinier),  guman 
(hiimain):  gomon,  coron  {couronne),  curon  {soin),  laton  {côté),  turbon 
{tourbillon),  girundon  {hirondelle),  imagon,  altitudon  (et  tous  les 
mots  latins  en  -itudo),  materion,  latron,  brigand  (cf.  latran,  aboyer). 

De  même,  il  y  a  une  foule  de  mots  qui  ont  l'air  de  dérivés,  et  \ 
qui  n'en  sont  pas.  Ex.  :  indig=  indigne,  indigan=:  avoir  besoin  de;  l 
ir  =:  colère,  iran  =  aller:  jur  =  droit,  juran  =  jurer:  juv  ^=^  jeune 
(juven  =  jeune  homme),  juvan  =  aider:  leg  =  loi,  legan  =  lire:  nub 


VOLK    ET   FUCHS    :    WELTSPRACHE  271 

=  miaye,  nuban  =  se  marier:  vest  =  ouest,  vestan  ^=  l'clir  ivestit 
=  vêtement,  \..  reslis). 

Kn  revanche,  il  y  a  des  mots  qui  ne  dérivent  pas  (régulière- 
ment) (le  ceux  dont  ils  devraient  dériver  :  gomon  =  homme, 
guman  =  humain:  niv  =  neige,  ningan  =  neiger;  div  =  dieu,  dean 
=  déesse;  matelot,  notor  et  nofrag  ne  dérivent  pas  de  nav  = 
navire.  De  pir  =  poirier  d('*rive  piron  =  poire:  mais  malon  = 
pomme  ne  dérive  pas  de  mal,  et  si  vin  signifie  la  vigne,  vinon  ne 
désigne  pas  le  raisin  (son  fruit),  mais  le  vin.  Cette  même  finale 
-on  sert  encore  ù  distinguer  (assez  ingénieusement  d'ailleurs)  des 
mots  dont  les  radicaux  se  confondraient  :  sal  =  sel  et  salon:  ov 
=  brebis  (L.  ovis)  et  ovon  =  u'u/(L.  ovum);  or  =  bouche  (L.  oris), 
oron  =^or  (L.  aurum),  orel  =  oreille  (L.  auris)K  Knfin  les  auteurs 
admettent  des  homonymes  qui  ne  se  distinguent  que  par  la 
quantité,  couime  les  pronoms  possessifs  son  et  san  (brefs)  et  les 
verbes  son  et  san  (longs).  Kt  il  ari'ive  qu'un  même  mol  ait  plu- 
sieurs sens,  comme  gumanitat  =  humanité. 

I.  Heure  (hora)  so  dit  gor,  "d'où  gorlog  =  horlof/e. 


CHAPITRE   VI 

GOUIITONNE  :  LANGUE  INTERNATION ALE  NÊO-LATJN E^ 

Depuis  1867,  mais  surtout  de  1875  à  1881 ,  l'auteur  avait  conçu  le 
projet  d'une  langue  internationale  ayant  pour  base  le  latin.  Il  se 
proposait  de  réduire  au  minimum  le  nombre  des  radicaux,  et  de 
remplacer  les  autres  par  des  mots  dérivés  et  composés  réguliè- 
rement formés*.  Mais,  au  commencement  de  1881,  il  fut  frappé 
du  grand  nombre  des  radicaux  communs  aux  langue^  romanes, 
et  dès  lors  il  résolut  de  les  employer  comme  matériaux  d'une 
«  langue  auxiliaire  néo-latine  »,  qui  pût  servir  d'intermédiaire  entre 
les  peuples  de  langue  romane.  Par  là,  il  sortait  du  domaine  du 
latin  classique,  où  il  s'était  primitivement  confiné,  et  tendait  à 
l'enrichir  d'éléments  plus  modernes  empruntés  aux  langues 
romanes,  aux  «  langues-sœurs  »  (français,  anglais,  italien,  espa- 
gnol, portugais). 

La  matière  de  la  langue  étant  ainsi  déterminée,  l'auteur  en 
soumit  la  forme  aux  règles  suivantes  :  l^ Monosyllabisme  absoludes 
éléments  lexicologiques  :  2°  Uniformité  de  sens  des  radicaux  et 
des  ai'fixes  ;  3°  Uniformité  de  son  des  lettres,  d'où  orthographe 
phonétique. 

1.  E.  CouRTONNE,  Lançiue  internationale  néo-latine,  ou  lancfage  auxiliaire 
simplifié  destiné  à  rendre  possibles  et  faciles  les  relations  directes  entre  tous 
les  peuples  civilisés  d'origine  latine  (48  p.  in-8").  Extrait  du  Bulletin  de  la 
Société  niçoise  des  sciences  naturelles,  historiques  et  géographiques  (Nice, 
Visconti,  1885).  —  Manuel  populaire  et  abrégé  de  la  langue  néo-latine 
usuelle,  etc.  48  p.  8°  (Nice,  1885).  C'est,  à  notre  connaissance,  Courtonne 
qui  a  le  premier  employé  l'épithète  auxiliaire  pour  caractériser  une  langue 
internationale. 

2.  C'a  été  justement  l'idée  directrice  du  D'  Zamenhof  dans  l'élaboration 
de  YEsperanto. 


COURTONNE   :   LANGUE  NÉO-LATINE  273 


Grammaire. 

L'«/p/in6e/ comprend  2;i  Iclli-cs  :  i)  voyelles  :  a.  e.  i,  o.  u  ton),  a 
(eu)\  et  10  consonnes  :  b,  c  (ch),  d,  f,  g  (toujours  diu).  h  ou  il 
(.'/"^.  Ç  U  lVan(:ais),  j  [y),  1,  m,n,  p.  q  (A),r.  s.  t,  v,  w  (u»  anjflais),  a. 

Vaccenl  porte  sur  ravanl-dernière  syllabe  du  mot  entier. 

L'article  défini  est  le,  invariable  en  genre  et  en  nombre:  Varlicle 
indéfini  est  un  ;ui  sing.  et  una  au  |)luriel  (sens  de  quelques). 

Les  substantifs  se  terminent  tous  en  -o  ou  en  -a.  Ces  deux  dési- 
nences correspondent,  quand  il  y  a  lieu,  au  genre  natund  :  o  au 
masculin,  a  au  IVMuinin  :  padro.  père:  matra,  mère:  fijo.  fils:  fija. 
fille.  Le  pluriel  se  forme  par  l'adjonction  de  -s  au  singulier. 

Les  adjectifs  se  terminent  tous  en  e;  ils  sont  invariables  (sauf 
eu  degré;  voirie  Vocabulaire). 

Les  nombres  cardinaux  simples  sont  :  jun,  I  :  du.  -:  ré.  .{ :  qat.  i: 
cin,  a:  sis,  6:  pê,  7:  to,  8;  non,  0;  zer,  0. 

Les  nombres  cardinaux  composés  île  plusieurs  chifl'res  s'énon- 
cent par  tranches  île  trois  chilTres  :  on  nomme  les  3  cbilTres  suc- 
cessifs, et  on  les  fait  suivre  du  nom  de  l'ordre  d'unités  corres- 
pomlanL  (pii  est  un  pour  les  unités,  il  pour  les  mille,  on  pour  les 
millions,  don  pour  les  billions ,  rôn  pour  les  trillions.  el  ainsi 
de  suite.  Ainsi  1  s'énoncera  :  zer-zer-jun  un. 

Les  nombres ordinaii.r  (adjectifs)  se  forment  île  la  preniiérr  h-llie 
des  nond)res  cardinaux  el  du  sufli.xe  -ema.  Ce  sont  :  jema.  dama, 
rama.  qema.  cerna 

Les  niiiithres  mnltiidirnlifs  se  forment  de  même  avec  le  suffixe 
-upla  .  jupla.  dupla.  rupla,  qupla.  cupla.... 

Les  nombres  fractionnaires  ou  par/i/j/s  (substantifs)  se  forment  de 
même  avec  le  suffixe  -iza  :  jiza.  diza,  riza,  qiza.  ciza,... 

Kntiu  \cs  substanlijs  numéraux  (la  paire,  la  di:aine)  se  forment  en 
ajoutant  a  ou  -ita  aux  nombres  cardinaux:  juna.  dua.  rêa...  ou  : 
j  uni  ta.  duita.  rèita 

Les  pronoms  personnels  sont  : 

1"  p.        0'  p.  3*  p.  m.  f.  n. 

Sing.  :         mi.        ti.        li  ou  lo.  la.        lu: 

Plur.  :  mis,      tis.      lis  ou  los,      las,      lus. 


ï 


Le  pronom  réfléchi  csl  si. 

CouTURAT  ot  Leau.  —  Langue  nniv.  18 


274  SECTION   III,    CHAPITRE   VI 

Les  pronoms  possessifs  ont  les  3  désinences  -o,  -a,  -u  suivant  les 
genres  et  prennent  -s  au  pluriel.  Ils  sont  au  masculin  sing. 
l'"<'  p.  s.  :  miô  ou  mô;      l'<^  p.  pi.  :  misô  ou  msô; 
2«  p.  s.  :  tio  ou  tô;  2'  p.  pi.  tisô  ou  tsô; 

3"  p.  s.  :  lio  ou  lô;  3^  p.  pi.  :  lisô  ou  Isô. 

Le  pronom  possessif  correspondant  au  pronom  réfléchi  est  : 
siô  ou  sô. 

Les  adjectifs  possessifs  diffèrent  des  pronoms  possessifs  en  ce 
qu'ils  sont  invariables,  et  ont  pour  désinence  9  :  mia,  tia,  lia. 
misa,  tisa,  Usa,  sia;  ou  :  ma,  ta,  la,  msa,  tsa,  Isa,  sa. 

Le  pronom  relatif  {qui)  est  :  qi  ou  qeli,  qui  prend  les  désinences 
des  3  genres  au  singulier  et  au  pluriel. 

V adjectif  relatif  (quel)  est  :  qel,  pluriel  :  qela. 
Les  adjectifs  démonstratifs  sont   :   ste,    celui-ci:   sle,   celui-là.    Ils 
prennent  a  au  pluriel. 
Les  pronoms  démonstratifs  correspondants  sont  : 

Sing.  :  sti,  sto,  sta,  stu:  sli,  slo,  sla,  slu; 
Plur.  :  stis,  stos,  stas,  stus:  slis,  slos,  slas.  slus. 
De  môme,  les  pronoms  indéfinis  se  distinguent  des  adjectifs  indé- 
finis correspondants  par  la  variabilité  de  leur  désinence;  ceux-ci 
ne  varient  qu'en  nombre  (pluriel  en  -a).  Citons-en  quelques-uns  : 
tal  ^=  tel:  qeq  =  chaque:  qelq  =  ciuelque:  ned  =  aucun:  omn  = 
tout:  âl  =  autre,  etc. 

Les  verbes  se  terminent  tous  en  -ar  à  l'inlinitif,  et  se  conjuguent 
tous  comme  le  verbe  ar  {être),  de  sorte  qu'il  suffit  d'ajouter 
celui-ci  au  radical  d'un  autre  verbe  pour  conjuguer  celui-ci. 

Les  personnes  sont  indiquées  par  les  désinences  m,  s,  t:  mo,  te, 
no.  Ainsi  Tindicatif  présent  du  verbe  aimer  se  conjugue  ainsi  : 
amam,  amas,  amat;  amamo,  amate,  amano. 
Les  autres  temps  et  modes  se  conjuguant  de  même,  nous  n'en 
donnerons  que  la  f"  pers.  sing. 

Indicatif  imparfait  :  amem. 

—       futur  :  amom. 

Conditionnel  présent  :        amum. 
Subjonctif  présent  :    (qe)  amam. 
—       imparfait  :  (qe)  amim. 
Tels  sont  les  temps  principaux  ou  simples;  à  chacun  d'eux  cor- 
respondent deux  temps  composés  (antérieurs)   indiquant  deux 
degrés  dans  le  passé  : 


COURTONNE   :    LANGUE  NEO-LATINE  275 

amavam,  j'ai  aimé;  amevam,  j'ai  eu  aimé, 

amayem.  j'avais  aimé;  ameyem,  j'avais  en  aima. 

amavom.  j'aurai  aimô;  amevom.  j'aurai  en  aimr. 

amavum.  j'nurais  aimé;  ameynm,  j'aurais  eu  aimé. 

L'imp<îra/i/"est  semblable  au  subjonctif  présent  (à  partial"  pers. 
sing.)  :  amas,  amat:  amamo.  amate,  amano. 
Les  injinilij's  sont  : 

présent  :  amar  ;        passé  :  amavar: 
futur:  amor;  futur  aulérieur  :  amavor. 

U  y  a  des  participes  correspondant  }\  tous  les  temps,  et  même  au 
conditionnel* et  à  l'impératif  : 

présent:      amante:     parfait:  amavante; 

imparfait  :  amenta;     plus-que-parfait  :  amaventa; 
futur:  amonta:     futur  antérieur  :     amavonta; 

1,0  passif  se  forme  en  intercala  ul  un  w  (ou)  avant  la  désinence 
verbale  (formée  par  le  verl)e  être)  :  amwar  =  être  aimé.  De  même, 
la  forme  donblemenl  active  s'obtient  en  intercalant  à  la  même  place 
un  j  :  amjar  =  faire  aimer. 

Les  participes  passifs  sont  aussi  nombreux  que  les  participes 
actifs  et  leur  correspondent.  Ce  sont,  par  exemple  : 

présent  :      amàta:     parfait  :  amavàta: 

imparfait  :  améta:     plus-cpie-parfait  :  amavéta: 
futur:  amôta:     futur  antérieur  :    amavôta: 

Les  adverbes,  les  prépositions  et  les  conjonctions  sont 
empruntés  pour  la  plupart  au  latin.  Il  y  a  une  corrélation  entre 
certains  mots  appartenant  ù  ces  trois  classes.  Les  adverbes  sont 
caracléiisés  par  la  terminaison  -i. 

II  n'y  a  pas  de  syntaxe  :  l'auteur  prescrit  de  traduire  mot  à  mot 
les  textes  des  langues  nationales. 


VOCABILAIRE. 

Les  radicaux  simples  sont  empruntés  aux  5  langues-sœurs  (E., 
F.,  L,  P.,  S.);  ils  sont  tous  communs  à  plusieui"s  d'entre  elles:  et  8 
ou  9  sur  10  sont  conunuus  à  toutes  les  cinq.  Mais  la  plupart 
sont  déformés  ou  contractés  povu*  obéir  à  la  rèifle  du  mono- 
syllabisme  :  fmilla  =  famille:  nfanto  ^  enfant:  svrano  =  souve- 


276  SECTION   III,    CHAPITRE   VI 

rain;  marvla  =  merveille;  psienta  =  patienl;  qtenta  =r  content-, 
ndiffrd  =  indifférent:  rjoza  =  curieux:  rpetwa  =  perpétuel:  qvernar 
=  gouverner:  qmandar  =  commander:  qtinwar  =  continuer. 

Dans  les  substantifs,  les  désinences  -o  et  -a  ne  désignent  pas 
seulement  le  genre;  dans  les  idées  qui  n'ont  pas  de  genre,  -o 
indique  un  être  physique  ou  déterminé  (concret)  ;  -a  un  être  idéal 
ou  collectif  (abstrait). 

Les  mots  dérivés  se  forment  en  ajoutant  aux  radicaux  une  des 
terminaisons  significatives,  dont  voici  les  principales  : 

-anza  désigne  une  manière  d'être; 

-aça,  -jona,  -asjona,      l'action  ; 

-uro,  -ura,  le  résultat  de  l'action; 

-aro,  -atoro,  l'opérateur  ou  l'agent. 

Les  suffixes  suivants  servent  à  former  des  adjectifs  : 

-oza    signifie  rempli  de  — ; 

-imla        —      qui  est  en  apparence  —  (qui ressemble  à  — ); 

-essa        —      qui  est  en  réalité — ; 

-iqa  —      de  la  nature  de  —  ; 

-isqa         —      qui  devient — ; 

-abla,  -ebla,  -ibla,  -ubla,  -abla  :  qui  peut,  pouvait,  pourra,  pourrait, 
ou  doit  être  —  (on  reconnaît  le  rôle  des  voyelles  dans  la  conju- 
gaison). D'autres  suffixes  servent  à  former  les  degrés  des  adjec- 
tifs, et  plus  généralement  les  diminutifs  et  augmentatifs.  11  y  en  a 
deux  séries,  suivant  qu'il  s'agit  de  désigner  un  degré  quantitatif 
ou  un  degré  qualitatif  {qui  change  la  nature  de  l'objet).  Ce  sont  : 

Superlatif  d'infériorité  : 
Comparatif       — 

—  de  supériorité 

Superlatif  — 

Exemple  :  lago  =  lac;  lagulo  =  étang;  lagulmo  =  mare;  lagoro 
=  mer;  lagormo  =  océan.  Tandis  que  :  lagino  =  petit  lac;  laginno 
très  petit  lac;  lagîmo  ^=  grand  lac;  lagîmmo  =  très  grand  lac. 

On  emploie  comme  préfixes  les  consonnes  privatives  s,  n,  et  sn, 
pour  indiquer  l'idée  contraire  à  celle  qu'exprime  le  radical. 
Ex.  :  propa  =  proche,  spropa  =  éloigné;  sepi  :=  souvent,  nsepi  = 
rarement;  amo  =  ami,  snamo  =  ennemi:  islo  =  île,  snislo  =  conti- 
nent ;  qom  =  avec,  sqom  =  sans. 


Qualitatifs 

Quantitati 

-ulmo 

-înno 

-ulo 

-îno 

-oro 

-îmo 

-orme 

-îmmo 

COURTONNE    :    LANGUE   NÉO-LATINE  277 

Oïl  emploie  le  préfixe  no-  pour  (U'sigiier  la  simple  néj?nlion  : 
noqtenta  =  mécontent. 

Kniiii  on  emploie  des  voyelles  inlercultiires  ((jui  siusèreiit  entre 
le  radical  et  la  désinence)  pour  exprimer  certaines  nuances  ou 
modifications  d'idée.  Ainsi  : 
e  in(li(]ue  un  sens  figuré  (azno  ^^dne;  azneo  =  «/«e  au  sens  figuré 

i['i(jnorani}. 
u  indique  une  spécialité; 
ê        —       une  chose  morale; 
û        —       une  chose  religieuse.  Ainsi  : 

bea  =  bien-être,  beéa  =  bonheur,  beùa  =  béatitude  :  lega  =  loi 
(civile),  leéa  =  loi  morale,  leûa  =  loi  religieuse  :  virta  =  force, 
virtéa  =  courage,  virtùa  =  vertu. 

Les  prépositions  entrent  en  composition  comme  préfixes,  par 
exemple  avec  le  verbe  itar  (aller)  pour  former  les  verbes  sui- 
vants :  àbitar  =  partir:  ibitar  =  venir;  initar  =  entrer,  exitar  = 
sortir  :  qomitar  =  se  réunir,  disitar  =  se  disperser,  seitar  =  s'isoler 
(se  ^=  à  j)arl);  sumitar  =  monter,  jumitar  =  descendre:  preitar  = 
précéder:  traitât  =  traverser:  transitar  =  passer,  etc. 

Tous  les  éléments  lexicologi<[ues  peuvent  servir  de  radicaux, 
et  engendrer  des  dérivés.  Ainsi  les  mêmes  prépositions  peuvent 
servir  de  racines  à  des  verbes,  comme  :  âbar  =  ôter,  âdar  = 
mettre:  inar  =  introduire,  exar  =  extraire:  qomar  =  réunir,  disar 
=  disperser:  prôar  =  remplacer  (pro  =  à  /o  place  de),  etc. 

Même  les  .d<^sinences  peuvent  deveniràdes  radicaux  :  aa=  être, 
snaa  =  néant:  oa  =  matière,  snoa  =  esprit:  ea  =  métaphore:  ua  = 
spécialité:  essa  =  réalité,  imla  ^  apparence. 

Les  mots  composés  se  forment  en  juxtaposant  des  syllabes  signi- 
ficatives, le  déterminant  précédant  toujours  le  déterminé,  sui- 
vant l'exemple  de  l'allemand  et  de  l'anglais,  .\insi  :  Pacijic  mail 
steam  ship  Company  se  traduira  mot  à  mot  :  pax-mar-mall  vap  nav- 
compna.  C'est  là,  selon  l'auteur,  le  modèle  des  mots  composés. 
Il  emploie  ce  système  de  composition  pour  désigner  les  rela- 
tions de  i)arenté.  Par  exemple  :  mifratfijuxa  =  ma  nièce  par 
alliance  (litt.  :  la  femme  du  fils  du  frère  de  moi). 


278  SECTION    III,    CHAPITRE   VI 


Historique, 


La  langue  néo-latine  fut  présentée  par  son  auteur  à  la  Société 
niçoise  des  sciences  le  7  mai  1883;  la  commission  nommée  pour  l'étu- 
dier fil  son  rapport  le  7  juin  i883;  la  Société  décida  d'envoyer  ce 
rapport  à  toutes  les  Sociétés  savantes  des  pays  de  langues 
romanes,  en  les  priant  d'examiner  et  d'apprécier  le  projet  de 
M.  CouRTONNE  et  ses  chances  de  succès.  Elle  reçut  des  réponses 
de  la  Société  des  Sciences  de  Pau,  de  la  Société  d'archéologie  de  Sens 
et  de  VAcadémie  de  Nimes.  En  présence  de  ce  maigre  résultat,  la 
commission  proposa  de  convoquer  un  Congrès  international  néo- 
latin pour  adopter  et  propager  dans  les  pays  de  langue  romane 
la  «  langue  auxiliaire  néo-latine  ».  Ce  projet  ne  paraît  pas  avoir 
eu  de  suite. 

Critique. 

Le  plus  grave  défaut  du  projet  de  Courtonne  est  son  interna- 
tionalité trop  restreinte.  11  ne  vise  que  les  peuples  néo-latins,  et 
il  prend  pour  base  les  cinq  langues  romanes,  ce  qui  est  une 
base  trop  étroite,  même  quand  on  y  comprend  l'anglais.  La 
langue  internationale  doit  viser  le  monde  européen  (c'est-à-dire  : 
de  civilisation  européenne)  tout  entier,  et  l'on  ne  peut  en  exclure 
les  peuples  germaniques  et  slaves.  Cette  réserve  faite,  on  peut 
reconnaître  que  la  base  adoptée  est  celle  qui  offre  le  plus  d'in- 
ternationalité relative,  en  ce  sens  qu'un  mot  ou  radical  commun 
aux  cinq  «  langues-sœurs  »  (y  compris  l'anglais)  sera  toujours 
plus  international  que  le  mot  germanique  ou  slave  correspon- 
dant; de  sorte  qu'une  grande  partie  du  vocabulaire  de  Cour- 
tonne  conserve  sa  valeur. 

Malheureusement,  l'auteur  a  associé  à  ce  principe  excellent  de 
l'internationalité  (au  moins  néo-latine)  un  principe  tout  diffé- 
rent, celui  du  monosyllabisme  des  radicaux,  qui  est  adopté  par 
la  plupart  des  systèmes  a  priori  ou  mixtes,  et  qui  est  inconci- 
liable avec  le  précédent.  Il  s'est  vu  ainsi  obligé  de  mutiler  les 
radicaux  latins  les  plus  connus  au  point  de  les  rendre  mécon- 
naissables et  imprononçables.  Pour  la  même  raison,  il  a  été 
amené  à  admettre  des  mots  dérivés  ou  composés  dont  le  sens 


COL'RTONNE   :    LANGUE  NEO-LATINE  279 

ne  s'(>xi)li(|iif  luillciiifiit  |»ar  celui  des  (éléments  :  ab-pell-ar. 
npix'lrr  :  ab  prend  ar.  iift/m'iidn':  qom-prend  ar,  roniprcinlrr:  qon- 
qluz-jona.  rniiclnsiinr.  qon  vers-asjona,  n>iii',Ts<ilii>ir.  eq  speqt  ar. 
iillt'tulri':  cirqin-speqs-jona,  circonspeclion. 

Ajoiiloiis  à  fclii  (pK',  coininc  lo  mollirent  {1»'')îi  li-s  cxcniplcs 
piTcédents,  lo  mauvais  choix  des  lellres  de  l'alphabet  l'oblige  à 
tltHigurer  les  mots  d'origine  latine  et  à  leur  donner  nn  aspect 
barbare  (Ex.  :  qonçunqsjona  =  conjonction).  D'autie  part,  si  le 
choix  des  sul'lixes  de  dérivation  est  assez  heureux,  et  conloi-me 
à  l'esprit  de  nos  langues,  l'emploi  des  consonnes  privatives  (dont 
le  sens  est  mal  défini)  et  surtout  des  voyelles  intercalaires  est 
une  invention  ingénieuse,  mais  malencontreuse,  car  elle  est 
tout  à  fait  contraire  à  ce  même  esprit,  et  tend  encore  à  dénaturer 
les  radicaux  internationaux  et  à  les  rendre  iiuntelligibles. 

Ouant  à  la  granuuaire,  elle  est  assez  raisonnable,  mais  elle 
iiuuupic  de  simplicité  :  elle  pèche  par  une  abondance  inutile  de 
formes  :  telles  sont,  par  exemple,  les  formes  différentes  adoptées 
pour  les  pronoms  et  adjectifs  possessifs,  démonstratifs,  relatifs 
cl  indéfinis,  et  la  diversité  des  genres:  les  deux  séries  de  temps 
.iidérieurs,  alors  qu'une  seule  suffirait  largement  (la  seconde  est 
iimsitée  dans  la  pratique),  et  la  multii)licité  des  infinitifs  et  des 
|tartiei|)es. 

Malgré  tous  ces  défauts,  le  projet  de  Courtonnl  es!  iidéres- 
-^ant,  vu  sa  date,  parce  qu'il  contient  beaucoup  d'indications 
judicieuses  que  nous  retrouverons  dans  les  systèmes  ultérieurs. 


CHAPITRE  VU 

STEINER  :  PASILIXGUA^ 

La  Pasilinguo,  inventée  en  1885  par  Paul  Steiner,  professeur  de 
gymnase  à  ZaJjern  (Saverne),  se  présente  comme  l'antipode  du 
Volapiik  et  le  représentant  de  la  méthode  a  posteriori.  L'auteur 
veut,  autant  que  possible,  ne  rien  inventer  (arbitrairement), 
mais  tout  emprunter  aux  langues  naturelles,  la  grammaire 
comme  le  vocabulaire.  Il  se  propose  d'imiter  ces  langues  artifi- 
cielles de  formation  spontanée,  la  lingua  franca,  le  pidgin-english 
et  le  chinook,  qui  sont  nées  naturellement  du  besoin  de  mutuelle 
compréhension.  11  ne  vise  pas  ambitieusement  toute  l'humanité, 
comme  le  Volapiik:  il  prend  pour  base  les  langues  européennes, 
plus  spécialement  les  idiomes  germaniques  et  romans,  et  parmi 
ceux-ci  les  trois  principaux  :  anglais,  allemand  et  français,  qu'il 
considère  comme  les  représentants  de  tous  les  autres  (en  y 
joignant  subsidiairement  le  latin).  Le  vocabulaire  devra  se  com- 
poser des  radicaux  communs  à  plusieurs  langues,  au  moins  à 
deux  des  trois  langues  fondamentales.  En  cas  de  divergence 
complète  entre  les  trois  langues,  on  aura  recours  au  latin.  Pour 
déterminer  la  forme  internationale  des   radicaux  adoptés,  on 

1.  Elementargrammatik  nebst  Uebungstiicken  ztir  Gemein-  oder  Welt- 
spraclie  (Pasilingua),  von  P.  Steiner.  80  p.  in-10  (Neu%vicd,  Heuser,  1885). 

—  liîirzf/efasstes  Deutsch-Pasilinqua-Worterbuch  mit  Regeln  der  Wovtbil- 
dung  und  Wortbiegung,  von  P.  Steiner.  88  p.  in-lC  (ibid.,  1887).  -^  Ei?ie 
Gemein-  oder  Weltsprache,  Vortrag  gehalten  von   P.  Steiner  (ibid.,  1883). 

—  Drei  Wellsprache-Systeme  :  Pasilingua,  Volapiik,  La  lingvo  inteniacia, 
von  P.  Steiner.  30  p.  8'^  [ibid.,  1889).  —  Pasilingua  contra  Volapiik,  von 
einem  Frounde  der  Pasilingua  :  Dr.  Félix  Lenz.  15  p.  8°  [ibid.,  1887).  —  Zur 
Universnl-Sprache,  krilische  Studie  iiber  Volapiik  und  Pasilingua,  von 
Hans  MosER.  32  p.  8°  {ibid.,  1887).  —  Grundriss  einer  Geschichte  der  WeZ/- 
sprache,  von  Hans  Moser.  70  p.  8°  (ibid.,  1888).  —  Die  Weltsprache,  von 
H.  MosER,  ap.  Sammlung  gemeinnïdziger  Vortriige,  n"  130  (Prag,  1888). 


STEINER    :    PASILIXGL'A  281 

suivra  le  grapliisino  et  non  pas  le  phoii«''lismo:  la  pronoiirialiori 
sera  confornic  à  rorlhographe,  Los  radicaux  seront  absolument 
invariables.  On  y  accolera  des  flexions  grammaticales  et  des 
allixes  de  di^rivation  qui  seront,  eux  aussi,  enipruntt'-s  aux  lanpues 
aryennes  (vivantes  ou  mortes),  et  non  arbitraires.  Ainsi  la  Pasi- 
liiujiin  sera  constituée  presque  entièrement  d'éléments  connus, 
v[  sera  par  suite  plus  facile  qu'aucune  langue  nalui-elle.  Kn  par- 
ticulier, quiconciue  saura  l'une  des  trois  langues  londamentales 
connaîtra  d'avance  les  deux  tiers  environ  des  mots';  on  pourra 
ainsi  se  servir  de  cette  langue  même  avec  les  étrangers  qui  ne  la 
connaîtront  pas. 

Pour  mettre  en  relief  cette  dernière  propriété,  l'auteur  pr<> 
pose  d'applicpier  sa  grammaire  neutre*  aux  radicaux  de  clia<pie 
laMi,Mi(\  et  montre  qu'il  suffirait  alors  de  chercher  ces  radicaux 
dans  !<>  dictionnaire  de  la  langue  employée  pour  pouvoir  com- 
prendre ou  composer  un  texte.  Celte  projjosition,  émise  à  titre 
d'essai,  a  induit  en  erreur  certains  critiques  :  ils  ont  cru  que  la 
Pasiliiujun  consistait  uniquement  dans  une  grammaire  univer- 
selle qu'on  devrait  appliquer  à  toutes  les  langues  nationales'. 
Mais  ce  n'était  \h  tout  au  plus  qu'un  expédient  provisoire,  en 
attendant  l'élaboration  du  lexique  propre  à  la  Pasilingua.  Tout  au 
contraire,  l'auteur  déclare  que  le  vocabulaire  est  de  beaucoup 
la  partie  la  plus  importante  d'une  langue,  atfentlu  qu'on  peut  à 
la  rigueur  se  passer  de  grammaire,  mais  non  pas  de  mots.  Seu- 
lement, le  vocabulaire  ne  sera  pas  artificiel  et  arbitraire  comme 
celui  du  Volaptik  :  puisé  dans  les  principales  langues  européennes, 
il  sera  vivant  comme  elles;  il  s'enrichira  de  tous  les  néologismes, 
déjà  internationaux,  du  reste,  rendus  nécessaires  par  le  progrés 
des  sciences  et  de  la  civilisation.  La  langue  sera  donc  suscep- 
tible d'un  développement  et  d'une  évolution  indéfinie:  un  comité 
iiitenialional  sera  chargé  de  sanctionner  les  innovations  et  de 
conserver  à  la  langue  son  unité  et  sa  régularité,  en  éditant  pério- 
diquement la  grammaire  et  le  vocabulaire. 

1.  Voir  l'explication  do  ce  fait  au  Vocabulaire  (p.  287). 

2.  C'est-ù-diro  rensomblo  des  fl«>xions,  des  particules  et  des  nfflxes. 

3.  Ils  n'ont  pu  qu'ôtre  conlirniés  dans  cette  erreur  par  le  projet  de  Pasi- 
lingua hebraica  exposé  par  Félix  Lenz  dans  sa  brochure  :  l'asiliugua 
contra  Volapiik. 


282  SECTION   III,    CHAPITRE   VII 


Grammaire'. 

L'alphabet  comprend  31  lettres,  10  voyelles  :  a,  à  (è),  è,  e  {é), 
i,  y  (i),  0,  ô  {eu),  u  (ou),  ù  (»  français);  et  21  consonnes  :  b,  c,  ç  {ss), 
d,  f,  g,  h,  j,  k,  1,  m,  n,  p,  q,  r,  s,  t,  v,  w,  x,  z:  plus  2  combinai- 
sons de  consonnes  :  ch  et  sch.  Pour  la  prononciation,  l'auteur 
donne  cette  seule  indication,  qu'elle  doit  être  «  conforme  au 
système  phonétique  simple  et  naturel  de  l'allemand  ». 

Toutes  les  syllabes  doivent  être  également  accentuées  (du 
moins  en  prose). 

L'article  défini  est  :  to  (m.),  te  (f.),'  ta  (n.);  et  l'article  indéfini  : 
uno  (m.),  une  (f.),  una  (n.),  qu'on  peut  abréger  en  :  no,  ne,  na -. 
Ces  deux  articles  forment  leur  pluriel  et  se  déclinent  comme 
les  substantifs. 

Les  substantifs  ont  le  genre  naturel.  Les  masculins  se  terminent 
en  -0,  les  féminins  en  -e,  les  neutres  concrets  en  -a,  et  les  neutres 
abstraits  en  -u.  Ex.  :  to  homino,  l'homme:  te  femine,  la  femme:  ta 
cita,  la  ville;  ta  modestiu,  la  modestie. 

Les  substantifs  prennent  au  pluriel  la  désinence  -s.  Chacune 
des  deux  formes  (sing.  et  plur.)  se  décline  en  prenant  comme 
suffixes  les  prépositions  -de  (génitif;,  -by  (datif),  -an  (accusatif)'. 
Cette  dernière  se  réduit  à  -n  après  une  voyelle.  Ex.  : 


Singulier 

Nom.  to  kingo,  le  roi. 
Gén.  tode  kingode,  du  roi. 
Dat.  toby  kingoby,  au  roi. 
Ace.  ton  kingon,  le  roi. 


Pluriel 


tos  kingos. 

tosde  kingosde. 

tosby  kingosby. 

tosan  kingosan  ou  tos  kingos  ^ 


A  côté  de  cette  déclinaison  synthétique,  l'auteur  admet  une 
déclinaison  analytique  dans  laquelle  les  prépositions  précèdent 
l'article  et  le  substantif  :  de  to  kingo,  by  to  kingo,  an  to  kingo. 

1.  Il  y  a  quelques  différences  entre  les  règles  grammaticales  formulées 
dans  les  deux  ouvrages  principaux  de  l'auteur.  Dans  les  cas  de  divergence, 
nous  suivons  le  second  (le  Worterbitch  de  1887). 

2.  Le  l"'  est  emprunté  au  grec,  le  2'  au  latin. 

3.  Ces  prépositions  marquent  à  l'origine  des  directions  ;  de  vient  du  latin  ; 
by  de  l'anglais;  an  de  l'allemand.  L'n  de  l'accusatif  est  aussi  imité  du  grec. 

4.  Dans  la  Grammaire  de  1883,  l'accusatif  pluriel  était  toujours  identique 
au  nominatif. 


STEINER    :    PASILINGUA  283 

Celle  déclinaison  analyliqne  esl  m(>me  ohligaloire  pour  les 
subslanfifs  tonninés  par  une  consoniu',  c'est-iVdire  formés  au 
moyen  des  suflixes  péjoratifs  -il,  -el.  -al  fsuivard  lo  j^enre). 
K\.  :  kingil  =  roitelet;  to  kingil,  de  to  kingil.  by  to  kingil.  ton 
kingil,  etc. 

Les«r(/V(/(/*sprcnnenl  les  désinences  caractérisliques  des  genres  : 
grande,  grande,  granda  [grand,  grande).  Ils  formenl  leur  pluriel 
el  se  déclinenl  cotume  les  suhslanlifs,  avec  lesquels  ilss'accordenl. 

On  Iransforme  un  adjectif  en  substantif  en  le  faisant  précéder 
de  l'arlicle. 

Les  degrés  de  comparaison  sont  indicpiés  respectivement  par  les 
suflixes  -ir  et  -ist  intercalés  entre  le  radical  et  la  désinence  du 
genre  :  ainsi  bono,  bone,  bona  [tion)  devient  au  comparatif  : 
boniro,  bonire,  bonira  [meilleur),  el  au  superlatif  :  bonisto.boniste. 
bonista  (le  meilleur).  Les  comparatifs  et  superlatifs  se  déclinent 
comme  les  adjectifs  simples. 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  (empruntés  au  lalin)  se  termintut 
tous  en  -a  (sauf  nuUo  =  zéro)  el  sont  invariables  : 

una.  i:  dua.  2:  tria.  '.\:  quadra.  4:  quinqua.  ■">:  sexa.  G:  septa.  ~: 
octa,  8:  nova. '.):  deka.  I():dekuna.  i  I  :  deka  dua,  1*2:  deka  tria.  13:... 
bideka,  -20:  trideka,  :{0:...  centa.  100:...  milla,  1000:...  una  milliona. 
/  million:  una  milliarda,  1000  millions. 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  cardinaux  en  changeant  la 
désinence  -a  en  -io,  -le,  -la  (suivant  le  genre),  sauf  les  premiers  : 
primo,  secundo,  tertio:  quadrio,  quinquio. ...  dekio:  deka  unio 
(11'),  etc. 

Les  nombres  multiplicatifs  dérivent  des  cardinaux,  en  remplaçant 
-a  par  -is  désinence  des  adverbes)  :  unis,  une  fois;  dais  ou  bis, 
2  fois;  tris,  3  fois,  etc. 

Les  adjectifs  multiplicatifs  se  forment  en  ajoutant  aux  précédents 
la  désinence  générique  -o,  -e,  -a  (des  adjectifs)  :  duiso,  double: 
triso,  triple. 

Les  nombres  fractionnaires  se  forment  en  ajoutant  aux  cardinaux 
le  suffixe  -tal  (plur.  tais)  :  una  triatal,  un  tiers:  dua  dekatals.  deux 
dixièmes. 

Les  adjectifs  distributifs  dérivent  des  cardinaux  en  remplaçant  -a 
par  1(»  suffixe  générique  -eno,  -ene,  -ena  :  singuleno.  un  à  un: 
duenos,  deux  à  deux:  trienos,  trois  à  trois,  etc. 

Les  pronoms  personnels  (empruntés  au  latin)  sont,  au  singulier  : 
mi.  je:  tti.  tu:  il,  il;  el.  elle;  al,  il  (neutre^:  et  au  pluriel  :  mis. 


4 

284  SECTION   III,    CHAPITRE   VII 

nous;  tus,  vous;   ils,  ils;  els,  elles;  als,   ils  (n.).  Ils  se  déclinent 
comme  les  substantifs  :  mide,  miby,  min;  misde,  misby,  mis(an). 
Lorsqu'ils  ne  sont  pas  suivis  du  verbe,  ils  prennent  une  autre 
forme  :  mice,  tùce,  misce,  tiisce;lo,  le,  la;  los.  les,  las  *. 
Le  pronom  réfléchi  est  se.  On  se  dit  on. 

Les  pronoms  possessifs  se  forment  en  ajoutant  les  désinences 
génériques  des  adjectifs  -o,  -e,  -a,  aux  pronoms  personnels  des 
2  premières  personnes  et  à  l'article  défini  pour  la  3®  personne. 
Ils  sont  donc  au  masculin  smgulier  : 

mio,  tùo,  too,  teo,  tao; 
miso,  tùso.  toso,  teso,  taso. 
Ils  forment  leur  pluriel  et  se  déclinent  comme  les  substantifs. 
Le  pronom  possessif  suo  correspond  au  i>ronom  réfléchi  se. 
Les  pronoms  démonstratifs  sont  : 

illo,  elle,  alla  :  celui-là,  celle-là,  cela; 
isto,  iste,  ista  :  celui-ci,  celle-ci,  ceci; 
toce,  tece,  tace  :  (môme  sens)  ; 
ipso,  ipse.  ipsa  :  {lui,  elle)  -même. 
Le  pronom  relatif  e^^ï  :  quo,  que,  qua  :  qui. 
Les  pronoms  interrogatifs  sont  : 

quiso,  quise,  quisa  :  qui,  quoi? 
quo.  que.  qua  :  quel,  quelle? 

qualiso,  qualise,  qualisa  :  quel  (de  quelle  espèce)? 
quanto,  quante,  quanta  :  combien  grand? 
quota?  combien  (nombre)? 
Les  pronoms  indéfinis  sont  : 

uUo,  uUe,  ulla  :  quelque; 
nullo,  nulle,  nulla  :  aucun; 
alio,  alie,  alla  :  un  autre; 

quocumque,  quecumque,  quacumque  :  quiconque; 
eodem,  eedem,  eadem,  le  {la)  même; 
omno,  omne,  omna  :  chaque  (plur.  tous); 
nihila,  rien;  aliquota,  un  certain  nombre. 
Tous  ces  pronoms  se  déclinent  comme  les  substantifs. 
La  conjugaison  comprend  quatre  formes  ou  voix,  qui  corres- 
pondent aux  quatre  verbes  auxiliaires  : 

er,  être;  ir,  aller;  har,  avoir;  hor,  être  tenu. 


l.  Ces  deux  formes  des  pronoms  personnels  de  la  3"  personne  sont  des 
abréviations  différentes  du  pronom  démonstratif  :  illo,  elle,  alla  (voir  plus  bas). 


STEINER    :    PASILINGUA  285 

Ces  quatre  verbes  s'appliquent  comme  suffixes  (en  supprimant 
l'h  (les  deux  derniers)  à  un  radical  pf)ur  fr)rnior  quatre  verbes 
dilTérenls.  Kx.  : 

grander  grandir  grandar  grandor 

être  grand  grandir  agrandir  être  agrandi 

(devenir  grand)  (rendre  grand)  (tMre  rendu  grand). 

Les  deux  premières  voix  sont  neutres,  la  3"  est  active  et  la 
4"  passive. 

Les  temps  de  Vindicatif  se  forment  en  faisant  précéder  d'un 
pronom  (ou  sujet)  les  temps  de  l'infinitif:  le  présent  est  identique 
à  la  forme  précédente;  les  autres  temps  sont  : 

Prétérit. 

efer                 ifir  hafar  hofor 

(je) /us            (}}  allai  Q')  eus  i}e)  fus  tenu 

grandefer  grandifir  grandafar  grandofor 

(io)  Jus  grand  (}c)  grandis  [y )  agrandis  Hc)  Jus  agrandi 

Futur. 

erer  irir  harar  horor 

(je)  serai  (j')  irai  (j')  aurai  (je)  serai  tenu 

granderer  grandirir  grandarar  grandoror 

(je)  serai  grand  (je)  grandirai  (jj  agrandirai  (je)  serai  agrandi. 

Temps  composés. 

Parfait. 

eter                    itir  hatar                    hotor 

(J!  ni  été  (je)  suis  allé  (j")  ni  eu          (j*)  ai  été  tenu. 

grandeter           granditir  grandatar             grandotor 

(j)  ai  été  grand  (j)  ai  grandi  (j)  ai  agrandi  (j*)  ai  été  agrandi. 

(Plus-que-parfait, 
etefer  itifir  hatafar  hotofor 

m  avais  été  {j'  étais  allé  (}')  avais  eu        ']'    omis  rlé  tenu 

grandetefer  granditifir          grandatafar          grandotofor 

(  j)  avais  été  grand  (j)  avais  grwidi  (j*)  avais  agrandi      ij)  avais  été 

agrandi. 


286  SECTION   III,    CHAPITRE   VII 

Futur  antérieur. 

eterer  itirir  hatarar  hotoror 

(j')  aurai  été        de)  serai  allé       (j')  aurai  eu       (j')  aurai  été  tenu 
grandeterer  granditirir         grandatarar  grandotoror 

{])  aurai  été  grand  {])  aurai  grandi  (y }  aurai  agrandi      {y)aurai  été 

agrandi^. 

La  forme  verbale  est  invariable  en  personne,  mais  elle  varie 

en  nombre  :  elle  prend  un  -s  au  pluriel  :  mis  ers,  mis  hars,  etc. 

Les  temps  du  subjonctij  se  forment  en  ajoutant  simplement  un 

-e    aux    temps   correspondants   de   l'indicatif  :  mi   ère,    que  je 

sois,  etc. 

Vimpératifesl  identique  au  subjonctif  à  la  2°  personne  (sing. 
et  plur.):  aux  autres  personnes,  il  prend  les  pronoms  comme 
suffixes  : 

2«  p.  s.  grandir  e  grandis. 

3«  p.  s.  grandireto  (e,  -a)  qu'il  (elle)  grandisse. 

l""®  p.  pi.  grandiremis  grandissons. 

2"  p.  pi.  grandires  grandissez. 

3''  p.  pi.  grandiretos  (es,  -as)      qu'ils  {elles)  grandissent, 
hes  participes  présent  eipassé  se  forment  en  ajoutant  au  radical  : 
1°  la  voyelle  caractéristique  de  la  voix:  2"  respectivement  la  con- 
sonne n  ou  t  :  3"  la  voyelle  caractéristique  du  genre.  Ex.  : 
grandeno  (e,  -a)      grandino        grandano  grandono 

qui  est  grand        qui  grandit    qui  agrandit        qu'on  agrandit 
grandeto  (e,  -a)      grandito        grandato  grandoto 

qui  a  été  grand    qui  a  grandi       agrandi^       qu'on  a  agrandi^. 
Les  temns  composés  peuvent  être  considérés  comme  formés 
du  participe  passé  et  du  temps  primitif  de  Tauxiliaire  corres- 
pondant. 

Les  adverbes  primitifs  sont  empruntés  au  latin.  Les  adverbes 
dérivés  (et  certains  adverbes  primitifs)  sont  formés  au  moyen 

i.  En  résumé,  f  caractérise  le  passé,  r  le  futur,  et  t  les  temps  composés; 
la  voyelle  caractéristique  de  chaque  voix  se  trouve  répétée  dans  chaque 
syllabe. 

2.  On  remarquera  que  le  sens  de  ce  participe  passé  est  passif,  alors  que 
celui  du  participe  prosent  correspondant  est  actif'.  H  devrait  signifier  :  qui 
a  ar/randi.  Celte  erreur  vient  de  l'exemple  des  langues  naturelles. 

3.  La  Grammaire  de  1883  contient  en  outre  un  participe  passé  qu'on  no 
retrouve  pas  dans  le  Vocabulaire  de  1887  : 

grandeteno,  granditeno,  grandatano  {qui  a  agrandi),  grandoteno. 


STEINER   :   PASILINCUA  287 

(In  snl'lixt'  -is  :  kindis  =  pui'rilfiiiciil  :  herzis  -  cordinlcmcut  :  jamis  = 
(U'-jn:  tandemis     -  enfin:  hodiis  --  ittijmtrd'hui:  crasis  =-  ilcmain  '. 

I^es  prépositions  n'ont  pas  do  désinence  caraclérislique:  elles 
sont  iiivai'inltlcs  cf  ivfjrissont  tonlcs  Iv  noiiiiiiiitif.  I]llcs  s«»nl 
|)r('S(|U('  toiitos  (Mnpniiilrcs  nn  lalin  :  ab,  ad,  ante,  apud,  cum,  de, 
ex.  in,  inter.  per,  post.  pro,  sub...  excepté  :  parmi,  sûr,  sous  iF.) 
cl  since  ^^  depuis,  by  =  n  (K.h  Ko  Vocabidaire  contient  nn  trran<l 
nonihio  tlo  prépositions alloniandos  ((nidonhlcnt  les  pircrdcntcs, 
notanimonl  comme  préfixes. 

Il  on  ost  oxactomont  de  mémo  ponr  los  conjumlinns.  dont  1rs 
princiitalos  sont  :  et,  aut  (ou),  ni,  sed,  tamen,  ergo,  nam,  car, 
quando,  ubi,  dum,  si,  ut.  La  particnle  intorrogativo  an  s'emploie 
au  coninionoomont  dos  propositions  intorrogativos  qni  no  oon- 
litMinont  pas  tlo  mot  h  sens  intorrogatif.  Il  n'y  a  pas  besoin  ilo 
-^\  nlax(v  selon  l'antonr  :  elle  est  contenue  dans  les  formes  gram- 
iiiaticalos  des  nu>ts. 

Vocabulaire  '. 

«  Ko  vocabulaire  anglais  forme  la  base  »  du  vocabulaire  de  la 
Pnsdingun  :  d'abord,  parce  (jne  l'anglais  est  la  langue  la  plus 
répandue;  ensuite,  parce  que,  étant  mélangé  d'éléments  romans 
et  germaniques,  il  constitue  la  transition  et  le  trait  d'union 
entre  le  lVan(;ais  et  l'allemand.  V.n  oITot,  les  radicaux  de  la  Pasi- 
limpia,  devant  être  connnuns  à  doux  dos  trois  langues  l'ondamon- 
lalos,  seront  ou  bien  communs  à  l'anglais  et  au  français  (radi- 
cauv  romans)  <ui  bien  communs  à  l'anglais  et  à  l'allemand 
(radicaux  gernmnitiuos),  ou  l>ien  connnuns  au  français  et  à  l'al- 
lemand; mais  la  plupart  de  ceux-ci  se  trouvent  aussi  en  anglais, 
di"  sorte  qu'un  Anglais  connaît  déjà  pres(pu>  tous  los  radicaux  de 
la  Pnsdintjnn  ^.  Par  exemple,  le  mot  brod.  connnun  à  D.  et  à  E.,  sera 
adopté  pourpai/i;  le  mot  incendie,  commun  à  E.  et  i\  F.  est  préfé- 


1.  L'ault'urprosifrit  d'cmiiloycr  l'adverbe  (cl  noii  l'atijcctif)  comme  nUribiit 
après  le  vcrhe  t'ire  :  mi  er  grandis  =  je  suis  grand.  (.IVst  un  exemple 
rcinaninahle  de  rinlluonfe  d'un  idiolisme  germanique  :  de  ce  «|ue  l'adjectif 
nUriliut  est  invariable  en  allemand,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  ait  le  sons  et  le 
rôle  d'un  adverbe. 

2.  Le  Vocabulaire  Allemand-Pasilingua  comprend  plus  de  5000  mots. 

3.  L'auteur  va  jusqu'à  dire  :  •  La  Pasilitif/ua  esl  pour  ainsi  dire  une 
langue  anglaise  a\oi'  une  prononciation  romane  ou  germonique,  et  des 
désinemes  propres  à  la  l'asilingua  •  (Drei  Wellsprachc-Syiteme,  p.  10). 


288  SECTION    III,    CHAPITRE  VII 

rable  à  brand  (D.).  Pour  l'idée  cVenfant,\es  3  langues  ont  des  mots 
différents  :  Kind,  child:  on  adoptera  donc  le  radical  latin  infant  *. 
Il  y  a  même  des  cas  où  le  radical  latin  est  préférable  au  radical 
germanique  commun  à  D.  et  à  E.  ;  notamment  quand  ces  deux 
langues  possèdent  déjà  des  dérivés  du  radical  latin.  Ex.  :  le 
radical  pair  (père)  comparé  à  vater  (D.)  ^  father  (E.).  Le  vocabu- 
laire comprend  en  outre  tous  les  mots  scientifiques  ou  techniques 
communs  aux  trois  langues,  et  par  suite  internationaux,  comme 
esthétique,  allégorie,  etc. 

Les  radicaux  ainsi  choisis  prendront  les  désinences  caracté- 
ristiques des  substantifs,  des  adjectifs,  des  verbes  et  des  adverbes, 
et  les  terminaisons  de  la  déclinaison  et  de  la  conjugaison. 
Ensuite,  ils  serviront  à  former  une  foule  de  mots  dérivés  réguliers 
avec  les  affîxes  propres  à  la  Pasilingiia.  Citons  les  principaux  : 

Dans  les  substantifs,  -ara  désigne  le  lieu  :  bibliothekara  = 
bibliothèque:  -menta,  le  moyen  ou  l'instrument  :  nurrimenta  = 
aliment;  -mentu,  la  manière  ou  méthode  :  nurrimentu  =^  (dimen- 
tation:  -osia,  -esia,  -asia,  la  collectivité  :  montasia  ==  chaîne  de 
montagnes  :  stellasia  =  constellation. 

Les  participes  deviennent  des  substantifs  par  la  simple  adjonc- 
tion de  l'article.  De  môme,  les  infinitifs  deviennent  substantifs 
au  moyen  de  l'article  et  des  désinences  -o,  -e,  -a,  -u.  Ainsi  la 
terminaison  -ero  désigne  un  état,  -iro  un  devenir,  -aro  une  action 
(une  profession)  :  militero  =  militaire  (en  général);  militiro  =  »u7i- 
taire  (de  passage  :  celui  qui  fait  son  service);  militaro  =  militaire 
(de  profession  :  officier);  militeriu  =  l'état  militaire:  bibliothekaro 
=  bibliothécaire. 

Les  suffixes  -enissu  et  -inissu  désignent  respectivement  une 
qualité  passive  ou  active  :  maladenissu  =  état  de  maladie  ;  toleri- 
nissu  =  tolérance.  Le  suffixe  -fero  signifie  qui  porte;  il  sert  à  former 
les  noms  d'arbres  dérivés  des  noms  de  leurs  fruits.  Ex.  :  pirafera 
(arbora)  =  pojr/er  2. 

Les  substantifs  et  les  adjectifs  ont  en  commun  les  suffixes 
augmentatif  -oso  et  diminutif  -illo,  ainsi  que  les  suffixes  péjoratifs 
-il,  -el,  -al,  que  nous  connaissons  déjà. 


1.  De  même  spirit  (L.)  pour  geist  (1).),  ç/host  (E.),  esprit  (F.);  cved  (L.) 
pour  glauben  (D.),  believe{)L),  croire  (F.). 

2.  Dans  lo  Vocabulaire,  on  remarque  que  certains  noms  d'arbres  ne  dif- 
fèrent que  par  la  désinence  féminine  (-e)  des  noms  de  fleurs  ou  de  fruits, 
qui  ont  la  désinence  neutre  (-a).  Ex.  :  nuca  =  noix,  nuçe  =:  noyer. 


STEIN   R    :    PASILINGUA  289 

Les  adjectifs  dérivés  se  forment  au  moyen  des  suffixes  -io  (-«,  -a)  : 
-ivo  (e.  -a):  -alio  (-e.  -a).  I.o  suffixo  -iso  marqnr  Ux  n'sscinhlanco  : 
heroiso  —  lirroïque  :  -isso,  le  iviilbrcenuMit  :  timidisso  -  r.rirème- 
ment  timide^:  -loso  (D.),  l'absence  ou  privation  de  :  doloraloso  = 
.s7//i,s-  (loiilciir:  -ardo,  lexcrs  hlAinnhle  :  trinkardo  —  iwinine:  -iblo, 
-ablo.  -oblo,  la  possibilit»'  active  ou  passive  :  cantablo,  qui  peut 
chanter:  cantoblo,  qu'on  peut  chanter.  Enfin  on  forme  des  a«ljectifs 
au  moy(Mi  dos  (b'siniMiros  du  génitif  et  du  datif  :  -deo  =  uni  vient 
de:  -bio  =  qui  appartient  à. 

On  forme  aussi  des  adverbes  par  ce  même  procédé  :  citadeis  = 
de  la  ville  :  citabyis  ==  à  (dans)  la  ville  ;  citanis  =  à  (vers)  la  ville. 

(Juant  aux  prolixes,  l'autour  les  emprunte  indilTôroniniont  au 
latin  et  à  l'allemand  (ad  =  an,  con  =  mit,  de  —  ab,  ex  =  ans,  in 
=  ein.  post  —  nach.  par  =  durcb,  etc.). 

\'<)ici  un  («xomplf  des  dt-i'ivos  que  peut  engendrer  un  seul  mol  : 
mortu  =  la  mort  :  mortir  =  mourir  :  morter  =  être  mort  ;  mortar  = 
tuer:  moftor    -  rire  lue:  morteno  =  le  mort:  mortino  =  le  mourant: 
mortano  nu  mortaro  —  le-  meurtrier:  mortio  =  mortel  [i\v  la  mort): 
mortablo  =  mortel  ^qui  peut  tuer):  mortiblo  =  mortel  (qui  peut 
mourir):  mortiso  =  semblable  à  la  mort:  mortis,  mortellement. 
Knlin,  voici  )«>  Pater  traduit  on  PasUintjua  : 
Patro  mise,  que  er  in  cœla,  nama  tua  sanctore,  kingdoma  tua 
kommire,  tua  willu  fairore  sur  erda  ut  in  cœla.  Donnare  misbi 
misan  brodan  taglian  ;  pardonnare  missas  deltas  uti  mis  pardonnars 
misosbi  debitorosbi... 
ol  iiii  antre  spccimoii  de  cotfo  langue  : 

Ta  Pasilingua  ère  una  idiomu  per  tos  populos  ipsos  findita,  una 
lingua,  qua  autoris  de  to  spirito  divino,  informano  tos  hominos  zu 
partir,  er  creita,  et  qua  ideo  facilis  et  nearistis  sine  explicatius 
omnosby  nationosby  ère  intelligobla  et  una  banda  amiciude  pro  tos 
Anglios,  Francios  et  Germanos  suos  parentos. 

La  Pasilinyua  n"a  pas  d'histoire,  et  ne  paraît  pas  avoir  ou 
d'adeptes,  au  point  de  vue  pratique,  mais  seulement  des  appro- 
bateurs tlHW)ri(pios.  comme  Ilans  MosER  et  Félix  I.enz.  1/auteur 
essaya  i\v  lancer  en  18S0  nn  journal  mensuel,  Ta  Pasifolia,  sans 
succès,  semble-t-il. 

1 .  C'est  en  somme  le  superlatif  absolu. 


CouTCHAT  et  Leal.  —   langue  univ. 


19 


290  SECTION   III,    CHAPITRE   VII 


Critique. 


La  Pasilingua  a  le  mérite  d'être  le  premier  système  qu'on  ait 
fondé  expressément  sur  le  principe  de  l'internationalité  «  euro- 
péenne ».  Mais,  dans  l'application,  l'auteur  a  restreint  à  l'excès 
la  base  de  son  vocabulaire  en  excluant  d'avance  les  langues 
slaves,  d'une  part  ',  et  les  langues  italienne  et  espagnole,  d'autre 
part,  ce  qui  a  pour  effet  de  diminuer  la  part  légitime  du  latin  : 
car  le  français  est  seul  à  représenter  les  langues  romanes  en  face 
de  l'anglais  et  de  l'allemand,  et  d'un  autre  côté  les  mots  com- 
muns aux  langues  slaves  et  aux  autres  langues  européennes  sont 
pour  la  plupart  d'origine  latine  ou  grecque.  De  plus,  c'est  une 
erreur  linguistique  que  de  prendre  pour  base  le  vocabulaire 
anglais,  attendu  qu'il  n'est  pas  primitif,  et  que  les  racines  y  sont 
plus  ou  moins  déformées;  il  vaut  mieux  prendre  les  racines 
romanes  sous  leur  forme  latine,  et  les  racines  germaniques  sous 
leur  forme  allemande.  Ainsi,  le  fait  môme  que  l'anglais  est  une 
langue  mixte  (romano-germanique),  loin  de  lui  donner  la  préé- 
minence que  Tauteur  lui  attribue,  doit  le  faire  écarter  comme 
source  de  radicaux  2.  Ce  n'est  là  d'ailleurs  qu'une  question  de 
mesure  et  de  proportion:  il  reste  vrai  que  la  L.  I.  doit,  pour  être 
vraiment  internationale,  être  un  idiome  romano-germanique. 

Malheureusement,  l'auteur  n'a  pas  su  choisir,  d'après  des 
règles  générales  et  fixes,  entre  les  deux  familles  de  radicaux  qui 
s'offraient  à  lui,  et  il  s'est  trop  souvent  contenté  d'adopter  à  la 
fois  les  deux  radicaux,  germanique  et  roman,  ce  qui  détruit 
l'unité  de  la  langue.  Les  exemples  de  ces  doublets  sont  innom- 
brables: bornons-nous  à  citer  les  plus  caractéristiques  : 
bono        =  guto  Deo         =  Gotto 

malo        =ûbelo  tomba    =graba 

anima      =-  seela  cola        =  himila  {ciel) 

1.  Pour  des  raisons  politiques  de  «  slavophobie  »  qu'on  ne  saurait 
approuver,  et  qui  en  tout  cas  sont  contraires  à  la  neutralité  essentielle  de 
la  L.  I. 

2.  Nous  en  dirions  autant  du  français,  considéré  comme  représentant  des 
langues  romanes;  les  racines  latines  sont  plus  pures  en  italien  ou  en  espa- 
gnol. Nous  ne  voulons  pas  dire  que  la  L.  I.  ne  doit  pas  contenir  beaucouj) 
de  radicaux  anglais,  mais  «[u'elle  doit  employer  ces  radicaux  sous  leur 
forme  originale,  et  par  là  même  la  plus  internationale. 


STEINER    : 

PASILINGUA 

lingua 

spracha 

eglisa      - 

kirchara 

vocabola 

worta 

rego       — 

kingo 

contrea 

landa 

lumina   := 

:  lichta 

mensu 

monatu 

carbona 

kohla 

malado 

sicko 

petite 

littlo 

caro 

theuro 

nudo 

naketo 

àmir 

liebir 

esperir 

hoffir 

abordir 

landir 

vivir 

lebir 

neminu 

niemannu 

arrivir 

kommir 

Ci'Ito  duplicité 

est  i)n'S(|Mr  1 

a  rôgle  dans 

les  conj( 

dum 

=  wàhrend 

cur         = 

=  warum 

quando 

—  wann 

quia       — 

;  weil 

nam 

—  denn 

tamen      = 

::doch 

dans  les  pirposil 

ions  : 

super 

=  auf 

ex          = 

-au8 

sine 

=  ohne 

pro         - 

=  fùr 

et  dans  l«'s  advor 

bcs  : 

jam 

=::shoq 

vix          = 

-  kaum 

olim 

—  einstis 

fera         = 

fastis 

matinu 

—  morgenu 

saepe       = 

-  oftis. 

291 


L'auteur  n'a  même  pas  pu  se  décider  pour  une  particule  d'af- 
firmation :  il  admet  à  la  fois  :  ja,  jes  cl  oui.  On  ne  peut  pas  être 
plus  éclectique. 

D'ailleurs,  les  radicaux  germaniques  prennent  un  aspect 
barofjue  ou  méconnaissable  avec  les  désinences  lalines  dont  on 
les  alïuble  :  einstweilis  (—  interdum  .  zeitis  —  tempis,  perhapsi8  = 
vielleichtis  ^  fortassis  :  gernis.  genugis.  gesternis.  alreadis.  heutis, 
vormalis,  wiedermalis,  niemalis.  ingleichenis.  otherweisis,  etc. 

On  reniar(|iiera  que  lauteur  n'a  pas  suriisaninuMit  pensé  à  la 
prononciation,  en  calquant  l'orthojifraphe  nationale  des  mots'; 
que  deviendront,  pour  des  oreilles  allemandes  ou  anglaises,  les 
mots  (jue  nous  venons  de  citer,  si  on  les  prononce  tels  qu'ils 
sont  écrits?  De  nuMne  les  mots  allemands  :  fleisha  {viande),  eidu 
{serment),  breito  (large),  leuchtir  [éclairer),  feura  /eu\  freundo 
(ami):  aussi  bien  que  les  mots  français  :  tailliro,  écailla,  bouteilla. 
perroqueto.  Kn  général,  l'alphabet  est  inutilemenl  conq»li(|ué: 
ceilaines  lettres  font  double  emploi  (à,  è:  i.  y:  k.  q  .  et  cerinins 


I.  Bien  qu'il  formule  ceUe  rt'ple  judicieuse,  qu'on  devra  préférer  la  forme 
|i»<ur  laquelle  l'orthoprnphe  et  la  prononciation  sont  les  plus  voisines. 


292  SECTION   III,    CHAPITRE   VII 

sons  Simples  y  sont  traduits  par  des  combinaisons  de  lettres,  de 
sorte  que  la  prononciation  ne  peut  pas  être  conforme  à  l'ortho- 
graphe. L"auteur  a  emprunté  aux  langues  naturelles  des  combi- 
naisons de  lettres  qui  devraient  être  bannies  d'une  langue  inter- 
nationale, comme  la  diphtongue  française  ou,  les  diphtongues 
allemandes  ei,  eu,  ie  (i  long),  ee  {e  long  :  seea,  meera),  et  les  con- 
sonnes :  qu,  ck,  ch,  sh,  sch,  th,  ph. 

En  revanche,  il  a  dénature  certains  autres  mots  pour  leur 
donner  une  orthographe  phonétique  (plus  ou  moins  exacte), 
comme  :  curroa  {courroie),  shûrir  (jurer),  shanshir  (changer),  ashiu 
{âge) ,  anrashir  (enrager) ,  shoayu  (joie) ,  annuiu  (ennui) ,  shuir, 
shuissir  (jouir). 

Malgré  la  dualité  d'origine  des  radicaux,  on  en  trouve  quel- 
ques-uns qui  ont  deux  sens.  Ex.  :  weiso  =  sage  (D.  weise)  et  hlanc 
(D.  weiss);  griso  =  gris  et  vieillard  (D.  greis). 

La  formation  des  dérivés  manque  de  régularité  :  ainsi  brauiru 
(brasserie)  ne  vient  pas  de  biera  (bière),  ni  akracûltiru  (agriculture) 
de  akera  (champ).  De  même,  musiçiro  (musicien)  ne  vient  de  musicu 
(musiciue),  et  vocabàlaria  (vocabulaire)  de  vocabola  (mot)  que  par 
une  altération  du  radical.  Certains  composés  sont  bizarres  : 
currirtrànu  =  train  express  (D.  eilzug)  ;  ou  barbares  :  unaufalteris 
==  l'un  sur  l'autre.  Là  comme  ailleurs,  l'auteur  hésite  entre  les 
deux  familles  de  radicaux;  il  admet  à  la  fois  suspensaponta  et 
hangbrucka  (pont  suspendu). 

Eu  outre,  il  abuse  des  désinences  péjoratives  :  adulteriul, 
coquinil,  poltronil,  assassinai,  fraudiul,  egoismul,  bankerotul, 
hypocrisil,  etc.  Elles  sont  inutiles  dans  tous  ces  mots,  dont  le 
sens  est  déjà  suffisamment  appréciatif;  on  ne  doit  logiquement 
employer  ces  désinences  que  pour  rendre  péjoratif  un  mot  cjui 
ne  l'est  pas  par  lui-même  *.  A  plus  forte  raison  est-il  inutile  de 
les  accoler  à  des  noms  d'animaux  ou  de  choses  qui  n'en  peuvent 
mais  :  crapodil,  cabinetal,  bossai,  decombral,  dornal  (épine),  gràssal 
(graisse),  syringal  (seringue),  ou  qui  ne  méritent  pas  le  mépris  que 
l'auteur  croit  devoir  leur  témoigner  :  boutiqual,  biivardial,  habre- 
sacal,  pennyal  (penny),  droshkal  (fiacre),  vaporal.  Enfin  il  n'est  pas 
permis  de  donner  à  des  mots  indifférents  un  sens  péjoratif  qui 
n'exprime  qu'une  opinion  personnelle  :  ambitiosil,  celibateril. 

En  somme,  l'auteur  n'a  pas  su  trouver  une  méthode  régulière 

I.  Exemple  :  devotardo  ou  bigoto  =  bigot;  mais  bigotil  est  superflu. 


STEINEit    :    PASILINGUA  293 

et  oulonome  pour  la  formation  des  mots  :  c'est  pourquoi  il  lu 
arrive  d'arcoler  des  nfMxes  germaniques  à  des  radicaux  latms, 
eoninie  dans  verlocar  et  erlocar  (donner,  prendre  en  location),  ou 
<l'einpninter  aux  langues  vivantes  des  dérivés  tout  faits,  comme 
ancurashar  {enrotirmjer). 

Si  le  v<Kal)ulaire  <>f  l'alphabet  pèchent  par  trop  de  servilité  à 
l'égard  des  langues  nationales,  la  grammaire  en  revanche 
s'éloigne  trop  des  granunaires  modernes,  notamment  par  le  syn- 
tliétisme  de  la  déclinaison  et  de  la  conjugaison.  I/auteur  aurait 
(lA  adopter  parfont  la  déclinaisoii  analytique  (piil  adiiuM  srnle- 
nuMit  par  exception  (de  to  kingo  est  plus  simple  ipie  tode  kingode). 
Quant  à  la  conjugaison,  il  n'aurait  drt  admettre  que  les  deux 
v()ix  classiques  (active  et  passive),  et  remplacer  les  aidres  (là  où 
il  y  a  lieu)  par  des  verbes  dérivés'.  L'actif  et  le  passif  eux-mêmes 
ne  sont  pas  suffisamment  distingués  par  un  simple  changement 
de  voyelle,  et  il  est  |)lus  conforme  à  l'esprit  drs  langues  mo<|ernes 
de  i'oriiU'v  analylùjuemenl  le  passif  (au  moyen  d'un  verbe  auxiliaire). 

Ijiliii  la  grammaire  présente  quelques  complications  inutiles, 
comme  la  distinction  formelle  des  genres  (et  surtout  celle  du 
neutre  concret  et  du  neutre  abstrait),  la  déclinaison  de  l'article 
(d'ailleurs  mal  choisi,  et  qu'il  vaudrait  mieux  emprunter  au  latin 
qu'au  grec):  le  manque  de  régularité  dans  la  formation  (h-s  noms 
de  nombre,  des  pronoms  persoinjels  et  possessifs:  la  niarqjte  du 
pluriel  dans  les  verbes,  etc. 

Tout  cela  fait  de  la  Pasilàujua  une  ébauche  assez,  inroniie,  bien 
inférieure  aux  projets  île  HrDEi.i.E  et  de  PniRO.  Klle  n'en  a  pas 
moins  eu  le  mérite  de  représenter,  en  face  du  Volopûk  triom- 
phant, le  principe  des  langues  a  posteriori,  et  de  rouvrir  la  bonne 
voie,  où  d'autres  projets  allaient  bientôt  la  dépasser. 

I.  Pnr  «woiiipU'.  le  vorlio  dt-rivr  (lircrleinonl  dt'  grand  sipniflornil  être 
ifraiid,  cl  l'on  ixiiurail  rorinor  pnr  i'.\omp!e  los  derivj's  :  grandeskar  ^ 
devenir  grand,  grandifikar  =  rendre  grand,  comme  dons  VIdiom  neulral. 


CHAPITRE  VIII 


EICHHORN   :   WELTSPRACHE  i. 

Bien  que  ce  projet  n'ait  paru  qu'après  le  Volapûk,  l'idée-mère 
en  remontait  au  9  septembre  1861.  L'auteur  a  eu  ensuite  connais- 
sance du  programme  de  Grimm  et  s'en  est  inspiré.  Convaincu, 
d'une  part,  de  la  nécessité  d'une  langue  universelle,  et,  d'autre 
part,  de  l'impossibilité  d'adopter  comme  telle  une  langue  vivante 
ou  morte,  il  croit,  comme  Max  MOller,  qu'il  cite,  qu'.une  langue  ' 
artificielle  peut  être  bien  plus  parfaite,  plus  régulière  et  plus 
facile  à  apprendre.  Par  «  langue  universelle  »  il  n'entend  pas, 
d'ailleurs,  une  langue  qui  deviendrait  la  langue  unique  de  l'hu- 
manité, ce  qui  serait  «  une  folie  »,  mais  simplement  un  moyen 
de  communication  international  ;  il  lui  refuse  même  l'aptitude  à 
la  poésie  et  à  l'expression  sentimentale,  que  Grimm  ambition- 
nait pour  elle.  Cette  langue  ne  peut  être  l'œuvre  d'un  seul:  tout 
au  plus  peut-il  en  dresser  le  plan  ;  l'exécution  devra  être  confiée 
à  une  «  Académie  de  langue  universelle  »,  qui  veillera  ensuite  à 
la  conservation  de  la  langue  et  à  son  développement  régulier. 

Une  condition  essentielle  de  la  langue  universelle  est  de  s'im- 
primer aisément  dans  la  mémoire.  Pour  cette  raison,  le  vocabu- 
laire ne  peut  pas  être  construit  arbitrairement;  il  doit  prendre 
pour  base  une  langue  existante  et  bien  connue  ;  cette  langue 
sera  le  latin,  comme  Grimm  le  proposait.  Seulement  l'auteur  se 
réserve  le  droit  d'altérer  «  en  toute  liberté  »  les  racines  emprun- 
tées au  latin,  pour  les  faire  cadrer  avec  les  règles  qu'il  impose 
a  priori  à  la  formation  des  mots.   Il  part  de  ce  principe,  que 

1.  Die  Wellsprache.  Ein  neuer  Versuch,  eine  Universal-Sprache  mit  Zu- 
grundelecjung  des  laleinischen  Wort-Stammes  zu  bilden.  177  p.  12°  (Bam- 
berg,  Schmidt,  1887).  Ce  projet  anonyme,  dû  au  curé  Eichhorn,  est  sou- 
vent cité  sous  le  nom  de  «  projet  de  Bamberg  ». 


F.ICHIIOHN    :    WELTSPIIACHE  296 

cltminf  partie  du  ilisrours  di)il  être  reconnaissahle  à  sa  forme,  tant  h 
la  Ircturo  (luù  landilion.  Kn  consrquonce,  il  «klicto  pour  les 
diverses  parties  du  discours  les  règles  de  structure  suivantes: 

Les  snbslnnlifs  auront  en  gént-ral  2  syllabes: 

Les  adjectifs  auront  en  g<''n(''ral  :j  syllabes  ; 

Les  pronoms  auront  eu  général  1  syllabe:  —  ces  trois  espèces 
de  mots  commenceront  par  une  consonne  «*|  finiront  \^nr  une 
voyelle. 

Les  verbes  auront  en  général  une  racine  (un  infinitif)  tlune 
syllabe  commençant  et  (inissant  par  une  consonne. 

Les  adverbes  et  \os prépositions  auront  2  syllabes;  les  conjonctions 
une  seule.  Les  adverbes  et  les  conjonctions  commencent  par 
une  voyelle  et  linissent  par  une  consonne:  les  prépositions  com- 
mencent et  finissent  par  une  voyelle. 

Les  interjections  auront  3  syllabes. 


Vocabulaire. 

l.'nlphabet  com[)rend  8  voyelles  simples  : 
a.  e.  i.  0.  u.  à,  ô.  û 
prononcées  comme  en  alleniand:  et  II  consonnes  : 
b.  d.  V  (/),  k,  1,  m,  n,  r,  s,  sh  (ch),  w  (y). 

Le  petit  nouibre  de  ces  consonnes  s'explique  parce  fait  que 
l'auteur  n"a  pas  cru  devoir  admettre  ù  la  fois  les  douces  et  les 
forl(»s  correspondantes,  parce  qu'on  ne  les  distingue  pas  dans 
r.Mlemagne  du  Sud  et  dans...  les  dialectes  polynésiens.  Dans 
chaque  couple,  il  a  choisi  la  lettre  qui  ne  descend  pas  au-dessous 
de  la  ligne  (pour  la  netteté  de  l'écriture^.  Par  suite,  il  écrit  b  à  la 
place  de  p.  d  è  la  place  de  t  et  th,  v  à  la  place  de/  et  p/i.  k  à  la 
place  de  r/:  kw  ù  la  place  de  qu:  sh  au  lieu  du  j  français,  ks  au 
lieu  de  .r.  et  ds  au  lieu  de  r.  Il  supprime  les  lettres  ambigués  c  et 
fl,  et  les  sons  difficiles  h,  ch  allemands:  mais  il  conserve  r.  en 
dépit  des  Chinois,  et  sh  en  dépit  des  Grecs. 

Il  admet  un  certain  nombre  «le  voyelles  doubles,  qu'il  consi- 
d«M-e  comme  monosyllabiques,  bien  qu'elles  doivent  se  prononcer 
séparément: et  des  consonnes  doubles  ou  même  triples  •. 

11  applique  ce  matériel  phonétique  à  la  transcription  des  racines 

1.  Consonnos  triples  (initiales)  :  bvr,  sdr,  ski,  skr.  skw. 


296  SECTION   m,    CHAPITRE   VIII 

latines,  en  suivant  les  règles  énoncées.  L'adjectif  dérive  constam- 
ment du  substantif,  et  le  substantif  du  verbe  (comme  le  mon- 
trent déjà  leurs  nombres  de  syllabes).  La  racine,  autant  que  pos- 
sible monosyllabique,  constitue  donc  d'abord  l'infinitif  verbal. 
Ex.  :  dok^=  enseigner  (L.  docere).  Si  elle  commence  par  une  voyelle, 
on  lui  prépose  un  n  :  nam  =  aimer  (L.  amare).  Si  la  racine  a  plu- 
sieurs syllabes,  on  lui  en  retranche  :  bed  =  obéir  (L.  obedire).  Si  au 
contraire  elle  est  trop  courte,  on  lui  laisse  un  rudiment  de  ter- 
minaison :  dar  =  donner  (L.  dare)  ;  vler  =  pleurer  (L.  Jlere).  Enfin, 
si  plusieurs  racines  latines,  dépouillées  de  terminaisons,  devien- 
nent semblables,  on  les  distingue  en  altérant  la  voyelle  :  muor  = 
mourir  (L.  mori);  môr  =  demeurer  (L.  morari);  mor  =  mœurs 
(L.  mores).  Ce  dernier  exemple  montre  que  la  racine  verbale 
peut  être  tirée  de  n'importe  quelle  partie  du  discours. 

Les  substantifs  se  forment  en  ajoutant  à  la  racine  les  suffixes 
suivants  : 

1°  -0  pour  les  êtres  mâles,  -a  pour  les  femelles  :  wiro  =  homme 
(L.  vir):  wira  ^  femme: 

2"  -io  pour  les  objets  terrestres  et  matériels  :  nakrio  =  champ 
(L.  ager);  nordio  =  jardin  (L.  hortus): 

3°  -eo  pour  les  éléments,  pierres,  métaux  ;  vereo  =fer  ;  naureo 
^or: 

4'^  -ea  pour  les  plantes  et  leurs  parties  (sauf  les  fruits)  :  Mande  a 
=  plante  ;  vlôrea  ^^  fleur; 

5°  à  pour  les  fruits  :  birà  =  poire  (birea  =  poirier)  ; 

6°  -u  pour  les  fluides  :  nakwù  =:  eau  (L.  aqua);  birû  =  bière; 
kasii  =  gaz  :  naerti  =  air  ; 

1°  -e  pour  les  objets  fabriqués  par  l'homme  :  mense  =  table 
(L.  mensa):  kase  =  cabane  (L.  casa); 

8"  -ô  pour  les  parties  du  corps  et  les  produits  animaux  :  kasô  = 
fromage  (L.  caseus). 

9°  -au  pour  les  idées  collectives  :  nurbau  =  ville  (L.  urbs); 
krekau  =  troupeau  (L.  grex). 

10°  -uo  pour  les  réunions  d'hommes  :  miliduo  =  armée  ;  nunuo 
■=  union; 

11°  -ai  pour  les  concepts  concrets  é/evés  (religieux,  astronomi- 
ques).: adonai  ^=Dieu  (hébreu);  sdelai==  étoile:  blanedai  =  pZa/ièie ; 

12°  -oi  pour  les  fonctions  sociales  :  kuwernoi  =  gouvernement: 
shuroi  =  yusiice  (cf.  shuri  =  droit:  shusdi  =  justice  (vertu);  shurai 
=  justice  divine)  ; 


EICHHORN   :    VVELTSPRACHE  297 

130  .a  pour  l«>s  iiif'milifs  sul»stnnlili«'s  :  le  skribu       l'nritnre; 

14°  -ua  pour  l'action  iiidiciitrc  par  la  raciiit-  vcrhal)*  :  bardaa  = 
division  (l'action  de  partager)  :  cf.  barde  =  division  (partie); 

1")»  -ia  pour  les  ld«''es  demi-abstraites  et  les  idées  d'états  :  knria 
=  soin  (L.  cura);  wokia  =  voix  (L.  vox);  8ana=  faim  (de  sur  = 
esurire;  la  racine  vam  =  fama  signifie  renommée); 

10»  -i  pour  les  purs  abstraits  :  nami,  amour:  lokwi  =  langage 
(linkwô  =  langue):  naudi  =  ouïe  tnaurô  =^  oreille)  ;  et  les  idées  de 
It'uips  :  dembi  =  temps:  nani  =  année:  nori  :=  heure: 

170  -ei  pour  les  idées  d'espace  :  sbadsei  —  espace  (L.  spatium); 

18»  -ui  pour  les  choses  répugnantes  :  shelui  =  crime  (L.  scelus); 
dekui  —  déshonneur  (deki  =  honneur,  L.  decus)  ; 

III'  -iu  pour  les  maladies  :  vebriu  =  fièvre:  vdisiu  =  phtisie; 
dsàkiu  =  cécité. 

Les  noms  propres  de  personnes  prennent  la  désinence  -o  ou 
-a,  suivant  le  sexe  :  Shubidro  =  Jupiter.  Les  autres  noms  |)ropro.s 
sont  transcrits  phonéticpieinent. 

Les  adjectifs  se  forment  en  ajoutant  le  suflixe  -le  au  substantif 
ou  -ile  ù  la  racine.  Ex.  :  bulkri  =  beauté,  bulkrile  =  beau:  bonile 
=  bon,  malile  :=  mauvais  :  mankile  =:  grand  {magnus),  nalbile  =  blanc 
{nlbus),  nikrile  ^^  noir:  vadsile  =  facile. 

La  voyelle  linale  du  substantif  subsiste  avec  son  sens.  Ainsi 
wiro  =  homme  engendre  wirole  =  viril,  tandis  que  wiri  =  force 
«Mitrcndre  wirile  —  fort.  Autres  exemples  :  badrole  =  paternel, 
madrale  =  mati-rnet;  mikole  :=  amical:  vereole  =  de  fer. 

Inversement,  l'adjectif  devient  substantif  en  perdant  sa  termi- 
naison -le  ot  «Ml  prenant  les  désinences  -o,  -a.  Ex.  :  bulkro  =  un  6*/ 
homme,  bulkra  =  une  belle  (femme):  l'idée  abstraite  (neutre)  est 
caractérisée  par  la  désinence  -ia  :  bulkria  =  le  beau. 

^uand  l'adjectif  dérive  d'un  verbe  avec  l'idée  du  passif,  il  se 
forme  au  moyen  du  suflixe  -ère  (r  étant  la  caractéristique  du 
l)assif)  :  vakere  =  faisable;  lekere  =  lisible:  namere  =  aimable. 

Les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  se  forment  en  changeant  la 
finale  -e  en  le  :  vadsilie  =:  facilement. 

L'auteur  distingue  avec  soin  les  vrais  dérivés,  dont  le  sens 
est  réellement  composé  du  sens  du  mot  simple,  et  les  faux  dérivés, 
dont  le  sens  ne  peut  pas  se  reconstituer  à  l'aide  du  sens  des 
cléments  simples  (Ex.  :  untergehen  =  périr  (litt.  :  aller  sous):  de 
même  qu'en  latin  perire  signifie  traverser).  Naturellement,  les 
vrais  dérivés  seuls  seront  traduits  par  des  dérivés  analogues. 


298  SECTION   III,    CITAPITRE  VIII 

Quant  aux  mots  composés,  l'auteur  ne  les  admet  pas,  parce  qu'ils 
sont  difficiles  à  comprendre.  Il  préfère  chemin  deferkEisenbahn  (D.), 
en  vertu  de  ce  principe  général  de  syntaxe,  que  le  déterminé 
doit  précéder  le  déterminant  (contrairement  à  l'usage  allemand). 
Quand  on  entend  Weltspracheblatl,  on  ne  sait  pas  de  quoi  il  s'agit 
avant  la  fin  du  mot  ;  l'ordre  naturel  est  au  contraire  Blatt  (feuille) 
der  Sprache  (relative  à  la  langue)  der  Welt  (universelle).  L'idée 
principale  vient  d'abord,  elle  se  complète  et  se  précise  par  les 
additions  successives. 

Grammaire. 

L'auteur  admet  un  article  défini^  qui  est  : 

lo  (masc.)  la  (fém.)  le  (neutre)  au  singulier; 
lô      —       là     —       11        —        au  pluriel. 

L'article  indéfini  est  nu,  un;  il  est  invariable.  Employé  comme 
pronom,  il  est  précédé  de  l'article  défini  :  lo  nii,  la  nu,  l'un,  Vune. 

L'article  défini  marque  le  genre  et  le  nombre  du  substantif, 
tandis  que  le  cas  est  indiqué  par  les  particules  :  dé  (génitif),  a 
(datif),  da  (accusatif)  mises  avant  l'article.  Ex.  :  lo  badro  {le père), 
de  lo  badro,  a  lo  badro,  da  lo  badro.  Le  pluriel  du  substantif  est 
marqué  par  un  -s  final  :  16  badros,  de  lô  badros,  a  16  badros,  da  16 
badros.  La  particule  de  l'accusatif  ne  sera  employée  que  si  elle 
est  nécessaire  pour  éviter  une  équivoque.  Les  prépositions  ne 
régissent  aucun  cas  ;  c'est-à-dire  que  les  autres  cas  se  forment  au 
moyen  des  diverses  prépositions. 

Vadjectif  est  invariable  en  genre,  en  nombre  et  en  cas.  Il  se 
place  toujours  après  le  substantif,  en  vertu  de  la  règle  générale 
de  syntaxe. 

Les  degrés  de  comparaison  se  forment  au  moyen  des  particules 
bluet  blusd  placées  devant  l'adjectif.  Le  superlatif  (relatif)  prend 
l'article  devant  blusd. 

Les  noms  de  nombre  sont  construits  a  priori,  et  caractérisés  par 
la  consonne  k  (sauf  nuli  =:  0).  Ce  sont  : 

ak,  1  ;  ek,  2  ;  ik,  3  ;  ok,  4;  uk,  5  ;  ôk,  6  ;  uk,  7  ;  auk,  8  ;  aik,  9. 

Les  suivants  sont  composés  en  énonçant  le  chiffre  des  dizaines, 

puis  celui  des  unités  :  akuli,  10;  aka,  11;  ake,  12;  aki,  13; 

ekuli,  20;  ikuli,  30;  Puis  viennent  :  dsend,  100:  mil,  1000  : 

milion,  1  000  000.  Ainsi  1887  s'énonce  :  mil  auk  dsend  aukû. 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  au  moven  du  suffixe  -dû. 


EICIIHORN    :    WELTSPRACHE  299 

Les  nombres  de  fuis  s'cxpriinciil  nu  moy<Mi  «lu  suffixe  -es  «m  -les. 

Lo'!^  adjectifs  multiplicatifs  se  fonuciil  au  uioy«Mi  du  suClixi'  -ble. 

LcH  pronoms  personnels  sont  :  mo,  do,  ro:  noi,  voi,  rô.  Celui  de 
la  3"  pcrsoniH'  varie  eu  genre  aux  deux  nombres  :  ro,  ra,  re: 
rd,  rà,  ri. 

Les  pronoms  du  singulier  ont  un  accusatif  :  mi,  di,  rao  (mar 
rue).  Ceux  du  pluriel  «tuf  leur  accusatif  marqué  par  la  parti- 
cule da.  On  se  traduif  par  meno. 

Le  pronom  réfléchi  est  si  (sing.  et  plur.). 

Les  pronoms  possessifs  sont  dérivés  des  prouftnis  personnels  par 
ladjoncfion  de  -le  (suffixe  des  adjectifs)  :  mole,  dole,  rôle  raie, 
rele):  noile,  voile,  rôle  iràle,  rile).  Ils  sont  invariables. 

Les />/'o/io;»is  démonstratifs  sont  :  sdo,  celui-ci;  klo,  celui-là:  lo  sdo, 
le  métne:  lo  klo,  celai  qui. 

Le  pronom  relatif  ol  interrogatif  cal  :  kwo.  Tous  ces  pronoms 
varient  en  genre  et  en  nombre,  et  se  iléclinenl  comme  les  sub- 
sfaiififs. 

Les  pronoms  indéfinis  sont  :  bse,  même:  lin,  autre:  dale,  tel: 
maie,  maint:  kwokwo.  quiconque:  nû-kwo,  quelque:  dudo.  tout: 
non-nû.  aucun  :  nemo,  personne. 

Le  verbe  ne  varie  pas  suivant  la  personne.  L'iiulicatif  présent 
est  l'iidinilif  présent,  c'est-à-dire  le  radical  verbal  :  mo  éok, /en- 
seigne. Les  autres  temps  soid  manpiés  par  les  suffixes  suivants 
(imités  du  latin  ou  du  grec)  : 

imparfait  :  -aba  :  mo  dokaba. 

Parfait:  -idi  :    mo  dokidi. 

Plus-que-parfait  :  -udu  :  mo  dokudu. 
Futur  :  -oso  :  mo  dokoso. 

Futur  antérieur  :     osho  :  mo  dokosho. 

\.o  subjonctif  {i\on[  l'usage  sera  l'éduit  au  siriol  nécessaire)  sera 
marqué  par  la  particule  invariable  Ikon  ajoutée  aux  fenqw  d«» 
l'indicatif. 

Les  conditionnels  dérivent  des  futurs  par  linstM-lion  de  i  avant 
la  fernunaisoM  :  mo  dokioso.  j'e/ise'jji/it'rflis :  mo  dokiosho.  j'flnrrtjs 
enseigné. 

l.'opintif  s(v\prime  par  le  verbe  auxiliaire  maid  [Uiighl  E.\  ou 
par  daib  quaml  il  y  a  idée  d'obligation. 

Chose  curieuse,  le  verbe  varie  en  nombre  :  le  pluriel  est 
marqué  i)ar  la  désinence  -n  ou  -en  ajoutée  aux  formes  précé- 
dentes, qui  sont  réservées  au  singulier. 


300  SECTION    III,     CHAPITRE   VIII 

\J  impératif  se,  forme  en  ajoutant  le  pronom  personnel  à  l'infî- 
nitif,  et  en  intercalant  un  ù  ou  uni,  suivant  que  le  sens  est  plus 
ou  moins  impérieux:  dokudo,  enseigne-,  dokuro,  qu'il  enseigne ^ 
dokûnoi,  enseignons,  etc. 

L'auteur  croit  indispensable  de  faire  précéder  l'infinitif  de  la 
particule  du  {zu  D.,  to  E.)  :  du  dok,  enseigner.  L'infinitif  passé  est 
marqué  par  le  suffixe  -isen  :  du  dokisen,  avoir  enseigné.  Il  n'y  a 
pas  d'infinitif  futur. 

L'actif  n'a  que  les  participes  présent  et  passé,  marqués  respec- 
tivement par  les  suffixes  -and  et  ind. 

Le  passif  se  forme  en  ajoutant  -r  (ou  -er)  aux  temps  de  l'actif  (à 
l'imitation  du  latin).  Ex.  :  doker,  dokabar,  dokidir.  dokudur  dokosor, 
dokoshor:  infinitif  passé  :  dokiser.  Ce  suffixe  se  place  après  le 
suffixe  de  temps  et  avant   la  marque  du  pluriel:  ex.  :  dokiosoren. 

Le  passif  n'a  que  le  participe  passé  terminé  on  -ard  :  dokard, 
instruit.  11  a  aussi  un  gérondif  en  -urd  :  dokurd,  qui  doit  être 
instruit  [docendus  L.). 

Comme  adjectifs,  les  participes  sont  invariables  :  ils  devien- 
nent substantifs  par  l'adjonction  des  suffixes  -o,  -a,  etc.  :dokardo, 
un  savant;  et  adverbes  par  l'adjonction  du  suffixe  -ie  :  dokardie, 
savamment. 

Les  verbes  réfléchis  (supprimés  autant  que  possible)  se  conju- 
guent à  l'aide  des  pronoms  :  mi,  di,  si;  ni,  vi,  si. 

L'auteur  prévoit  plusieurs  verbes  auxiliaires  caractérisés  par  la 
diphtongue  ai  : 

baid,    pouvoir  (physiquement),  kônnen  (D.). 

laid,    pouvoir  (moralement),  diirfen  (D.). 

maid,  might{E.),  auxiliaire  de  Voptatif. 

laik,     môgen  (D.),  like{E.). 

wail,   vouloir. 

daib,    devoir. 

dais,    être  obligé  de,  mûssen  (D.). 

dsais,  être  forcé  de,  mûssen  (D.). 

Les  verbes  être  (ser)  et  avoir  (lam)  ne  sont  pas  auxiliaires,  et 
se  conjuguent  régulièrement,  ainsi  que  les  précédents. 

Nous  savons  déjà  comment  se  forment  les  adverbes  dérivés 
d'adjectifs.  Quant  aux  adverbes  primitifs,  ils  sont  empruntés  au 
latin,  mais  déformés  pour  être  coulés  dans  le  moule  uniforme 
(v  — e).  Exemples  :  oras  =  dehors  {foras);  okul  =  loin  (procul); 
onen  =  derrière  (pone);  oben  =  près  (prope);  eman  =  de  bonne 


EICHUORN    :    WELTSPRACHE  301 

heure  [inane);  oser  =::  lard  (sero):  imul  =^  en  même  temps  (sinml); 
ember  =  toujours  {semper):  ever  =^  presipie  (fere);  orsan  =  peut-être 
{forsan):  imis  =  trop  {nimis),  etc. 

Oui  ri  non  se  disent  imin  (imo)  et  enon.  Xe...  pas  so  traduit  par 
non,  (jui  se  place  devant  le  verbe,  et  qui  entre  aussi  en  composi- 
tion comme  préfixe. 

Les  prépositions,  devant  avoir  une  forme  déterminée,  sont 
construites  en  parti*'  n  priori,  sur  le  type  :  vcv:  dans  celles  qui 
doivent  entrer  en  composition,  les  deux  voyelles  sont  pareilles, 
afin  qu'on  puisse  supprimer  la  première  (ana  devient  na-}. 

Les  prépositions  qui  indiquent  le  mouvement  vers  un  lieu 
sont  caractérisées  par  la  consonne  n  :  ana,  vers:  ene,  dans; 
ini.  sur:  unu,  sous:  ono.  autour.  (N.  B.  Les  voyelles  i  et  u  ont  res- 
pectivement le  sens  d'en  haut,  cVen  bas:  la  voyelle  o,  circulaire,  a 
le  sens  iVautour.) 

Les  prépositions  qui  indiquent  le  repos  en  un  lieu  sont  carac- 
térisées par  la  consonne  m  :  ama,  auprès  de:  eme,  dans:  imi.  sur; 
umu,  sous:  omo,  autour. 

Les  prépositions  <|ui  indiquent  le  mouvement  qui  s  éloigne 
d'un  lieu  sont  caractérisées  par  la  consonne  s  :  asa.  de:  ose, 
hors  de,  etc. 

Les  prépositions  de  temps  ont  en  général  p«)ur  seconde 
voyelle  i  :  eli,  depuis;  o\i, pendant;  ivi,  avant;  iswi,  après  lOVO.  oswo 
signifient  avant  et  après  dans  l'espace  'i. 

Les  autres  prépositions  sont  empruntées  au  latin,  modifiées 
au  besoin  pour  rentrer  dans  le  type  générique  :  indra.  dedans; 
eksdra.  dehors:  ubra,  dessus  supra):  invra.  dessous:  Indre,  entre,  etc. 

i*our  traduire  avec,  l'auteur  emprunte  ko  au  latin:  mais  il  faut 
lui  donner  la  forme  vcv.  Or  oko  est  un  nom  de  nombre:  il  faut 
donc  adopter  oiko.  De  même,  pro  lievienl  obro:  sine  sans,  isne: 
contra,  ondra:  coram  (on  présence  de),  ora  adverbe  :  oran).  De 
môme  encore  :  ansa  veut  dire  à  cause  de;  alkre.  malgré. 

Les  conjonctions  sont  empruntées  au  latin  suivant  le  même  sys- 
tème (type  :  vo.  Ed  =  e/:  and  =  ou  [aut):  ad  =  mais  at):  is  =  si: 
iak  =  parce  que  (quia)  :  ask  =  comme  si  [quasi)  :  eam  =  aussi  (etiam)  ; 
im  =:  car  (enim^:  erk  =  donc  [ergo):  nm  =  quand  (cum):  and.  pen- 
dant que  [dum):  osd.  après  que  (poslquam),  etc. 

I.  I/aulcur  fait  remarquer  ici  ingénument  que  le  choix  de  ces  mots  n'esl 
nulloiiuMit  nrMlrnire.  Et,  on  effet,  il  juslKle  iswi.  oswo.  on  disant  qu'il 
prend  pour  signiller  après  les  deux  dernières  coiistumos  de  rnlphabel! 


302  SECTION   m,    CHAPITRE   VIII 

L'auteur  n'a  indiqué  qu'une  fois  une  corrélation  de  forme 
entre  les  particules  d'interrogation  et  de  réponse  :  ikur,  pour- 
quoi? {cur);  akur,  pour  cela  (cf.  :  ivarum,  darum  D.). 

Enfin  il  a  cru  devoir  inventer  des  interjections  nouvelles  (de  la 
forme  vcvcv)  pour  les  divers  sentiments  :  joie,  ailla  :  douleur, 
owàwô,  etc. 

Pour  la  syntaxe,  il  promulgue  le  principe  que  nous  connais- 
sons déjà;  il  remarque  que  le  verbe  placé  à  la  fin  de  la  phrase 
(comme  il  l'est  souvent  en  grec,  en  latin  et  en  allemand)  rend  la 
compréhension  difficile.  11  prescrit  donc  l'ordre  français  :  sujet 
et  ses  compléments,  verbe  et  adverbe,  régime  direct,  régime 
indirect,  autres  compléments. 


Critique. 

Le  projet  de  l'abbé  Eigjiiiorn  repose  sur  des  principes  fort 
raisonnables;  tel  est  notamment  celui  qui  tend  à  distinguer  les 
parties  du  discours  par  leur  forme.  Malheureusement,  les  règles 
par  lesquelles  il  prétend  appliquer  ce  principe  apportent  des 
restrictions  arbitraires  et  fort  gênantes;  elles  combattent  et 
détruisent  l'effet  d'un  autre  principe,  également  excellent,  qui 
consiste  à  emprunter  les  racines  au  latin  et  à  d'autres  langues, 
pour  soulager  la  mémoire.  Mais  le  vice  capital  de  ce  système  est 
dans  l'alphabet,  dans  la  confusion  graphique  des  consonnes 
douces  et  fortes.  Lors  môme  que  certains  peuples  (peu  nom- 
breux, en  somme)  ne  pourraient  pas  distinguer  ces  deux  sortes 
de  consonnes,  il  suffisait,  pour  tenir  compte  de  cette...  infirmité, 
d'éviter  de  former  des  mots  qui  ne  diffèrent  que  par  une  de  ces 
consonnes  (comme  pompe  et  bombe);  mais  il  n'était  nullement 
nécessaire  de  supprimer  une  consonne  sur  deux,  ce  qui  rend  les 
mots  graphiquement  méconnaissables'.  Ces  deux  causes  réunies 
ont  concouru  à  dénaturer  la  plupart  des  racines  et  des  parti- 
cules adoptées  par  l'auteur.  Sans  doute,  il  déclare  que  la  liberté 
qu'il  prend  de  réformer  les  mots  ne  doit  pas  les  rendre  inintel- 
ligibles, et  «   que  la  racine  latine  doit  toujours   être  encore 

1.  Pour  juger  de  la  nécessité  ou  de  Tutilité  de  cette  réforme,  il  suffit  de 
se  demander  si  les  Allemands  consentiraient  à  l'appliquer  à  leur  propre 
langue,  pour  la  rendre  plus  facile  (?)  à  une  partie  d'entre  eux  ((jui  est  une 
minorité). 


EICHHORN    :    VVELTSPRACIIR  303 

Inconnaissable  ».  Los  nombreux  exemples  que  nous  avons  cités 
pcrinollont  au  lecteur  de  juger  s'il  a  tenu  parole'. 

IVautrc  part,  il  n'est  pas  rest«^  jusqu'au  bout  lidèle  au  principe 
dos  langues  n  posteriori.  Si  sa  conjugaison  syntb»'li(|ue  est  assez 
iuMireuseuient  inspirée  du  latin  (à  part  le  signe  du  pluriel,  bien 
inutile),  et  si  sa  déclinaison  analytique  est  conforme  au  génie 
des  langues  modernes,  ses  noms  de  noud)re  et  une  partie  de  ses 
prépositions  sont  formés  a  priori,  suivant  des  idées  théoriques 
ingénieuses,  mais  dont  l'application  pratique  est,  quoi  qu'il  en 
(lise,  absolument  arbitraire.  De  mémo,  les  nombreux  suffures 
cnractérislitpu's  qu'il  invente  pour  les  substantifs,  outre  qu'ils  sont 
pour  la  plupart  arbitraires,  appartiennent  aux  systèmes  a  priori, 
et  conlribuent  encore  i\  défigurer  les  radicaux  empruntés  aux 
langues  naturelles  ■•*.  En  résumé,  l'auteur  n'a  pas  eu  assez  d'es- 
prit de  suite  et  n'a  pas  su  développer  son  système  d^une  manière 
couséquenfe  et  cohérente.  Son  exemple  prouve  que  l'application 
uudadroito  de  principes  excellents  peut  conduire  à  un  résultat 
pratiquement  inadmissible. 


1.  Voir  In  iiK'^me  critique  cliez  J.  Stempfl.  Myrana,  p.  117  (cet  auteur  est 
justement  un  .\lloninnd  du  Sud  comme  Eichiiorn). 

2.  Voir  notre  crilitjue  du   Volapûk. 


CHAPITRE   IX 


D'   ZAMENHOF  :  LA  LINGVO  INTERNACIA 
DE   DOKTORO   ESPERANTO^ 

L'auteur  de  la  langue  connue  sous  le  nom  d'Espéranto  est  un 
médecin  russe,  le  D""  Louis-Lazare  Zamemiof^,  né  en  1859  à  Bie- 
lostok (gouvernement de Grodno).  lia  raconté  lui-même  la  genèse 
de  sa  langue  dans  une  admirable  lettre  que  nous  allons  résumer 
brièvement^  Quand  l'idée  de  la  langue  internationale  lui  est-elle 

1.  D"  Espéranto  :  Langue  internationale,  Préface  et  manuel  complet,  en 
russe  (Varsovie,  Gebethner  et  WoHT,  1887).  —  Die  Weltsprache  ■<  Espé- 
ranto »,  vollstândiges  Lehrbuch  nebst  zwei  W  or  ter  bûcher  n,  nacli  der  russ. 
Ausgabe  von  Dr.  L.  Samenhof,  lirsg.  von  W.  H.  Trompeter  (Niirnberg, 
1891).  —  Tlie  international  Language  «  Espéranto  »,  complète  Instruction- 
Book  with  two  Vocabularies,  translatée!  after  thc  Russian  of  Dr.  L.  Za- 
menhof  bv  R.  H.  Geoghegan  (Uppsala,  1898).  —  Langue  internationale 
«  Espéranto  »,  Manuel  complet  avec  double  dictionnaire,  traduit  sur  Tou- 
vrage  russe  du  Dr  Zaïnenhof  par  L.  de  Beaufront,  4''  éd.  (Paris,  Le  Sou- 
dier,  1899).  —  Universalx  Vortaro  de  la  lingvu  internacia  «  Espéranto  » 
(en  0  langues),  par  L.  Zamenhof,  3"  éd.  (Varsovie,  1900).  —  Ekzercaro 
(recueil  d'exercices,  en  3  langues),  par  L.  Zamenhof,  2"  éd.  (Varsovie,  1898). 
—  Depuis  1901,  la  librairie  Hachette  a  le  monopole  (pour  tous  les  pays)  de 
la  Kolekto  Esperanta  aprobita  de  D°  Zamenhof,  qui  comprend  :  1°  Gram- 
maire et  Exercices  de  la  L.  i.  Espéranto,  par  L.  de  Beaufront  (contient 
VEkzei'cai'o),  1902  ;  2"  Dictionnaire  Espéranto-Français,  par  L.  de  Beaufront, 
2''  éd. 1902;  .3°  Dictionnaire  Français-Espéranto  (en  préparation);  4"  Vocabu- 
laire Français -Espéranto  et  Espéranto  -  Français ,  par  Cart,  Mergkens  et 
Berthelot  (1903);  3°  Commentaire  sur  la  Grammaire  Espéranto,  par  L.  de 
Beaufront,  2"  éd.  (1902);  G°  L'Espéranto  en  dix  leçons  (Cours  du  Touring- 
Club  de  France),  par  Cart  et  Pagnier  (1902);  7°  Premières  leçons  d'Espé- 
ranto, par  Cart.  —  Voir  aussi  h'Espérantiste,  journal  mensuel  fondé  en  1898 
par  M.  DE  Beaufront  (Epernay,  Marne).  —  Enfin  viennent  de  paraître  : 
Lehrbuch  derint.  Hilfssprache  «  Espéranto  »  mit  Wôrterbuch,  par  A.-H.  Fried 
(Berlin,  1903),  et  Espéranto,  The  StudenVs  Complète  Texl-book,  par  J.-C. 
0'  CoNNOR  (London,  1903). 

2.  Prononcer  Z  à  la  française  ;  les  Allemands  écrivent  :  Samenhof. 

3.  Adressée  à  M.  Borovko  ;  traduite  en  Espéranto  et  publiée  dans  La 
Lingvo  internacia,  1890,  puis  dans  le  Jarlibro  Esperantista  de  1897  et  dans 
les  Esperantaj  Prosajoj  (Hachette,  1902). 


d'  zamenhop  :  espéranto  SOS 

venue?  Il  ne  saurait  le  dire  :  si  loin  que  rfuionlenl  ses  souvenirs, 
il  a  vécu  avec  elle  et  pour  elle.  Les  conditions  où  s'est  passée  son 
«Mifance  en  ont  favorisé  et  hAlé  l'éclosion.  Sa  ville  natale  est 
divisée  outre  <|ualro  races  de  langues  dilTérentes  (Husses, 
Polonais,  Allemands  et  Israélites)  qui  se  haïssent  et  se  maltraitent 
mutuellement.  Le  contraste  de  ces  discordes,  dues  au  moins  en 
partie  à  la  diversité  do  langues,  avec  une  éducation  t  idéa- 
liste »  qui  lui  onsoignait  que  tous  les  hommes  sont  frères,  lui 
suggéra  la  pensée  de  remédier  à  ce  mal  par  la  création  d'une 
langue  neutre,  priso  on  dehors  des  langues  nationales  vivantes. 
11  pensa  d'ahortl  à  ressusciter  l'usage  d'une  des  langues  mortes 
de  l'antiquité  classique:  mais  il  renonça  bientôt  à  ce  rtive  d'éco- 
lier, et  en  vint  à  concevoir  uno  langue  artificielle.  Kn  avançant 
dans  ses  études  littéraires  ^au  gymnase  de  ^'arsoviej,  il  se  con- 
\;iinquitque  la  complexité  des  grammaires  naturelles  était  une 
richosso  vaine  et  encombrante,  et  se  mit  îi  élaborer  une  gram- 
maire sinipliliée.  Hestait  ù  construire  le  vocabulaire  :  l'énormité 
de  la  tùche  l'effrayait,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  remarqué  que  l'emploi 
des  affixes  de  tlérivation  permet  de  former  beaucoup  de  mots 
avec  un  seul,  et  dispense  par  suite  d'un  travail  de  mémoire 
énorme.  Seulement,  il  fallait  que  cette  formation  fût  absolument 
régulière:  il  se  mit  donc  à  cataloguer  les  diverses  relations  de 
sens  qui  existent  entre  les  mots,  et  à  chercher  pour  chacune 
d'elles  un  suffixe  spécial  et  unique.  Il  réduisait  ainsi  de  beau- 
roup  le  nombre  des  mots  primitifs  ou  des  radicaux. 

Ouant  à  la  constitution  de  ces  radicaux,  le  D""  Zamenhof  avait 
d'abord  songé  à  les  fabricpier  de  toutes  pièces  par  des  combi- 
naisons arbitraires  de  lettres,  afin  d'obéir  à  la  «  loi  d'économie  », 
ot  sous  prétexte  que  le  sens  des  racines  est  absolument  conven- 
lic^mol.  Mais  il  y  renonça  bientôt,  s'apercevant  que  ces  racines 
artifitielles  étaient  trop  difficiles  à  apprendre  et  à  retenir.  Il 
remar(|ua  qu'il  y  a  dans  les  langues  modernes  un  grand  nombi*e 
de  mots  déjà  internationaux:  il  les  adopta,  et  constitua  ainsi  un 
vocabulaire  romano-germanique. 

Il  avait  ainsi  élaboré,  dès  l'année  1878,  une  «  lingwe  univer- 
sala  »  qu'il  se  mit  à  pratiquer  avec  ses  camarades  (il  était  encore 
au  gymnase).  Mais  ceux-ci,  une  fois  séparés,  oublièrent  bientôt 
la  langue  et  leurs  promesses  de  propagande.  Le  D'  Zamenhof 
soumit  son  projet  à  une  nouvelle  incubation,  pendant  sesf»  années 
(i  études  à  ri'niversité.  sans  en  parlera  personne:  il  s'exerçait  en 

CovTUR.vT  et  Leav.  —   I^ngac  univ.  "0 


306  SECTION  III,    CHAPITRE    IX 

secret  à  traduire,  à  composer  et  à  penser  dans  sa  langue  ;  il  la 
perfectionnait  et  l'enrichissait  peu  à  peu,  l'assouplissait  et  lui  don- 
nait un  «  esprit  »  autonome,  une  physionomie  propre.  Enfin,  il 
découvrait  le  moyen  de  la  rendre  utile  même  à  ceux  qui  ne  la 
connaîtraient  pas,  en  construisant  les  mots  avec  des  éléments 
indépendants  et  invariables,  de  manière  que  la  grammaire  ren- 
trât dans  le  vocabulaire,  et  qu'on  pût  déchiffrer  un  texte  à  l'aide 
du  lexique  seul.  Enfin,  après  avoir  cherché  en  vain  un  éditeur 
pendant  deux  ans,  il  se  décida  à  publier  en  juillet  1887  sa  pre- 
mière brochure  sous  le  pseudonyme  de  Doktoro  Espéranto,  qui  est 
devenu  le  nom  courant  de  la  langue;  risquant  dans  cette  aven- 
ture, avec  le  sort  de  son  projet,  son  avenir  de  médecin  et  celui 
de  sa  famille. 

Comme  on  vient  de  le  voir  par  ce  résumé,  le  projet  du 
D""  Zamenhof,  inspiré  par  les  mobiles  humanitaires  les  plus 
nobles,  a  traversé,  en  raccourci,  les  mêmes  phases  que  l'idée 
même  de  la  langue  universelle  :  restauration  du  latin,  puis  langue 
a  priori  et  purement  combinatoire,  enfin  langue  a  posteriori.  11  est 
fondé  sur  deux  principes  essentiels  :  le  principe  du  maximum  d'in- 
ternationalité acquise  pour  les  racines  ;  et  le  principe  de  l'invariabi- 
lité des  éléments  lexicologiques,  chacun  d'eux  étant  une  racine 
indépendante  et  ayant  un  sens  propre.  Il  réunit  ainsi  et  fond 
ensemble  les  propriétés  et  les  avantages  des  langues  agglutina- 
tives  et  des  langues  à  flexions. 


Grammaire. 

Valphabetse  compose  de 27  lettres,  5  voyelles  :  a,  e,i,  o,  u  (oh): 
et  22  consonnes  :  b,  c  {ts),  c  (tch),  d,  f,  g  (toujours  dur),  g  [dj),  h 
(aspirée),  h  {ch  allemand  dur),  j  (y  de  yeux),  ]  (j  français),  k,  1,  m,  n- 
p,  r,  s  (toujours  dur),  s  (ch),  t,  v,  z.  Il  faut  ajouter  la  demi-con- 
sonne ù  {ou  bref),  qui  ne  figure  que  dans  les  diphtongues  au,  eu. 
Il  n'y  a  pas  d'autres  diphtongues  :  toutes  les  voyelles  se  pronon- 
cent séparément  et  forment  autant  de  syllabes  :  trairi,  soifo,  trouzi. 
D'ailleurs,  toutes  les  lettrés  se  prononcent  toujours  de  même, 
quelle  que  soit  leur  place  (notamment  le  c,  qui  a  partout  le  son 
Is,  comme  en  polonais). 

Vaccent  porte  toujours  sur  l'avant-dernière  syllabe  de  chaque 
mot  (une  diphtongue  compte  pour  une  syllabe). 


D*"  ZAMENHOP   :    ESPERANTO  307 

Los  prinripalos  parties  du  discours  sont  dislinj^iécs  par  la 
voyelle  liiiale  :  le  subslantiC  par  -o,  radjcctil  par  -a,  l'adverbe 
dérivé  par  -e,  le  verbe  (à  rinfinitif)  par  -i'.  Beaucoup  de  prépo- 
sitions et  d'adverbes  primifil's  se  terminent  en  -au. 

L'nrticle  défini  est  la,  invariable  en  genre  el  en  nf>nd)re  -.  11  n'y 
a  pas  d'article  indéfini,  ni  d'article  partitif. 

Le  subslnnlifosi  terminé  par  -o  an  nominalirsingulier.  On  forme 
le  nominatif  pluriel  <'n  ajoutant  j.  On  fornu>  l'accusatif  {sing.  ou 
plur.)  en  ajoutant  nu  -n  au  nominatif  correspondant.  Tous  les 
autres  cas  sont  remplacés  par  des  |»réposifions. 

l.'adjeclif  es[  terminé  en  -a  au  nominatif  singulier.  Il  est  inva- 
riable en  genre.  Son  pluriel  et  son  accusatif  se  forment  comme 
ceux  du  substantif,  avec  lequel  il  s'accorde  toujours.  La  décli- 
naison du  substantif  et  tle  l'adjectif  se  résume  donc  dans  le 
paradigme  suivant  : 

Plur. 

la  bona)  patroj,  les  bons  pères. 


Sing. 

Nom.  la  bona  patro,  le  bon  père. 
Arc.    la  bonan  patron.  . 


la  bonajn  patrojn. 
Les  degrés  se  forment  analyliquemont  au  moyen  d'adverbes 


Le  comparatif  d'égalilé,      au 

moyen 

de  Uel 

.  lùél, autant. 

..que. 

Le  comparatif  de  supériorilé. 

— 

pli 

.  ol.  plus 

.  que. 

—           d'infériorité. 

— 

malpli  . 

.  ol.  moins   .. 

.  que. 

Le  superlatif  de  supériorité, 

— 

plej 

..  el.  le  plus  . 

.de. 

—        dinfériorité. 

— 

malplej  . 

..  el.  témoins . 

..de. 

Le  superlatif  alisolu. 

— 

tre. 

très 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  invariables  :  unu,  1  :  du,  i  : 
tri,  3:  kvar.  4:  kvin,  5;  ses,  C;  sep,  7:  ok,  8:  naû.  U;  dek,  10:  cent, 
100:  mil,  1000. 

Un  nombre  exact  de  dizaines,  centaines....  (inférieur  à  iO) 
s'exprime  en  faisant  suivre  le  nom  de  ce  nombre  du  mot  dix^ 
cent....  :  dudek.  20:  tridek,  .W:...  ducent,  200;... 

Tout  autre  nondire  s'exprime  en  énon(;anl  successivement  le 
nombre  de  ses  unités  des  différents  ordres  (quand  il  n'est  pas 
n\\\).  en  comnien(:ant  par  le  plus  élevé  :  1 1  -^  dek  unu:  12  =  dek 
du:  21  =  dudek  unu:....  24r)7  =  dumil  kvarcent  kvindek  sep. 

1.  Commo  cps  carnrtéristiqups  s'ajoutent  au  radical,  elles  n'ont  leur  sens 
(|ut>  dans  les  polysyll.ibes.  Coin  n'empèctie  pas  d'avoir  les  prépositions 
luonosyllnhiquos  :  da,  de,  pri,  pro. 

2.  L'article  la  peut  s'élider  on  1'  après  une  préposition  flnissant  par  une 
vovello. 


308  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

Les  adjectijs  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  aux  nombres  car- 
dinaux le  suffixe  -a  (des  adjectifs)  :  unua,  1";  dua,  2«. 

Les  adverbes  ordinaux  se  forment  de  môme  au  moyen  du  suffixe 
-e  (des  adverbes)  :  unue,  premièrement;  due,  deuxièmement. 

Pour  substantifier  les  noms  de  nombre  cardinaux,  il  suffît  de 
leur  ajouter  le  suffixe  -o  (des  substantifs)  :  unuo,  unité;  duo,  couple, 
paire;  deko,  dizaine. 

Les  nombres  multiplicatifs  se  forment  en  ajoutant  aux  cardinaux 
le  suffixe  -obi,  plus  la  caractéristique  -o,  -a  ou  -e  suivant  qu'il 
s'agit  d'un  substantif,  d'un  adjectif  ou  d'un  adverbe  :  duobla, 
double;  la  trioblo,  le  triple:  kvaroble,  quadruplement. 

Les  nombres  fractionnaires  se  forment  de  même  au  moyen  du 
suffixe  -on  :  duona,  demi-  ;  la  kvarono,  le  quart  ;  duone,  à  demi. 

Les  nombres  collectifs  se  forment  de  môme  au  moyen  du  suffixe 
-op  :  duopa  atako,  attaque  àdeux;  kvinope,  à  cinq. 

Les  nombres  de  fois  se  forment  de  môme  au  moyen  du  suffixe 
foi(e)  :  unufoje,  une  fois;  dufoje,  deux  fois. 

Les  nombres  distributifs  s'expriment  en  faisant  précéder  le 
nombre  cardinal  de  la  préposition  po  :  po  du,  à  deux  {deux  par 
deux,  deux  par  tête,  par  pièce,  etc.). 

Les  pronoms  personnels  sont  :  mi,  je;  vi,  tu  et  vous  '  ;  li,  il;  si,  elle^; 
gi,  il  (neutre);  ni,  nous;  ili,  ils,  elles  (3  genres). 

On  doit  y  ajouter  le  pronom  réfléchi  si  et  le  pronom  indéfini  oni 
=  on. 

Tous  ces  pronoms  prennent  -n  à  l'accusatif.  Ils  ne  varient  pas 
autrement. 

Les  pronoms-adjectifs  possessifs  sont  formés  par  l'addition  de  -a 
(suffixe  des  adjectifs)  aux  pronoms  personnels  correspondants  : 
mia,  via,  lia,  sia,  gia:  nia,  ilia:  sia.  Ils  forment  leur  pluriel  et 
leur  accusatif  comme  les  adjectifs.  Ils  s'accordent  avec  le  sub- 
stantif, exprimé  ou  sous-entendu  ^. 

Les  pronoms  démonstratifs,  relatifs  et  indéfinis  présentent  une 
corrélation  élégante  et  commode,  qui  s'étend  aux  adverbes  de 
lieu,  de  temps,  de  cause,  de  manière  et  de  quantité,  et  que  figure 
le  tableau  suivant. 


1.  Le  pronom  ci  =  lu  est  pratiquement  inusité  (comme  en  anglais). 

2.  Anglais  :  she. 

3.  En  d'autres  termes,  il  n'y  a  aucune  différence  entre  les  adjectifs  pos- 
sessifs et  les  pronoms  possessifs. 


d'  zamenhof  :  espéranto 


300 


"ï 

1 

H 

îi 

a 

.«^ 

.^ 

eniom 

ien  du 
tout 

P 

•< 

ils 

ai 

a; 

■5  = 

II 

O" 

•" 

e  - 

e 

1 

u 

s 

«i 

iel 

'une  manière 
quelconque 

•S» 

2 

•si 
•5  à 

6iel 
de  toutes 
s  manières 

neniel 

d'aucune 
manière 

•Si 

■ 

'75 

5 

> 

■a 

II 

< 

ial 

ur  une 

aison 

Iconque 

S 

as 

tial 

ir  cette 
aison 

fiial 

r  toutes 
raisons 

enial 

•  aucune 
aison 

i; 

o  ~  Si 

o 

O     ** 

a  ^ 

fl  a  ~ 

-<; 

'^      §- 

a. 

a-    1 

l.-^ 

S. 

5. 

<d  ^ 

"*  e 

as 
ai 

•3  s 

il 

s  s 

«  a 

" 

a 

"^  a- 

o 

a  --. 

(/) 

u 

■^ 

O 

»j 

es 
< 

ï 

•  ■5"  h 

•S» 

•5-i 

•  S 

'"^l 

•il 

eu 

i        ^ 

5" 

o. 

a 

'ri 

\ 

** 

M 

â 
D 

ca 
•< 

55 

& 

2 

ie8 

de 
quelqu'un 

«'3 

"S 

•S  s 

-i 
•51 

nenies 

de 
personne 

H 

— 

o 
>c 

o 

i 

«1 
a  <b 

.2-ÎS 

ai. 

.2  3 

•S  « 

o  ^ 

"Se 

a  ~ 

1      ^ 

&> 

1 

'      kl 
e 

S 

K 
U 

s 

3 

li 

5 

•3  5 

i? 

a. 

"ï 

"B 

a  ç 

f. 

u 

%> 

«: 

i 

ç 

S 

.2-5- 

a 

31 

•S4i 

6ia 

tout 
chaqu 

S  3 

^ 

*■ 

1*; 

en 

^ 

«s 

M 

.î 

1 

l 

ji: 

~ 

S  — 

C 

> 

"5 

L."3 

3 

•4( 

c 

3  u 

E 

'e 

'<£. 

. 

£ 

a 

a 

310  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

Les  adjectifs  et  pronoms  des  3  premières  colonnes  prennent  la 
marque  du  pluriel  et  celle  de  l'accusatif;  tous  les  autres  mots 
sont  invariables. 

Les  mots  de  la  3"  ligne  sont  tantôt  les  antécédents  des  mots 
de  la  2",  quand  ceux-ci  sont  relatifs,  et  tantôt  leurs  répondants, 
quand  ils  sont  interrogatifs.  On  leur  ajoute  ci  quand  on  veut 
désigner  un  objet  rapproché  :  tiu-ci,  celui-ci;  tio-ci,  ceci;  ci,  tie-ci, 
ici.  Pour  donner  aux  relatifs  le  sens  indéterminé,  il  suffit  de  leur 
ajouter  ajn  :  kiu  ajn,  qui  que  ce  soit;  kia  ajn,  quel  que  soit;  kie  ajn, 
n'importe  où  ;  kiam  ajn,  n'importe  quand. 

Les  principaux  pronoms  indéfinis  sont  : 

alia,  autre;  cetera],  les  autres;  kelka,  quelque;  multa,  nombreux 
(multe,  beaucoup);  tuta,  tout  entier;  sama,  te  même  (L.  idem).  Même 
(L.  ipse)  se  traduit  par  mem  (adverbe  invariable). 

Le  verbe  est  invariable  en  personne  et  en  nombre.  11  a  une  con. 
jugaison  absolument  uniforme,  qui  s'effectue  tout  entière  au 
moyen  de  six  terminaisons  :  -as  pour  le  présent,  -is  pour  le  passé, 
os  pour  le  futur,  -us  pour  le  conditionnel,  -u  pour  V impératif-sub- 
jonctif, et  -i  pour  Vinfinitif.  On  doit  y  ajouter  six  autres  terminai- 
sons pour  les  participes  actifs  et  passiTs  : 


Actif. 

Passif. 

Présent  : 

-ant 

-at 

Passé  : 

-int 

-it 

Futur  : 

-ont 

-ot 

Comme  on  le  voit,  les  voyelles  a,  i,  o  caractérisent  respective- 
ment les  trois  temps  principaux,  de  sorte  que  les  12  terminaisons 
verbales  se  réduisent  en  définitive  à  9  éléments  : 

a,  i,  o;  s,  nt,  t;  us,  u,  i. 

La  conjugaison  n'emploie  qu'un  seul  auxiliaire,  le  verbe  esti 
=  être,  qui  sert  à  la  fois  à  former  les  temps  secondaires  de 
l'actif  (avec  les  participes  actifs)  et  tous  les  temps  du  passif  (avec 
les  participes  passifs),  sans  jamais  être  répété  ou  accompagné 
d'un  autre  auxiliaire  '. 


1.  Comme  cela  arrive  dans  toutes  les  langues  vivantes  :  ic/i  wûrde  geliebt 
worden  sein  (D.)  z=f  aurais  été  aimé  (F.)  Le  verbe  esti  se  conjugue  comme 
les  autres,  c'est-à-dire  avec  lui-même  pour  auxiliaire;  mais  ses  formes  com- 
posées ne  servent  pas  d'auxiliaires  aux  autres  verbes. 


d'  zamenhof  :  espéranto  111 

V<»i4-i  lo  paradigme  do  la  conjugaisou  : 

Voix  active. 

Infinitif  présent  :  ami.  aimer. 

—  passé  :      esti  aminta.   (woir  aimé. 

—  futur  :      esti  amonta.  devoir  aimer. 
Participe  présent  :       amanta.  aimant. 

—  passé  :  aminta.   ayant  aimé. 

—  futur  :  amonta,  qui  aimera  '. 

Indicatif. 
Présent  :  amas.  Parfait  :  estas  aminta. 

Passé  :       amis.    Plus-que-parfail   .  estis  aminta. 
Futur  :       amos.  Futur  antérieur  :    estos  aminta. 

Conditionnel. 
Présent  :  anras.  Passé  :  estns  aminta. 

Impératif-subjonctif. 
Présent  :  amu.  Passé  :  estu  aminta. 

Voix  passive. 

Infinitif  présent  :  esti  amata.  être  aimé. 

—  passé  :      esti  amita.   avoir  été  aimé. 

—  futur  :       esti  amota.  devoir  être  aimé. 
Participe  présont  :        amata.  qu'on  aime. 

—  passé  :  amita,   qu'on  a  aimé. 

—  futur  :  amota,  qu'on  aimera. 

Indicatif. 

Présont  :  estas  amata.  Parfait  :  estas  amita. 

Passé  :      estis  amata.    Pius-que-parfail  :  estis  amita. 

Futur  :      estos  amata.  Futur  antérieur  .  estos  amita. 

Conditionnel. 
Présent  :  estus  amata.  Pass<'>  :  estus  amita. 

Impératif-Subjonctif. 
Présent  :  estu  amata.  liasse  :  estu  amita. 


I.  Los  participes,  considérés  comme  adjoolifs,  se  terminent  en  ••;  mois 
on  peut  les  transformer  en  suhstantirs  ou  en  adverbes  (gérondifs)  en  chan- 
geant cette  désinence  en  -o  ou  en  -•• 


312  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

On  remarquera  que  la  combinaison  du  verbe  être  avec  les 
divers  participes  permet  d'exprimer  bien  d'autres  nuances  de 
temps  ou  de  mode,  notamment  les  aoristes  anglais  (lam  going  = 
mi  estas  iranta;  /  was  luriting  =  mi  estis  skribanta)  et  certains 
temps  que  le  français  ne  peut  rendre  que  par  des  périphrases. 
Ex.  :  vi  estis  punota  =  vous  deviez  être  puni  (sens  de  futur,  et  non 
d'obligation)  :  c'est  un  passé-futur,  comme  vi  estos  punita  est  un 
futur-passé,  et  vi  estis  punita,  un  passé-passé. 

Quant  au  passé  rapproché  et  au  futur  rapproché,  ils  s'expriment 
au  moyen  des  adverbes  îus  {justement,  à  Vinstant)  et  tuj  [tout  de 
suite)  -.je  viens  de  lire  =  mi  jus  legis:  je  vais  écrire  =  mi  tuj  skribos. 

Les  verbes  réfléchis  se  construisent  avec  les  pronoms  person- 
nels, aux  !'■'=  et  2*^  personnes,  et  avec  le  pronom  réfléchi  à  la  3'=: 
tous  ces  pronoms  sont  mis  à  l'accusatif.  Ex.  :  mi  lavas  min,  je  me 
lave:  vi  lavas  vin,  tu  te  laves;  li  lavas  sin,  il  se  lave:  si  lavas  sin, 
elle  se  lave  (li  lavas  lin  et  si  lavas  sin  signifieraient  :  il  le  lave,  elle 
la  lave). 

Les  verbes  réciproques  se  construisent  soit  en  ajoutant  au  verbe 
l'éfléchi  l'adverbe  reciproke,  soit  en  ajoutant  au  verbe  actif  :  unu 
la  alian  [Vun  l'autre).  Us  se  battent  =  i\i  bâtas  sin  reciproke,  ou  : 
ili  bâtas  unu  la  alian. 

Les  verbes  impersonnels  n'ont  pas  de  sujet  :  pluvas,  il  pleut. 

L'interrogation,  directe  ou  indirecte,  se  marque  par  la  particule 
eu  mise  au  commencement  de  la  phrase  (sans  entraîner  aucune 
inversion),  à  moins  que  celle-ci  ne  contienne  un  mot  interrogatif. 

Les  adverbes  dérivés  se  forment  en  ajoutant  la  désinence  carac- 
téristique -e  au  radical,  quel  qu'il  soit  :  bone,  bien:  nokte,  de  nuit; 
kolere,  avec  colère:  cetere,  du  reste;  sekve,  par  conséquent;  alie, 
autrement.  Leurs  degrés  de  signification  s'indiquent  comme  ceux 
des  adjectifs. 

Les  principaux  adverbes  primitifs  sont  :  jes,  oui:  ne,  non,  ne... 
pas;  nun,  maintenant;  nur,  seulement ;ankan,  aussi :ankoraù,  encore; 
ec,  même:  jam.  déjà  :  baldaii,  bientôt:  kvazaii,  quasi:  hieraù,  hier: 
morgaù,  demain;  preskaù,  presque;  tro,  trop  ;  ju  pli...  des  pli,  plus... 
plus... 

Les  principales  prépositions  sont  :  al,  à,  vers;  de,  de  (origine, 
possession)  ';  en,  dans;  el,  hors  de;  ekster,  en  dehors  de;  sur,  sur; 


\.    Cette   proposition    traduit    logiquement    par  après  un   verbe    passif, 
comme  de  en  français  :  Il  est  aimé  de  tous. 


d'  zamenhof  :  bspehanto  313 

super,  au-dessas  de:  sub,  sous:  antaû,  avant:  post.  aprh:  apud. 
auprh  de:  ce.  chez:  cirkaû.  autour  de:  anstataû.  nu  lieu  de:  dam. 
pendant:  gis.  jn.v*/uV»:  inter.  entre:  kontraù.  ronire:  kun.  avec:  sen, 
sans:  per,  au  moyen  de:  pri,  au  sujet  de;  pro,  à  cause  de:  por.  pour 
{afin  de):  laù.  selon;  malgraû,  malgré. 

Knliii.  dans  les  cns  où  l'on  h('*site  entre  plusieurs  prépositions, 
ou  lorsqu'nucunc  no  parait  convonablo,  on  emploie  la  pn^posi- 
tion  indélermim'-e  je.  qni  p(Mjf  tenir  lieu  de  tonte  antre.  Kx.  : 
plein  de  sable  —  plena  je  sablo  :  la  dernière  fois  =  je  la  lasta  fojo  '. 

F.es  principales  conjonctions  sont  :  kaj  (<!.).  et:  au.  oh;  nek.  ni: 
sed.  mais:  ja.  à  la  vérité:  jen,  voici:  jeu...  jen.  tantôt,...  tantôt:  do, 
rfo/ic:tamen.  cependant:  se,  si:  ke,  que;  kiam,  lorsque:  kvankam 
(L.),  quoique:  car.  car.  parce  que:  eu,  est-ce  que? si  (interrogalif): 
eu...  eu,  soj7  que...  soit  que. 

(Jnelquos-unes  sont  aussi  des  prépositions  :  dum.  pendant  que; 
§is.  J/j.sv/hYj  ce  que:  anstataû.  nu  lieu  que. 

Danfi-es  sont  couipos«'es  avec  des  prépositions  ou  des 
adverbes  :  por  ke,  pour  que,  afin  que:  antaû  ol  *,  avant  que:  se  nur, 
pourvu  que:  nur  se.  à  moins  que:  éc  se.  (juand  même. 

Daillenrs  lin  ynpas  detlislindion  tranchée  entre  lesadverbes, 
les  préposilions^  et  les  conjonctions;  chacune  de  ces  particules 
l)ent  jouer  les  trois  rAles.  Toutefois,  elles  prennent  en  général  -e 
comme  adveibes  :  dume.  cependant:  antaûe.  nntérieurcmcnl:  kon- 
traùe,  au  contraire  :  plie,  de  plus,  en  outre. 

I.es  pai'ticides  sont  en  général  invariables.  Miiis  les  adverbes 
<Mi  e  pi'enntMil  In  de  l'acrusatif  dans  certains  cas  détinis  par  la 
syntaxe. 

Parmi  les  inlcrjcctions.  citons  :  adiaû.  ndieu:  ve  (D..  !-.\  malheur. 


Syntaxe. 

l^'article  défini  s'emploie  devant   un  nom   générique  pour  mar- 
quer,   soit   qu'il   d»''siLrne   la    lofalitf'   de  <e«i   f»bjef«i.    soit    qu'il 


1.  Un  pliilolofrue  do  nos  collègues  nous  disait  que  Pinvention  do  je  e»l 
un  trait  do  pônio  iinpuistiquo.  En  ctTot.  peu  importe,  lo  plus  souvent,  le 
sons  do  in  proposition,  pourvu  qu'il  y  on  nil  uno.  qui  marque  le  lion  de 
deux  mots.  La  nature  do  oo  lion  est  détormiuoo  par  lo  svns  de  ce»  mots. 

2.  Nous  no  voyons  pas  do  raison  sufllsanto  pour  faire  suivre  antaû  de 
cl.  alors  qu'on  emploie  anstataû  comme  eonjonrtion. 


314  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

désigne  un  objet  déterminé  ^  Ex.  :  la  homo  estas  mortema  = 
l'homme  est  mortel  :  la  homo  kiu  veuis  =  Vhomme  qui  est  venu. 

On  ne  l'emploie  pas  devant  les  noms  propres  ou  singuliers 
{dont  l'objet  est  unique)  puisqu'ils  sont  entièrement  déterminés 
par  eux-mêmes.  Ex.  :  Doktoro  Zamenhof,  papo  Pio  IX»,  rego 
Henriko  IV^  2. 

L'accasa/i/ s'emploie  : 

i"  Pour  indiquer  le  régime  direct  du  verbe.  11  importe  de 
remarquer  que  l'E'spéra/iio  considère,  fort  logiquement,  tout  régime 
unique  comme  un  régime  direct  ^.  Ex.  :  obéi  la  patron,  obéir  au 
père:  kion  vi  bezonas,  de  quoi  avez-vous  besoin? 

2"  Pour  remplacer  la  préposition  indéterminée  je  lorsqu'elle 
est  inutile,  notamment  avec  les  compléments  indiquant  la  date, 
la  durée,  la  mesure  et  le  prix  :  la  lastan  fojon,  la  dernière  fois; 
alla  kvin  metrojn,  haut  de  cinq  mètres:  mi  restes  tri  tagoin,je  res- 
terai trois  jours:  tiu  ci  libro  kostas  ses  frankojn,  ce  livre  coûte  six 
francs  '*. 

30  Pour  indiquer  le  but  d'un  mouvement  (matériel  ou  idéal), 
quand  la  préposition  ne  suffit  pas  à  exprimer  qu'il  y  a  mouvement  :  Mi 
iras  Parizon,  je  vais  à  Paris  ■'.  La  kato  saltas  sur  la  tablon,  le  chat 
saute  sur  la  table  (il  s'y  rend;  sur  la  tablo  signifierait  qu'il  y  est). 
On  met  à  l'accusatif  même  les  adverbes  de  lieu  :  Kien  vi  iras,  oh 
allez-vous  1  Réponses  :  domen,  à  la  maison:  hejmen,  chez  moi.  Li  falis 
teren,  il  tomba  à  terre:  antaûen,  en  avant! 

En  dehors  des  cas  précédents,  les  prépositions  gouvernent  le 
nominatif.  Par  suite  les  prépositions  al  et  gis  le  gouvernent  tou- 
jours. 


1.  Le  D'  Zamenhof  lui-mômc  dit  de  l'article  :  «  Gi  estas  uzata  tiam, 
kiam  ni  parolas  pri  objektoj  konataj.  >•  Il  est  vrai  qu'il  ajoute,  pour  les 
Slaves  qui  ne  comprennent  pas  l'usage  de  l'article  :  «  Se  iu  ne  kornprenas 
bone  la  uzon  de  la  artikulo,  li  povas  tute  gin  ne  uzi,  car  gi  estas  oportuna 
sed  ne  necesa.  »  Dua  Libro,  p.  17;  cf.  Ekzercaro,  §  27. 

2.  Lire  :  Pio  naùa,  Henriko  kvara.  Remarciuons  en  passant  que  VEspe- 
ranto  ne  remplace  jamais  le  nombre  ordinal  par  le  nombre  cardinal, 
comme  cela  a  lieu  fré(juemment  en  français. 

3.  Quoi  de  plus  absurde  que  nos  verbes  soi-disant  neutres  avec  un  régime 
indirect?  Les  verbes  nuire,  jouir  ne  sont-ils  pas  actifs?  Pourquoi  dire  :  nuire 
à  quelqu'un,  jouir  de  quelque  chose,  alors  qu'on  dit  :  léser,  offenser  qttel- 
qiCun  ;  goûter,  savourer  quelque  chose'? 

4.  Cart  et  Pagnier  :  V Espéranto  en  dix  leçons,  §  18. 

T).  Ce  cas  pourrait  rentrer  dans  le  T',  car  le  verbe  aller  est  réellement  un 
verbe  actif  dont  le  régime  direct  est  le  lieu  où  l'on  va.  Ne  dit-on  pas  :  Caesar 
pelivit  Galliam  =  César  gagna  la  Gaule? 


d'  zamenhof  :  espéranto  3i:i 

L'nocnsatif  s<'rt  onoorc  ù  ('"vilcr  (•crlaiiicst'qnivoquos  râcli(>tis4*t> 
tk's  luiigiirs  iijilioiialcs.  Vav  <'x<'iiii)li',  crlle  phrase  :  t  Je  l'écoute 
mieux  qïïevons  »  pi'ul  signifier  doux  choses  :  €  Je  l'écoute  mieux 
(pu»  je  ne  vous  écoute  »,  cl  :  t  Je  lécoute  mieux  que  vous  ne 
l'écoutez  »,  de  sorte  qu'on  est  obligé  d'enqiloyer  l'une  ou  l'autre 
de  ces  périphrases  si  Ton  veut  éviter  l'amphibologie.  En  Espe- 
ranlo.  on  dira,  dans  le  i"  cas  :  <  Mi  aûskultas  lin  pli  bone  ol 
vin  >  ac-cusatit'i,  et  dans  le  second  :  «  ...  pli  bone  ol  vi  >  mouli- 
nât il')  «. 

.Mais  il  y  a  encore  d'autres  causes  d  é(piivoque  :  un  adjectif 
peut  jouer  le  rôle  d'épithète  ou  celui  iVnttribul.  Connue  épithèl»'. 
il  (pialilie  ou  détermine  le  nom  qu'il  accompagne,  il  l'ait  partie 
de  sa  signification,  ou  la  complète;  connue  attribut,  il  s'ajoute  à 
sa  sigiiilicalion.  Kn  français,  on  distingue  quelquefois  ces  deux 
sens  par  la  place  tle  l'adjectif  :  J'ai  trouvé  le  bon  vin,  ou  :  J'ai  trom<é 
le  vin  bon.  Mais  cet  e.\pé«lient  peu  logique  et  subtil  est  insuffisant 
en  français  et  ne  peut  convenir  à  une  langue  internationale*. 
{.'Espéranto  trouve  dans  l'accusatif  un  remède  utnversel  et  infail- 
lible à  toutes  ces  équivotpu's  :  il  met  l'adjectif  épilhète  à  l'accu- 
satif (comme  son  substantif),  et  l'adjectif  attribut  au  nominatif. 
Exemple  :  «  J'ai  trouvé  la  bouteille  cassée.  »  S'agit-il  d'une  bouteille 
cassée  qno  vous  clierchie/.  et  (pje  vous  avez  trouvée?  Dites  :  «  Mi 
trovis  la  botelon  rompitan.  »  S'agit-il  au  contraire  d'une  bouteille 
<pie  vous  avez  trouvée  cassée?  Dites  :  «  Mi  trovis  la  botelon  rom- 
pita  ».  Le  sens  sera  clair,  quel  que  soit  l'ordre  tles  mots  '. 

Le  pronom  réfléchi  si  et  son  possessif  sia  s'emploient  unique- 
nuMd  «piaïul  ils  se  rapportent  au  sujet  de  la  proposition  où  ils  se 
trouvent^  (on  l'a  déjà  vu  à  propos  des  verbes  réfléchis).  Ex.  :  la 
patro  estas  kun  sia  filo  kaj  siaj  amikoj  (les  amis  du  père)  :  mais 
on  dira  :  liaj  amikoj.  s'il  s'agit  des  amis  du  fils.  On  voit  qu'ici 
encore  VEsperanto  réussit  à  éliuler  une  équivoque  fréquente 
dans  nos  langues:  car  on  dit  en  français  dans  les  deux  cas  :  «  Le 
père  est  avec  son  fils  et  ses  amis.  »  Au  surplus,  VEsperanio  est  bien 

t.  C'est  p.xnttcmont  cp  «jui  a  lion  en  latin,  du  moins  toutes  les  fois  que 
l'acrusalir  dilItTo  du  noinirintif. 

2.  Non  plus  (|uc  les  (listinotions  di'li«*at(*s  :  brave  homtne  et  homme  brare, 
galant  homme  et  /lomme  galant,  etc. 

3.  On  remnrquern  qu'ici  la  syntnxo  do  YEaperanto  so  distingue  (avec 
avnntnpo)  do  la  synln.X(>  latino,  où  l'adjectif,  épitlièto  ou  attribut,  s'accorde 
toujours  avec  le  substantif. 

4.  Comme  se  et  suua  on  latin. 


316  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

armé  contre  les  équivoques  de  son,  sa,  ses,  puisqu'il  a  trois  (et 
même  quatre,  avec  sia)  pronoms  possessifs  de  la  3"  pers.  sing. 
correspondant  aux  3  genres,  lesquels  sont  naturels  *. 

L'emploi  des  temps  et  des  modes  n'est  pas  déterminé,  comme 
dans  nos  langues,  par  des  règles  d'accord  arbitraires  et  capri- 
cieuses, ni  par  les  conjonctions,  mais  toujours  et  uniquement 
par  le  sens  du  verbe.  Le  choix  du  temps  ne  donne  donc  lieu  à 
aucune  difficulté  :  on  dit,  conformément  à  la  logique  :  «  S'il 
viendra,  je  serai  content  ». 

Dans  les  propositions  subordonnées,  on  emploie  le  présent, 
le  passé  ou  le  futur,  suivant  que  le  fait  exprimé  par  le  verbe  est 
présent,  passé  ou  futur  par  rapport  à  celui  qu'exprime  le  verbe 
de  la  proposition  principale.  Ex.  :  Je  crains  qu'il  ne  perde  son 
procès,  mi  timas  ke  11  perdos  (futur)  sian  proceson;  je  n  espère  pas 
qu'il  vienne,  mi  ne  espéras  ke  li  venos  ;  je  croyais  que  vous  étiez 
médecin,  mi  kredis  ke  vi  estas  kuracisto. 

Pour  l'emploi  des  modes  le  D""  Zamenhof  n'a  énoncé  aucune 
règle,  ce  qui  ne  laisse  pas  d'être  embarrassant  pour  les  novices, 
car  cet  emploi  est  très  variable  suivant  les  langues,  et  donne 
lieu  à  une  foule  d'idiotismes.  M.  de  Bevufront  s'est  efforcé  de 
régulariser  cet  emploi  en  formulant  les  préceptes  suivants^.  L'in- 
dicatif est  le  «  mode  de  la  certitude  »;  on  doit  l'appliquer  à  tout 
fait  positif  ou  présenté  comme  tel.  Ex.  :  Je  crois  qu'il  pleut,  mi 
kredas  ke  pluvas;  je  ne  crois  pas  qu'il  pleuve  (maintenant),  mine 
kredas  ke  pluvas;  je  ne  crois  pas  qu'il  pleuve  (plus  tard),  mi  ne 
kredas  ke  pluvos.  Comme  on  le  voit,  la  présence  de  la  négation 
dans  la  proposition  principale  ne  change  pas  le  mode  du  verbe 
subordonné. 

L'interrogation,  soit  directe,  soit  indirecte,  n'influe  pas  davan- 
tage sur  le  mode  :  Croyez-vous  qu'il  pleuve,  eu  vi  kredas  ke  pluvos? 
Je  doute  qu'il  vienne,  mi  dubas  eu  li  venos  ;  je  ne  doute  pas  qu'il  ne 
vienne^,  mi  ne  dubas  ke  li  venos. 

Le  conditionnel  est  le  mode  de  la  condition  et  de  la  supposition  : 

1.  En  allemand,  où  la  même  distinction  existe,  les  pronoms  du  masculin 
et  du  neutre  sont  identiques;  et  comme  le  genre  n'est  pas  naturel  (le  mot 
Weib  =  femme  est  du  neutre!),  on  ne  sait  jamais  si  sein  se  rapporte  à  une 
personne  ou  à  une  chose.  Ajoutons  que  ihr  peut  signifier  à  la  fois  :  son  (à 
une  femme),  voItc  et  leurl 

2.  Cotnmentaire  sur  la  Grammaire  Espéranto,  p.  84-99. 

3.  On  ne  saurait  trop  admirer  l'illogisme  de  ce  subjonctif,  aggravé  d'une 
négation,  pour  exprimer  un  fait  positif  considéré  comme  certain. 


I)     /AMKMIOI-    :    KSI'KilAMO  317 

il  s'applique  donc  aux  faits  ou  assertions  prohliMualiqucs.  Ex.  :  Si 
vous  vouliez,  vous  seriez  heureux,  se  vi  volus,  vi  estus  felica.  Par  suite, 
il  s'tMupIoio  p<»ur  attiMiucr  une  affirniittioii  on  un  ordre  (pie  l'in- 
(liciilif  riMulrait  trop  tranciianls  :  Jv  vomirais  iiiic...,  mi  volus  ke... 

].' impératif-subjonctif  csi  le  mode  du  désir  et  de  la  volont<S  plus 
f,M''n«''ialenient,  (te  la  finalit(''  (du  but  ù  atteindre).  Il  s'emploie 
donc,  non  seulement  danft  les  propositions  principales  imp(!'ra- 
lives  {Répondez,  commençons,  qu'il  vienne,  etc.),  mais  encore  dans 
les  propositions  suhordonntVs  qui  d('pendent  d'un  imp('ratir  ou 
d'un  verhe  exprimant  vol(jnt(',  (l(''sir,  m'cessité,  besoin,  conve- 
nance ou  mt^rite,  ou  qui  commencent  par  la  conjonction  por  ke 
[afin  que).  Ex.  :  Je  veux  que  vous  écriviez ,  mi  volas  ke  vi  skribu; 
nous  souliailons  que  vous  réussissiez,  ni  deziras  ke  vi  sukcesu  :  //  piTmel 
qu'on  s'en  aille,  li  permesas  ke  oni  foriru;  j'at  besoin  qu  il  vienne,  mi 
bezonas  ke  li  venu;  il  convient  que  vous  lui  rendiez  visilr.  konvenas 
ke  vi  lin  vizitu;  vous  mérilez  qu'on  vous  pende,  vi  méritas  ke  oni 
pendigu  vin;  je  ferai  tout  pour  que  vous  soyez  conlenl.  mi  faros  cion 
por  ke  vi  estu  kontenta.  MIendez  qu'il  vienne,  atendu  ke  li  venu; 
prenez  <jardc  de  tomber,  atentu  ke  vi  ne  falu. 

Dans  beaucoup  de  cas  où  le  français  emploie  l'intinitif,  \'Hs- 
peranto  emploie  fort  logiquement,  soit  un  mode  personnel,  soit 
un  participe  :  Vous  avez  bien  fait  de  venir,  vi  bone  faris.  ke  vi  venis; 
dites-lui  de  venir,  diru  al  li.  ke  li  venu;  jV  i(ti  entendue  ctianter  (une 
chanteuse',  mi  aùdis  sin  kantantan;  Je  l'ai  entendu  rlmnifr  ('une 
chanson),  mi  aùdis  §in  kantatan'. 

D'ailleurs  les  participes  sont  d'une  grande  ressource  en  Esite- 
ranio,  notamment  le  participe-adverbe  qui  remplace  i\  la  fois  le 
irérondif  et  le  participe  absolu  du  latin  :  //  passe  son  temps  à  lire, 
li  pasigas  sian  tempon  legante  en  lisant);  vous  faites  Itien  de  tra- 
vailler, vi  bone  faras  laborante;  à  les  voir  ten  les  voyant),  ilin 
vidante:  il  est  arrivé  sans  m'avertir,  li  alvenis  ne  avertinte  min 
ne  mayant  pas  averti). 

La  construction  est  libre,  en  principe  ;  aussi  ne  trouve-t-on  dans 
les   manuels  aucune  règle   à  ce  sujet '.   Toutefois.    VEsperanlo 


\.  On  remnr(|ue  qwo  c'est  là  un  moven  d'éviter  les  etiuiv(Mjiie>  Im-ii  iirefe- 
rnlde  aux  rf'gles  dos  participes  français,  t|ui  no  sufllsont  intime  pas  tou- 
jours: car  on  dit  :  fai  entendu  chanter  ta  Patli,  comme  :  fai  entendu 
chanter  la  Marseillaise. 

2.  Voir  De  Bbaifront,  Commentaire  .sur  la  Grammaire,  p.  il7-l2l,  cl 
L'ordre  des  mots  en  Espéranto,  ap.  VEspéranliste,  n"  47,  49,  50  et  33. 


318  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

n'admet  ni  les  inversions  capricieuses  du  latin,  ni  les  inversions 
obligatoires  de  l'allemand.  En  général,  il  groupe  ensemble  tous 
les  mots  d'une  proposition  (au  lieu  d'emboîter  ou  d'enchevêtrer 
les  propositions  les  unes  dans  les  autres),  et  sépare  toutes  les 
propositions  par  des  virgules  (y  compris  les  propositions  rela- 
tives, à  l'exemple  de  l'allemand).  De  plus,  dans  chaque  proposi- 
tion, il  groupe  autour  de  chaque  terme  essentiel  (sujet,  verbe, 
régime  direct,  régimes  indirects)  tous  les  mots  qui  le  déterminent 
ou  en  dépendent,  en  un  mot  tous  ses  compléments.  En  particulier  : 

Vadjedif  épithète  se  met  soit  avant,  soit  après  le  substantif 
qu'il  qualifie  ;  le  pronom  se  met  en  général  avant  les  deux  :  mia 
kara  amiko,  et  ïarticle  avant  tous  les  trois  :  la  du  bravaj  soldatoj. 

Le  participe  qui  forme  un  temps  composé  suit  immédiatement 
l'auxiliaire  être  (comme  dans  la  conjugaison),  puisque  tous  deux 
réunis  ne  forment  en  réalité  qu'un  seul  mot  :  le  verbe. 

L'adverbe  se  place  avant  ou  après  le  mot  qu'il  détermine  (le 
plus  souvent  après  le  verbe,  et  avant  l'adjectif).  Mais  les  adverbes 
ne,  pli,  plej,  tre  et  autres  (de  quantité  ou  de  comparaison)  pré- 
cèdent toujours  le  mot  qu'ils  déterminent. 

La  préposition  précède  toujours  le  substantif  et  tous  ses  com- 
pléments :  kun  miaj  tri  plej  bonaj  amikoj,  avec  mes  trois  meil- 
leurs amis. 

Le  complément  d'un  substantif,  d'un  adjectif  ou  d'un  participe 
le  suit  toujours  immédiatement,  comme  l'exigent  la  logique  et 
la  clarté.  Ex.  :  la  hauteur  de  cette  montagne,  la  alteco  de  tiu  monto  ; 
un  vase  plein  d'eau,  vazo  plena  je  akvo. 

La  conjonction  vient  toujours  en  tôte  de  la  proposition  qu'elle 
domine'. 

Les  mots  interrogatifs  ou  exclamatifs  commencent  toujours  la 
proposition  (principale  ou  subordonnée). 

Chacun  des  termes  essentiels  étant  ainsi  accompagné  de  tous 
ses  compléments,  leur  ordre  dans  la  proposition  est  facultatif, 
grâce  à  l'accusatif  qui  désigne  le  régime  direct,  et  aux  préposi- 
tions qui  précèdent  les  régimes  indirects.  L'ordre  habituel  est  : 
sujet,  verbe,  régime  direct,  régimes  indirects.  Mais  il  n'a  rien 
d'obligatoire,  et  l'on  peut  le  modifier  dès  qu'il  y  a  pour  le  faire 


1.  Ou  remarquera  que  la  plupart  de  ces  règles  sont  des  limites  à  la 
liberté  absolue  de  construction  qui  règne  en  latin,  et  qu'elles  ne  sont  pas 
observées  dans  certaines  langues  vivantes,  au  détriment  de  la  clarté. 


d'  zamenhof  :  espéranto  319 

une   raison   de  clarl»^    d'ordre    logique   ou   sim{)lement   d'eu- 
phonie.  I*!x.  :  J'ni  renroidrê  Pierre  près  de  l'i-ijlUe. 

Mi  renkontis  Petron  apad  la  pregejo. 

Petron  mi  renkontis  apud  la  pregejo. 

Apud  la  pregejo  mi  renkontis  Petron. 
€  D'ordre  lofçique  »,  avons-nous  dit  :  il  ne  faut  pas  croire  en 
t'ITot  (fue  l'onln*  logique  soit  toujours  l'ordre  grammatical  : 
siijft.  verbe,  attribut.  Il  y  a  bien  des  cas  où  le  sujet  logique  de  la 
proposition  n'est  pas  du  tout  le  $ajel  grammnlicaU .  Le  sujet 
logi<Iue.  c'est  le  terme  d'où  part  la  pensée  et  sur  lequel  porte  la 
proposition  :  dans  la  proposition  précédente,  ce  sera  suivant  les 
cas,  moi;  Pierre  ou  tèglise.  Il  est  donc  naturel  de  le  mettre  le  pre- 
mier, et,  en  général,  de  ranger  les  idées  dans  l'ordre  où  elles  se 
présentent  t\  IVsprit.  M.  de  Beaufront  cite  comme  exemple  cette 
phrase  de  VEkzercnro  (§  29)  :  c  El  la  dirita  regulo  sekvas,  ke  se  ni 
pri  ia  verbo  ne  scias,  eu  §1  postulas  post  si  la  akuzativon...  ni  povas 
ciam  uzi  la  akuzativon.  »  i.a  pensée  part  «  de  ia  régie  préc»-- 
tltiilo  ».  pour  en  tirer  une  conséquence.  Dans  la  proposition 
subordonnée,  il  s'agit  du  verbe  :  aussi  met-on  d'abonl  *  pri  ia 
verbo  ».  Cet  ordre  permet  en  outre  de  rattacher  immédiatenient 
à  chaque  verbe  la  proposition  subordonnée  qui  en  dépend  : 
<  sekvas,  ke...  »,  «  ne  scias,  eu...  ».  La  phrase  n'aurait  plus  la  même 
éli'gMnce  ni  la  même  clarté  logique  si  l'on  avait  suivi  la  cons- 
truction normale  et  rigide  :  «  Sekvas  el  la  dirita  regulo.  ke  se  ni 
ne  scias  pri  ia  verbo.  eu  ^  postulas,  etc.  » 

Kn  résumé,  la  construction  en  Espéranto  est  également  éloignée 
(le  la  liberté  absolue  du  latin,  qui  engendre  souvent  l'obscurité 
ou  rét|uivoque,  el  de  la  rigidité  du  français  el  de  l'allemand, 
((ui  est  souvent  nuisible,  non  seulement  à  l'élégance  et  à  la 
variété,  mais  à  la  logique  et  à  la  clarté. 


VOCABUL.\IRE. 

Le  D""  Z.VMENHOF  s'est  efforcé  de  réduire  le  vocabulaire  à  un 
petit  nombre  de  radicaux,  grAce  h  une  méthode  régulière  de 
formation  des  mots.  Ll  ces  radicaux  ont  été  choisis  en  vertu  du 


1.  Cf.  HoFFinNc  La  hase  psychologique  des  jugements  logiques^  ap.  Retue 

philosophifjue,  l'JOI,  t.  H. 


320  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

principe  de  rinternationalité,  afin  de  réduire  au  minimum  le  nombre 
de  ceux  que  chaque  peuple  ignorerait  et  aurait  par  suite  à 
apprendre.  IJUniversala  Vortaro  contient  2  642  radicaux  traduits 
en  D.,  E.,  F.,  Pol.,  R.,  de  sorte  qu'on  aperçoit  aussitôt  le  degré 
d'internationalité  de  chacun  d'eux  par  rapport  à  ces  cinq 
langues  *.  On  peut  les  diviser  en  trois  catégories. 

Il  y  a  d'abord  les  radicaux  tout  à  fait  internationaux  (dans  les 
langues  européennes);  V Espéranto  les  adopte  en  leur  imposant 
une  orthographe  phonétique  aussi  conforme  que  possible  à 
l'étymologie  ^  Kx.  :  atom,  aksiom,  bark,  danc,  form,  flut,  fosfor, 
panter,  paraliz,  post,  teatr,  tabak,  tualet,  vagon. 

Cette  catégorie  de  mots  comprend  la  plupart  des  termes  scien- 
tifiques (tirés  du  grec  ou  du  latin),  que  VUniversala  Vortaro  ne 
contient  même  pas,  comme  :  filologio,  filosofio,  fiziko,  poezio, 
poeto,  profesoro,  doktoro,  komedio,  literaturo,  tragédie,  telegrafo, 
lokomotivo,  etc. 

Une  seconde  catégorie  comprend  les  radicaux  partiellement 
internationaux;  pour  chaque  idée,  le  D""  Zamenhof  a  choisi  le 
radical  le  plus  international,  c'est-à-dire  celui  qui  est  commun  au 
plus  grand  nombre  de  langues  européennes.  En  voici  des  exem- 
ples, avec  l'indication  de  leur  internationalité  :  flam,  mars,  mast 
(D.,  E.,  F.,  I.,  R.,  S.)  ;  ankr  (D.,  E.,  F.,  I.,  R.),  benk  (D..  E.,  F.,  I.,  S.), 
marmor(D.,F.,I.,R.,S.):flor(E.,F.,I.,  S.),jun,artisok,  fason(D.,E., 
F.,  R.),  anonc  (D.,  E.,  F.,  I.),  mus  (D.,  E.,  I.,  R.):  fam  (E.,  I.,  S.),  flag, 
stal  (D.,  E.,  R.),  emajl,  mebl,  trotuar  (D.,  F.,  R.);  man  (F.,  I.,  S.); 
mon  (E.,  F.),  bind,  blind,  dank  fajr,  fis,  fingr,  glas,  help,  jar,  land, 
melk,  rajt,  ring,  send  sip,  su,  sun,  trink,  varm,  verk,  vort  (D.,  E.). 

La  troisième  catégorie  comprend  les  mots  qui  ne  sont  nulle- 
ment internationaux.  Pour  ceux-là,  le  D""  Zamenhof  a  emprunté 
les  radicaux  aux  principales  langues  nationales,  ou  bien  au 
latin,  suivant  que  l'un  ou  l'autre  de  ces  radicaux  nationaux  a 
plus  de  chance  d'être  connu  des  hommes  instruits.  Il  en  a  aussi 
profité  pour  augmenter  la  part  faite  aux  racines  germaniques  et 
slaves,  car  les  racines  latines  sont  prépondérantes  dans  les  deux 
catégories  précédentes,  en  vertu  de  leur  internationalité  supé- 
rieure. Par  exemple,  il  a  emprunté  ajii  latin  un  certain  nombre 
de  particules  (sed,   tamen,  apud,  dum)  et  des  radicaux  comme 

1.  Auxquelles  il  conviendrait  d'ajouter  l'italien  et  l'espagnol. 

2.  En  particulier,  on  remplace  toutes  les  lettres  doubles  par  des  lettres 
simples.  Ex.  :  adres  =  adresse  (D.,  F.)  =  address  (E.). 


D'  ZAMENHOF    :    ESPEHANTU  321 

aùd,  brak.  dors,  dekstr,  felic.  proksim:  nux  langues  geriiiani<|uoK 
les  ra(li<';ui\  bedaùr.  bird.  fraûl.  flug.  flik.  knab.  kugl,  sajn. 
silk,  sirm.  sink.  sraub.  sut,  taùg.  vip:  aux  langues  slaves  les 
i-adicauv  bulk.  brov.  prav,  âelk,  svat,  vost.  Il  a  ainsi  lArlié  de 
favoriser  ini|>aitialen»enl  lout<'s  les  langues  européennes,  et  de 
les  faire  concourir  toutes  s"»  la  constitution  de  son  vf»cal)ulaire, 
afin  de  rendre  sa  langue  vraiment  internationale,  et  aussi  facile 
(|ue  possible  pour  chaque  peuple  de  civilisation  européenne. 
In  tel  vocabulaire,  dit  M.  de  Heaufront,  n'est  pas  l'ceuvre  arbi- 
traire d'un  individu,  mais  en  quelque  sorte  l'œuvre  collective 
dos  peuples  européens,  qui  ont  inconsciemment  contribué  à  le 
l'ormer  en  conférant  à  tel  ou  tel  mot  l'internationalité  dont  il 
jouit,  et  doid  VEsperanh  ne  fait  «pie  profiter. 

Ln  fonnalion  des  mots  s'elïcctue  par  la  juxtaposition  d'éléments 
lexicologicpies  a/>so/u/»fH<  invariables,  comme  les  radicaux.  Les  mots 
se  f<»rment,  soit  au  moyen  des  terminaisons  grannnaticales  imo/s 
simples),  soit  au  moyen  d'aftixes  proprement  dits  {mois  dérivés). 

On  connaît  les  termioaisons  grammaticales:  il  suffit  de  mon- 
ti-ei"  par  un  exemple  conunent  elles  servent  à  la  dérivafiorj  : 
parol-i, /)f»r/<T:  parol-O.  pnrule:  parol-a.  ornl\  parol-e,  verbalemenl  : 
parol-ant-o,  orateur*. 

Les  principaux  nj^ixes  de  dérivation  sont  -  : 

mal-,  (pii  inditpie  le  contraire  de-  :  amiko  =  ami,  malamiko  = 
ennemi;  forta  =  fort,  malforta  =  faible;  fermi  :=  fermer,  mal 
îermi  =  ouvrir;  frue  =  lot,  malfrue  =:  tard. 

-in.  qui  indique  le  Jéminin  ^  :  viro  ■-=  homme,  virino  =  femme: 
patro  =  père,  patrino  =  mère,  bovo  =  bœuf  bovino  =  vache  *. 


1.  Cet  excmplo  montre  t'ii  iiu^nic  Icmps  combien  celle  mélhodo  de  Torma- 
tion  soninjrc  In  mémoire.  |>iiis(|ii"olle  permet  tlo  former  méonni<|iiFmen(  avec 
un  seul  radical  des  mots  dont  les  éciuivaients  nationau.x  appartiennent  sou- 
vent à  des  radicaux  dilTérenls. 

2.  Bien  (|ue  la  |>lupart  de  ces  nTAxes  servent  ù  la  fois  (comme  on  le  verra 
par  les  exemples)  à  former  des  substantifs,  des  adjectifs  et  des  verbes., nous 
iiiumérerons  successivement  ceux  «jui  servent  à  former  principalemenl 
1°  des  substantifs:  2"  des  adjectifs;  3'  des  verbes.  —  Les  nfllxes  ne  sont  pas 
plus  clioisis  ou  créés  arbitrairement  (|ue  les  radicaux;  ils  sont  presque  tous 
cniprunlés  à  quebjue  langue  vivante  ou  morte  (voir  Commentaire,  p.  172- 
ITG).  Par  exemple,  le  prellxe  mal-  est  emprunté  nu  français  {malatlroit. 
"Hiltionnete,  mal/teureti.r,  etc.) 

3.  Les  sufllxesse  metlenl  immédiatement  apri's  le  radical,  el  avant  la  ter- 
luinnison  frrammaticale. 

4.  Quand  on  veut  désigner  oxpressémenl  le  mdle  d'une  espèce  animale. 
on  ajoute  à  son  nom  :  -viro. 

CocTCRAT  et  LcAV.  —  I.Anguc  univ.  21 


322  SECTION   III,    CHAPITRE    IX 

ge-,  qui  indique  la  réunion  du  masculin  et  du  féminin  :  gepa- 
troj,  père  et  mère,  parents  ;  gefratoj.  frère  et  sœur,  ou  Jrères  et  sœurs. 

-edz  indique  le  conjoint  de-  :  -edzo  =  mari  de,  -edzino  =  femme  de  ; 
doktoredzino  =  femme  de  docteur,  doktorinedzo  =  mari  de  doctoresse. 

bo-  indique  la  parenté  résultant  du  mariage  :  bopatro,  beau-père; 
bofilo,  gendre. 

-id  indique  Yenfant,  le  petit  ou  le  descendant  de  —  :  bovido,  veau 
Napoleonidoj,  descendants  de  Xapoîéon. 

-et  indique  le  diminutif  :  monto  =  montagne,  monteto  ^  colline; 
varma  =  chaud,  varmeta  =  tiède  ;  ridl  =  rire,  rideti  =  sourire. 

-eg  indique  ïaugmentatif  :  pordo  =  porte,  pordego  =  porche,  por- 
tail; varmega  =  brûlant;  peti  =  prier,  petegi  =  supplier  K 

-ad  indique  la  durée  ou  la  répétition  de  l'action  :  pafo  =  coup 
de  fusil,  pafado  =  fusillade  ;  parolado  =  discours  ^. 

-an  indique  une  personne  qui  appartient  à  (un  pays,  une 
société,  un  parti)  :  Parizano  =  Parisien;  kristano  =  chrétien. 

-ar  indique  une  réunion  ou  collection  :  arbo  =  arbre,  arbaro 
=  forêt;  vorto  ^=  mot,  voTtaro  =  dictionnaire  ;  vagonaro  =  train; 
(de  chemin  de  fer). 

-ej  indique  le  lieu  affecté  à  —  :  prego  =  prière,  pregejo  =  église; 
kuiri  =:  faire  cuire,  kuirejo  =  cuisine. 

-uj  indique  ce  qui  porte  ou  renferme  —  (par  extension,  l'arbre 
et  le  pays)  :  mono  =:  monnaie,  monujo  =  porte-monnaie  ;  porno  = 
pomme,  pomujo  =  pommier;  Franco  =  (un)  Français,  Francujo  = 
la  France. 

-ing  indique  l'objet  où  Von  met  (la  chose  exprimée  par  le 
radical)  :  plumo  =  plume,  plumingo  =  porte-plume. 

-ist  indique  celui  qui  s'occupe  de  —  :  boto  =  botte,  botisto  = 
cordonnier:  maro  =  mer,  maristo  =  marin;  pentri  =  peindre,  pen- 
tristo  =  peintre. 

-il  indique  l'outil  ou  l'instrument  :  kudri  =  coudre,  kudrilo  = 
aiguille;  pafilo  = /«si/. 


1.  On  fait  remarquer  que  les  suflixes  -eg  et  -et  ne  l'ont  nullement  double 
emploi  avec  les  degrés  de  comparaison  :  ils  les  dépassent,  au  point  de 
changer  qualitativement  la  notion.  Par  exemple,  soit  rivero  =  rivière, 
cours  d'eau;  malgranda  rivero  =  petite  rivière,  rivereto  =  ruisseau; 
granda  rivero  =  grande  rivière,  riverego  =j)rand  fleuve  (comme  l'Ama- 
zone). De  même,  varmega  dit  plus  que  tre  varma:  grandega  =  énorme, 
grandegulo  :=  géant;  malgrandega  =  minuscule,  malgrandegulo  =  nain. 

2.  Dans  certains  cas,  ce  suffixe  parait  désigner  simplement  l'action  : 
fabrikado  =  fabrication. 


d'  zamenhop  :  espéranto  323 

-ec  iii(li(|uc  la  qualitr*  nhsirnitc  :  jnna  =  Jeune,  Jnneco  =  feU' 
iirssr:  infano  =  enfant,  infaneco  =  enfance. 

-a]  iii(lii|iic  ati  coiilrairr  la  chose  concrète  qui  possède  telle 
«|nijlil<'*  :  infanajo  ~  enfnntUUnjr;  pentrajo  =  peinture  (tableau): 
malnoya  —  m/kiVh,  malnovajo  ^  (une  antitjuilè). 

ul  imli(jue  la  iKM-soniie  caiacti^riséc  par  (telle  qualit(^)  :  jnnnlo 

jfinif  homme:  timo  ^=  crainte,  timulo  =  poltron. 

-er  indiiiuc  l'unité  (Mémcnlairc  (d'une  chose  collective  ;  monero 
=  pièce  de  monnaie  :  sablero  =  grain  de  sable. 

-estr  in(li(|nol(M'hr fou  maître:  8ipo:=i'njss/'au.8ipe8tro=:crt//i/fli/i«'. 

-em  indique  le  ponrhant  à  —  :  timema  =  timidr .  kredi  =  croire. 
kredema  =  crédule  •. 

ebl  signilie  (/n'o/j  pcul  --  :  kredebla  =  croyable:  legi  =  lire, 
legebla  =  lisible  ^legeble  =  lisiblement). 

-ind  signifie  digne  de  —,  qui  mérite  —  :  kredinda  =  digne  de  foi: 
bedaùri  =  regretter,  bedaùrinda  =  regrettable  (bedaûrinde  — 
regrettablement,  mnlheureusement) . 

dis-  indique  séparation,  dispersion  :  semi  :=  semer,  dissemi  =  dis- 

inincr:  iri  =:  aller,  ditfiri  =:  se  séparer  (aller  chacun  de  son  ctM«'\ 

ek-  indi«|ue  le  conunencenienl  de  l'action  :  vidi  =^  voir,  ekvidi 
=  apercei'oir:  dormi  :=  dormir,  ekdormi  =  s'endormir  *, 

re-  indique  lo  retour  ou  la  répétition  :  reiri  =  retourner:  revidi 
=  revoir  ^. 

-ig  signifie  rendre,  faire  —  :  para  =  propre,  pnrigi  =  nettoyer: 
scii  —  savoir,  sciigi  ==  faire  savoir,  sciigo  =  nouvelle. 

-ig  signifie  devenir,  se  faire  —  :  pala  =:  pâle,  pali0i  =  pâlir: 
levi  =  lever.  IeTi§i  =  se  lever.  levi§o  =  (le)  lever  '. 


1.  l'nr  exception,  le  substnntir  de  qualité  se  Tormc  en  -emo  (nu  lieu  de 
-emeco)  :  timemo  =  timidité:  kredemo  =  crédulité. 

2.  Cl'  prcllxr  sort  donc  i\  foriiu>r  les  verbes  dits  inchoalifs. 

:\.  il  nous  seniikle  «lu'il  y  niiiail  inU'r<^l  »  distinguer  ces  deux  sens,  bien 
(lilTorents,  du  prclixe  Intin  re-.  que  l'nlieniand  distingue  pnrraitement 
{zurûck,  wieder).  Le  !)'  Znnienliof  essaie  de  justilier  ce  doulde  sens  en 
disant  que,  dans  les  deux  cas.  re-  signifie  retour  à  IVlat  initial  {ttrammaire 
et  Exercices,  p.  109-1  fU).  Cela  est  inexact.  Revenir  signifie  tantôt  venir  ««n 
retour  d'où  l\)n  est  allé,  et  tantiM  venir  de  nouveau.  De  Miônie.  reprendre  c'est 
prendre  en  reli>ur.  et  non  prendre  une  seconde  fois;  mais  re/"fl»Ve  c'est  recom- 
mencer, et  non  faire  en  sens  inverse,  qui  est  défaire.  Il  faudrait  deux 
prolixes  distincts  comme  re-  {reiro)  et  ru-  (rursus-,  bien  que  rursus  présente 
in  mémo  équivoque  en  latin  :  on  trouve  dans  Cicéron  :  •  rursus  relro  ». 
•M  dans  Plante  :  •  rursus  denuo  •.  I/nd verbe  non  équivoque  est  Herum.) 

i.  (le  suffixe  sert  n  former  beaucoup  de  verbes  réfléchis  ou  moyens  (coname 
eu  grec). 


324  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

Enfin  il  y  a  un  suffixe  indéterminé  -um,  qui  joue  un  rôle  ana- 
logue à  celui  de  je  parmi  les  prépositions.  Il  sert  à  former  cer- 
tains dérivés  auxquels  ne  conviendrait  aucun  des  auti^es  suffixes  ; 
le  sens  de  ces  dérivés  est  fixé  dans  le  dictionnaire  et  doit  être 
appris  comme  celui  des  radicaux.  Ex.  :  kolumo  =  col:  manumo 
=:  manchette:  plenumi  =  remplir  (au  fig.j,  accomplir  (un  devoir); 
ventumi  =  éventer. 

Les  suffixes  peuvent  se  superposer,  le  principal,  c'est-à-dire 
celui  qui  détermine  le  sens  du  mot,  étant  le  dernier  (comme  on 
l'a  vu  dans  doktoredzino  et  doktorinedzo).  Ex.  :  arbareto  =  petite 
forêt,  bosquet;  arbetaro  =  groupe  de  petits  arbres,  buisson:  pafilego  = 
canon:  mangilaro  =  couvert  (ensemble  des  instruments  pour 
manger);  ventumilo  ^  éventail;  lavistinedzo  =  mari  de  blanchis- 
seuse: maljunulo  =  vieillard;  belulino  =  (une)  belle;  remalsanigo 
=  rechute  (de  maladie)  :  action  de  devenir  (ig)  de  nouveau  (re) 
malade  (malsana). 

Les  mots  composés  se  forment  en  juxtaposant  les  radicaux 
(séparés  au  besoin  par  un  -o-  pour  l'euphonie),  le  principal  étant 
toujours  le  dernier;  c'est  celui-là  seul  qui  prend  la  terminaison 
grammaticale.  Ex.  :  fervojo  =  chemin  de  fer;  vaporsipo  =  bateau 
à  vapeur:  skribtablo  ou  skribotablo  =  table  à  écrire;  tagmezo 
=  midi  ' . 

Les  particules  entrent  aussi  en  composition  :  antaùiri  =  pré- 
céder ;  eniri  =  entrer  ;  eliri  =  sortir  -  ;  alporti  :=  apporter  :  kontraû- 
diri  =  contredire  ;  tralegi  =  lire  d'un  bout  à  Vautre  :  senfina  =  infini 
(sans  fin). 

La  négation  ne-,  notamment,  sert  de  préfixe  pour  indiquer  la 
contradiction  pure  et  simple.  Ex.  :  neutila^=  inutile  (cf.  malutila  = 
nuisible).  La  préposition  sen-  a  à  peu  près  le  même  rôle  :  elle 
indique  surtout  la  privation  :  senvestigi  =  dévêtir;  sénmaskigi  = 
démasquer:  senkapigi  =  dc'capi/er. 

Au  fond,  il  n'y  a  pas  de  différence  entre  les  mots  dérivés  et  les 
mots  composés,  non  plus  qu'entre  les  affixes  et  les  particules: 
les  uns  et  les  autres  sont  des  éléments  indépendants  et  inva- 
riables, à  sens  constant  et  bien  déterminé,  de  sorte  qu'ils  peuvent 


1.  Ordre  logique:  milieu  du  jour,  contraire  à  celui  derallemnnd  :  Mitlag. 

2.  La  préposition  el  nous  semble  mal  choisie  :  elle  risque  trop  de  se  con- 
fondre, pour  l'oreille,  avec  ses  contraires  al  et  en,  surtout  en  composition. 
11  vaudrait  mieux  employer  la  préposition  ek(G.  L.),et  remplacer  le  préfixe 
inchoatif  ek-  par  le  suffixe  -esk  (G.  L.). 


d'  zamenhof  :  espéranto  :i2:, 

eux-in<*ines  servir  de  radicaux  à  des  mois  simples  ou  composés. 
Ainsi  :  edzo  —  mari,  edzino  =  épouse:  geedzoj  =  (les)  ^poux,  (un) 
conph'-.  edzigi  ^  marier,  edzi^  =  se  mnrier.  edzi§0  =  mariage 
(lUKM's).  De  iiiriiH'  :  eco  —  iiualilc;  indo  =  mérite,  inda  ^=  ditjne  de; 
ano  =  habitant  ou  partisan  ;  ebla  =  possible,  eble  =  peut-être  {*  pos- 
sihloment  »):  igi  =  faire  (suivi  d'un  infinilifj;  i§i  =  devenir: 
kune  =  ensemble:  ree  =  en  retour  ou  derechef.  Exemplos  de  mois 
composés  :  ali§i  =  adhérer:  kunigi  :=  réunir:  disigi  =  désunir: 
senigi  =  dépouiller:  reigi  =^  rétablir,  etc. 

Celte  possibilité  de  décomposer  tous  les  mots  en  éléments 
iuvnrial)les,  de  les  désarticuler,  concourt  à  rendre  lEsperanto 
oxlréinenient  facile  à  comprendre  et  à  manier.  Elle  fait  qu'on 
peut  tiaduire  un  texte  Espéranto  sans  savoir  un  mot  de  la  lan^Mie, 
iini<|iuMnont  à  l'aide  du  dictionnaire,  ce  «pii  n'est  possible  dans 
aucune  langue  vivante  •.  Il  suffit  de  séparer  typographiquement. 
pour  les  commençants,  les  divers  éléments  de  chaque  mot:  ils 
noiif  (\n'h  les  clierclior  séparément  dans  un  lexique  pour  recons- 
tituer infailliblement  le  sens  du  texte.  Par  là,  la  granunaire 
rentre  en  quelque  sorte  dans  le  dictionnaii*e,  et  l'Espéranto  peut 
s(M'vir  inuuédiafement.  même  auprès  de  ceux  qui  l'ignorent. 

Pour  avoir  une  idée  de  la  puissance  de  prolitication  des  radi- 
caux de  VEsperanto,  il  faut  lire  dans  VEkzercaro  (§  42  et  dernier)  la 
^nilo  des  «lérivés  de  la  racine  san  =  santé.  Contentons-nous  ici 
(iéiinmérer  (luelques-uns  de  ceux  de  la  racine  mort  :  morti  = 
mourir:  morto  =  (la)  mort:  mortanto  =  (le)  mourant:  mortinto  =  (le 
;n();7;  morta  =  mortel,  de  mort  pi\leur  mortelle':  mortado  -  mor 
lalilé  (statistique):  morteco  =  mortalité  (condition  :  mortema 
=  mortel  (sujet  à  la  mort);  mortigi  =  tuer  (faire  mourir):  mortigo 
meurtre:  mortiga  —  mortel,  mortift-re  (coup  morleli:  mortiganto  =■ 
meurtrier:  senmorta  =  immortel,  senmorteco  — ;  immorinlité:  mem- 
mortigo  =  suicide,  etc. 

Enlin.  pour  faire  connaître  la  physionomie  de  la  langue  nous 
citerons  le  Pater,  traduit  par  le  I)""  Zamenhof-;  on  remanpiera 
t|n'il  suit  mot  à  mot  le  texte  latin  : 

1.  Le  D' Zamenhof- en  donne  comme  exemple  cette  plirnse  nllemnnde  si 
simple  :  Icfi  iieiss  nicht,  mo  ich  den  Stock  gelassen  habe:  hahen  Sie  ihn 
nicht  ;/est'/»en'}  (Commentaire,  p.  I.")2-I.'i."l.)  On  remar<|iiera  «lu'il  a  ainsi  ren- 
list>  les  conditions  prévues  par  DEscAHres  pour  qu'on  puisse  comprendre 
une  lanjruo  nu  moyen  du  dictionnaire  seul. 

2.  De  Beaikroxt,  Preyareto  por  Kalotikoj,  p.  Il  (approuvé  par  rnutorilè 
ecclésiastique). 


326  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

Patro  nia,  kiu  estas  en  la  cielo,  sankta  estu  via  nomo:  venu 
regecovia;  estu  volo  via,  kiel  en  la  cielo,  tiel  ankaù  sur  la  tero. 
Panon  nian  ciutagan  donu  al  ni  hodiaù  ;  kaj  pardonu  al  ni  suldojn 
niajn,  kiel  ni  ankaù  pardonas  al  niaj  suldantoj  ;  kaj  ne  konduku  nin 
en  tenton,  sed  liberigu  nin  de  la  malbono. 

Si  Ton  veut  un  spécimen  plus  profane  et  plus  pratique,  on 
peut  lire  les  lignes  suivantes  : 

Estimata  Sinjoro.  —  Per  tiu  ci  libreto  mi  havas  la  honoron  pre- 
zenti  al  vi  la  lingv(?^internacian  Espéranto...  Espéranto  tute  ne 
havas  la  intencon  malfortigi  la  lingvon  naturan  de  ia  popolo.  Gi  devas 
nur  servi  por  la  rilatoj  internaciaj  kaj  por  tiuj  verkoj  au  produktoj, 
kiuj  interesas  égale  la  tutan  mondon'... 


Historique. 

Bien  que  le  D""  Zameniiof  eût  éprouvé  lui-même  sa  langue  par 
une  pratique  de  plusieurs  années,  il  décida  de  la  soumettre  pen- 
dant un  an  au  jugement  du  monde  savant.  «  11  ne  voulait  pas 
être  le  créateur,  mais  seulement  Vinitiateur  »  de  la  L.  I.;  il  recon- 
naissait volontiers  que  l'œuvre  d"un  seul  homme  ne  peut  pas 
être  parfaite,  il  ne  prétendait  donc  apporter  que  le  germe  de  la 
future  langue  internationale,  et  il  laissait  au  public  et  à  l'usage 
le  soin  de  la  développer  ^.  Il  décida  donc  de  ne  rien  changer  à 
sa  langue  pendant  toute  l'année  ^888,  au  cours  de  laquelle  il 
appelait  sur  elle  les  critiques;  il  se  proposait  de  les  publier,  de 
les  discuter,  puis  de  corriger  sa  langue  en  conséquence,  et  de  la 
fixer  définitivement.  Il  offrait  môme  de  confier  ce  travail  à  telle 
Académie  qui  voudrait  s'en  charger,  et  de  s'efTacer  complète- 
ment devant  ses  arrêts.  Il  proposait  aussi  une  sorte  de  plébiscite 
universel  touchant  le  choix  de  la  L.  L,  qui  devait  être  clos  le 
jour  où  il  aurait  reçu  10  millions  de  votes  ^ 

Plus  tard    encore,    en    1896,    le   D''   Zameniiof   proposait    un 
«  Congrès  par  opinions  écrites  pour  traiter  et  décider  la  question 


1.  Extrait  dos  Textes  Espéranto  insérés  dans  le  Manuel  complet  (p.  15)  et 
dans  ia  Grammaire  (p.  H). 

2.  On  ne  peut  s'cinpèclier  de  remarquer  que  cette  attitude  contraste  vive- 
ment avec  celle  de  Mgr  Schleyeh,  qui  prétendait  rester  seul  maître  du 
Volapuk. 

3.  Dua  libro  de  V  lingvo  inlernacia  (Varsovie,  1888). 


1»'    /AMhMiOK    ;    i■,^l•KI«A.^l()  327 

li  iiii<>  liingiK'  iiitcMiinlionalo*  >.  Il  constatait  (]uo  la  solution  du 
probl(''nie  ne  faisait  pas  de  progrès,  parce  que  les  partisans 
d'un»'  Innirin'  inU'rrialionalo  ^'laiiMil  divisés  sur  la  qurstion  de 
savoir  iainn'll»'  adojiU'r;  il  demandait  (ju'au  Ii«'U  de  se  cond)attre 
ils  s  unissent  pour  choisir  une  seule  langue  et  pour  la  propager 
d'un  aceord  unanime.  Pour  cela,  il  proposait  d'abord  une 
riupuMe  où  rliacuu  indiquerait  le  projet  de  son  choix  en  expo- 
sant les  raisons  de  sa  préférence;  l'ensemble  des  opinions  ainsi 
recueillies  serait  publié  et  distribué  aux  participants,  qui.  après 
en  avoir  pris  connaissance,  voteraient  délinilivem«'nt  ;  et  le 
h""  ZvMKMioF  se  déclarait  prêt  s'i  s'incliner  devant  la  décision  de 
la  majorité.  Mais  tous  ces  projets,  si  modestes  et  si  désinté- 
ressés, send)lent  avoir  échoué  devant  le  scepticisme  ef  linerlic 
du  public. 

La  »  langue  du  D""  Espenmto  »  se  propagea  lentement,  d  iil»oitl 
en  lUissie,  où  la  Société  Espero  fut  fondée  h  Saint-Péterslxujrg 
•  11  1892;  puis  en  Allemagne.  grAce  à  Léopold  Einstein,  cpii  en 
devint  un  ap«Mre  fervent*,  et  qui  y  convertit  le  club  volapfikiste 
de  NOrnberg,  fondé  en  1885.  Celui-ci  publia  un  manuel  allemand 
iV Espéranto^,  le  premier  journal,  espérantiste  (Ln  Espenntlishi. 
!"■  sept.  1889).  et  devint  le  foyer  de  VEsperanlo  dans  les  pays 
allemands.  Puis  des  manuels  et  brochures  de  propagande  furent 
pultliés  en  anglais  par  M.  Henry  Piiii.i.ips,  secrétaire  de  V .\meric(tn 
l'hilosophical  Society^  et  par  M.  H.  Geogheg.vn,  consul  britannique 
I  Tacoma  (Wash.,  L'.  S.  A.)'.  D'aul  l'es  adeptes  publiaient  des 
niannels  en  d'antres  langues  (suédois,  polonais,  letle.  danois. 
Iflièquc,  l)ulgare,  italien,  espagnol,  portugais,  hébreu)  et 
publiaient  des  traductions  d'œuvres  classiques  en  Espéranto 
Hamlel,  par  Zameniiof;  Vilinde,  le  Cnïn  de  HyroN.  et  le  Manmjt'  de 
l'iijaro,  par  A.  Kof.man:  Boris  Godunov,  de  Pouchkine,  par  Devia- 
tnine;  Le  Convwe  de  pierre,  du  même,  par  Borovko;  la  Tempête  de 


!•  I^.  Za.mb.nhof,  Choix  d'une  Luni/tie  internationale,  7  p.  in-8"  OS'.Hi). 

2.  La  Linr/vo  inlernacia  als  teste  Lôsiing  des  internalionnien  Wetlsprache' 
iioblems  :  Vovu-ort,  Grammatik  und  Styl  nebst  Slammiturter-verzeicftnisa 
NiirnlK'rp,  Stein.  IS8vS);  Weltsprachlivtte  Zeil-  und  Sti-eitfrngen  :  Votnpûtt 
inid  Lingvo  internacia  (Nurnherp.  Stein.  IM80). 

•i.  La  Lingvo  internacia.  Vollstândiger  Lehrgang  der  internationaleu 
Sf)rac/te  nef/st  WOrterfmch  zum  iietrauctie  fur  Deutsche. 

4.  .1/1  Altempt  toivards  an  International  Language.  I»y  Dr.  Espéranto 
(IS»0).  Voir  le  chapitre  X.  relatif  à  V  American  l'hUosoptiicat  Society. 

5.  Voir  paye  304,  noie  I . 


328  SECTION    III,    CHAPITRE   IX 

neige,  du  môme,  par  A.  Grabowski;  la  Princesse  Mary,  de  Ler- 
montov, par  E.  DE  Wahl,  etc.,  etc.).  On  fit  aussi  des  traductions 
en  vers  {La  Liro  de  la  esperantistoj,  par  Grabowski)  et  l'on  com- 
posa même  des  œuvres  originales  en  prose  et  en  vers  (comme 
l'hymne  Espero,  du  D''  Zamenhof,  qui  se  trouve  dans  tous  les 
manuels). 

La  propagation  de  YEsperanto  fut  longtemps  retardée  par  le 
manque  de  capitaux.  La  Esperantisto  ne  put  durer  que  grâce  au 
dévouement  financier  de  Trompeter  (1892-95),  à  qui  est  due 
aussi  rédition  du  premier  manuel  français  (1892).  Dès  1890,  le 
D"'  Zamenhof  avait  entrepris  de  former  une  Ligue  esperantisto. 
Cette  ligue  ne  servit  qu'à  susciter  des  projets  de  réformes  plus 
ou  moins  bien  inspirés,  qui  faillirent  amener  la  dissolution  et  la 
ruine  de  la  langue.  Mais  les  Espérantistes  orthodoxes  main- 
tinrent la  langue  sous  sa  forme  primitive,  et  la  ligue  fut  dis- 
soute (1894). 

En  1895,  La  Esperantisto,  ayant  été  interdit  par  la  censure  russe 
pour  avoir  publié  un  article  de  Tolstoï,  disparut,  et  fut  remplacé 
par  La  Lingvo  internacia,  éditée  par  le  club  espérantiste  d'Upsala  *. 

En  1896,  YEsperanto  commença  à  se  répandre  en  France,  grâce 
à  L'Étranger,  revue  internationale-,  et  à  M.  Gaston  MocH,  rédac- 
teur de  V Indépendance  belge^.  Mais  le  propagateur  le  plus  actif  et 
le  plus  dévoué  fut  et  est  M.  Louis  de  Beaufront.  Son  adhésion 
constitue  un  fait  probablement  unique  dans  l'histoire  de  la 
langue  universelle,  et  elle  lui  fait  trop  d'honneur,  ainsi  qu'à 
YEsperanto,  pour  que  nous  n'en  rapportions  pas  les  circon- 
stances. Ce  philologue  distingué  travaillait  depuis  douze  ans  à 
construire  une  Lingvo  internaciona,  nommée  YAdjuvanto,  qui  se 
trouvait  avoir  une  ressemblance  étonnante  avec  YEsperanto:  cette 
langue  était  achevée,  et  il  avait,  prêt  à  paraître,  un  lexique  con 
tenant  la  traduction  de  tous  les  mots  du  Dictionnaire  Gazier. 

1.  Depuis  le  1*''  janvier  1902,  le  rédacteur  en  chef  de  ce  journal  mensuel 
(entièrement  en  Espéranto)  est  M.  Paul  Fruictier,  h  Paris  (27,  boulevard 
Arago). 

2.  Aujourd'hui  :  Concordia,  organe  de  lu  Société  d'études  et  de  corres- 
pondance internationales,  directeur-fondateur  :  feu  Emile  Lombard,  profes- 
seur au  Lycée  Montaigne. 

.3.  La  fjuestion  delaLanrjue  internationale  et  sa  solution  par  V Espéranto, 
.')3  p.  in-S",  extrait  de  la  Revue  internationale  de  Sociologie  (Paris,  Giard 
et  Brière,  1897).  Cf.  le  Rapport  sur  la  question  de  la  langue  internationale 
présenlé  par  M.  G.  Mocii  au  Vlll"  Congrès  universel  de  la  Paix,  18  p.  in-8° 
(Hamburg,  août  1897). 


d'  zamen'iiof  :  espéranto  329 

Mais  quand  il  eut  connnissance  tic  VEspernnlo,  il  reconnut  que 
son  projet  lui  était  inférieur  sur  quelques  points  ',  et  il  renonça 
à  le  publier  pour  se  consacrer  dès  lors  entièrement,  avec  un 
admirable  désintéressement,  ù  la  propaj^ation  de  \'Esi>erniitu*.  11 
fonda  en  18l»8  (à  Épernay)  le  journal  mensuel  L' Espémnlhie  et  la 
Société  pour  la  propagation  de  l'Espéranto,  et  pul)lia  en  fran<;ais  tles 
brochures  de  propaj^ande  el  les  manuels  que  nous  avons  cités. 

Malgré  son  zèle,  le  fait  qu(;  le  chef  du  mouvement  espérantiste 
en  France  n'habitait  pas  Paris  et  n'avait  pas  d'attaches  offi- 
cielles n'était  guère  favorable  à  l'expansion  de  la  langue.  Kn 
juin  l'.iOO  fut  fondé  le  groupe  espérantiste  de  Paris;  la  même 
année  na(|uil  celui  de  Dijon,  grAce  au  prosélytisme  ardent  de 
M,  Charles  Méray,  professeur  de  mathématiques  à  l'Université, 
corn'spondant  de  l'Institut.  D'autres  se  sont  fondés  à  Amiens, 
Annecy,  Beaune,  Besan(;on,  Bordeaux,  Boulogne-sur-Mer,  Chau- 
mont,  Grenoble,  Le  Havre.  Lille,  Lyon,  Marseille,  Montpellier. 
Nancy,  Nice.  Heims,  Houbaix.  Saint-Claude,  Sainl-Omer, 
Tournon.  Pendant  l'hiver  iy02-iy03,  10  cours  tVEspernnto  ont  été 
professés  simultanément  à  Paris. 

Au  Cnnnda.  un  groupe  espérantiste  s'est  formé  à  Montréal; 
il  a  fondé  l.'Es]>éi'anliste  Canadien,  bientôt  transformé  en  La  lAimo. 
Un  groupe  espérantiste  s'est  récemment  fondé  en  Autriche  (son 
siège  est  à  Briinn^.  11  y  a  des  Kspérantistes  dans  la  plupart  des 
pays  cl'Kurope.  et  ils  appartiennent  à  toutes  les  classes  de  la 
société.  Il  est  remarquable  que  les  pays  latins  soient  précisé- 
ment ceux  où  s'est  le  moins  répandue  jusqu'ici  cette  langue,  à 
qui  ou  reproche  d'être  trop  néo-latine.  Le  mouvement  de  tliffu- 
sion,  lent  aux  débuts,  parait  s'accélérer  de  plus  en  plus  <  t  m 
semble  pas  près  de  s'arrêter. 

•\.   l'heure    qu'il   est,    il   existe   des   manuels    d'Espéranto   en 

1.  Ces  points  riaiciU  :  1'  la  place  do  l'aiTt-nt  ;  2"  l'nhscnce  d'accusatif; 
3"  lo  plurit'l  par  substitution  do  i  a  In  Itnalo  (o,  a)  du  singulier. 

2.  Pour  pcrniottro  do  juger  de  la  rcssombinnco  de  VAdJuvanlo  avec 
VEsperanto.  ot  rendre  hommage  à  ce  projet,  qui  eût  môrito  sans  doute  une 
l)ln(e  lionornblo  dans  celle  Histoire,  si  son  auteur  ne  l'avait  pas  g^m*- 
rousomont  socrillé.  nous  citerons  la  traduction  du  Pater  dans  celle  langue 
(i|iio  M.  i\c  BeauTront  a  bien  voulu  nous  communiquer  à  notre  prière^  : 

Patro  nua.  kvu  estas  in  el  cjelo.  estez  honorata  tua  nomo:  venet 
regno  tua;  estez  volo  tua  kome  in  el  cjelo,  laie  anke  sur  el  lero;  pano 
nua  caskajorna  donez  al  nu  hodje;  ed  pardonei  al  nu  debi  nua.  kome  nu 
pardonas  al  nua  debauti  :  ed  ne  konduktez  nu  en  tento,  ma  liberifei  nu 
di  el  malbono. 


330  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

22  langues.  Le  nombre  des  ouvrages  publiés  en  Espéranto  s'élève 
à  150.  Outre  les  journaux  que  nous  avons  déjà  cités  (La  Lingvo 
ùilernacia,  L'Espérantiste,  La  Luino),  il  s'est  fondé  récemment  plu- 
sieurs revues  rédigées  entièrement  ou  partiellement  en  Espé- 
ranto :  YEspérantiste  tchèque,  à  Bystrice-Hostyn  (Moravie)  :  la  Belga 
Sonorilo,  à  Bruges;  le  Holanda pioniro,  à  Hilversum  (Pays-Bas);  le 
Rondiranto,  à  Philipople  (Bulgarie);  le  Svisa  Espero,  à  Genève; 
l'Esperantista,  à  Turin.  Des  sociétés  de  propagande  espérantiste 
viennent  de  se  fonder  en  Angleterre,  en  Italie,  en  Espagne 
et  en  Suisse:  un  groupe  espérantiste  vient  de  se  former  à 
Londres  (janvier  1903).  Quant  au  nombre  des  Espérantistes,  il 
est  difficile  à  évaluer  :  il  y  en  avait  6  578  inscrits  au  commence- 
ment de  1902.  Mais  on  fait  remarquer  que  beaucoup  d'adeptes, 
même  pratiquants,  négligent  de  se  faire  inscrire,  d'autant  plus 
que  cette  formalité  leur  impose  l'obligation  morale  de  répondre 
à  toute  lettre  d'un  confrère  en  Espéranto.  On  évalue  à  50  000  au 
moins  le  nombre  des  Espérantistes  pratiquants  dans  tous  les 
pays.  L'Espéranto  a  recueilli  l'approbation  et  le  patronage  de 
plusieurs  personnages  illustres,  notamment  du  comte  Léo 
Tolstoï  et  du  philologue  Max  Muller,  qui,  après  avoir  approuvé 
et  encouragé  d'autres  projets,  lui  attribua  «  la  première  place 
parmi  ses  concurrents  ». 

Critique. 

Ce  n'est  pas  seulement  parmi  les  savants  impartiaux  que  VEs- 
peranto  a  trouvé  des  admirateurs  ;  il  en  a  trouvé  même  parmi  les 
auteurs  de  projets  rivaux,  et  ces  suffrages  sont  sans  doute  les 
plus  précieux.  Nous  n'en  citerons  qu'un,  celui  de  M.  Henderson, 
l'auteur  de  Winglo-Franca,  du  Lingua  et  du  Latinesce,  qui  a  essayé 
de  ressusciter  le  latin  comme  L.  L,  et  qui  reste  partisan  d'une 
langue  néo-latine  :  «  De  tous  les  projets  de  langues  artificielles, 
VEsperanto  est  décidément  le  meilleur,  et  je  suis  convaincu  que 
s'il  avait  paru  avant  le  Volapûk,...  il  aurait  gagné  l'adhésion  non 
seulement  de  ceux  qui  adoptèrent  le  Volapûk,  mais  de  milliers 
d'autres  *  ». 

Tant  d'éloges,  si  autorisés,  rendent  notre  tâche  de  critiques 

1.  Brochure  :  A  New  AiH;  The  conslniclion  of  an  international  Lan- 
guage,  1902. 


d"  zamenhuf  :  espéranto  331 

pnriiculièrement  dtMicale,  Pour  nous  en  acquitter  en  conscience, 
nous  lapporltM'ons  simplement  l<«s  principales  olijections  qui  ont 
été  adressées  à  In  langue  du  !)■■  Zameniiof,  et  les  réponses  que 
leur  ont  faites  les  Kspérantistes.  Le  lecteur  verra  ainsi  le  pour 
et  le  contre,  et  pourra  juger  en  connaissance  de  cause.  ^ 

C'est  Valphabel  qui  donne  lieu  aux  [tlus  fréquentes  critiques.  A 
quoi  bon,  dit-on,  ces  lettres  surmontées  d'accents,  qui  choquent 
I'omI,  déroutoni  le  lecteur,  constituent  des  sons  nouveaux  à 
apprendre  et  qui  olïrent  des  difficultés  spéciales  pour  l'écriture 
et  l'impression?  Il  y  en  a  une  surtout  qui  déplaît  aux  Français  : 
c'est  la  lettre  h.  dont  la  prononciation  est  pour  eux  liés  diflirile, 
et  même  impossible  avant  ou  après  r  '  :  ex.  :  monarho,  hronologio. 
Elle  viole  évidemment  le  principe  d'après  lequel  la  L.  I.  ne  doit 
contenir  que  des  sons  faciles  à  prononcer  pour  tous  les  peuples 
européens.  Aussi  les  Kspérantistes  français  la  sacrilieraient-ils 
aisément,  et  la  remplaceraient  par  k  ^ 

Restent  les  4  chuintantes  :  c,  §.  j.  S.  Kt  d'abord,  il  faut  bien, 
disent  les  Espérantistes,  avoir  une  ou  deux  chuintantes,  comme 
la  plupart  des  langues  européennes.  Admettons-en  deux  :  la  forte 
(cfi  français)  et  la  douce  (j  français')  ^.  Pour  représenter  celle-ci. 
puisque  j  représente  l'i  consonne,  il  faut  bien  un  nouveau  carac- 
tère ;  le  plus  commode  est  d'adopter  la  même  lettre  j,  mais  dis- 
tinguée par  un  accent.  (Juant  à  l'autre  chuintante,  qui  est  repré- 
sentée dans  les  langues  occidentales  par  des  cond)inaisons  de 
2  ou  3  lettres  (sh  E.,  srh  D.,  sci  I.),  elle  constitue  réellement  un  son 
simple  et  par  suite  doit  être  ligurée  par  une  seule  lettre  icomnie 
en  russe),  d'autant  plus  que  si  on  la  représentait  par  une  combi- 
naison de  lettres  {ch,  sh,  etc.)  ayant  déjà  un  son  propre,  on  vio- 
lerait le  principe  de  l'uniformité  absolue  du  son  de  chaque  lettre. 
On  n'a  donc  d'autre  ressource  que  d'employer  une  lettre  déjà 
connue,  en  la  distinguant  par  un  accent.  On  a  choisi  s,  parce 
que  c'est  l'initiale  des  condjinaisons  anglaise,  allemande  et  ita- 
lienne, et  parce  que  c  doit  avoir  un  autre  son. 

t.  Les  Frnn(;nis  ont  déjii  bien  assez  de  peine  ù  prononrer  la  simple  h 
aspirée.  On  sait  que  Vh  dite  aspirée  dvi  rrani;nis  est  aussi  muette  que 
l'autre,  et  se  traduit  uniquement  par  le  manque  de  liaison.  ^ 

2.  On  a  remarque  que  les  Espérantistes  slaves,  pour  prononcer  le  h  a 
ciMé  de  r,   le  remplacent  inconsciemment,  soit  par  k,  soit  par  ch,  ce  qui 

.  prouve  que  cette  lettre  est  impossible  à  prononcer  en  respectant  le  principe 
de  l'invariabilité  du  son. 

3.  Le  Vol(^>Uk  conrundait  ces  deux  lettres  en  ). 


332  SECTION   III,    CHAPITUE   IX 

Maintenant,  pourquoi  adopter  encore  deux  autres  chuintantes, 
et  complexes  celles-ci,  car  elles  sont  précédées  d'une  dentale"? 
Pourquoi  ne  pas  représenter  les  sons  composés  ô,  g  par  ts  et  dj"? 
De  même,  pourquoi  attribuer  au  c  le  son  complexe  /s?  On 
répond,  d'abord,  que  ces  sons  composés  existent  dans  plusieurs 
langues,  et  y  correspondent  même  souvent  à  des  lettres  simples. 
C'est  ce  qui  a  lieu  non  seulement  en  russe  et  dans  les  autres  lan- 
gues slaves,  mais  en  anglais  (le  g  de  gin,  le  j  dejoke,  le  ch  de 
chiirch),  en  italien  (le  c  de  cena,  les  combinaisons  de  lettres  cci,ggi)^ 
en  espagnol  [ch],  en  roumain,  etc.  Il  est  donc  utile  de  posséder  de 
telles  lettres,  quand  ce  ne  serait  que  pour  pouvoir  transcrire  les 
noms  propres  et  les  noms  géographiques  de  ces  langues,  et 
aussi  pour  altérer  le  moins  possible  les  mots  qu'on  leur  emprun- 
tera. Or,  puisque  en  fait  la  plupart  des  langues  européennes  don- 
nent aux  lettres  c  et  ^  deux  sons  différents  (au  moins),  il  importe 
de  conserver  à  ces  lettres  ces  deux  sons,  mais  en  les  distinguant 
par  l'écriture,  pour  respecter  le  principe  essentiel  de  l'unifor- 
mité du  son  de  chaque  lettre.  La  lettre  c,  notamment,  est  le  scan- 
dale de  la  phonétique  romane  '.  Seuls,  les  Slaves  qui  emploient 
l'alphabet  latin  la  prononcent  toujours  de  môme  (<s)  devant  toutes 
les  voyelles  ;  c'est  pourquoi  Y  Espéranto  lui  assigne  ce  son  (qui  est 
aussi  celui  du  c  allemand  devant  e,  i,  celui  du  z  allemand,  du  z 
italien,  etc.).  De  même,  non  seulement  les  sons  c  et  g  existent 
dans. plusieurs  langues  européennes,  mais  ils  y  sont  représentés 
par  ces  mêmes  lettres.  D'ailleurs,  les  sons  s  et  c  sont  figurés  pré- 
cisément par  les  lettres  s  et  c  dans  la  transcription  tchèque  des 
noms  slaves  :  or  cette  transcription  est  employée  par  les  Alle- 
mands, et  par  suite  connue  dans  toute  l'Europe  *.  On  trouve  que 
ces  lettres  accentuées  sont  incommodes  et  retardent  l'écriture  : 
mais  elles  sont  toujours  plus  faciles  à  écrire  que  les  combinai- 


1.  Cf.  Ch.  Joret  :  Du  C  dans  les  langues  romanes  (Paris,  Franck,  1874). 
Ce  philologue  représente  les  deux  chuintantes  simples  {ch  et/)  par  s  et  z 
accentuées  (comme  en  tchèque)  ;  et  il  adopte  les  lettres  c  et  g  accentuées 
pour  représenter  les  chuintantes  complexes  {(ch  et  dj),  précisément  comme 
VEsperanto.  11  justifie  ces  deux  dernières  lettres  en  constatant  que  ces  sons 
«  se  rencontrent  dans  presque  toutes  les  langues  indo-européennes  ».  1) 
ajoute  une  remarque  intéressante  :  ces  sons  composés  sont  d'origine  rela- 
tivement récente  :  ils  tiennent  le  plus  souvent  la  place  de  sons  primitivement 
simples  (le  c  et  le  g'  durs  du  latin);  et  c'est  pourquoi  ils  sont  représentés 
dans  les  langues  romanes  par  des  lettres  simples  (p.  13  et  14).  Ainsi  ces 
lottressontamplement  justifiées  par  l'histoire  des  langues  et  par  la  pliilologie. 

2.  Voir  par  exemple  Minerva  et  les  atlas  allemands.  Voici  un  tableau  des 


D'  /AMENHOF   :    ESPERANTO  333 

sonsdedeux  ou  trois  lettres  qui  les  traduiscnton  d'autres  langu(>s. 
ou  que  «les  lellres  d'une  forme  nouvelle,  «^trangi'Tes  h  l'alphabet 
latin,  qui  dt'routcraienl  l'œil  et  la  main  '.  Ainsi  ces  lettres 
accentuées  sont  nécessaires,  et  elles  ne  sont  nullement  arbi- 
traires, ni  par  leur  forme,  ni  par  leur  son,  comme  sont  tentés 
de  le  croire  les  Fran<;ais  peu  polyglottes  *. 

Elles  se  justifient  encore  par  une  autre  raison,  qui  va  nous 
faire  pénétrer  dans  la  constilulion  du  vocabulaire.  Les  lettres  c. 
c  et  s  servent  à  concilier  le  «  pbonélisme  »  et  le  €  graphisme  » 
dans  l'orthographe  des  mots  internationaux.  Certains  projets 
s'attachent  exclusivement  A  reproduire  le  graphisme,  c'est-à-dire 
l'orthographe  des  mots  internationaux,  au  risque  d'en  altérer  la 
prononciation;  d'autres  ne  s'inquiètent  que  de  reproduire  la 
prononciation,  au  risque  de  défigurer  l'aspect  des  mots  '.  L'Es- 
pcninto  a  visé,  et,  la  plupart  du  temps,  a  réussi  à  concilier  ces 
deux  tendances  contraires,  en  apparence  incompatibles.  (Quel- 
ques exemples  feront  comprendre  l'ingénieuse  méthode  <|u"il  a 
employée  p(»ur  cela.  S«it  le  mot  gardeno  ^=jardUi  (l).  yarlen:  E. 
ijarden;  I.  giardino).  Si  le  §  n'existait  pas,  on  serait  obligé  d'écrire 
gardeno.  qui  ne  serait  compris  que  des  Anglais  et  des  Allemands. 
ou  bien  jardino  (on  djardino).  qui  ne  serait  compris  que  des  peu- 
consonnes  spéciales  nux  Inngues  de  l'Europe  orienUili'  i|iii  emploient  l'n!- 
phnbct  Inlin,  avec  leur  équivalence  phonétiiiue  on  Espéranto  : 

Tchèque:  c    =c,  é    =  C,  f   =  rS,  S    =S,     z=J 

Polonais:  c   =c,  cz  =  C,  rz  =  rS,  sz  =  §,    z  =  î 

Slaves  du  sud  :  c   =c,  c    =0,  S   =S,     z=J 

Mtujyar  :  cz  =  c,  es  =  C,  sz=  s,  s    =  S,  zs=J 

fioumain  :  c  (devant  a,  o,  u)  =  k,  c  (devant  e,  i)  =  t*. 

-  ^'  —  =g,g         —         =-~ 

On  remnnuiern  (luc  dans  les  langues  slaves  le  son  j  (J  fran«;ais;  est  repn'- 
senté  i)nr  :  nofentué  (et  par  ;  dans  azuré  E.).  .\insi  1('  fait  de  représenter  ce 
s(in  par  un  J  est  une  roncession  faite  par  VEsperanto  au  français,  .\joutons 
ipio  VEsperanlo  permel  de  transcrire  exactement  tous  les  mots  russes,  y 
compris  In  lettre  (|ue  les  Polonais  représentent  par  szcs  (dans  Leszczinsk;/} 
et  les  Allemands  par  schtsc/i  (7  lettres!) 

1.  Préférerait-on  emprunter  des  lettres  au  grec,  comme  Pirro,  ou  ou 
russe,  connue  .M.  Boulack'.* 

2.  On  peut  ajouter  (|ue  les  signes  diacritiques  (accent»,  etc.)  sont  bien 
moins  fréfjucnts  en  Espéranto  que  dans  les  langues  slaves,  et  ne  le  sont 
pas  plus  (jifen  français  (â,  d.  é,  i\  ^,  /,  ô,  «J,  é',  ï,  ù)  ou  en  allemand  ((7,  n,  ii). 

3.  Telle  était,  on  l'a  vu.  la  tendance  du  Ko/zipH A-.,  aggravée  par  le  fait 
qu'elle  prenait  pour  modèle  la  prononciation  anglaise,  la  moins  internatio- 
nale et  la  moins  conforme  à  l'orthograptie. 


334  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

pies  latins.  Grâce  au  son  du  g,  gardeno  atteint  à  la  fois  les  pre- 
miers, par  le  graphisme,  et  les  seconds,  par  le  phonétisme  ;  ce 
qui  donne  à  ce  mot  le  maximum  d'internationalité.  Il  en  est  de 
même  pour  casta  =  chaste  :  si  l'on  écrivait  casta,  on  dénaturerait 
la  prononciation;  si  l'on  écrivait  kasta,  on  défigurerait  le  mot; 
tandis  que  casta  atteint  par  le  graphisme  les  personnes  qui 
savent  le  latin,  l'italien  ou  l'espagnol,  et  par  le  phonétisme  celles 
qui  savent  le  français  ou  l'anglais  '. 

Mais  si  ces  considérations  justifient  des  lettres  à  son  complexe 
comme  c,  c,  g,  il  n'y  a  plus  de  raison  pour  exclure  de  l'alphabet 
la  lettre  x,  qui  est  bien  aussi  internationale,  et  pour  la  remplacer 
(comme  font  les  Slaves)  par  ks.  En  tout  cas,  il  ne  faudrait  pas  la 
remplacer  par  kz  (comme  dans  ekzerco.  ekzemplo),  combinaison 
impossible  à  prononcer,  et  contraire  aux  lois  de  la  phonétique. 
La  lettre  x  a  dans  nos  langues  tantôt  le  son  ks,  tantôt  le  son  g:. 
Il  faudrait  l'adopter  dans  la  L.  I.,  soit  avec  un  son  uniforme  {ks), 
soit  en  admettant  facultativement  le  son  gz,  ce  qui  ne  prêterait  à 
aucune  équivoque. 

Malgré  l'harmonie  qu'on  lui  reconnaît  unanimement,  et  qui  est 
un  de  ses  avantages  les  plus  sensibles,  l'Espéranto  admet  des  com- 
binaisons de  consonnes  difficiles  à  prononcer,  et  qui  ne  seront 
jamais  bien  prononcées  par  certains  peuples.  Telles  sont  les 
combinaisons  se  [sts]  et  kc  {kts),  dans  scienco.  sukceso,  sekcio,  etc., 
à  plus  forte  raison  dans  eksciti,  funkcio.  On  aura  beau  édictcr 
des  règles  sévères  et  précises  :  les  Français  auront  une  tendance 
irrésistible  à  prononcer  :  sienco,  seksio,  funksio.  Ils  prononceront 
régulièrement  «  à  l'école  »,  en  s'appliquant;  mais  dans  la  conver- 
sation le  naturel  repi'endra  fatalement  le  dessus,  en  vertu  de 
la  loi  du  moindre  effort.  Il  serait  prudent,  pour  préserver  la  L.  I. 
de  toute  déformation  future,  de  tenir  compte  de  cette  loi  et  de 
«  faire  la  part  du  feu  ».  On  peut  pour  cela  adopter  deux  mé- 
thodes :  ou  bien  sacrifier  le  graphisme  et  suivre  le  phonétisme 
français  en  écrivant  :  aksepti,  aksento,  funksio  ^;  ou  bien,  ce  qui 

1.  L.  DE  Beaufront,  Commentaire  sur  la  Grammaire  Espéranto,  p.  171-172. 
Autre  exemple  :  le  mot  ëokolado  est  complètement  international  (D.  Cho- 
kolade;  E.  chocolaté;  F.  chocolat;  1.  cioccolata;  S.  chocolaté).  On  ne  pou- 
vait pas  récrire  cokolado  sans  altérer  le  phonétisme,  sokolado  sans  altérer 
le  grapiiisme,  encore  moins  kokolado,  qui  altère  les  deux:  on  ne  pouvait 
l'écrire  que  cokolado,  ce  qui  est  d'ailleurs  conforme  à  la  prononciation 
en  E.,  I.,  S. 

2.  C'est  ce  que  fait,  par  exemple,  Vldiom  neutral. 


d'  zamenhof  :  espéranto  335 

parnll  prt'ftîrnble,  conservera  peu  près  le  graphisme  en  sinipli- 
liant  lo  phoïK'fismo,  et  «^criro  :  acepti,  acento.  funcio.  On  oh(it>ii 
(Irait  ainsi  dos  mots  rgahMiU'nt  u^'n'-ahlcs  à  IH-il  et  à  rorrillc. 
it  souvent,  qui  plus  est,  conformes  aux  mots  espagnols  ou  ita- 
liens, c'eslA-ilire  îi  l'évolution  nntarelle  «pie  les  mots  Intins  ont 
subie  dans  les  langues  où  l'orthograplic  est  lu  plus  plion«'ti)pie 
(Exemple  :  l.  fun:ione,  S.  funcion).  (Juc\  inconvénient  y  aurait-il. 
par  exemple,  à  écrire  et  à  prononcer  cienco  comme  en  espa- 
1,'nol?  Les  adversaires  des  langues  *  artilicielles  »  ne  pourraient 
pas  taxer  d'arbitraire  de  telles  formes,  puisqu'elles  se  trouvent 
dans  une  langue  naturelle  •. 

On  trouve  aussi  que  le  j  revient  li'op  souvent  et  produit  un 
l'Iïel  peu  harmonieux,  (lertes.  il  convient  de  reconnaître  que  celle 
(lomi-consonne  est  f«>rl  heureusement  choisie  comme  signe  du 
pluriel,  car  seule  elle  peut  se  marier  avec  l'n  de  Vaccusntif*.  Mais 
elle  litrui-e  aussi  dans  certains  mots  d'un  usage  très  fréf|uenf, 
eomine  kaj  ^  et  plej,  de  sorte  (pi'on  rencoidn*  des  membres  de 
phrase  comme  celui-ci  :  kaj  la  plej  bonaj  patroj.  De  même,  tous 
ceii.r  (jni  i]<tU  se  dire  :  ciuj  tiuj  kiuj  on  UM'-me.  suivant  les  cas  : 
ciujn  tiujn  kiujn,  ce  «pii  nest  pas  élégant  ni  même  commotle  à 
prononcer.  De  même  encore  les  pronoms  accompagnés  dajn  ; 
on  p«Md  avoir  à  dire  :  kiuj  ajn.  et  ménie  kiajn  ajn. 

On  a  criticpié  la  distinction  formelle  dos  parties  du  discours, 
(pi 'on  juge  inutile.  Il  nous  semble,  au  contraire,  que  c'est  là  un 
avaidage  capital;  il  ne  faut  pas  oublier,  on  effet,  que  la  !..  I.  sera 
pour  tous  une  langue  t'irangère,  et  (pr«'lle  ne  peut  offrir  trop  de 
clarté  et  de  commodité.  La  distinction  des  parties  du  discours 
l)ar  la  finale  permet  de  reconnaître,  f»  première  vue  ou  à  pre- 
niièi"»'  audition,  l'espèce  d'un  mot.  par  suite  son  r<Me  dans  la 
phrase,  et  de  saisir   immédiatement  la  construction  d'une  ma- 


1.  Pour  1rs  iM)'>ines  misons,  il  vnudrnit  mieux  écrire  punto  (comme  en 
1..  S.)  <|iio  punkto.  trop  «linicile  à  bien  pn>noncer.  Snns  doulp.  les  peuples 
-t'rmani(|ues  et  slaves  sr»nt  liahilués  à  ces  nccuiiuilntions  de  consonnes; 
mnis  elles  sont  absentes  des  lanjrnes  méridionales,  et  c'est  n  cela  ipie  tient 
leur  supériorité  jutur  Peuplionie,  reconnue  par  les  peuples  du  Nord  eux- 
Miénies.  Bien  entendu,  il  ne  faudrait  pas  pousser  l'assimilation  à  Texlréme. 
lonune  l'italien  tpii  dit  esalto  pour  emcl. 

2.  Elle  a  aussi  l'avantage  d'ùtre  indilTérentc  et  neutre,  el  do  ne  choijuer 
ainsi  aucune  habitude  et  aucune  tradition  (voir  la  Conclusion  et  le  clinpiln* 
du  Linifuisl). 

'^.  Olle  conjonction  est  empruntée  au  grec;  mais  en  grec  elle  se  pronon- 
(  ail  ki\  l't  non  kaj  (pronom  j.iticin  i  r.i^inii-nni'K 


336  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

nière  infaillible,  presque  inconsciente  et  automatique.  Rien 
n'embarrasse  plus  les  novices,  dans  une  langue  étrangère,  que 
la  construction,  rendue  souvent  obscure  et  ambiguë  par  la  simi- 
litude de  forme  de  mots  d'espèces  très  différentes  '.  Cette  dis- 
tinction a  un  autije  avantage,  encore  plus  important  peut-être  : 
elle  permet  de  former  régulièrement,  mécaniquement,  les  mots 
dont  on  a  besoin,  par  exemple,  l'adverbe  d'un  adjectif,  ou  le  sub- 
stantif d'un  verbe.  Combien  de  fois  est-on  gêné  et  arrêté  court, 
dans  une  langue  naturelle,  par  l'absence  d'un  mot  do  telle 
espèce,  correspondant  à  une  idée  dont  on  a  la  racine,  de  sorte 
qu'on  est  obligé  souvent  de  changer  la  construction,  au  risque 
de  lui  donner  une  tournure  compliquée  et  forcée.  Mais  cet  avan- 
tage concerne  plutôt  le  vocabulaire,  et  nous  y  reviendrons. 

Certains  lettrés  trouvent  malencontreux  l'emploi  des  finales  -o 
et  -a  pour  caractériser  respectivement  le  substantif  et  l'adjectif, 
alors  que  dans  les  langues  romanes  elles  caractérisent  le  mas- 
culin et  le  féminin  du  substantif;  ils  sont  choqués  par  des  juxta- 
positions de  mots  comme  :  labona  patro,  mia  kara  amiko:  et  plus 
encore  par  des  noms  propres  féminins  comme  Berto,  Heleno.  On 
leur  répond  par  l'exemple  du  latin,  où  beaucoup  de  substantifs 
masculins  se  terminent  en  -a,  et  beaucoup  de  substantifs  féminins 
(notamment  les  noms  d'arbres)  se  termine;it  en  -us  (qui  est  devenu 
-0  dans  les  langues  romanes)  ^.  Ces  délicats  sont  bien  malheu- 
reux; car  ils  doivent  souffrir  toutes  les  fois  qu'ils  lisent  :  egregius 
poeta,  parva  domus  oufagiis  sylvatica  (nom  du  hêtre  en  botanique). 
Mais  il  y  a  plus  :  on  trouve  dans  l'antiquité  classique  une  foule 
de  noms  féminins  en  -o  (Clio,  Erato,  Hero,  Sappho),  et  on  en  trouve 
également  dans  les  langues  romanes  (l'héroïne  de  Mistral  s'appelle 
Hliréio  en  provençal).  Ainsi  les  scrupules  des  lettrés  n'ont  môme 
pas  de  fondement  philologique.  En  revanche,  le  suffixe  du  féminin, 
en  Espéranto,  est  international  (L.  regina;  D.  kônigin;  F.  héroïne) 
surtout  dans  les  noms  propres  {Pauline,  Vidorine,  Joséphine). 
Mieux  vaut,  sans  doute,  employer  un  suffixe  spécial  pour  les 
noms  féminins  (relativement  rares)  qui  sont  de  véritables  dérivés, 
que  d'y  consacrer  une  voyelle  finale,  et  d'immobiliser  ainsi  deux 
caractéristiques  (-0,  -a)  pour  les  substantifs  seulement. 

1.  Cela  a  lieu  surtout  en  latin,  avec  les  particules  à  terminaisons  de  noms 
(en  -us,  en  -0,  etc.)  a  ce  point  qu'on  les  distinguait  autrefois  par  des  accents. 

2.  Ainsi  ces  désinences  latines  n'ont  même  pas  l'avantage  de  nianfuer  le 
genre  du  substantif  :  planeta  est  du  masculin,  atomits  est  du  féminin! 


d'  zamenhof  :  espéranto  337 

L'article  défini  paraît  superflu  à  certaines  personnes,  surtout 
aux  SInvos  (|ui,  ne  l'ayant  pas  dans  leurs  langues,  n'en  com- 
prennent pas  l'nlilité  el  n'en  «•prouvenl  pas  le  besoin.  Il  est  pour- 
tant indispensable  à  la  clarté,  et  si  le  latin  est  si  équivoque,  c'est 
souvent  faute  de  l'artiele  dtMini  :  ainsi  pa/a/tum  reijis  peut  signifier 
inditlV'i'einnient  :  le  ijnhiis  du  roi,  un  palais  du  roi,  le  palais  (Fun  roi 
et  un  palais  de  roi.  C'est  par  le  contexte  qu'on  sait  (pas  toujours!) 
lecjnel  de  ees  sens  est  le  vrai;  autrement  dit,  on  est  obligé  de  le 
(h'viner.  Or  une  L.  I.  ne  doit  rien  laisser  à  deviner;  elle  doit  tra- 
duire explieitement  tous  les  éléments  de  la  pensée,  et  n'en  laisser 
aucmi  sous-entendu.  D'ailletirs,  toutes  les  langues  de  l'Europe 
occidentale  et  centrale  possèdent  l'article  délini,  et  cette  raison 
de  fait  doit  suffire,  en  vertu  du  principe  de  l'internationalité. 
Non  seulement  les  langues  romanes  ont  l'article,  bien  cpie  le 
latin  leur  père  n'en  eût  pas,  mais  le  latin  du  moyen  a^ge  avait 
déjà  un  article;  et  le  latin  classique  était  obligé  (dans  les 
ouvrages  île  philosophie  notamment)  d'emprunter  l'article...  au 
grec!  Tout  cela  prouve  l'utilité,  la  nécessité  même  de  cette 
particule. 

La  déclinaison,  on  l'a  vu.  est  réduite  au  minimum,  conformé- 
ment à  la  remarque  de  Leibniz,  que  les  prépositions  remplacent 
les  cas,  el  même  avec  avantage,  car  elles  sont  plus  nombreuses 
et  de  sens  plus  précis.  .Vussi  na-t-on  conservé  que  l'accusatif,  le 
^eul  cas  qu'on  ne  puisse  suppléer  par  une  préposition*.  Certains 
critiques  trouvent  <pie  ce  cas  est  encore  de  trop,  el  contestent 
l'utilité  de  laccusalif.  Ils  allèguent  «jue  les  langues  modernes 
tendent  à  la  suppression  des  cas;  que  la  plupart  d'entre  elles 
n'ont  pins  de  déclinaison,  et  que  dans  celles  mêmes  qui  en  ont 
un(>.  l'alleniand  par  exemple.  l'accusatif  est  souvent  identique  au 
nominal  if.  Ils  en  concluent  que  l'admission  d'un  accusatif  est 
inie  complication  inutile,  qui  va  à  reboui's  de  l'évolution  des 
langues. 

Nous  avouons  que  les  arguments  soi-disant  scientifiques  tirés 
de  considérations  générales  sur  l'évfdution  des  langues  nous 
touchent  peu.  Toute  la  (luestion  est  de  savoir  si  l'accusatif  est 
utile  ou  non.  Les  Espéranlistes  soutiennent  qu'il  est  utile;  et 
poiu"  répondre  aux  arguments  de  fait,  ils  montrent  <pte  si  les 


1.  Il  est  vrai  que  l'espngnol  déîiijfne  ce  cas  par  la  pn^posilion  a,  mais 
une  telle  construction  serait  peu  conforme  à  nos  liahitudos  de  langage. 

CoiTURAT  et  Lbac.  —   Langue  uiùv  22 


338  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

langues  modernes  ont  rejeté  l'accusatif  dans  les  noms,  elles  ont 
eu  soin  de  le  conserver  dans  les  pronoms.  Or  il  faut  que  la  règle 
soit  générale  et  unique;  et  les  adversaires  de  l'accusatif  le  sup- 
priment même  dans  les  pronoms.  Il  s'ensuit  qu'ils  ne  peuvent 
plus  distinguer  le  sujet  du  régime  direct  que  par  la  place  :  ils 
assujettissent  la  phrase  à  une  construction  rigide.  C'en  est  fait  de 
la  souplesse  de  la  phrase,  si  utile  pourtant,  ne  serait-ce  que 
dans  les  traductions.  On  peut  donc  poser  ce  dilemme  :  ou  bien 
la  L.  I.  aura  un  accusatif,  ou  bien  elle  n'aura  pas  de  lil^erté  de 
construction.  Reste  à  savoir  laquelle  des  deux  alternatives  offre 
le  plus  d'inconvénients.  Nous  croyons  que  c'est  la  seconde,  car 
nous  savons  ce  que  le  français  perd  en  souplesse  et  parfois 
même  en  clarté  par  sa  construction  uniforme  et  soi-disant 
logique,  c{ui  l'empêche  de  mettre  en  vedette  le  mot  le  plus  impor- 
tant d'une  phrase,  autrement  que  par  la  construction  lourde  et 
encombrante,  et  parfois  même  équivoque  :  Cest...  qui  (que)... 

Mais  il  y  a  un  cas  au  moins  où  la  construction  uniforme  doit 
céder  :  c'est  le  cas  des  propositions  relatives*.  Quel  que  soit  le 
«  cas  »  du  pronom  relatif,  il  faut  qu'il  relie  la  proposition  rela- 
tive à  la  proposition  principale,  et  par  suite  qu'il  vienne  en  tête 
de  la  première.  Et  alors  on  est  exposé  à  des  amphibologies 
comme  dans  la  phrase  suivante,  que  nous  n'avons  pas  inventée, 
mais  extraite  de  nos  lectures  pendant  que  nous  écrivions  cet 
ouvrage  :  «  On  remarquera  c|uelles  habitudes  de  construction 
sérieuse  imposent  aux  habitants  du  Mzab  le  creusement  de  puits 
aussi  profonds  que  les  leurs,  et  dont  la  partie  supérieure  est  en 
général  muraillée  sur  une  hauteur  de  plusieurs  mètres,  ainsi 
que  l'établissement  des  deux  montants  de  maçonnerie  sur  les- 
quels doit  reposer  la  poutre  qui  porte  les  poulies.  »  Si  l'on  veut, 
pour  éviter  l'amphibologie,  rejeter  le  verbe  à  la  fin,  on  rendra 
ces  phrases  inintelligibles,  comme  cela  arrive  fréquemment  en 
allemand  2. 

Enfin  l'accusatif  permet  d'éviter  d'autres  équivoques  qu'aucun 
arrangement  des  mots  ne  pourrait  supprimer,  comme  dans  les 


1.  Dans  les  propositions  interrogalives,  on  peut  à  la  rigueur  se  dispenser 
de  mettre  en  tête  le  mot  interrogatif,  ou  sur  lequel  porte  l'interrogation. 

2.  Car  il  faut  bien  reconnaître  que  la  construction  allemande,  soumise  à 
des  règles  tyranniques  d'inversion,  est  encore  plus  gênante  et  plus  obscure 
que  la  construction  soi-disant  logique  du  français.  Cf.  sur  la  question  de 
l'accusatif  notre  critique  de  Yldioin  neulral. 


O'   ZAMENHOF    :    ESPERANTO  339 

phrases  :  *  Je  l'écoute  mieux  que  vous  »;  c  J'ai  trouvé  la  houtoillo 
<assée  ».  Il  ponnct  nicon'  de  ilislinjjrncr  le  lieu  où  l'on  vn  du  lien 
où  l'on  est,  et'  (ju'on  ne  pourrait  autrement  obtenir  (jnen  faisani 
\  aricr  la  préposition,  ce  qui  serait  plus  onéreux  pour  la  mémoire, 
'l'ous  ees  avantages  plaident  en  faveur  «le  l'aernsalif.  On  penl 
dire  que.  sans  laeeusatil',  la  L.  1.  ne  pourra  posséder  les  qualités 
«le  souplesse,  de  finesse  et  de  précision  qui  lui  permettront  de 
rendre  li«l«'l<MntMil  tontes  les  nuances  d«'  la  pensée.  Or  il  ne  faut 
pas  «Md>ii«M-  «pi'iin  des  principaux  usages  de  la  L.  1.,  le  plus 
important  peut-être  au  début,  sera  la  traduction  des  ouvrages 
s(ienlili«|ues.  Ceux  rpii  réduisent  l'emploi  de  la  L.  1.  à  la  ronv«'r- 
salion  il'alTaii'es  el  à  la  eorrespontlance  ronuner«'iale  pi'uvent 
l'aire  bon  marché  de  la  souplesse  et  préférer  la  rigidité;  mais 
poiu*  lra«liiire  lult'h'ment  des  œuvres  écrites  en  toutes  sortes  de 
langues,  la  L  I.  «loit  au  «'ontrairc  posst'der  le  plus  de  tlexibilité 
p«)ssible  sans  rien  perdre  de  la  clarté.  A  cet  égard,  ÏEsperanlo  a 
lait  ses  preuves  par  ses  nombreuses  traductions  d'œuvres  lillé- 
rair«'S.   qui  sont   calquées  siu*  le  texte  original,  mèm«»  lors(pi«> 

<  t'Iui-ci  est  en  vers  (VHiade,  Homlet). 

Certains  crititpies  trouvent  que  rae««»ril  tU-  1  a«lj«'«lil  épilli«l«' 
avec  le  sid)slanlir  «>st  inutile,  et  par  suite  gênant  pour  les  peuples 
<l<>  langue  anglaise,  pour  qui  l'adjectif  est  invariable.  Les  uns 
niimellenl  la  variation  de  l'adjectif  (en  nombre  et  en  cas)  lorsqu'il 

<  st  attribut'  i Pierre  et  Paul  sont  honnêtes);  les  autres  ne  lad- 
inettent  cjue  lors«|n'il  est  employé  connue  substantif  les  bons  et 
les  mêclianls).  A  cela  h's  Llspéranlistes  répondent  (pi'il  est  plus 
^inq)le  d'avoir  une  seule  règle  générale  que  deux  règles  appli 
lables  en  dilïérents  cas;  du  momeid  «p>e  ri«l«'e  «lu  pluriel  es! 
associée  à  un  adjectif,  il  est  naturel  qu'il  en  porte  la  mar(|ue. 
«pi'il  soit  ou  non  accompagné  d'un  substantif.  Et  puis,  est-il  bien 
•~ùr  «jue  rac«-ord  de  l'ailjectif  av(»c  le  substantif  ne  soit  pas  util»' 

I  faire  coiuuiltre  que  tel  adjectif  se  «apporte  à  tel  substantif? 
N'y  auralil  pas  des  cas  où  (ne  serait-ce  que  par  suite  d'un 
luanqu»'  «l'attention  «»u  «l'une  mauvaise  conslru«tion^  l'audileur 
<»u  le  lecteur  ne  saura  pas  si  l'on  attribue  l'honnêteté  à  Pierre  el 
à  Paul,  ou  seulement  à  Paul?  De  même,  quand  on  dira  :  «  Les 
lionnes  poires...  et  les  mauvaises...  »  faudra-t-il  se  rappeler  que 


1.  À  rinverse  de  l'allemand,  qui  fait  accorder  TadjecUf  épitliète  et  rend 

invnrinble  Pniljivlif  nUribiit. 


340  SECTION    III,,  CHAPITRE   IX 

l'adjectif  bon,  étant  épithète,  doit  rester  invariable,  et  que  seul 
l'adjectif  mauvais,  étant  isolé,  doit  varier?  N'est-il  pas  plus 
simple,  plus  logique,  plus  conforme  au  sens  et  à  l'analogie,  de 
faire  varier  les  deux  de  la  même  manière"? 

Pour  les  pronoms  personnels  et  possessifs,  on  a  dû  remarquer 
leur  formation  absolument  régulière.  Mais  on  regrette  que  le 
môme  pronom  vi  serve  an  singulier  et  au  pluriel.  Cela  donne 
lieu  à  des  ambiguïtés  fréquentes  (comme  vous,  voire  en  français). 
On  ne  sait  pas  si  le  discours  s'adresse  à  une  personne  ou  à  plu- 
sieurs. 11  est  dommage  que  le  tutoiement  soit  inusité  en  Espé- 
ranto :  il  serait  utile,  au  moins  dans  les  traductions. 

La  conjugaison  est  une  merveille  de  simplicité  et  de  régula- 
rité. Grâce  à  l'emploi  parfaitement  logique  du  seul  auxiliaire 
être,  tant  à  l'actif  qu'au  passif,  elle  se  réduit  à  un  très  petit 
nombre  de  formes,  et  permet  pourtant  de  rendre  toutes  les 
nuances  usitées  dans  les  diverses  langues  nationales*.  Il  semble 
impossible  d'imaginer  un  système  plus  facile  à  comprendre  et  à 
apprendre,  et  en  môme  temps  plus  conforme  à  nos  habitudes  de 
langage  et  de  pensée.  Certains  critiques  blâment  le  choix  arbi- 
traire des  voyelles  (a,  i,  o)  qui  caractérisent  les  3  temps  princi- 
paux. A  cela  on  répond,  d'abord,  qu'il  était  impossible  de  pro- 
céder autrement,  attendu  qu'il  n'y  a  pas  de  flexion  verbale  c{ui 
soit  internationale  (sauf  pour  le  participe  actif  :  D.  -nd,  E.  -ng, 
F.  -nt);  et  ensuite,  c|ue  le  D'Zamemiof  s'est  inspiré  de  la  1'*^  conju- 
gaison latine,  où  l'a  caractérise  le  présent  {amas,  amat,  etc.),  Vi  le 
parfait  [amavi),  et  l'o  le  futur  {amabo).  11  a  surtout  fort  ingé- 
nieusement emprunté  au  latin  la  forme  générale  des  participes 
actifs  (-ant,  -int,  -ont)  et  passifs  (-at,  -it,  -ot),  de  sorte  qu'il  a 
réduit  l'arbitraire  au  minimum  compatible  avec  la  régularité  et 
l'uniformité  absolues 2. 


1.  On  remarquera  aussi  que,  grâce  aux  trois  temps  du  participe,  les 
formes  verbales  les  plus  compli((uées  se  composent  de  deux  mots  seule- 
ment, un  participe  et  un  auxiliaire,  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  les  langues 
vivantes.  E.\.  :  Mi  estes  amita  =  F.  J'aurai  été  aimé;  E.  /  shall  hâve  been 
loved;  D.  Ich  werde  f/eliebt  worden  sei>i. 

2.  Certains  réformateurs  de  VEsperanlo  voudraient  rapprocher  sa  conju- 
gaison de  la  conjugaison  latine;  mais  ils  sont  alors  amenés  à  admettre  une 
triple  forme  pour  chaque  temps  (-ar,  -er,  -ir  à  rinfinitif,  etc.)  et  à  sacrifler 
ainsi  runiformité,  qui  est  un  avantage  capital  ;  ou  bien  à  donnera  tous  les 
infinitifs  la  môme  terminaison  {-ar,  par  exemple),  ce  ((ui  ne  vaut  pas  mieux, 
car  il  est  profondément  chotjuant  de  voir  aifecter  de  la  terminaison  de  la 
1'"  conjugaison  les  verbes  des  3  autres  {finar,  vidar,  recipar,  rendar). 


d'  zamenhof  :  espéranto  3*1 

L'emploi  des  temps  ne  présente  aucune  difficulté.  Il  n'en  est 
ponl-tMre  pas  do  nu^me  do  celui  des  modes,  malgré  les  elTorts 
(pic  M.  OE  Uealfhont  a  faits  pour  le  préciser  et  le  régulariser  •. 
Par  exemple,  il  est  parfois  difficile  de  distinguer  l'indicatif 
du  coiulitioiim'l.  Ainsi  Ion  trouve  celte  phrase  :  Mi  timas  ke  li 
perdos  sian  proceson.  Je  crains  qu'il  ne  perde  son  procès.  On  <Mnplote 
ici  rindicalil',  l>i«Mi  qu'il  ne  s'agisse  pas  «  d'un  fait  certain  ou 
pn'sciilé  ooiiune  tel  ».  .M.  de  Heaufroul  cxplitpie  qur  la  ffU'ine 
dubitative  de  la  proposition  principale  «  n'a  aucune  action  sur 
la  réalité  du  fait  énoncé  »  dans  la  proposition  subordonnée. 
Fort  bien:  uiiiis  nlors  pf)ui"<pi<»i  traduire  :  Je  croyais  qu'il  refuse- 
mil  par  :  Mi  kredis,  ke  li  rifuzus?  Le  refus  est  ici  un  fait  tout 
aussi  positif  que.  dans  l'exemple  précédent,  la  perte  du  procès: 
cl  ma  «  croyance  »  n'a  pas  plus  d'action  sur  lui  (|ue  n'en  avait 
ma  «  crainte  »  sur  l'autre  fait.  En  vertu  du  principe  posé  |»lns 
haut,  il  faudrait  employer  l'indicatif,  et  dire  :  mi  kredis.  ke  li  esti$ 
rifuzonta  ^. 

La  distinction  de  l'irxdicatif  et  du  subjonctif  est  encore  plus 
délicate  et  subtile.  On  traduit  :  Je  souhaite  que  vous  réussissie 
par  :  Mi  deziras.  ke  vi  sukcesu  (impératif-subjonctif).  Le  succès 
<st-il  ici  plus  «  évtMilud  »  que  la  perte  du  procès  ou  le  refus 
(le  tout  à  l'heure?  Ou  mon  «  souhait  »  a-t-il  plus  d'influence 
^nr  ce  fait  positif  que  ma  «  crainte  »  ou  ma  «  croyance  *1 
Assurément  non.  .Mais,  nous  dit-on,  la  régie  veut  (pion  mette  h 
iiinpéralif-subjonclif  les  verbes  exprimant  un  fait  qui  relève  du 
(iesir  ou  de  la  volonté.  Soit;  mais  alors  la  perte  du  procès  rele- 
vait de  mon  désir,  puisque  je  la  craignais,  ce  (pii  équivaut  A  dire 
que  je  désirais  le  gain  du  procès.  Donc,  ou  bien  il  faut  enq>loyer 
lindieatif  après  souhaiter,  ou  bien  il  faut  employer  le  subjcuielif 
après  craindre.  Et  si  on  renq)loie  après  craindre,  il  faudra  logi- 
i|nenient  l'employer  après  espérer,  croire,  etc.  Tout  cela  prouve 
tpiil  est  impossible  d'établir  une  distinction  claire  et  précise  entre 
les  cas  où  convient  l'indicatif  et  ceux  où  le  subjonctif  est  de 
mise;  c'est-à-dire,  au  fond,  cpiil  n'y  a  pas  lieu  de  «listinguer  et 
ilatlmeltre  ces  deux  modes.  Leur  existence  est  trailleui*s  une 
u't'ue  et  un  embarras  perpétuels.  Elle  empêche,  par  exemple,  de 

1 .  Commentaire  sur  la  grammaire  Espéranto,  p.  84-99. 

2.  En  rt'alitè.  le  conditionnel  français  joue  ici  le  nMe  d*»n  impnrfait  du 
futur;  de  nu^ne  qu'on  dit  nu  présent  :  «  Je  crois  qu'il  rerus<«rn  ».on  dit  à 
rimpnrfnit  :  «  Je  croyais  qu'il  refuserait  ».  C'est  en  somme  un  gallicisme. 


342  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

dire,  en  français  :  «  Je  souhaite  et  j'espère  que  vous  réussirez  »; 
et  pourtant,  quoi  de  plus  naturel  et  de  plus  logique  que  cette 
phrase?  Il  faut  qu'on  puisse  la  dire  en  L.  I.,  et  en  dire  bien 
d'autres  semblables,  sans  aucune  restriction.  Concluons  donc 
que  le  subjonctif  est  une  complication  inutile  dans  une  langue 
logiquement  construite. 

On  arriverait  à  la  même  conclusion  en  partant  de  ce  principe 
posé  par  Leibniz  :  «  De  même  que  les  prépositions  dispensent 
des  cas,  les  conjonctions  dispensent  des  modes.  »  De  même  donc 
que  le  seul  cas  utile  est  l'accusatif,  parce  qu'on  ne  peut  le  rem- 
placer par  une  préposition,  de  même  les  seuls  modes  néces- 
saires sont  ceux  qu'on  ne  peut  indiquer  ou  remplacer  par  une 
conjonction,  à  savoir  :  l'indicatif,  l'impératif  et  le  conditionnel. 
Mais  le  subjonctif,  étant  essentiellement  le  mode  de  la  subordi- 
nation, est  suffisamment  indiqué  par  la  conjonction,  et  son 
sens  est  déterminé  par  le  verbe  de  la  proposition  principale,  qui 
nous  apprend  s'il  s'agit  d'un  désir,  d'un  ordre,  d'une  espérance, 
d'une  croyance,  etc.  ;  de  sorte  que  l'emploi  d'une  foripe  spéciale 
dans  les  cas  «  qui  relèvent  du  désir  ou  de  la  volonté  »  est  une 
superfétation,  au  même  titre  que  l'emploi  des  cas  avec  les  pré 
positions.  En  réalité,  c'est  une  fâcheuse  imitation  des  langues 
naturelles,  cjui  conduirait  à  édicter  des  règles  aussi  confuses  et 
compliquées  que  celles  qui  hérissent  nos  syntaxes  *. 

Pour  le  vocabulaire,  on  ne  peut  qu'approuver  le  principe  de 
r internationalité  maxima  sur  lequel  il  est  fondé.  Les  critiques  ne 
I)euvent  porter  que  sur  lapplication  de  ce  principe  dans  tel  ou 
tel  cas  particulier  ;  ce  n'est  plus  alors  que  des  questions  d'es- 
pèce, dans  la  discussion  desquelles  nous  ne  pouvons  pas  entrer 
ici  2. 

A  première  vue,  on  est  tenté  de  trouver  que  son  vocabulain^ 

1.  Inutile  de  dire  que  nous  parlons  ici,  non  seulement  pour  Y  Espéranto, 
mais  pour  une  L.  I.  quelcon({ue;  et  que,  si  nous  émettons  cette  opinion  à 
propos  de  VEsperanlo,  c'est  qu'il  nous  en  fournit  l'occasion  par  le  soin 
avec  le(|uel  on  a  précisé  et  approfondi  sa  grammaire.  Si  l'emploi  des  modes 
est  peu  logique  en  français,  il  l'est  encore  bien  moins  en  allemand,  qù  l'on 
emploie  (comme  en  latin)  le  subjonctif  dans  toute  affirmation  indirecte,  cl 
en  revanche  l'indicatif  après  des  conjonctions  qui  (comme  damit  =  afin  qi/e) 
manjuent  expressément  le  désir  ou  la  finalité  (Voir  p.  268,  note  1).  Supprimer, 
le  subjonctif,  c'est  donc  non  seulement  supprimer  une  complication  inutile 
et  embarrassante,  mais  encore  fermer  la  porte  à  une  foule  d'idiotismcs 
contraires  à  la  logi(jue. 

2.  On  remaniuera  ([ue  les  seuls  mots  construits  a  priori  sont  les  pronoms 
et  adverbes  du  Tableau  des  particules.  Cette  exception  se  justifie  par  deux 


D*"  ZAMENHOF   :    ESPEHANTO  3i3 

manque  de  neulrnlilé,  qu'il  est  trop  oxclusivcment  latin;  et  cer- 
tain'^ (  riliqiu's  (volitpnkistos  nlUMuatuIs)  «(ualinont  VEsperanto  de 
langue  roiiiaiif.  Il  y  a  là,  dahord.  uiu*  part  d'illusion,  due  aux 
liiiales  voyelles,  qui  rappellent  les  terminaisons  sonores  de  Fila- 
lion  ot  de  IVspagnol.  Il  n'en  faut  pas  plus  pour  qu'un  ohserva- 
Itnir  superllciol  se  récrie  :  «  C'est  de  l'espagnol  »  ou  t  C'est  de 
l'italien  '  !  »  Or  ces  voyelles  finales,  outre  qu'elles  ser\'enl  à 
•  araclt'iis»'!'  les  parties  du  discours,  contribuent  beaucoup  à 
donner  à  VlJsperanlo  une  prononciation  facile,  coidante  et  har- 
monieuse. C'était  justement  là  une  des  conditions  d'euphonie 
lormulées  par  J.  von  Giumm  dés  1860;  et  il  proposait  déjà,  comme 
bien  «l'aulres,  l'italien  comme  le  modèle  de  la  future  L.  I.  au 
point  de  vue  de  l'euphonie.  Le  D'  Zameniiof  n'a  donc  fait  que 
réaliser  le  vœu  du  philologue  allemand. 

Pour  |)eu  qu'on  aille  au  fond  des  choses,  on  s'aperçoit  bientôt 
<|iieces  finales  sont  accolées  à  des  radicaux  d'origine  diverse, 
Lrermanitpie  ou  slave  aussi  bien  que  latine.  Quelques  puristes  en 
^(»nt  chocpiés;  ils  trouvent  que  des  désinences  romanes  ne  peu- 
vent être  adjointes  qu'à  des  racines  romanes:  et  ils  préféreraient 
une  langue  néo-latine.  Ce  sont  là  des  arguments  de  goût  et  de 
sentiment  qu'on  ne  discute  pas.  et  qui,  selon  nous,  ne  doivent 
pas  entrer  en  liijrne  de  compte:  il  suffit  de  remarquer  cprune 
langue  purement  néo-latine  serait  moins  internationale  qu'une 
langue  mixte  comme  VEsperanto.  Au  surplus,  nous  n'avons  qu'une 
chose  à  dire  aux  amateurs  de  néo-latin  :  tjuils  tàehenl  tl'abord 
de  convertir  à  leur  idéal  certains  t<'utomanes  intransigeants, 
qui  poussent  l'horreur  des  mots  étranger»  (c'est-à-dire  interuatio 
naux>  à  un  tel  point,  cpiils  déclarent  ne  pouvoir  accepter  une 
langue  auxiliaire  où  ligureraient  de  tels  mots,  parce  «jue  cela 
risquerait  de  les  faire  rentrer  dans  la  pure  langue  germanique  : 
«  (•  qui  revient  à  dire  qu'ils  n'accepteraient  pour  langue  interna 


raisons  :  1"  l;i  plupart  de  ces  mots,  si  rréquents  dans  le  langage,  ne  sont 
luilleinont  internationaux  (E.x,  :  humer  D.,  allwm/x  E.,  toujours  F.,  sempre  I.); 
2°  les  fornjrs  qu'on  leur  a  doniu-es  établissent  entre  eu.x  une  corrélation 
logicjue  qui  aide  i\  les  retenir.  La  première  raison  fait  (|u'ii  «»st  indifTérent 
d'adopter  des  formes  exclusivement  nationales  (arl>ilrairi<ment  choisies)  ou 
des  formes  a  priori;  la  seconde  fait  que  le  second  parti  est  plus  av«n- 
tageu.x. 

1.  Pour  apprécier  ce  genre  de  critiques.  le  lecteur  est  prié  de  comparer 
VEsperanto  ù  la  Linqua  Franca  Suova  de  S.  Behnharo  et  au  Suorc-Roman 
lie  PucHNER,(|ui  sont  vraiment  des  langues  imitées  de  Titalienel  de  l'espagnol. 


344  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

tionale  que  rallemand,  et  encore,  iin  allemand  expurgé  de  tout 
mélange  latin,  qui  n'est  pas  près  d'être  réalisé.  Car  on  sait  que 
la  guerre  que  les  Allemands  font  aux  mots  étrangers  aboutit 
tout  bonnement  à  remplacer  Succursale  par  Filiale  et  Coiffeur  par 
Friseur  '. 

En  réalité,  pour  tout  observateur  impartial  et  de  bonne  foi, 
Y  Espéranto  est  une  langue  mixte  «  romano-germanique  »,  suivant 
l'expression  et  l'intention  même  de  son  auteur.  Tout  ce  qu'on 
peut  discuter,  c'est  la  proportion  des  éléments  romans  et  des 
éléments  germaniques.   Or  elle  est   malaisée  à  apprécier  à  la 
simple  lecture,  parce  que  chaque  peuple  s'attribue  les  racines 
qu'il   connaît.    Par  exemple,    en    lisant   la    phrase    suivante    : 
«  Simpla,  fleksebla,  belsona,  vere  internacia  en  siaj  elementoj,  la 
lingvo  Espéranto  prezentas  al  la  monde  civilizita  la    sole  veran 
solvon  de  lingvo  internacia  »,  un  Français  sera  tenté  de  croire 
que  V Espéranto  n'est  que  du  français;  mais  un  Anglais  pourrait 
aussi  bien  prétendre  que  c'est  de  l'anglais  :  car  il  connaît  les 
mots  :  simple,  flexible,  sound  (sonorous),  very,  inter-  (comme  préfixe), 
nation,  élément,  language,  présent,  civilize,  sole,  solve,  et  par  suite  il 
pourra  comprendre  cette  phrase  à  première  vue  tout  comme  le 
Français.  On  s'imagine  que,  parce  qu'un  Français  connaît  un 
millier  de  racines  (sur  les  2  642  que  contient  YUniversala  Vortaro), 
il  n'en  reste  plus  que  1  642  pour  les  autres  langues.  On  raisonne 
implicitement  comme  si  les  racines  devaient  être  réparties  entre 
les  diverses  langues  européennes.  C'est  oublier  qu'une  môme 
racine  peut  appartenir  à  plusieurs  langues,  et  que  le  vocabulaire 
de  VEsperanto  est  composé  précisément  des  racines  qui  appar- 
tiennent au  plus  grand  nombre  de  langues  possible.  La  plupart 
de  ses  racines  doivent  donc  être  mises  à  l'actif  de  plusieurs 
langues  ;  et  pour  savoir  dans  quelle  mesure  chacune  d'elles  est 
favorisée,  il  faut  chercher  combien  de  racines  connaît  un  homme 
de  chaque  nation  qui  ne  saurait  que  sa  langue  maternelle^. 


1.  Nous  ne  mentionnerions  pas  l'argument  d'un  teutomane,  (jui  accuse 
VEsperanto  de  «  romaniser  »  les  radicaux  germaniques  en  les  aiïublànt  de 
désinences  voyelles,  s'il  ne  prouvait  que  l'ombrageuse  susceptibilité  de  cer- 
tains Allemands  confine  à  la  manie  de  la  persécution. 

2.  M.  DE  Beaufront  a  publié  une  semblable  statistique  dans  VEspéran- 
tisie,  n"  44-43  (sept.  1901).  Mais  elle  est  forcément  incomplète,  attendu  que 
YUniversala  Vortaro,  qui  lui  sert  de  base,  est  loin  de  contenir  toutes  les 
racines  de  VEsperanto.  En  particulier,  il  ne  contient  aucun  de  ces  mots 
techniques  d'origine  gréco-latine  {télégraphe,  téléphone,  etc.),  qui,  étant 


D""    ZAMENHOF    :    ESPERANTO  345 

Ce  qui  reste  vrai,  c'est  la  prépondérance  des  éléments  Intins 
sur  les  éléments  germaniques  et  slaves,  qui  fait  «jue  les  peuples 
les  plus  favorisés  sont  ceux  dont  la  langue  |)rocède  du  latin  et 
en  est  restée  la  plus  voisine.  Mais  cette  prépondérance,  nullement 
voulue  par  l'auteur,  s'explique  et  se  justilie  par  l'internationalité 
supérieure  des  éléments  latins,  qui  ont  pénétré  dans  toutes  les 
langues  de  Tlùirope,  soit  dans  le  lexiqu<'  populaire  et  usuel,  par 
suite  de  la  conquête  romaine,  soit  dans  le  lexitiue  scientilique  et 
teclmiipie,  par  suite  de  la  «  formation  savante  ».  Le  vocabulaire 
Espéranto  ne  fait  (pie  constater  cette  prépondérance  et  profiter 
de  cette  internationalité  acquise  pour  t  atteinilre  »  le  plus  grand 
nombre  possible  de  personnes  de  civilisation  européenne.  S'il  y 
a  des  Allemands  à  l'esprit  étroit  cpii  réclament  pour  les  racines 
germaniques,  sinon  une  part  prépondérante  <>t  presque  exclu- 
sive, du  moins  une  place  rigoureusement  proportionnelle  à  l'ini- 
portanco  scientifique  et  économique  de  leur  pays  (comme  si  la 
constitution  ifini  vocabulaire  international  était  une  affaire  de 
partage,  qu'on  puisse  régler  par  l'égalité  brutale  ou  par  le  tirage 
au  sort!),  la  |>lnparl  des  .Mlemands  instruits  et  cultivés  recon- 
naissent la  place  immense,  trop  souvent  inaperçue  du  vulgaire, 
que  tient  l'élément  latin  dans  la  langue,  la  littérature  et  la  civi- 
lisation allemandes'.  11  leur  appartient  de  dissiper  les  préjugés, 
nés  de  Tignorance  de  l'histoire  et  de  la  piiilologie,  ((u'une 
partie  de  leui-s  compatriotes  nourrissent  encoi*e  contre  ce  qu'ils 
appellent  les  t  mots  étrangers  »,  c'est-à-ilire  contre  les  mots 
iiiti-rnationaux  (pii  conslitueid,  en  tout  étal  de  cause,  le  noyau 
solide  et  objectif  du  vocabulaire  de  la  future  L.  I 

Au  surplus,  certains  critiques,  et  notamment  ii<  >  >ii\<tnl>  cl 
philologues  allemands,  ont  si  bien  conscience  de  ce  que  tous  les 
peui)les  européens  doivent  à  la  tradition  latine,  «pi'ils  préfére- 
raient une  langue  internationale  à  base  purement  latine,  non 
seulement  connue  plus  homogène,  mais  comme  [«lus  réellement 
internationale.  Ceux-là  reprocheraient  plutôt  à  l'^sp^ro/i/o  d'avoir 
atlniis  certains  radicaux  germaniques  ou  slaves  qui  ne  sont 
guère  internationaux,  ou  même  pas  du  tout.  La  même  critique 
lui  est  adressée  par  les  aut«»urs  et  partisans  de  Vhliom  nenlral. 
et  leur  opinion   ne  peut  être  suspecte  de  partialité  nationale. 

tout  il  fait  inlornationnux,  font  pnrtio  de  droit  du  voonbulnire  Espéranto. 
vn  vertu  «ic  In  rèplo  15  du  IV  Zamenhof  (citéo  p.  3i7,  note  2). 

I.  Voir  le  clinititro  xviii  (J.  Lott)  et  le  clinpilro  llnnl  {Les  langues  mortes). 


346  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

attendu  que  les  auteurs  de  cette  langue  appartiennent  aux  prin- 
cipales nations  européennes  et  américaines,  excepté  la  France. 
Pour  juger  de  sa  valeur,  rien  ne  vaut  quelques  exemples.  Voici 
donc  quelques-uns  des  cas  où  ïlcliom  neutral  adopte  une  racine 
latine  ou  grecque  là  oi^i  ÏEsperanto  a  choisi  une  racine  germa- 
nique ou  slave  : 

Idiom  neulral 
diurn 


Espéranto 

tag 

monat  mens 

jar  -  anu 

fingr  digit 

graf  komt 

har  kapil 

haut  pel 

hund  kani 

kel  kav 

najbar  visin 

najtingal  filomel 

bird  omit 

sip  nav 

varm  kalid 

vip  flagel 

vort  paroi 

vost  kaud 

vund  vulner 

bedaûr(i)  regret(ar) 

dank(i)  mersi(ar) 

send(i)  mit(ar) 

sajn(i)  sembl(ar) 

taùg(i)  .  val(ar) 

trink(i)  bib(ar) 

jes  si 

kaj  e 

ju  pli...  des  pli...   plu...  plu. 

nur  sole 

nun  sitempe 

Nous  ne  disons  pas  que  les  racines  de  Vidiom  neutral  soient 

plus  ou  moins  internationales  que  celles  de  ÏEsperanto  :  ce  n'est 

pas  la  question  en  ce  moment,  et  ce  serait  d'ailleurs  à  discuter 

dans  chaque  cas  particulier.  Ce  que  nous  voulons  montrer  par 


Français 

jour. 

mois. 

an. 

doigt. 

comte. 

cheveu. 

peau. 

chien. 

cave. 

voisin. 
■  rossignol. 

oiseau. 

vaisseau. 

chaud. 

fouet. 

mot. 

queue. 

blessure. 

regretter. 

remercier. 

envoyer. 

sembler,  paraître. 

valoir. 

boire. 

oui. 

et. 

plus...  plus... 

seulement. 

maintenant. 


d'  zamenhof  :  espéranto  347 

ces  exemples,  c'est  siiuplement  qu'une  société  inlenialionale, 
guidée  par  le  nu^ine  principe  de  l'inlernntionnlité,  a  été  amenée 
(A  tort  on  à  raison)  à  adoplcr  une  séri«>  de  racines  latines  là  où 
V Espéranto  avait  admis  des  racines  germaniques  ou  slaves;  et 
par  suilc  à  élal)orer  une  langue  dont  la  physionomie  est  encore 
plus  lalinc  (vl  plus  française)  (|uc  celle  de  VEsperanh,  et  qui  pré- 
tend être  au  moins  aussi  internationale  que  celui-ci.  Cela  prouve 
en  tout  cas  que  la  prépondérance  des  éléments  latins  est  légi- 
time, au  point  de  vue  de  l'internationalité;  et  (pie  VEsperanto, 
loin  de  leur  faire  une  place  trop  large,  ne  leur  fait  peut-être  pas 
encore  toute  la  part  à  laquelle  ils  ont  droit  '. 

Dans  la  plupart  des  cas,  la  divergence  de  ces  deux  langues 
(fort  analogues  d'ailleurs)  a  une  origine  théorique  qu'il  est  inté- 
ressant d'exposer.  On  dit,  par  exemple  :  les  mots  jar  et  âip  sont 
l>ien  sans  doute  aussi  internationaux,  sinon  plus,  que  les  mots 
latins  nnniis  et  navis,  pnistpi'ils  sont  communs  à  l'anglais  et  à 
l'allemand.  Mais  il  ne  faut  pas  considérer  chaque  mot  à  part,  il 
faut  considérer  toute  une  famille  de  mots  (c'est-à-dire  l'ensemble 
(les  mots  qui  dérivent  ou  peuvent  dériver  d'une  même  rai-ine».  et 
adopter,  pour  chaque  famille,  la  racine  la  plus  internationale. 
\  ce  point  de  vue,  annus'cï  navis  sont  plus  internationaux  que 
jar  et  sip.  attendu  qiw  les  .\nglais  et  les  AUenjands  en  connaissent 
(les  d(''rivés  (ivmalen,  annuat:  naval,  navigation',  tandis  que  les 
peuples  romans  ne  connaissent  nullement  jar  et  sip.  même  pas 
par  leurs  dérivés.  Or  c'est  hien  cette  méthode  que  l'inventeur 
(le  l'Espéranto  a  i\(i  suivre  pour  former  son  vocabulaire,  puisque, 
préoccui^é  de  réduire  celui-ci  au  minimum,  il  a  cherché,  non 
pas  les  nwts.  mais  les  radicaux  les  plus  internationaux  *.  11  semble 

1.  Voir  lin  nrliclo  do  M.  Kofmnn  sur  C Espéranto  et  les  nussf.t,  dans 
l'Espéranliste  d'aoùt-sept.  IS'.tS,  ([ui  iiioulro  que  le  russt?  conlient  honiicoup 
plus  (l»>  mots  intornntionaux  (surtout  priH-o-lalins)  qu'on  ne  croit.  Citons-«Mi 
(luel(|uos-uns  seulement  :  atsotulisme.  administration,  ainirat,  adresse, 
(vocnt,  affent,  aphorisme,  académie,  ar/itateur,  acte,  actif,  album,  alchimie, 
alcool,  amphithéâtre,  amnistie,  anarchie,  anecdote,  anonyme,  anlipathif. 
appétit,  argument,  architecte,  aristocratie,  artillerie,  astronomie,  audience, 
auteur,  autorité,  automate,  autonomie,  autobiographie.  (L'auteur  en  cite 
228  pour  la  lettre  .V  seulement.) 

2.  Il  est  intéressant  de  citer,  i»  ce  propos,  la  rt'gle  15*  du  D'  Zamcmhop  : 
■<  Les  mots  dits  étrantfers,  c'est-ù-dire  ceu.\  que  la  plupart  des  lanirues  ont 
tinpruntés  à  une  même  source,  sont  employés  sans  chnnp'nient  en  Espé- 
ranto; ils  prennent  seulement  l'orthopraphe  internationale  (et  Uv*  terminai- 
sons ^rnnuuatic.-iles).  Mais  (|uand  plusieurs  mots  dérivent  de  la  n«éme 
racine,  il  vaut  miou.x  n'employer  sans   altération  que  le  mot  fondamental. 


348  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

donc  que,  dans  les  cas  cités  ci-dessus,  il  ait  été  infidèle  à  sa 
propre  méthode. 

A  ces  objections  les  Espérantistes  répondent  que,  si  le 
D""  Zamenhof  a  parfois  commis  des  infractions  au  principe  de 
l'internationalité,  ce  n'est  pas  sans  de  bonnes  raisons.  Le  plus 
souvent,  c'est  pour  éviter  des  homonymies  ou  pour  distinguer 
des  sens  très  différents  d'un  môme  mot,  qu'il  a  eu  recours  à  des 
radicaux  germaniques  moins  internationaux  que  leurs  corres- 
pondants latins.  Un  bel  exemple  de  ce  fait  est  le  mot  vetero  (le 
temps  qu'il  lait),  distinct  du  mot  tempo  (le  temps  qui  dure);  ou 
encore  le  mot  glaso  [verre  à  boire),  distinct  de  vitro  (le  verre 
comme  matière)*.  Voici  des  exemples  d'homonymie  proprement 
dite  :  le  radical  latin  mens  évoque  à  la  fois  l'idée  d'esprit  (mens), 
celle  de  table  {mensa)  et  celle  de  mois  (mensis);  il  eût  donc  été 
fâcheux  de  l'adopter  pour  l'une  cjuelconque  de  ces  trois  signifi- 
cations, par  exemple  pour  la  dernière;  c'est  pourquoi  l'on  a 
choisi  le  radical  germanique  monat  (D.,  E.).  De  môme,  le  radical 
latin  vol  peut  signifier  à  la  fois  vouloir  et  voler;  on  lui  a  assigné 
le  sens  de  volonté,  et  l'on  a  eu  recours  au  radical  germanique 
flug  (D.,  E.)  pour  exprimer  l'idée  de  voler ^.  De  môme  encore  la 
racine  di  (clies,  deus  L.)  a  été  réservée  à  l'idée  de  dieu,  et  c'est 
pourquoi  l'on  a  adopté  tag  (D.)  pour  jour;  la  racine  fil  {fdum, 
fdius  L.)  a  été  réservée  pour  fils,  et  l'on  a  pris  faden  (D.)  pour  fd;el 
ainsi  de  suite. 

D'autres  fois,  le  D'"  Zamenhof  a  réussi  à  dissocier  les  divers 
sens  d'une  même  racine  en  variant  simplement  la  forme  de  cette 
racine.  En  voici  un  exemple  frappant  :  ordo  =  ordre  (sens  général 
et  propre);  ordeno  =  ordre  (religieux,  de  chevalerie);  ordono  = 
ordre  (commandement).  Il  s'est  servi  parfois  pour  cela  des  lettres 
accentuées,  ce  qui  est  encore  un  argument  en  leur  faveur  :  stato 
=  état  (manière  d'être)  ;  stato  =  État  (politique).  De  môme  post 
(L.)  signifiant  après,  la  poste  se  dira  posto  (R.,  Pol.)  et  le  poste 
(militaire)  posteno  ^  Tous  ces  détails  montrent,  non  seulement 

et  former  les  mots  dérivés  suivant  les  règles  de  la  langue.  Ex.  :  teatro, 
adjectif  :  teatra  ». 

1.  De  même  on  distingue  hundo,  chien  (animal)  et  cano,  chien  (de  fusil); 
piedo,  pied  (membre)  et  futo,  pied  (mesure). 

2.  Ajoutons  que  le  mot  voler  présente  en  français  un  double  sens  into- 
lérable, que  VEsperanto  distingue  aisément  :  flugi  =  voler  (avec  des  ailes), 
steli  (D.,  E.)  =  voler  (dérober). 

3.  Il  est  regrettable  qu'on  n'ait  pas  distingué  de  même  l'adverbe  ciel  [de 


D'   /AMENHOF   :    ESPEIIANTO  349 

(|uo  lo  vocabulaire  do  l'Espéranto  a  été  combiné  avec  un  soin  et 
une  iii^'t^iiiosil»'  cxlrOmcs,  mais  qu'il  fornio  (avec  l'alplinbet  ot 
renseiul)!»'  dos  aflixes)  un  vt'Titablo  systènio,  dont  toutos  ios  par- 
lies  se  tiennent  comme  les  pièces  d'un  jeu  de  patience  :  on  ne 
peut  touclior  à  l'uno  d'olles  sans  ébranler  Ios  autres,  et  les  ano- 
nialios  sipparontos  ont  une  raison  délro  (ju'on  ne  soupçonne  pas 
nu  premier  abord. 

On  peut  remarquer,  à  ce  propos,  que  YEspernnlo  évite  de 
donner  aux  radicaux  des  terminaisons  semblables  à  ses  suffixes 
(ou  dos  syllabes  initiales  seml)lables  à  ses  préfixes),  même  là  où 
cola  ne  donnerait  pas  lieu  à  des  calembours,  parce  que  cela  peut 
dérouler  un  instant  l'espril  du  lecteur  ou  (surtout)  de  l'auditeur. 
C'est  ainsi  que  l'on  dit  azeno.  mateno.  cagreno,  pour  éviter  la 
désinence  féminine  -ino:  bufedo.  bukedo,  pour  éviter  le  suffixe 
diminutif -eto  ':  barelo  Imril  pour  éviter  le  suffixe  -ilo;  skrofolo 
pour  éviter  le  suilixo  -ulo.  etc.  Kn  s'imposant  cette  condition, 
dans  l'iidérét  de  la  clarté,  le  D""  Zamemiof  a  énormément  accru 
la  diflicultéde  sa  tAcbe,  puisque  cbaque  suffixe  exclut  les  radi- 
caux <|ni  riment  avec  lui.  ou  du  moins  oblicfo  A  les  modifier.  On 
comprend,  d'une  part,  qu'il  y  ait  intérêt  à  réduire  les  sufii.xes  au 
plus  petit  nombre;  et.  d'autre  part,  que  l'auteur  n'ait  pas  tou- 
jours réussi  à  éviter  ces  sortes  de  rimes,  et  même  des  homony- 
mies ou  calembours  possibles  =*.  Cela  prouve  sans  doute  à  quel 
point  il  était  difficile  de  les  éviter  partout  et  toujours.  La  plupart, 
hour<Misement,  no  peuvent  pas  prêter  à  «les  contresens  sérieux 
et  ruisonnablos.  Kn  tout  cas,  on  en  trouve  incomparablement 
moins  que  dans  les  projets  rivaux;  et  puis,  comme  disait 
M.  Koreklioffs  pour  excuser  les  calembours  du  Volapilk.  il  faut 
bien  laisser  quelque  liberté  aux  amateurs  de  plaisanteries  faciles. 

L'emploi  systématique  d'affixes  invariables  à  sens  bien  déter- 
miné, si  utile  pourtant  pour  réduire  au  minimum  le  nombre  des 


loute  manière)  du   radical  de  cielo  {ciel),  qu'on  aurait  pu  écrire  simple- 
iiii'iit  cielo. 

1 .  Cigaredo  =  cigarette  se  distingue  de  cigareto  =  ftelit  eigarr. 

2.  Kxcinpii's  :  ban  )>t  banan  :  bal  •>(  balad:  barb.  barbar:  bat.  batist:  bet. 
betul  ;  bord,  border;  gaz.  gazet:  gren.  grenad:har.  haring:  lek.  lekant: 
son,  sonat:  reg,  regul:  tur.  turist:  trik  (tricoter),  trikot  (trirot  :  parUripe 
futur  passif  de  trik';  vol,  volont:  vet.  veter:  sans  parler  de  tualet.  tro- 
tuar,  spegul.  somer.  orkestr.  rU-..  t|ui  n«>  peuvent  donner  lieu  u  oi|uivo<|ut\ 
u>nis  .((l'on  aurait  pourtant  ilù  cvilor,  pour  rester  lldèlr  au  principe;  corn- 
partM-par  iwcinplr  fistulo  à  skrofolo. 


350  SECTION   III,    CHAPITRE  IX 

radicaux  à  apprendre,  donne  lieu  à  diverses  objections  que  nous 
allons  exposer. 

La  première  est  celle  même  que  nous  avons  opposée  aux  lan- 
gues philosophiques,  à  savoir  qu"il  est  impossible,  dans  l'état 
actuel  des  sciences  et  de  la  philosophie,  de  décomposer  toutes 
les  notions  en  leurs  éléments  logiques.  Par  suite,  VEsperanto  est 
conduit  à  donner  de  certaines  notions  des  définitions  imparfaites, 
donc  arbitraires  dans  une  certaine  mesure.  Il  appelle  Yescalier 
stuparo,  c'est-à-dire  collection  de  marches  (ou  d'échelons)  ;  or,  d'une 
part,  ce  mot  peut  tout  aussi  bien  signifier  une  échelle;  et  d'autre 
part,  Tescalier  peut  être  conçu  tout  différemment,  par  exemple 
comme  un  «  moyen  de  monter  et  de  descendre  »,  ce  qui  donne- 
rait lieu  à  un  tout  autre  dérivé. 

A  cela  les  Espérantistes  répondent  que,  précisément,  leur 
langue  n'est  pas  une  langue  philosophique  ;  elle  ne  prétend  pas 
exprimer  les  définitions  rigoureuses  des  choses,  mais  simple- 
ment les  désigner  (comme  toutes  les  langues  naturelles  l'ont  fait 
à  l'origine)  par  quelque  caractère  saillant  et  distinctif  qui  en 
suggère  l'idée.  La  dérivation  n'est  qu'un  moyen  de  soulager  la 
mémoire;  elle  permet  de  retenir  aisément  les  mots,  ou  de  les 
former  au  besoin  quand  on  ne  les  sait  pas.  Par  exemple,  le  pré- 
fixe mal-  dispense  d'apprendre  séparément  les  mots  contraires 
et  supprime  à  lui  seul  une  bonne  part  du  vocabulaire;  le  suffixe 
du  féminin  -in  dispense  d'apprendre  deux  mots  différents  pour  la 
môme  idée  {homme,  femme  ;  frère,  sœur;  oncle,  tante  ;  bœuf,  vache,  etc.). 
On  objecte  en  outre  que  le  choix  du  mot  primitif  est  souvent 
arbitraire  :  par  exemple,  entre  deux  idées  contraires,  il  n'y  a 
pas  de  raison  pour  considérer  Tune  d'elles  comme  primitive 
et  Tautre  comme  dérivée.  —  Sans  doute,  répondent  les  Espé- 
rantistes; mais  encore  une  fois  nous  ne  prétendons  pas  que 
notre  langue  exprime  les  relations  logiques  des  idées.  Il  est 
commode  d'employer  le  même  radical  pour  désigner  deux  idées 
contraires,  et  c'est  toujours  plus  naturel  et  plus  logique  que 
d'employer  pour  cela  (comme  nos  langues)  deux  radicaux  qui 
n'ont  rien  de  commun  {grand,  petit;  long,  court;  large,  étroit,' elc). 
De  plus,  le  choix  du  mot  primitif  n'est  pas  arbitraire;  le  plus 
souvent,  l'un  des  deux  termes  contraires  est  considéré,  par  nature 
ou  par  convention,  comme  positif,  et  l'autre  comme  négatif; 
ainsi  grand,  long,  large:  de  même  droit  opposé  à  gauche,  haut 
opposé  à  bas,  riche  opposé  à  pauvre,  etc.  C'est  celui-là  qu'on  prend 


d'  zamenhof  :  espéranto  351 

pour  mot  primitif.  En  outrr,  il  arrive  parfois  que  l'un  des  deux 
termes  est  beaucoup  plus  internniionnl  qtio  l'nulre  :  ainsi  ifrnnd 
(F.,  I.,  L.,  S.),  yrent  {V..),<jross  (!).;  par  comparaison  à  /;<'/i7(F.). 
lilUe  {E.),klein{D.),parvu8(L.),piecolo  (I.),  pequeno(S.).  Il  est  donc 
tout  indiqiK'  de  le  prcudiv  pf)ur  ferme  primitif,  puiscpie  l'autre 
se  trouve  par  là  iiuMne  proliler  de  riidernalionalif«'>  de  s(m  r«»n- 
liaire. 

On  reproche  encore  à  celte  uu'lliode  de  formation  des  mois 
d"(»l»lif;er  l'esprit  à  un  travail  incessant  de  tl»^conq)osilion  et  de 
recomposition,  dont  seuls  les  lettrés  seraient  capables.  Ce  serait 
<lemander  im  trop  prand  effort  d'intelligence  f»  la  plupart  des 
personnes  pour  «pii  la  L.  I.  tloit  «Hre  faite. 

Les  Espérantistes  répondent,  d'abord,  qu'en  admettant  (piil 
y  eût  des  esprits  incapables  de  comprendre  le  mode  de  formation 
des  mots  dérivés  et  composés,  ils  pourront  toujours  apprenilre 

I  (S  mots  dans  les  lexiques,  comme  ils  seraient    obligés,    dans 

II  importe  <juelle  langue  étrangère  et  dans  certaines  langues  arli- 
ficielles.  d'appremlre  des  radic.aux  qui  ne  diraient  absolument 
rien  à  leur  esprit.  On  n'impose  à  personne  l'obligation  de  fabri- 
(|uer  lui-même  les  mots  dont  il  a  besoin;  on  pourra  toujoui-s  les 
trouver  tout  faits  dans  le  dictionnaire.  Mais  les  mots  dérivés  de 
V f-^speranto  ont  au  moins  cet  avantage  sur  des  radicaux  inconnus 
i>u  arbitrairement  choisis,  que  leur  structure  même  est  un  moyen 
iimémotechnique  pour  les  retenir.  Il  suffit  de  les  avoir  vus  une 
lois;  on  ne  les  oublie  plus.  On  n'a  même  pas  besoin  de  se  rap- 
licler  exactement  leur  mode  de  composition;  il  suffit  dune  ana- 
logie de  son,  d'une  association  d'idées  pour  en  évoquer  le  sens. 
h'ailleurs.  il  n'y  a  pas  besoin  d'une  intelligence  extraordinaire 
pour  comprendre  un  dérivé  nouveau  régulièrement  formé;  et  il 
n  est  nullement  nécessaire  d'être  rompu  à  l'analyse  logique.  Peu 
de  personnes  seraient  sans  doute  «apables  de  définir  et  de  for- 
muler le  sens  abstrait  du  suffixe  -able  ou  -ible:  et  néanmoins  tout 
le  monde  comprend  des  expressions  comme  popable,  ministrable, 
cyclable,  qui  ne  se  trouvent  pourtant  dans  aucun  dictionnaire  :  et 
cela,  simplement  en  vertu  de  l'analogie,  et  tlu  sens  inconsciem- 
ment attaché  par  l'habitude  et  l'usage  au  suffixe  en  (piestion.sans 
qu'on  soit  obligé  de  décomposer  ces  mots  et  de  chercher  laborieu- 
sement le  sens  de  chacun  de  ses  éléments.  En  tout  cas.  le  travail 
tl  esprit  par  lequel  on  comprend  ou  devine  le  sens  d'un  mol 
dérivé  ou  composé  est  inconqtarablement  moins  pénible  que  le  tra- 


332  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

vail  de  mémoire  qui  consisterait  à  apprendre  un  à  un,  sous  forme 
de  radicaux  bruts,  les  milliers  de  mots  que  remplacent  les 
dérivés  et  composés  de  Y  Espéranto.  C'est  plutôt  un  jeu,  car  il  y  a 
un  véritable  plaisir  intellectuel  à  saisir  instantanément  le  sens 
d'une  phrase  grâce  à  des  affixes  bien  connus  qui  se  greffent  sur  un 
petit  nombre  de  radicaux. 

Enfin  on  reproche  à  VEsperanto  de  négliger  un  certain  nombre 
de  mots  internationaux,  et  de  leur  préférer  des  dérivés  ou  com- 
posés systématiquement  formés.  Par  exemple,  il  dira  senfina 
pour  infini,  antaùjugo  pour  préjugé.  Cela  est  surtout  remarquable 
dans  les  termes  techniques,  que  les  langues  nationales  ont 
empruntés  au  latin  ou  au  grec  :  ex.  :  ventolilo  pour  ventilateur; 
aliformigo,  pour  transformation,  etc. 

Les  Espérantistes  répondent  que  l'essentiel  n'est  pas,  pour 
leur  langue,  de  comprendre  tous  les  mots  internationaux,  mais 
de  ne  comprendre  (autant  que  possible)  que  des  racines  interna- 
tionales, avec  lesquelles  on  puisse  former  régulièrement  une 
multitude  de  mots  immédiatement  intelligibles.  L'idéal,  disent- 
ils,  n'est  pas  de  construire  une  langue  compréhensible  aux  seuls 
savants  :  or,  en  supprimant  des  affixes,  on  augmenterait  dans 
une  proportion  énorme  le  nombre  des  mots  primitifs  à 
apprendre.  Pour  contenter  une  poignée  d'érudits,  on  sacrifierait 
tous  les  vrais  intéressés  (M.  de  Beaufront).  Cette  question  est 
très  délicate.  Elle  se  pose,  en  somme,  pour  la  L.  I.  comme  elle 
s'est  posée  pour  l'allemand  :  vaut-il  mieux  employer  (comme 
termes  scientifiques  et  techniques)  des  mots  internationaux 
dérivés  du  grec  et  du  latin  et  par  suite  compris  de  tous  les 
savants,  ou  des  expressions  nationales  formées  d'une  manière 
autonome,  conformément  au  génie  de  la  langue,  et  intelligibles 
à  tous?  La  question  a  été  fort  débattue  en  Allemagne,  et  les  avis 
sont  partagés.  Les  savants,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  sont 
en  général  partisans  des  mots  internationaux,  avec  lesquels  ils 
s'entendent  immédiatement  avec  leurs  confrères  étrangers  :  ils 
préfèrent,  nous  affirme-t-on,  Telephon  à  Fernsprecher.  Sans  vouloir 
discuter  et  trancher  ici  cette  grosse  question,  il  nous  semble 
que,  pour  les  termes  scientifiques  et  techniques  tout  au  moins, 
et  pour  la  langue  internationale,  les  mots  internationaux  sont  pré- 
férables, car  la  langue  internationale  est  destinée  à  permettre 
aux  savants  de  se  comprendre  entre  eux  ;  et  elle  ne  les  empêchera 
pas  de  rédiger  dans  la  langue   nationale  les  livres  denseigne- 


d'  zamenhof  :  espéranto  353 

inrnt  rt  do  vulgarisation,  pas  plus  que  de  professer  dans  la 
langiH*  inatcnirlle. 

Ou  dit  ciiu-  (les  composés  autonomes  sont  mieux  compris  df 
tout  le  monde.  Mais,  pour  retenir  le  mol  téléphone^  il  n'est  pas 
indisiHMisahlc  do  connaître  son  «Hymologio  givcque,  pas  plus 
qu'il  nost  nécossairo  de  connaître  la  théorie  de  cet  instrument 
pour  pouvoir  s'en  servir.  Le  peuple  emploie  ces  sortes  de  mots 
(comme  le  mot  microbe,  par  exemple)  sans  se  soucier  de  leur 
origine,  et  les  savants  mémos  (jui  la  coiuiaissent  n'y  pensent 
plus.  Les  composés  autonomes  ont,  de  leur  côté,  cet  inconvé- 
uionl  qu'ils  conslituent  plus  ou  moins  une  définition  do  l'idée 
qu'ils  expriment,  et  celle  tiéliniliou  est  sujette  à  varier  avec  les 
progrès  do  la  science.  Nous  en  avons  vu  •  un  exenqilo  dans  les 
mots  oxygène  et  azote,  qui  no  correspondent  plus  à  l'état  actuel 
do  nos  eounaissancos;  mais  personne  ne  pense  plus  à  leur  sens 
étymologi(|ue.  tandis  que  les  noms  allemands  calqués  sur  eux 
(Sanerstoff,  Slirkshjf)  le  rappellent  sans  cesse,  surtout  aux  per- 
sonnes ignorantes  do  la  Chimie,  ce  qui  ne  peut  que  les  induire 
en  erreur.  De  mémo,  les  grammairiens  allemands  appellent  l'ar- 
ticle Geschlechtsworl  et  le  verbe  Zeitworl.  Or  ces  ileux  mois  com- 
posés impli(puMit  toute  une  théorie  grammaticale,  fort  contes- 
table, sinon  fausse  *.  Los  termes  latins  article  et  verbe  n'ont  pas 
ce  défaut  :  ils  sont  neutres,  théoriquement.  On  voit  par  là  c|ue 
(  est  souvent  un  avantage  d'adopter  des  mots  qui  ne  signifient 
rieii,  ou  peu  de  chose. 

Ku  résumé,  i)our  les  mots  do  la  langue  usuelle,  il  est  bon  qu'ils 
-oient  formés  d'une  manière  régulière  et  autonome;  mais  pour 
tous  les  termes  techniques,  il  vaut  mieux  qu'ils  soient  empruntés 
tout  faits  aux  langues  vivantes,  qui  les  ont  elles-mêmes  tirés  du 
latin  ou  du  grec.  Par  exemple,  on  peut  fort  bien  traduire  tire- 
bouclion  par  korktirilo,  et  éventail  par  ventumilo:  mais  en  revanche 
ventilator  est  préférable  à  ventolilo  '.  Sans  tloute,  le  vocabulaire 


1.  Section  !,  Critique  générnle. 

2.  A  savoir  (|uo  Tarlicle  sert  (principnlement)  à  distinguer  les  genre»,  et 
que  le  vertie  est,  selon  in  déitnilion  d'Aristote,  un  mol  qui  implique  une 
indication  de  temps;  définition  que  Leibniz  discutait  et  rejetait  déjà. 

3.  Que  l'on  pense  ù  la  nuiltitude  des  mots  en  -ateur  (L.  -alor)  qui  désignent 
(li's  instruments  dans  la  science  et  dans  l'industrie,  et  qui  sont  nhsolument 
internationaux,  comme  accumulateur,  moteur,  transformateur,  etc.  (notons 
en  passant  ce  curieux  doublet  :  condensateur  électri<jue.  et  comlenseur  de 
machine  à  vopeur).  Il  est  évident  qu'un  conducteur  électrique  devra  s'appeler 

CocTVRAT  et  Leav.  —   langue  univ.  23 


3S4  SECTION    III,    CHAPITRE   IX 

technique  de  Y  Espéranto  n'est  pas  encore  constitué  ;  mais  on  trouve 
déjà  dans  les  vocabulaires  des  mots  techniques  qui  sont  des 
symptômes  de  la  tendance  fâcheuse  que  nous  critiquons,  comme 
tagnoktegaleco  :=  équinoxe,  et  slosilosto  ■=^  clavicule  (litt.  :  os-clef). 
Il  est  certain  que  les  savants  comprendront  toujours  mieux  et 
retiendront  plus  aisément  les  mots  équinoxe  et  clavicule,  qui  leur 
sont  familiers.  \J Espéranto  ferait  donc  fausse  route,  s'il  prétendait 
construire  les  mots  techniques  de  toutes  pièces  et  par  ses  propres 
moyens;  il  risquerait,  d'une  part,  de  se  heurter  à  l'écueil  qui  a 
fait  échouer  les  langues  philosophiques;  d'autre  part,  de  tomber 
dans  l'abus  de  la  dérivation  et  de  la  composition,  et  de  rappeler 
les  logogriphes  du  Yolapiik  '. 

Pour  la  formation  même  des  dérivés,  les  affixes  sont  en 
général  très  heureusement  choisis;  presque  tous  répondent, 
pour  le  sens  et  pour  la  forme,  à  des  affixes  de  dérivation  employés 
dans  la  plupart  des  langues  européennes.  Leur  sens  a  été  d'ail- 
leurs précisé  et  fixé,  ce  qui  n'a  lieu  dans  aucune  langue  naturelle  ; 
pour  n"en  citer  qu'un  exemple,  les  mots  aimable,  estimable,  hono- 

konduktor,  ot  non  kondukisto,  comme  le  conducteur...  de  voitures.  C'est 
mémo  là  un  excellent  moyen  de  distinguer  le  sens  vulgaire  et  le  sens 
technique  d'un  même  mot. 

1.  Au  surplus,  voici  textuellement  les  règles  fort  judicieuses  formulées 
par  le  D'  Zamenhof  pour  le  choix  des  termes  techniques  (d'après  la  méthode 
employée  dans  les  langues  vivantes)  : 

«  1°  On  se  demande  avant  tout  si  le  mot  n'existe  pas  déjà  dans  la  langue 
commune;  par  exemple,  si  un  vélocipédiste  a  hesoin  du  mot  roue,  il  n'ira 
pae  créer  un  terme  nouveau,  mais  prendra  le  mot  déjà  existant  dans  le 
dictionnaire  général. 

«  2"  Lorsqu'on  sait  que  le  mot  nécessaire  n'existe  pas  encore,  c'est-à-dire 
simplement  (ju'il  n'a  pas  encore  été  employé,  on  tâche  de  le  former  à  l'aide 
des  autres  mots-racines  existant  déjà  dans  la  langue.  Par  exemple,  s'il  faut 
composer  pour  la  ])remière  fois,  dans  une  jeune  langue,  un  ouvrage  de 
mathématiques,  l'auteur  qui  a  besoin  d'exprimer  multiplier,  dividende  ou 
triangle  formera  facilement  ces  termes  avec  les  mots  déjà  existants  dans  le 
dictionnaire  »  (Ex.  :  multobligi,  dividato,  triangulo). 

«  3°  Enfin,  si  le  terme  n'existe  ])as  dans  le  dictionnaire  général  et  qu'il 
soit  difficile  do  le  former  à  l'aide  des  mots  existants,  ou  que  cette  forma- 
tion donne  une  expression  obscure,  trop  lonrjue  ou  incommode,  le  spécia- 
liste, sans  se  condamner  à  de  longues  réflexions  ni  se  gêner,  emprunte 
simplement  le  mot  à  une  autre  langue,  en  lui  donnant  seulement  l'ortho- 
graphe de  la  sienne.  Le  choix,  en  général,  n'est  pas  difficile,  car  la  majo- 
rité des  mots  de  cette  3°  catégorie  sont  également  employés  (comme  mot> 
«  étrangers  »)  dans  toutes  les  langues,  et  par  suite  sont  déjà  par  eux-mêmes 
internationauv  ».  (UEspérantiste,  mars  1902.)  Nous  avons  souligné,  dans  la 
3"  règle,  une  réserve  très  sage,  qui  nous  paraît  restreindre  notablement 
l'application  de  la  2"  règle  au  profit  de  la  3",  c'est-à-dire  la  formation  de 
dérivés  ou  composés  autonomes  au  profit  des  mots  internationaux  tout  faits. 


d'  zameniiof  :  espkranto  35S 

rnbtf,  respectable,  etc.,  signifient  en  français  t  qui  doit  »  et  non 
\ms  *  qui  peut  Hro  a'\m6,  oslimr,  r\r.  »;  juissi  VHspeninfo  les  tra- 
duit-il logi(iu(Mn(Mit  par  aminda,  estiminda,  honorinda.  respek- 
tinda,  et  non  (comme  le  font  d'autres  langues  arliflcielles)  par 
amebla.  elo.  O  priiiripr  do  runiformil»'  du  sens  dos  affixes 
(coniiiu*  de  celui  des  radicaux)  est  absolument  indispensable  à  la 
régularité  et  à  la  clarté;  c'en  serait  fait  de  l'unité  de  la  langue, 
si  l'on  y  introduisait  les  idiotismes  et  les  anomalies  de  dériva- 
tion des  langues  ualurelles  '. 

Peut-être,  cependant,  ce  principe  n'est-il  pas  toujours  rigou- 
reusement observ<^  surtout  dans  la  manit're  dont  les  diverses 
parties  ilu  discours  dérivent  les  unes  des  autres.  Sans  doute. 
VEsperanlo  a  bien  fait  de  ne  pas  prendre  pour  racines  (comme  le 
Volapnk,  le  liolak  et  la  plupart  des  langues  n  priori)  les  mots 
dune  seule  partie  du  discours,  par  exemple  les  substantifs,  pour 
en  déduii*e  mécaniquement  l'adjectif,  le  verbe  et  l'adverbe,  ce 
qui  est  souvent  contraire  à  l'ordre  logique  des  itlées  :  los  idées 
de  bon  et  de  beau,  par  exemple,  sont  logi(iueiuent  antérieures 
aux  idées  de  bonté  et  de  beauté-.  Il  admet  des  racines  appartenant 
à  toutes  les  parties  du  discours  :  des  adjectifs,  des  verbes,  des 
adverbes  (troa  =  excessif;  nuna  =  d'à  présent),  des  particules 
comme  jes.  ne  (jesi  —  affirmer,  nei  =  nier),  sen.  dis  disigi  = 
séparer,  senigi  =  dépouiller),  et  même  des  afiixeii  comme  an 
lano  =  partisan),  ec  (eco  =  (lualité),  ind  (inda  =  digne  de),  ebl 
(cble  =  peut-être).  Néauiuoius.  toutes  les  fois  (jue  cela  est  possible, 
le  iv  Zamemiok  parait  assigner  à  une  racine  le  sens  verbal,  et  il 
en  forme  ensuite  le  substantif,  l'adjectif  et  l'adverbe  au  moyen 
des  désinences  -o,  -a,  -e.  Cela  est  assuréujont  fort  logiipie  et  fort 
commode,  mais  à  une  condition  :  c'est  qu'il  y  ail  enti*e  le  sens 
du  mot  primitif  et  celui  du  dérivé  une  correspondance  univoque 
et  récipro(iue  en  vertu  d'une  règle  générale  et  fixe.  Inivoque,  c'est- 


1.  Il  y  a  plus  :  certains  siifllxes,  en  eux-mi^mes  internationAux,  ne  sont 
pns  intrrnnlionnux  dnns  leurs  applications  particiili«>res,  de  sorte  que  des 
rndionux  internatioiuiux  engendrent  des  dérivés  qui  ne  le  sont  pas.  Ex.  : 
l'italien  traduit  heanté  par  bellezzd,  alors  que  les  deux  sufllxes  «'quivalenl^ 
•té  (-fo)  et -e5S(?  (-essfl)  sont  communs  aux  deux  langues.  En  français  même, 
nous  avons  h  la  fois  ricfies.se  et  pauvreté.  G«'la  montre  bien  la  nécessité 
de  réjjulariser  le  sens  et  l'emploi  des  sunixes  de  dérivation  (cf.  p.  357, 
note  t). 

2.  Tandis  que  le  Votaplik  dit  gud  =  l>onté,  gudik  =  éon;  et  le  Bolak  : 
bel  =  beauté,  beled  =  beau. 


356  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

à-dire  que  chaque  affîxe  de  dérivation  doit  avoir  un  sens  unique 
et  bien  déterminé,  du  moins  dans  les  mêmes  conditions  (dans 
la  même  classe  de  mots);  réciproque,  c'est-à-dire  que  l'on  doit 
pouvoir  déduire  du  sens  du  mot  dérivé  le  sens  du  mot  primitif 
d'une  manière  aussi  régulière  et  aussi  sûre  que  l'on  déduit  le 
premier  du  second,  en  renversant  simplement  la  relation  qui 
les  unit  *. 

Par  exemple,  le  verbe  dérivé  d'un  substantif  ou  d'un  adjectif 
signifie  :  i°  tantôt  :  être  —  :  utila  =:  utile,  utili  =  être  utile^; 
2"^  tantôt  :  faire  Vadion  de  —  :  marso  =  marche,  marsi  =  marcher  ^  ; 
3°  tantôt  :  faire  usage  de  —  :  broso  =  brosse,  brosi  =  brosser^; 
4°  tantôt  :  remplir,  garnir  ou  revêtir  de  —  :  salo  =  sel,  sali  =  saler'''; 
oro  =  or,  ori  =  dorer  ^  Et  ce  n'est  pas  tout  :  il  y  a  des  verbes 
qui  ne  rentrent  dans  aucune  de  ces  quatre  classes;  ex.  :  formo  = 
forme,  formi  =^  former;  silabo  =  syllabe,  silabi  =  épeler''.  Or,  dans 
la  dérivation  inverse,  le  substantif  obtenu  en  changeant  en  -o 
l'-i  de  l'infinitif  signifie  toujours  :  Vaction  de  — .  Ex.  :  dueli  =  se 
battre  en  duel,  duelo  =  duel;  helpi  =  aider,  secourir,  helpo  =  aide, 


1.  On  dira  sans  doute  que  cette  réversibilité  des  dérivations  n'est  pas 
nécessaire,  attendu  que  chaque  racine  engendre  un  mot  primitif  (substantif, 
adjectif  ou  verbe)  indiqué  dans  le  dictionnaire,  et  dont  les  autres  dérivent. 
Mais  c'est  précisément  ce  que  l'on  peut  contester.  D'une  part,  au  point  de 
vue  logique,  quelle  raison  y  a-t-il  pour  qu'une  racine  engendre  un  mot  pri- 
mitif d'une  espèce  plutôt  que  d'une  autre,  alors  que  l'espèce  du  mot  n'est 
déterminée  que  par  la  finale  -o,  -a,  -i  (dont  c'est  expressément  le  rôle)? 
D'autre  part,  au  point  de  vue  pratique,  peut-on  exiger  de  l'adepte  qu'il  se 
rappelle,  outre  le  sens  général  de  la  racine,  le  sens  particulier  du  mot 
primitif  qui  en  est  le  premier  dérivé?  C'est  surcharger  sa  mémoire,  ou,  en 
cas  de  doute,  l'obliger  à  chercher  dans  le  dictionnaire. 

2.  Autres  exemples  :  avara  =  avare,  avari  ==  être  avare  de;  avida  = 
avide,  avidi  =  désirer. 

3.  Autres  exemples  :  paso  =  pas,  pasi  =  faire  des  pas;  verso  =  vers, 
versi  =  faire  des  vers  ;  rimi  ^=  rimer,  etc. 

4.  Autres  exemples  :  vipo  ^=  fouet,  vipi  =  fouetter;  signo  =  marque, 
signi  =  marquer;  sraubo  =  vis,  sraubi  =  visser. 

5.  Autres  exemples  :  gudro  =  goudron,  gudri  ^  goudronner;  krono  = 
couronne,  kroni  =  couronner;  lardo  =  lard,  lardi  =  larder;  sablo  = 
sable,  sabli  =  sabler;  sterko  =  fumier,  sterki  =  fumer  (la  terre);  sukero 
=  sucre,  sukeri  =  sucrer;  vato  =  ouate,  vati  =  ouater;  vesto  =  vête- 
ment, vesti  =  vdtir. 

6.  Autres  exemples  :  parfumo  =  parfum,  parfumi  =  parfumer;  sebo  = 
suif,  sebi  =  suifj'er;  selo  =  selle,  seli  =  seller;  stano  =  e'tain,  stani  = 
étamer,  etc. 

7.  Autres  exemples  :  loko  =  lieu,  loki  =  placer  (L.  locare);  nomo  = 
nom,  nomi  =  nommer;  okazo  =  occasion,  okazi  =  arriver;  paralizo  = 
paralysie,  paralizi  =  paralyser. 


d'  zamenhof  :  espéranto  357 

secours;  promesi  =  promettre,  promeso  =  promesse;  sendi ■=  envoyer, 
sendo  =  envoi  (action  d'envoyer  :  la  chose  envoy«^<*  se  dit  :  sendajo)'. 
Il  ost  vrai  que  nous  trouvons  <léjj\  dos  exrj'ptirtns  ù  cette  rt-gle  : 
dolori  si^niliniit  faire  mal,  doloro  siguilie  douleur,  alors  qu'il 
devrait  signifier  Vaclion  de  faire  mal*. 

Mais  iu>us  lrouven»ns  hieu  «l'autres  exceptions,  si  nous  voulons 
renverser  les  dérivations  énuniérées  plus  haut  :  utilo  signifiera  : 
Vai'tion  éCèlre  utile,  le  service  rendu;  broso,  Vaction  de  brosser;  verso. 
In  versification;  vipo,  U\  flaijeUatioii;  formo.  la  formation:  krono.  le 
couronnement,  etc. '.  Si  Ion  veut  observer  la  régularité  de  la  déri- 
vation, le  verbe  dérivé  d'un  substantif  ne  peut  signifler  qu'une 
chose  :  être  dans  l'état  ou  faire  l'acte  exprimé  par  ce  substantif; 
et  toutes  les  autres  espèces  de  verbes  dérivés  devront  se  former 
au  moyen  de  suffixes  spéciaux  qui  signifient  :  fabriquer,  faire 
iisaiie  de.  remplir  de,  etc.,  de  même  qu'on  a  des  suffixes  spéciaux 
pour  exprimer  l'idée  de /aire  ou  rendre  et  celle  de  devenir^.  Par 

t.  C'est  la  di^rivation  do  sens  In  plus  logique.  Don  Sinibaldo  de  Mas  l'aviiit 
bien  vu.  iiunnd  il  ^^-crivnil  tinns  son  Idéographie,  p.  1.51  (I8B3)  :  •  Le  signe 
placr  à  la  ligne  des  noms  signillern  Vaction,  Tncte  d'exécuter  le  verlie; 
exemples  :  amour  qui  est  Pnclion  d'rt/mer,  marche  qui  est  i'nction  de  mar- 
cher,...  prière  qui  est  I'nction  de  prier....  Le  signe  donc  qui,  pincé  n  In 
ligne  des  verbes,  signillern  fusiller,  h  In  ligne  des  noms  signiflera  fusille- 
ment,  c'ost-ù-dire  Tnctioii  de  Tusillcr  •,  et  non  pas  :  le  fusil.  Il  est  naturel 
que  le  substantif  dérivé  inimédinteiiit<nt  du  verbe  exprime  I'nction,  c'est-à-dire 
l'idée  vcrbnlc  elle-même;  dnns  ccrlnines  Inngues  (grec,  nllemnnd)  on  emploie 
à  cet  effet  l'inllnitif  (comme  en  frnni.-ais  :  le  t>oire  et  te  manger,  le  parler, 
le  rirfi.  le  faire).  Dnns  les  Inngues  romnnes,  on  Qmploie  souvent  comme 
subslnnlif  d'nction  le  rndicnl  verbni.  Ex.  :  060»,  accord,  accueil,  ap/wrl, 
rhtsse,  coupe,  débat,  etc.  (^n  remnrquern  (jue  celte  manière  de  substnntifler 
le  verbe  est  bien  plus  commode  et  concise  que  les  suffixes  romnns  -alion 
et  •emenl,  qui  sont  si  lourds  et  si  équivoques,  et  qui  ne  sont  même  pas  tou- 
jours internationaux  dans  leur  application  :  ainsi  l'anglais  dit  coronation 
là  où  le  français  dit  couronnement  (cf.  p.  3.'S5,  note  i). 

2.  Autres  exemples  :  adresi  =  adresser,  adreso  =  adresse;  bari  =  barrer, 
baro  =  /larre:  cagreni  =  char/riner,  cagreno  =  chagrin;  celi  =  viser, 
celo  =  f)ut:  flori  =  fleurir,  floro  =  fleur-,  honori  =  honorer,  honoro  = 
honneur;  kaîizi  =  causer,  kaûso  =:  cause;  movi  =  mouvoir,  movo  ^  mouve' 
ment;  naùii=  donner  des  nausées,  naûso  =  nausée;  mil  =  rouler,  rolo  a 
rouleau,  etc. 

3.  Le  suffixe  -ad  parait  employé  dans  certains  cas  pour  éviter  celle  équi- 
voque et  désigner  l'action  :  fabriko  =  fabrique,  fabriki  =  fabriquer. 
fabrikado  =  fabrication;  guto  =  goutte,  guti  =  dégoutter,  gutâdo  = 
action  de  dégoutter.  .Mais  alors  il  devrait  être  employé  dans  tous  les  cas  pour 
(li'signer  l'action,  ce  (jui  n'a  pas  lieu. 

4.  Voir  par  exemple  les  séries  régulières  de  dérivés  issus  de  san  et  de  mort. 
Kn  revanche,  on  ne  voit  pas  comment  de  naski  =  enfanter  on  peut  tirer 
naski^i  =  nailre;  il  vaudrait  bien  mieux  adopter  (conformément  à  IVtymo- 
li>,irii'    naski  =  naître,  et  naskigi  =  faire  naître,  enfanter.  Quant  à  :  tiil 


k 


358  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

exemple,  pour  les  verbes  qui  signifient /aire  usage  de,  on  pourrait 
employer  le  suffixe  -um,  comme  dans  martelumi  =  marteler;  ou 
bien,  si  l'on  prenait  le  verbe  pour  mot  primitif,  il  faudrait  en 
dériver  le  nom  de  l'instrument  au  moyen  du  suffixe  -il,  comme 
dans  kudrilo  =  aiguille  '. 

La  relation  du  substantif  et  de  l'adjectif  donne  lieu  à  la  même 
difficulté  et  à  la  même  critique.  En  général,  l'adjectif  dérivé 
directement  du  substantif  (par  simple  changement  de  -o  en  -a) 
paraît  signifier  uniquement  :  relatif  à  — .  M.  de  Beaufront 
enseigne,  par  exemple,  que,  amo  signifiant  amour,  ama  ne  signifie 
pas  amoureux,  mais  cTamour  (dans  :  lettre,  chant  d'amour'^).  Toute- 
fois, il  y  a  de  nombreuses  exceptions  à  cette  règle  :  dento  =  dent, 
denta  =  dentelé  (au  lieu  de  :  dentaire)  ;  danko  =  remerciement,  danka 
=  reconnaissant;  ofendo  ==  offense,  ofenda  =  offensant'^;  bezono  = 
besoin,  hezona.  ^  dont  on  a  besoin^.  Mais  admettons  que  la  règle 
soit  partout  appliquée;  il  semblerait  donc  que  le  substantif  dût 
désigner  l'objet  auquel  l'adjectif  est  relatif. 

Examinons  maintenant  la  dérivation  inverse.  Que  signifie  le 
substantif  dérivé  de  l'adjectif  par  le  simple  changement  de  -a 
en  -0?  Le  bon  sens  l'indique  :  ce  doit  être  l'adjectif  substantifié, 
désignant  la  personne  ou  la  chose  qui  possède  la  qualité  expri- 
mée par  l'adjectif  :  comme  quand  on  dit  (en  français  et  dans 

ensteli  =  s'introduire  en  voleur,  c'est  un  idiotisme  inintelligible;  et  elpensi 
=  inventer  n'est  guère  plus  clair  ni  plus  logique. 

1.  Autres  exemples  :  cizilo  =  ciseau;  remilo  =  rame;  pumpilo  =^  pompe; 
rabotilo  =  yribot,  raspilo  =  râpe,  rastilo  =  râteau,  segilo  =  scie,  sigelilo 
=  sceau,  etc.,  tous  substantifs  dérivés  des  verbes  correspondants.  De  même  : 
veturilo  =  voiture  dérive  de  veturi  =  aller  en  voiture,  tandis  que  veturo 
=  Vaction  d'aller  en  voiture.  Pour  les  verbes  qui  signifient  remplir  ou 
revêtir  de,  on  pourrait  imiter  l'exemple  de  smiri  =  oindre,  d'où  smirajo  = 
onguent,  tandis  que  smiro  =  onction  (action  d'oindre).  Pour  la  racine  mov, 
ou  bien  on  part  de  movi  =  mouvoir,  et  alors  on  en  tire  :  movo  =  action 
de  mouvoir;  movigi  =:  se  mouvoir,  et  movigo  =  mouvement;  ou  bien  on 
part  de  movi  =^  se  mouvoir  (être  en  mouvement),  et  alors  on  en  tire  :  movo 
=  (état  de)  mouvement;  movigi  =  mouvoir  (mettre  en  mouvement),  movigo 
=  action  de  mouvoir;  movigi  =:  se  mettre  en  mouvement. 

2.  Par  suite,  l'adjectif  remplace  souvent,  et  avec  avantage,  le  génitif 
français  ou  le  mot  composé  allemand.  Ex.  :  komerca  cambro  =  chambre 
de  commerce. 

3.  Autres  exemples,  où  l'adjectif  devrait  être  remplacé  par  un  participe 
exprimant  l'action  :  carma  :=  charmant,  pika  =  piquant,  rava  =  ravis- 
sant; ciopova  =  tout-puissant  (de  povo  =  pouvoir). 

4.  On  s'attendrait  tout  au  moins  à  :  qui  a  besoin.  Mais  logiquement, 
bezoni  signifiant  avoir  besoin  de  (verbe  actif),  ce  dont  on  a  besoin  est 
bezonata,  et  celui  qui  a  besoin  est  bezonanta. 


d'  zamenhof  :  KSI^ERANTO  359 

lniuu:uii|>  il  au  tirs  langues)  :  les  bons  et  les  méchants,  un  juste,  un 
satje,  un  saint,  etc.  C'est  en  effet  rc  qui  a  lieu,  eu  Espéranto,  poul- 
ies partitives  parolanto  =  orateur)  et  pour  queUpirs  adjectifs '. 
Mais,  dans  la  plupart  des  cas.  l'adjectif  n'est  substantilié  cjuau 
Mioyen  du  suffixe  -ul.  Kx.  :  juna  =  jeune,  junulo  =  jeune  homme  -. 
L'emploi  de  ce  suflixe  est  non  seulement  inutile,  mais  illo^'i(|ue. 
vnv  il  dt'signe  «  un  être  caractérisé  par  telle  qualité  ou  propriét»*.  » 
Or  le  mot  prinùtif  juna  signifie  déjà  jeune,  et  non  pas  jeunesse, 
qui  s'exprime  par  le  dériv»'*  juneco;  il  désigne  donc  bien  l'être 
même,  et  non  la  <|ualité,  et  pour  en  faire  un  substantif  il  doit 
suffire  de  changer  sa  désinence  -a  en  -o.  Le  cas  n'est  plus  du 
f<Mit  le  même  que  pour  gibulo  —  tx)ssu  (de  §ibo  =  6o4sc)  :  ici  le  suf- 
li\»>  ul  est  nécessaire  pour  dériver  du  nom  dune  propriété  le  nom 
delêlrt'  qui  en  est  affecté'.  Mais  il  est  irrationnel,  et  un  peu  ridi- 
cule, de  ladjoimlre  à  virga  =  vienje  (adj.)  pour  foruier  virgulino 
=  une  vienje.  Lst-c»-  que  virgino  ne  suftit  pas  à  désigner  Vétre  (o) 
féminin  (in)  qui  a  la  (jualité  de  vierge  (virg)?  A  quoi  bon  dire 
skeptikulo.  klasikulo '.  ipiand  skeptiko.  klasiko  suflisent  et  sont 
parfaitement  clairs?  On  iloil  donc  dire  de  même  :  justo  ■=  un 
juste,  sankto  =  un  saint,  etc. 

On  objectera  peut-être  que  cela  engendrerait  de>  i-qui\oqn»'s  : 
comment  distinguerait-on  alors  les  adjectifs  employés  comme 
substantifs  neutres  :  le  beau,  l'utile.  Caijréable,  le  nécessaire,  etc.? 
A  cela  nous  répondrons  «pie  ces  adjectifs  neutres  (lé«^iiriient.  soif 

i.  Exnii|il('s  :  parazito.  parasita,  luii)  ;'^<'''^'-f</'':  parenco.  parenca.  un) 
jtiircnt;  orfo,  orta.  (un)  orphelin:  nobelo.  nobela,  uin)  nohie:  deserio, 
dezerta.  tun)  dèsn-t:  utilo.  utila.  il)  ulile:  neceso.  necesa.  (le)  nécessaire; 
superflue,  superflua,  \U')  superflu;  virmo,varma,  de)  r/ia(«/;  vero.  vera. 
(U')  rrai:  nigro.  nigra.  (U-)  noir,  et  les  autres  noms  de  a»ulour>»:  Franco. 
Franca.  (un)  Fr««j<n'*,  et  les  autres  noms  do  peuples. 

2.  .\ulrcs  exemples  :  justa,  justulo.  [un]  juste;  sankta.  sanktulo.  (uu) 
saint;  brava,  bravulo,  (un)  br<ire;  rica.  riculo.  (un)  riche;  klera.  klerulo, 
(un)  cli-rc,  salant;  lama,  lamulo,  (un)  boifeu.t  ;  miopa.  miopulo.  (un)  myope; 
surda.  surdulo.  (un)  sourd;  muta,  mutulo,  (un)  muet;  eU-..  etr. 

:].  Autres  exemples  :  favo  =  teigne,  favulo  =  tei^neurx  febro  =  fièvre, 
februlo  =  fiéi'reu.r\  frenezo  =  folie,  frenetulo  =  fou;  ftiio  —  phtisie, 
ftizulo  —  i>hlisi(/uc;  kiraso  =  cuirasse,  kirasulo  =  cuirassier;  kximo  = 
crime,  krimulo  =  criminel;  lepro  =  lèpre,  lepnilo  =  lépreux;  peko  ^ 
pvché,  pekulo  =  pécheur;  rento  =  rente,  rentulo  =  rentier;  tcieuCO  = 
science,  scienculo  =  un  sarant  (sciencisto  serait  d'ailleurs  plus  exact) i 
ringulo  =  un  annelé;  vertebrulo  =  un  vertébré. 

i.  Notons  ù  ce  propos  un  petit  contre-sens  :  klasikulo  ne  peut  |uis  »i^niiler 
un  partisan  des  classiques  (<|ui  se  dirait  :  klasikano)  mais  l>ien  un  {auteur) 
dassiijue. 


360  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

des  qualités  abstraites,  soit  des  choses  concrètes.  Dans  le  pre- 
mier cas,  VEsperanto  doit  employer  le  suffixe  -ec  :  le  beau,  c'est 
la  beauté  (beleco)*.  Pour  le  second  cas,  il  a  le  suffixe  -a],  qui 
désigne  précisément  la  chose  douée  de  la  qualité  exprimée  par 
la  racine.  On  devrait  dire  :  utilaîo,  necesaîo,  etc.  quand  il  s'agit 
des  choses  utiles  ou  nécessaires  ^.  Rien  n'empôche  donc  de  dire  : 
belo  pour  bel  homme,  et  belino  pour  belle  femme  (F.  une  belle),  sans 
s'embarrasser  du  suffixe  -ul  qui  est,  dans  tous  les  cas,  inutile 
au  féminin. 

Mais  voici  une  autre  difficulté  :  souvent  le  substantif  en  -o 
désigne  la  qualité  abstraite  que  l'adjectif  en- a  sert  à  attribuer  aux 
personnes  ou  aux  choses  :  ainsi  îaluza  =  jaloux,  et  jaluzo  = 
jalousie.  C'est  là  une  inconséquence,  et  ce  qui  le  prouve,  c'est 
qu'il  existe  le  mot  jaluzeco  =  état  de  jalousie  (sic),  ce  qui  ne  dif- 
fère pas,  semble-t-il,  de  la  jalousie  môme  ^.  On  trouve  encore  de 
nombreuses  familles  de  mots  analogues  à  celle-ci  :  kurago  = 
courage,  kuraga  =  courageux,  et  kuragulo  =  homme  courageux  K 
De  telles  dérivations  nous  paraissent  vicieuses.  Ou  bien  la 
racine  a  le  sens  de  qualité  abstraite,  et  alors  le  mot  primitif  est 
le  substantif;  ou  bien  elle  a  le  sens  de  qualité  concrète,  et  alors  le 
mot  primitif  est  l'adjectif.  Dans  le  premier  cas,  on  devra  dire, 
par  exemple  :  kurago  =  courage,  d'où  kuragula,  kuragulo  =  cou- 
rageux. Dans  le  second  cas,  on  devra  poser,  au  contraire  :  saga, 
sago  =:  sage,  et  sageco  =  sagesse.  De  toute  façon,  l'adjectif  épi- 
thète  et  le  même  adjectif  substantifié  ne  peuvent  différer 
que  par  la  désinence  -a  ou  -o.  On  ne  peut  donc  pas  admettre 
des  dérivations  comme  celle-ci  :  prudento  =  raison,  prudenta  = 

1.  C'est  en  vertu  d'une  tradition  platonicienne  que  l'on  dit  le  beau  pour 
la  beauté  :  on  réalise  ainsi  une  qualité  abstraite,  c'est-à-dire  qu'on  la  consi- 
dère (à  tort)  comme  un  être  réel. 

2.  L'expression  :  «joindre  l'utile  à  l'agréable  »  peut  signifier  deux  choses  : 
ou  bien  (comme  dans  Horace)  il  s'agit  d'un  homme  (d'un  auteur)  qui 
mêle  les  choses  utiles  aux  choses  agréables;  ou  bien  il  s'agit  d'une  même 
chose  qui  unit  les  qualités  d'utilité  et  d'agrément. 

3.  Do  même  :  sago,  sageco  =  sagesse;  trankvilo  et  trankvileco  =  tran- 
quillité; kapablo  et  kapableco  =  capacité.  Comparera  :  serioza  =  sérieux, 
et  seriozeco  =  le  sérieux  (la  qualité  de  sérieux)  ;  de  même,  justeco,  sankteco. 

4.  Autres  exemples  :  felico  =  bonheur,  felica,  feliculo  =^  (un)  heureux: 
kulpo  =  faute,  kulpa,  kulpulo  =  (un)  coupable;  mizero  =  misère,  mizera. 
mizerulo  =  (un)  misérable;  pacienco  =  patience,  pacienca,  pacienculo 
=  (un)  patient;  potenco  =  puissance,  potenca,  potenculo  =  (un)  puis- 
sant; perfido  =  trahison,  perfida,  perfidulo  =  (un)  traître;  ruzo  =  ruse, 
ruza,  ruzulo  =  (un)  fourbe;  sago  =  sagesse,  saga,  sagulo  =  (un)  sage. 


D'   ZAMEiNHOP   :    ESPERANTO  36  < 

raisonnabU',  prudenteco  =  <iuaUlé  de  raisonnable.  Pour  le  nu^nu' 
luolif,  il  laudiaif  appliquer  le  suffixe  -ec  ni«Mne  nux  adjectifs 
dérivés  eu  -em.  car  la  rèKle  contraire  constitue  une  exception 
(|ue  rien  ne  justifie.  Si  de  paco  =  paix  on  dérive  pacema  =^  paci- 
fique (ami  de  la  paix),  pacemo  doit  signifier  un  pacifiiiue  {au  lieu 
de  pacemulo).  •'!  au  contraire  Vesprit  pacifique  doit  s'appeler 
pacemeco  (et  non  pacemoi  '. 

Telles  seraient  les  exigences  d'une  logique  grammaticale 
innexii)le.  Maintenant,  on  peut  se  demander  si  l'on  doit,  si  môme 
on  peut  les  satisfaire  dans  leur  rigueur  absolue.  C'est  là  une 
grave  question,  car  il  s'agit,  au  fond,  de  savoir  si  l'on  peut  réduire 
toutes  les  relations  d'idées  à  un  nombre  fini  (et  assez  restreint) 
de  classes  ou  de  types,  ou  si  leurs  variétés  sont  en  nombre  (pra- 
tiquement du  moins)  illimité.  Dans  ce  dernier  cas,  que  le 
I)""  Zameniiof  semble  avoir  prévu,  il  y  aurait  lieu  de  faire  usage 
de  la  préposition  universelle  je  et  du  suffixe  universel  -um  pour 
exprimer  toutes  les  relations  non  spécifiées.  Quoi  qu'il  en  soit, 
on  ne  peut  pas  se  prononcer  avant  que  le  vocabulaire  interna- 
tional soit  coni|>lèl(Mnent  élaboré.  Car  il  est  possible  et  même 
probable  que  la  régularité  et  la  simplicité  des  dérivations 
devront  fiéchir  devant  l'introduction  de  milliers  de  racines 
nouvelles,  et  surtout  des  termes  scientifiques  internationaux  *. 
lue  langue  a  posleriori  ne  pourra  sans  doute  jamais  être  par- 
faitement logique,  parce  que  nos  langues  naturelles  sont  trop 
remplies  d'illogismes.  11  faudra  donc  probablement  s'en  rap- 
porter ù  l'usage  étaltli  el  au  bon  sens,  comme  dans  nos  langues 
mêmes  ^,  mais  le  moins  possible. 

On  peut  encore  remarquer  que  certains  affixes  donnent  lieu  à 

i .  De  mémo,  de  timo  =  a'ainte  on  doit  tirer  :  timema  =  timide,  timemo 
=  un  timide  (nu  liru  do  timulo).  et  timemeco  =  timidité  (au  lieu  de 
timemo).  On  trouve  dnns  l'Ek:ercaro  {^  42 1  malsanemeco,  remplacé,  dans 
la  Grammaire  (40*  pxercico)  par  malsanemo- 

2.  Par  oxonipic,  il  y  a  uno  foule  do  mots  sicientillquos*  à  radical  termini^ 
on  -wj  (quinine)  cl  on  -it  {pt/rite,  bronc/tile),  qu'on  ne  peut  st>ngcr  n  déformer 
pour  éviter  quo  los  pronùors  rossoniblent  à  dos  féminins,  el  les  seconds  a 
dos  participes  passés.  Mais  il  n'y  n  pas  à  cela  un  grand  inconvénient,  di«s 
iju'il  s'apit  de  mots  scientiflquos  internationaux,  «juc  personne  ne  peul 
tonfondro  avec  des  mots  de  la  langue  usuelle.  (On  trouve  déjà  pepsin 
on  Espéranto). 

3.  Où  l'on  emploie  couramment  les  verbes  barrer,  chambrer,  classer, 
meubler,  nuancer,  ramer,  scier,  télégraphier,  téléphoner,  coller,  dorer,  srllcr. 
armer,  fouetter,  bdtonner,  cravacher,  sans  même  se  douter  de  l'héléroge- 
uéité  de  leur  dérivation. 


362  SECTION   III,    CHAPITRE   IX 

des  applications  peu  logiques.  Tel  est,  notamment,  le  sullîxe  -uj, 
qui  a  des  sens  et  des  emplois  trop  variés.  Sans  parler  de  son 
emploi  comme  suffixe  des  noms  de  pays,  il  signifie  à  la  fois  le 
récipient  (qui  contient  une  chose)  et  l'arbre  (qui  produit  une 
chose).  Or  ces  deux  derniers  sens  engendrent  une  équivoque  : 
teujo  signifie  boite  à  thé,  et  non  pas  arbre  à  thé,  qui  se  dit  tearbo; 
de  mémo  :  kafujo  =  boite  à  café,  et  non  caféier  (kafarbo).  Il  vau- 
drait donc  mieux  logiquement  composer  tous  les  noms  d'arbres 
avec  -arb,  et  préférer  pomarbo  à  pomujo  '. 

Enfin  VEsperanto  manque  d'un  affixe  péjoratif  que  possèdent 
en  général  les  langues  naturelles  et  beaucoup  de  langues  arti- 
ficielles ■-.  11  serait  fâcheux  d'employer  en  ce  sens  le  suffixe  dimi- 
nutif -et,  qui  peut  tout  aussi  bien  impliquer  une  idée  amicale 
et  flatteuse;  et  l'on  peut  encore  moins  employer  le  suffixe 
augmentatif  -eg,  qui  serait  plutôt  laudatif.  On  trouve  pourtant 
dans  le  dictionnaire  Espéranto-Français  le  mot  kalesego  traduit 
par  équipage  lourd,  inélégant.  Cela  est  illogique,  car,  si  kaleso  = 
voiture  de  luxe,  kalesego  doit  signifier  carrosse  (de  gala). 

Malgré  ces  imperfections,  aisées  à  corriger,  le  système  de  for- 
mation des  mots  en  Espéranto  est  d'une  régularité  et  d'une  fécon- 
dité admirables.  C'est  lui  surtout  qui  contribue  à  lui  donner 
ce  caractère  merveilleux  de  «  langue  naturelle  »,  de  »  langue 
vivante  »  que  de  bons  juges  lui  reconnaissent  ^.  C'est  vraiment 
une  langue  autonome  qui  possède  des  ressources  intrinsèques 
et  illimitées,  qui  a  une  physionomie  originale  et  un  «  esprit  » 
propre.  Nous  n'en  voulons  donner  qu'un  exemple  :  nos  langues 
ont  des  mots  pour  dire  compatriote,  contemporain,  etc.  U Espéranto 
les  traduit  par  samlandano  (qui  appartient  au  même  pays),  sam- 
tempano  (qui  appartient  au  môme  temps),  etc.  De  même,  il  dit 
samideano  pour  désigner  «  celui  qui  est   partisan  de  la   même 

1.  C'est  ce  (lue  font  certains  Espéranlistes,  qui  tendent  aussi  à  remplacer 
le  suffixe  -uj  par  la  racine  land  dans  la  formation  des  noms  de  pays  (Fran- 
clando,  Ânglolando,  au  lieu  de  Francujo,  Anglujo). 

2.  M.  BoiRAG  a  proposé  pour  cet  usage  le  suffixe  -ac  (1.),  «  dont  l'utilité 
est  incontestable  »  selon  MM.  Gart,  Merckens  et  Berthelot  {Vocabulaire. 
Français-Espéranto,  p.  xi).  Le  besoin  d'un  affixe  laudatif  se  fait  moins 
sentir,  sans  doute  parce  <|ue  les  hommes  sont  plus  portés  à  dénigrer  qu'à 
louer,  ou  peut-être  parce  qu'ils  ont  plus  d'occasions  de  blâme  que  d'éloge. 

3.  Un  professeur  du  Collège  de  France  a  écrit  à  un  recteur  d'Université, 
en  parlant  de  Y  Espéranto  :  ••  Si  l'on  ose  dire  après  cela  qu'une  langue  est 
un  organisme,  autant  dire  que  l'homme  peut  créer  de  toutes  pièces  une 
plante  ou  un  animal  ». 


D'  ZAMENHOF   :    ESPERANTO  363 

ith'c  »  que  vous;  or  ccsl  h\  un  mot  ori^iiinl,  fini  ii'n  pas,  croyons- 
nous,  (It^quivalcnt  dans  li's  langues  ouro|)t'onn«>s.  Ainsi  ce  n'est 
pas  une  langiu'  arliliriollo.  ligt^o  ot  niorU*,  simple  (l«^ralque  de 
nos  Inn^'ues;  c'est  une  Inii^'ue  capable  de  vivre,  de  se  dtheloppcr, 
et  de  dépasser  en  richesse,  en  souplesse  et  en  varitHtMes  langues 
naturelles.  Enfin  c'est  une  langue  susceptible  d'élégance  et  de 
style,  s'il  est  vrai  que  la  véritable  élégance  consiste  dans  la 
sinq)li(ité  et  la  clarté,  et  que  le  style  n'est  que  l'ordre  qu'on 
met  dans  l'expression  de  la  pensée. 


CHAPITRE  X 


THE    AMERICAN    PHILOSOPHICAL    SOCIETY 

Au  moment  du  plus  grand  succès  du  Volapûk,  YAmerican  Philo- 
sophical  Society  (fondée  par  Franklin  en  1743)  mit  à  l'étude  la 
question  de  la  langue  universelle,  et  nomma,  le  21  octobre  1887, 
un  Comité  «  pour  examiner  la  valeur  scientifique  du  Volapûk  ». 
Nous  croyons  devoir  résumer  l'intéressant  rapport  de  ce  Comité, 
car  il  contient  un  véritable  programme  théorique  de  langue 
internationale  *. 

Le  Comité  commence  par  constater  le  besoin  croissant  d'une 
langue  universelle  auxiliaire.  Depuis  que  le  latin,  puis  le  fran- 
çais, ont  cessé  de  remplir  cet  office  (pour  les  savants  au  moins), 
toutes  les  nationalités  ont  tenu  à  honneur  de  publier  leurs 
productions  dans  leur  propre  langue;  il  en  résulte  qu'on  a 
maintenant  des  ouvrages  scientifiques  en  roumain,  en  tchèque, 
en  suédois,  en  magyar,  en  arménien  et  même  en  japonais.  La 
confusion  des  langues  est  telle,  que  Max  MOller  en  était  réduit 
à  supplier  (en  vain  d'ailleurs)  ses  confrères  de  se  borner  aux  six 
langues  suivantes  :  D.,  E.,  F.,  L,  L.,  S.;  remède  bien  insuffisant, 
ajoute  le  rapport,  car  quel  est  l'étudiant  qui  peut  apprendre 
seulement  à  lire  ces  six  langues?  D'ailleurs,  les  commerçants  et 
les  voyageurs  ont  besoin,  eux  aussi,  d'une  langue  internationale 
qui  soit  simple  et  facile.  Le  Comité  constate  que  cette  création 


1.  Report  of  the  Committee  appointed  Oct.  SI,  1887,  to  examine  into  Ihe 
scientific  value  of  tlie  Volapûk,  presented  to  the  American  Philosophical 
Society,  Nov.  1887, 12  p.  in-8".  Publié  ap.  Nature,  t.  XXXVIII  (1888).  Le  Comité 
so  composait  de  MM.  Daniel  Brinton,  président;  Henry  Phillips  et  Monroe 
Snyder.  M.  Brinton  a  publié  depuis,  en  1889,  un  opuscule  intitulé  :  Ai7ns 
and  Ti-aits  of  a  World  Lanquage,  ap.  Proceedings  of  the  American  Asso- 
ciation for  the  Advancement  of  Science,  t.  XXXVIl. 


THE  AMERICAN  PHIL080PHICAL  SOCIETY  36S 

fst  conforme  h  la  londance  jfénérnie  de  la  civilisation  moderne 
à  runiv«»i'snlif«^  <*l  ù  liiniforniitt'';  la  lan^^uc  internationale  n'est 
pas  seulenuMit  désiralde,  t  il  est  eerlain  <|u'elle  se  fera  »;  mais  il 
il(''pendde  nous,  «^tres  intelligents,  au  lieu  de  la  laisser  se  faire 
iiu  hasard,  de  la  faire  avec  réllexion,  conformément  aux  données 
(le  la  science.  Le  Comité  est  ainsi  conduit  à  tracer  le  plan  de  la 
lulure  L.  I.  et  i\  en  formuler  les  conditions  essentielles. 

La  première  condition  est  que  la  matière  et  la  forme  de  la  L.  1. 
doivent  être  empruntées  au  fonds  aryen,  représenté  par  les  six 
grandes  langues  européennes,  qui  sont,  par  ordre  d'importance  : 
E.,  F.,  1).,  S.,  L,  H.;  et  cela,  parce  que  les  peuples  aryens  sont  à 
la  tête  de  la  civilisation,  et  que  les  langues  aryennes  en  sont  le 
vt'hirule.  La  L.  1.  devra  donc  se  rapprocher  le  plus  possible  de 
(S  langues;  elle  aura  par  suite  l'avantage  d'être  plus  facile  à 
apprendre  pour  tous  les  peuples  de  civilisation  aryenne.  Le 
(omité  ne  voit  aucun  inconvénient  à  ce  que  la  future  L.  L  soit 
composite;  il  rappelle  que  les  jargons  internationaux  nés  du 
liesoin  Uingaafrnncay  pidgin-enylish)  sont  des  langues  mixtes;  l'an- 
glais lui-même  est  un  t  jargon  of  marked  type  ».  11  ne  faut  donc 
pas  craindre  tlemprunler  les  matériaux  de  la  L.  I.  à  diverses 
tamilles  de  langues  '. 

Ce  principe  posé,  le  Comité  t'-tudie  successivement  les  trois 
éléments  de  la  langue  :  la  phonétique,  la  grammaire  et  le  lexique. 

Pour  la  phonétique,  il  formule  les  règles  suivantes,  qui  lui 
paraissent  indiscutables  : 

1    l/orlhographe  sera  absolument  phonétique. 

2"  Chaque  lettre  aura  toujours  le  même  son. 

3»  Ce  son  devra  être  commun  aux  langues  aryennes  princi- 
pales, et  ne  présenter  aucune  tlifliculté  aux  personnes  qui  les 
parlent. 

4"  Il  n'y  aura  ni  diphtongues,  ni  digraphes  *,  ni  doubles  con 
■^onnes  (autant  de  sources  d'erreurs). 

"t°  Le  sens  ne  dépemlra  jamais  du  ton,  de  l'accent,  de  la  quan 
lité  ou  des  inflexions  de  la  voix.  Ces  expédients  sont  insuffi- 
sants, et  d'ailleurs  ils  ne  sont  pas  nécessaires. 

60  II  n'y  aura  que  les  cinq  voyelles  pures  :  a,  e.  i.  o.  u   pronon- 

1.  •  This  cunsidorntion  sliows  thnl  in  ndopting  or  rrnniinp  a  univcntal 
lanpuajro  we  need  not  liosimie  lo  niould  it  from  quite  divorse  linguistir 
sou  n'es.  » 

2.  Sons  simples  représenté»  par  plusieurs  lettres  (comme  ch  F.  sh  E.  «cA  D.)« 


366  SECTION   III,    CHAPITRE   X 

cées  comme  en  Italien);  pas  de  voyelles  impures  ou  infléchies, 
comme  à,  ô,  ù  (D.). 

1°  Il  n'y  aura  pas  de  consonnes  gutturales  aspirées,  sifflantes 
ou  nasales,  comme  le  th  E.  et  le  chD.  '. 

8"  Les  caractères  employés  seront  les  lettres  latines,  tracées 
d'un  seul  trait,  de  façon  qu'on  n'ait  pas  à  lever  la  main  au  milieu 
d'un  mot;  par  conséquent,  pas  de  signes  diacritiques,  pas  d'ac- 
cents ni  d'apostrophes,  pas  même  de  point  sur  i,  j  ou  de  barre 
à  t. 

9°  Les  sons  devront  être  non  seulement  faciles  à  prononcer, 
mais  agréables  à  l'oreille;  on  évitera  les  combinaisons  de  lettres 
qui  éveilleraient  dans  une  des  langues  principales  de  fâcheuses 
associations  d'idées  -. 

lO»  On  recherchera  la  brièveté  :  chaque  mot  sera  réduit  à  son 
propre  son  discriminatif  le  plus  simple,  tout  en  restant  sonore 
et  clair. 

Pour  le  lexique,  il  devra  être  fondé  sur  le  vocabulaire  commun 
aux  six  langues  principales.  Le  Comité  estime  qu'il  y  a  au  moins 
un  millier  de  mots  communs  aux  six  langues;  on  en  dégagera 
aisément  la  forme  originelle,  au  moyen  de  lois  phonétiques 
simples;  et  on  les  prononcera  tels  qu'ils  seront  écrits.  A  ce 
noyau  du  vocabulaire  international  on  adjoindra  les  termes 
scientifiques  internationaux,  qui  devront  être  choisis  par  des 
«  comités  de  congrès  internationaux,  nommés  à  cet  effet  ;  »  puis 
les  termes  de  commerce  et  d'affaires,  qui  sont  déjà  en  grande 
partie  internationaux,  et  que  tout  le  monde  a  intérêt  à  unifor- 
miser complètement.  Pour  le  reste  du  vocabulaire,  il  sera 
élaboré  progressivement  et  à  mesure  des  besoins  par  les  Comités 
internationaux  chargés  de  constituer  la  L.  I.,  qui  joueront  à 
son  égard  le  rôle  que  l'Académie  française  joue  («  en  théorie  du 
moins  »)  à  l'égard  de  la  langue  française. 

Reste  la  grammaire  :  c'est  la  partie  la  plus  difficile  de  lœuvre. 
Elle  devra  s'inspirer  des  grammaires  aryennes,  en  leur  emprun- 
tant les  procédés  les  plus  simples  qu'elles  offrent. 


1.  Notons  cet  hommage  rendu  à  la  phonétique  espagnole  :  «  Of  ail  the 
Aryan  languages  the  pure  Castillan  Spanish  cornes  the  nearost  to  such 
an  idéal  phoneticism,  and  it  approaches  very  near  indeed  ».  11  n'est  donc  pas 
étonnant  que  les  langues  artificielles  les  plus  parfaites  et  les  plus  harmo- 
nieuses ressemblent  à  l'espagnol,  ce  dont  on  leur  fait  parfois  un  reproche. 
,    2.  Textuellement  :  «  indecorous  or'degrading  associations  ». 


THE  AMEHICAN   l»HILOSOI*HICAL  SOCIETY  367 

l.«>s  jnlK-lts  <|*'-fiiii  (>|  indrliiii  sont  inutiles,  puis<|ti<'  le  Intin  d 
!«'  russe  s'en  pnssnil. 

L'a(ljo«'tif  sorn  iiivariahle,  comme  eu  nii^lnis,  en  vertu  du  prin- 
I  ipede  siuiplicilé.  I.a  «listinelion  de  l'adjectif  el  de  l'adverbe  e»t 
inutile.  !,(«s  df^M'és  serout  iiuliqués  par  des  particules  et  non  par 
des  ilexious. 

Dans  les  substantifs,  la  distiuttiou  du  grut-e  iarl)itruirc  dans 
les  langues  naturelles)  est  inutile.  Lp  féminin  (naturel)  sera 
indiqué  |»ar  uu  nflixe.  Peut-être  nuîme  pourra-t-on  se  passer  de 
iiiart|ue  pour  le  phiriel. 

Pour  la  déclinaison,  on  constate  que  les  langues  modernes 
tendent  à  s'en  débarrasser,  sans  on  tirer  de  conclusion  précise. 
Dans  tous  les  cas,  le  radical  devra  toujours  rester  invariable. 

Le  Comité  estime  que,  pour  plus  de  simplicité,  on  peut  con- 
fondre le  pronouï  possessif  avec  le  pronom  personnel',  et  même 
les  pronoms  relatif  et  interrogatif  avec  le  pronom  démonstratif*. 

Le  verbe  tend,  dans  les  langues  modernes,  à  perdre  toutes 
>«es  flexions,  et  à  se  réduire  à  un  radical  invariable;  la  personne 
et  le  nombre  sont  suffîfjanuuenl  iudiipiés  par  le  sujet;  le  temps 
et  le  mode  tendent  à  s'exprimer  par  des  auxiliaires.  Toutefois,  le 
Comité  ne  croit  pas  devoir  pousser  h  l'extrême  cette  tendance 
analytique;  il  admet  qu'on  représente  les  temps  principaux 
(passé,  présent,  futur)  par  des  flexions  absolument  régulières. 

On  donnera  un  régime  direct  à  tous  les  verbes  qui  ont  le  sens 
actif:  on  distingn(M'a  le  régiuu^  indirect  du  régime  direct  en  le 
pla«:aut  après  celui-ci^. 

Cette  simplification  de  la  syntaxe  entraîne  la  suppre>siou  df 
la  construction  lilire,  dont  on  fait  un  mérite  au  grec  et  au  latin, 
et  qui  paraît  au  Comité  un  avantage  douteux.  On  observera 
Tordre  logique  et  normal:  on  mettra  le  sujet  avant  le  verbe  ef 

1.  Coniiue  iMi  pelit-n«'grt'  :  liv  li  =■  son  livre  (le  livre  à  lui). 

2.  A  l'<'xem|>le  de  l'nlloinaïut  dev  ot  de  l'nnglnis  Ihat.  Le  Comité  oublie 
mio  ce  sonl  là  de  vérilnhles  ralemlM»urs  (comme  le  que  rrnncois),  qui  sont 
les  sources  d'obscurités  el  dt«  confusions  innt»mhrnl)les. 

3.  Kxemple  :  give  spoon  chiUl  (litt.  :  donne  cuiller  enfnnt)  pnrnll  nussi 
ilnir  au  C.omilé  ([ue  :  ()ive  lo  t/ie  child  a  spoon.  Ct'lle  simplicitt»  de  In  syntaxe 

inirlaise  donne  lieu,  elle  aussi,  à  des  «'quivoques.  En  voici  un  exemple 
xtrait  du  rapport  d'Etus  (v.  p.  :t(H).  note  3)  :  -  ...  tfives  Ihe  verb  Ifie  form  il 
iriitst  assume...  •  (litt.  :  donne  le  verbe  In  forme  il  doit  prendre).  Toutes 
les  relations  des  idées  sonl  sous-enlendues;  il  fnul  les  deviner.  Celte  construc- 
tion inorganique  et  amorphe  se  rapproche  tn»p  du  petit-nepre.  Il  est  dnnjn^ 
reux  de  laisser  à  deviner  ou  à  suppléer,  surtout  dans  une  langue  étrany^iY. 


368  SECTION   m,    CHAPITRE   X 

les  régimes;  le  nom  avant  l'adjectif;  le  verbe  ou  l'adjectif  avant 
l'adverbe  qui  le  détermine'. 

Le  Comité  se  prononce  catégoriquement  sur  quelques  autres 
questions  de  grammaire.  On  n'admettra  pas  de  postpositions  2; 
on  n'indiquera  jamais  les  flexions  par  le  changement  des  voyelles 
intérieures  du  radicaP;  on  n'emploiera  pas  les  conjonctions 
comme  «  suffixes*  »  ;  enfin  on  ne  fabriquera  pas  de  racines  toutes 
nouvelles  pour  en  former  des  dérivés  et  composés  originaux. 

Ces  principes  théoriques  une  fois  posés,  le  Comité  confronte 
avec  eux  les  principes  du  Volapûk,  et  en  déduit,  comme  on  pou- 
vait s'y  attendre,  une  condamnation  en  règle  de  cette  langue. 
Les  critiques  qu'il  lui  adresse  peuvent  se  résumer  en  deux 
propositions  :  la  grammaire  du  Volapûk  est  synthétique  et  com- 
plexe, contrairement  à  la  tendance  des  langues  modernes,  ce  qui 
lui  donne  un  caractère  «  non-aryen  »  ;  le  vocabulaire  est  en 
grande  partie  factice  et  non  international  :  40  pour  100  des  mots 
sont  empruntés  à  l'anglais,  mais  altérés  sans  avoir  égard  aux 
autres  langues;  et  beaucoup  de  racines  sont  toutes  nouvelles  et 
arbitrairement  formées.  En  un  mot,  le  Volapûk  constitue  «  un 
recul  dans  le  progrès  linguistique  ». 

Le  Comité  concluait,  au  point  de  vue  pratique,  que  la  L.  I. 
devait  être  choisie  ou  créée  par  «  un  comité  international  émané 
des  six  ou  sept  principales  nationalités  aryennes  »;  et  il  propo- 
sait à  VAmerican  Philosophical  Society  une  résolution  tendant  à 
t  inviter  toutes  les  sociétés  savantes  du  monde  à  former  un  comité 
international  pour  inventer  une  langue  universelle  pour  les 
besoins  du  commerce,  de  la  correspondance,  de  la  conversation 
et  de  la  science  ».  La  résolution  fut  adoptée  (6  janvier  1888);  elle 
spécifiait  que  la  future  langue  devait  être  «  fondée  sur  la  gram- 
maire et  le  vocabulaire  aryens,  sous  leur  forme  la  plus  simple  », 
et  proposait  la  réunion  d'un  Congrès  international  à  Londres 
ou  à  Paris. 

1.  Ces  règles  semblent  pouvoir  se  résumer  dans  le  principe  :  placer  le 
déterminant  après  le  déterminé. 

2.  C'est-à-dire  de  prépositions  placées  après  le  substantif  qu'elles  régissent, 
comme  en  allemand  {vom  Anfang  an)  et  en  anglais  {the  house  I  lire  in). 

3.  Comme  en  anglais  et  en  allemand. 

4.  Ou  plutôt  comme  «  enclitiques  »,  ce  qui  a  lieu  en  latin. 


THE  AMERICAN   PHILOSOPHICAL  SOCIETY  369 


Historique. 

I/invilntion  (W  VAmerican  Philosophical  Society  fut  acceptée  par 
iino  vingtaine  de  sociétés,  parmi  lesquelles  nous  citerons  ri4ra- 
(lémie  royale  danoise  des  Sciences  et  Lettres,  Vi'niversilé  d'Édimlnutrg, 
VAnwrican  Association  for  the  Advancement  of  Science  ',  cl  la  Société 
/ooloyique  de  France,  qui  manifesta  ses  préférences  pour  l'adoption 
ilime  languo  vivant»»  ».  Kii  revanche,  elle  fut  déclinée  par  la 
l'Iiiloloijical  Society  de  Londres,  pour  des  raisons  exposées  dsuis 
lin  rapport  de  son  vice-président,  M.  Elus,  qui  était  un  partisan 
du  Volapiili  '. 

Ce  rapport  est  une  longue  et  confuse  critique  de  celui  de 
r  Ini.  Ptiil.  Soc,  et  une  apologie  du  Volapûk.  Il  hlAme  surtout  la 
proposition  de  fonder  la  L.  I.  sur  une  t  base  aryenne  »  :  d'abord. 
\y,\irc  (|u'uiic  laiif^ue  universelle  ne  doit  pas  exclure  les  peuples 
non-aryens,  et  doit  être  indépendante  des  considérations  «le 
race  *;  pour  M.  Ellis,  il.  est  iiuliflérent  que  la  L.  I.  ressemble 
aux  lanirues  aryennes  plutùt  qu'aux  non-aryennes  ^.  Knsuite. 
parce  qu'  «  il  n'y  a  pas  de  vocabulaire  commun  »  aux  langues 
ai'yennes  ".   D'nillfnr'i,  i\  quoi    Imn    «Miipruider  de^  rat-jiM'^   aux 

t.  En  IS'.II  (rmili.itivo  «le  l'.lm.  l'/iii.  S'>/-.  ayant  »'olioiii'),  VAin.  Ass.  /.  /. 
.1.  0.  S.  noMimn  un  ('omiU^  composé  «le  .M.M.  Brinton,  llorntio  IIale  et 
Alcxander  Macfarlane  pour  oliidior  la  question  do  In  L.  I.:  mais  co  oomilt* 
lia  pas  flahoré  do  rapport.  .M.  IIale  avait  ptiliiiô  auparavant  un  opusruh' 
iiitiluio  :  -In  Inlernalional  Lanffuage  (London,  I8U0). 

2.  Supplemenlari/  Report  of  the  Commtllee  appoinled  ta  consitler  an 
international  tanquage,  rend  before  the  Anterican  Philosophical  Society 
(7  décembre  1888).  Ce  rapport  est  repro<luit  en  Appendice  ap.  Einstein, 
Weltsprachtiche  Zeit-  iind  Streitfragen  :  I.  l'olapiik  und  Lingvo  inlernacia, 
J(i  p.  in-S»  (Niirnherg,  Slein,  188»). 

:{.  On  the  conditions  of  a  universal  language,  in  référence  to  the  invitation 

f  the  American  Philosophical  Sociîtg  of  Philadelphia,  to  send  delegates 

'  >  a  Congress  for  perfecting  a  universal  tanguage  on  an  aryan  ba.tis,  anit 

ils  report  on  Volapûk,  by  Ale.xander  J.  Elus.  F.  H.  S.,  15  juin  1888;  ap. 

Transactions  of  the  Phitological  Society,  pp.  .')0-U8. 

4.  De  race,  sans  doute:  mois  de  pliilolopie?  ('/est  un  fnil  i|ue  Un»  langues 
turopéennes  forment  une  rainille  lin^ruistique,  qu'on  l'appelle  aryenne  ou 
autrement. 

5.  C'est  ne  pns  tenir  compte  de  ce  fait,  que  les  formes  linguistiques  cor- 
respondent à  des  formes  de  pensée  spécillquement  différentes,  el  «jue  le*' 
langues  aryennes  sont  l'e.vpressiitn  de  In  science  el  de  In  civilisation  enro- 

.  péennes. 

(».  Encore  une  erreur  de  fnil,  réfutée  par  les  lexiques  de  VBsperanlo.  du 
Mttndolingue,  de  Vldiom  neutral,  etc. 

C'oi'TVRAT  et  LcAC.  —  Ijingue  unIv.  - 1 


370  SECTION   III,    CHAPITRE    X 

langues  vivantes?  «  Dans  toute  langue,  les  racines  doivent  être 
apprises  indépendamment  de  toute  autre  langue  '  »,  et  chaque 
racine  doit  être  apprise  séparément;  en  outre,  dans  la  L.  I., 
chaque  racine  doit  avoir  un  sens  unique,  ce  qui  élimine  les 
racines  des  langues  vivantes,  qui  ont  toutes  plusieurs  sens  -. 
M.  Ellis  en  conclut  que  «  les  racines  doivent  être  choisies  arbi- 
trairement »  de  manière  à  ne  favoriser  aucune  nation.  Il  est  vrai 
que  le  Volapûk  emprunte  40  pour  100  de  ses  racines  à  l'anglais: 
mais,  ajoute  l'auteur  à  titre  d'excuse,  «  il  en  a  tellement  changé 
la  l'orme  qu'elles  ne  sont  guère  reconnaissables  »,  ce  qui  d'ail- 
leurs n'est  nullement  utile  :  car  on  doit  supposer  que  les  mots 
anglais  sont  aussi  inconnus  aux  Français  qu'aux  Arabes  ^.  Tout 
au  plus  peut-on  s'ins})irer  dans  le  choix  des  racines  fou  plutôt 
de  leur  sens)  d'analogies  lointaines  et  plus  ou  moins  sugges- 
tives *. 

M.  Ellis  n'admet  pas  plus  la  grammaire  aryenne  que  le  voca- 
bulaire aryen,  et  sur  ce  point  ses  arguments  sont  au  moins  plus 
spécieux.  Mais  au  fond,  il  est  aisé  de  le  voir,  son  grand  grief 
contre  la  «  base  aryenne  »  est  qu'elle  exclut  ]e   Volapiik.   Sans 
doute,  il  est  moins  partisan  du  Volapiik  que  du  système  général 
dont  le  ]'olapuk  est  un  échantillon  :  il  serait  tenté  de  lui  préférer 
le  Spelin  pOur  sa  régularité  mathématique;  et  peut-être  le  Speîin 
l'aurait-il  emporté,  s'il  n'était  venu  après  le  Volapiik.  Mais,  aux 
yeux  de  M.  El  lis,  la  question  de  fait  domine  tout  :  l'essentiel, 
pour  une  L.  L,  est  d'être  universellement  adoptée.  Or  le  Volapiik 
est  déjà  répandu  et  pratiqué  dans  tous  les  pays:  il  ne  faut  pas 
nuire  à  ses  progrès  en  lui  suscitant  des  rivaux.  Il  est  même  trop 
tard  pour  corriger  les  quelques  petits  défauts  que  M.  Ellis  lui 
reconnaît:  on  ne  peut  pas  le  réformer  sans  le  détruire-^  :  «  il  faut 
le  prendre  tel  qu'il  est,  ou  le  laisser  ».  M.  Ellis  conclut  au  rejet 
de  l'invitation  de  VAmerican  Philosophical  Society,  parce  qu'elle  est 

1.  Gela  est  faux  :  il  est  bien  plus  facile  d'apprendre  le  latin  (|uand  on  snil 
le  français  (ou  inversement),  d'apprendre  l'anglais  quand  on  sait  l'allemand  : 
et  ainsi  de  suite. 

2.  (lommc  si  l'on  ne  pouvait  pas  au  besoin  choisir  pour  chaque  "racine 
internationale  un  sens  unique  ou  princi])al  (([ui  serait  souvent  le  sens  inter- 
national). 

3.  L'auteur  oublie  tout  simplement  (jue  les  deux  tiers  du  vocabulaire  anglais 
lui  sont  communs  avec  les  langues  romanes,  notamment  avec  le  français. 

4.  Cf.  La  Langue  bleue. 

0.  Cela  est  vrai,  notamment,  des  voyelles  infléchies  {l'i,  ô,  ù).  qu'on  ne 
pourrait  supprimer  sans  bouleverser  le  vocabulaire  et  la  grammaire. 


i 


THE   AMEUICA.N    l'HILOSOPHICAL   SOCIETY  371 

unilatéralo  (partiale),  et  parce  que  la  question  ne  peut  pas  être 
résolue  par  un  Congrès. 

Critique. 

Sur  ces  doux  ilernii'rs  points,  nous  sommes  obligés  de  donner 
raisttn  à  M.  Vaaas  :  la  question  du  chou'  de  la  L.  1.  ne  peut  pas 
être  tranchée  par  un  congrès,  mais  bien  par  un  comité  compé- 
tent et  restreint  nommé  h  cet  elTet  '.  De  plus,  il  faut  avouer  que 
V.\mericanPhihsoi)fiical  Society  avait  commis  une  faute  en  manifes- 
tant son  opinion  sur  le  choix  tout  en  invitant  les  autres  sociétés 
savantes  h  y  prendre  part:  il  fallait  séparer  complètement  la 
question  du  principe  et  la  tpieslion  du  choix,  et  réserver  celle-ci 
entière  et  intacte  au  congrès  ou  au  comité  futur.  En  se  pronon- 
(;ant  contre  le  Volapâk,  elle  restreignait  d'avance  la  liberté  du 
choix  et  engageait  la  solution  lînale  dans  un  sens  déterminé. 
Mais,  ces  réserves  faites,  il  faut  reconnaître  ([u'elle  avait  bien 
jugé,  et  les  faits  devaient  conlirmer  la  condamnation  du  Volapûk 
beaucoup  plus  tôt  qu'on  ne  l'eiU  cru.  Deux  ou  trois  ans  après, 
.M.  Ki.i.is  ne  pouvait  plus  invoquer  en  sa  faveur  la  possession 
d'état  dont  il  faisait  tant  de  cas.  Celte  expérience  montre  que. 
quels  que  soient  les  succès  d'une  langue  universelle,  on  ne  peut 
jamais  répondre  de  son  triomphe  délinilif.  ni  même  de  son 
avenir  prochain,  et  que  ses  partisans  ne  doivent  pas  arguer  d'un 
état  de  fait  et  de  progrès  momentané  pour  repousser  toute 
proposition  de  réforme,  foute  discussion  et  tout  arbitrage.  Il 
est  inq)rudent  de  dire,  comme  les  partisans  du  Votnptlk  :  *  C'est 
à  prendre  ou  à  laisser  ».  On  les  a  pris  au  mol,  et  on  a  «  laissé  » 
le  \nhptik.  V.n  somme,  c'est  V American  Philosophical  Society  qui 
avait  raison  contre  \ii  Philoloyicat  Society,  provisoirenienl  inféodée 
au  Volapiik:  et  la  plupart  des  conditions  théoriques  de  son  pro- 
gramme se  trouvent  réalisées  dans  les  meilleures  des  langues 
«  posteriori  -.  Si  son  initiative  si  louable  et  si  désintéressée  a 
échoué,  c'est,  d'une  part,  à  cause  du  vice  de  forme  que  nous 
avons  relevé:  et.  d'autre  part,  parce  qu'elle  s'est  i>roiluile  à  un 
momtMit  inopportun,  à  rép«H|ue  où  le  Volapûk  «  battait  son 
plein  »  et  se  croyait  sftr  de  triompher. 

1.  On   a   romnr(|ué  nue  lo  rapport  du  Comil«>  de  l'.l.  /'.  5.  pnrie  d'un 
«  (Àjtnilé  »,  tandis  ipic  la  résolution  do  la  stKMôto  parle  d'un  «  Congrès  ». 

2.  Notamment  dans rfc'.f/x-rflHio,  qui  paraissait  In  mùmennnèequc son  Rnpport. 


CHAPITRE    XI 

BER}iRART>  :  LINGUA  FRANCA  NUOVA^ 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  analyser  ce  projet,  d'ailleurs  très 
confus  et  très  mal  présenté.  C'est  un  italien  à  peine  régularisé. 
Les  lettres  n'y  ont  même  pas  un  son  uniforme  :  on  représente  le 
son  k  par  ch  devant  e  et  i,  et  par  c  partout  ailleurs;  le  son  tch 
par  c  devant  e  et  i,  et  par  c  partout  ailleurs  ;  le  son  ch  par  s;  la 
lettre  gale  son  dj  devant  e  et  i,  le  son  gue  partout  ailleurs.  On  admet 
les  sons  et  combinaisons  graphiques  gn  et  gli.  Les  paradigmes 
de  déclinaison  et  de  conjugaison  sont  multiples  et  compliqués; 
et  il  y  a  deux  verbes  irréguliers  :  être  et  avoir.  Les  pronoms  per- 
sonnels ont  une  multitude  de  formes  irrégulières.  En  un  mot, 
cette  «  langue  franque  »  aurait  toutes  les  anomalies  et  toutes 
les  difficultés  d'une  langue  naturelle.  Si  l'on  n'avait  qu'un  tel 
idiome  pour  L.  L,  il  vaudrait  mieux  adopter  une  langue  natio- 
nale comme  l'italien,  qui  ne  serait  pas  plus  difficile  à  apprendre, 
et  qui  aurait  au  moins  l'avantage  d'une  littérature  et  d'une  tra- 
dition vivante. 

1.  Grammalik  der  Lingiia  Franco  Niiova,  einer  iingleich  der  Volapûk 
allen  Natîonen  gleich  gut  verstândlichen  Universalsprache,  von  Dr.  Serafln 
Bernhard  (Wien,  1888).  2'  édition  :  Well-ltalienisch  Franco,  74  p.  in-16 
(Wien,  1891). 


CHAPIÏllE  XII 

LAUDA   :  KOSMOS ' 

L'auteur  de  ce  projet  ne  se  donne  pas  comme  inventeur  d'une 
langue  universelle;  selon  lui,  une  telle  langue  ne  doit  pas  ôlre 
inventée;  elle  ne  doit  pas  «Mre  une  création  arbitraire,  mais  une 
(ruvrc  de  science  reposant  sur  un  fondement  international 
objectif,  qui  est  l'histoire  des  langues.  C'est  pourquoi,  tout  en 
rendant  justice  au  <  mérite  impérissable  >  de  Mgr  Schleyer» 
qui  «  a  prouvé  prntiquenitMif  la  possibilité  d'une  langue  artilî- 
cielle  »,  il  ne  peut  voir  dans  le  l  o/rtpjï/c  qu'une  œuvre  de  fantaisie 
individuelle,  et  non  la  langue  universelle  idéale  et  <  objective  >. 
Les  principes  do  la  langue  internationale  sont  :  i°  la  conservation 
des  prin(i|)ales  données  historiques  ;  2»  l'unité  du  système  gram- 
matical. Pour  s'y  conformer,  l'auteur  emploiera  une  double 
niélhode  de  comparaison  et  de  combinaison.  La  comparaison  des 
(livtM'sos  langues  (indo-européennes)  révélera  les  données  histo- 
riques et  objectives  qui  en  sont  les  éléments  communs  el  qui 
doivent  former  le  fonds  de  la  langue  universelle,  et  la  combinaison 
de  CCS  éléments  suivant  des  régies  simples  assurera  l'unité 
absolue  du  système  grammatical.  Pour  ce  qui  est  du  vocabulaire 
en  particulier,  on  ne  doit  ni  forger  les  mots  de  toutes  pièces, 
ni  les  prendre  au  hasard  dans  les  diverses  langues.  (L'auteur 
condamne  les  langues  composites  à  cause  de  nombreux  incon- 
vénients, qu'il  s'abstient  d'énumérer.)  11  veut  emprunter  tous  les 
mots  A  une  seule  langue,  qui  ne  peut  évidemment  être  une 
lantrii(>  vivante  (il  écarte  en  passant  les  projets  de  refonte  de  telle 
ou  telle  langue  vivante,  qui  ne  réussissent  qu'à  la  défigurer  «ians 

l.  I.  Ihtrf  Volapiik  die  Wellspi'ache  u'er<len:'  II.  Kosmos  oder  neueste 
LIhuntj  des  Wellspracheproblems  auf  internalionalem  und  sprachhistO' 
rischem  lioden,  von  Eugen  A.  I>auo.\.  02  p.  8»  (Berlin,  Paul  Henni;,  1888). 


374  SECTION   III,    CHAPITRE   XII 

la  rendre  internationale  et  neutre).  Cette  langue  ne  peut  donc 
être  que  le  latin,  pour  des  raisons  historiques,  littéraires  et  scien- 
tifiques aisées  à  deviner.  D'une  part,  le  latin  est  langue  morte, 
donc  neutre;  d'autre  part,  il  est  la  souche  commune  de  plusieurs 
langues  vivantes;  enfin,  comme  il  a  été  langue  savante,  il  a 
fourni  les  termes  scientifiques  et  techniques  aux  langues 
modernes.  Les  gens  cultivés,  qui  ont  étudié  le  latin,  sauront  donc 
d'avance  la  langue  universelle;  et  ceux  qui  ne  savent  pas  le  latin 
apprendront,  par  la  langae  universelle,  une  foule  de  mots  com- 
muns à  toutes  les  langues  civilisées. 


Grammaire. 

L'alphabet  est  l'alphabet  latin,  avec  une  prononciation  régula- 
risée. Il  comprend  6  voyelles  :  a,  e,  i,  O,  u  {ou),  y;  et  17  consonnes  :  b, 
c  (toujours  k),  d,  f,  g  (toujours  dur),  h,  1,  m,  n,  p,  q,  r,  s  (toujours 
dur),  t  (jamais  s),  v,  x,  z.  Aux  voyelles  on  doit  ajouter  les  voyelles 
infléchies  à,  6,  ù,  qui  ne  figurent  que  dans  le  subjonctif  des 
verbes  (voir  plus  bas).  Dans  les  diphtongues  ae,  oe,  ai,  ei,  au.  eu, 
ui,  les  deux  voyelles  se  prononcent  séparément.  La  lettre  q  est 
toujours  suivie  de  u,  et  l'ensemble  se  prononce  kv. 

L'accent  n'est  jamais  sur  la  dernière  syllabe  (saut  dans  les 
monosyllabes);  il  est  toujours  sur  la  pénultième  ou  l'antépénul- 
tième, suivant  que  la  pénultième  est  longue  ou  brève  (comme  en 
latin). 

L'auteur  trouve  que  l'article,  tant  défini  qu'indéfini,  est  inutile, 
et  il  invoque  comme  preuve  l'exemple  du  latin  et  du  russe.  11 
admet  toutefois  un  article,  mais  dont  le  rôle,  purement  gramma- 
tical, consiste  à  marquer  les  cas,  et  qui  n'a  pas  plus  le  sens 
défini  que  le  sens  indéfini.  Cet  article  est  '  : 


Singulier. 

Pluriel. 

N. 

ta 

tas. 

G. 

tio 

tios. 

D. 

te 

tes. 

A. 

tan 

tans. 

Comme  on  le  voit,  -s  est  le  signe  du  pluriel. 
1.  Cf.  la  Pasilingua  de  Steineb. 


LAUDA    :    KOSMOS  375 

I/article  n'a  pas  do  genre;  toutefois  il  prend  un  -d  au  neutre 

(singulier). 

Los  snbslantifs  sont  invariables  en  genre,  en  nombre  et  en  cas; 
soûl  l'article  se  décline.  Ils  sont  toujours  conrormesau  nominatiT 
sin^Milioi-  latin  lou.  à  dôraut,  nu  nominatif  pluriel;  :  dominai, 
mensa;  castra,  divitiae. 

Les  adjectifs  sont  également  invariables.  Ils  sont  caractéri(>és 
par  la  (h'siinMifo  ic  '  ajoutée  au  radical  latin  :  bonic.  liberic. 
nigric.  dulcic.  veteric. 

Les  degrés  de  comparaison  se  forment  en  ajoutant  les  suftixcs 
-ir  (comparatif)  ot  -ist  superlatif)  :  fortic,  forticir.  forticist.  Tou- 
tefois, là  où  coite  fonnalion  violerait  l'onplionio.  on  pourra  se 
servir  dos  advorhos  magis.  maxime  placés  devant  l'adjectif; 
exemple  :  magis,  maxime  maleficic. 

Pour  Iransloiinor  on  sui)slanlifs  les  adjectifs  (comme  toutes 
les  parties  du  discours),  il  suflit  de  les  faire  précéder  de  l'or- 
ticle. 

Les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  se  forment  au  moyen  du  sufllxe 
-0  :  fortico.  furlnnent. 

Los  noms  de  nombre  cardinaux,  ('\\\\n'\\y\U'S  au  latin,  sont  oaraclé- 
riséspar  la  tinalc  -a  :  nulla,  0;  ona.  dua,  tria,  quadra,  quinqua.  sexa. 
septa.  octa.  nova,  deçà:  deçà  una.  il:  deçà  dua.  12:...  dua  dcca. 
•-'():...  tria  deçà.  ;»»:...  centa,  100;  dua  centa,  200:...  milla.  looo; 
milliona.  /  million:  milliarda,  /  milliard  (1000  millions). 

Los  nombres  ordinans  so  l'ornirnl  en  ajcMitant  aux  oaiilinanx  lo 
snftixo  -st-  :  unast.  l":  duast,  triast. ...  decast:  deçà  unast...  cen- 
tast,  millast... 

Los  nombres  de  fois  so  forment  on  olinngonnt  1 -a  linal  dos  nom- 
bres cardinaux  on  -o  (désinence  tlos  adverbes)  :  uno.  une  Jois: 
duo,  deux  fois,  etc. 

Los  adverbes  ordinaux  se  forment  on  ajoutant  un  -o  aux  nom- 
bres ordinaux  :  unasto,  premièrement  \  duasto,  deuxièmement,  etc. 

Les  nombres  distributifs  se  forment  en  ajoutant  -ni  aux  cardi- 
naux :  anani.  à  un:  duani.  à  deux,  etc. 

Les  nombres  muttiplicalifs  so  forment  en  ajoutant  -plie  :  anaplic. 
simple:  duaplic,  double,  etc. 

Los  nombres  fractionnaires  so  fornionl   on   ajontafit   -ar   ^.ll.n• 

1.  ('.oniino  on  Volapûk. 

2.  l/nnleur  rc>innri|iii^  (jue  dnns  toutes  les  Innjruos  irnlo-<'uropéennes  les 
noml)ros  ordinaux  ont  la  nj^mc  torminnison  <|uo  les  sii|>rrlalir». 


376  SECTION   111,    CHAPITRE   XII 

vialion  de /jars)  aux  nombres  ordinaux  :  duastar,  moitié;  triastar, 
tiers,  etc. 

Les  mêmes  terminaisons  s'appliquent  aux  pronoms  interroga- 
iifs  de  nombre  et  à  leurs  corrélatifs  :  quota,  combte/i ?  tota  ;  quotast, 
le  quantième?  totast:  quoto,  combien  de  fois?  toto,  etc. 

Les  pronoms  personnels  sont  : 


1'"  pers. 

S'  i)crs. 

3"  pcrs. 

Sing. 

ml 

si 

ti 

Plur. 

mis 

sis 

Us 

Le  pronom  de  politesse  sera  la  2"  personne  du  pluriel. 

On  se  traduit  par  moi  (de  homo). 

Le  pronom  réfléchi  est  sovi. 

Les  pronoms  possessifs  dérivent  des  personnels  par  l'adjonction 
du  suffixe  -ic  (caractéristique  des  adjectifs)  :  miic,  siic,  tiic; 
misic,  sisic,  tisic. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  hici,  celui-ci;  isti,  illi,  celui-là; 
isi,  celui  (qui);  ipsi,  même;  isidem,  le  même. 

Les  pronoms  relatifs  sont  :  qui,  quicunque. 

Les  pronoms  interrogalifs  :  quisi,  quisinam. 

hes  pronoms  indéfinis:  quidam,  un  certain;  quivis.  quilibet,  n'im- 
porte qui;  aliquisi,  quelqu'un;  quisique,  chaque. 

Tous  les  pronoms  se  déclinent  au  moyen  de  l'article  mis  après 
eux  et  joint  par  un  tiret  :  mita,  mi-tio,  mi-tan,  mi-tas,  etc.  ;  miic 
ta,  misic-ta,  etc. 

Le  pronom  possessif  peut  se  remplacer  par  le  génitif  du 
pronom  personnel  :  ta  pater  miic  =  ta  pater  mi-tio  :=  mon  père. 

Les  verbes  ont  une  conjugaison  uniforme. 

Vindicatif  présent  se  forme  en  ajoutant  à  la  1'"  pers.  sing.  de 
l'indicatif  présent  du  verbe  latin  (toujours  terminée  en  -o)  les 
six  pronoms  personnels  '.  Ex.  : 

amomî,  faime.  amomis,  nous  aimons. 

amosi,  tu  aimes.  amosis,  vous  aimez. 

amoti,    il  aime.  amotis,  ils  aiment. 

Tous  les  autres  temps  (personnels)  se  conjuguent  de  même; 
nous  n'indiquerons  que  leur  l'"  personne. 


1.  En  réalité,  les  six  pronoms  personnels  sont  les  désinences  personnelles 
du  verbe,  séparées;  et  ces  désinences  elles-mêmes  sont  empruntées  au  grec 
et  au  sanscrit. 


LAUDA   :   K08M0S  'H? 

Le  passé  iparfiiili  et  le  futur  se  forment  en  changeant  l'o  du 
présent  respoclivciiHMit  en  uet  on  a  : 

amumi,  j'ai  aimé.  amami,  j'aimerai. 

Les  temps  indirects  {imparfait,  plus-que  parfait,  futur  antérieur) 
se  furnicnl  on  faisant  précéder  les  temps  directs  correspondants 
d'un  é  viinginent,  imité  du  <}.)  : 

é  amomi,  j'aimais. 
é  amumi.  j'avais  aimé. 
é  amami.  j'aurai  aimé. 
Les  temps  du  su6/oajc/i/ dérivent  des  temps  correspondants  de 
l'indicatif  par  l'inflexion  de   la  voyelle  caractéristique  (a,  o,  u, 
devennnt  à,  ô,  ti)  : 

Présent  :  amômi.  Imparfait  :  é  amômi. 

Parfait  :  amùmi.  Plus-queparfail  :  é  amûmi. 

Futur  :     amàmi.  Futur  antérieur  :   é  amami. 

Pour   Vimpéralij',  on  ouiploiora  le   subjonctif   présont  (forme 

polio  :  amôsi,  aime;  amôsis,  aimez;  pour  un  impératif  plus  bref  et 

plus  pressant,  on  emploiera  le  radical  verbal  en  -o  (avec  -s  au 

pluriel I  :  curro.  cours:  venios,  vi-ne:. 

Les  temps  et  modes  du  passif  dérivent  des  temps  et  modes 
correspondants  de  l'actif  par  le  changement  de  l'i  final  en  ai  : 

amomai.  amosai.  amotai.  amomais 

é  amomai.  é  amomai. 

amumai.  amûmai. 

d  amumai.  é  amûmai. 

amamai.  amàmai. 

é  amamai.  é  amàmai. 

L'infinitif  se  forme  en  ajoutant  au  radi«-al  verbal  des  trois 
temps  principaux  (en  -o,  -u.  -a)  la  terminaison  -min  ^actif)  ou 
-main  (passif)  :  amomin,  aimer;  amomain,  être  aimé. 

Le  participe  se  forme  en  ajoutant  aux  mêmes  radicaux  la  ter- 
minaison -nt  (L.,  G.)  et  la  terminaison  -ic  (actif)  ou  -aie  (passif;  : 

Actif.  PâMif. 

Présent  :  amontic.  amontaic. 

Passé  :     amuntic.  amuntaic. 

Futur:     amantic.  amantaic. 

Les  verbes  déponents  du  latin  sont  traités  comme  s'ils  avaient 
la  forme  active  (en  -o).  Kx.  :  imitomi.  sequomi. 
Les  verbes  impersonnels  se  conjuguent  au  moyeu  du  pronom 


k 


378  SECTION   III,    CHAPITRE   XII 

neutre  de  la  3«  personne  :  -tid.  Ex.  :  ningotid,  il  neige;  sufficiotid, 
il  suffit  :  eveniotid,  il  arrive. 

On  ramène  le  verbe  sum  [être)  à  la  conjugaison  régulière,  en  pre- 
nant pour  radical  es  :  esomi,  je  suis:  esosi,  tu  es:  esoti,  il  est,  etc. 

Tous  les  dérivés  latins  du  verbe  sum  sont  adojités  avec  la  môme 
transformation  :  abesomi,  je  suis  absent  :  adesomi.  je  suis  pré- 
sent, etc.,  jusqu'à  :  prodesomi,  je  sers,  et  :  T^otesomi,  je  peux. 

On  peut  employer  le  verbe  esomi  avec  les  i)articipes  dos  autres 
verbes  pour  rendre  diverses  nuances  de  ceux-ci. 

Toutes  les  particules  (adverbes,  prépositions,  conjonctions) 
sont  empruntées  au  latin  sans  modification.  Les  adverbes  peu- 
vent être  employés  comme  adjectifs,  et  s'insèrent  alors  entre 
l'article  et  le  substantif  :  ta  satis  numerus,  un  nombre  suffisant. 

Les  prépositions  régiasenl  toutes  l'accusatif*.  La  seule  indica- 
tion relative  à  la  syntaxe  est  celle-ci  :  la  place  normale  de  l'ad- 
jectif est  après  le  substantif.  D'ailleurs,  l'auteur  n'est  nullement 
partisan  d'une  construction  rigide,  et  laisse  toute  liberté  sur  ce 
point,  grâce  à  la  déclinaison. 

Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  est,  comme  on  l'a  vu,  celui  du  latin,  les  mots 
ne  subissant  pas  d'autre  transformation  que  la  modification  de 
leur  désinence  en  vertu  des  règles  grammaticales.  C'est,  selon 
l'auteur,  le  véritable  vocabulaire  international.  On  peut,  du 
reste,  l'enrichir  des  néologismes  nécessaires  aux  besoins 
modernes  en  composant  des  mots  nouveaux,  suivant  les  règles 
générales  de  la  formation  des  mots  latins. 

Ckitique. 

L'auteur  du  Kosmos  est  manifestement  un  savant  versé  dans  la 
philologie:  c'est  aussi  un  philosophe  disciple  de  Hegel  :  il  a  puisé 
dans  la  philosophie  hégélienne  de  l'histoire  ce  respect  des 
données  historiques  qui  tourne  si  aisément  à  la  superstition,  du 
fait  accompli.  Sans  doute,  il  est  excellent  de  chercher  pour  la 
langue  internationale  un  fondement  objectif  et  historique;  mais 
peut-être   n'est-il    pas  nécessaire    pour   cela  de    remonter   au 

1.  L'auteur  n'adopto  donc  ])as  la  distinction  étaljiio  en  latin  entre  les  cas 
où  il  y  n  mouvement  et  ceux  où  il  n'y  en  a  pas. 


LAUDA   :   KU8M0S  379 

«iéiuge,  nous  voulons  dire:  au  grec  archaïque  et  au  nanKcrit. 
Ces  IjiMvrucs  n'(»nl  «l'iiiténH  pour  n<»iis  qu'autant  (|u'eUrs  nou.s 
olTrcnl  les  ('Iriucnls  originaires  conununs  aux  langues  vivantes. 
<'t  qu'elles  nous  aident  à  les  retrouver  dans  celles-ci.  Mois  leur 
tnipiunler  des  f«>rn»es  priniilives  (|ui  ne  se  retrouvent  dans 
aucnnt^  langue  moderne,  c"«'st  tin  pétlanlisnie  areliéo|<>gi<|ue: 
d'autant  que  ces  formes  appartiennent  à  dos  grammoires  syn- 
thétiques, alors  que  toutes  les  langues  modernes  sont  anoly- 
liques.  Cette  eritiipie  s'appli(|ne  à  la  fois  aux  désinences  ver 
baies  ((jui  engendrent  les  pronoms  personnels)  et  à  l'article,  que 
l'auteur  justifie  par  des  analogies  presque  préhistoriques. 

In  autre  défaut  de  ce  système  est  le  mélange  arbitraire  et 
ehoqnanl  de  principes  a  priori  et  d'éléments  a  posteriori.  Ainsi,  à 
côté  de  substantifs  empruntés  littéralement  au  latin,  y  compris 
leur  désinence  propre  (au  nominatif),  on  voit  des  adjectifs  dont 
le  radical,  seul  intact,  estaffiddé  de  la  terminaison  postiche -ic. 
(pii  sans  doute  est  grecque  et  latine,  mais  à  titre  de  suflixe  de 
dérivation,  et  non  comme  suflixe  caractéristique  de  l'adjectif. 
C'est  là  un  eniprunt  malheiu*eux  au  Volapiik,  dont  l'auteur  blrtme 
pourtant  le  caractère  arbitraire  et  factice.  De  même,  il  est  étrange 
de  voir  l'article,  tout  artiliciel  au  fond,  accolé  à  des  mois  latins 
deveiuis  invai-iables.  tantôt  avant,  tant«M  après  eux.  D'ailleurs, 
cet  article  n'a,  de  l'aveu  de  rauteur,  rien  de  commun  avec  l'ar- 
ticle des  langues  vivantes  :  c'est  en  réalité  un  aflixe  de  décli- 
naison. Or.  dune  part,  il  est  désirable,  et  conforme  à  l'esprit  des 
langues  motlernes.  de  se  passer  autant  <|ue  possible  de  la  décli- 
naison; et,  d'autre  part,  il  est  difRcile,  et  contraire  à  ce  ménu> 
esprit,  lie  se  passer  d'un  article  (au  moins  de  l'article  défini  . 
Poiu'  toutes  ces  rai.sons,  la  grammaire  du  Kosinos  a  un  caractère 
étrange  et  incohérent. 

^)uant  nu  vocabulaire,  il  est  trop  facile  tle  din'ipiOn  remprun- 
tera tel  quel  au  latin  :  il  y  a  des  mots  latins  qui  ne  sont  plus 
d'aucun  usage,  et  en  revanche  nous  avons  besoin  d'une  foule  «le 
mots  qui  ne  se  trouvent  pas  en  latin.  L'auteur  reconnaît  lui 
même  la  nécessité  de  créer  des  néologismes,  et  leur  impose 
seulement  cette  condition,  d'éliv  conformes  au  génie  «le  la 
langue  latine.  Reste  à  savoir  si  ce  «  génie  »  lui-même  peut  s'ac- 
commoder aux  besoins  de  la  vie  et  de  la  pensée  moilernes  :  c'est 
une  question  que  nous  traiterons  à  sa  place,  quand  nous  aurons 
à  examiner  le  projet  du  latin  comme  langue  universelle. 


CHAPITRE   XIII 


HENDERSON    :  LINGUA   ET   LATINESCE  ^ 

M.  George-J.  Hendersox  a  toujours  été  convaincu  de  l'utilité 
d'une  langue  internationale  ainsi  que  de  sa  possibilité  théorique 
(déjà  proclamée  par  Max  Mûller);  mais  il  ne  croyait  pas  à  la 
possibilité  pratique  de  faire  adopter  une  telle  langue  par  toutes 
les  nations  civilisées.  Le  prodigieux  succès  du  Volapûk  l'a 
détrompé  sur  ce  point,  et  cela  d'autant  plus  qu'il  trouvait  à  cette 
langue  de  graves  défauts  (notamment  son  vocabulaire  arbitraire, 
inintelligible  même  pour  un  Anglais),  et  que,  au  plus  fort  des 
triomphes  du  Volapûk,  il  était  persuadé  que  son  succès  ne  pou- 
vait être  durable.  Mais  le  vice  capital  du  Volapûk  était,  à  ses 
yeux,  d'être  un  produit  artificiel,  l'œuvre  d'un  seul  homme  (quel 
que  fût  son  génie).  Pour  M.  Henderson,  la  langue  est  un  produit 
social,  et  la  langue  internationale  ne  peut  être  que  le  fruit  d'une 
entente  et  d'une  coopération  internationale  :  «  Une  langue  n'est 
pas  une  invention,  mais  une  convention  ». 

11  propose  par  suite  de  former  une  Association  internationale, 
répartie  en  sociétés  nationales  et  en  groupes  locaux,  et  compre- 
nant des  représentants  de  toutes  les  classes  et  professions  de 
chaque  nation  :  cette  Association  tiendrait  périodiquement  des 
Congrès  internationaux  qui  élaboreraient  progressivement  la 
langue  et  en  fixeraient  les  règles  grammaticales  et  le  vocabulaire. 
Les  vocabulaires  spéciaux  seraient  confiés  à  des  comités  tech- 
niques et  professionnels.  Telle  serait  l'unique  «  base  naturelle  » 
de  la  langue  internationale.  En  effet,  pour  qu'une  telle  langue 

1.  Lingua,  an  international  Lan/juage  for  purposes  of  commerce  and 
science,  General  Outlines,  by  George  J.  Henderson.  126  p.  in-16  (London, 
Triibner,  1888). 


IIENDERSON    :    LINGUA  381 

puisse  se  propager  et  s'implanter  d/flnilivemenl  dans  les  poy» 
(•ivilis(^s.  il  faut  (pi'rllc  soit  sanctionnée  por  une  outorité  qui  pré- 
vienne ou  fasse  cesser  toute  discussion  et  toute  hésitation,  et 
({ui  introduise  la  langue  dans  l'enseignement. 

I/auleiir  se  sépare  encore  de  Mgr  Schi.eyek  sur  un  point  essen- 
tiel :  il  désire  une  langue  internationale,  mais  non  univei*selle: 
il  s'agit  de  faire  une  langue  pour  les  peuples  européens,  et  non 
pour  tond»  l'Iiunianité,  car  c'est  une  chimère  que  de  chercher  à 
cnncilier  tous  les  systèmes  linguistiipies  et  à  satisfaire  tous  les 
peuples:  on  n'aboutit  ainsi  qu'à  n'en  satisfaire  aucun. 

Knnii.  l'auteur  reproche  h  .Mgr  Schleyer  la  tendance  philoso- 
phique de  son  syslènie,  qui  le  condamne  h  la  tikhe  surhumaine 
et  décevante  de  trouver  la  définition  logique  et  définitive  de  chaque 
idée.  11  préfère  une  méthode  historique  plus  modeste  et  plus 
respectueuse  de  la  tradition,  des  usages  et  des  associations 
d'idées  habituelles.  Il  ne  rêve  pas  d'une  langue  rationnellement 
parfaite:  il  se  contente  d'une  langue  qui  soit  seulement  aussi 
bien  faite  (|ue  les  langues  vivantes,  mais  bien  plus  facile  à 
apprendre. 

La  Linyua  que  propose  .M.  IIenderson  a  pour  base  le  vocabu- 
laire latin,  considéré  comme  le  plus  international  et  le  plus 
connu  ',  et  une  grammaire  moderne  aussi  rationnelle  et  aussi 
sinq)le  que  possible.  Cette  grammaire  aura  les  caractères  des 
irrammaires  de  nos  langues  vivantes,  par  oppositioh  h  la  gram- 
maire latine  analytisnie,  suppression  des  genres,  emploi  dos 
articles,  réduction  des  flexions  au  minimum)  ;  elle  ressend>lera 
<lonc  surtout  à  la  plus  simple  et  à  la  plus  analytique  de  toutes. 
à  la  grammaire  anglaise,  yuant  au  vocabulaire,  là  où  les  mots 
latins  l'ont  défaut  ou  sont  trop  ambigus,  on  empl«>iera  des  mots 
composés  ou  des  mots  internationaux,  même  d'origine  non- 
latine  (ex.  :  cnfé,  boulevard,  bill.  budget,  jockey,  sport k  L'avantage 
(lu  vocabulaire  latin  est  (juc  le  sens  tles  mots  est  lixé  par  un 
long  usage  et  consigné  avec  soin  dans  les  dictionnaires. 

L'auteur  présente  la  Lingua  comme  une  t  esquisse  ».  et  la  sou- 
met au  jugement  de  la  future  Association  internationale,  dont 
le  premier  soin  devra  être,  selon  lui,  d'étudier  et  de  critiquer  les 
projets  déjà  existants. 

I.  L'niitoiir  rappelle  que  Max  MCi-ler  classait  ranglai»  parmi  les  langues) 
rumnaos,  nttemlu  (jue  les  trois  <|uarts  de  son  vocalmlaire  s«»nt  d'origine 
latine  (oa  nonilires  ronds  :  30  000  mots  sur  43  000). 


382  section  iii,  chapitre  xiii 

Grammaire. 

L'alphabet  se  compose  de  9  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u  (ou),  y  {aï), 
y'  (m),  œ  {eu),  aw  {aou)  *;  et  de  22  consonnes  simples  :  b,  c  {k), 
c'  {tch),  d,  f,  g  (dur),  h  (aspiré),  i  (y),  j  (jf  anglais),  j'  {j  français), 
k,  1,  m,  n,  p,  r,  s  (dur),  t,  v  {lo  anglais),  v'  {v  français),  x,  z  {dz), 
auxquelles  l'auteur  ajoute  les  consonnes  complexes  :  sh  (c/i  fran- 
çais), qu;  ch,  ph,  th  (/c,  p  et  t  aspirés)  ;  et  ps. 

La  prononciation  est  conforme  à  l'orthographe.  Toutefois,  les 
voyelles  a,  e,  i,  o,u  peuvent  être  brèves  ou  longues;  dans  ce  der- 
nier cas,  elles  portent  un  accent  aigu.  Dans  les  diphtongues  ae, 
oe,  au,  eu,  ei,  ui,  les  deux  voyelles  se  prononcent  séparément  ^. 

L'article  défini  est  le,  et  Varticle  indéfini  est  a(E.);  tous  deux 
invariables  en  genre,  en  nombre  et  en  cas. 

Les  substantifs  prennent  un  -s  au  pluriel  ;  ceux  qui  se  termi- 
nent déjà  pars  prennent  -es  :  dom,  doms  ;  gas,  gases. 

Les  substantifs  ne  se  déclinent  pas  :  les  cas  sont  remplacés 
par  les  prépositions. 

Le  genre  n'est  indiqué  qu'en  cas  de  nécessité,  par  les  préfixes 
(pronoms)  il-  (masc.)  et  la-  (fém.)  :  il-leon:  la-leon  =  lionne. 

Los  adjectifs  employés  comme  épithètes  sont  invariables.  Ils 
prennent  l's  du  pluriel  quand  ils  sont  pris  substantivement. 

Les  degrés  de  comparaison  sont  indiqués  par  les  suffixes  -ior 
(comparatif)  et  -issimo  (superlatif)  ajoutés  au  radical  (en  suppri- 
mant la  voyelle  finale,  s'il  y  a  lieu)  :  ou  bien  par  les  adverbes 
plus  et  veré  placés  devant  l'adjectif.  Ex.  :  pulchro,  pulchrior, 
pulchrissimo  ;  splendido,  plus-splendido,  veré-splendido.  18  adjec- 
tifs ont  des  degrés  de  comparaison  irréguliers  (ex.  :  bono, 
melior,  optimo). 

Les  nombres  cardinaux  sont  :  un,  1  :  du,  2  :  tré,  3  :  quat,  4  : 
quinc,  5;  sex,  6:  sept,  7;  oct,  8:  nov,  9;  dec,  10;  dec-un,  11  :  dec- 
du,  12;....:  du-decs,  20;  tré-decs,  30:...:  cent,  100:  mill,  1000; 
million. 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  cardinaux  par  l'adjonction 
de  -i  :  uni,  l*"";  dui,  2";  tréi,  3«. 

1.  iS'os  traductions  phonétiques  sont  npproximativos,  car  l'auteur  donne 
des  traductions  anglaises  qui  n'ont  d'équivalent  e.xact  dans  aucune  langue. 

2.  Ce  qui  n'est  guère  conforme,  pour  ae  et  oe,  à  la  prononciation  latine 
que  l'auteur  déclare  prendre  pour  modèle. 


IIENDERSON    :    LINGUA  363 

Los  adverbes  numéraux  se  forniont  en  ajoutant  aux  mots  pn^cé- 
(It'iils  la  <l«*siiuMur -e  (ilf's  ndvorhrs)  :  une,  une  fois:  dùé,  deurJoU; 
unie,  premiùreiueiil;  dùié,  denj-ihiiement. 

Les  nombres  dislribiiUfs  se  forment  au  moyen  do  l'adverbe  limol 
{à  la  fois]  ou  du  lunniMu  quisq  chcunte)  :  un-simal  ou  unquisq. 
un  à  un,  un  par  un:  du-simul  <ni  duquisq.  deux  n  deux. 

Les  pronoms  personnels,  iud«'ciiunl)Ie8,  sont  : 

Siug.  :  mé  11^"),  tu  i2').  il  (3"  u».),  la  (3"  f.).  id   1"  n/  ; 
IMur.  :  nos  (1"),  vos  (2').  ils  (.r). 

Le  pronom  réfléchi  do  la  3*  personne  est  86. 

Los  pronoms  possessifs  souf  : 

meo.  tuo.  so  (ni.i.  sa  il. i,  sum  lu.  : 
nostro.  vestro.  ses. 

Los  pntiioms  démonslratifs,  relatifs,  iiderrogalifs  et  iiuléfmùs  ont 
doux  foriuos,  l'une  pour  les  personnes  (m.  f.),  l'autre  pour  les 
rliosos  (u.).  Ils  sont  oiupruutôs  au  laliu. 

Los  verbes  ont  tous  la  uïOruo  conjugaison.  11  y  a  trois  temps, 
taracléris»^  par  les  suffixes  nnm  (présent),  tam  (pass«'«  .  qum 
ifiilur).  Chacun  d'oux  ost  do  plus  susroptihlo  do  trois  tpudités 
il  action  :  il  peut  élro  indéfuU,  imparfait  ou  parfait.  L'imparfait  ost 
caractérisé  par  le  suflixe  -i,  le  parfait  par  le  suflixe  -tri,  l'inilélini 
par  l'ahsoufo  i\o  suflixo.  Knlin  il  y  a  un  parfait  daction  continue, 
taraclérisé  par  la  réunion  ilos  doux  suflixos  ivi-i;  ce  qui  donne 
ou  tout  12  temps  k  l'indicatif.  Exemple  : 

,  Ind.  me  scrïh-nnm,  (f)  écris. 

Prt'srnt    }  luip.  —  scrihnum-i,  { je)  suis  écrivant. 

(  Parf.  —  scrib-num-ivi.  (/)  fliVrn/. 

(  Ind.  —  scrib-tum.  (/)  écrivis. 

Passé        }  Iinp.  —  scrib-tum-i.  {f\  étais  ccriraid. 

[  Parf.  —  scrib  tum-ivi.  if)  avais  écrit. 

L  lud.  —  scrib-qum.  (j'i  ôcrirnt. 

l'ulur       V  luip.  .—  scrib-qum-i.  (j>)  serai  (^cnoa/i/. 

f  Parf.  —  scrib-qum-ivi.  (f)  aurai  été  écrivant. 

Parfait     (  Présont  —  scrib  num-ivi-i.  (/)  ni  é/ê  éonVo/i/. 

d'action   s  Passé  —  scrib-tum-ivi-i.  (/)  arow  c/t' «'crufm/. 

conlinuo  (  Futur  -  scrib-qum-ivi-i,  (j")  flnrai' é/^  «rriwi/il. 

Los  autres  modes  sont  : 

l.'infutitif.  réduit  au  radical  vorhal  :  scrib  =  écrire,  il  peut 
être  employé  connno  snl>staulif  :  le  scrib  ^=  l'action  d'écrire. 


384  SECTION  III    :    CHAPITRE   XIII 

Vimpératif  est  rinfinitif  précédé  de  la  particule  hé  :  hé  scrib 
=:  écris  K 

Le  subjonctif  esl  remplacé,  soit  par  les  conjonctions  de  subordi- 
nation, soit  par  des  auxiliaires,  qui  sont  les  préfixes  suivants  : 

si-  (sens  problématique);  potes-  (possibilité);  neces-  (nécessité); 
vol-  (volonté);  mal-  (préférence);  debe-  (obligation);  fu-  (action 
transitoire);  es-lice-  (conditionnel). 

hes  participes  présent,  passé  et  futur  se  forment  au  moyen  des 
suffixes  -nu,  -tu,  -qu,  ajoutés  au  radical  :  scrih-nu,  écrivant;  scrib-tu, 
ayant  écrit;  scrib-qu,  allant  écrire. 

La  voix  passive  s'obtient  en  ajoutant  aux  formes  de  l'actif  le 
préfixe  es-  (radical  du  verbe  être). 

Ainsi  le  participe  passé  passif  est  :  es-scrib-tu  =  écrit. 

Les  verbes  réfléchis  ont  pour  régime  direct,  à  la  !''«  et  à  la 
2"  personne,  les  pronoms  de  ces  personnes;  et  à  la  3^  personne,  le 
pronom  réfléchi  se.  Ex.  :  il  fall-tum-i  se  =  il  se  trompait;  il  fall- 
tum-i  il  =  il  le  trompait. 

V interrogation  est  marquée,  soit  par  un  mot  interrogatif,  soit 
par  la  particule  qu  placée  en  tête  de  la  phrase  ^. 

Les  adverbes  de  qualité  dérivés  se  forment  au  moyen  de  la  dési- 
nence -e  (substituée  à  la  voyelle  finale  de  l'adjectif),  et  cela  à 
tous  les  degrés  de  comparaison.  Ex.  :  claré,  complété,  splendidé. 

Les  adverbes  de  manière  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -modo, 
ou  des  préfixes  in-  et  per-. 

Les  adverbes  de  lieu  et  de  direction  se  forment  au  moyen  des 
suffixes  -loc  et -via,  et  des  préfixes  ad-,  at-,  in-,  ex-.  Les  adverbes 
de  temps  se  forment  au  moyen  du  suffixe  tem  et  des  préfixes 
at-,  per-,  ex-.  Exemples  :  at-quo-loc,  où  {ubi)1  ad-quo-loc,  vers  où 
(g«o)?  ex-quo-loc,  d'où  (unde) ?  in-quo-via,  dans  quelle  direction"!  at- 
quo-tem,  quand  [à  quel  moment)'?  per-ille-tem,  pendant  ce  temps;  ex- 
eo-tem,  depuis  ce  temps. 

La  Lingua  emprunte  au  latin  tous  les  adverbes  simples,  et 
même  des  adverbes  de  lieu  et  de  temps  qui  font  double  emploi 
avec  les  précédents,  comme  hic,  hue,  inde,  unde. 

Elle  emprunte  aussi  au    latin   toutes  ses  prépositions,  sans 

1.  En  fait,  dans  les  e.xemples  citi-s  par  Tauteur,  rien  ne  distingue  l'iiii- 
pératif  de  l'indicatif  :  tu  mitt-num,  (jui  signifie  envoie,  signifie  aussi  : 
tu  envoies. 

2.  Les  signes  d'interrogation  et  d'e.xclamalion,  qui  traduisent  les  particules 
qu  et  hé,  se  placent  en  tête  de  la  phrase  (comme  en  espagnol). 


HlilNDERSO.N    :    LINGUA  385 

aucune  modilicntion,  en  leur  donnant  seulement  le  principal  des 
sons  ((u'cllos  ont  on  latin.  Kilo  leur  en  ajoute  quoI(|uos  autres 
onipruntôes  aux  langues  modernes  :  at  (E.),  à  (désignation  d'un 
lieu  ou  d'un  temps  précis);  malgré  (P.);  man,  avec  (indique 
rinslniinenl^;  o  (K.  of),  de  (remplace  le  génitif);  on  (E.),  sur;  n,  à, 
pour  (r«Muplace  le  datif). 

Enfin  elle  emprunte  au  lotin  toutes  ses  conjonctions  :  et.  ant. 
vel.  seu.  sed.  si.  ut,  ne.  nisi.  ergo.  nam.  enim.  dum.  postquam, 
antequam,  quum.  quando,  sin,  quin,  nedum.  etc. 

Le  que  qui  unit  une  proposition  subordonnée  h  la  proposition 
principiile  se  traduit  par  sic  (et  dans  l'écriture,  par  :  — )  :  il  dic- 
tum  sic.  il  vol  véni  num  =  il  a  dit  <iu'il  viendrait. 

La  syntaxe  est  imitée  des  langues  modernes,  surtout  de  l'an- 
glais. L'adjectif  simple  précède  en  général  le  substantif;  mais 
s'il  est  anftmpaifné  de  compléments,  il  le  suit.  Ex.  :  a  viro  potes- 
impera  nu  a  exercita  =  un  homme  capable  de  commander  une  armée. 

L'ordre  normal  dos  mots  dans  la  proposition  est  :  sujet, 
verbe,  régime  direct,  régime  indirect,  compléments,  (lot  ordre 
n'est  pas  absolument  iixe  :  on  peut  mettre  en  avant  le  mot  impor- 
tant, sur  lequel  on  veut  insister;  mais,  dans  tous  les  cas,  le  sujet 
(i(»il  prt''C('(i(M'  le  verbe,  et  le  régime  diivct  ne  doit  jamais  être 
placé  entre  le  sujet  et  le  verbe.  Cette  régie  inviolable  évite 
toutes  les  é(piivoques  qui  pourraient  naître  dt^s  inversions,  en 
l'ubsence  de  l'accusatif. 


I 


Vocabulaire. 


On  sait  que  la  plupart  des  radicaux  de  la  Limjua  sont  empruntés 
au  latin.  L'auteur  pose  en  principe  que  ces  radicaux  consene- 
ronl  toutes  les  nuances  de  sens  qu'ils  possèdent  dans  le  latin 
classicpie.  de  telle  sorte  qu'un  dictionnaire  latin  puisse  senir 
de  dictionnaire  Lingua.  De  même,  tout  mol  emprunté  à  une 
langue  moderne  gardera  le  sens  (pi'il  a  dans  cette  langue.  On  a 
vu  que  cette  règle  ne  s'applique  pas  aux  particules,  qui  ne 
gardent  que  leur  sens  principal,  afin  d'éviter  les  équivoques  et 
les  idiotismes  du  latfn.  Si  un  mot  latin  n'a  pas  un  sens  approprié 
aux  besoins  modernes,  on  le  remplacera  par  un  mot  d'une 
langue  vivante.  En  somme,  les  radicaux  de  la  Lingua  ne  sont  ni 
tous  les  radicaux  latins,  ni  seulement  des  radicaux  latins. 

os 
CocTUHAT  ot  Lbav.  —   langue  univ.  •*' 


386  SECTION   III,    CHAPITRE   XIII 

Voici  les  règles  suivant  lesquelles  on  détermine  la  forme  des 
radicaux  tirés  du  latin  : 

Pour  les  substantifs  et  adjectifs,  on  prend  le  génitif  pluriel 
(masculin),  et  l'on  supprime  la  désinence  -rum  (des  l'<',  2«  et 
5«  déclin.)  ou  -um  (des  3"  et  4"  déclinaisons).  On  obtient  ainsi  les 
substantifs  mensa:  domino,  puero;  voc,  reg,  patr,  mulier,  ped, 
leon,  virgin,  comit,  virtut,  corpor,  navi,  nubi,  denti,  urbi,  reti, 
animali,  gru:  gradu.  genu:  die;  et  les  adjectifs  :  bono,  tenero, 
nigro;  tristi,  felici:  pauper,  divit. 

Pour  les  verbes,  on  prend  la  1'"'^  pers.  sing.  de  l'indicatif  pré- 
sent, et  l'on  supprime  la  désinence  -o  (ou  -or  dans  les  déponents), 
en  la  remplaçant  par  -a  dans  la  1''^  conjugaison.  On  obtient  ainsi 
les  radicaux  :  ama,  mone,  reg,  indu,  faci,  audi:  vena,  vere,  ut,  fru, 
pati,  parti. 

Dans  les  cas,  assez  rares,  où  l'on  obtient,  après  réduction,  des 
radicaux  homonymes,  on  les  distingue  en  adoptant  le  nomi- 
natif, ou  en  modifiant  l'un  des  radicaux. 

Les  autres  mots  de  la  Lingua  seront  des  mots  scientifiques  ou 
techniques,  en  général  empruntés  au  latin  ou  au  grec.  On  les 
adoptera  sous  leur  forme  latine,  soit  intacts,  soit  réduits  à  leur 
radical  suivant  les  règles  précédentes. 

Enfin  la  Lingua  adoptera  les  mots  internationaux  issus  des 
langues  modernes,  en  les  transcrivant  phonétiquement.  Elle 
empruntera  de  préférence  à  l'anglais  les  termes  de  navigation, 
de  commerce  et  de  banque;  à  l'allemand  (et  au  grec)  les  termes 
de  philosophie;  à  l'italien  les  termes  de  beaux-arts:  et  au  fran- 
çais les  termes  de  cuisine,  de  poids  et  mesures,  d'articles  de 
luxe,  d'étiquette  et  de  la  vie  sociale.  Exemples  de  mots  techniques 
ou  modernes  :  bank,  compani,  cheq,  tax,  import,  débit,  crédit, 
capital,  interest,  profit,  excénj  {exchange);  chemi,  telegraph.  tele- 
phon,  photograph,  microscop  :  pictur,  paletto,  sonata,  tenore  ; 
mesiur,  dame,  mamsell,  compliment,  invitation. 

Les  noms  géographiques  seront  transcrits  i)honétiquement 
suivant  leur  prononciation  nationale  :  Frâns,  Byern  (Bavière), 
Firenze  (Florence),  Marséi  (Marseille)K 

L'auteur  ne  traite  pas  expressément  de  la  dérivation  ;  il  donne 
en  passant  les  mots  telephonist,  photographist,  chemist. 


l.  Nous  avons  profité  de  quelques  corrections  ajoutées  par  raulcur  lui- 
même  à  son  livre. 


HENDERSON   :   LINGUA  387 

Il  in(ii<|iic  la  n'^glc  i\o  formation  dosmo/x  composés,  qui  ont  pour 
lui  !'avaiiliij?o  <lr  so  ((«''finir  pnx-nj«'*nios  (xelf-dfjlnintf.  l.r  mot 
«Irtcniiiriaiit.  doit  |>n>r«>(i(M'  !<>  (ItMrnniii*',  cnnimc  <>ii  ullrmnnti  o{ 
on  anglais.  Kx.  :  ferro-strata  via  (»u  ferro-via,  chemin  ih  jer.  La 
lAïujim  m*  doit  imiter  cxrlusivcmrnl  ni  le  systi'mo  syntlwMiquc 
4l<>  composition  à  ontranct*  de  rallemand.  ni  \o  système  lanaly- 
tiquc)  <le  locutions  form«Vs  par  des  propositions,  comme  en 
français:  elle  devra  les  employer  tous  les  detjx,  suivant  les  cas. 
comme  en  ancflais'.  L'auteur  remaripie  que  les  prépositions 
évitent  parfois  l'équivoque  de  certains  mots  conqiosés  :  ainsi 
jire-eiujine  (machine  ù  feu)  peut  signilier  une  machine  mue  par  h- feu 
('macllina  per  igni)  ou  un  engin  contre  V incendie  (machina  contra 
incendio). 

N'oici  qu«>lqiies  éclianlillons  de  l.inijua  : 

Non  tu  mitt  num  le  es-impera-tu  mercs  ante  proximo  hebdomad 
{nexfn'die:  pus  les  marchnndises  eitniiunndées  nrant  ht  seinnine  itn>- 
chaine).  —  Mesiur.  me  recipi-tum  tuo  epistola  hic  mane  gratissimé. 
et  me  propera  num  mitt  meo  gratias  u  tu  ob  tuo  accepto  imperios... 
Id  es  num  verisimili  sic.  le  mercs  adveni-qum  in  Berlin  circa  le 
fini  0  le  proximo  hebdomad,  quia  ils  es  mitt  qum  per  express  transfer. 
Me  mitt-num  le  pretio-nota  cum  hic  epistola,  non  cum  le  mercs. 


Critique. 

On  ne  peut  qu'approuver  les  principes  généraux  sur  lesquels 
M.  Henderson  propose  d'établir  le  vocabulaire  de  la  L.  L;  tout 
au  plus  peut-on  «liscuter  la  part  presque  exclusive  qu'il  y  lait  au 
latin,  et  regretter  «pi'il  ne  l'ait  pas  plus  explicitement  justifiée 
au  nom  du  principe  de  rinternationalité. 

Mais  c'est  surtout  dans  rappli<*ation  de  ses  |uincip««s  «pie  la 
l.imjua  prête  à  la  crifi«pie.  Kt  d'al)«)r«l.  son  alpliahel  est  trop 
<  <>nq)lexe  et  trop  peu  international;  sa  prononciation  (ilans  les 
v«>yelles  surtout)  se  ressent  trop  de  son  origine  anglaise.  La 
r«">gle  suivant  laqui'lle  les  mots  nationaux  ilevront  être  irpr»»- 
«luits  «lans  leur  phonélisme  phd«.\t  «]ue  dans  leur  graphisme  est 
IVioIieus«v  attendu  que  le  graphisme  est  plus  international  «pie 

I.  K.vciiiplt»  :  là  où  l'alItMunnd  dit.  en  an  soûl  mot  :  Thier-achuli-verrin, 
rniig:ljus  dit  (l'uiniiic  le  frnn«;nis)  •  Society  for  Ihe  l'rotection  of  Animah. 


388  SECTION   III,    CHAPITRE   XIII 

le  phonétisme,  et  que  celui-ci  les  dénature  souvent  (en  particulier 
en  anglais). 

La  tendance  analytique  de  la  grammaire  est  louable;  mais 
elle  n'est  qu'imparfaitement  observée,  dans  les  degrés  de  com- 
paraison, par  exemple,  et  surtout  dans  la  conjugaison,  qui  est 
la  partie  la  plus  défectueuse  du  système.  Ici,  l'auteur  a  dépassé 
le  but,  et,  par  excès  d'analytisme,  il  est  retombé  dans  les  pro- 
cédés de  langues  agglutinatives.  On  aboutit  à  des  formes  ver 
baies  longues  et  encombrantes,  aussi  peu  claires  pour  l'esprit 
que  ])aroques  à  l'uni  et  à  l'oreille.  Exemples  :  nos  neces-faci-num 
quod  nostro  parents  impera-num  =  il  nous  faut  faire  ce  que  nos 
parents  nous  commandent;  potes-es-para-num  =  peut  être  préparé: 
Roma  neces-es-relinqu-num  =  il  faut  quitter  Rome.  Ces  formes  ver- 
bales si  différentes  de  celles  auxquelles  les  langues  européennes 
modernes  nous  ont  habitués,  avec  leurs  désinences  à  peu  près 
arbitraires  ',  suffisent  à  donner  à  cette  langue  un  aspect  bar- 
bare, et  à  la  rendre  impraticable.  Elles  sont  d'autant  plus  cho- 
quantes, qu'elles  contrastent  vivement  avec  les  formes  latines  \ 
auxquelles  elles  sont  juxtaposées  "^.  Ajoutons  que;  même  en 
théorie,  la  conjugaison  est  trop  compliquée  :  la  distinction  des 
qualités  du  verbe  est  inutile  (c'est  un  idiotisme  anglais,  et  la 
preuve  en  est  qu'elle  est  intraduisible  dans  les  autres  langues); 
et  les  nuances  de  sens  que  ces  qualités  traduisent  seraient  mieux 
exprimées,  en  cas  de  besoin,  par  des  auxiliaires  ^. 

Dans  la  formation  des  mots,  il  y  a  une  grave  lacune  :  l'auteur 
ne  donne  pas  de  règles  générales  ni  d'affixes  de  dérivation.  Il 
semble  admettre  tels  quels  les  dérivés  (irréguliers)  des  langues 
vivantes  :  actris,  archiepiscopo,  artist,  artistic,  capitalist,  dévotion, 
European,  Fransé,  juventut,  national!,  naturali,  nobilitat,  politi 
clan,  regina  (de  reg),  scientifico,  etc.  Dans  d'autres  cas,  il  forme 
régulièrement  des  mots  dérivés  ou  composés  :  contiona  =  prê- 
cher, contionation  =  sermon  ;  aegro  =  malade,  aegrota  =  être 
malade,  xgTOia.tion  =  maladie  :  panifici  =  boulangerie;  corio  =  cuir. 

1.  Car  pourquoi  tum  signiflernit-il  le  passé,  et  quum  lo  futur,  ces  deux 
particules  latines  étant  corrélatives,  et  signifiant  alors  que'! 

2.  Si  l'auteur  voulait  conserver  à  sa  langue  le  caractère  néo-latin,  il 
n'avait  (|u'ii  adopter  des  formes  analogues  à  celles  de  l'Idiom  neutral  : 
scribav,  scribero,  av  scribed,  etc. 

3.  Par  exemple,  les  «  imparfaits  »  et  les  «  parfaits  »  peuvent  se  rendre  au 
moyen  du  verbe  cire  et  des  particijjes  présent  ou  passé,  comme  en  Espé- 
ranto :  mi  estas  (estis,  estes)  skribanta  (skribinta). 


I 


HENDEnSON   :    LATINE8CB  389 

coriario  =^  corio  fabrica  ^^  tannerie.  Ailleurs,  il  smililr  iiti  con- 
Iraiio  ne  se  soiiricr  nnllctniMit  de  la  <lrrivali<ni  :  nnb  =  se 
marier,  conjugio  =  mariatje:  accurato  --  précis,  presision:  equit 
chevalier,  shivalri  =  chevalerie.  Soniinc  tout»',  vu  (>iu|ii'untaut 
'  es  mots  loiit  faits  nu  latin  (ou  aux  langues  vivantes),  la  Linyua 
M'  fomiaiinie  à  la  siérililr  des  langues  nuu-les,  et  en  outre  h 
I  irréffularité  de  toutes  les  langues  naturelles. 

En  général,  le  vocabulaii'e  inan(|ue  d'homogénéité  :  à  crtté  de 
gossypium  =:  co/o/i,  on  trouve  les  mois  mushvor  —  »io«r/ioir.  hat 
rhapean,  gun  =  canon,  hôtel,  cann,  montr,  keller  (L>.)  =  rtive. 
shampyn  ^=  Champagne,  etc.,  dont  la  modernité  contraste  désa- 
gréaMenient  avec,  la  latinité  elassif|ue  de  la  plupart  des  mots, 
l/auteur  n"n  même  pas  évité  les  homonymes,  comme  dam-  tiame 
•  t  damm  i  D.)  =  digue. 

En  résumé,  la  Lintjaa  est  nu>ins  un  projet  complet  et  vialde 
(|u'tuu^  éltauehe  contenant  des  suggestions  intéressantes.  Il  con- 
vient de  rappeler,  du  reste,  que  l'auteur  ne  la  présente  que 
romme  un  simple  essai;- et  il  faut  surtout  lui  faire  un  mérite 
(lavoir  appelé  île  ses  vœux  la  formation  d'une  conMuissi«»n 
internationale  qui  aurait  le  dernier  mot  dans  le  choix  de  la 
future  langue  internationale. 

Du  reste,  on  doit  lui  rendre  celt««  justice,  qu'il  a  fait  prouvée 
l'égard  de  son  projet  d'iui  détachement  complet,  car  il  en  a  éln- 
l)oré  ou  proposé  d'autres,  notamment  V .\nglo-Franca  (publié  en 
18S9  sous  le  pseuilonyme  de  P.  Hui.Nix),  (|ue  nous  étudierons 
dans  le  Chapitre  suivant. 


LAtlNESCE 

Toutefois.  M.  Henderson  n'a  pas  renoncé  à  l'idée  d'une  «  langue 
;iilifici(»lle  néo-latine  »,  qui  lui  paraît  toujours  être  In  meilleui-e 
--"•lution.  parce  qu'il  croit,  pour  des  raisons  d'harmonie  et 
(riiomogénéilé,  que  le  vocabulaire  doit  être  emprunté  à  une 
seule  langue  naturelle.  Il  y  voit  en  outre  cet  avantage,  que  le 
dictionnaire  de  la  langue  internationale  serait  ainsi  tout  prêt. 
1'  qui  dispenserait  du  travail  énorme  qui  consiste  à  choisir  des 
mots  et  à  fixer  ensuite  leur  sens.  C'est  pourquoi,  reconnaissant 
les  tléfauts  de  sa  Lingua,  il  lui  a  substitué  un  auti^e  projet,  inspirt* 
des  mêmes  idées,  le  Latinesce.  Il  l'a  conçu  dés  1890,  mais  il  n'en 


390  SECTION   III,    CHAPITRE   XIII 

a  publié  que  récemment  une  esquisse  sommaire  *,  f[ue  nous 
allons  analyser. 

Grammaire. 

La  prononciation  serait  la  prononciation  italienne,  parce  que 
celle-ci  est  «  harmonieuse  et  claire  ».  Seul,  l'-e  final  serait  mi- 
muet  (comme  en  français  dans  le  chant  et  la  déclamation). 

La  grammaire  se  réduit  à  sept  flexions  : 

-s  pour  marquer  le  pluriel  des  substantifs.  Les  adjectifs  seraient 
invariables. 

-iore  pour  marquer  le  comparatif,  et 

-issime  pour  marquer  le  superlatif  des  adjectifs  et  des 
adverbes  ^. 

-re  pour  l'infinitif  présent  des  verbes,  qui  servirait  aussi  de 
futur  et  de  conditionnel  présent.  Ex.  :  amare,  monere,  regere, 
audire.  L'indicatif  présent  et  l'impératif  seraient  obtenus  en  sup- 
l)rimant  cette  désinence  :  ama,  mone,  rege,  audi. 

-te  (substitué  à  -re)  marque  le  passé  et  le  participe  passé 
passif  :  amate,  monite,  recte  ^,  audite.  Le  participe  passé  passif 
sert  à  composer  les  temps  secondaires  de  l'actif,  avec  l'auxi- 
liaire habere  (avoir),  et  tous  les  temps  du  passif  avec  l'auxiliaire 
essere  (être). 

-nte  marque  le  participe  présent  actif  :  amante,  monente. 
régente,  audiente. 

-é  ou  -ee  marque  les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  :  claré  =r 
clairement. 

Syntaxe.  L'ordre  des  mots  suivrait  les  mêmes  règles  qu'en 
anglais  :  l'adjectif  avant  le  substantif,  l'adverbe  avant  l'adjectif 
qu'il  modifie. 

Dans  les  propositions  indicatives,  l'ordre  est  :  sujet,  verl)e. 
régime  direct,  régime  indirect. 

Dans  les  temps  composés,  les  adverbes  s'intercalent  entre 
l'auxiliaire  et  le  participe. 

1.  Article  en  Latinesce,  intitulé  :  Latinised  Engllsli  Ihe  best  •<  Linr/un 
Franca  »,  dans  le  journal  The  Référée  (London,  janvior  1001),  roprodiiil 
dans  la  brochure  :  Tlie  Linqua  Franca  of  the  Future  (mai  1902).  Exposi' 
llu'oriijue  dans  The  lAngua  Franca  of  Ihe  Future,  n"  1  (mars  1003). 

2.  L'auteur  admet  des  formes  exceptionnelles  en  -lime,  -rime. 

3.  En  réalité,  cette  forme  est  le  supin  latin,  où  l'on  a  clianpé  la  finale 
-um  en  -e.  Elle  aurait  donc  toutes  les  irrégularités  du  supin  latin. 


HENUERSON   :    LATINESCE  391 

Dans  les  propusitiniis  iiilcrro^^ntivos,  lo  sujet  se  place  apr^s 
le  vcrix'.  Kxemple  :  Habe  me  satis  claré  explicate  iste  méthode  7 


Vocabulaire. 

<  I.  Tous  les  mots  dt^jà  internationalement  connus  sont 
•Mjiploy«^8  de  prt'férencc  aux  mots  tirés  du  latin.  Ces  mots  com- 
prtMUKMiJ  : 

»  1"  Toute  la  terminologie  scientifique  gréco-latine  qui  a  été 
«lalion^o  (huis  les  temps  modernes  ;  comme  :  électricité,  téléyraphe. 
Ii'li'ithone,  pholo(jraphe,  ijéuloijie,  pliysiolofjiste,  etc. 

»  2*»  Tous  les  mots  qui  sont  liovenus  internationaux  en  vertu 
(Ic'i  relations commercinles  ou  sociales  entre  les  nations;  comme 
Ihêùlre,  bal,  concert,  soiint»'.  pûino.  eluir-ohsnir,  opéra,  fuilel.  retlan- 
mut,  chèque,  banque,  cic. 

»  11.  Tous  lesaulrcs  moisson!  «Miiprunlés  direclenjenl  au  laliu. 
de  sorte  que  le  dictionnaire  latiu.  joint  à  la  liste  des  niols  inter- 
nationaux autorisés,  constitue  tout  le  vocabulaire  »  du  Latinesce. 

On  (Muploie  i  pour  Varticle  défini,  et  nne  pour  Varticle  indéfini 
(^invariable). 

Les  radicaux  des  substantifs  et  des  adjectifs  prennent  pour 
llnalo  le  ini-muet  au  lieu  de  leur  voyelle  finale.  Les  autres  radi- 
caux cl  les  mots  invariables  sont  admis  sans  modification. 

\'oici  la  traduction  du  Pater  en  Latinesce  : 

Nostre  Paire  qui  esse  in  cœle.  sanctificate  esse  tue  nomine:  veni 
tue  règne:  facte  esse  tue  voluntate.  ut  in  cœle,  ita  in  terre.  Da  ad 
nos  hodie  nostre  quotidiane  pane  :  et  remitte  ad  nos  nostre  débites, 
sicut  et  nos  remitte  ad  nostre  debitores  :  induce  nos  non  in  tenta- 
tione,  sed  libéra  nos  ab  maie. 


Critiqi-e. 

Le  Latinesce  n'est,  jusqu'ici  du  moins,  (ju'un  simple  projet 
théorique.  Tel  quel,  il  est  fort  supérieur  au  Limjua  par  sa  simpli- 
cité et  son  esprit  pratique.  La  grammaire  est  même  trop  simple  : 
elle  ne  permet  pas  île  distinguer  l'iulinitif.  le  futur  et  le  condi- 
tionnel, ni  l'indicatif  présent  et  l'impératif,  ce  qui  est  une  source 
d'équivoques.  On  peut  en  dire  autant  de  la  confusion  du  parfait 


392  SECTION   III,    CHAPITRE   XIII 

avec  le  participe  passé,  malgré  l'exemple  de  l'anglais,  qui  confir- 
merait plutôt  notre  critique.  Toutefois  il  ne  faut  pas  se  faire 
illusion  sur  cette  simplicité  apparente  ;  elle  cache  des  difficultés 
très  réelles,  car  elle  n'exclut  l'irrégularité,  ni  de  la  formation  du 
comparatif  et  du  superlatif,  ni  surtout  de  la  conjugaison,  où 
chaque  verbe  aurait,  en  somme,  deux  radicaux  :  celui  de  l'infi- 
nitif et  celui  du  supin.  On  pourra  répondre  que  les  deux  radi- 
caux sont  indiqués  dans  le  dictionnaire  latin.  N'importe  :  il  fau- 
drait toujours  les  apprendre  par  cœur,  si  irréguliers  qu'ils 
fussent  ',  au  lieu  de  pouvoir  tirer  mécaniquement  du  radical 
verbal  le  parfait  et  le  participe  passé.  Même  le  participe  présent 
ne  dérive  pas  régulièrement  de  Tinfînitif  (audire,  audiente)  ^.  En 
somme,  cette  grammaire  serait  assurément  très  facile  pour  ceux 
qui  savent  le  latin,  mais  pour  les  autres  elle  serait  plus  difficile 
qu'une  grammaire  un  peu  moins  simple,  mais  absolument  régu- 
lière. 

D'autre  part,  l'adoption  du  vocabulaire  latin  tel  quel,  avec 
toutes  les  irrégularités  de  la  dérivation  (tant  pour  la,  forme  que 
pour  le  sens  des  mots),  aurait  de  graves  inconvénients,  que  ne 
compensent  pas  ses  avantages  pratiques.  Pour  ceux  qui  ne  savent 
pas  déjà  le  latin  (et  c'est  à  ceux-là  surtout  que  la  L.  I.  est  des- 
tinée), ce  serait  en  réalité  une  nouvelle  langue  à  apprendre  (sur- 
tout pour  les  peuples  non  romans),  alors  que  la  régularité  des 
dérivations  permet  de  réduire  considérablement  (des  neuf 
dixièmes  peut-être)  le  nombre  des  mots  à  apprendre  ^. 

Enfin,  l'adoption  de  l'-e  mi-muet  comme  finale  des  substantifs 
et  des  adjectifs  est  fâcheuse,  car  elle  engendrerait  une  mono- 
tonie insupportable.  D'ailleurs,  cette  lettre  risquerait  fort  d'être 
prononcée  différemment  par  chaque  peuple  (les  Français  ne  la 
prononceraient  pas),  ce  qui  n'arriverait  pas  avec  des  finales 
sonores.  Celles-ci  (par  exemple  a  et  o)  auraient  en  outre  l'avantage 
de  distinguer,  soit  les  deux  genres  (comme  M.  Henderson  le  pro- 
pose subsidiairement),  soit  les  adjectifs  et  les  substantifs,  comme 
en  Espéranto. 

1.  Voir  les  exemples  cités  dans  le  Chapitre  final  :  Les  lanqves  mortes. 

2.  Cf.  les  discussions  du  Linguist  sur  ce  sujet  (chap.  XXIIl). 

3.  Cela  est  si  nécessaire  que  même  des  partisans  du  latin  (M.  Regnaud) 
proposent  d'uniformiser  les  afflxes  de  dérivation  (voirie  Chapitre  final  :  Les 
langues  mortes). 


CIIAPITHE   XIV 

I'.  llolMX:  AS'GLO-FRANCA^ 

LWnglo-Franco,  dont  l'auteur,  caché  sous  le  pseudonyme  de 
I*.  HoiNix  (Ph(iMiix)  est  M.  George  J.  Henderson,  est,  suivani  le 
sous-titre  de  l'opuscule,  «  un  compromis-langue  english-fran- 
rais  ».  I/auteur  est  toujours  aussi  hostile  au  VoUipûk,  cette  langue 
forgée  de  toutes  pi('»ccs  qui,  sous  prétexte  d'être  universelle  ci 
neutre,  est  également  difficile  pour  tous  les  peuples  de  la  terre. 
11  préconise  au  contraire  une  langue  mixte  ou  de  compromis, 
qui  imite,  avec  plus  de  régularité,  les  sabirs  nés  en  divers  pays 
(lune  formation  naturelle  et  spontanée.  L'anglais  lui-même 
n'est-il  pas  une  langue  composite,  un  «  jargon  »  (sic)  franco-ger- 
mani(|ne  formé  {\  la  suite  de  la  conquête  de  l'Angleterre  par  les 
Normands? 

Pour  hase  de  sa  langue  mixte,  l'auteur  choisit  le  français  et 
l'anglais,  parce  que  ce  sont,  selon  lui,  les  deux  langues  les  plus 
internationales  (malgré  la  supériorité  numéricpie  de  l'allemand 
sur  le  français).  11  remarque  que,  l'anglais  misa  part,  les  langues 
romanes  sont  aux  langues  germaniipies  dans  le  rapport  de  3  à  2: 
et  comme  les  deux  tiers  du  vocahulaire  anglais  sont  d'origine 
latine,  il  fait  encore  pencher  la  balance  du  côté  des  langues 
romanes.  La  langue  internationale  doit  donc  être  en  grande 
partie,  sinon  entièrement,  néo-latine.  D'ailleurs,  l'allemand  lui- 
même  es|  pleki  de  radicaux  latins,  de  sorte  que  les  Allemands 
connaîtront  d'avance  une  bonne  part  du  vocabulaire,  tandis 
<Iu'on  diminuerait  l'internationalité  de  celui-ci  en  y  introduisant 
des  radicaux  germaniques  inconnus  des  autres  peuples. 

i.  Anglo-Fi-anca,  an  nouvtau  plan  for  Ihe  facilHation  of  inlemationat 
communication,  hy  P.  Hoinix,  48  p.  in-12  (London,  Trubner,  1889). 


394  SECTION   III,    CHAPITRE   XIV 

VAngloFranca  serait  donc  une  langue  plus  facile  que  l'an- 
glais pour  les  Français,  plus  facile  que  le  français  pour  les 
Anglais,  et  plus  facile  que  les  deux  langues  pour  tous  les  autres 
peuples.  Et  s'il  était  adopté  d'abord  par  les  Français  et  les  peu- 
ples de  langue  anglaise,  il  s'imposerait  bientôt  au  reste  du  monde. 
En  tout  cas,  tandis  que  celui  qui  apprend  le  Volapûk  perd  sa 
peine  si  cet  idiome  n'est  pas  universellement  adopté,  celui  qui 
apprendra  VAnglo-Franca  n'aura  pas  travaillé  en  vain,  car  il  aura 
toujours  appris  du  français  et  de  l'anglais.  L'auteur  insiste  d'ail- 
leurs sur  la  nécessité  d'une  Académie  ou  d'un  Congrès  interna- 
tional pour  décider  de  l'adoption  d'une  langue  internationale 
quelconque,  et  approuve  l'initiative  prise  en  ce  sens  par  ÏAine- 
rican  Philosophical  Society  en  1888  (malheureusement  sans  succès)  '. 

Voici  comment  l'auteur  résume  la  méthode  de  VAnglo-Franca  : 

I.  La  grammaire  est  la  grammaire  anglaise,  mais  simplifiée  et 
régularisée  :  parce  que  :  1°  la  grammaire  anglaise  est  un  compro- 
mis entre  les  systèmes  grammaticaux  du  français  et  de  l'alle- 
mand; 2"  elle  est  la  plus  moderne  et  la  plus  analytique;  3o  elle 
est  la  plus  univ^erselle  et  la  plus  souple. 

II.  Le  vocabulaire  est  le  vocabulaire  français,  à  l'exception  de 
130  mots  empruntés  à  l'anglais;  parce  que  :  1°  le  vocabulaire 
français  est  le  plus  universellement  connu,  et  celui  dont  les  élé- 
ments ont  le  plus  pénétré  dans  les  autres  langues;  2'^  la  restric- 
tion de  la  base  lexicologique  à  deux  langues  offre  des  avantages 
de  simplicité. 

Gr.\mmaire. 

L'alphabet  est  celui  du  français,  ou  plutôt  de  l'anglais  (avec  w 
=  ou).  La  voyelle  u  se  prononce  ou;  Vu  français  est  figuré  par  ù; 
l'y  a  deux  sons  (i  comme  en  F.,  aï  comme  en  E.).  Les  diphtongues 
ai,  ei,  eu,  ou,  ont  le  son  simple  qu'elles  ont  en  français;  quand 
on  veut  leur  donner  un  son  composé,  on  écrit  aï,  eï.  Le  c  et  le  g 
ont  deux  sons  :  1°  dur  devant  a,  o,  u;  doux  {ts,  dj,  comme  en  E.) 
devant  e,  i.  Le  x  final  a  le  son  de  s.  Le  ch  a  le  son  du  ch  anglais 
{Ich),  et  çh  celui  du  ch  français.  Le  th  se  prononce  simplement 
comme  t.  Il  n'y  a  pas  de  voyelles  nasales  comme  en  français  [an, 
en,  in,  on,  un). 

1.  Voir  le  Chapitre  X. 


I>.   HOIMX   :   ANGLO-FRANCA  393 

1,'nccenl  so  |)Iaco  toujours  sur  In  dernière  sylInlM*.  ou  sur 
l'avnnl-(l<'riii«'iT,  si  la  «Icrnirro  osl  uu  e  nnu-l. 

L'article  défini  est  the,  Varlicle  indéjini  an,  tous  dt-ux  iiivanitliN-s. 

I,os  sithslantifs  loriurnl  leur  pluri<'l  nv«*c  uu  s,  ou  a\cc  es  s'ils 
se  tonuiuout  par  une  siri1aul«>  ou  chuintante  (t,  s,  x,  sh,  ch,  çh. 
]].  Ils  ne  subissent  pas  d'autre  variation. 

Les  ndjeclifs  sont  invariables.  I.eurs  deprés  de  sipniliration  sont 
niar(]u«''s  par  les  adverbes  more  comparatif)  el  most  (superlatifi 
plact^s  devant.  Les  adjectifs  servent  en  nuMue  tenip^  d"a<h»'rb<»<. 
de  ((ualité  ou  de  nuinièrc  (conime  en  D.). 

Les  noms  de  nombre  sont,  par  exception,  empruntés  au  latin. 
La  numération  est  réfjidarisée.  Les  nond)res  (*ardinau\  sont  : 
Un,  du,  tre,  quat,  quinc,  sez,  sept,  oct,  novem,  dec;  dec-un,  il; 
dec-du,  12:,..  du  decs,  JO:  du-decs-nn,  21;...  tre-decs,  30;...  cent, 
loi);...  mil,  1000...;  million. 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  -ieme  aux  nombres 
cardinaux  :  unième  ou  premier  .  duieme  (ou  second,  treieme.  etc. 

Le»  nombres  fr<iclioni\nires  se  forment  en  ajoutaid  part  aux 
nombres  cardinaux  :  dupart=  1/3;  trep«ri  =  1/3  ;  da  trepart  —  2  :<. 

Les  nomlires  distributifs  s'expriment  comme  suit  :  un  at  un  fois, 
ou  :  un  each. 

Les  pronoms  personnels  (invariables)  sont  :  me,  tu,  he  (i/i,  she 
(elle^^,  it  (i7.  neiitreV.  we  (nous),  you  (vous),  they  {ils,  elles  .  Le  vous 
de  politesse  est  you. 

Les  pronoms  réfléchis  se  fonuent  en  ajoutant  self  aux  pronoms 
peis(mnels  selfs  au  pluriel). 

Les  proniims  {inssessifs  se  forment  en  ajoutant  's  aux  pronoms 
personnels  :  me's,  mon:  we*8,  notre;  yon's,  voire,  etc. 

Les  pronoms  démonslndifs  sont  : 

this.  celui-ci,  pi.  :  thèse; 
that,  celui-là,  pi.  :  those'. 

Les  j)ronoms  relatifs  sont  : 
who  (pour  les  personnes),  which  ipour  les  choses),  qui; 
whoever  —  ,  whichever    —    .  qui  que  ce  soit  qui. 

Les  pronoms  inlermiinlifs  sont  le<  |uotioiu»^  relatifs.  »'t  en  oiifro  • 
what,  whatever. 

Les  pronoms  indéfinis  sont  vi\  irénéral  empruntés  à  rangluis. 
exci^pté  :  nilir/fvii;  no  un.  no  personne  numn.  personne'*:  every  on. 

I.  N.  li.  :  tliat  ne  sera  pas  employé  comme  rclatiT. 


396  SECTION   III,    CHAPITRE    XIV 

every  personne  (chacun);  every  chose  [toul):  some  personne  [quel' 
qu'un);  some  chose  {quelque  chose). 

Les  verbes  se  conjuguent  tous  de  la  même  manière,  au  moyen 
des  trois  auxiliaires  hâve  {avoir),  be  {être),  will  et  would.  Tous  les 
autres  auxiliaires  anglais  sont  supprimés,  et  remplacés  par  des 
verbes  d'origine  française  (dev,  pouv,  etc.). 

Le  verbe  ne  varie  pas  en  nombre  et  en  personne  K  Voici 
comme  paradigme  la  conjugaison  du  verbe  to  form  [former), 
dont  le  participe  passif  est  formed  (formé)  : 

Infinitif.  Participe. 

Présent  :  to  form.  forming. 

Passé  :     to  hâve  formed.  having  formed. 

Futur  :     to  hâve  to  form.  having  to  form-. 

Indicatif-subjonctif 
Présent  :  (me)  form.  Parfait  :  (me)  hâve  formed. 

Passé  .•      (me)  formed.        Plus-que-parfait  :  (me)  had  formed. 
Futur  :      (me)  will  form.    Futur  antérieur  :   (me)  will  hâve  formed. 

Conditionnel. 
Présent  :  (me)  would  form.    Passé  :  (me)  would  hâve  formed. 

On  remarquera  que  les  temps  antérieurs  (composés)  sont 
formés  des  temps  simples  de  l'auxiliaire  to  hâve  (avoir)  suivi  du 
participe  passif  formed. 

V impératif  est  semblable  à  l'infinitif,  à  la  2°  pers.  sing.  :  form, 
forme:  aux  autres  personnes,  il  se  forme  au  moyen  de  l'auxiliaire 
let  suivi  du  pronom  et  de  l'infinitif  :  let  v/e  form, /on»ons  ;  let 
you  form,  formez. 

La  voix  passive  se  forme  en  ajoutant  aux  temps  et  modes  du 
verbe  to  be  ^  le  participe  passif  formed  :  to  be  formed,  être  formé. 

Les  verbes  réfléchis  se  forment  au  moyen  des  pronoms  réfléchis 
meself....  weselfs....  Ex.  :  Assey  youseli  =  Asseyez-vous. 

La  syntaxe  est  très  simple  et  très  libre.  L'adjectif  simple   se 

i.  L'auteur  invoque  à  ce  propos  Tcxomple  de  l'anglais  classique  :  on 
trouve  I  be,  you  be,  we  be,  they  be,  I  were,  he  bave,  dans  Shakespeare 
et  Milton. 

2.  Nous  omettons  les  infinitifs  et  participes  d'action  continue,  qui  sont 
formés  en  ajoutant  aux  infinitifs  et  participes  simples  de  l'auxiliaire  to  be 
(être)  le  participe  présent  forming. 

3.  me  be  me  bave  been 
me  were  me  had  been 

me  will  be  me  will  bave  been 


I 


V.   HOINIX    :   ANGLO-FRANCA  397 

met  avant  son  substantiT;  mais,  s'il  est  accompagné  de  comph^- 
iiuMils,  il  s»'  inrl  aprôs. 

I/ordrc  iionual  do  la  phrase  ost  le  même  qu'en  anglais.  Mais  il 
n'y  n  qu'une  seule  i^gle  absolue  :  Le  régime  direct  ne  doit  Jamais  être 
riilrr  If  sujet  et  le  verbe  {conlrmvcmoiiï  à  l'usagr  français  pour  les 
l>roin»ms!.  Cette  rt*gle  est  nécessaire  pour  éviter  toute  équivoque 
•  Il  l'altstMiti'  (le  l'accusatir. 


Vocabulaire. 

Le  vocabulaire,  comme  ou  sait,  est  cntit^rement  français,  à 
l'exception  de  130  mots  anglais  (dont  l'auteur  donne  la  liste), 
qui  sont  toutes  les  parlicules  :  articles,  pronoms,  adverbes 
simples,  prépositions  et  conjonctions.  On  en  a  déjù  vu  cpielques- 
uns. 

Les  mots  empruntés  au  français  sont  donc  les  sut}stanli/s,  les 
ittljectifs  et  les  verttes  (sauf  les  verbes  auxiliaires,  qu'on  a  vus  plus 
haut). 

Les  subslunlifs  et  adjectifs  sont  pris  sous  la  form»-  qu'ils  ouf  an 
singulier  et  au  masculin. 

Le  radical  des  verbes  s'obtient  en  supprimant  au  participe 
présent  français  la  terminaison  -<i/i/.  Cela  revient  à  supprimer  à 
l'infinitif  la  terminaison  -er,  -ir,  oir,  ou  -re,  mais  dans  les  verbes 
réguliers  seulement.  Pour  les  verbes  irréguliers,  on  doit  suivre 
la  l"^^  régie,  et  non  la  i",  dont  le  résultat  serait  ililTérent.  L'au- 
teur donne  la  table  des  radicaux  de  ces  verbes,  pour  les  lecteurs 
(jui  ne  savent  pas  le  français. 

L'auteur  fait  exception  à  la  règle  générale  en  faveur  des  mois 
internationaux,  et  pose  le  principe  suivant  : 

Quaml  un  mot  esl  internationalement  compris,  on  doit  le  pré- 
férer au  mol  iniiicpié  par  les  régies  générales  de  VAnylo-Franca. 

Les  mots  internationaux  admis  en  vertu  de  ce  principe  sont  : 
l*  les  noms  de  nombre:  2"  les  mots  suivants,  empruntés  au  latin 
ou  au  français  :  nil.  satis.  per.  pro.  contra,  versus,  via.  de  novo. 
in  toto:  encore,  ensemble,  environ. 

L'admission  de  ces  mots  internationaux  devra  être  di<  i.i.  ■ 
par  r.Vcadémie  internationale. 

Les  noms  propres  (y  compris  les  noms  géographiques)  garde- 
ront leur  forme  natiouabv  On  «lira  et  écrira  : 


398  SECTION   III,    CHAPITRE    XIV 

Aristoteles.  Horatius  :  London,  Kœln,  Wien,  Mûnchen.  Regensburg. 
Firenze;  Deutschland,  England,  France;  deutsch,  english,  fran- 
çais. 

L'auteur  a  écrit  en  Anylo-Franca,  comme  appendice  à  son  opus- 
cule, une  General  Revue  and  Critique  of  the  divers  essais  ivhich  hâve 
been  faisedfor  to  etabliss  an  international  langue,  où  on  lit  par  exemple 
les  phrases  suivantes  : 

The  peuples  of  the  Orient  trouv  theyselfs  in  an  embarras  encore 
more  grand  wen  they  voul  to  entam  commercial  relations  with 

Europe Un   pouv  to   demand,  if  '  more   soon  ^  than  to  hâve 

recours  to  an  artificiel  langue,  it  would  not  be  préférable  to  adopt 
as  international  langue  some  un  ^  Européen  idiome... 

Voici  encore  deux  phrases  d'Amito-Francn  : 

Me  pren  the  liberté  to  ecriv  to  you  in  Anglo-Franca...  Me  hâve 
the  honneur  to  soumett  to  you's  inspection  the  prospectus  of  mes 
objets  manufactured,  which  me  to  you  envoy  here-inclued. 


Critique. 

Les  considérations  théoriques  et  pratiques  qui  ont  inspiré 
Y  Anglo-Franca  semblent  judicieuses  et  acceptables:  toutefois,  on 
ne  peut  raisonnablement  restreindre  à  deux  langues  la  base  d'un 
lexique  vraiment  international  :  il  faut  en  admettre  au  moins 
trois  (D.,  E.,  F.)  ou,  plus  équitablement,  six  (D.,  E.,  P.,  L,  R.,  S.) 
comme  V American  Philosophical  Society  l'avait  proposé. 

L'auteur  a  si  bien  senti  qu?  fa  base  lexicologique  était  trop 
étroite,  qu'il  a  adopté  subsidiairement  le  principe  de  l'interna- 
tionalité, qui  viole  son  principe  primitif,  et  qui,  poussé  à  ses 
dernières  conséquences,  le  ruinerait  entièrement,  car  il  suffd  à 
lui  seul  à  constituer  un  lexique. 

Le  défaut  capital  de  V Anglo-Franca  est  le  manque  d'iiomogénéité, 
non  pas  tant  à  cause  du  mélange  des  radicaux  anglais  et  fran- 
çais (l'anglais  offre  un  mélange  de  radicaux  latins  et  germa- 
niques bien  plus  hétérogène  encore)  qu'à  cause  du  contraste 
violent  entre  la  grammaire  anglaise  et  le  vocabulaire  français  K 

1.  Si  interrogatif. 

2.  Plutôt,  traduit  littéralement  :  plus  tôt. 
.3.  Quelqu'un,  pour  :  quelque. 

4.  (Citons  comme  exemples  d'anglicismes  le  to  inutilement  mis  devant 


I>.    IIOINIX    :    ANGLO-FilANCA  399 

Il  r>t  i-lioquant  do  voir  npiiUqucr  dos  doxions  an^laisoH  A  des 

mois  français,  siulont  pris  à  l'ôlal  lirnl  '.  Pour  siippriiiior  oolto 

ilispnrnic,  il  faiulrail.  d'uno  pari,  allrnuor  lo  curnctôrolrop  oxclii- 

-ivemonl  niiKlais  do  la  Krnminniro,  ol  ndoptor  des  flexions  plu» 

neutres;  d'nuln'  pari,  modilicr  los  radicaux  oin|)riinl('>N  niix  doux 

Innguos  vivnulos  ol  lour  ilonuor  un  aspect  plus  unirorino  ol  plus 

liarnionioux.  Pour  mieux  dire,  il  ne  faudrait  les  ouiprunlor  ni 

a  l'auirlnis  ni    an   fran<:ais.  on   ils  so  trouvont    d«'jà   allcr.''s  ol 

dt'fornu's,  mais  l(>s  uns  à  l'allomand,  ot  losautr«>s  an  lalin.  (»ù  ils 

ont  leur  forme  originale.  Cost  donc  un  choix  malencontreux  que 

celui  de  l'anirlais  ot  du  français  comme  base  du  lexique,  car  ce 

sont  jusloincnl  los  doux  langues  los  plus  dériv/'es,  colles  où   les 

riicinos  sont  le  plus  éloign«''es  ilc  lour  origine  et  do  leur  purol»». 

(^olto   alliance  do  l'anglais  ol  iln  français  à   I  état  brut,  non 

lumlns  onsomble,  ne  donne  pas  sonloniont  à  la  langue  un  aspocl 

baroipio  qui  la  forait  paraître  barbare  h  la  fois  aux  Anglais  et 

aux  Français:  elle  a  une  autre  conséquence  fort  grave,  qui  est 

riinpossibilitéti'oblonir  une  prononciation  réguli«''ro  et  uniforme. 

Sans  douto.  l'anloiir  s'osl  oITon-ô  de  rendre  la  prononciation  con- 

lormo  à  l'ôcrituro*,  ce  ipii  l'a  entraîne  ù  surcharger  l'alphabet 

et  à  attribuer  même  deux  sons  h  une  même  lettre.  .Mais  maigre 

los  règles  niinidionsos  ot  compli(|nées  (pj'il  édicté,  rien  ne  pourra 

empêcher  los  Français,  il'une  part,  ot  los  .\nglais,  dautro  part. 

do  prononcer  à  leur  manière  nationale  les  mots  de  leur  langue. 

Or  c'est  tout  le   coidraire  que   l'aulour  «lésiro,  car    il   veut,  en 

somme,  «pie  l'on  prononce  les  nuds  anglais  à  la  française  ol   los 

mots  français  à  l'anglaise.  C'est  le  meilleur  moyen  de  les  rendre 

méconnaissables  respect ivomenl  au  peuple  mémo  aiupiel  on  les 

(Muprnnto,  et  de  rendre  la  langue  elle-même  inintelligible  à  tous 

los  deux.  Jamais  un  Anglais  ne  comprendra  les  mots  Ihe,  each. 

Ihrniujh,  ii'hether,  prononcés  i\  la  française,  ni  un    Français  los 

mots  <mestiuii,  revue,  wil,  prononcés   par  un   Anglais.    Los  doux 

peuples  (cl  tous  les  autres)  ne  pourront  s'entendre  que  dans  une 

les  innnitirs  (Un  pouv  to  demand)  et  remploi  du  parliripc  (-ing)  ou  lieu 
do  rintlnitir  (without  parling...). 

1.  Il  faut  loiilcfois  nvuiiiT  (|iic  c'est  re  «|ui  n  lieu  sflns  ce»s>e  oo  anglai». 
F,xcmpie,  ce  titre  (lu  nu  hasard  dnn»  un  journal  do  Londres)  :  •  llow  the 

ffair  comwenccd  -.  On  dirait  de  VAnt/lo-Franca! 

2.  Car  la  L.  I.  devant  tMre  d'atwird  et  surtout  éerito.  l'auteur  pense  qu'on 
doit  reproduire  plul(>t  le  graphisme  que  le  phonétisme  des  mots  nationaux. 
et  par  suite  conformer  celui-ci  sur  celui-là. 


400  SECTION   III,    CHAPITRE   XIV 

langue  autonome,  homogène  et  neutre,  où  ils  retrouveront  leurs 
radicaux,  mais  transfigurés  en  quelque  sorte  par  une  ortho- 
graphe phonétique  simple  et  régulière. 

Ajoutons  que  M.  Henderson,  ne  se  lassant  pas  de  lutter  pour 
l'idée  de  la  langue  internationale,  a  encore  émis  deux  autres 
projets  de  langue  artificielle  :  l'un,  la  Langue  Facile,  serait  un 
français  simplifié  et  régularisé  ;  l'auteur  avoue  lui-même  que 
«  cette  mutilation  de  la  belle  langue  française  serait  sans  doute 
peu  goûtée  de  la  plupart  des  Anglais  qui  la  connaissent,  et  serait 
certainement  peu  faite  pour  plaire  aux  Français  *  »  ;  l'autre  est 
le  Latinesce,  que  nous  avons  résumé  à  la  fin  du  chapitre  précé- 
dent. Ces  deux  projets  ne  sont  que  de  simples  «  suggestions  », 
des  «  ballons  d'essai  »  lancés  dans  les  journaux  pour  éveiller 
l'intérêt  du  public.  Enfin,  M.  IIenderson  a  publié  en  1890-91  un 
journal  {Phœnix  seu  Nuntias  latiniis  internationalis)  destiné  à  recom- 
mander le  latin  comme  langue  internationale  ^  Toutes  ces  ten- 
tatives montrent  avec  quel  zèle  et  quelle  persévérance  l'auteur 
s'est  efforcé  de  propager  l'idée  de  la  L.  I.  et  de  la  réaliser  sous 
des  formes  diverses.  Cette  diversité  même  prouve,  d'autre  part, 
un  désintéressement  bien  rare  chez  les  auteurs  de  L.  I.  :  indif- 
férent au  succès  ou  à  l'échec  de  tel  ou  tel  de  ses  projets,  M.  Hen- 
derson n'a  jamais  visé  qu'un  seul  l)ut,  l'adoption  définitive  d'une 
L.  I.  par  une  entente  internationale.  Par  cette  attitude  impar- 
tiale et  par  son  esprit  pratique,  il  était  un  précurseur  et  un  allié 
prédestiné  de  la  Délégation,  et  il  est  devenu  en  effet  un  de  ses 
auxiliaires  les  plus  dévoués. 

1.  Article  dans  Le  Courrier  de  Londres  et  de  VEurope,  il)  mai  1889. 

2.  Voir  le  chapitre  flnal  :  Les  Langues  mortes. 


CHAPITRE  XV 

J.   STEMPFL   :    MYRANA  ' 

I.'onvra£»o  d»^  l'ahlx''  Stempfi,  comprond  deux  parties  :  luno,  ron- 
bucrée  ù  défendre  l'idée  d'une  langue  internationale  en  général, 
l'autre  à  exposer  le  projet  de  langue  Myrana.  L'auteur  réprouve, 
d'une  part,  l'idée  chimérique  d'une  langue  absolument  univer- 
selle, c'est-à-dire  commune  à  tous  les  peuples  de  la  terre;  d'autre 
part,  l'idée  d'une  langue  purement  scientifique  et  philosophique, 
réservée  à  une  élite  de  savants.  Ce  qu'il  désire,  c'est  une  langue 
«  commerciale  »  et  pratique.  Au  surplus,  il  ne  présente  pas  le 
Myrana  comme  un  concurrent  du  Volapùk  ou  de  tout  autre  sys- 
tème, mais  comme  un  simple  projet  destiné  à  contribuer  à  la 
solution  délinitive  du  problème;  il  déclare  modestement  ajiporter 
quelques  pierres  pour  la  construction  de  la  meilleure  langue 
universelle,  qui  doit  se  réaliser  un  jour.  Il  critique  vivement  le 
Volapûk,  et  juge  sévèrement  le  dogmatisme  intransigeant  de 
Mgr  ScHLEVER  et  ses  prétentions  à  l'infaillibilité  '. 

Le  Myrana  est  éclectique  :  M  prend  pour  base  le  vocalmhure 
latin,  parce  que  c'est  le  plus  international  et  le  plus  neutre; 
celui-ci  forme  pour  ainsi  dire  le  tronc  sur  lequel  on  grelTera  les 
mots  empruntés  aux  langues  vivantes,  romanes  et  germaniques, 
en  les  altérant  le  moins  possible.  La  langue  devra  être  régulière 
et  logique,  mais  aussi  euphonique;  et  il  vaudra  mieux  adopter 
un  plus  grand  nombre  de  racines  que  d'abuser  des  dérivations. 
Il  ne  faut  pas  non  plus  tout  sacrifier  i\  la  brièveté,  même  l'intelli- 
gil>ilité. 

1.  J.  Stempfl,  Myrana  und  die  Weltsprache.  xvi  -f-  tSi  p.  12*  Kompten. 
KospI.  I88H).  Komptcn  est  une  petite  ville  de  la  Souat)e  l>avaroise.  M.  Steum-l 
est  curé-dojen. 

2.  Cf.  Stempfl  :  Ausstellungen  an  der  Volapûk,  et  Ueb^r  Weltsprache  und 

Volapfik  (Kempten,  1888). 

CocTCRAT  et  Leac.  —  Langue  UDtv.  %6 


402 


SECTION   III,    CHAPITRE   XV 


Grammaire. 


L'alphabet  comprend  8  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u  (ou),  et  les  3  inflé- 
chies :  à,  ô,  ù;  et  23  consonnes  :  b,  c,  d,  f,  g,  h,  j,  k,  1,  m,  n,  p,  q, 
r,  s,  t,  V,  w,  X,  y,  z;  ch,  sh.  c  se  prononce  tch;  j  se  prononce 
comme  le  j  allemand  (i  consonne);  v  et  w  se  confondent  comme 
son;  ch  est  le  ch  allemand  (guttural);  sh  est  le  sh  anglais  (ch  F). 

L'auteur  admet  en  outre  les  5  diphtongues  :  ai,  ei,  oi,  ui,  au, 
dont  les  2  voyelles  se  prononcent  séparément. 

Vaccent  se  place  sur  la  syllabe  principale  du  mot. 

L'auteur  ne  veut  pas  imposer  de  forme  caractéristique  aux 
divei^ses  parties  du  discours.  Il  juge  ce  moyen  inutile,  et  môme 
nuisible  par  les  déformations  qu'il  fait  subir  aux  mots. 

Il  y  a  un  article  défini  :  le,  et  un  article  indéfini  :  ne,  tous  deux 
invariables. 

Les  substantifs  se  déclinent,  soit  au  moyen  de  particules,  soit 
au  moyen  de  flexions.  Les  particules,  qui  se  placent  devant  le 
substantif  ou  l'article,  sont  :  di  pour  le  génitif;  dei  pour  le  datif; 
do  pour  Yaccusatif 

Les  désinences  des  cas  sont,  pour  les  radicaux  à  consonne 
finale  :  -i,  -ei,  -en;  pour  les  radicaux  à  voyelle  finale  :  -d,  -i,  -n. 

Le  pluriel  se  forme  en  ajoutant  -s  ou  -es  aux  cas  du  singulier. 


Exemple  de  déclinaison. 


Sing. 


Plur. 


N. 

vir       ou 

vir,  homme. 

vira, J 

G. 

di  vir 

viri 

virad 

D. 

dei  vir 

virei 

virai 

A. 

do  vir 

viren 

viran 

N. 

vires 

vires 

viras 

G. 

di  vires 

viris 

virads 

D. 

dei  vires 

vireis 

virais 

A. 

do  vires 

virens 

virans 

L'auteur  ne  voit  aucun  inconvénient  à  ce  que  des  radicaux  se 
terminent  (au  nominatif)  par  les  mêmes  désinences  que  les  cas 
(comme  cela  arrive  dans  les  langues  naturelles). 

Les  substantifs  peuvent  prendre  des  désinences  caractéristi- 
ques du  genre  naturel,  à  savoir  :  -o  pour  le  masculin,  -a  pour  le 
féminin,  -ô  pour  le  neutre.  Ex.  :  vir  ou  viro  =  homme;  vira  = 


STEMI'FI.    :    MYItANA  403 

femtiie.  1.  auteur  ne  voit  aucun  inconvénient  à  c(;  que  dessubstan- 
tirs  réminins  ou  neutres  se  terminent  en  -o.  et  des  substantifs  mas- 
culins ou  iKMiIres  en  -a.  I£x.  :  Juno.  topo;  pasha,  kasa.  Sruleinent 
le  féuiinin  des  mots  en  -a  selVuine  au  moyen  du  suflixe  -»h. 

Les  adjeclifs,  comme  les  substantifs,  ont  une  terminaison  quel- 
i-(>n(|U(>;  ils  se  déclinent  comme  les  substantifs,  mais  seulement 
<|unnd  ils  sont  isolés. 

Ils  peuvent,  dans  le  même  cas,  prendre  les  désinences  carac- 
téristiques du  genre  :  bonô.  le  bien. 

Les  degrés  de  t-<Mnpnraisoii  peu  vent  se  former  de  deux  manières  : 
au  moyen  des  particules  mer,  mest;  au  moyen  des  flexions  -ior 
(ou  -jor)  et  -isso.  Ex.  : 

bon  bonior  bonisso 

ou  :  mer  bon  mest  bon 

Le  superlatif  absolu  se  forme,  soit  au  moyen  du  préfixe  par-,  soil 
au  moyen  du  suflixe  -issimo  :  perbon  ou  bonissimo. 

Les  noms  de  nombre  sorU  : 

nul,  0  :  un.  1  :  dui.  -2  :  tre,  3  ;  quar,  4  ;  quin,  5  :  sez,  6  ;  sib,  7  ;  ocb  (ou 

ok).  8:  nôf.  '.);  desh.  10:  deshun.  Il:  deshdui.  12:  deshtre.  13: 

duiges.  20  ; treges,  30,  ctr destages^ou  cent.  100:  duidesbges 

ou  duicen.  200;  mil.  1000 

Ainsi  :  ISH9  —  unmil  ochdeshges  ocbgesnof. 

Les  Homtres  onlinanx  se  roriucul  ou  ajoulaut  t  ou  te  au  nondtre 
<  ardinal  correspondant  :  doit,  tret,...  desbgest  ou  cent.  Seule 
l'XfopHon  :  l»"*  se  dit  prim. 

Les  nombres  distributifs  se  forment  en  pré-lixaiit  je-  aux  nombres 
I  ardinaux  :  jedui,  deux  à  deujc. 

Lt<s  nombres  multiplicatifs  se  forment  au  moyen  du  suflixe  -ma  : 
duima,  deux  fois. 

Les  nombres  fractionnaires  dérivent  des  ordinaux  au  moyen  du 
stiffixe  -1  ou  -el  :  tretel,  tiers. 

Les  pronoms  j)ersonnels  sont  :  mi,  te,  lo  (masc),  la  (fém.).  lô 
(neutre);  nui,  voi,  loi.  lai:  il  y  faut  ajouter  :  yu  (E.)  =  i^ous  (de 
polilesse),  el  oi  ^  on.  Tous  ces  pronoms  se  déclinent  des  deux 
manières. 

Les  adjectifs  possessifs  sont  :  min,  ten,  Ion,  lan:  nain,  voin.  loin, 
lain:  yun.  L'auteur  assure  qu'ils  ne  pourront  jamais  se  conf«>ndn' 
avec  laccusalif  des  pronoms  personnels,  (jui  a  la  nuMne  forme. 

Les  pronoms  possessifs  sont  les  adjectifs  possessifs  augmentés 


404  SECTION   III,    CHAPITRE   XV 

du  suffixe  -ig  :  minig,  tenig,  lonig,  etc.  On  peut  dire  aussi  :  le  min, 
le  ten,  le  Ion,  etc. 

Les  pronoms  démonstratifs  et  indéfinis  sont  :  li,  il,  celui-ci  ;  el,  ol, 
celui-là;  selb,  même  {ipse);  idem,  le  même;  alio,  autre;  jed  (D.), 
chaque;  nullo,  aucun;  nemo,  personne;  nihil,   rien;  omne,  tout,  etc. 

Les  pronoms  relatifs  sont  ke  (m.,  f.),  gui;  ko  (n.),  que;  et  kel, 
kela,  kelo,  quel,  quelle. 

Les  pronoms  interrogatifs  sont  caractérisés  par  l'initiale  v  :  veke, 
vekô,  qui?  quoi?  vel,  vêla,  velô,  quel?  quelle? 

De  même  les  adverbes  interrogatifs  :  vo,  où?  van,  quand?  vi, 
comment?  vare,  pourquoi?  correspondent  aux  corrélatifs  :  to,  tan, 
ti,  tare,  et  aux  relatifs  :  ko  ou  quo,  quan,  qui,  quare  (L.).  De 
même,  tal  correspond  à  quai,  tam  à  quam,  tanto  à  quanto,  etc. 
(comme  en  latin). 

Les  verbes  ont  pour  terminaison,  à  l'infinitif,  -ar,  -er,  -ir,  ou  -je. 
Il  faut  la  supprimer  pour  obtenir  le  radical  verbal. 

Les  modes  sont  indiqués  par  des  suffixes,  les  voix  et  les  temps 
par  des  préfixes  (comme  en  Volapûk).  Les  personnes  sont  indiquées 
parles  pronoms  attachés  comme  préfixes  au  radical  verbal  \  et 
le  nombre  est  marqué  en  outre  par  un  -s  final. 

La  voix  active  est  marquée  par  le  préfixe  t;  la  voix  passive,  par 
le  préfixe  sh. 

Llndicatif  n'a  pas  de  suffixe.  Le  présent  n'a  pas  de  préfixe. 

L'imparfait  est  marqué  par  le  préfixe  a  ;  le  parfait,  par  ai  ;  le 
plus-que-parfait,  par  aia;  le  futur  par  o;  le  futur  antérieur,  par  oi. 
D'autre  part,  le  subjonctif  est  indiqué  par  le  suffixe  à  (ou  rà  après 
une  voyelle).  De  sorte  que  les  modes  personnels  de  Tactif  ont 
les  formes  suivantes  à  la  f*^  personne  sing.  (punir  z=  punir)  : 

Indicatif  Subjonctif 

Présent  :  mipun  mipunâ 

Imparfait  :  mitapun  mitapunà 

Parfait  :  mitaipun  mitaipunà 

Plus-que-parfait  :  mitaiapun  mitaiapunâ 

Futur  :  mitopun  mitopunà 

Futur  antérieur  :  mitoipun  mitoipunà 

Les  modes  du  passif  ne  diffèrent  des  précédents  que  par  le 


1.  Toutefois,  à  la  3"  personnel  on  peut  supprimer  le  pronom,  quand  il  fait 
double  emploi  avec  le  sujet. 


STEMI'FL    :    MYRANA  40S 

'  liniif^cinonl   (lt>  t  imi   sh    :    mishepun,  J0  suit  puni;    mishapun. 
mishaipun.  etc. 

1,'itnprntlifso  forme  on  snriixnnl  lo  pronom,  au  lieu  do  Ip  pré- 
fixer .  punte,  punis;  shepunte,  sois  puni. 

\a'  pdi'ticipe  se  forme  en  remplarant  In  terminniKon  de  rinlinilil 
par  In  ilésiiienoe  ing  :  puning.  punissanl:  tapuning,  topaning.  etr. 
De  nit^mc  au  pnssif  :  shepuning.  shapuning.  shopuning,  ei<'.  Iri 
antre  participe  se  forme  par  la  désinence  -ong  :  ponong,  qui  doit 
<>n  veut  punir. 

Le  participe  absolu  se  forme  en  remplaçant  le  rde  Tinfinitif  par 
t  :  punit,  amat.  kredet.  Il  est  le  même  à  l'actif  qu'au  passif,  et  il 
a  les  deux  sens  (1). 

Les  verbes  seje,  être  ;  veaje,  exister;  sheje,  devenir;  i9i\9,  faire,  et 
hevje.  avoir,  ont  nne  autre  conjugnison.  qui  consiste  à  remplacer 
la  voyelle  e  du  radical  pnr  la  voyelle  cnraclérislique  des  divers 
I -Mips.  La  conjugaison  précédente  revient,  en  somme,  à  préfixer 
au  ruilical  des  autres  verbes  les  divers  temps  des  auxiliaires 
tedje  et  sheje  : 

(te),  ta,    tai,     taia.    to,    toi; 
she.  sha.  shai.  shaia.  sho,  shoi  '. 

Les  verbes  réfltrhis  se  forment  en  intercnlant  la  syllabe  se  entre 
le  pronom  et  le  verbe  :  mizebat,  jV  me  bals. 

Les  verbes  réciproques  se  forment  en  intercalant  de  mémo  la 
syllabe  xo  :  noixobats,  nous  nous  ballons  (l'un  l'autre  :  mixobat 
kon  lo,  je  me  bals  nrec  lui. 

La  nèyation  s'exprime  par  no  ou  non  mis  devant  le  mol  i\  nier 
le  verbe,  en  général):  Vinlerrountion  s'exprime  par  In  particufe 
va  mise  devant  le  mot  inlerrogatif,  ou  par  l'enclititpu'  ve  mis 
;>près. 

Les  adverbes  dérivés  prcïinenl  en  général  la  désinence  -u.  Leurs 
legit^sde  comparaison  se  forment  i\  peu  près  comme  ceux  des 
^uijectifs  :  bonu.  boniu,  bonissu.  bonissimo. 

L'adverbe  trop  devant  un  adjectif  ou  un  adverbe  se  traduit 
l»ar  le  suftixe  uio,  uiu  :  bonuio,  trop  bon:  bonuia,  trop  bien 

t.  Nous  simplifions  IVxposé  de  la  conjugaison  en  passant  sous  silence  la 
forme  aorvtte  (indiquant  la  durée  de  TnclionK  mnrqu^e  par  les  prolixe» 
fe,  fa,  fai.  faia.  fo,  foi  ù  l'actif,  et  shefe.  shefa.  shefai.  etc..  au  passif:  les 
modes  conditionnel  (-i),  polenliel  (-88),  désiratif  (-»h),  dubitatif  [-b),  concessif 
(-g),  et  une  sorte  de  futur  particulier  n  l'allemand  (-ein).  marqut^  par  le» 
suffixes  mis  entre  parenthèses;  enfin  le  gérondif  elle  supin. 


406  SECTION    m,    CHAPITRE   XV 

Les  adverbes  primitifs  sont  généralement  empruntés  au  latin. 
Nous  avons  déjà  vu  la  corrélation  des  adverbes  interrogatifs, 
relatifs  et  corrélatifs. 

Les  prépositions  et  les  conjonctions  sont  aussi  empruntées  au 
latin:  quelques-unes  au  français  (gras,  maigre)  et  à  d'autres 
langues  vivantes.  Celles  qui  sont  aussi  adverbes  ont  la  dési- 
nence -u. 

L'auteur  prévoit  une  préposition  indéterminée,  ri,  pour  les 
cas  où  l'on  ne  sait  pas  quelle  préposition  employer  *. 

Pour  la  syntaxe,  il  donne  peu  d'indications.  Toutes  les  fois 
qu'un  verbe  n'a  qu'un  complément,  on  met  celui-ci  à  l'accusatif. 
Quand  un  verbe  a  deux  compléments,  on  met  le  plus  direct  à 
l'accusatif  et  l'autre  au  datif. 

L'accusatif  sert  encore  à  marriuer  le  lieu  où  l'on  va,  ou  géné- 
ralement le  mouvement  dans  une  direction.  Hormis  ce  cas, 
toutes  les  prépositions  régissent  le  nominatif. 

Le  pronom  réfléchi  ze  se  met  comme  préfixe  devant  les  pro- 
noms personnels  ou  possessifs  qui  se  rapportent  au  sujet  de  la 
proposition,  pour  les  distinguer  des  autres  (comme  sims  en 
latin). 

L'auteur  laisse  la  construction  entièrement  libre  :  il  considère 
comme  impossible  d'astreindre  tous  les  peuples  à  une  construc- 
tion fixe  et  rigide  ;  c'est,  dit-il,  créer  et  chercher  des  difficultés.  11 
faut  que  les  flexions  grammaticales  indiquent  suffisamment  le 
rôle  de  chaciue  mot,  quelle  que  soit  sa  place.  C'est  le  meilleur 
moyen  d'éviter  tous  les  idiotismes  de  syntaxe. 


Vocabulaire. 

L'auteur  ne  donne  pas  son  vocabulaire,  mais  il  annonce  qu'il 
contiendra  2/3  de  mots  romans  et  1/3  de  mots  germaniques. 

Pour  la  formation  des  mots,  l'auteur  ne  donne  que  quelques 
exemples  (on  a  vu  plus  haut  la  dérivation  du  féminin)  :  amator 
(fém.  amatra),  punitor,  viator:  artiste;  kolumbari,  colombier  (de 
kolumba);  bulile,  étable  (de  bul,  bœuf);  sutorina,  cordonnerie  (de 
sutor)  ;  tabakier,  tabatière;  tabakeia,  fabrique  de  tabac.  Ston,  pierre: 
stonin,  de  pierre,  en  pierre;  stonig,  pierreux;  stonlig,  semblable  à  la 


1.  Comme  V Espéranto,  qu'il  cite  à  ce  sujet  p.  109. 


STEMPPL  :   MYRANA  407 

pierre;  stonoso,  plein  de  pierre  (comme  :  gaudioso,  plein  de  Joie, 
Joyeux).  Exemples  de  contraires  :  inkontent,  imprudent. 

F.e  suflixe -on  est  nupmentatif  :  lt«  suffixe -el  dimimilif:  le  suf- 
lixe  -fu  jx^joralir. 

Parmi  les  préfixes  verbaux,  on  remarquera  per  idaiis  peragrar. 
perrumper,  perkurje,  perfluje)  qui  a  un  tout  autre  sens  ijue  dans 
l<>s  adjeilirs  (où  il  marque  le  siq)erlalif  absolu),  si  tant  est  qu'il 
en  ait  un  (comme  dans  perturbar,  perverter,  permitter). 

I.e  préfixe  re- indique  à  la  fois  la  répétition  ^D.  u;j>f/»T)  et  le 
retour  (I).  zurnck). 

Les  mots  comi>nsés  se  forment,  comme  en  allemand,  en  juxtapo- 
sant les  racines,  la  principale  en  dernier  lieu  :  voldelingna  = 
langue  universelle. 

Critique. 

Ou  ne  «loil  pas  oublier,  en  jugeant  le  ^fyrana,  que  ce  n'est  qu'un 
projet  sans  vocabulairç;  son  caractère  hésitant  et  flottant 
s'explique  et  se  justifie,  dans  une  certaine  mesure,  par  Ma 
modestie  de  son  auteur.  Peut-être,  de  peur  de  ressembler  à  Mgr 
SciiLEYER,  est-il  tondté  dans  l'excès  contraire:  trop  de  latitude  et 
trop  de  tolérance.  Il  en  résulte  une  grammaire  compliquée  el 
peu  homog«'»fie  :  l'auteur  hésite  entre  le  synthétisme  el  l'analy- 
tisme,  d'où  ses  deux  ou  même  trois  déclinaisons,  et  ses  deux 
formes  pour  les  degrés  de  comparaison.  Il  se  défie  de  la  méthode 
(I  priori,  et  ne  veut  pas  soumettre  à  des  règles  générales  la  forme 
lies  mots,  ce  qui  l'oblige  à  ailmettre  des  variantes.  Il  reproche 
au  \olai)iil<  d'employer  des  flexions  arbitraires  empruntées  à 
l'alphabet  (a,  e,  i,  o,  a):  mais  il  emploie,  lui  aussi,  pour  la  con- 
jugaison, des  formes  entièrement  a  priori,  notamment  des 
préfixes  qui  rendent  le  radical  verbal  méconnaissable,  ce  qui 
produit  une  conjugaison  extrémemeid  compliquée  et  ardue.  De 
niéme,  dans  le  vocabulaire,  qui  est  en  principe  <i  posteriori,  il 
aihuet  des  formations  a  priori  comme  celles-ci  (imitées  du 
\ohiptik)  :  isu,  à  présent:  ezn,  depuis  un  instant:  asa.  auintravant : 
aiazu,  ({  y  a  longtemps;  oiu,  ensuite;  oiozu,  plus  lard.  De  même  : 
idag,  aujourd'hui:  edag.  aujourd'hui  fwur  la  première  fois;  adag. 
hier:  aiadag,  avant-hier:  odag,  demain;  oiodag,  après-demain. 

En  somme,  ce  système,  fondé  sur  des  principes  judicieux, 
manque  de  simplicité,  de  régularité  et  de  décision. 


CHAPITRE  XVI 

J.    STEMPFL  :    COMMUNIA  ^ 

Le  même  auteur  a  réformé  et  simplifié  son  projet  de  langue 
internationale  pratique  dans  un  second  ouvrage,  où  il  le  nomme 
Communia.  Les  principes  sont  toujours  les  mêmes.  L'auteur  ne 
donne  que  la  grammaire  de  sa  langue,  et  adopte  provisoirement 
le  vocabulaire  latin,  en  faisant  subir  aux  désinences  des  modifi- 
cations légères  et  l'égulières.  Mais,  comme  le  vocabulaire  latin 
contient  beaucoup  de  mots  aujourd'hui  inutiles,  et  manque  de 
termes  concis  et  précis  pour  beaucoup  d'idées  modernes  qu'il  ne 
peut  rendre  que  par  des  périphrases,  on  devra  l'enrichir  de 
mots  empruntés  aux  langues  vivantes;  on  formera  donc  un 
vocabulaire  éclectique  dont  le  lexique  latin  sera  la  base,  mais 
qui  comprendra  des  mots  des  diverses  langues  modernes,  et 
avant  tout  les  mots  internationaux.  Le  Communia  ne  sera  donc  pas 
un  simple  néo-latin,  mais  une  langue  complète  et  autonome, 
quoique  dérivée  du  latin.  Nous  ne  recommencerons  pas  en  entier 
l'exposé  de  la  grammaire;  nous  signalerons  seulement  les  points 
où  elle  diffère  de  la  grammaire  du  Myrana. 

Grammaire. 

Ualphabet  comprend,  en  plus,  2  consonnes  nouvelles  :  ph  (/)  et 
zh  {tch).  A  la  règle  de  l'uniformité  de  prononciation,  deux  con- 
sonnes font  exception  :  c,  qui  se  prononce  ts  devant  e,  i,  a,  6; 
et  t,  qui  se  prononce  ts  devant  ia,  io,  iu.  Il  est  vrai  qu'on  pourra 


1.  J.  Stempfl  :  Communia  oder  internationale  Verkehrssprache,  72  p. 
in-10  (Kempten,  Dobler,  1894). 


STEMPFL    :    COMMUNIA  409 

remplacer  dans  ces  cas  c  et  t  par  i,  cl  c  par  k  dans  les  autres 

cas  (ce  qui  nhoutit  A  In  suppression  de  c). 

L'article  défini  rsl  toujours  le:  Vnriicle  ituUjïni  est  en, et  il  y  a  un 
article  partitif  :  dû  (F.)  :  dû  vin.  dû  pane. 

pour  les  substantifs,  l'auN'ur  n'ndiucf  plus  qu'une  diVlinaison, 
ni»nlyfi(|u<'  pour  le  g»  iiilif  c>t  lo  ilntif  (marqués  par  les  pnrli- 
ciiles  di  cl  ail.  synthétique  pour  l'accusatif  (marqué  par  la  dési- 
ufnce  -n  ou  -en).  On  décline  donc  comme  suit  : 

Sing.  N.        vir.  honinu-.  le  kasa,  la  maison. 

G.  di  vir  di  le  kasa 

D.  ai  vir  ai  le  kasa 

A.       viren  le  kasan 

Plur.  N.       vires  le  kasas 

G.  di  vires  di  le  kasas 

D.  ai  vires  ai  le  kasas 

A.       virens  le  kasans 

Pour  les  dey r es  (le  comparaison,  l'auteur  admrt  encore  les  tjeux 
systèmes,  le  synlhéfique,  avec  -ior,  -isso;  et  l'analytique,  avec 
plur  et  pluss.  De  même,  pô  (peu)  n  pour  drprés  :  pôr  <'t  pôss. 

Les  noms  de  nombre  sont  :  un.  dui,  tri.  quadri.  quini,  sexi.  sepli. 
octi.  noni,  dezi:  dezinn.  11:  dezidui.  12:  dezitri.  1.3:...  dniges.  JO; 
triges,  '^0:  quadrages.  quinquages.  sexages.  septages.  octages. 
nonages  :  centi.  lOO:  duicenti.  tricenti.  quadracenti.  r\*\  i-omine 
les  dizaines):  mille.  1000:  milion. 

Les  nombres  ordinaux  sont  :  prim  o  .  secund  o\  trit  o^,  quarto^ 
quint(o},  sexto,  septimo,  octavo,  nono,  dezimo.  Les  autres  se 
forment  en  général  en  ajoutant  -(i  mo  au  nombre  cardinal  : 
duigesimo,  centimo.  millimo  ou  centesimo.  millesimoV 

Los  nombres  nndtipUeatifs  se  forment  an  moyeu  du  sulTixe  -es 

(Ml    ies  :  unies,  duies,   tries dezies.   duigesies  (ou   dnigies).... 

centies...  millies... 

Los  nomf)res  fractionnaires  se  forment  au  moyen  du  suffixe  el 
•  >ii  -tel  :  secundel  on  duitel,  tritel.  quartel.  quintel...  dezitel.  dui- 
gestel,  centitel,  millitel. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif:  mi,  tu,  el(loi.  ela,  lô; 
nui,  voi,  loi.  lai.  Le  génitif  et  le  datif  sont  marqués  par  di  et  ai. 
Laocusatifest  :  me.  te.  elen,  élan....  :  nos.  vos.  los.  las.  Il  y  a  aussi 
un  nous  et  un  vous  de  cérémonie  :  Nois.  Vois:  accusatif  :  Noisen. 
Voisen.  On  se  dit  on  ou  oi.  Le  pronom  rèjlèchi  est  se. 
Les  adjectifs  possessifs  sont  :  min.  ten.  Ion.  lan:  noter,  voter.  Ior. 


410  SECTION   III,    CHAPITRE   XVI 

lar.  Son  et  san  correspondent  au  pronom  réfléchi  ;  noster  et  ves- 
ter,  à  nois  et  vois. 

La  conjugaison  est  bien  simplifiée  '.  Tous  les  infinitifs  se  ter- 
minent en  -re.  L'indicatif  présent  est  le  radical  verbal,  qu'on 
obtient  en  supprimant  la  terminaison  -re  de  l'infinitif.  L'impar- 
fait se  forme  en  y  ajoutant  -ra,  le  parfait,  -va,  le  plus-que-parfait, 
-vera,  \e  futur,  -ro,  \e  futur  antérieur,  -vero. 

Le  subjonctif  s'indiqne  en  infléchissant  la  voyelle  finale  de  l'in- 
dicatif, c'est-à-dire  en  changeant  a  en  a  et  o  en  ô. 

Le  conditionnel  se  forme  en  ajoutant  -riâ  à  l'indicatif  (présent  et 
parfait  ^). 

L'impératif  de  la  2''  pers.  sing.  est  semblable  à  l'indicatif  pré- 
sent :  on  y  ajoute  -te  pour  avoir  la  2^  pers.  plur. 

Les  infinitifs  passé  et  futur  se  forment  au  moyen  des  terminai- 
sons -vare  et  -rore  (c'est-à-dire  de  la  terminaison  -re  ajoutée  à 
l'indicatif  correspondant). 

Les  participes  présent,  passé  et  futur  dérivent  des  infinitifs  cor- 
respondants en  changeant  -re  en  -nt,  sauf  pour  -ire  qui  donne 
-ient. 

Indicatif. 

Présent  :  lauda,  aude,  crede,  audi. 

Imparfait  :  laudara,  audera,  credera,  audira. 

Parfait  :  laudava,  audeva,  credeva,  audiva. 

Plus -que-parfait  :  laudavera,  audevera,  credevera,  audivera. 

Futur  :  laudaro,  audero,  credero,  audiro. 

Futur  antérieur  :    laudavero,  audevero,  credevero,  audivero. 

Subjonctif. 

Présent  :  laudà,  audâ,  credà,  audiâ. 

Imparfait  :  laudarà,  audera,  credera,  audira. 

Futur  :  laudaro,  audero,  credero,  audiro. 

Conditionnel. 

Présent  :  laudarià,  auderiâ,  crederià,  audirià. 

Passé  :  laudavarià,  audevarià,  credevarià,  audivariâ. 


1.  L'auteur  donne  encore  au  pluriel  des  verbes  la  finale  -s,  mais  elle  est 
facultative. 

2.  Ici  encore  l'auteur  admet  une  désinence  -rein  pour  traduire  un  mode 
spécial  à  l'allemand  {il  doit,  il  devrait). 


8tempfl  :  communia  411 

Impératif. 
2*  pors.  sing.  .     lauda.  aude.  crede,  audi. 
2«  pcrs.  phir.  .     laudate,  audete.  credete.  audite. 

Infinitik. 
Présent  :  laudare.  audere.  credere,  audire. 

Passé  :  laudavere.  audavere.  credavere.  audivere. 

Futur  :  laudarore.  audarore,  credarore.  audirore. 

PAllTlt:il'K. 

Présent  :  laudant,  audent,  credent,  audient. 

Passé  :  laudavant,  audevant,  credevant.  audivant. 

I-'utur  :  laudaront,  auderont,  crederont,  audiront. 

Le  passif  se  forme  en  ajoutant  un  -r  final  à  tous  le»;  feiup'<  et 
modes  de  l'actif  : 

laudar,  laudarar.  laudavar.  laudaverar.  laudaror.  laudaveror  : 
laudàr.  laudarar,  etc.:  laudariàr.  laudavariàr,  etc. 

Seuls,  les  infinitifs  passifs  (h'rivrnf  d<'s  inlinilifs  actifs  en  chan- 
geant le  linnl  en  i  :  laudari.  laudavari.  laadarori. 

Les  participes  passifs  sont  : 

Présent  :  laudandi.  audendi.  credendi.  andiendi. 

Passé  :  laudavandi,  audevandi.  credevandi.  audivandi. 

Futur  :  laudarondi.  auderondi,  crederondi.  audirondi. 

L'auteur  admet  en  outre  un  participe  absolu  :  laadat.  audet. 
credet.  audit,  «(iii  ptiit  <'fre  employé  à  l'actif  comme  au  passif: 
mi  hâve  audit  :  mi  es  audit. 

M  admet  en  effet  qu'on  forme  le  passif  au  moyen  de  l'auxiliaire 
esere,  être.  Il  admet  uuMne  qu'on  forme  tous  les  temps  de  l'actif 
nu  moyen  du  lutMue  auxiliaire,  avec  une  nuance  spéciale  :  mi  es 
edent  =  je  suis  en  train  de  manger:  mi  es  edevant  :=  Je  lùens  de 
manticr  :  mi  es  ederont  ^=  je  vais  manger. 

Le  vorlu'  esere  se  conjugue  régulit^n^nent,  à  part  l'abn'viation 
du  radical  ese  en  es  au  présent,  et  en  se  aux  autres  temps  :  sera. 
seva.  sero.  sera,  seriâ,  etc. 

Les  l'friu'.-i  réjlérliis  se  forment  au  moyen  du  préfixe  te-;  les 
i'ert>es  réciproques,  au  moyen  du  préfixe  lo-  ou  «oi-. 

Les  verbes  impersonnels  ont  la  forme  coiumune.  avec  «>u  sans  le 
pronom  neidre  lô  :  plue,  tona.  niva:  deze  [il  convient"^,  lice  li/  est 
permis),  accide  [il  arrive),  lique  [H  est  clair):  me  pœnite.  Je  me 
repens,  etc. 


412  SECTION   III,    CHAPITRE   XVI 

Il  n'y  a  pas  de  verbes  déponents  *.  Ceux  du  latin  prennent  la 
forme  active  :  imitare,  loquere,  oblire  ou  oblivere,  sequere,  merere, 
tuere,  confitere;  de  môme,  les  verbes  irréguliers  prennent  la 
forme  normale  :  volere,  nolere. 

L'interrogation  s'exprime  par  le  suffixe  ou  enclitique  ve  ;  la  néga- 
tion par  no  mis  devant  le  mot  à  nier. 

Les  particules  sont  presque  toutes  empruntées  au  latin.  Les 
adverbes  dérivés  se  terminent  souvent  en  -u.  Les  adverbes  d'in- 
terrogation commencent  en  général  par  v  et  sont  empruntés  à  l'al- 
lemand où  construits  logiquement  :  vi,  comment?  vare,  pourquoi? 
Les  adverbes  de  temps  ne  sont  plus  construits  a  priori  :  heri,  hier; 
cras,  demain;  pridie,  la  veille;  postridie,  le  lendemain.  On  remarque 
une  corrélation  parmi  les  adverbes  de  lieu  :  inu,  dedans:  ini, 
herein  (D.);  inun,  hinein  (D.  :  dedans,  avec  mouvement);  deintu,  rfe 
dedans.  De  même  :  exu,  exi,  exun,  deexu  ;  susu  {en  haut),  infu  {en 
bas).  Van  {quand?)  engendre  devan  {de  quand?)  et  govan  {jusqu'à 
quand?). 

Parmi  les  prépositions,  seules  ne  sont  pas  latines  da  (I.)  mar- 
quant le  point  de  départ,  et  go  marquant  le  but  du  mouvement 
{vers). 

Les  prépositions  entrent  en  composition  comme  préfixes  (ainsi 
qu'en  latin).  Le  préfixe  in-  a  deux  sens  :  dans,  et  la  négation.  De 
même,  le  préfixe  re-  a  les  deux  sens  déjà  notés. 

Les  conjonctions  sont  empruntées  au  latin,  y  compris  l'enclitique 
que  {et),  enim  (qui  suit  toujours  un  mot),  nisiet  ni,  cumavec  tous 
ses  sens,  quin  {sans  que)  :  el  no  poteva  loquere  quin  fleva  =  il  ne 
pouvait  pas  parler  sans  pleurer.  La  seule  qui  ne  soit  pas  latine  est  : 
ke  {que).  Encore  l'auteur  semble  t-il  adopter  la  proposition  infi- 
nitive  :  mi  credi,  tu  esere  content  =je  crois  que  tu  es  content. 

Les  interjections  mêmes  sont  latines,  à  moins  qu'elles  ne  soient 
grecques  :  apage  {loin  d'ici). 

La  syntaxe  est  sans  doute  la  même  que  dans  Myrana. 


Vocabulaire. 

La  Jormation  des  mots  est  en  général  la  même.  Le  suffixe  -o 
désigne  le  masculin,  a  le  féminin,  -e  le  neutre  :  bovo,  bœuf:  bova, 


1 .  Verbes  à  sens  actif  ou  neutre  et  à  forme  passive. 


8TEMPFL   :   COMMUNIA  413 

inche.  -à  transforme  un  adjectif  en  un  substantif  abstrait  :  bono, 
{le)  bien;  novô,  (du)  nouveau.  Le  suffixe  -ach  indique  Vépouse  de. 

Les  muts  composés  sont  le  plus  souvent  pris  tout  faits  dnns  los 
langues  naturelles  :  agrikel  (L.  agricola),  cuUivateur. 

L'nul»Mir  doiuu*  un  petit  vocabulaire  qui  fournit  des  exemples 
«le  la  formation  des  mots.  Les  racines  sont  presque  toutes 
cmpruntt^es  au  latin.  Exceptions  :  bam,  arbre  (E.  beam),  à  côté  de 
arbor:  jar,  année,  à  côté  de  anno.  Los  noms  d'arbres  ont  la  drsi- 
nence  nuise,  -o,  et  les  noms  de  Irurs  fruits  n'en  diffèrent  qu«*  par 
la  désinence  féminine  -a  :  fica,  figue;  lico,  figuier  '. 

Les  adj«*ctifs  ont  assez  souvent  les  terminaisons  -i,  -al.  -il,  -in. 
-os.  On  remarque  un  suflixe  pernjanitpie  :  -arti  {artig  D.i.  de 
l'espèce  de  — ,  semblable  à  — . 

Les  (h'rivalions  suivent  l'cxomplf  du  latin,  dans  toutes  ses 
irn'gularift's  :  faber,  fabrik:  pater,  patri  (paternel),  patria  :  nome 
ou  nomen.  nominare:  canere  ou  cantare.  cantor;  scribere.  scriptor 
ou  scribo:  pingere,  pictor:  tegere.  tect  {loUy.  respondere.  respons: 
agere.  act  :  errare.  error;  ridere,  risu;  vivere,  vita;  mentire, 
mendaz  (r/ie/iso/i(/c);  miscere,  mixtur;  torquere.  tormento:  solvere. 
soluz  (paiement).  Certaines  sont  mt'mc  plus  irr«''gulii*res  (pirn 
laliii  i\  cause  d'une  d«''formation  germanique  :  nebel.  nebulos; 
insel.  insulan. 

Daulrcs  sont  arbitraires  :  studiu  {étude),  studio  {étudiant  :  oper- 
cule [opuscule);  salire  {saler,  et  non  salir  ou  sauter);  navabl  (navi- 
(fable)  ne  vient  pas  de  navare  (s'occuper  de). 

L'auteur  s'est  efforcé  d'éviter  les  bomonymies  des  radicaux 
lafins;  il  y  a  parfois  réussi  :  mensa  {table),  mense  (mois),  mente 
{espril)  ;  auro  {or),  aura  {souffie  ,  aura  {oreille);  fnrara  (voter),  furire 
(être  en  fureur)  ;  sedare  {calmer],  sedere  (être  assis). 

D'autres  fois,  il  a  été  moins  heureux  :  manu  {main^,  manu  [le 
malin,  adv.);  post  (poste),  post  (après);  querere  {cherchera  pourrait 
venir  du  verbe  déponent  queror  (se  plaindre).  Aussi  bésile-t-il 
•  (uelquefois  entre  deux  radicaux  :  iter  et  itiner,  sciere  et  sapere. 
computare  et  contare. 

Lulin  il  admet  sans  difficulté  qu'une  mémo  idée  puisse  se  tra- 
duire par  plusieurs  mots,  et,  ce  qui  est  plus  grave,  qu'un  même 
mot  (une  préposition  par  exemple)  puisse  avoir  plusieurs  sens. 

1.  (Test  juste  l'inverse  de  la  règle  adoptée  par  J.  Lott  et  d'autres  (à  l'imi- 

tation  du  latin). 


414  SECTION   III,    CHAPITRE    XVI 

Il  compte  sur  le  contexte  pour  distinguer  ceux-ci,  comme  dans 
toutes  les  langues  naturelles. 

Critique. 

On  voit  par  ces  dernières  remarques  que  l'auteur  pousse  à 
l'extrême  la  méthode  a  posteriori  :  il  a  un  respect  excessif  pour 
les  anomalies  des  langues  naturelles,  et  n'ose  pas  imposer 
à  leurs  racines  une  régularité  absolue,  de  peur  de  tomber 
dans  l'artificiel  et  l'arbitraire  du  Volapiik.  Aussi  ses  dérivations 
n'offrent-ellcs  aucune  luiiformité,  et  ne  peuvent  être  apprises 
que  par  l'usage,  comme  en  latin  et  dans  les  langues  vivantes,  ce 
qui  rend  la  langue  plus  difficile  et  surcharge  inutilement  la 
mémoire.  C'est  le  principal  défaut  du  vocabulaire.  Quant  à  la 
grammaire,  elle  est  bien  plus  analytique  et  plus  simple  que 
celle  du  Myrana,  surtout  dans  la  conjugaison,  entièrement  ins- 
pirée du  latin.  L'auteur  a  heureusement  renoncé  aux  préfixes 
arbitraires  du  Volapiik,  et  exprimé  toutes  les  flexions  par  des 
suffixes  harmonieux  et  suggestifs.  Pourtant,  là  encore,  il  flotte 
entre  le  synthétisme  et  l'analytisme  :  à  côté  ou  au  lieu  de  sa 
conjugaison  systématique,  il  admet  des  auxiliaires.  Peut-être 
aussi  crée-t-il  trop  de  formes  :  par  exemple,  le  participe  absolu  est 
évidemment  superflu.  Il  est  vrai  qu'il  prévoit  l'objection,  et  y 
répond  en  conseillant  de  négliger  les  formes  qu'on  trouvera  inu- 
tiles. Quoi  qu'il  en  soit,  ce  projet  est  entaché,  comme  le  précé- 
dent, d'une  indécision  regrettable,  quoique  fort  respectable  :  car 
elle  provient  de  l'excès  de  conscience  de  l'auteur.  Il  faut  recon- 
naître à  son  honneur  qu'il  a  donné  un  rare  exemple  de  modestie 
et  de  conscience  en  entreprenant  lui-même  la  réforme  et  la 
refonte  de  son  premier  système  ;  et  que,  si  le  second  n'est  pas 
encore  parfait,  il  marque  un  progrès  notable  sur  le  premier,  et 
a  fortiori  sur  le  Volapiik.  Enfin,  on  doit  lui  savoir  gré  d'avoir 
appelé  de  ses  vœux  l'institution  d'une  Académie  de  langue  interna- 
tionale pour  perfectionner,  développer  et  fixer  dans  tous  ses 
détails  le  projet  qui  aurait  été  choisi. 


CHAPITRE  XVII 

D'  ROSA   :   \0V  LATIN  ' 

Lr  i\'ov  Latin  du  D""  DvNiELE  RosA  procède  do  la  nuMno  idro  f|uc 
la  Liiujua  tl««  Henderson,  d<»iit  l'auteur  sVsl  inspin'*,  «'l  à  laciucllo 
il  compare  son  projet.  Le  D'  Rosa  écarte  d'abord  les  deux  solu- 
tions <|ui  consistent  i\  adopter  une  langue  vivante  ou  une  langue 
morte  telle  quelle,  et  opte  pour  la  création  dune  langue  non- 
\t'lle.  Mais,  pour  que  cette  langue  nouvelle  puisse  être  adoptée 
el  universellement  employée,  il  faut  qu'on  n'ait  pour  ainsi  dire 
pas  la  peine  de  l'apprendre  :  •  1°  Klle  doit  pouvoir  tMre  lue  par 
tous  les  savants  sans  préparation,  ou  seulement  après  la  lecture 
de  quelques  lignes  d'explicati«m  préliminaire;  2"  elle  doit  pou- 
voir être  écrite  sans  dil'liculté  après  la  lecture  de  quel<iues  pages 
il'explication,  et  sans  avoir  besoin  d'un  nouveau  dictionnaire  ». 
Tel  est  le  programme  que  le  \ov  Latin  se  propose  de  remplir, 
il  qu'il  remplit  effectivement.  Comme  l'indiiiue  son  titre,  c'est 
une  langue  artificielle  qui  a  pour  base  le  vocabulaire  latin. 

Grammaire. 

I/al|tlinl)et  est  naturellement  l'alphabet  latin,  sans  l'y  :  synlnre 
--Vcrit  sintax.  La  prononciation  est  la  prononciation  latine. 
On  est  tenté  de  demander  :  Quelle  prononciation  latine?  car  il 

I.  Le  S'ov  Latin,  international  identifie  lingua  super  nalural  bases,  par 
le  D'  Daniele  Rosa,  direclour  du  Musée  zoologique  de  Turin  (aujourd'hui 
directeur  de  l'Institut  7!oologi(|ue  de  l'Université  de  Mmléne).  Extrait  du 
Bolletfino  dei  Musei  di  Zoologia  ed  Analomia  coiuparata  delln  H.  (Jiiicer- 
sita  di  Torino,  vol.  V,  n°  80,  l.")  octobre  !8".K)  (Torino,  Carlo  ClausenK  Cel 
opuscule  (10  p.  8")  est  entièrement  rédigé  (sauf  une  note  préliminaire 
de  14  lignes)  en  Sov  Latin  même,  ce  qui  prouve  que  celle  langue  esl  In"*» 
fooile  il  lire...  quand  on  sait  le  latin. 


416  SECTION  III,    CHAPITRE   XVII 

y  en  a  autant  que  de  peuples  qui  parlent  latin.  L'auteur  répon- 
drait sans  doute  :  «  La  prononciation  italienne.  »  L'accent  des 
mots  latins  serait  conservé  (ce  qui  implique  que  chacun  doit 
savoir  l'accentuation  latine). 

11  y  a  un  article  défini  :1e  (sing.),  les  (plur.);  et  un  article  indéfini: 
un  (sing.  seulement). 

Les  substantifs  et  les  adjectifs  ne  se  déclinent  pas  (ils  sont 
réduits  à  leurs  radicaux).  Les  cas  sont  remplacés  par  des  prépo- 
sitions (de,  ad,  etc.). 

Le  genre  est  naturel,  ou  plutôt,  il  n'y  a  de  genre  féminin 
que  pour  les  personnes  et  les  animaux  du  sexe  féminin.  Il 
n'affecte  que  les  substantifs  et  les  adjectifs  substantifîés. 

Le  pluriel  est  indiqué  par  la  terminaison  -s  ou  -es  (suivant  des 
règles  d'euphonie).  Il  n'affecte  les  adjectifs  que  lorsqu'ils  ne 
sont  pas  joints  à  un  substantif. 

Les  degrés  de  comparaison  seront  indiqués,  soit  comme  en  latin, 
soit  par  des  particules  (plus,  mult,  vere,  etc.). 

Les  nombres  cardinaux  sont  les  latins  abrégés  et  régularisés  : 
un,  du,  tre,  quat,  quinq,  sex,  sept,  oct,  nov,  dec;  dec-un,  dec- 
du,...  vigint;  trigint;  quadragint;...  cent;...  mill...;  unmillion... 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  régulièrement  en  ajoutant  au 
nombre  cardinal  la  terminaison  -esim  :  duesim,  treesim,  etc. 
Toutefois,  on  conserve  :  prim,  secund,  terti,... 

On  conserve  de  môme  les  premiers  multiplicatifs  :  semel,  bis, 
ter,  et  on  forme  les  autres  avec  le  substantif  vices  ou  tempors 
(fois)  :  très  vices,  quat  tempors  *. 

On  supprime  les  distributifs  latins,  pourtant  si  commodes  [bini, 
terni...) 

Les  pronoms  personnels  sont  :  me,  te,  il  (masc),  ila  (fém.);  nos, 
vos,  ils  (m.),  ilas  (f.),  auxquels  on  ajoute  hom  (on).  Le  pronom 
réfléchi  est  se  (sing.  et  plur.).  Ils  sont  tous  indéclinables. 

Les  adjectifs-pronoms  possessifs  sont  :  mei,  tui,  sui;  nostr,  vestr,  lor. 

Les  autres  pronoms  sont  les  pronoms  latins  réduits  à  leur 
radical  ou  abrégés  suivant  les  règles  générales  :  ist,  il,  id,  alter. 
qui,  aliq,  quicunq,  quidam,  omn,  null,  nihil;  tal,  quai;  tant,  quant; 
ips,  medesim  ^.  Ces  pronoms  prennent  -a  au  féminin  quand  ils 
ne  sont  pas  joints  à  un  substantif,  et  -s  ou  -es  au  pluriel. 


1.  Ce  qui  pourrait  signifier  aussi  :  «  les  Quatre-Temps  ». 

2.  Italien,  au  lieu  de  idem,  latin. 


d'  nosA  :  Nov  latin  417 

Les  verbes  ont  r»Viyî/u7i/teriniiu^  on  ar.  er,  ir; 

Vimparfait aba.  eba.  iba; 

\o  participe  présent...   ant.  ent,  ient; 

\c  participe  passé a,  e.  i. 

L'indicatif  osl  Koiublubli*  ù  rinliiiitir. 

Le  futur  se  forme  nu   moyen    du   prtWixo  vol;   Ir  cvmiitmnnft, 

au  nioyon  tlu  piélixe  veU.  Il  n'y  a  pas  de  subjonctif,  ni  iVimpémtif. 

Les  temps  passés  se  forment  au  moyen  de  l'auxiliaire    haber 

^iiivi  (lu  participe  passé.  Le  verbe  ne  varie  pas  suivant  la  per- 

Lxemple  tle  conju^'aison  : 

me  amar  =faime. 

me  amaba  =j  aimais. 

me  haber  ama  ^=  j'ai  aimé. 

me  habeba  ama       ^=  j'avais  aimé. 
me  vol  amar  =  j'aimerai. 

me  vol  haber  ama  =:  j'aurai  aimé. 
me  vell  amar  =:  jami^raw. 

me  vell  haber  ama  =  j'aurais  aimé. 
amant  =  aimant. 

habent  ama  =  ayant  aimé. 

Lé  passif  »e  forme  en  conjuguant  le  verbe  »têT  (être)  el  en  lui 
ajoutant  le  participe  passé  ama  [aimé). 

Les  adverlies.  prépositions,  conjonctions  et  interjections  sont 
finpruntés  littéralement  au  latin.  Seulement,  ou  lieu  des  adverbes 
latins  dérivés  d'adjectifs  ou  de  participes,  on  peut  employer  les 
adjectifs  ou  participes  correspondants  du  Aoe  Latin.  ^)uant  aux 
prépositions  ',  on  restreindra  leur  signification  au  sens  le  plus 
usuel  :  in  =  dans:  ob  =  à  cause  de,  etc. 

Pour  la  syntaxe,   l'auteur   n'édicte  aucune  règle  spéciale.  Il 
permet  de  suivre  la  syntaxe  de  n'importe  quelle  langue  nuuane 
ou  germanii|ue  *,  pourvu  qu'on  observe  les  préceplf«<  suivants  : 
1"  Suivre  l'ordre  le  plus  logique  ; 

2°  Kviter  les  idiotismes  et  les  expressions  métaphoriques  qui 
ne  sont  pas  univerecllement  intelligibles; 

3°  Supprimer  tous  les  mots  ou  particules  qui  ne  sont  pas 
ai)solument  nécessaires  à  la  compréhension. 


1 .  Kt  sans  doute  aus^i  aux  conjonctions. 

2.  Séo-laline  ou  anfflo-snronne,  selon  80»  expressions  un  peu  éi|uivoque9. 


•  "oiTi  HAT  et  Lbac.  —   I.anguo  univ. 


418  SECTION    HT,    CHAPITRE    XVîI 

Les  règles  d'accord  ont  été  énoncées  plus  haut;  les  règles  de 
régime  sont  passées  sous  silence.  Elles  seraient  sans  doute  les 
mômes  qu'en  latin,  sauf  les  simplifications  considérables  pro- 
duites par  la  suppression  des  cas  et  de  certains  modes  {sub- 
jonctif). 

La  composition  des  mots  se  fait  comme  en  allemand  et  en 
anglais.  Ex.  :  vapor-machina,  dulc-aqua-pisces. 

Pour  la  dérivation,  on  ne  donne  pas  d'autre  indication  que 
celle-ci  :  les  verbes  nouveaux  auront  la  terminaison  -ar,  ce  qui 
revient  à  dire  que  c'est  elle  qui  servira  à  dériver  les  verbes. 
Ex.  :  telegraphar,  telephonar,  microscopar. 


Vocabulaire. 

Il  est  inutile  d'établir  un  dictionnaire  nov  latin  (on  a  vu  que 
c'est  une  des  conditions  essentielles  de  cette  langue).  Il  suffit 
d'énoncer  les  principes  généraux  suivant  lesquels  on  compo- 
sera le  vocabulaire. 

Celui-ci  comprendra  premièrement  tous  les  mots  latins,  y  com- 
pris les  termes  scientifiques,  scolastiques,  juridiques,  etc., 
réduits  à  leurs  radicaux  conformément  aux  règles  suivantes  : 

Pour  les  substantifs  et  les  adjectifs,  on  prend  le  génitif  singulier 
en  supprimant  la  désinence  e,  i,  is,  us.  Ex.  :  tabula{e),  puer{i), 
corpor{is),  fruct(us),  dieii). 

Pour  les  verbes,  on  obtient  l'infinitif  en  supprimant  Ye  final  de 
l'infinitif  latin  des  verbes  réguliers  actifs,  d'où  leur  terminaison 
-ar,  -er,  -ir. 

Pour  les  verbes  déponents,  on  détermine  leur  infinitif  comme 
s'ils  avaient  la  forme  active,  c'est-à-dire  en  supprimant  la  dési- 
nence -is  de  la  2^  personne  du  singulier  de  l'indicatif  présent. 
Ex.  :  hortar,  pollicer,  uter,  morir  K 

Pour  les  verbes  irréguliers,  on  détermine  leur  infinitif  d'après 
leur  imparfait  (en  le  supposant  régulièrement  formé).  Ex.  : 
voler,  voleba  {velle,  volebam);  ferer,  fereba  [ferre,  ferebani).  De 
même,  les  défectifs  odisse,  meminisse  deviennent  oder,  meminer. 
Le  verbe  esse,  trop  irrégulier,  est  remplacé  par  le  verbe  stare, 


1.  Le  verbe  videri  (qui   se  confondrait  avec   vidcve)   est   remplacé   par 
apparere,  qui  devient  apparer. 


d'  nosA  :  Nov  latin  410 

i|iii  (loimc  star  '.  Knfui  le  verbe  posse  devicnl  poter  imparfait  : 
poteba)  lueii  (|uc  son  iniparfail  &oil  pote  mm  *. 

A  ces  rndicnux  latins  on  adjoindra,  à  leur  défaut  '  et  ù  mesure 
des  besoins  : 

l"  Des  mots  non  latins  dérivés  du  latin  ou  du  grec.  On  les 
ramriKMTi  i\  In  forme  ([u'ils  devraient  avoir  en  latin,  el  on  les 
transformera  suivant  les  règles  précédentes. 

2°  Des  mots  internationaux,  latins  ou  non,  qui  ont  dans  toutes  les 
laiitfues  la  môme  orthographe.  On  les  adoptera  avec  celte  ortho- 
graphe. 

3°  Des  mots  internationaux  non  dérivés  du  latin  ou  du  grec,  et 
([iii  ont  diverses  formes  dans  les  différenles  langues.  On  les 
hanslormera  en  les  réduisant  à  la  forme  la  plus  simple  (et  pro- 
i)ableu)ent  la  plus  conforme  à  la  grammaire  du  A'ov  Latin). 

On  devra  toujours  choisir,  dansées  trois  catégories,  les  mots 
Irx  plus  internationaux.  In  mot  est  international,  selon  l'auteur. 
<|iiand  il  se  trouve  à  la  fois  dans  une  langue  romane  et  dans  une 
langue  germanique  au  moins. 

\'oici,  i»  liln'  (récliaiitillon  du  Nov  Latin,  le  dernier  paragraphe 
(le  la  brochure  du  I)""  Bosa  : 

Al)  LES  I.ECT0RES. 

Le  noT  latin  non  requirer  pro  le  sui  adoption  aliq  congress.  Omnes 
poter.  cum  les  prœcedent  régulas,  scriber  statim  ist  lingua,  etiam. 
si  ils  voler,  cum  parv  individual  modificationes:  ils  deber  solum 
anteponer  ad  le  lor  opuscul  an  parv  prasliminari  explication  sicut 
il  qui  star  in  le  prim  pagina  de  ist  nota.  Sic  facient  ils  vol  valide 
cooperar  ad  le  universal  adoption  de  ist  international  lingua.  et 
simul  ils  vol  poter  star  legé  ab  un  mult  major  numer  de  doctes 
quam  si  ils  haber  scribe  in  quilibet  alter  vivent  lingua. 

CniTlolE. 

Il  n'est  pas  besoin  de  critiquer  longuement  ce  projet  très  som- 
maire, qui  est  plutôt  une  simple   suggestion   ou   une  esquisse 

1.  .Vnniojrueà  l'espagnol  eslar. 

2.  Et  non  pas  poleham,  suivant  un  lapsus  de  l'auteur. 

3.  L'auteur  dit  mùmo  :  «  ou  s'ils  sont  trop  peu  connus  ».  ce  qui  laisse  une 
marge  presque  indéfinie. 


420  SECTION    111,    CHAPITRE   XVII 

théorique.  Son  principal  défaut  est  de  supposer  chez  l'adepte 
une  certaine  connaissance  de  la  grammaire  latine  :  et  alors,  dira- 
t-on,  pourquoi  ne  pas  employer  le  latin?  L'auteur  croit  pouvoir 
se  dispenser  d'élaborer  un  vocabulaire,  et  employer  simplement 
le  dictionnaire  latin.  Mais  en  même  temps  il  admet  la  nécessité 
d'adopter  des  mots  internationaux,  même  non  dérivés  du  latin. 
Qui  choisira  ces  mots  internationaux?  Si  c'est  l'adepte,  il  faudra 
donc  qu'il  soit  polyglotte;  mais  alors  il  n'aura  plus  besoin  d'une 
L.  I.  11  faut  donc  que  ce  soit  une  autorité  quelconque,  qui  pro- 
mulgue un  vocabulaire  international.  On  aboutit  ainsi  forcément 
à  cette  double  conclusion,  que  l'auteur  n'a  peut-être  pas  prévue  : 
1"  La  langue  internationale  ne  peut  se  passer  de  dictionnaire: 
2»  Même  quand  on  prend  pour  base  du  lexique  le  vocabulaire 
latin,  on  est  obligé  de  lui  adjoindre  des  mots  internationaux. 
Dès  lors,  pourciuoi  ne  pas  prendre  pour  principe  l'internationa- 
lité, sans  s'inquiéter  de  la  latinité? 


CHAPITRE    XVIII 

JULIUS   LOTT    :    MVNDOLINGVE^ 

M.  Juliiis  I.oTT,  aiicion  oflicior  d'artillerie,  chef  de  gare  à  la 
IS'onlbalin  de  W'ien,  fut  dabord  un  adepte  du  Volapûk  et  son  pro- 
pagateur en  Autriche.  Mais  il  était  avant  tout  un  partisan  de  l'idée 
d  une  langue  intertmtioiiale.  «'t  il  n'était  partisan  du  lo/rt/xiA- que 
parce  que  celui-ci  était  la  première  réalisation  pratique  de  cette 
idée.  Or  il  s'aperçut  bientôt  que  cette  réalisation  était  loin 
d'être  la  plus  parfaite,  là  plus  simple  et  la  plus  naturelle,  et  il 
se  mit  à  chercher  la  meilleure  solution  du  problème,  qu'il  for- 
mulait en  ces  termes  :  «  Trouver  un  moyen  de  communication 
lacile  et  sur  entre  tous  les  hommes  instruits  de  la  terre*  ».  Il 
fiait  inutile  de  tenir  compte  (comme  l'inventeur  du  \otapuk  de 
tous  les  peuples  de  la  terre  ;  il  fallait  penser  avant  tout  aux  peu- 
ples de  civilisation  européenne,  et  plus  spécialement  aux  peuples 
tic  l'Europe  occidentale.  Or  la  source  de  la  civilisation  euro- 
péenne est  la  civilisation  romaine,  et  la  base  commune  des  lan- 
gues civilisées  (KuUursprachen)  t^si  le  latin.  C'est  le  vocabulaire 

i.  I.  Is(  \'olapùk  die  Leste  und  einfachste  Lôsung  des  Weitsprache-Pro- 
blems?  32  p.  8"  (Wion,  1888);  —  H.  Eine  Comp)'omiss-Sprache  att  betle 
und  einfachste  Lijsung  des  Weltsprache-I'roblems,  32  p.  8'  (Wien,  1889);  — 
m.  Un  linffua  internazional  :  Grammatika  et  vokabular  pro  angleses. 
germanes,  romanes,  et  pro  kullivales  de  tut  tnond,  xlvi  -j-  298  p.  16* 
(Vienn,  1800);  —  IV.  Grammatik  der  Weltsprache  «  Mondolingue  »  heraus- 
gegebon  von  der  internationalen  NVellsprache-GeselIschnlt.  Deutsche  .Vuspnlio, 
35  p.  8"  (Leipzig,  s.  d.);  —  V.  in  lingue  international  pro  le  cultivât 
nations  de  tôt  mund  :  Grammatic,  dialogs,  letters  et  vocabular  composit 
in  anglian,  frances,  german,  italian  et  universat  lingue  pro  le  firactic 
application  durant  le  exposition  universal  in  Paris  1900,  xviu  -f-  138  p.  16* 
CV'ionna,  189U).  —  Voir  aussi  Le  Kosmopolit,  Gazette  pro  l  amikes  de  un 
langue  universal.  Publikat  de  l  international  société  del  mondolingue  (Lipsia, 
1  S',l2-93). 

2.  Sous-tilre  de  II. 


I 


422  SECTION   III,    CHAPITRE   XVIH 

latin  qui  est  le  trait  d'union  entre  ces  langues,  et  leur  élément 
international.  C'est  donc  lui  qui  doit  fournir  les  matériaux  de  la 
langue  internationale.  L'auteur  n'est  nullement  un  partisan  sys- 
tématique du  latin  (ou  du  néo-latin);  s'il  préfère  les  radicaux 
latins,  c'est  parce  qu'ils  sont  les  plus  internationaux,  et  par  suite 
les  plus  neutres.  Ils  sont  connus  de  tout  homme  instruit  de 
n'importe  quelle  nation  civilisée.  Ils  sont  d'ailleurs  beaucoup 
plus  nombreux  qu'on  ne  croit,  même  en  allemand  *  ;  l'auteur 
évalue  leur  nombre  à  10  000,  et  ce  nombre  va  sans  cesse  en 
augmentant  (malgré  la  guerre  que  certains  pays  font  aux  mots 
étrangers),  parce  que  ces  mots  proviennent  de  néologismes 
scientifiques  et  techniques,  ou  même  de  la  culture  gréco-latine 
que  reçoivent  tous  les  hommes  instruits.  L'auteur  adoptera  donc 
les  mots  latins  communs  aux  langues  modernes,  et  spécialement 
à  l'allemand,  à  l'anglais  et  au  français,  en  les  rapprochant  autant 
que  possible  de  la  forme  qu'ils  ont  en  italien,  parce  que  c'est  la 
plus  facile  à  prononcer  et  la  plus  harmonieuse  ^.  Mais,  son  des- 
sein étant  plutôt  pratique  que  théorique,  il  ne  se  soucie  pas  de 
ressusciter  les  mots  latins  tombés  en  désuétude  (eque.s,  cavalier  ^; 
sinus^  golfe)  '\  En  revanche,  il  ne  se  fait  pas  scrupule  de  leur 
adjoindre  des  mots  internationaux  qui  n'appartiennent  pas  au 
latin  (cap.  opéra)  ou  même  qui  n'en  viennent  pas  {télégraphe,  vagon). 
Ce  qui  accroît  le  nombre  des  racines  internationales,  c'est  le 
fait  que  souvent,  dans  une  famille  de  mots  (substantif,  adjectif, 
verbe,  ayant  la  même  racine  logique),  l'un  d'eux  est  beaucoup 
plus  international  que  les  autres  :  ainsi  les  adjectifs  oval,  nasal, 
labial,  sont  internationaux,  beaucoup  plus  que  les  substantifs 
correspondants  :  on  adoptera  donc  les  racines  qu'ils  contiennent  : 

ove     pour  Ei,  egg,  œuf; 

nase     —     Nase,  nose,  nez; 

labié    —     Lippe,  lip,  lèvre; 
et  les  adjectifs  précités  fourniront  le  moyen  de  se  les  rappeler. 
De  même,  un  Allemand  ou  un  Anglais  peut  ignorer  que  hand  se 

1.  Non  seulement  les  mots  d'origine  scientifique,  mais  beaucoup  de  mots 
d'origine  populaire  et  nationale  ont  des  racines  latines,  comme  :  Sack, 
Fest,  Fenster,  Form,  Fieber  (fièvre),  Nuss  (noix),  Kôrper,  Wind  (vent),  Wein 
(vin),  wahr  (vrai),  neu  (nouveau);  parfois  avec  une  légère  altération, 
comme  :  Pfahl  (pal),  Pflanze  (plante),  Pforte  fporte),  Harfe  (harpe),  etc. 

2.  I,  p.  10. 

3.  Pourtant  il  admet  equitation. 

4.  IV,  p.  3. 


JULIU8  LOTT   :    MUNDOLINGUE  423 

(lit  inantis  ou  latin:  mais  il  connaît  le  mot  manuscripl.  qui  lui 
appit'iidra  fi  la  lois  la  racini'  mnnn  vl  In  rarino  gcrib  (idonlifiuc 
(lailk'iirs  ù  celle  de  schreiben).  Kt  ainsi  de  suite. 

Pour  M.  LoTT,  la  question  du  vocabulaire  prime  toutes  les 
aiilrcs  :  ce  n'est  (ju'uiie  fois  le  vocahulaire  c«Mistifu«'  qu'on  pourra 
iixt  r  l'alphabi'l.  la  prononciation,  la  grammaire  et  la  syntaxe;  car 
tout  doit  ^trc  subordonné  au  but  essentiel,  qui  est  d'obtenir  le 
niaxiniuni  (rinternalionalité,  non  seulement  pour  los  nxiicaux, 
mais  encore  pour  h's  llcxions  gramnmticales  et  les  ariixrs  de 
dérivation.  En  outre,  on  devra  rechercher  l'unirormité  graphique 
plutôt  que  l'unirormité  nhonéliime  :  d'abord,  parce  que  l'ortlio- 
t,M';qtl»c  (les  mots  est  plus  internationale  (jue  leur  prononciation  '  ; 
(Misuite.  parce  que  la  langue  internationale  est  naturellement 
destinée  à  être  beaucoup  plus  écrite  «|ue  parlée.  En  un  mol,  le 
principe  de  l'auteur  est  celui-ci  :  «  rtilis(>r  tout  ce  i\\ù  est  géné- 
ralement connu  ». 

•M.  LoTT  ne  prétend  pas  du  reste  conslruire  à  lui  seul  r{  «le  mui 
autorité  privée  la  langue  internationale;  il  aiuje  à  répéter  (jnelle 
ne  doit  pas  être  inventée,  qu'elle  existe,  et  qu'il  n'y  a  qu'ù  la 
dégager  et  A  la  régidariser.  Il  invite  tous  les  savants  de  bonne 
volonté  à  collab<»rer  f»  celte  œuvre,  et  a  fondé  pour  cela  la 
Société  internalionale  funir  la  langue  universelle.  Il  se  borne  à  pro- 
poser telles  ou  telles  régies  ;  il  laisse  souvent  le  choix  entiv 
plusieurs  alternatives;  bref,  il  présente  son  système  comme  un 
essai  et  comme  i>rovisoire.  .\tissi  celui-ci  n-til  changé  avec  le 
temps  sur  certains  points.  Nous  allons  exposer  le  projet  de  1899 
(d'après  V),  c'est-à-dire  le  dernier,  celui  que  l'auteur  considère 
probablement  comme  le  meilleur,  sinon  comme  définitif. 


Grammaire. 

L'alphabet  est  naturellement  l'alphabet  latin  (sans  y).  La  pro- 
nonciation est  la  prononciation  du  latin,  telle  que  la  pratiquent 
les  Allemands  :  l'u  se  prononce  on;  le  v  est  doux;  le  g  toujours 
dur;  le  j  a  le  son  allemand  (comme  notre  y  dans  yeux);  le  s  a  le 

I.  «  L'ortliograplie  des  roots  internntionaux  est  fc  peu  près  In  même  d«n!« 
toutes  les  Inngues  cullivées  »,  tandis  que  «  In  prononcinlion  vnric  suivant 
lo3  nations:  il  s'ensuit  qu'il  Tant  conserver  l'ortliograplic  et  simpliller  la 
prononciation  le  plus  possible.  »  (III,  p.  xxi.) 


424  SECTION   III,    CHAPITRE    XVIII 

son  français.  L'h  est  toujours  douce  ;  l'e  peut  être  muet,  ou  plutôt 
atone,  à  la  fin  des  mots.  Reste  la  lettre  c  :  on  pourrait  la  rem- 
placer par  k  pour  rendre  la  prononciation  uniforme  ;  mais  l'au- 
teur préfère  conserver  Torthographe  internationale  et  donner  à 
c  deux  sons  distincts  :  le  son  k  devant  a,  o,  u;  et  un  son  chuin- 
tant ou  sibilant  [tch  ou  ts)  devant  e  et  i.  Le  t  devant  i  suivi  d'une 
voyelle  prend  le  son  ts  :  nation  se  prononcera  comme  en  allemand 
(cf.  nazione  I.,  nacion  S.).  Enfin  ch  se  prononcera  comme  k,  et  sh 
comme  le  ch  français  {sh  E.,  sch  D.)  K 

Pour  la  même  raison,  l'auteur  croit  devoir  conserver  les  lettres 
doubles,  au  moins  provisoirement.  Il  n'admet  pas  de  diphton- 
gues :  ai,  au  se  prononcent  a-i,  a  ou.  L'auteur  conserve  Vaccent  latin 
à  sa  place.  Par  suite,  Vaccent  serait  sur  la  dernière  syllabe  du 
radical  (abstraction  faite  .de  certaines  désinences  atones,  comme 
-er),  ou  sur  la  voyelle  qui  précède  la  dernière  consonne  du  mot. 
Ex.  :  cristal,  amàr,  pàter,  litter,  lingue. 

L'ar/icie  défini  est  le,  invariable  en  genre  et  en  nombre  -.  L'ar- 
ticle indéfini  est  un,  au  singulier  seulement,  pour  tous  les  genres. 
Le  substantif  se  termine  en  général  par  une  consonne  ;  on 
lui  ajoute  alors  la  désinence  -o  pour  marcj[uer  le  masculin, 
-a  pour  le  féminin,  et  -e  pour  le  neutre.  Ex.  :  kaval,  cheval; 
kavalo,  étalon;  ka.yala,  jument.  Hom,  homme  (L.  homo);  homo,  fiomme 
(L.  vir);  homa,  femme. 

Mais  l'auteur  ne  voit  pas  d'inconvénient  à  ce  cjue  des  substan- 
tifs qui  n'ont  pas  de  genre  naturel  se  terminent  en  -o  ou  en  -a 
(il  préfère  cependant  la  désinence  neutre  -e);  ni  à  ce  que  des 
substantifs  qui  ont  un  genre  se  terminent  par  une  consonne  ou 
par  -e  :  pater,  mater,  ou  pâtre,  matre. 

Il  admet  une  autre  désinence  féminine -ess  pour  certains  noms 
de  personnes  :  duc,  duc;  duchess,  duchesse. 

Il  emploie  la  désinence  féminine  -a  pour  dériver  le  nom  d'un 
arbre  du  nom  de  son  fruit  :  fig,  figue  ;  figa,  figuier. 

Le  pluriel  se  forme  en  ajoutant  -s,  ou  -es  quand  l'euphonie 
l'exige  :  patres,  duchesses. 

La  déclinaison  est  remplacée  par  les  prépositions  de  (génitif)  et 
a  (datif).  Les  prépositions  se  combinent  avec  l'article  singulier 

1.  Dans  Suplent  folie,  l'auteur  propose  d'adopter  une  lettre  simple, 
par  ex.  s,  pour  représenter  le  son  simple  ch  (comme  en  Espéranto). 

2.  L'auteur  avait  d'abord  admis  3  formes  pour  l'article  :  le,  la,  les  (III, 
p.  xxiii  et  xxxv). 


JULIUS   LOTT    :    ML'NDOLINGte  425 

(I  foiiiiriit  loH  particules del.  al.  Kit  somme,  tout  se  passo  comme 
si  l'art i('l<>  s(>  driliiinit.  I/ncritsntir  est  semblable  au  nominatif 
ils  se  disliii^ueruiit  pur  leur  place  relative;. 

l.'adjeciif  se  termine  par  une  consonne  ou  par  -i  il  -•  met 
entre  rarlicle  et  l««  substantif  avant  celui-ci)  et  est  invariable 
connue  épith^te.  11  ne  prend  le  phiriel  (-8  ou  -esi  f|ue  lorsqu'il 
I  st  isolé,  ou  quand  il  se  rapporte  à  p/uaj>urs  substantifs  et  qu'il  y 
aurait  licti  à  ('-(luivoiiiie  :  ainsi  l'on  dira  :  le  matar  pomes,  mais  : 
le  matures  pomes  et  pires. 

Les  degrés  de  comparaison  s'expriment  analytiquement,  comme 
en  français  :  le  comparatif  par  plu  s  ;  le  superlatif  relatif  par  le 
pluisi;  le  superlatif  absolu  pai-  tre.  ou  bien  (syntbétiquement) 
par  la  terminaison  -issimi.  K\.  :  un  tre  ait  arbor;  carissimi 
amiko  '. 

I.(  N  noms  de  nombre  cardinaux  sont  :  an,  du.  tri.  quar.  qain, 
sex.  sept,  oct,  nove,  dece;  deceun.  decedu..  .:  vige.  20;  trige,  30; 
quadrage,  40;....  nonage.  vo;  cente,  luO:  ducente,  200:...  mille....; 
million  *. 

Los  adjectifs  iiumrraux  ordinaux  sont  :  primo  -a  .  secund.  tercie, 
quart,  quint,  sext.  septim,  octave,  non.  décime:  deceprime.  il'^: 
vigesime.  20'  :  trigesime,  30«;....  centesime,  loo'  ;  millésime.  1000». 
Connue  on  le  voit,  ils  se  forment  r«'gulièreni«'nt,  à  partir  de  20, 
(Il  ajoutant  -aime  au  nombre  cardinal  :  et  c'est  sans  doute  la 
forme  des  nombres  ordinaux  latins  qui  a  déterminé  la  forme 
;i(|opféf  pour  les  nombres  cardinaux'. 

Les  adverbes  numéraux  ordinaux  dérivent  des  adjectifs  ordinaux 
au  moyen  de  la  désinence  (adverbiale)  -a  :  prima,  secundo, 
terciu.  etc. 

I.ts  adjectifs  multiplicatifs  sont  :  simpl.  dapl.  tripl,  qaadrapl,... 
nonupl.  decupl;  les  suivants  dérivent  des  nombres  cardinaux  par 
la  substitution  du  suffixe  -api  à  l'e  final. 

L(^s  adjectifs  partitifs  sont  :  dimidie  ou  dimi,  moitié;  puis  :  tercie, 
quart,  quint,...  c'est-à-dire  les  adjectifs  ordinaux 

Les  adverbes  itératifs  (nombres  de  fois)  sont  :  unien.  biien.  trien, 


I.  I.e  qu*!  qui  suit  le  comparatit  se  traduit  par  qua. 

-'.  Lt>  systi'ino  de  numération  e.xposé  dans  IV  était  plus  ri'trulior  :  dudece. 

'.  tridece.  ;J0;  quardece.  40,  etc.  Dans  III,  on  trouve  :  duente,  triente, 
quarante,  etc.,  et  dans  II  :  duges,  triges,  quarges.  et<-. 

:<.  Les  nombres  ordinaux  étaient  dans  IV  :  dudecimo.  tridecimo.  etc.  ; 
dans  III  :  duentesimo.  trientesimo.  etc.  :  et  dans  II  :  dugeiio,  trigetto,  etc. 


426  SECTION   III,    CHAPITRE   XVIII 

quadrien,  quinquien, . . .  novien,  decien. . . .  vigien,  trigien, . . .  centien, . . . 
millien  '. 

Les  nombres  distribiilifs  s'indiquent  parla  préposition  a,  répétée 
ou  non  avec  le  nombre  :  a  du  a  du,  deux  à  deux:  a  tri,  par  trois. 
.    Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif  : 


1"  p. 

2«p. 

3'  p.  m. 

3"^  p.  f. 

3«  p.  n 

Sing. 

mi 

tu 

elo 

ela 

ele 

Plur. 

noi 

voi 

elos 

elas 

eles 

et  à  Taccusatif  : 

Sing. 

me 

te 

lo 

la 

le 

Plur. 

nos 

vos 

les 

las 

les 

L'accusatif  sert  à  former  les  autres  cas  obliques,  avec  diverses 
prépositions.  A  ces  pronoms  il  faut  ajouter  le  pronom  de  poli- 
tesse vo  (sing.),  vos  (plur.);  le  pronom  impersonnel  el,  et  le 
pronom  indéfini  on  =  on. 

Les  adjectifs-pronoms  possessifs  correspondants  sont  : 

mei  tel  sei       ) 

.  }  pour  les  3  genres. 
nostn  vostri  lostn  ) 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  ist,  celui-ci,  et  il,  celui-là.  Ils 
prennent  les  désinences  -o,  -a  suivant  le  genre. 

Les  pronoms  relatifs-interrogatifs  sont  qui  (m.,  f.),  que  (n.);  quelo, 
quel;  quai,  quelle  espèce  de... 

Il  y  a  une  corrélation  de  forme  entre  les  particules  relatives- 
interrogatives  et  leurs  antécédents  ;  ex.  : 


tal... 

quai.... 

tel... 

que... 

;     quel? 

tant. . . 

quant..., 

autant. . . 

que... 

;     combien? 

ta... 

qua.... 

ainsi... 

que... 

;     comment? 

to... 

quo..., 

là... 

où...  ; 

où? 

tand... 

quand,... 

alors... 

que... 

;     quand? 

Les  particules  interrogalives  en  engendrent  d'autres  dont  le 
sens  est  déterminé  uniformément  par  des   préfixes  réguliers. 
Exemple  : 
Sens  :  particulier,  universel,  indéterminé,       négatif, 
alquo  toquo        aiquo  nequo 

quelque  part    partout      n'importe  où  nulle  part 

alquand  toquand    aiquand  nequand 

une  fois  toujours     n'importe  quand    jamais 

1.   Ils  étaient,   dans  II  et  III   :  unem,   duem...;  et   dans   IV  :  unfoa, 
dufoa...  (F.  fois). 


r 


JULIUg   LOTT   :    MUNDOLINGUE  427 

et  ainsi  de  suite  '.  On  forme  de  même  les  pronoms  indélinis  : 
alqui,  (/(«'/(/(i'(//i ;  alque.  quelque  clio$e;  aiqni,  n'importe  qui,  alan, 
f/(/f/«/ji«':  neun,  antun,  l'tc. 

D'autres  pronoms  indéfinis  n'ont  aucune  forme  Hy8t«'mali<|ue  et 
sont  siniplcniont  empruntés  nu  Intin  :  uno,  tin;  aAiro, autre;  omno, 
cliaqnc  ipl.  luus)  ;  nemo,  personne;  nihil.  rien;  ips,  id,  même;  le  ipso, 
le  ido,  le  même  *. 

Los  verbes  se  teniiiiifiil  Ions  à  rinlinilif  par  -r  (-ar,  -er,  -irr,  lU 
■«ont  invariables  en  personne  et  en  nombre,  et  se  conjuguent  sur 
le  paradigme  suivant  : 

Intinitif  :  amar  =  aimer. 

Indicatif  présent  :  imi)  ama  =  j'aime. 

—  impart'.:  imii  amave  =  jViimnw. 

—  parlait  :  «mi)  ha  amat  ^=j'ai  aimé. 

—  p.-que-p.  :        (mi)  hâve  amat  =  j'avais  aimé. 

—  futur  :  (mi)  amaré  =  f aimerai. 

—  futur  ant.  :        (mi  haré  amat  =  j'aurai  aimé. 
Conditionnel  présent  :    (mi   amaréi  =  j'aimerais. 

—  passé:  (mi  haréiamat  =  /Vi"rMisrtjm<?. 

Impératif  :  ama  tu  vo,  «te  )  =  aime,  aimez. 

Participe  présent  :  amant  =  aimant. 

—  passif  :  amat  =  aimé. 

Le  passif  se  forme  nu  moyen  de  l'auxiliaire  easer  {être)  et  du 
participe  passif. 

La  lonualion  des  participes  diffère  un  peu  dans  les  verbes 
dont  l'inlinitif  est  en  -er  ou  -ir.  Les  verbes  en  -er  ont  leurs  par- 
ticipes en  -ent  et-it;  les  verbes  en-ir,  en  -ient  et  it.  Ex.  :  vender. 
vendent,  vendit;  audir,  audient.  audit. 

«  Le  supin  »  (^latin)  «  est  employé  comme  participe  passé  et  est 
marqué  dans  le  dictionnaire  ;  ex.  :  scriber.  script  »  '. 

Les  deux  verbes  auxiliaires  esser  et  har  (neoirtse  conjuguent 
régulièrement.  Lx.  :  mi  ha  essit  amat  ^=j'ai  été  aimé  ♦. 

La  négation  est  toujours  ne;  elle  porte  sur  le  mol  qui  suit 
immédiatement.  Ex.  :  mi  ne  puni  tu.  je  ne  te  punis  ihis;  ne  mi 

1.  Cf.  le  tableau  des  particules  de  l'Esi^ranlo  (p.  :K)9). 

2.  Il  est  fAchcu.x  de  confondre  ainsi  les  sens  bien  distincts  des  pronoms 
latins  ipse  et  idem. 

3.  V,  p.  24. 

4.  Telle  est  la  conjugaison  adoptée  dans  V.  Mais  Tautour  a  beaucoup 
varié  sur  ce  point,  et  a  donné  successivement  dans  II.  111  et  IV  divers  para- 
digmes, plus  compliqués,  qu'il  nous  semble  inutile  de  reproduire  ici. 


428  SECTION   III,    CHAPITRE    XVIII 

puni  tu,  ce  n'est  pas  moi  qui  te  punis;  mi  puni  ne  tu,  ce  n'est  pas  toi 
que  je  punis.  L'affirmation  s'exprime  par  jes  (E.). 

L'interrogation  s'exprime  en  mettant  le  sujet  après  le  verbe,  à 
moins  que  la  propositionne  contienne  un  mot  interrogatif,  qu'on 
place  alors  le  premier.  Ex.  :  que  di  vo?  que  dites-vous?  Ha  vo 
audit?  avez-vous  entendu?  Esse  le  supéparat?  Le  souper  est-il  prêt? 

Les  particules  primitives  sont  empruntées  au  latin,  à  l'italien 
ou  au  français  :  hestern,  hier;  doman,  demain;  eti,  aussi;  ergo, 
donc;  ma,  mais:  ancor,  encore;  quelques-unes  à  l'allemand  :  do, 
pourtant  {doch}. 

Les  particules  dérivées  d'autres  mots  ont  toutes  la  terminaison 
-u  :  seru,  le  soir:  noctu,  de  nuit;  vanu,  en  vain:  memoriu,  de 
mémoire;  domu,  à  la  maison;  kavalu,  à  cheval;  cash,  en  cas  que; 
exceptu,  excepté  (que). 

Les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  (étant  de  véritables  qualificatifs 
du  verbe)  conservent  la  forme  de  l'adjectif  correspondant 
(comme  en  allemand).  Toute  équivoque  est  évitée  en  unissant 
par  et  les  adjectifs  qui  se  suivent  immédiatement  (dans  le  cas 
contraire,  le  premier  adjectif  est  un  adverbe  modificatif  du 
second). 

Nous  connaissons  déjà  des  adverbes  interrogatifs  et  leurs  cor- 
rélatifs. En  voici  d'autres  :  quar,  pourquoi;  tar,  pour  cela:  quopro, 
topro,  mêmes  sens.  Parmi  les  autres  adverbes,  citons  :  trop  :  sat, 
assez:  is,  ici;  hodi,  aujourd'hui;  nu,  maintenant;  olim,  autrefois; 
semper,  toujours;  sœp,  souvent;  ja,  déjà;  ancor,  tard,  etc. 

Parmi  les  prépositions,  il  faut  remarquer  de,  qui  indique  le  lieu 
d'où  l'on  vient,  l'origine,  la  matière,  la  dépendance,  et  le  régime 
du  verbe  passif;  et  a,  qui  indique  le  lieu  où  Ton  va,  la  direction, 
le  but,  la  destination.  Ces  deux  prépositions  se  combinent  avec 
les  adverbes  et  prépositions  de  lieu  et  de  temps  pour  leur  com- 
muniquer ces  deux  sens  :  de  quo,  d'où  (viens-tu?);  a  quo,  où  (vas- 
tu?)  ;  de  ici,  a  ici  ;  de  la,  a  la;  de  su  {de  dessus),  a  su,  etc.  De  quand, 
depuis  quand;  a  quand.  Jusqu'à  quand,  etc. 

La  préposition  in  indique  le  lieu  où  l'on  est;  per,  le  moyen  ou 
l'intermédiaire;  pro  signifie  à  la  place  de  ou  dans  l'intérêt  de;  ob, 
à  cause  de;  ad,  auprès  de,  devant  un  nom,  pour,  devant  un  verbe  : 
on  mangie  ad  vivere,  et  on  ne  vive  ad  mangiare  (IV,  21).  Autres 
prépositions  :  con,  avec;  sin,  sans;  ex,  extra;  inter,  intra; 
circum,  circa;  ante,  pos  (après);  su  (sur),  sub  (sous);  tra,  trans; 
ois,  prox,  ultra,  contra,  vers.  Ces  prépositions  entrent  dans  la 


JULIUS  LOTT   :    MUNDOLINGUB  4S9 

composition   de   cortnins   verbes   comme  préfixes  (comme  en 

Intiiu. 

Les  principales  cmijonetions  sont  : 

et,  0  (oif  ,  qe,  si,  ma,  Ao( pour lant),  ergo  {donc),  qnia  (parée  qae), 
etsi  {ininiiiiie  ,  ni  f/>oHr  que),  ante  qe  {avant  que),  dam  pendant  que), 
usqe  Justpi'à  ce  que  ,  ni...  ni...:  je...  te,  plus...  plus;  ne  soin....  ma 
anke  (non  seulement,...  mais  encore)  «. 

Oiijiiit  anx  interjerliiiiis,  elles  ap|>nrliennent  a  la  Inntfne  natnrelle 
iiialerneilc).  On  ne  peut  traduire  (pie  celles  «pii  dérivent  d'autres 
mots,  comme  :  adio,  adiew,  perdio.  pnrdieu;  deo  gratie,  grâce  à 
Dieu;  sucurs,  au  secours;  hait,  silence,  etc. 

Nous  avons  déjà  vu  la  plupart  des  règles  de  la  syntaxe,  très 
simple  d'ailleurs.  Le  sujet  du  verbe  se  place  avant  lui  (sauf  dans 
les  propositions  impérntives  et  interrogatives):  et  le  régime 
direct  se  place  après  le  verbe  (excepté  quand  il  est  un  pronom 
relatif)*.  Les  prépositions  régissent  toujours  l'accusatif»,  la  dis- 
tinction des  cas  avec  et  sans  mouvement  étant  faite  par  des  prépo- 
sitions diverses  ;  et  les  c<>njonctions  ne  régissent  aucun  mode. 
1  ;ir  elles  remplacent  les  modes  :  on  a  vu  en  effet  qu'il  n'y  a  pas 
(ie  subjonctif  *. 

VOC.ABUL.\IRE. 

C'est  le  vocabulaire  qui  est,  pour  l'auteur,  le  fondement  essen- 
tiel de  la  Langue  internationale,  et  qui  constitue  In  plus  grande 
partie  de  son  teuvre.  Presque  tous  les  mots-racines  sont 
empruntés  nu  latin;  quelques-uns  aux  langues  romanes  (F.,  I.); 
quelques-uns  même  aux  langues  gt'rnianiques.  \i\.  :  iish, poisson: 
fink.  pinson;  korb,  panier;  ox,  bœuf;  soi,  douane. 

L'auteur  hésite,  en  transcrivant  les  mots  latins  et  autres,  à 
supprimer  les  lettres  d«)ubles.  Et  en  efTet,  on  ne  distinguerait 
plus  kan   chien  de  kann  canne,  tuyau);  bal  ibai  de  bail  [balle,  etc. 


1.  n.Tiis  V,  on  trouve  en  oiilrc  :  ta...  qua...  'te  même  qm'-,  pos  qua.  après 
■i'ir:  secun  qe.  selon  que:  ne  obstant  qe  :  sapposit  qe:  si  do.  f>oui-vu  que 

-  iiiianisnic  :  wenn  doch). 

2.  Opindnnt.  M.  J.  T.ott  écrit:  •  le  difikuUé  de  solution  de  il  problam 
ne  forma  le  gramatik  ma  le  vokabular  •  {Supleni  foli^,  p.  Si.  Il  est  clair 
cjup  le  sujet  i-si  gramatik  et  vokabular.  niors  que  leur  plaro  en  fail  de» 
régimes.  Cet  exoniplc  prouve  rutilito  de  roccusntif. 

3.  V.  p.   27.    Pans  III.  p.  xxiv.  elles  répissaienl  toujours  le  nnminatir. 

4.  Conformément  nux  idées  de  I.ii'tav.  à  qui  l'auteur  se  r*l*re(IV.  p.  W>. 


430  SECTION   III,    CHAPITRE    XVIII 

Bien  qu'il  prescrive  de  transcrire  le  plus  exactement  possible 
les  mots  internationaux,  il  n'a  pu  s'empêcher  de  fixer  quelques 
règles  générales  pour  la  formation  des  mots  dérivés,  c'est-à-dire 
de  régulariser  les  affixes  déjà  internationaux.  Nous  avons  déjà 
vu  qu'il  forme  les  féminins  et  les  noms  d'arbres  avec  le  suffixe  -a, 
et  certains  autres  féminins  avec  le  suffixe  -ess. 

Pour  les  noms  de  ceux  qui  exercent  une  profession,  il  adopte 
le  suffixe  -er  (D.),  -ero,  -era  '.  Si  l'on  y  ajoute  le  suffixe  -le,  on 
obtient  le  nom  de  la  profession  ou  du  lieu  où  elle  s'exerce. 
Ex.  :  tanner,  tanneur:  tannerie,  tannerie. 

Le  suffixe  -ier  sert  à  indiquer  le  lieu  ou  le  récipient  où  on  loge 
un  objet  :  salier,  salière:  candelier,  chandelier. 

La  terminaison  -ia  est  caractéristique  des  noms  de  pays  :  Ger- 
mania,  Italia  ;  et  aussi  de  certains  noms  de  sciences  :  geometria, 
geografia. 

Le  suffixe  diminutif  est  -et  ou  -ette,  pour  les  adjectifs  comme 
pour  les  substantifs  :  operet;  nerette  {noirâtre). 

Le  suffixe  augmentatif  est  -on  :  bal,  balon;  can  (tuyau),  canon 
[canon). 

Les  substantifs  dérivés  d'adjectifs,  qui  indiquent  la  qualité 
correspondante,  se  forment  au  moyen  de  la  terminaison  -ita  : 
sanct,  sanctitâ;  quand  l'adjectif  (ou  participe)  se  termine  en 
-ent,  le  substantif  se  termine  en  -ence  :  sapient,  sapience. 

Les  adjectifs  dérivés  de  substantifs  ont  les  terminaisons  -al,  -ar, 
-os,  -ik.  Ex.  :  mortal,  natural;  familiar,  regular  ;  poros,  nervos;  aka- 
demik,  gigantik. 

Enfin  les  substantifs  et  adjectifs  dérivés  de  verbes  se  forment 
les  uns  au  moyen  du  participe  passé,  et  des  suffixes  -or  (pour 
l'agent),  -iv  (pour  la  qualité  active),  -ion  (pour  l'action)  ;  les  autres 
on  ajoutant  le  suffixe -bil  (possibilité  passive)  au  radical  verbal. 
Ainsi  formar,  part,  format,  donne  :  formater,  formation,  formativ, 
formabil:  vendere,  vendit,  donne  :  venditor,  vendition,  vendibil; 
audire,  audit,  donne  :  auditor,  audition,  audibil  ^. 

L'auteur  adopte  aussi  un  certain  nomln-e  de  préfi.xes  latins 
devenus  internationaux  par  les  mots  qu'ils  composent  :  ab-,  ad-, 


1.  11  conserve  néanmoins  le  suffl.xe  international  -ist,  là  où  il  existe  : 
artist,  dentist,  lampist. 

2.  Lorsque  le  participe  passé  est  remplacé  par  le  supin  latin  (irrégulier), 
c'est  de  celui-ci  que  se  forment  les  dérivés.  Ex.  :  scriptor,  scription.  Le 
sufllxe  -bil,  suivi  du  suffixe  de  qualité  -ita,  sert  à  former  les  substantifs 


JULIl'S   LOTT   :     MUNDOLINGUE  431 

de-,  dis-,  ex-,  in-,  ko-  ou  kon-,  mis-,  pre-,  re-.  Il  roinnn|iio  le 
(ioiihlc  sens  de  corlaiiis  (l'nitrr  eux  lin-  si^fiiifie  tnritiM  dnm,  et 
ti\nt(H  In  lu^^ntion  ;  re-  signifie  tanUM  lu  ri''|i(Hitinn,  laiidM  lo 
n^^rossion  ou  Incliou  coulrnire  '),  snns  chercher  à  reiiuMier  aux 
('•'luivoques  qui  pcuvtMit  eu  résuller. 

\j()ul<)us  (pi'il  emploie  le  |)r<'lixe  bel-  (français)  pour  d^^igner 
l;(  parouJi'  par  alliainr  :  belpater.  belfrater,  elr. 

1,  auteur  ne  doiuie  pas  de  règles  de  coni|>(>sition  ;  il  parait 
d'ailleurs  éviter  les  mots  composés,  et  leur  préférer  les  |>éri- 
pliras(»s  à  la  mnni«'»re  fi'aiieai«;e  (ex.  :  buro  de  post.  mastro  de 
capelle).  Ou  trouve  |K>urtaut  ferrovie  rt  vaporinavig  là  eôli'-  de 
navig  de  vapor)  ^ 

\'i)iei.  à  titre  d'érliaulillou,  la  traduction  du  l'aler  que 
M.  Jnlius  KoTT  a  bien  voulu  nous  eoinninuii|uer  : 

P:.tre  nostri,  résident  in  celé,  tei  nomine  e  sanctificat.  Tel  règne 
vole  venir  a  nostri.  Tei  voluntate  e  exequer  ne  solu  in  cele  ma  eti 
in  terre.  Da  tu  a  nos  hodie  nostri  quotidian  pane,  et  pardona  a  nos 
nostri  debiti.  qua  eti  noi  pardona  al  nostri  debitores.  Ne  indace 
tu  nos  in  tentatione,  ma  libéra  nos  de  omne  maie. 

\  <»ici  uu  aidre  spéciuicu  i\r  Muiulolingue  ^  : 

Amabil  amico. 
Con  grand  satisfaction  mi  ha  lect  tei  letter  de  le  mundolingue  Le 
po::cibilità  de  un  universal  lingue  pro  le  civilisât  nations  ne  esse 
dubitabil.  nam  noi  ha  tôt  éléments  pro  un  tal  lingue  in  nostri  lin- 
gues, sciences,  etc.  Noi  trova  in  le  cultur-lingues  plus  qua  7000 
gênerai  intelligibil  expressions,  quel  con  lostri  dérivations  repre 
senta  un  respectabil  vocabular,  sufficient  pro  le  reciproc  commu- 
nication. Le  simpl.  latin  pronunciation  et  accentuation  facilita  le 
parlar  et  l'intelliger,  et  le  simpl  et  regular  grammatic  fa  le  mundo- 
lingue ad  facilissimi  lingue  del  mund.  Mi  propagaré  le  universal 
lingue  et  conquireré  partisans  pro  ist.  Adio  ! 

do  po9sil>ilit6  (ex.  :  possibilita).  Nous  remarquons  que  l'auteur  emploii*  le 
mot  recommandabil  (V.  p.  7()  dans  lo  sons  :  qu'on  doit  (et  non  :  qu'on 
pi'ul)  rerom)nander  (traductions  :  D.  empfi'filensh-ut'dig  :  E.  to  hf  reeomrn- 
■'■•■!:  F.  à  tecommander).  Do  nii^mo  admirabil.  honorabil.  respectabil.  clr. 
Sons  niari]iu^  rcspQctivomoat  on  alloninnd  pnr  wieder  ot  zuruck. 

2.  V.  p.  fil.  138. 
:i.  V.  p.  70-77. 


432  SECTION   III,    CHAPITRE    XVIII 


Critique. 


Comme  on  le  voit  par  ces  spécimens,  le  MandoUngue  est  une 
sorte  de  néo-latin  analogue  à  celui  que  le  D""  Daniele  Rosa  conce- 
vait à  la  même  époque.  11  n'en  diffère  que  par  le  principe  : 
M.  RoSA  part  du  vocabulaire  latin,  et  l'enrichit  de  mots  interna- 
tionaux; M.  LoTT  cherche  d'abord  les  mots  internationaux,  et 
aboutit  à  n'admettre  presc]ue  que  des  mots  d'origine  latine.  Le 
résultat  est  pratiquement  le  même,  mais  il  est  intéressant  de 
constater  qu'un  auteur'  (de  langue  germanique)  est  amené,  i)ar 
]e  principe  de  l'internationalité,  à  constituer  un  vocabulaire  presque 
exclusivement  néo-latin. 

Sa  grammaire  aussi  a  un  caractère  néo-latin  très  marqué  ;  elle 
est  visiblement  inspirée  de  la  grammaire  des  langues  romanes, 
et  surtout  de  l'italien.  Elle  n'a  qu'un  défaut,  c'est  de  les  imiter 
trop  servilement  et  de  trop  près,  ce  qui  nuit  à  sa  simplicité  et  à 
sa  régularité.  Par  exemple,  les  nombres  ordinaux  ne  dérivent 
pas  régulièrement  des  nombres  cardinaux,  ni  les  pronoms  pos- 
sessifs des  pronoms  personnels.  Par  suite,  ou  bien  on  suppose 
que  l'adepte  connaît  déjà  le  latin  ou  une  langue  romane  (suppo- 
sition illégitime  et  partiale),  ou  bien  on  charge  sa  mémoire 
des  formes  irrégulières  et  compliquées  d'une  langue  naturelle. 
La  conjugaison  est  trop  française,  elle  n'est  ni  assez  simple  ni 
assez  logique.  Le  mode  impératif  ne  se  distingue  pas  de  lindi- 
catif,  ce  qui  est  équivoque,  comme  on  le  voit  par  la  traduction 
du  Pater.  L'emploi  de  deux  auxiliaires  est  inutile;  celui  du  i)ar- 
ticipe  passif  pour  les  temps  secondaires  de  l'actif  est  irration- 
nel ;  non  seulement  la  formation  des  participes  n'est  pas  abso 
lument  uniforme,  mais  l'admission  des  formes  irrégulières  du 
supin  latin  constitue  une  grosse  complication  pour  bon  nombre 
de  verbes  très  usuels  (seder,  session;  fluer,  fluxion:  mover,  motion: 
vider,  vision;  funder,  fusion;  scriber,  scriptor;  léger,  lektor.  etc.) 
Ces  anomalies,  familières  à  ceux  qui  savent  une  langue  romane, 
augmentent  la  difficulté  de  la  langue  pour  les  autres  peuples, 
ce  qui  est  contraire  à  la  neutralité  de  la  L.  I.  '. 

1.  H  y  a  un  point  en  revanche  où  la  grammaire  adoplc  un  idiotisme  ger- 
manique fâcheux  :  c'est  lorsqu'elle  admet  des  adverbes  identiques  de  forme 
à  des  adjectifs.  On  en  voit  l'inconvénient  dans  la  lettre  que  nous  avons 


JULIUS  LOTT  :    MUNDOLINGUE  433 

Comme  la  gramtnniro,  le  vocabulaire  est  trop  a  poiterhrl, 
c'csi-à-dirc  trop  caNiué  sur  le  vocabulaire  latin  et  néo-lotin.  Et 
d'nboni,  la  prononciation  des  lettres  n'est  pas  uniforme,  ce  qui 
est  un  grave  tléfunl.  Non  seulement  on  admet  des  digraphes 
comme  ch  et  sh,  mais  on  attribue  des  sons  dilTérents  à  e  et  A  t 
suivant  les  lellros  (jui  les  suivent.  Sans  doute,  ces  irrégularités 
sont  peu  do  chose,  comparées  h  celles  des  langues  dont  Tortho- 
graphe  est  la  plus  phonétique  (l'italien  et  l'espagnol);  maison 
peut  trouver  qu'elles  sont  encore  de  trop,  dans  une  langue  arti- 
ficielle (]iii  n'a  pas  à  imiter  les  langues  romanes  plutôt  que  telle 
autre.  Ajoutons  que  l'emploi  de  l'e  muet  ou  «  atone  >  ù  la  fin  de 
beaucoup  de  mots  est  trompeur  et  malencontreux:  cardiaque 
peuple  serait  fatalement  amené  à  le  prononcer  différemment, 
suivant  ses  habitudes;  il  vaut  bien  mieux  employer  pour  fmalcs 
des  voyelles  sonores  (o,  a)  que  tous  soient  obligés  de  prononcer 
de  même. 

L'auteur  a  sans  doute  raison  de  consen'er  l'orthographe  inter- 
nationale, et  de  lui  conformer  la  prononciation.  Mais  il  va  trop 
loin  (juand  il  respecte  les  consonnes  doubles,  qui  ne  sont  même 
pas  toujours  internationales  »,  et  que  l'on  tend  à  proscrire  dans 
certains  pays,  pour  simplifier  l'orthographe.  C'est  bien  le  moins 
qu'on  introduise  une  telle  simplification  dans  la  L.  !..  où  elle  ne 
risque  pas  de  choquer  l'usage  et  la  tradition. 

Mais  le  défaut  le  plus  grave  du  vocabulaire  est  l'irrégularité 
de  la  dérivation.  D'une  part,  il  y  a  plusieurs  suffixes  pour 
exprimer  une  même  relation  :  -a  et  -ess  pour  le  féminin  •;  -ero, 
-ator  et  -ist  pour  l'acteur  ou  le  professionnel  dansero  =  dansator  ; 
piscero  =  piscator:  fifero  =  celui  qui  joue  du  fifre  ô  côté  de  har- 
pist  ;  pour  les  diminutifs,  à  côté  de  -et  on  trouve  -al  (korbol  = 
corbiHon)  et  -ical  (vermicul  =  vermisseau)  '.  Pour  les  habitants 

cKoo:  les  mots  :  «  gênerai  intelligibil  expressions  •  signifient  •  expres- 
sions jftMit'rnlement  intollipiblos  •  et  non.  conime  il  semble.  •  expression» 
gt^nernles  intelligibles  •.  l)ira-t-on  que,  dans  ce  dernier  cas.  on  aurait  joint 
les  deux  adjectifs  par  un  c^  comme  dans  •  le  simple  et  regular  grtm- 
matic  "?  Mais  cela  n'est  pas  toujours  possible,  notamment  lorsque  les  deux 
é|>illitHes  ne  sont  pas  coordonnées,  mais  superposées,  comme  dons  :  •  le 
simpl.  latin  pronunciation  •.  Cette  dernière  pfirose  ne  diffère  de  la  pr^- 
niièn»  que  par  une  virgule;  celle  distinction  est  bien  insuffisante. 

1.  Exemples  :  address  (E.),  adrtsse  (D.,  F.);  vasall  (D.).  ia«<i/  (B.,  F.), 
vasallo  (I..  8.). 

2.  On  trouve  même  accidentellement  le  suffixe  -in  :  reg(o)  =  rw.  rtgina 
=  itine. 

.3.  Sans  parler  d'arbust,  diminutif  d'arbor. 

CouTURAT  et  Lkao.  —  Langue  univ.  *o 


434  SECTION   m,    CHAPITRE   XVIII 

d'un  pays,  on  trouve  Europeano  avec  Asiatico,  Âustriano  avec 
Ânglese,  Belgiano  avec  Chinese,  etc.  Pour  les  verbes  qui  signi- 
fient faire  ou  rendre  tel,  on  trouve  clarificar,  tumefar,  terrifar, 
habilitar,    cicatrisar,     carbonescar    (carboniser),    sanar    (guérir), 
siccar  (sécher),  et  abellar  =bellificar  (embellir).  C'est  le  désordre 
complet.    D'autre   part,   un    même   suffixe  a   des  sens    divers, 
de    sorte    qu'on   ne    peut   pas   déduire   sûrement   le   sens    du 
dérivé  du  sens  du   radical.    Par  exemple,  le  suffixe  -in,    déjà 
employé  pour  le  féminin,  a  ailleurs  le  sens  de  collectivité  (vermin; 
gradin  =  escalier),  et  ailleurs  encore  sert  à  former  des  adjectifs 
(canin).    Le   suffixe   -ar,  qui  sert  à  former  des  verbes  dérivés 
(comme  on  vient  de  le  voir),  sert  aussi  à  former  de  nombreux 
adjectifs  comme  agrar,  familiar,  popular,  culinar.  Le  mot  vectur 
(voiture)  n'a  pas  le  même  rapport  à  l'idée  de  veher  (aller  en  voiture) 
que  les  mots  lectur  et  scriptur  à  l'idée  de  lire  ou  d'écrire.  Une 
gambad  ne  dérive  pas  de  gamb  (jambe)  comme  la  limonad  dérive 
du  limon  (citron).  Si  le  foliage  (feuillage)  est  un  ensemble  de  feuilles 
(folie),  le  village  n'est  pas  un  ensemble  de  villas,  et  surtout  le 
corage    (courage)  n'est    pas    un    ensemble    de    cœurs   (cor).     Si 
botelero,  caffetero  désignent  le  patron  d'un  hôtel  ou  d'un  café, 
prisonero    ne   désigne   pas  le  chef   de  la   prison,    mais  le  pri- 
sonnier, et  murero  désigne  le  maçon,  et  non  le  propriétaire  du 
mur  (germanisme  :  Maurer).  Enfin  il  y  a  des  dérivations  irrégu- 
lières *  :  timor  =^  crainte,  iimer  ^  craindre  ;dolor  =  douleur,  doler  = 
souffrir;  calor  =  chaleur,  calid  =  chaud;  de  môme  frigor,  frigid; 
tumor,  tumid.  Comment  expliquer  des    dérivés  comme   mal-or 
(malheur)  et  grand-or  (grandeur),  à  côté  de  son-or  (sonore,  adj.)? 
Comment  justifier  l'adjectif  nas-al  à  côté  des  adjectifs  analogues 
ocul-ar,  auricul-ar?  Pourquoi  tonor  engendre-t-il  le  verbe  tonar, 
alors  que  pluvie  fait  pluviar  et  nive,  nivar?  Si  capellano  dérive  de 
capelle,  comment  sacristano  dérive-t-il  de  sacristie,  domestico  de 
dom,  et  ecclesiastico  de  ecclesie?Enfin,  pourquoi  virginaa-t-il  pour 
adjectif  virginal:  puer,  puéril;  pater,  paternal  (de  même  :  maternai, 
fraternal);  cor,  cordial;  fem,  féminin;  et  homo...  viril?  Quels  suf- 
fixes extraordinaires  ont  formé  les  adjectifs  cel-est  et  mar-itim? 
Ce  sont  là  des  anomalies  et  des  illogismes  que  l'adepte  ne  pour- 
rait ni  inventer  ni  deviner,  et  qu'il  serait  obligé  d'apprendre  par 


1.    Sans   parler    des    dérivations    comme   patient,    patience;   sapient, 
sapience,  etc.,  qui  sont  en  quelque  sorte  régulières  dans  leur  irrégularité. 


JULIUS  LOTT   :    MUNDOLINGL'E  435 

cœiir,  comme  mitant  d'exceptions.  Par  exemple,  pourquoi 
gigantic  à  rMr  de  monstres?  Pourquoi  pas,  dira  un  Français, 
gigantesc  H  monstruos'?  Pourquoi  aarifico  orjèvre)  à  côt^  Je 
juvelero  (joaillier),  s'il  est  vrai  qu'on  fabricpic  (sens  du  suffixe 
latin  fie)  des  joyaux,  mais  non  pas  de  l'or?  Pour(|iiot  mniico 
(musicien)  ne  dérive-l-il  pas  de  masic  comme  organist  d'organ 
{orgue)1  On  pourrait  multiplier  ces  questions;  la  n'-ponse  serait 
tt)iijonrs  In  nuMne  :  Parce  que  c'est  ainsi  en  latin  ou  «lans 
telle  Uuifj^ue  romane.  Mais  alors,  dira-ton,  ce  n'est  pas  la  peine 
(le  fabriquer  une  langue  artificielle  pour  y  reproduire  toutes  les 
irréirularit(^s  des  langues  vivantes,  et  pour  la  rendre  aussi  dif- 
(icile  et  aussi  longue  à  apprendre  qu'elles.  Pour  moutrcr  à  quel 
point  M.  LoTTse  soucie  peu  de  simplifier  son  vocabulaire  par  la 
l'ormation  ri^gulière  des  mots,  il  suffit  de  citer  la  série  de  nM)ts 
suivants  empruntée  docilement  au  latin  :  tauro.  bove,  vacca,  vital. 
Autant  vaut,  dans  ce  cas,  apprendre  tout  de  suite  le  latin  '! 

1.  Voluminot  dérive  bien.de  voluml 

2.  Bien  entendu,  nous  n'ipnorons  nullement  les  raison**  philologiques  et 
liistoriques  qui  expliquent  et  justifient  ces  Tormations  irn-giilières;  mais 
nous  n'avons  pas  à  en  tenir  compte  pour  apprécier  une  langue  nrtilifielle. 
qui  est  par  U\  nit^me  afTrancliie  de  toute  tradition,  et  qui  doit  viser  avant 
tout  à  In  facilit»'  de  pratique  et  d'acquisition.  Ajoutons  que.  dans  notre 
pensée,  les  mêmes  criti<|uos  s'appliquent  au  latin  et  aux  langues  romanes, 
considérées  comme  L.  I.  possibles  (voir  le  Chapitre  final  Les  langues  mortes). 


CHAPITRE  XIX 

D'"  LIPTAY  :  LANGUE  CATHOLIQUE^ 

«  La  seule  originalité  de  ce  projet  est  l'exclusion  de  toute  ori- 
ginalité ■»,  telle  est  l'épigraphe  du  livre  du  D'  Liptay;  pour  lui, 
la  langue  universelle  ne  doit  pas  être  inventée,  mais  découverte, 
ce  qui  veut  dire  qu'elle  existe  déjà,  au  moins  implicitement. 
Passant  en  revue  les  projets  antérieurs,  il  leur  reproche  à  tous 
d'être  des  créations  arbitraires;  seul  le  projet  de  Julius  Lott 
trouve  grâce  à  ses  yeux,  parce  que,  par  une  rencontre  involon- 
taire et  imprévue,  il  ressemble  beaucoup  à  la  Langue  catholique  2. 
L'auteur  constate  qu'il  existe  déjà  un  vocabulaire  international 
considérable,  composé  en  grande  partie  des  mots  que  les  lan- 
gues vivantes  ont  empruntés  au  latin  et  au  grec.  Il  suffit  de 
dégager  et  d'adopter  ce  vocabulaire,  en  lui  appliquant  une 
orthographe  phonétique  et  une  prononciation  internationale. 
Quant  à  la  grammaire,  l'auteur  déclare  vouloir  la  supprimer, 
ce  qui  est  impossible,  comme  il  le  reconnaît  ensuite;  il  la  réduit 
au  strict  minimum,  en  s'efforçant  d'en  bannir  autant  que  pos- 
sible l'arbitraire,  et  en  s'inspirant  des  langues  romanes.  En 
somme,  ce  projet  «  n'est  autre  chose  qu'une  langue  néo-latine..., 
mais  une  langue  romane  dépouillée  presque  entièrement  de 
règles  grammaticales  ». 

Ce  n'est  d'ailleurs  proprement  qu'un  projet  :  l'auteur  déclare, 
avec  modestie,  n'être  pas  en  mesure  d'élaborer  une  langue  inter- 

1.  Langue  catholique.  Projet  d'un  idiome  international  sans  construction 
grammaticale,  par  le  D'  Alberto  Liptay,  inodecin  de  la  marine  du  Chili, 
attaché  à  la  Commission  navale  du  Chili  en  France,  xi  +  290  p.  8°  (Paris, 
Bouillon,  1892).  Le  même  ouvrage  (avec  des  variantes)  a  été  publié  en  espa- 
gnol :  La  lengua  catolica  (Paris,  Roger  et  Chernoviz,  1890)  et  en  allemand  : 
Eine  Gemeinsprache  der  Kulturvôlker  (Leipzig,  Brockhaus,  1891). 

2.  C'est-à-dire  :  universelle  (sens  originel  du  mot  catholique  en  grec). 


D'   LIPTAY    :    LANGUE  CATHOLIQUE  437 

nationale  dans  tous  ses  détails,  et  croit  qu'une  pareille  tâche 

(l<''|tnsso  les  forces  ci  In  comprlonc**  d'un  individu.  11  se  contente 
(Ir  proposer  les  princi|)es  génrrnux  qui  doivent  en  diriger  Vexé- 
million,  et  d'inviter  le  monde  savant  à  y  collaborer,  d'abord  sou» 
lornio  de  pl«W)isrite  ouvert  ù  tous  les  intéressés:  puis  sous  la 
formr  d'iuu>  snciélé  phil<>logi<iue  (|ui  étndiernit  le  prolilémc  et 
li's  diverses  solutions  d«'*jà  proposées;  ensuite,  par  la  n^union 

•  l'un  congrus  iutornntionnl  qui  fixerait  les  principes  de  la  langue 
choisie:  eniin,  par  l'institution  ti'uue  Académie  intcrnationalo 
(pii  en  surveillerait  le  développement  graduel  et  en  conserverait 
l'uiillr  of  la  pureté  '. 

Grammaire. 

Valphabet  se  compose  des  lettres  de  l'alphabet  latin,  bien  que 

•  [uelques  lettres  aient  des  prononciations  diverses.  Le  c  se  pro- 
noncera provisoirement  k  d««vant  a,  o.  u,  et  s  devant  e.  i,  en  atten- 
dant qu'on  le  remplace  par  ces  doux  lettres  suivant  les  cas. 
le  ch  sera  remplacé  par  k  ou  par  sh,  suivant  la  manière  dont 
il  se  prononce.  Le  g  sera  toujours  dur;  le  g  doux  sora  remplacé 
par  j  (prononciafion  française),  tandis  que  le  j  allemand  se  tra- 
duira par  y  consonne.  L'auteur  serait  d'avis  de  supprimer  \'h, 
comme  en  italien  et  en  roumain;  et  le  q,  qui  fait  double  emploi 
;ivoc  k;  en  tout  cas,  celui-ci  ne  sera  jamais  suivi  de  a  que  loi's«|ue 
cette  voyelle  se  prononce;  s  sera  toujours  dur;  t  se  prononce 
l'ommo  s  dans  la  terminaison  -tien,  en  attendant  qu'on  la  rem- 
place par  -cion.  L'u  se  prononce  ou.  Knfm  le  ▼  et  le  i  s«*  pronon- 
cent comme  en  français.  Bien  entendu,  toutes  les  lettres  se 
prononcent  séparément  :  il  u  y  n  pas  de  diphtoniru«'>i  ni  de 
nasales. 

Les  substantifs  preiment  la  terminaison  -o  au  masculin,  a  an 
féminin;   au   neutre,    ils  n'ont  pas   de   terminaison.  Ex.:  hom. 

1.  L'auteur,  ayant  soumis  son  ouvrage  à  Max  Ml-llsr,  recul  une  réponse 
dont  nous  extrayons  le  passage  principal  :  •  Votre  idée  de  choisir  des  mots 
radicaux  presque  universellement  compris  par  les  gens  instruits  est  excel- 
lente, et  l'articulation  grammaticale  que  vous  proposez  est  très  praticable. 
quoiqu'on  puisse  proposer  cà  et  là  «luclque  chose  de  plus  simple  et  de  plus 
pratique.  Ce  que  vous  avez  maintenant  à  Taire,  c'est  d'élaborer  un  dirtion- 
noire  complet...  •  {Langue  cathotii/ue.  p.  ^.)  On  remarquera  que  l'approl»- 
tion  do  l'illustre  philologue  porte  surtout  sur  le  principe  de  l'internationalité 
du  vocabulaire. 


438  SECTION   III,    CHAPITRE   XIX 

homme  (en  général)  ;  homo,  homme  (mâle)  ;  homa,  femme.  Viro, 
homme  (adulte):  vira,  femme  (adulte).  Infant,  enfant;  infanto  ou 
filo,  fils  ;  infanta  ou  îïIa,  fille.  Parent,  parent  (père  et  mère)  ;  parento, 
père;  parenta,  mère.  Cavalo,  cheval;  cavala,  jument,  etc. 

Les  désinences  -o  et  -a  servent  encore  à  désigner  le  sexe,  non 
de  l'objet  lui-môme,  mais  de  la  personne  à  laquelle  il  appartient 
ou  convient.  Ex.  :  cap,  tête  ;  capo,  tète  d'homme  ;  capa,  tête  de  femme. 
Capel,  chapeau;  capelo,  chapeau  d'homme  ;  câ^ela,  chapeau  de  femme. 
Capeloro,  chapelier  (d'homme);  capelora,  chapelière  (d'homme); 
capelaro,  chapelier  (de  femme)  ;  capelara,  chapelière  (de  femme), 
modiste. 

Les  substantifs  prennent  -s  ou  -es  au  pluriel.  Ex.  :  homes, 
homos,  homas.  Ils  ne  se  déclinent  pas;  on  emploie  les  préposi- 
tions de  et  a  pour  indiquer  le  génitif  et  le  datif.  L'accusatif  ne  se 
distingue  pas  du  nominatif. 

Il  y  a  un  article  défini,  el  (ou  le),  qui  se  combine  avec  les  pré- 
positions de  et  a  pour  former  del  et  al.  En  somme,  c'est  l'article 
qui  se  décline;  mais  c'est  le  substantif  qui  porte  la  marque  du 
pluriel. 

Vadjectif  cal  invariable.  Il  n'a  pas  de  désinence  caractéristique, 
et  se  réduit  au  radical  originel  (latin).  Il  devient  substantif  en 
prenant  la  désinence  -o  ou  -a.  Ex.  :  cruel;  cruelo,  un  homme  cruel; 
cruela,  une  femme  cruelle. 

Les  degrés  de  comparaison  s'expriment  par  les  particules  :  plus 
(comparatif),  le  plus  (superlatif  relatif),  maxime  (superlatif  absolu). 
Mais  ils  comportent  des  exceptions  (comme  en  latin)  : 
magne  ou  grand,  mayor,  maxime; 
parve,  petit,  minor,  minime  ; 

bon,  melior,  optime; 

mal,  mauvais,        peor,  pessime. 

Les  noms  de  nombre  sont  empruntés  au  latin  :  un,  dve,  tre  ou 
tri,  quator,  quin,  six,  sept  (en  attendant  set),  oct,  nov,  dece  (ou 
mieux  dek).  Les  suivants  se  forment  logiquement  :  deceun,  11; 
decedve,  12;  decetri,  13;...  dvedece,  20;...  tridece,  30...  Puis  on 
emprunte  au  latin  :  cent  et  mil;  au  français  :  milion,  bilion, 
trilion...  Les  nombres  intermédiaires  se  forment  régulière- 
ment :  cent  e  dvedece  tri,  123. 

Les  pronoms  personnels  sont  :  eo  (L.  ego),  tu,  el;  nos,  vos,  eles. 
Le  pronom  de  la  3«  personne  est  semblable  à  l'article;  mais  il 
varie  en  genre  :  elo,  il;  ela,  elle.  De  même  :  elos,  ils;  elas,  elles. 


D'  LIPTAY    :    LANGUE  CATHOLIQUE  439 

Ceux  du  singulier  ont  un  rudiment  de  déclinaison  :  ils  deviennent 
me,  te,  se,  iH  l'accusatif  (ou  aux  cas  obliques?).  Le  tutoiement  ent 
de  r«'glr,  comme  en  lalin. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  mon,  ton,  son;  nos,  tos,  «les  elos, 
elas^.  Ainsi  ceux  du  pluriel  sont  semhlnbles  aux  pronoms  per 
soiiiicis  correspondants;  de  plus,  on  ne  sait  pas  si  le  genre  (elos, 
elas)  correspond  au  possesseur  ou  à  l'objet  poss«M«''. 

Les  pronoms  relalifs-inlerrotjalifs  sont  qi  et  qe.  On  ne  sait  pas  si 
qe  est  l'accusalir  ou  le  neutre  de  qi.  De  plus,  qe  est  employ»'* 
comme  particule  :  plus  bel  qe...  et  comme  conjonction  (comme 
en  fran<;ais). 

Pour  les  i^^rbM,  l'auteur  prévoit  deux  systèmes  de  conjugaison. 
Le  premier  consisterait  à  faire  varier  le  verbe  en  personne  et  en 
nombre,  en  supprimant  le  pronom  (à  l'exemple  du  latin).  Par 
exemple,  ou  conjuguerait  :  amo, /atm^;  ama,  lu  aimes;  ame,  H 
aime;  amos,  nous  aimons;  amas,  vous  aimez;  âmes,  ils  aimenl. 

•Mais  l'auteur  préfère  le  second  système,  plus  simple,  qui  con- 
siste à  rendre  le  verbe  indépendant  de  la  personne  et  du  nombre, 
indiqués  par  le  pronom.  Alors  les  voyelles-désinences  serviront 
à  désigner  les  différents  temps.  Ainsi  ame  sera  le  présent;  ama, 
V imparfait;  amo,  le  futur;  ami,  le  parfait;  ama,  le  plus-queparfail ; 
et  amao.  le  futur  antérieur.  Le  cboix  de  ces  désinences  se  justifie 
par  des  analogies  avec  le  latin  ou  le  français,  qui  scnent  au 
moins  de  moyen  mnémotechnique.  L'auteur  montre  la  brièveté 
de  ces  formes  verbales  en  comparant  nos  amao  à  ses  lrtt<luctions 
latine  :  nmaverimus;  française  :  nous  aurons  aimé;  anglaise  :  we 
shall  hâve  loved;  et  allemande  :  wirwerden  geliebt  hat>en. 

Les  mêmes  formes  verbales,  sans  pronom,  servent  d'ûi/î/ii/i/ 
(aux  mêmes  temps):  et  d'impératif  si  le  pronom  stiit  au  lieu  de 
l)récéder  '. 

Quant  au  subjonctif,  il  ne  dilïère  pas  de  l'indicatif;  il  est  sufR- 
sammeul  marqué  par  la  conjonction  qui  le  précède  (comme  en 
anglais,  et  même  en  français  :  que  f  aime,  que  tu  aimes,  qu'il  aime, 
(lu'ils  aiment). 

L'auteur  ne  parle  pas  du  conditionnel.  Pour  le  participe,  il  pré* 
voit  la  terminaison  -ante  ou  -ente.  Le  passif  se  formera  au  moyen 
du  verbe  ê/re  au  présent  suivi  de  l'infinitif  du  temps  correspon- 


I.  Cela  est  équivoque,  au  moins  pour  les  pronoms  dont  l'accusatif  ne 

dilTère  pas  du  nominatif. 


440  SECTION   III,    CHAPITRE   XIX 

dant  de  l'actif.  Or  le  présent  du  verbe  être  est  è.  Le  présent  passif 
sera  :  eo  amè  (pour  ame-è),  je  suis  aimé;  eo  è  ama,  fêtais  aimé;  eo  è 
ami,  je  fus  aimé;  eo  è  amo,jfe  serai  aimé;  eo  è  amao,  f  aurai  été  aimé. 
L'auteur  compare  encore,  au  point  de  vue  de  la  brièveté,  nos  è 
amao  à  nous  aurons  été  aimés  *. 

II  invente  une  conjugaison  irrégulière  pour  les  verbes  être  et 
avoir  : 


Infinitif: 

ser 

aver 

Présent  : 

è 

a 

Imparfait  : 

i 

u 

Parfait  : 

ei 

au 

Plus-que-pa 

rfait  : 

il 

uu 

Futur  : 

eo 

ao 

Futur  antérieur  : 

io 

uo 

Mais  il  admet  aussi  qu'on  les  conjugue  régulièrement,  en  ajou- 
tant à  l'infinitif  les  désinences  habituelles  -e,  -a,  -i,  -o,  -u,  -ao  ^ 

Les  adverbes  dérivés  d'adjectifs  se  forment  en  ajoutant  un  -e  au 
radical  :  bone,  maie,  forte,  docte.  On  a  aussi  :  sempre,  toujours. 
Oui  et  non  se  diront  :  si  et  non. 

Les  prépositions  sont  latines  :  a  ou  ad,  ante,  de,  ex,  con  (avec),  in, 
post,  sub,  supr  ou  sur,  pre,  pro,  sine,  durante.  Les  conjonctions 
sont  néo-latines  :  e  ou  et;  o  (ou);  si,  qe,  afinqe,  porqe.  Cette  der- 
nière conjonction  répondra  à  la  question  :  porqe?  pourquoi? 

La  syntaxe  se  réduit  à  très  peu  de  règles. 

L'indication  du  genre  et  du  pluriel  sera  supprimée  toutes  les 
fois  qu'elle  n'est  pas  nécessaire.  Ex.  :  six  hom.  Pour  cette  raison, 
l'adjectif  est  invariable.  Il  se  met  avant  le  substantif  quand  il 
est  épithète,  et  après  quand  il  est  attribut  (on  peut  ainsi  sous- 
en tendre  le  verbe  être). 

L'auteur  ne  donne  pas  de  règles  de  construction.  Mais  on  peut 
supposer  que,  l'accusatif  ne  différant  pas  du  nominatif,  le  régime 
direct  doit  se  distinguer  du  sujet  par  sa  position. 

L'auteur  emploie  des  suffixes  de  dérivation  pour  former  des 
mots  nouveaux,  là  où  manque  un  mot  international  ;  par  exemple, 
pour  chapeau,  capel,  et  pour  chaussure,  pedal  ;  puis  pour  chapelier, 
capelar  (-0,  -a).  Même,  en  vertu  du  sens  attribué  aux  désinences 
-0  et  -a,  il  distingue  :  vesto,  vêtement  d'homme,  et  vesta,  vêtement  de 

1.  En  allemand  :  Wir  werden  gcliebt  worden  sein. 

2.  Cf.  \V.  Vad,  Altes  und  Neues  iiber  Weltsprache  (1891),  p.  24,  qui  pro- 
pose estar  pour  être. 


D'  LIPTAY   :    LANGUE  CATHOLIQUE  441 

femme,  et  par  suite  vestoro,  tailleur  pour  hommes,  de  Tettaro.  lait- 
leur  pour  dames. 

11  admet  un  suffixe  diminutir  -in,  et  un  suffixe  nugmentotif -on. 

Il  forme  alors  les  mots  :  pedo,  pied  d'homme:  peda,  pied  de 
femme,  (jui  donnent  en  composition  :  pedovest,  chaussure  tChomme, 
et  pedavest,  chaussure  de  femme;  et  piir  d)>t-ivation  :  pedoveston, 
botte  d'homme  ;  pedavestin,  soulier  de  femme,  etc.  Le  cordonnier 
s'appellera  pedevestor  (-0.  -a).  Par  opposition  au  tailleur,  le 
marchand  d'habits  s'appellera  veste-vendor. 

Les  degrés  de  parent»^  seront  indiciués  par  les  préfixes  grand-, 
bel-  et  con-.  Exemples  :  confil  (-0.  -a),  neveu,  nièce;  confrat  (-0,  -ai, 
cousin,  cousine  (germains);  conparent  (-0,  -a),  oncle,  tante.  L'auteur 
admet  toutefois  sor  comme  synonyme  de  frata  {sœur}. 

11  admet  les  suffixes  internationaux  (surtout  romans)  -al,  -lion 
(ou  plutôt  -cion,  comme  en  espagnol;  ex.  :  prononciacion  interna- 
cional),  -or,  -ar,  able  ou  -ible.  -ur,  -ist.  -ism;  -iq  (ic  ou  ik;  -itata 
(ité  F.,  -ity  E.,  -ital  1)..  -itù  1.,  -idad  E.,  idade  P.);  -ant.  -ent  (parti 
cipes);  -ance,  -ence  (ou  mieux  :  -ans,  -ens). 

11  forme  en  mt^me  temps  le  vocabulaire  catholique  de  tous  les 
mots  internationaux  qui  ont  ces  désinences,  et  il  évalue  leur 
nombre  totale  10000». 

Critique. 

On  ne  peut  pas  juger  ce  projet  avec  la  même  nuiirm-  <jii  un 
système  complet  et  achevé.  Et  dabortl.  on  ne  peut  guèi*c  lui 
reprocher  les  lacunes  de  la  grammaire  et  l'absence  du  diction- 
naire. Il  ne  faut  pas  non  plus  blâmer  l'auteur  d'hésiter  entre 
divers  partis  ù  prendre,  puisque  ce  sont  des  propositions  entre 
lesquelles  il  laisse  le  choix  à  une  autorité  compétente.  Nous 
nous  bornerons  à  constater  qu'il  n'a  pas  pu  rester  jusqu'au  bout 
fidèle  t\  son  principe,  de  ne  rien  inventer.  Malgré  sa  méthode  a 
posteriori,  il  a  cru  devoir  former  des  mots  nouveaux  au  moyen  de 
suffixes  déjà  connus,  ou  même  inventer  des  suffixes  nouveaux 
pour  composer  des  mots  suivant  une  méthode  purement  logique. 
De  même,  il  a  voulu  régulariser  la  correspondance  des  adverbe» 
interrogatifs  et  des  conjonctions,  et  par  suite  les  construire  a 
priori  (malgré  les  analogies  plus  ou  moins  lointaines  par  les- 

i.  Comme  Julius  Lott. 


442  SECTION   III,    CHAPITRE   XIX 

quelles  il  justifie  telle  ou  telle  flexion).  Et  ce  qu'il  y  a  de  plus 
fâcheux,  c'est  que  les  voyelles-désinences  qu'il  a  choisies  pour 
les  verbes  sont  les  mêmes  que  pour  les  substantifs  (o,  a,  e)  et 
pour  les  adverbes  (e).  En  revanche,  à  côté  de  ces  procédés 
arbitraires,  il  admet  trop  d'irrégularités  (degrés  de  comparaison 
des  adjectifs  :  magne,  parve,  bon,  mal  ;  conjugaison  des  verbes 
ser  et  aver).  Les  pronoms  personnels  n'ont  pas  une  physionomie 
uniforme  :  les  uns  ont  un  accusatif,  tandis  que  les  autres  n'en 
ont  pas  plus  que  les  substantifs;  quant  aux  pronoms  possessifs, 
non  seulement  ils  ne  dérivent  pas  régulièrement  des  pronoms 
personnels,  mais  ceux  du  pluriel  sont  identiques  à  ceux-ci,  ce 
qui  est  équivoque.  D'une  manière  générale,  l'auteur  oscille  entre 
deux  principes  entre  lesquels  il  n'a  pas  su  opter  :  ou  bien 
emprunter  tous  les  mots  aux  langues  naturelles  *;  ou  bien  leur 
emprunter  seulement  les  radicaux,  et  former  les  mots  suivant 
des  règles  systématiques  *.  En  somme,  ce  projet  repose  sur  des 
principes  fort  raisonnables,  et  contient  beaucoup  d'indications 
judicieuses;  mais  il  est  encore  informe,  et  il  manque  d'unité. 

1.  Comme  Julius  LoTT. 

2.  Comme  VEsperanto. 


CHAPITRE  XX 


MILL:  ASTlVOLAfÙK  ' 

Ce  projet  n'est  pas  une  langue  universelle  :  son  auteur  l'oppose 
nu  contraire  aux  langues  universelles  artilicielles  (notamment  au 
I  olapûk)  comme  la  seule  solution  pratique  du  problème  des  com- 
munications internationales.  Cette  solution  consiste  dans  une 
(irammaire  m/er/m/jonafe  extrêmement  simple  et  facile  à  apprendre, 
que  Ton  appliquera  au  vocabulaire  de  chaque  langue  nationale. 
Cette  grammaire  «  devra  naturellement  s'appuyer  sur  les  langues 
européennes  principales  les  plus  universellement  connues,  ({ui 
sont  les  langues  romanes  ou  néo-latines  »  ».  Nous  allons  en  donner 
un  aperçu. 

I 

L'article  défini  &  au  singulier  les  trois  genres  :  le  (m.),  la  (f.),  lo 
(n.);  au  pluriel,  il  est  unique  :  li,  pour  les  .3  genres. 

L'article  indéfini  est  au  sing.  :  an  ou  ano  ^m.  et  n.),  nna  (f.>:  au 
pluriel  :  ani  {des,  <iuehiues)  pour  les  3  genres. 

Los  substantifs  sont  absolument  invariables.  C'est  l'article  qui 
indique  le  genre  et  le  nombre.  (Juant  aux  cas,  le  génitif  et  le 
datif  sont  marqués  par  les  prépositions  de  et  a.  L'accusatif  est 
'semblable  au  nominatif  (c'esl-ô-dire  au  radical). 

Les  adjectifs  sont  invariables.  Leurs  degrés  de  comparaison  se 
torment  au  moyen  des  particules  pla  et  le  plu. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif:  t"  p.  *^   io:  i"  p   s. 

1.  Frod  MiLi,  :  Anti-Volapiik  oder  die  Mezzofanti-Sprache.  Eme  rinfuche 
Inlernational-Grammatik  ais  SchlOssel  fUr  aile  Sprachen,  gUichieitig  ait 
Telephonische  Geheimsprache.  ^2  p.  12*  (Neuwied,  Heuser,  18»3).  —  Le  car- 
dinal .Mezzofanti  était  un  célùbrc  polvjrlolte  (1771-1848). 

2.  Op.  cit.,  p.  10. 


444  SECTION   III,    CHAPITRE   XX 

tu;  3^  p.  s.  le,  la,  lo  (comme  l'article  défini);  l"""  p.  pi.  nu;  2"  p.  pi. 
vu;  3®  p.  pi.  li.  A  l'accusatif,  io  et  tu  deviennent  me  et  te;  les 
autres  ne  changent  pas.  Le  génitif  et  le  datif  se  forment  au 
moyen  de  l'accusatif  précédé  des  prépositions  de  et  a. 

Le  pronom  réfléchi  est  se. 

Les  adjectifs  possessifs  sont  :  1''^  p.  s.  mi;  2^  p.  s.  tu;  3°  p.  s.  su; 
l^e  p.  pi.  nu;  2e  p.  pi.  vu  ;  3^  p.  pi.  su  (comme  au  sing.).  Ils  pren- 
nent un  i  au  pluriel  :  mei,  tui,  sui;  nui,  vui,  sui. 

Les  pronoms  possessifs  se  forment  en  mettant  l'article  défini 
devant  les  adjectifs  possessifs. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont,  au  singulier  :tsche  {tche),  celui-ci, 
ceci;  tscha  (tcha),  celui-là,  cela  (pour  les  3  genres);  au  pluriel  : 
tschei,  tschai. 

he  pronom  relatif  est  ke,  pour  tous  les  genres,  tous  les  nombres 
et  tous  les  cs^s.  Celui  qui  se  traduit  en  mettant  l'article  devant  ke  : 
le  (la,  lo)  ke. 

Le  pronom  interrogatif  est  ki  (m.,  f.)  ou  ke  (n.). 

L'adjectif  interrogatif  est  ke  ou  kual  au  sing.,  kei  ou  kuali  au 
pluriel. 

Les  pronoms  indéfinis  sont  :  uno,  on  ;  uni,  quelques.  Aucun  se  tra- 
duit, comme  pronom  par  no  uno,  et  comme  adjectif  par  no  tout 
court  (E.)  :  no  cheval,  aucun  cheval. 

Le  verbe  conserve  invariablement  la  forme  de  l'infinitif.  Toute 
la  conjugaison  se  fait  au  moyen  d'auxiliaires,  à  une  exception 
près  :  les  verbes  auxiliaires  aver  (avoir)  et  es  (être)  font  au  passé 
ave  va  et  era. 

11  n'y  a  en  principe  que  trois  temps.  Le  présent  de  l'indicatif 
est  l'infinitif  même  du  verbe  *  :  io  donner,  je  donne.  Le  passé  est 
l'infinitif  précédé  de  aver  :  io  aver  donner,  j'ai  donné.  Le  futur  est 
l'infinitif  précédé  de  vo  (je  vais,  L,  S.)  :  io  vo  donner,  je  donnerai. 

Le  conditionnel  est  l'infinitif  précédé  de  vud  (E.  would)  :  io  vud 
donner,  je  donnerais. 

Vimpératifesi  l'infinitif  précédé  de  va  (F.)  et,  s'il  est  nécessaire, 
du  pronom  personnel  (au  nominatif)  :  va  (tu)  donner,  donne;  va 
vu  donner,  donnez. 

Le  gérondif  se  forme  avec  la  préposition  in  :  in  donner,  en  donnant. 

Les  temps  du  passif  se  forment  avec  les  temps  correspondants 


1.  On  va   appliquer  les   règles  de   la  grammaire  internationale   à    un 
exemple  français,  le  verbe  donner. 


MILL   :    ANTIVOLAPL'K  44S 

(lu  vcrho  auxiliaire  es  (^/r«)  suivis  de  riiiflnitif  du  verbe  à  con* 
jugiKM*  .  io  es  aimer,  io  era  aimer,  io  vo  es  aimer,  etc. 

L'auteur  tait  reiimr<iuer  «lu'ou  pourrait  lonntT  un  futur  anté- 
rieur et  un  conditionnel  passé;  ajoutons  :  un  plu8K]ue-parrail 
(ioaveva  aimer). 

Le  verbe  peut  se  conjuguer  avec  d'autres  auxiliaires,  qui  sont: 
pot,  pouvoir;  vol,  vouloir;  aver  de  (I.),  devoir. 

Les  verbes  réfléchis  se  forment  en  mettant  se  devant  l  intinilif  A 
toutes  les  personnes  :  io  se  laver  =  je  me  lave. 

L'interroyalion  est  indiquée  en  mettant  le  pronom-sujet  après  le 
verl)e  (ou  l'auxiliaire);  la  négation,  en  mettant  no  devant  le  verbe 
(ou  l'auxiliaire)  :  vo  io  donner?  io  vo  no  donner;  no  vo  io  donner? 

Hemarque.  L'auteur  met  le  verbe  au  parfait  de  l'indicatif  dans 
les  propositions  conditionnelles,  ce  qui  est  un  gallicisme  :  si  io 
era  riche,  io  vud  es  lieureux. 

Telles  sont  les  formes  grammaticales  (|ue  l'on  devra  appliquer 
aux  matériaux  nationaux,  c'est-à-dire  aux  mois  des  diverses 
langues,  en  prenant  ceux:ci  sous  une  forme  invariable  :  les  sub- 
stantifs, au  nom.  sing.  ;  les  adjectifs,  au  masc;  les  verbes  à  l'infi- 
nitif; en  un  mot,  tels  qu'on  les  trouve  dans  le  dictionnaire. 


II 


.Mais  l'auteur  va  plus  loin  :  A  sa  grammaire  internationale  il 
adjoint  des  «  radicaux  internationaux  »  empruntés  «  aux  langues 
les  plus  connues,  c'est-à-dire  aux  langues  romanes*.  »  Ce  sont  les 
noms  de  nombre,  certains  pronoms,  les  adverbes  primitifs.  le» 
prépositions  et  les  conjonctions,  bref,  ce  (ju'on  peut  appeler  les 
mois  grammaticaux. 

Les  noms  */c  nombres  cardinaux  sont  ;  un  inno,  una".  due.  tre. 
kuatt,  sink,  siss.  sett,  ott,  noff,  diss;  diss  ie)  an,  diss  te  due....; 
duediss.  20;  trediss.  :U);...  ssent,  100;  due  sseni,  200;....  mill,... 
millionn....  Null  =  zéro. 

Les  nombres  ordinaux  sont  :  primo  (primai  secando.  terssio, 
kuarto,   kuinto,  sexto,    settimo.    ottavo.   nono.    dissimo;   diss  e 

primo....  ssentimo....  millimo millionnimo Ils  sont  précédés 

de  larticle,  et  varient  comme   lui  en  genre  et  en   nombre.  Ils 

\.  Op.  cit..  p.  38. 


446  SECTION   III,    CHAPITRE   XX 

servent  aussi  de  nombres  partitifs  {tiers,  quart,...),  sauf  pour  demi  ou 
moitié,  qui  se  dit  medio. 

Les  pronoms  que  l'auteur  veut  rendre  internationaux  sont  : 
tutt,  chaque;  tutti,  tous;  pluri,  plusieurs;  multo,  multi,  beaucoup 
(abrégé  en  mu,  surtout  comme  adverbe);  poko,  poki,  peu  (abrégé 
en  po);  kualke,  quelque;  kualuno  (-a),  n'importe  quel;  nemo,  personne; 
nullo,  pi.  nuUi,  aucun;  altro,  pi.  altri,  autre;  tal,  pi.  tali,  tel: 
kuanto,  pi.  kuanti,  combien;  tanto,  pi.  tanti,  autant. 

Les  adverbes  primitifs,  les  prépositions  et  les  conjonctions  sont 
empruntés  au  latin,  au  français  et  surtout  à  l'italien.  Voici  quel- 
ques adverbes  :  kwi,  ici;  kwa,  ià;  u,  où;  orora,  maintenant;  "poi, puis; 
anke,  troppo;  si,  oui;  no,  non;  plu,  le  plu,  minu,  le  minu  (qui  ser- 
vent à  former  les  degrés  de  comparaison). 

Voici  quelques  prépositions  :  a,  de,  in,  con,  presse,  sopro. 
verso,  basse,  vis-à-vis;  da,  fine,  avante,  dopo  ;  contra,  secundo, 
malgrado  (malgré),  causa,  rispetto. 

Enfin  voici  quelques  conjonctions  :  e,  et;  o,  ou;  si,  si:  sei,  si 
(interrogatif) ;  ni...,  ni...;  ma,  mais:  ke,  que,  qui  forme  les  sui- 
vantes :  causa  ke;  para  ke,  afin  que;  fine  ke,  jusqu'à  ce  que; 
durante  ke,  pendant  que;  avante  ke;  dopo  ke,  depuis  que;  in  caso 
ke,  etc. 

En  somme,  il  ne  reste  plus  que  les  substantifs,  les  verbes,  les 
adjectifs  (et  les  adverbes  dérivés)  à  emprunter  à  chaque  langue 
naturelle  pour  l'internationaliser.  Ces  mots,  on  les  apprendra 
par  l'usage  ou  on  les  trouvera  dans  les  vocabulaires  nationaux. 
Grâce  à  la  grammaire  internationale,  on  pourra,  avec  ces  maté- 
riaux empruntés  à  une  langue  vivante,  écrire,  sans  connaître  cette 
langue,  une  lettre  que  le  destinataire  déchiffrera  aisément  au 
moyen  de  la  môme  grammaire.  On  obtient  ainsi  autant  de  langues 
internationales  (simplifiées  et  régularisées)  que  de  langues 
vivantes.  Par  exemple,  voici  une  phrase  de  français-international '^  : 

lo  no  savoir  u  es  tu  cousin,  ma  io  croire  ke  le  es  in  le  rue. 

Une  phrase  d'anglais-international  : 

Io  no  aver  lose  tsche  book  ke  io  aver  find  in  le  street,  ma  mi 
broiher  aver  lose  le. 

Une  phrase  d'italien- international  : 

Io  aver  vedere  tscha  ragazzo  e  tscha  ragazza  in  un  strada  de  le 
città. 

i.  Nous  mettons  en  italiques  les  «  matériaux  •  nationaux. 


MILL  :   ANTIVOLAPUK  447 

Une  phrase  d'espagnol-mtemational  : 

La  no  es  in  le  casa,  la  es  in  le  calle  con  ta  htjo  e  la  h{Ja, 

El  une  plirasc  de  russe-inlernalionnl  : 

Li  dom  de  mi  nlje:  e  de  mi  djadja  es  a  le  uyol  de  tsche  uli:a  '. 

L'auteur  a  n(''glijj:*''  »lc  doniior  un  échantillon  d'nUemaml- interna- 
lional.  Est-ce  i)arpru(Ienr(\  ou  par  respect  pour  sa  langue  mater- 
nrlle? 

Critique. 

Nous  aurions  pu  nous  dispenser  de  citer  ce  projet,  puisqu'il 
ne  constitue  pas  une  langue  universelle;  nous  avons  cependant 
cru  devoir  l'exposer,  parce  qu'il  donne  tout  au  moins  la  gram- 
maire d'une  telle  langue,  et  qu'il  suffirait  de  lui  adjoindre  un 
vocabulaire  international  pour  obtenir  une  langue  complète. 
L'autour  a  remarqué  lui-nn^me,  en  introduisant  ses  «  radicaux 
internationaux  »,  qu'on  aboutirait  ainsi  à  une  langue  universelle, 
et  il  s'en  défend.  On  ne  comprend  pas  pourquoi  il  s'est  arrêté  en 
chemin,  alors  <|u'il  présente  son  projet  comme  une  «  langue  de 
compromis  »  ou  un  sabir.  Tel  quel,  ce  projet  est  évidemment 
inadmissible  et  impraticable.  Pour  employer  une  telle  langue. 
il  faudrait  avoir  à  sa  disposition  les  vocabulaires  de  toutes  les 
langues  nationales,  soit  dans  sa  mémoire,  soit  dans  sa  biblio- 
thèque ou  dans  sa  malle.  De  plus,  il  y  a  une  illusion  naïve 
A  prétendre  résoudre  le  problème  au  moyen  de  la  seule  gram- 
maire, en  renvoyant  pour  le  reste  au  dictionnaire  :  car  il  n'y  a 
pas  de  conversation,  ni  même  de  correspondance  possible  avec 
le  recours  perpétuel  au  dictionnaire.  Une  grammaire  internatio- 
nale n'est  que  la  moitié  de  la  solution,  et  elle  n'épargne  même 
pas  la  moitié  de  la  peine. 

Eln  outre,  il  faudrait,  sous  peine  de  n'être  pas  compris  en  par- 
lant, connaître  la  prononciation  propi*e  à  chaque  langue,  qui  est 
souvent  si  difficile  et  si  irrégulière,  que  la  savoir,  c'est  savoir  la 
langue  plus  qu'à  moitié.  L'auteur  n'a  même  pas  réglé  la  pronon- 
ciation et  l'accentuation  de  ses  €  radicaux  internationaux».  Enlin. 
le  mélange  des  particules  interr.ationales  cl  de  mots  nationaux 
produit   une  hétérogénéité  barbare,  déjà  choquante  pour  les 


1.  Pour  comprendre  cette  phrase,  il  suffit  de  savoir  que  dom  ^  maitOM; 
atjez  =  père  ;  djadja  =  oncle  ;  ugol  =  coin  \  ulisa  =  rue. 


448  SECTION   III,    CHAPITRE   XX 

étrangers,  et  insupportable  pour  ceux  dont  on  défigure  ainsi  la 
langue  maternelle. 

Si  maintenant  nous  jugeons  la  grammaire  internationale  en 
elle-même,  c'est  sans  doute  la  plus  simple  que  l'on  puisse  rêver. 
Elle  est  même  trop  simple  :  par  exemple,  elle  identifie  l'article 
défini  et  les  pronoms  de  la  3«  personne,  les  pronoms  personnels 
et  les  adjectifs  possessifs,  les  adjectifs  et  les  adverbes;  ce  qui  est 
une  source  d'équivoque  ou  d'obscurité.  La  conjugaison  est  ana- 
lytique, ce  qui  est  un  avantage  en  principe  ;  mais  cela  amène  des 
accumulations  d'auxiliaires  qui  sont  encombrantes  et  peu  claires. 
Ex  :  io  vo  aver  es  aimer  ^=f  aurai  été  aimé  *.  On  s'aperçoit  ainsi  que, 
pour  les  temps  principaux  au  moins  {parfait  et  futur),  il  est  pré- 
férable d'employer  des  flexions,  comme  l'auteur  l'a  fait,  par 
exception,  pour  le  passé  des  auxiliaires  aver  et  es. 

L'auteur  a  commis  une  grave  erreur  en  laissant  à  ceux  qui 
connaîtraient  une  langue  nationale  la  liberté  d'employer  les 
flexions  propres  à  cette  langue,  par  exemple,  de  dire,  en  français- 
international  :  11  chevaux,  au  lieu  de  li  cheval.  Car  si  de  telles 
variations  sont  permises,  c'en  est  fait  de  l'intelligibilité  pour  les 
étrangers  qui,  par  hypothèse,  ne  connaissent  pas  la  langue. 
Il  est  vrai  que  si  l'auteur  n'avait  pas  admis  cette  licence,  elle 
eût  été  fatalement  usurpée,  même  sans  le  vouloir,  par  la  seule 
force  de  l'habitude;  et  cela  suffit  à  condamner  tout  projet  de 
«  grammaire  mobile  »  ou  omnibus  destinée  à  s'appliquer,  comme 
un  masque,  aux  diverses  langues  nationales. 

1 .  En  tout  cas,  ce  n'est  pas  plus  compliqué,  et  c'est  plus  court  que  l'alle- 
mand :  ich  werde  geliebt  worden  sein. 


CHAPITRE    XXI 

HEINTZELER  :   VSIVBRSALA  ' 

L'auteur  de  ce  projet  se  défend  à'invenler  une  langue  nouvelle 
et  ne  pnHoiul  pas  à  l'originalit»'.  Il  soutient  au  contraire  que  la 
langue  internationale  existe  déjà  en  puissance,  et  qu'on  n'a  qu'à 
la  dégager.  C'est  la  conclusion  qu'il  tire  de  l'étude  des  12  princi- 
paux projets  antérieurs  ',  dont  il  compare  la  grammaire  dans 
un  tableau  synoptitjue,  (jui  montre  que  ces  divers  projets  se 
rapprochent  beaucoup  plus  qu'on  ne  croirait.  La  question  capi- 
tale est  celle  (lu  vocabulaire,  elle  doit  dominer  celle  de  la  gram- 
maire. Le  vocabulaire  doit  être  aussi  international  cpie  possible, 
et  par  suite  employer  tous  les  éléments  communs  aux  langues  euro- 
péennes et  déjà  connus  des  gens  instruits.  Kt  comme  les  €  mots 
universels  »  (Wellivôrler)  sont  presque  tous  d'origine  gréco-latine, 
•  -si  aux  langues  romanes  qu'il  faut  emprunter  leurs  radicaux 
communs:  à  leur  défaut,  on  recourra  au  latin  en  dernier  ressort. 
^)uant  à  la  grammaire,  elle  »levra  être  fixée,  après  avoir  subi 
l'épreuve  de  la  pratique,  par  une  commission  itilernationale.  D'ail- 
leurs, la  grammaire  internationale  existe  déjà,  elle  aussi,  nu 
moins  dans  ses  grandes  lignes,  et  il  n'y  a  plus  que  des  détails 

1.  Universala.  Wellsprache  auf  Grund  der  fomanischen  Sprachen  und 
des  Latein,  von  Eugen  Heintzrlrr,  Obcrprâzeptor  nm  ElKTliArd-Liidwifr»- 
nvmnnsium  in  Stuttjrnrl.  7()  p.  S*  (Stultjrart,  Iloth,  1803).  L'niitpur  nnnonro 
uiio  brochure  intilulfo  :  fi  Weltsprachrst/steme.  Vergleichende  Sfiuiif  als 
[ieitrag  zur  Lôsung  des  W'fUspracheproblems,  que  nous  ne  ronnni^son» 
pas.  En  revanche,  nous  ^von^!  In  suivante  :  Die  wissenschaftlich  noiu-endigen 
Gnindlagen  fiir  eine  bmuchhare  Weltsprache.  Zugleich  lieu-ei*.  dass  trir  eine 
Wellsprache  schon  haben,  von  Eugen  IIcintzrleh,  10  p.  8*  (.Meran.  Ellmen- 
reich,  189."»).  L'nuleur  n  fait  partie  de  VAcadémie  inlei-nationale  de  langue 
universelle  dv  18»!  n  1893. 

2.  Le  Volapûk.  le  Volapùk  coiTtgé,  Rosa,  ScHiPru,  Zamcnhof,  Lavim. 
VoLK  et  FccHs,  LoTT,  Stempfl  (Myrana),  Bacer,  Stunbr,  Liptav. 

CovTVRAT  Cl  I.rvr.  —  Langue  univ.  »" 


430  SECTION   III,    CHAPITRE    XXI 

d"exécution  à  régler  par  une  entente  commune.  Parmi  les  points 
essentiels,  sur  lesquels  l'accord  est  déjà  fait,  l'auteur  mentionne 
l'exclusion  des  voyelles  infléchies,  l'unité  d'article,  le  genre 
naturel,  la  déclinaison  unique  et  analytique,  la  conjugaison 
unique  (avec  pronom  séparé  et  avant  le  verbe),  l'exclusion  des 
idiotismes  et  de  l'arbitraire  dans  la  formation  des  mots.  Il 
conclut  en  invitant  les  inventeurs  de  langues  artificielles  à  la 
tolérance  et  à  la  conciliation,  et  en  leur  recommandant  ces  deux 
maximes  :  «  Le  mieux  est  l'ennemi  du  bien  »  et  :  «  In  necessariis 
unitas,  in  dubiis  libertas,  in  omnibus  caritas  ». 


Grammaire. 

Valphabet  se  compose  de  -6  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u  (ou)  ;  et  de 
18  consonnes  :  b,  c  (tch)  •,  d,  f,  g  (dur),  j  (ch),  k,  1,  m,  n,  p,  r,  s,  t. 
V,  X,  y  (comme  dans  yeux),  z  (ts). 

L'accent  porte  sur  la  voyelle  qui  précède  la  dernière  consonne  : 
linga.  felici,  kavâl,  à  moins  que  la  dernière  syllabe  ne  soit  un 
suffixe  :  âbil.  naziônes.  Il  porte  sur  l'i  final  des  radicaux  substan- 
tifs :  polizi.  akademi. 

L'article  défini  est  le,  Varticle  indéfini  est  un,  tous  deux  inva- 
riables. 

Dans  les  substantifs,  le  genre  (naturel)  est  indiqué  par  les 
désinences  -o  (m.)  et  -a  (f.)  :  om,  Iiomme  (homo)  ;  omo.  homme  (vir); 
orna,  femme:  de  môme,  fant,  enfant,  donne  :  fanto,  f anta  :  pulo. 
coq:  pula,  poule^.  Le  pluriel  est  marqué  par  la  désinence  -s  ou  -es. 
."suivant  que  l'euphonie  l'exige. 

Le  génitif  et  le  datif  sont  marqués  par  les  prépositions  de  et  a. 
qui  se  combinent  avec  l'article  en  del  et  al. 

Les  adjectifs  sont  souvent  terminés  par  -i.  Ils  sont  invariables. 
Ils  se  transforment  en  substantifs  par  l'adjonction  de  -o  ou  -a. 
ou  (au  neutre)  par  l'article  placé  devant  :  le  bel,  le  beau. 

Les  degrés  de  comparaison  sont  indiqués  par  les  particules  pli  et 
plu  placées  devant  l'adjectif  :  pli  bon,  meilleur;  plu  bon,  le  meilleur. 
Le  superlatif  absolu  est  indiqué  par  tre.  très. 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  :  un.  du.  tri,  kar,  kin,  ses,  set. 

1.  Dans  la  brochure  de  1895,  c  =  ts  et  remplace  z. 

2.  Les  mêmes  désinences  servent  à  désigner  respectivement  l'arbre  et  le 
fruit  :  porno,  pommier;  poma,  pomme. 


IIFJNTZELRn    :   UNIVER8ALA  451 

ok.  nov,  dek;  dekun,  11:...  dudek,  20;...  nordek.  IK);  sent,  100;... 
mil. ...  milion... 

Los  nombres  ordinaux  d«^rivent  des  cardinaux  par  l'adjonction 
il'un  -i  :  uni,  dui,  trii. 

Los  adverbes  ordinaux  dt^rivcnt  des  pn^cédenls  par  l'adjonction 
d'un  e  :  unie,  duie.  triie. 

Los  nombres  mitltii>lirnli/s  dérivent  des  cardinaux  au  moyen  du 
-^iiffixe  -upl  :  unupL  duupl. 

Los  nombres  de  fuis  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -yei  (L.)  : 
unyes,  duyes,  triyes. 

Les  nombres  dislribulifs  sont  indiqués  par  la  particule  a  placée 
(lovntit  :  a  un,  un  à  un;  a  du.  a  tri. 

Les  nombres  fractionnaires  sont  les  nombres  ordinaux  avec  le 
oiiffixc  -0  :  dekio,  le  dixième;  excepté  demi  ou  moitié,  qui  se  dit 
mezo. 

Pour  les  pronoms  et  la  conjugaison,  l'auteur,  on  l'absence  de 
toute  uniformité  dans  les  langues  naturelles,  adopte  la  for- 
uiation  a  priori,  nu  moyen  de  la  série  des  voyelles.  Ainsi  :  a  = 
je;  e  =  tu;  i  =  il,  ia  =  elle,  il  =  il  (neutre)  ;  as  =  nous,  es  =  vous. 
is  =  ils,  ias  =  elles.  On  =  on.  Le  pronom  réfléchi  est  n  {soi). 

Los  adjectifs  possessifs  dérivent  des  pronoms  personnels  par 
i'ndjonotion  de  -t  :  at.  et,  it.  iat;  ast,  est.  ist.  iast  et  même: 
ont.  ut,  ust).  Ils  prennent  en  outre  -s  au  pluriel. 

Ils  deviennent  pronoms  quand  ils  sont  précédés  do  le,  el  pren- 
nonl  alors  -o  ou  -a  suivant  le  genre  (masc.  ou  fém.). 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  ta.  celui-ci;  te,  celui-là;  U.  celui 
^tjui)  ;  to,  le  même  ;  tu,  exactement  le  même. 

Les  pronoms  relatifsinlerrogatifs  sont  empruntés  aux  langues 
romanes  :  ki  (kio.  kia\  ke  m.',  qui.  que. 

Do  nuMne,  les  pronoms  indéfinis  ;  kalk.  quelque;  alkun,  n'importe 
(jui;  tut.  tout;  neun.  aucun;  niL  rien. 

Los  verbes  ont  l'inlinitif  terminé  en  -ar.  -er  ou  -ir.  Les  temps  de 
Vindicatif  se  forment  en  substituant  à  cette  terminaison  los  cinq 
voyelles.  Ex.  : 

amar  =  aimer,  veder  =  voir,  audir  —  entendre. 
Présent  :  atna  yeda  aada 

Parfait  :  ame  vede  aade 

Plus  que-parfait  :  ami  vedi  andi 

Futur  :  amo  vedo  audo 

Futur  antérieur  :  amu  reda  audu 


452  SECTION   m,    CHAPITRE   XXI 

Les  temps  du  subjonctif  dérivent  des  précédents  par  l'interca- 
lation  de  y  avant  la  voyelle  finale;  ceux  du  conditionnel,  par 
rintercalation  de  yer.  Ex.  :  as  audya,  que  nous  entendions;  is 
audyeri,  ils  auraient  entendu. 

L'impératif  ne  diffèxe  de  l'indicatif  que  par  la  place  du  pronom, 
qui  suit  le  verbe  au  lieu  de  le  précéder. 

Le  participe  présent  dérive  de  l'infinitif  en  changeant  -r  en  -nt  : 
amant,  vedent,  audint.  L'auteur  prévoit  un  infinitif  et  un  parti 
cipe  passés  de  la  forme  ; 

amer,  vedeer,  audier, 

ament,  vedeent,  audient, 

et  un  infinitif  et  un  participe  futurs  de  la  forme  : 
amor,  vedor,  audor, 

amont,  vedont,  audont^ 

Le  passif  se  forme  au  moyen  du  verbe  esar  (être)  suivi  du  par- 
ticipe passif  :  amat,  vedet,  audit. 

Les  verbes  auxiliaires  sont  tous  terminés  en  -ar  (esar,  avar,  etc.), 
et  suppriment  l'a  final  de  l'indicatif  présent  :  a  es,  je  suis  ;  i  av,  il  a. 

Les  verbes  impersonnels  se  conjuguent  avec  le  pronom  il  :  il 
plova,  il  pleut. 

Les  verbes  réfléchis  se  forment,  à  la  f''  et  à  la  2«  personne,  au 
moyen  des  pronoms  personnels  correspondants  (a,  e,  as,  es); 
à  la  3®  personne,  au  moyen  du  pronom  réfléchi  u,  pi.  us  (se). 

L'interrogation  se  marque  (comme  Timpératif)  en  mettant  le 
pronom  ou  le  sujet  après  le  verbe. 

Les  adverbes  dérivés  se  terminent  généralement  en-e  (quelques- 
uns  en  -eli)  et  les  prépositions  dérivées  en  -u.  Les  prépositions 
et  adverbes  primitifs  sont  empruntés  au  latin  ou  aux  langues 
romanes  :  si,  oui;  no,  non;  ya,  déjà;  tost,  tard,  ankor,  alora, 
sovente,  sempre,  per,  pro,  kon,  ad,  in,  da,  etc. 

Les  adverbes  de  temps  et  de  lieu  présentent  une  certaine 
corrélation  :  ko,  où?  alko,  .quelque  part;  tuko,  partout;  neko,  nulle 
part;  de  môme  :  kan,  quandt  alkan,  une  fois;  tukan,  toujours; 
nekan,  jamais. 

Les  conjonctions  sont  empruntées  aux  mômes  langues  :  ed,  et; 
od,  ou;  ma,  mais;  donk,  donc;  ker,  car;  ke,  que;  si,  si;  se,  si  (inter- 
rogatif);  lorke,  lorsque;  ked.  parce  que;  purke,  pour  que;  sinke, 
sans  que,  etc. 

1.  Cf.  V Espéranto,  qui  est  plus  régulier  et  plus  simple. 


HEINTZELEIt    :   UNIVER8ALA  4S3 

Lu  syntaxe  est  très  sommaire.  L'adjectif  se  met  devant  le  sub- 
stantif, à  moins  qu'il  no  fasse  pour  ainsi  dire  corps  avec  lui  : 
linga  universal.  L<>  snjrt  précède  le  verbe;  l'adverbe  et  les  com- 
pléments le  suivent.  S'il  y  a  deux  compléments,  le  nom  de  per- 
sonne so  mol  nii  datif  :  dépouiller  l'ennemi  de  ses  armes  =:  priTtr 
le  armes  al  nemiko.  Les  prépositions  ne  régissent  aucun  cas,  et 
on  les  supprime  autant  que  possible  :  studios  le  rtritAi,  studieux 
pour  la  vérité,  suspekt  le  furto,  suspect  de  vol;  saget  le  magistrat, 
soumis  à  l'autorité. 

Vocabulaire. 

L'auteur  annonce  un  lexique  polyglotte  de  8  000  mots  en  alle- 
mand, latin,  français,  italien,  espagnol,  portugais.  Il  en  donne, 
comme  échantillon,  un  extrait  d'une  centaine  de  mots  en  7 
langues  (en  ajoutant  l'anglais  aux  précédentes).  Il  en  ressort 
que  la  plupart  des  mots  allemands  correspondent  au  même  mot 
latin  dans  les  autres  langues  (même  en  anglais),  de  sorte  que 
c'est  celui-ci  qui  est  adopté  en  Universala.  Voir  le  tableau  ci-joint 
(p.  4:i4),  qui  contient  les  12  premiers  mots  de  ce  vocabulaire.  On 
remarquera  que  le  mot  latin  est  pris  de  préférence  sous  sa  forme 
hispano-portugaise  (la  plus  phonétique^  Ces  exemples  suffisent 
à  montrer  le  caractère  nettement  néo-latin  de  l'Universala. 

Pour  la  dérivation  et  la  composition  des  mots,  l'auteur  ne 
donne  pas  de  règle  générale,  mais  seulement  quelques  exemples. 
Ainsi  lessuffixes  diminutifs  sont  -in,  et,  -il,  et  le  sufli.xe  augmen- 
tatif est  -on.  On  trouve  dans  le  lexique  quelques  verbes  dérivés  : 
▼isit.  visitar;  purifikar.  ne//ojr<>r;  mortifikar,  tuer.  Certains  mots 
semblent  formés  au  moyen  du  suflixe  -er  :  garden  {JardinK  gar- 
deneri jar(/wu>r)  '  ;  d'autres  au  moyen  du  suffixe  -or  ou  tor  :  precept. 
preceptor;  auditor;  amator;  viagator,  voyageur  (du  verbe  viagar). 
Mais  la  plupart  des  mots  dérivés  semblent  empruntés  tout  faits 
aux  langues  vivantes  :  malkontent,  desonest.  desobedient.  inexpert; 
difidar  {se  défier),  desplacer  (déplaire),  reportar,  retornar  (D. 
wiederkehren  et  zurûckkehren).  On  remarque  enfin  quelques  mots 
composés  :  tetdolor,  mal  de  tête;  Tapornav,  bateau  à  vapeur. 

1.  Ce  qui  montre  que  l'auteur  n'exclut  pas  absolument  les  racines  ferma* 
nitjut's.  Autre  exemple  :  ger  =  guerre. 


454  SECTION   III,    CHAPITRE   XXI 


t.         ■« 


« 

^ 

^ 

ê 

§ 

c 

•-a 

%i 

"« 

(^ 

Oi 

^ 

c 

■;: 

TS 

S) 

TS 

fe 


a 


'C  ^ 


'-ë 


'3 

c 

o 

tH 

'2 

u 

ea 

ta 

'o 

(h 

CO 

M 

u 

(h 

cS 

«i 

V 

&5 

"S, 

•3 

A 

CQ 

«H 

X 

A 

S 

(D 

s 

a> 

ce 

09 

-O 

A 

Ci<        "«  Ci,         5, 


■^ 

53 

C 

05 

1 

» 

T3 

<« 

H 


i.  -^^ 


c 

3 

^ 

^ 

c 

"Si 

^ 

c 

i. 

,e 

-c 

■to 

^ 

o 

•Cl 

-o 

c 

-^ 

't; 

Q,        la,       -c 


V  C  to  ■«  Q,  Q,  "c 


o-      t.      t:       ?£,      -2       c 
S        SS        "S         Q,        ca,       -îs 


S-       S        ^        2^        5        f^        ^ 

^j  <5  3^  ta  s  i.  57 

iw         es         :o        T3         Ci,        Q,       "a 


•o 
c 


HEINTZELER    :    UNIVER8ALA  455 


Critique. 

On  ne  peut  pas  juger  ce  projet  comme  un  système  complet  et 
<l(Hnillé;  puisque  l'nuteur  se  d<^clare  incapable  d'élaborer  à  lui 

sful  une  langue,  (>l  fait  appel  A  wuc  commission  Uilernatiuiiale,  nous 
(levons  lui  leiiir  coiuple  de  sa  modestie,  et  lui  savoir  gré  de  cette 
|)i'oposition  si  conforme  an  programme  de  la  Délégation. 

\.o  principal  défaut  de  Vl'niversala  consiste  dans  l'application 
d'un  principe  granunatical  a  iiriori  au  milieu  d'un  vocabulaire 
entièrement  a  posteriori,  à  savoir,  dans  l'emploi  malencontreux 
des  voyelles,  dahord  comme  pronoms  '.  ensuite  comme  sufiixes 
(les  temps  du  verhe,  enfin  comme  sufiixes  caractéristijpies  :  a, 
(lu  féminin;  e,  de  l'adverbe;  i,  de  l'adjectif;  o.  du  masculin;  n. 
de  la  préposition.  Non  seidement  on  peitl  ainsi  le  bénéfice  de  la 
distinction  matérielle  des  parties  du  discours,  mais  on  multiplie 
les  chances  de  les  confondre  entre  elles.  11  faut  ajouter  que  les 
suffixes  -0  et  -a  ne  caractérisent  nullement  le  genre  des  substan- 
tifs, puisque  des  substantifs  neutres  ont  les  mêmes  finales;  ex.  : 
domo.  kasa  [maison).  D'ailleurs  les  substantifs  se  terminent  par 
d'autres  voyelles  encore:  ex.  :  kane,  chien.  lnvei*sement.  cnhiinsi 
adjectifs  ont  une  désinence  de  substantif  :  karo,  cher  *. 

En  outre,  la  finale -i  caractérise  si  peu  les  adjectifs,  qu'elle  .sert 
au  contraire  ù  former  des  substantifs  dérivés  d'adjectifs  :  kortes. 
kortesi;  perfid,  pertidi:  astut.  astazi;  avar.  ayarisi.  \'oilà  déjà  des 
dérivations  peu  réirnli('res:  mais  il  y  en  a  bien  datiires  :  ekonom. 
ekonomia;  bel.  beleza;  frank,  frankeza;  gentil,  gentileza:  patient, 
patienza;  onest.  onestat  (honnêteté);  prob.  probitat:  timid.  timi- 
ditat;  sincer.  sinceritat.  Cela  fait  quatre  suffixes  ayant  le  njéme 
sens  :  i  ou  izi,  ia,  za  ou  eza,  tat  ou  itat^  .Mais  ils  n'ont  même 
|)as  toujours  ce  sens  :  car  fortesa  ne  signifie  pas  Jbrce  (qui  se 


1.  Dans  sa  broctiuredo  I8!I5.  l'auteur  reconnaît  do  l>onne  prAce  que  l'ar- 
bitraire n'est  pas  acceptable  dans  la  rorination  des  pronoms:  il  pmpoM 
comme  pronoms  personnels  :  yo,  ta.  elo.  nos,  voi,  eloi;  et  comme  prottomê 
possessifs  :  mei,  tui,  sxii.  nostre,  vostre,  lostre  tcf.  Korr).  Il  parait  tomber 
d'un  excès  dans  l'autre  (de  Va  priori  dans  Va  posteriori),  car  ni  ces  pro- 
noms personnels  ni  ces  pronoms  possessifs  n'ont,  entre  eux.  de  forme  régv* 
lière.  et  ceux-ci  ne  dérivent  pas  régulièrement  de  ceux-là. 

2.  Cela  s'explique  par  le  fait  que  kar  a  déjà  doux  sens  :  quatre  et  pourquoi. 

3.  Encore  ne  comptons-nous  pas  itud,  dans  :  grat,  gratitod. 


456  SECTION   III,    CHAPITRE   XXI 

dit  forza),  mais...  forteresse.  On  remarque  la  môme  irrégularité 
dans  les  adjectifs  dérivés  de  substantifs  :  koraj  donne  korajos 
(courageux);  mais  ambizion  donne  ambizios.  De  même,  les  noms 
de  gens  exerçant  un  métier  n'ont  pas  tous  le  même  suffixe  :  à 
côté  de  brasero  [brasseur),  librero  (libraire),  vitrero  (vitrier),  orlo- 
gero,  on  trouve  taliator  (tailleur),  ebanista  (ébéniste).  De  plus,  les 
noms  des  métiers  correspondants  sont  :  braseri,  libreri,  vitreri, 
avec  la  finale  i  des  adjectifs;  or,  c'est  de  la  même  manière  que 
les  noms  de  matière  engendrent  leurs  adjectifs  :  oro,  ori  (d'or); 
argento,  argenti;  kopro,  kopri  (de  cuivre),  etc. 

Toutes  ces  irrégularités  viennent  de  ce  que  l'auteur,  comme 
nous  l'avons  remarqué,  a  pris  les  mots  dérivés  tout  faits  dans  les 
langues  vivantes,  au  lieu  de  les  former  avec  des  suffixes  auto- 
nomes (bien  que  pouvant  être  empruntés,  eux  aussi,  aux  langues 
vivantes).  Or  les  mots  dérivés  de  nos  langues  fourmillent  d'ano- 
malies déconcertantes  qu'on  ne  peut  apprendre  que  par  l'usage 
(et  dont  l'usage  seul  fait  oublier  l'absurdité).  Par  exemple,  en 
français,  de  même  que  riche  engendre  richesse,  pauvre  engendre 
pauvresse...  mais  ce  dernier  mot  ne  signifie  \^a.s  pauvreté  \ 

Enfin,  par  le  fait  que  l'auteur  emprunte  ses  racines  presque 
exclusivement  au  latin,  il  se  trouve  embarrassé  dans  des  homo- 
nymies dont  il  ne  se  dégage  qu'en  altérant  arbitrairement  l'un 
des  homonymes.  Ainsi  les  verbes  parar  (préparer)  et  parer 
(paraître)  auraient  la  même  conjugaison  :  on  changera  le  second 
en  parear.  De  même  on  distinguera  volar,  vouloir,  de  volaar,  voler 
(avec  des  ailes) ';pen,pfume,  de  pena, pei/ie  (qui  a  l'air  du  féminin 
de  pen);  pasar,  passer,  de  pasear,  se  promener,  et  de  paser,  moineau 
(qui  a  un  faux  air  de  verbe).  Tout  cela  prouve  que  ce  projet 
n'est  qu'une  ébauche  fort  imparfaite,  mais  néanmoins  intéres- 
sante et  louable  par  ses  principes.  On  peut  lui  rendre  cette  jus- 
tice, qu'elle  se  trouve  au  moins  dans  la  direction  de  cette  langue 
internationale  idéale  que,  selon  l'auteur,  il  s'agit  moins  d'in- 
venter que  de  découvrir. 

1 .  Voler  (dérober)  se  dit  rubar  ou  furar. 


CHAPITRE  XXII 


BEERMANN  :  NOVILATIIN  ' 

l.c  Novilaliin  est  *  un  essai  de  transformer  le  latin  en  une' 
limp:iio  appropriée  aux  besoins  dos  relations  inlornationales 
ruodcriios  »,  tant  orales  qu'écrites,  tant  scientifiques  que  com- 
merciales. Voici  par  quelles  considérations  l'auteur  a  été  amené 
à  concevoir  ce  projet.  La  langue  internationale  doit  être  faite 
avant  tout  pour  les  peuples  de  civiliiiation  européenne,  c'est-à- 
dire  de  langues  indo-germaniques.  Elle  doit  donc  se  rapprocher 
le  plus  possible  de  celles-ci,  et  notamment  des  «ix  langues  princi- 
pales (allemand,  anglais,  français,  italien,  russe  cl  espagnol)  qui 
sont  toutes  parentes  (quoique  inégalement)  et  qui  ont  de  nom- 
breux éléments  communs,  tant  dans  leur  grammaire  que  dans 
leur  vocabulaire.  L'auteur  a  été  d'abord  partisan  du  latin,  du 
latin  (in  moyen  Age,  ou  même  du  néo-latin.  Mais  il  s'est  a|>erçu 
que  le  latin  ne  convient  pas  par  son  synthétisme  à  l'esprit  «les 
peuples  modernes,  attendu  que  toutes  les  langues  modernes,  y 
compris  celles  qui  sont  issues  du  latin,  ont  évolué  du  synthétisme 
ô  l'analytisme.  Il  faut  donc  substituer  à  la  grammaire  latine  une 
grammaire  analytique  régulière  et  aussi  simple  que  possible;  par 
suite,  on  y  admettra  une  simplification,  lors  même  qu'elle  ne  se 
trouverait  que  dans  une  seule  de  nos  langues  (exemples  :  in%'a- 
riabilité  de  l'adjectif;  invariabilité  du  verbe  en  personne  et  en 
nombre).  On  créera  ainsi  une  langue  romane  possible,  sœur  des 


1 .  Sovilatiin,  un  esaaje  de  proformaar  it  Latiin  a  un  lingue  usaaM  al 
internasionaal  relaxions  de  nosire  tempor.  Ein  Versuch,  dat  Latein  su  eimer 
fur  den  internalionalen  Vericehr  unserer  Zeil  brauchbaren  Sprache  weiler- 
zubUden,  von  Dr.  E.  Bebrmann,  Ot>erlel)rer  am  kgl.  Gymnasium  tu  Nord- 

hausen  (Leipzig,  Gustav  Fock,  1895). 


458  SECTION   III,    CHAPITRE   XXII 

langues  romanes  réelles,  mais  plus  régulière  et  plus  simple  '. 
C'est  là,  selon  l'auteur,  le  procédé  le  plus  scientifique,  car  il  con- 
siste à  imiter  autant  que  possible  la  nature,  et  à  réduire  au 
minimum  la  part  de  l'arbitraire  et  du  «  subjectif  ».  Le  NovUatiin 
ainsi  formé  ne  sera  guère  plus  artificiel  que  certaines  langues 
nationales  purement  écrites  et  littéraires  forgées  de  notre  temps 
et  presque  sous  nos  yeux(néo-grèc,  Slovène,  tchèque,  et  surtout 
hongrois).  Cette  langue  aura  une  unité  organique  et  un  esprit 
qui  manquent  aux  autres  langues  artificielles;  elle  aura  ses  lois 
de  formation,  et  sera  susceptible  de  développement  autonome. 
Quant  au  vocabulaire,  il  ne  sera  pas  exclusivement  latin;  il  s'as- 
similera tous  les  éléments  internationaux  de  nos  langues,  dont 
la  plupart,  du  reste,  sont  empruntés  au  grec  ou  au  latin  (môme 
l'allemand  contient  beaucoup  plus  d'éléments  latins  qu'on  ne  le 
croit  d'ordinaire). 

Grammaire. 

Valphabet  comprend  23  lettres,  5  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u  (ou)  ;  et 
18  consonnes  :  b,  c  (ch),  d,  f,  g,  h,  j  {j  français),  k,  1,  m,  n,  p,  r,  s 
(toujours  dur),  t,  v,  y  (j  allemand),  z  {z  français),  auxquelles 
s'ajoutent  les  lettres  à,  û,  q,  x,  qui  ne  se  trouvent  que  dans  les 
mots  étrangers.  Il  n'y  a  qu'une  seule  diphtongue  :  au. 

L'accent  (dans  les  mots  simples)  porte  sur  la  dernière  syllabe, 
si  elle  est  longue  (feliic,  heureux);  sinon,  sur  l'avant-dernière,  si 
elle  est  longue  de  nature  ou  par  position  ^  (hoteleero,  hôtelier; 
pauperta,  pauvreté)  ;  ou  sinon,  sur  l'antépénultième  (konvokan). 
Dans  les  mots  composés,  chaque  élément  garde  son  accent 
(sauf  les  prépositions).  On  voit  que  l'accentuation  suppose  la 
connaissance  de  la  quantité  (longueur)  des  syllabes.  Pour  su})- 
pléer  à  cette  connaissance,  les  voyelles  longues  de  nature  sont 
doublées  dans  les  deux  dernières  syllabes;  mais,  bien  entendu, 
elles  se  prononcent  simples. 

U  y  a  un  article  défini,  il,  et  un  article  indéfini,  un;  tous  deux 
absolument  invariables. 

Les  substantifs  se  déclinent  analytiquement  :  le  gféni/i/est  marqué 

1.  Elle  se  rapprochera  de  l'italien  pour  la  prononciation,  et  de  l'espagnol 
pour  l'orthographe. 

2.  Une  voyelle  est  dite  longue  par  position  (en  latin)  quand  elle  est  suivie 
de  deux  ou  plusieurs  consonnes. 


DEEIIMANN    :    NOVILATIIN  459 

par  la  pivposilioii  de,  \c  datif  \n\v  In  pn-posilioii  a;  l'ucousalif  ne 
din't'i't*  pat»  (lu  iKimiiiatif.  L(>s  prrposiliotis  de  <'t  a  se  conihinciit 
avec  l'article  défini  en  del  et  al  '. 

Le  genre  (toujours  nalurrl)  est  marqué  par  1<*8  désinence»  o 
(m.),  a  (f.),  -e  (n.j.  K.\.  :  kan,  chien  (en  gén.);  kano,  chien;  kana. 
chienne.  Mais  on  dit  :  hom,  homme  (en  gén.);  Tiro,  homme;  leema, 
femme.  Certains  féminins  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -Maa  : 
rejessa,  reine;  imperessa,  impératrice  ^ 

Le  pluriel  est  manpié  par  la  désinence  -s  (  -es  après  une  gifflante, 
c  ou  s)  :  dom,  maison,  faitdoms;  audaac,  audacieux,  fait  andaaces. 

Les  adjectifs  sont  invariables  en  genre  et  vi\  nombre. 

Les  degrés  de  comparaison  se  forment  au  moyen  des  suffixes 
-ioor  (comparatif)  et  -im  (superlatif),  ou  bien  au  moyen  des 
adverbes  plu  et  mas  (obligatoires  (piand  le  radical  se  termine 

•  H  -le)  :  grande,  grandioor.  grandim;  yarie.  pla  varie,  mas  varie. 

Les  adjectifs  se  transforment  en  substantifs  au  moyen  de  l'ar- 
ticle et  des  désinences  de  genre  -o,  -a,  -e  :  il  bello,  le  beau  (le  bel 
homme);  il  bella,  la  belle:  il  belle,  le  beau  (neutre». 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  s«>nl  :  uun,  due.  tre,  kvar.  kvin. 
see.  septe.  okte.  non.  dec:  undec.  dadec.  tridec...  septidec.  oktidec. 
nondec:  duinte.  20;  duinte  uun.  21:  duinte  due.  il....  trinte.  30; 
kvarinte.  >0:  kvininte,  :>(>;  seinte,  ('>0;  septinte.  oktinte.  noninte; 
cente.  ducente,  tricente...:  mille. 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  précédents  au  moyen  du 
suffixe  -im  (en  supprimant  le  final)  :  nanim,  daim,  trim,  kvarim. 

Les  adverbes  ordinaux  dérivent  des  précétlenls  au  moyen  du 
suffixe  -ibi  (des  adverbes  de  lieu)  :  unimibi,  pr^mi^renif/i/ ;  doi- 
mibi,  etc. 

Les  nombres  fractionnaires  sont  identiques  aux  nombres  ordi- 
naux, excepté  :  semie,  demi. 

Les  nombres  multiplicatifs  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -pie 
ou  -iple  :  uniple  ou  simple;  duple.  triple,  kvariple. 

Les  nombres  de  fois  se  forment  au  moyen  du  suffixe    un  ^  «mi 

•  lu  mot  vie  (fois)  :  uunun  ou  uun  vie,  une  fois;  dnon  ou  due  vices, 
trun  ou  tre  vices.  De  même  :  onimun  ou  il  unim  vie.  la  première 
fois. 

\.  L'article  se  roiiiMne  encore  avec  d'aulres  pn^positions  (comme  en  ita- 
lien) :  cil.  kul,  gral,  nil,  ol.  prol.  suprel,  irai. 

2.  Cf.  le  vieux  français  :  empresse. 

3.  Abréviation  de  non  =  maintenant  (L.  nimc).  Pourquoi? 


460  SECTION   III,    CHAPITRE   XXII 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif  : 


l"p. 

2"  p. 

3*  p.  m. 

3«  p.  f. 

3«  p.  Il 

Sing.  :    go. 

tu, 

lo, 

la, 

le; 

Plur.  :    nos. 

VOS, 

los. 

las, 

les. 

et  à  Vaccusatif  : 

Sing.  :    mi, 

ti, 

li, 

li, 

le; 

Plur.  :    nis, 

vis, 

lis, 

lis, 

les. 

Le  génitif  et  le  datif  se  forment  en  faisant  précéder  Vaccusatif  des 
prépositions  de  et  a. 

Le  pronom  réfléchi  est  si.  On  se  dit  on. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  mie,  tie,  sie  ;  nostre,  vostre,  lostre. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  ste,  celui-ci;  ille,  celui-là;  ipse, 
même;  il  ipse,  le  même  (L.  idem)  ;  taal,  tel. 

Les  pronoms  interrogatifs-relatifs  sont  :  kve,  qui;  kvaal,  quel;  ilkve, 
ilkvaal,  celui  qui. 

Les  pronoms  indéfinis  sont  :  alikvo  ou  kvo,  quelqu'un;  alikve  ou 
kve.  quelque  chose;  neuno  ou  nekvo,  perso/me  ;  niil  ou  nekve,  rien; 
omne,  tout;  toot,  tout  {entier),  etc. 

Les  verbes  ont  une  conjugaison  uniforme.  Leur  radical  est 
extrait  du  participe  passif  latin,  dont  on  supprime  la  terminaison 
-tus  :  par  suite,  il  se  termine  en  -a  (verbes  de  la  1'"^  conjugaison 
latine)  on  en  -i  (verbes  des  3  autres  conjugaisons).  Ex.  :  ama, 
meri,  obli,  moli  K 

Les  formes  verbales  ne  varient  pas  suivant  la  personne. 

Vindicatif  présent  se  forme  en  ajoutant  un  -n  '  au  radical  : 
aman,  puunin. 

Vindicatif  passé  se  forme  en  ajoutantun  -f  au  radical  :  amaf,  puunif . 

Vindicatif  futur  se  forme  en  ajoutant  un  -r  au  radical  :  amar, 
puunir  ^ 

Les  temps  du  subjonctif  se  forment  en  ajoutant  la  désinence  -ia  à 
ceux  de  l'indicatif;  mais  ils  représentent  des  modes  différents  : 

Optatif  :  amania,        puninia. 

Subjectif:        amafia,         punifia. 
Conditionnel  :  amaria,        puniria. 

1.  On  voit  que  les  verbes  déponents  {mereor,  obliviscor,  molior)  sont  ainsi 
ramenés  à  la  forme  normale. 

2.  Cet  n  provient  du  participe  présent,  selon  l'auteur.  Pourquoi? 

3.  Le  futur  peut  aussi  se  former  au  moyen  de  l'infinitif  et  de  l'auxiliaire 
volin  (comme  en  anglais). 


OEERMANN    .'    NOVILATIIN  46i 

V impératif  Ro  réduit  au  radical  verbal  :  ama.  pnani. 

I///j/î/u7i/* se  forme  en  ajontniil  -r  nu  radical  verbal  cl  en  allon- 
gonitl  In  voyelle  fiiinle  :  amaar,  puniir. 

Le  participe  présent  (actif)  se  forme  en  ajoutant  -ntt  au  radical 
verbal  :  amante,  puninte. 

l.c  participe  pasxr  i  passif)  se  forme  en  changeant  Trde  l'infinitif 
en  t  :  amaat,  puniit. 

Les  temps  iiulirecis  de  Tnctif  se  forment  nu  moyen  «lu  |>urtici|>e 
passé  précédé  des  temps  directs  du  verbe  auxdiaire  haar  (avoir). 

Tous  les  temps  du  passif  se  forment  au  moyen  du  parlici|M' 
passé  précédé  des  temps  correspondants  du  verbe  auxiliaire  siir 
(être). 

Ces  deux  verbes  auxiliaires  se  conjuguent  régulièrement  (radi- 
caux :  ha  et  si). 

Les  verbes  iHj/)^rso/ineb  se  conjuguent  avec  le  pronom  neutre  le. 

Voici  quel(|ues  exemples  de  verbes  conjugués  : 

go  fan,  je  dis;  tu  fektaf.  tn  faisais;  le  pluir,  il  pleuvra;  nos  han 
obliit.  nous  avons  oublié  ;  vos  haf  dansaat,  vous  aviez  dansé  ;  lit  har 
komprendiit,  ils  auront  compris;  go  han  daat.  fai  donné;  lo  han 
moriit,  il  est  mort. 

Les  adverbes  dérivés  se  forment  en  ajoutant  aux  adjectifs  In  ter- 
minaison-am  '  :  fideel,  fideelam;  lente,  lentam. 

Les  adverbes  primitifs  sont  :  taa.  oh»  ^L.  ita);  noo.  non;  )t,  déjà 
(L.  jam);  mes  {L.  mox),  bientôt;  asa,  assez;  ada  (L.  adhuc),  encore; 
sep  (L.  s.rpe\  souvent:  sempe  (L.  semper),  tot{jours,  etc. 

Les  adverbes  de  lieu  se  terminent  en  ibi  (L.)  :  stibi,  ici;  Ubi,  W: 
kvibi.  où:  alikvibi,  ^Hf/yii* par/:  omnihi.  p(irfoti(;nekvibi.  nulle  part. 

Les  adverbes  de  temps  se  terminent  en  -un  (L.  nunc)  :  stan. 
maintenant;  lun,  alors;  kron,  quand;  omnun.  totijours;  nekvun. 
jamais. 

On  remarquera  la  corrélation  établie  entre  les  adverbes  »U'  ces 
deux  classes.  La  même  corrélation  existe  entre  les  ndverbe.s  de 
manière,  terminés  en  am  :  slam,  ainsi;  kvam.  comment:  alteram. 
(nilrement:  et  entre  les  adverbes  composés  tie  prépositions  ou  de 
subslantils  :  kveo.  pourquoi;  leo,  pour  cela;  kYOni.  dans  quoi:  leni. 
l'\-dedans:  kvesupre,  sur  quoi:  lesupre.  là-dessus,  etc.  Stidie.  rtiyoïir- 
it'hui;  omnidie,  Ions  les  jours:  stianne.  cette  année:  steper.  /Kir  ici. 

Les  principales pr<^p(Wi7ions  sont  :  ni,  dans;  es.  tiors:  ante.  avant: 

I.  Empruntée  à  tam,  7m«hi  (L.).  Pourquoi? 


462  SECTION   III,    CHAPITRE    XXII 

pos,  après;  supre,  sur;  su,  sous;  ku,  avec;  ci,  sans;  o,  à  cause  de; 
per,  par;  pro,  pour,  etc.  Il  y  a  aussi  des  locutions  prépositives, 
comme  :  ni  loke  de,  au  lieu  de;  per  medie  de,  au  moyen  de,  etc. 

Les  principales  conjonctions  sont  :  e,  et;  au,  ou;  ne,  ni;  ver, 
mais;  na,  car;  si,  si;  ke,  gue;  tame,  cependant.  Il  y  a  des  conjonc- 
tions composées  avec  ke  (comme  en  français)  :  perke,  pendant 
que;  anteke,  avant  que;  poske,  après  que;  proke,  pour  que;  oke,  parce 
que,  etc. 

L'auteur  ne  donne  qu'une  indication  relative  à  la  syntaxe  : 
c'est  que  le  régime  direct  se  distinguera  du  sujet  par  sa  place. 
Ex.  :  il  soldaato  presintaf  al  duko  il  ordin  del  rejessa,  le  soldat  pré- 
senta au  duc  Vordre  de  la  reine. 

L'accusatif  des  pronoms  peut  remplacer  le  datif,  quand  il  n'y 
a  pas  d'équivoque  à  craindre  :  da  mi  un  libre,  donne-moi  un  livre. 


Vocabulaire. 

Le  fonds  du  vocabulaire  est  fourni  par  le  latin,  complété  par 
le  grec.  En  général,  les  mots  à  flexion  sont  réduits  à  leur  radical  : 
anim,  numer,  nive  ;  grande,  medie.  Il  en  résulte  que  certains  mots 
deviennent  identiques,  par  ex.  :  collis  et  collum,  vallis  et  vallum. 
L'auteur  se  tire  d'affaire  en  modifiant  les  radicaux  :  koliin  et 
koUe.  valle  et  valie.  Les  particules  sont  abrégées,  comme  on  l'a 
vu;  mais  elles  restent  intactes  dans  les  mots  composés. 

Mais  l'auteur  ne  se  restreint  pas  au  vocabulaire  latin.  Lorsque 
le  mot  latin  manque,  ou  même  lorsqu'il  est  tombé  en  désuétude 
dans  les  langues  modernes,  l'auteur  adopte  le  mot  international 
correspondant  (Ex.  :  park).  Il  appelle  mol  international  tout  mot 
commun  à  3  au  moins  des  6  langues  principales,  pourvu  que  ces 
3  langues  comprennent  une  langue  non  romane.  C'est  ainsi  qu'il 
admet  les  mots  frak  (D.,  R.,  S.),  habit;  kork  (D.,  E.,  S.),  bouchon. 
Faute  d'un  mot  international,  il  admet  un  mot  commun  à  deux 
langues.  Par  exemple,  la  comparaison  des  mots  :  Kellner  (D.), 
ivaiter  (E.),  garçon  (F.),  garzone  (I.),  tcelovyek  {R.),  mozo  (S.),  le  con- 
duit à  adopter  garsoono  (F.,  L).  Faute  d'un  mot  commun  à  deux 
langues,  il  opte  pour  le  mot  italien,  l'italien  étant  la  langue  la 
plus  voisine  du  latin. 

En  fait,  dans  son  lexique  (1400  mots  environ),  on  trouve  un 
certain  nombre  de  mots  empruntés  aux  langues  modernes,  et 


BEERMANN    :    NOVILATIIN  463 

pour   cause  :   biir,  bi^re;  bool,  6o(;  broi,  broise;  CABM,  ehancê; 

gazette,  jurnaal.  kafee,  poste.  Parfois  m»^nn«  ratitcur  n  pn-rrr»'* 
iiiir  fiiciiH'  (ii>  Ims-latiii  ou  modenir  ù  In  rnciiu*  latine  ;  agradaabil. 
agréable;  atakke,  attaque  ;  bekke.  bec;  belle,  beau;  kaTalle.  cheval; 
gruppe.  jardiin:  kacie,  chasse:  kambie,  chnmje .  klok,  cloche,  kom- 
batte,  combat;  koraaje.  conraije;  paees,  pays;  prisioon.  prison: 
riik,  riche;  trappe,  troupe;  akostumaar,  s'accoutumer;  eskappaar. 
échapper:  eskortaar,  escorter;  kominsiaar.  commencer,  oie.  Comme 
on  voit,  l'aulrnr  sacrili(*  (Irliljért'nu'iil  la  pureté  de  son  n^o- 
latin  à  l'internationalitt^  ' 

Pf»ur  les  mots  dérivés  et  composés,  il  pose  en  |)rincipe  que  les 
radicaux  doivent  y  entrer  sans  altération  (ce  qui  n'a  pas  lieu  en 
latin,  où  qu,i'ro  fait  acquiro;  cado  et  ca'do  font  incido^  etc.).  Par 
suite,  il  faudra  choisir  entre  les  diverses  formes  d'un  même 
ratlical.  Par  exemple,  jekt  est  j>référal)le  à  jakt,  à  cause  de  tnb- 
jekt.  objekt.  projekt.  injektion.  En  revanche,  kad  vaut  mieux  que 
kid,  à  cause  de  décadence  (E.  F.  I.  S.).  Pour  la  même  raison,  on 
dira  superfacie  (surface)  au  lieu  de  superficies  (L.>. 

En  général,  la  formation  des  mots  peut  être  progressive  ou 
régressive  :  elle  est  progressive  quand  on  passe  d'un  radical  à  ses 
dérivés;  elle  est  régressive  quand  on  extrait  de  mots  (dérivés  ou 
non)  le  radical  (pii  tloit  représenter  le  mot  primitif.  I)e  même 
«pie  les  substantifs  défense,  estime,  sont  provenus  des  verbes 
'Irfendre,  estimer,  de  même  on  tirera  par  régression  :  tj^w  {espoir) 
du  vtM'be  sperare;  dabit  (doute)  du  verbe  dubiiare;  narre  (récit)  du 
verbe  narrare. 

Une  fois  fixés  le  vocabulaire  (liste  des  radicaux),  d'une  part,  et 
la  liste  des  afllxes  de  «lérivafion.  d'aiitre  part,  le  Sovilatiin  doit  se 
développ«»r  d'une  manière  régulière  et  indépeiulante,  suivant  ses 
règles  propres  de  formation,  comme  les  langues  romanes  elles- 
niêuu»s  se  sont  développées  d'une  manière  autonome,  indépen- 
dauiuDMit  du  latin. 

La  formation  des  mots  dérivés  se  fait  au  moyen  de  divers  suffixes 
aucim  préflre\  dont  nous  allons  énumérer  les  principaux. 

Ajoutés  à  un  radical  verbal,  le  suflixe  toor  forme  le  substantif 
(pii  indique  l'agent  :  fundatooro,  konditooro  ;  et  le  suffixe  sioon 
forme  le  sidtstantif  «jui  désigne  l'action  :  deklarasioon.  negasioon. 


1.  Le  mot  L.  caseus  (f^'omage)  est  déformé  en  keet.  pour  se  nppn>- 

•  lier  de  P.  E. 


464  SECTION   III,    CHAPITRE   XXII 

Mais  quand  le  radical  verbal  se  termine  en  -ta  ou  -sa,  il  y  a 
déformation  du  radical  ou  du  suffixe  :  profesooro;  direksioon, 
esklusioon. 

Les  substantifs  dérivés  d'adjectifs  se  forment  au  moyen  des 
suffixes  -ta  ou  -ita  :  proprieta,  pauperta,  juventa;  sanita,  beatita; 
ou  encore  du  suffixe  -sie,  substitué  à  la  désinence  -te  des  adjectifs 
ou  participes  :  forte,  forsie  (force);  multe  {beaucoup),  mulsie  (multi- 
tude). 

Les  substantifs  dérivés  de  substantifs  se  forment  au  moyen 
des  suffixes  : 

-ul  ou  -ette  pour  les  diminutifs  :  filiulo,  statuette  '  ; 

-oon,  pour  les  augmentatifs  :  patroono,  matroona  ; 

-astre,  pour  les  péjoratifs  :  medikastro; 

-aaje,  pour  les  collectifs  :  vilaaje,  village  (de  ville,  maison  de  cam- 
pagne); viaage,  voyage  (de  vie,  chemin); 

-eet,  pour  les  plantations  :  vineet,  vigne  (de  vlin,  vin); 

-eer  ou  -ist,  pour  les  personnes  qui  s'occupent  d'une  chose  ou 
d'une  science  :  libreero,  arkiveero;  dentiste,  violinisto^; 

-le,  pour  les  noms  de  choses  dérivés  de  noms  de  personnes  : 
librerie. 

Les  adjectifs  dérivés  de  verbes  se  forment  au  moyen  des  suf- 
fixes : 

-bil,  pour  indiquer  la  possibilité  :  amaabil,  aimable  ^;  krediibil, 
croyable  ; 

-tiive,  pour  indiquer  l'activité  :  negatiive.  Ce  suffixe  s'abrège  en 
-iive  après  les  radicaux  terminés  en  -ta  ou  -sa  :  aktiive,  abusiive. 
Les  adjectifs  dérivés  de  substantifs  se  forment,  en  général,  au 
moyen  du  suffixe  -aal  (sensuaal),  ou  du  suffixe  -eer  quand  le 
radical  se  termine  par  1  (populeer)  ;  le  suffixe  -iil  s'applique  aux 
noms  de  personnes  (viriil),  et  le  suffixe  -aan  aux  noms  de  lieux 
(Castiliaan).  Le  suffixe  -oos  désigne  la  plénitude,  et  le  suffixe  -ije  '' 
l'absence  de  la  cpialité  en  question  :  korajoos,  perikuloos;  pietije, 
impie. 

Enfin  les  verbes  dérivés  de  substantifs  en  -i  font  leur  présent 
en  -in;  tous  les  autres  en  -an.  Les  verbes  inchoatifs  (qui  marquent 

1.  Le  suffixe  -ard  paraît  désigner  le  fils  de  :  imperardo,  prince  impérial. 

2.  Cependant  tinteer  signifie  encrier. 

3.  Aimable  ne  signifie  pas  :  qu'on  peut  aimer,  mais  qu'on  doit  aimer 
(D.  liebenswiirdig). 

4.  Du  verbe  latin  indigere  (!  ?). 


REERMANN    :    NOVILATIIN  469 

nn   commencement  d'action)  se  forment  au  moyen  du  suffixe 

-ccin  (I..  -esco):  albecciir.  blanchir;  senecciir,  vieillir. 

Los  mois  composés  so  r<>riiu'rit  pur  la  juxlapositioii  iWs  racines 
(avec  un  i  interposé  au  besoin),  la  principale  (Haut  In  dernij>re  : 
vitre  fenestre. /♦•«é'Vre  à  vitres \  fenestre  vitre,  vitre  à  fenêtre;  ferre> 
vie,  cliemin  de  fer. 

l/ouvrage  du  D'  F^eerm ann  contient  dos  échantillons  de  NovUa- 
liin  qui  coiisishMil  on  traductions  «le  loxios  nlloinnnd.  anglais, 
fraiHjais,  ilalicii.  latin,  russe,  espagnol  ol...  Volapûk.  Il  nous 
parait  intéressant  de  citer  la  première  phrase  de  celle  dernière, 
avec  le  loxteoi»  regard  '  : 

Vobuk  klonela  sona   Rudolf  de  II  oper  del  grandiprinco  Rndolf 

Lôstân-Nugân  «  Lefùdânatâv  »  po-  de  Austrie-Ungarie  <•  Un  oriente- 

lofom   is    menés    pekulivôl    netas  viaaje   »   sin   présentât   tteper  al 

valik  as    gelùtot    vôladik   lautela  koltaat  homes  de  omne  nasioons  u 

edeilôl  tu  suno  noie  e  mostepe  in  presioos  heredie  del  antooro  mo- 

flol  lifa  okik.  riit  nimi  celeram  al  sciensie  e  pro- 

(frette  nil  floor  de  lie  viit. 

Critique. 

I.e  projet  du  D'  Beermann  est  une  œuvre  intéressante,  qui 
mérite  un  examen  approfondi.  Il  repose  sur  des  princiiies  Ihéo- 
ri«|iies  fort  judicieux,  mais  dont  l'application  est  souvent  défec- 
tueuse, de  sorte  «jue  le  résultat  n'est  ni  assez  simple  ni  assez 
pratique  pour  pouvoir  j)asser  dans  l'usage. 

Le  plus  grave  défaut  de  cette  langue  est  la  distinction  des 
voyelles  longues  au  moyen  du  retloublement.  distinction  rendue 
nécessaire  parles  règles  trop  savantes  et  trop  compliquées  qui 
régissent  l'accent.  Ce  redoublement  des  voyelles  viole  le  principe 
de  l'invariabilité  des  radicaux,  posé  et  observé  ailleurs  par  l'au- 
teur. Les  exemples  sont  innombrables  :  on  en  a  déji\  vu  dans  la 
conjugaison  des  verbes  :  pnniir  fait  pnonin,  clc.  On  en  Irouve 
mit»  foule  d'antres  dans  les  mots  dérivés  :  amiiko.  amikaal;  ko- 
raaje,  korajoos;  naat.  natiive:  nasioon,  nasionaal:  periit  (L.  prri- 
Uis,  expérimenté),  peritita;  riik.  ricita  (avec  changement  du  k  en 
c      ruur  (L.  rus,  campagne),  ruraan;  yiciin,  Ticiuita.  etc.  '.  C'esl 

1.  Préface  de  l'ouvrage  de  Lederer  :  Lefûddnatdv  fa  klonelaton  Rudolf 
de  lÀisUln-Sugan  (Voi/age  en  Orient  du  prince  impérial  Rodolphe  if Au- 
triche-Hongrie). 

2.  Il  est  vrai  que  les  voyelles  doubles  ne  comptenl  que  pour  une  seule 
dans  l'ordre  alphabétique  du  diclionnaire. 

CouTURAT  ot  Lkau.  —  I.4U>guo  univ.  «W 


466  SECTION   III,    CHAPITRE   XXII 

compliquer  à  plaisir  l'écriture,  et  exposer  les  novices  à  de  per- 
pétuelles fautes  d'orthographe. 

Mais  voici  un  inconvénient  plus  grave  encore  :  il  y  a  des 
formes  verbales,  voire  des  mots  différents,  qui  ne  se  distinguent 
que  par  la  longueur  d'une  voyelle,  c'est-à-dire  par  le  redouble- 
ment. Ex.  :  puniir  (infinitif),  puunir  (indicatif  futur);  al  =  au  (à 
le),  aal  =  aile;  ml  =  dans  le  (ni  il),  niil  =  r ie/i  (L.  nihil);  kan  ^ 
chien  (L.  canis),  kaan  =  gris  (L.  canus);  man  =  main  (L.  manus), 
maan  =  matin  (L.  mane)  ;  fin  =  je  deviens  (L.  fio),  fiin  =  fin  (adjec- 
tif), fiini  =  fin  (subst.);  un  =  un  (art.  indéf.),  uun  =  un  (nombre); 
us  ==  jusqu'à  (L.  usque),  uus  =  us{age)  ;  ta  =  ainsi,  taa  =  oui  (L.  ita)  ; 
ver  ==  mais  (L.  verum),  veer  =  vrai  (L.  verus)  *,  etc.  On  voit  que 
l'auteur  a  essayé  d'éviter  par  là  des  homonymies  :  il  y  a  assez 
mal  réussi.  Il  y  en  a  d'autres  qu'il  a  éludées  par  de  légères 
modifications  :  vol  =  action  de  voler,  voli  =  volonté,  volan  =  voler, 
volin  =  vouloir;  poste  =  (la)  poste,  posti  =  (un)  poste;  seri  =  série 
(L.  séries),  série  =  sérieux  (L.  sérias);  serve  =  conservation,  servi 
=  service;  studin  =  avoir  du  zèle,  studian  =  étudier  (L.  studere),  etc. 
Il  y  en  a  enfin  qu'il  n'a  pas  évitées  du  tout  :  si  signifie  si  et  soi. 
D'autre  part,  la  formation  des  dérivés  manque  souvent  de 
régularité,  par  un  attachement  excessif  aux  langues  naturelles. 
Ex.  :  viit  =  vie,  viive  =  vif,  viivin  =  vivre.  On  a  vu  que  dans 
certains  cas  elle  altère  le  radical  ou  le  suffixe,  parfois  les  deux, 
pour  se  conformer  à  la  tradition  du  latin,  que  l'on  est  censé 
ignorer.  Tous  ces  détails  ne  pourraient  s'apprendre  que  par 
Vusage,  dont  le  rôle  doit  être  restreint  autant  que  possible  au 
bénéfice  de  la  logique  et  de  l'analogie.  De  plus,  certains  mots 
se  terminent  comme  des  dérivés,  et  ne  sont  pas  des  dérivés. 
Ex.  :  koraaje,  pasaaje,  visaaje;  rejioon  {région)  ne  vient  pas  de 
rejie  {royaume).  D'autres  mots,  dérivés  par  la  forme,  ne  le  sont 
pas  par  le  sens  :  un  village  (vilaaje)  n'est  pas  une  réunion  de 
maisons  de  campagne,  de  villas  (ville);  une  vigne  (vineet)  n'est 
pas  un  champ  planté  de  vin  (viin);  un  voyage  (viaaje)  n'est  pas 
une  collection  de  chemins  (vie). 

L'auteur  semble  avoir  hésité  à  employer  partout  le  suffixe  -sioon, 
qui  engendre  dans  nos  langues  des  mots  parfois  si  longs  et  si 
lourds.  Il  admet,  par  exemple,  à  la  fois  admiir  et  admirasioon, 
defiil  et  defilasion  {défilé  de  troupes),  dissip  et  disipasioon,  situe  et 


1.  Que  devient  le  3°  homonyme  latin  :  ver  =  printemps'! 


i 


BEERMANN    :    NOVILATIIN  4«7 

situasioon.  Il  y  a  li\  une  tondanco  loutihlo  h  la   Kiiiiplilirntion. 
inalgi't'  rt'xoniplf  coniraiiv  dos  jan^uos  roinaiios. 

Kii  rovaiK-lu»,  raulour  sV-carlc  trcip  tl«>s  langues  naturolIcH  dan» 
la  lorinalion  de  certains  mots  qui  deviennent  i\  peu  prrs  nii^con- 
naissal)les  :  han  =  avoir,  sin  =  èlre;  in  =  allrr;  d'où  :  atia  = 
être  présent:  esin  =  sortir;  h  côté  de  ces  mots,  on  trouve  diin, 
qui  signifie  diiier;  fan,  dire;  fe,  parole;  lin,  devenir;  et  des  parti- 
cules coninx'  :  o,  à  came  de;  n,  comme;  val,  très  (L.  t'aide);  T0l, 
Itit'n  (K.  ivell)  '. 

D'ailleurs,  l'auteur  a  commis  uno  grave  erreur  en  simplifiant 
et  aluTifcaiit  (souvent  à  l'excès)  les  particules  latines,  cl  en  les 
conservant  intactes  en  conumsifion.  Cela  les  i-end  plus  difliciles 
à  reconnaître,  et  viole  le  princi|>e  salutaii*e  de  Tinvariabililé  des 
tMémeiits  constitutifs  de  la  langue. 

Kniin,  malgré  son  inlcntion  déclarée,  il  n'a  pas  su  se  garder 
sunisamment  de  l'arbitraire  dans  le  choix  des  flexions  gramma- 
ticales; exemples  :  la  désinence  -n  «le  l'indicatif,  (pii  évoque  bien 
plutôt  l'iilée  de  linfinitif  (I).);  le  sullixe  ije  pour  indiquer  la  pri- 
vation; le  sufdxe  -un  pour  indiquer  le  nombre  de  fois;  le  suffixe 
-am  pour  les  adverbes,  etc.  Dans  la  numération,  l'auteur  a  commis 
la  laule  (germanisme)  d'énoncer  les  unités  avant  les  di/aines. 
dans  la  /•*  dizaine  seulement,  ce  qui  est  absolument  illogique  (il 
dit  :  un  et  dix,  mais  :  vingt  et  un).  Tous  ces  défauts  ne  sont  pas 
également  graves,  et  certains  (par  exemple  le  dernier)  seraient 
aisés  t\  corriger.  Mais  leur  réunion  contribue  ù  donner  à  l'en- 
send)le  une  physionomie  étrange  et  un  peu  baroque,  qui  décon- 
certe et  qui  rebute.  La  langue  n'est  pas  facile  (\  lire  ni  agn^able 
à  entendre:  elle  n'a  pas  la  «  transparence  »  «lu'on  est  en  droit 
d'attendre  d'un  néo-latin,  et  (pii  fait  que  d'autres  langues  ana- 
logues sont  comprises  îi  première  vue.  Kn  somme,  il  y  a  dans 
ce  projet  beaucojip  d'idées  savantes  et  ingénieuses,  qui  méritent 
d'être  retenues,  mais  dont  la  réalisation  est  trop  imparfaite  pour 
qu'elle  puisse  être  adoptée  telle  quelle  *. 

1.  .\jouter  des  composés  comnto  :  eskordin,  oublier,  à  côté  de  rtmenUn. 
se  souvenir. 

2.  Les  auteurs  de  I7rfù>m  neutinl  out  rendu  au  Sovilatiin  le  meilleur 
hoiiniiage,  en  s'en  inspirant. 


CHAPITRE  XXIII 


LE  LINGUIST 


Divers  projets  de  langue  universelle  ont  donné  naissance  à  des 
journaux  spéciaux,  consacrés  en  général  à  la  propagande  de  l'un 
d'entre  eux;  nous  les  avons  mentionnés  à  propos  de  chaque 
projet.  Mais,  outre  ces  journaux,  il  a  existé  plusieurs  revues 
indépendantes,  destinées  à  étudier  la  question  de  la  langue  uni- 
verselle, à  propager  l'idée  de  cette  langue,  et  à  en  déterminer  les 
conditions  et  les  principes  théoriques.  La  première. en  date  fut 
Ylnterpretor  {Internationale  Zeitschrift  fiir  Weltsprache) ,  fondé  par 
Karl  Lentze  (un  ci-devant  Volapïikiste),  avec  le  concours  de 
MM.  Julius  LOTT  (Wien),  Fricke  (Wiesbaden),  Reyen  (Nantes)  et 
Baker  (New- York).  Cette  revue  mensuelle  était  rédigée  en  trois 
langues  (allemand,  anglais,  français).  Elle  eut  12  numéros  en 
1889  et  2  numéros  en  1890,  après  lesquels  elle  cessa  de  paraître, 
sans  doute  faute  d'abonnés. 

Un  autre  journal  fut  lancé  bientôt  après  par  M.  Julius  Lott  à 
Leipzig  sous  le  titre  :  Le  Kosmopolit,  Gazette  pro  l  amikes  de  un 
lingue  universal.  Pablikat  de  l  international  Société  de  l  mondolingue. 
Mais,  malgré  les  intentions  libérales  de  son  auteur,  il  paraissait 
trop  inféodé  à  un  projet  particulier  pour  réunir  beaucoup  de 
partisans,  et  il  n'eut  que  trois  numéros  {l"'^  décembre  1892  — 
1er  février  1893).  La  «  Société  du  Mondolingue  »  ne  réussit  pas  à 
se  constituer. 

Une  revue  plus  importante  fut  le  Linguist,  Gazette  indépendante 
pour  tous  les  amis  d'une  langue  universelle  *,  fondé  par  Max  W aiirex, 
à  Hannover.  Cette  revue  mensuelle  eut  12  numéros  en  1896  et 


1.  Ce  sous-titre  était  imprimé  en  allemand,  français,  anglais,  Volapuk  et 
Espéranto.  Toutes  ces  langues  étaient  admises  dans  la  revue. 


LE  LINGUIST  469 

deux  en  1897  '.  Elle  eut  pour  collabora  tours  Heintzeler  ',  Lott, 

ROSENBERGEK,     BeERMANN,     BOKL,    VON    WaHL,    GraROWSKI,    KœNIG, 

ScHACiiEHL,  etc.  Comme  on  le  voit,  elle  réussit  à  réunir  un  certain 
nombre  de  personnes  compétentes  et  d'opinions  assez  variées. 
Aussi  contient-elle  beaucoup  d'articles  intéressants,  où  sont 
discutées  les  principales  questions  théoriques  relatives  à  la  for- 
niation  dune  langue  universelle.  Nous  croyons  donc  devoir  en 
donner  une  analyse  succincte. 

Le  but  du  Linguist  était  d'  «  unir  tous  les  amis  de  la  langue  uni- 
verselle dans  un  travail  commun  »,  et  d'arriver  à  la  constitu- 
tion définitive  d'une  telle  langue.  On  y  rendait  justice  au  «  mérite 
immortel  »  de  Mgr  Soulever,  mais  on  considérait  le  Volapûk 
comme  absolument  défectueux  (il  était  d'ailleurs  tout  à  fait 
tombé).  On  lui  reprochait  deux  défauts  principaux  :  l'arbitraire 
dans  le  choix  des  mots  et  des  llexions,  et  le  manque  de  base 
scientifique  et  objective.  On  se  proposait,  au  contraire,  d'exclure 
autant  que  possible  l'arbitraire,  et  de  donner  à  la  langue  une 
base  scientifique,  c'est-à-dire  historique  et  philologique,  en  se 
conformant  aux  princii>és  suivants.  Pour  le  lexique,  on  devait  se 
rapprocher  le  plus  possible  du  vocabulaire  international  commun 
aux  langues  européennes  et  déjà  connu  de  tout  homme  instruit. 
Pour  la  grammaire,  on  devait  tenir  compte  autant  que  possible 
de  la  tendance  (analytique)  des  langues  modei*nes.  L'idée  com- 
mune à  tous  les  collaborateurs  du  Linguist  était  donc  le  prin- 
cipe du  maximum  d'internationalité.  Selon  l'expression  de  M.  Bôkl, 
la  langue  universelle  doit  être  la  langue  «  internationale  »,  en 
entendant  par  là,  non  pas  seulement  une  lingua  inter  nationes, 
mais  une  lingua  internationalisa  c'est-à-dire  formée  d'éléments 
internationaux.  Bien  entendu,  il  ne  devait  être  question  que  de 
l'internationalité  européenne  :  c'était  une  chimère  que  de  pré- 
tendre, comme  Schleyer,  faire  une  langue  pour  tous  les  peuples: 
la  langue  internationale  de  l'Europe  serait  par  là  même  la 
langue  internationale  de  toute  la  terre,  et  les  peuples  non  euro- 
péens y  trouveraient  encore  leur  avantage. 

Mais  comment  définir  l'internationalité  européenne?  Pour  pré- 
ciser, on  considérerait  comme  international  tout  mot  commun 
aux  six  principales  langues  européennes  (D.,  E.,  F.,  L,  R.,  S.):  ce 


1.  Max  Wahren  est  mort  en  1899. 

2.  Mort  le  .3  mai  1896. 


470  SECTION   III,    CHAPITRE   XXIII 

critérium,  proposé  par  l'America/i  Philosophical  Society ,  était  adopté 
par  Beermann.  A  défaut  de  cette  internationalité  complète,  on 
devait  adopter  les  termes  communs  à  la  majorité  des  lanpfues  sus- 
dites. Une  conséquence  de  ce  principe  était  que  les  radicaux 
latins  devaient  se  trouver  en  majorité,  car  ils  sont  les  plus  inter- 
nationaux, à  cause  de  l'influence  et  de  la  pénétration  du  latin 
dans  les  langues  germaniques  et  slaves.  M.  Beermann  augmentait 
encore  la  part  ainsi  faite  auxéléments  latins  en  proposant  d'em- 
prunter les  mots  non  internationaux,  soit  aux  langues  mortes 
(latin  et  grec),  soit  aux  langues  romanes  (surtout  à  litalien). 
Certains  auteurs,  comme  Grabowski,  voulaient  aller  plus  loin 
encore  dans  ce  sens  pour  avoir  un  lexique  homogène,  et  prendre 
pour  base  du  vocabulaire  tous  les  mots  latins  existant  dans  les 
langues  modernes  (spécialement  en  français)  '  ;  à  quoi  Beermann 
répondait  avec  raison  que  cette  méttiode  violait  à  la  fois  l'inter- 
nationalité et  la  neutralité  :  si  l'on  doit  adopter  les  mots  latins, 
c'est  comme  mots  internationaux,  et  non  comme  mots  latins.  La 
latinité  du  vocabulaire  ne  doit  pas  être  le  principe,  mais  la  con- 
séquence du  principe  d'internationalité. 

Sous  quelle  forme  devait-on  employer  les  mots  internatio- 
naux? Certains  tenaient  pour  l'orthographe  phonétique;  et  Kônig 
(d'ailleurs  partisan  de  l'anglais  comme  langue  universelle)  pro- 
posait d'écrire  najn  pour  nation  et  krw  pour  croix.  Mais  de  quel 
droit,  répondait  Bokl,  adopter  la  prononciation  d'un  peuple 
plutôt  que  celle  d'un  autre?  L'orthographe  phonétique  défigure- 
rait les  mots  internationaux,  détruirait  la  relation  visible  qui 
unit  les  mots  d'une  même  famille  (ex.  :  nation,  nature,  natal,  natif), 
et  rendrait  la  langue  beaucoup  plus  difficile  à  apprendre  ;  car  il 
est  plus  facile  d'apprendre  à  prononcer  un  mot  suivant  une 
orthographe  connue  que  d'apprendre  à  la  fois  une  forme  et  une 
prononciation  nouvelles  :  dans  le  premier  cas,  on  profite  de 
l'habitude  visuelle,  d'autant  plus  que  la  L.  L  s'apprendra  bien 
plutôt  par  l'œil  que  par  l'oreille.  Pour  découvrir  la  véritable 
forme  des  mots  internationaux,  Grabowski  préconisait  le  principe 
de  l'analyse  élémentaire,  qu'il  se  flattait  d'avoir  inventé,  mais  qui 
avait  été  déjà  appliqué  plus  ou  moins  consciemment  par  d'autres 
auteurs.  Ce  principe  prescrit  de  décomposer  le  mot  en  tous  ses 

1.  Grabowski  proposait  d'appliquer  la  philologie  romane  à  découvrir  la 
forme  primitive  des  radicaux  latins  :  et  il  poussait  le  respect  de  Tétymologie 
jusqu'à  écrire  :  àl'hor  le  mot  F.  alors  (1.  allora). 


LE  LINGUIST  471 

éli'monts,  au  moyen  do  l'étymologie  et  de  l'analogie  '  ;  comme 
exemple  d'une  telle  analyse,  Grabowski  citait  le  mot  nal-ur-al-is- 
at-ion,  et  comme  exemple  de  violation  de  son  principe,  il  citait 
les  mots  prLr  (^l  precios,  admis  par  LoTT,  et  nasioon,  natiiv,  naluar, 
admis  par  Heermann.  En  somme,  il  préconisait  V invariabilité  des 
éléments,  telle  qu'elle  est  appliquée  en  Espéranto.  A  quoi  von 
Waiil  objectait  qu'il  est  impossible  de  construire  une  langue 
agglutinante  avec  des  éléments  empruntés  à  des  langues  kjlexions. 
On  se  trouve  en  effet  très  souvent  en  présence  de  deux  radicaux 
correspondant  à  la  même  idée  (ex.  :  senl-imenl,  sens-uel).  Ce  fait 
se  présente  surtout  dans  les  radicaux  des  verbes  latins  à  supin 
irrégulier  :  on  trouve  à  la  fois  corrig  et  correct,  leg  et  lect,  scrib  et 
script,  pon  et  posit,  cognosc  et  cognit.  Selon  von  Waiil,  il  fallait 
conserver  les  deux  radicaux  de  l'infinitif  et  du  supin,  dont  l'un 
engendre  les  noms  d'action  (am-or)  et  l'autre  les  noms  d'acteur 
{amat-or)  ^.  Et  Grabowski  proposait  d'inscrire  les  deux  radicaux 
dans  le  dictionnaire,  c'est-à-dire  d'obliger  tous  ceux  qui  ne  sau- 
raient pas  le  latin  à  apprendre  deux  radicaux,  au  lieu  d'un. 

Pour  la  formation  des  mots  (dérivés  et  composés),  une  grave 
question  se  posait  :  fallait-il  les  fabriquer  suivant  des  règles  sys- 
tématiques avec  des  éléments  invariables  (aussi  internationaux 
que  possible),  on  bien  les  emprunter  tout  faits  aux  langues 
vivantes,  en  raison  de  leur  internationalité?  La  première  méthode 
(qui  est  celle  du  Volapiik  et  de  VEsperanto)  était  préconisée  par 
RosENBERGER  (qui  l'appliquait  dans  l'Idiom  neutral);  la  seconde 
était  préférée  par  la  plupart  des  collaborateurs  :  Lott,  Gra- 
bowski, lîEERMAXN,  BOkl.  Grabowski  reprochait  à  l'Espéranto  ses 
*  volapukismes  »  :  pourquoi  dire  komunikigo  au  lieu  decomunica- 
sion.  legigi  au  lieu  de  legalizer?  D'autre  part,  Rosenberoer  repro- 
chait à  Julius  LoTT  de  sacrifier  la  régularité  en  admettant  trois 
conjugaisons  (amare,  kredere,  finire)  et  en  employant  divers 
affixes  pour  des  dérivations  de  même  sens  (klarifikare.  egalisare. 
agrandire)  :  dans  une  telle  langue,  on  ne  peut  plus  fabriquer  les 
mots  dont  on  a  besoin,  il  faut  les  chercher  dans  le  dictionnaire, 
comme  dans  une  langue  naturelle.  Bôkl  répondait  que  cette  facilité 
de  former  des  mots  autonomes  est  inutile  et  illusoire,  carlesigno- 

1.  Un  corollaire  de  ce  principe  est  qu'on  doit  chercher  le  radical  d'un  mot 
dans  ses  dérivés.  E.\.  :  œil,  ocul-iste  ;  fable,  fabul-eux. 

2.  11  citait  cet  exemple  curieux  d'un  verbe  latin  dérivé  du  supin  d'un 
autre  verbe  :  canercy  cantum,  canlare. 


472  SECTION  III,    CHAPITRE   XXIII 

rants  ne  sauront  pas  les  former,  et  quant  aux  savants,  ils  con- 
naissent déjà  les  mots  internationaux,  et  les  préféreront  à  des 
néologismes  réguliers,  mais  barbares  (comme  lektator,  traduka- 
sion).  D'ailleurs  les  dérivés  internationaux  ne  paraissent  plus 
irréguliers,  à  cause  de  l'habitude.  On  allait  jusqu'à  soutenir 
l'inutilité  de  toute  dérivation  logique,  en  vertu  de  ce  dilemme  : 
Ou  bien  on  connaît  le  mot  dont  on  a  besoin,  ou  bien  on  le 
cherche  dans  le  dictionnaire  *.  Et  l'on  invoquait  comme  argu- 
ment de  fait  le  succès  de  Y  Espéranto  chez  les  Russes,  qui  seuls  en 
possédaient  un  dictionnaire  complet  ^.  En  somme,  on  se  trouvait 
acculé  à  cette  antinomie  :  les  mots  internationaux  ne  sont  pas 
réguliers,  et  les  mots  réguliers  ne  sont  pas  internationaux;  l'opi- 
nion dominante  était  qu'il  fallait  sacrifier  la  régularité  à  l'inter- 
nationalité dans  la  formation  des  mots.  Julius  Lott  concluait 
qu'on  ne  peut  pas  éviter  les  irrégularités  des  langues  naturelles, 
et  VON  Wahl,  qu'on  ne  peut  pas  donner  à  la  L.  1.  plus  de  simpli- 
cité et  de  régularité  que  n'en  comportent  nos  langues. 

La  même  antinomie  se  posait  dans  la  grammaire,  bien  que, 
par  une  heureuse  inconséquence,  Beermann  réclamait  pour  les 
flexions  grammaticales  la  régularité  absolue  dont  il  faisait  bon 
marché  dans  la  dérivation.  Bôkl  reconnaissait  que  l'idéal  était 
d'avoir  une  conjugaison  unique  et  absolument  uniforme;  mais 
pour  la  réaliser  il  fallait  passer  entre  Charybde  et  Scylla  :  ou 
bien  on  dénaturait  les  formes  internationales  (comme  Rosen- 
berger),  ou  bien  on  admettait  plusieurs  conjugaisons  (comme 
Grabowski).  11  proposait  d'emprunter  le  radical  verbal  aux  par- 
ticipes, qui  sont  les  formes  les  plus  internationales;  de  donner 
au  participe  actif  la  terminaison  -nt,  au  participe  passif  la  termi- 
naison -t  '.  Von  Wahl  était  du  même  avis;  seulement  il  propo- 
sait pour  l'infinitif  deux  terminaisons  :  les  verbes  à  voyelle  de 
liaison  prendraient  -r  :  les  verbes  sans  voyelle  de  liaison  pren- 
draient -re.  En  outre,  la  voyelle  de  liaison  devait  changer  ou  dis- 
paraître à  certains  modes;  et  l'auteur  se  flattait  d'obtenir  ainsi 
une  conjugaison  unique  et  simple,  qui  réalisât  la  fusion  des 
quatre  conjugaisons  latines. 

1.  Ce  dilemme  pourrait  justifier  n'importe  quelle  langue  a  priori,  si  fan- 
taisiste qu'en  fût  le  vocabulaire. 

2.  A  cet  argument  on  peut  opposer  un  fait  tout  contraire,  à  savoir  le 
succès  de  YEsperavlo  chez  les  Français,  qui  n'en  ont  pas  encore  de  diction- 
naire complet. 

3.  Comme  en  Espéranto. 


LE  LINGUIST  473 

Au  fond,  tous  ces  autours  (Haient  possédés  de  l'idée  (chimé- 
rique) de  constituer  une  grammaire  (et  notamment  une  conju- 
gaison) internalionale;  mais  en  fait,  comme  l'observait  avec 
raison  Beeumann,  ils  n'obtenaient  ainsi  tout  au  plus  qu'une 
grammaire  interromane  *.  Ils  ne  s'entendaient  même  pas  sur  les 
désinences  «  romanes  »  des  verbes,  comme  le  montrera  le 
tableau  suivant  : 


Grabovvski 

VON 

Waiil 

BOKL 

Présent  :           —  e  (muet) 

— 

—  (finale  atone) 

Passé  :               —  è 

—  i 

—  (finale  accentuée) 

Futur  :               —  era 

—  re 

—  ra 

Conditionnel  :  —  ère 

—  rie 

—  re 

VoN  Wahl  voulait  former  les  temps  passés  au  moyen  de  l'auxi- 
liaire aver,  et  ceux  du  passif  au  moyen  do  l'auxiliaire  esser  :j'ai 
été  aimé  se  traduirait  littéralement  par  :  ave  essito  amato.  Gra- 
BOWSKi  faisait  de  môme  :  mo  hâve  perdita  ma  plumo;  mais  il  pous- 
sait l'imitation  du  français  jiisquà  employer  l'auxiliaire  eser 
pour  les  verbes  neutres  :  II'  ese  venita.  Il  renonçait  aussi  à  la 
régularité  dans  la  déclinaison  des  pronoms  personnels  (ego,  me  ; 
tu,  te;  il,  le;  noi,  nos;  voi,  vos;  illi,  illos)  et  dans  la  formation 
des  pronoms  possessifs  (ma,  ta.  sa;  noia,  voia,  loia).  En  somme, 
il  sacrifiait  complètement  la  régularité  et  même  la  logique  à 
l'imitation  scrvile  des  langues  romanes. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux,  c'est  que  tous  les  collaborateurs 
du  Linguisi  se  flattaient  de  construire  une  langue  bien  supérieure 
à  l'Espéranto,  qu'ils  s'accordaient  à  considérer  comme  «  un  pro- 
duit de  la  fantaisie  »  ;  tout  en  le  reconnaissant  meilleur  que  le 
Volapûk,  ils  lui  reprochaient,  comme  à  celui-ci,  l'arbitraire  dans 
le  choix  des  racines  et  des  affixes.  On  a  peine  à  comprendre 
comment  ils  pouvaient  porter  un  jugement  si  sévère  sur  une 
langue  fondée  précisément  sur  le  principe  d'internationalité 
dont  ils  s'inspiraient,  et  qui  était  leur  seul  point  fixe  et  commun. 
On  se  l'explique  toutefois,  si  l'on  remarque  que  les  petits 
manuels  du  l)""  Zameniiof  ne  contenaient  aucune  indication  sur 
les  principes  théoriques  de  sa  langue,  et  que  son  lexique  très 
sommaire  ne  permettait  peut-être  pas  de  les  deviner  :  dès  lors, 
ce  mélange  de  racines  empruntées  à  diverses  langues  pouvait 

1.  Grabowski  reprochait  à  la  grammaire  Espéranto  de  ne  pas  s'inspirer 
de  la  philologie  romane. 


474  SECTION   III,    CHAPITRE   XXIII 

paraître  arbitraire,  et  d'autre  part  la  grammaire  et  la  formation 
des  mots  faisaient  plutôt  ressortir  la  régularité  que  l'internatio- 
nalité. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Grabowski  entreprenait  de  réformer  VEspe- 
ranto  {Reforma  projecto)  ;  il  était  amené  peu  à  peu  à  répudier  tous 
ses  «  Espérantismes  »,  et  à  élaborer  une  langue  nouvelle  beau- 
coup plus  latine,  1'  «  analitic  Modem  Latin  ».  11  n'admettait  pas 
l'accentuation  uniforme,  car  il  réprouvait,  au  nom  de  l'étymo- 
logie,  les  mots  ocùlo,  angélo;  et,  d'autre  part,  il  ne  pouvait  pas 
adopter  ôclo,  ànglo,  à  cause  des  dérivés  {oculaire,  angélique).  A 
quoi  Max  Wahren  répondait  judicieusement  que  les  langues 
modernes  ne  conservent  pas  toujours  la  place  de  l'accent  latin 
(ex.  :  constriiere,  F.  construire;  movére,  E.  môve,  I.  môvere;  corri- 
gere,  F.  corriger,  D.  corrigieren).  Grabowski  supprimait  l'accu- 
satif, et  formait  le  pluriel  des  noms  en  remplaçant  -o  par  -i'.  11 
conservait  l'-a  final  des  adjectifs.  Beermann  lui  objectait  aussitôt 
que  c'était  là  une  règle  arbitraire,  et  que  l'a  final  indique  le 
féminin  dans  les  langues  romanes  :  on  doit  dire  :  doctora,  inspec- 
tora,  comme  en  espagnol.  Là-dessus  Bôkl  ripostait  que  ces 
féminins  ne  sont  pas  internationaux,  et  que,  pour  se  conformer 
à  l'analogie  (du  latin),  il  faut  dire  :  doctrice,  inspectrice.  Pour  lui, 
les  finales  -o  et  -a  ne  représentent  pas  le  masculin  et  le  féminin  ; 
l'o  signifie  en  latin  le  mouvement,  la  direction  {quo,  rétro),  tandis 
que  l'a  indique  le  repos  ou  l'état  {supra,  infra,  intra,  extra, 
juxta...),  et  il  proposait  en  conséquence  d'ériger  ce  fait  acci- 
dentel en  règle  générale,  et  de  dire,  dans  le  cas  de  mouvement  : 
intro,  infro,  supro,  extro...  ^\ 

Ce  petit  échantillon  des  discussions  du  Linguist  est  très 
instructif.  11  montre  que  les  rédacteurs  méritaient,  tous,  les 
reproches  qu'ils  adressaient  à  VEsperanto,  et  qu'ils  se  renvoyaient 
eux-mêmes  mutuellement.  L'un  de  ces  reproches  était  l'arbitraire  ; 
et  par  peur  de  l'arbitraire,  ils  tombaient  dans  le  défaut  contraire, 
l'absence  de  régularité.  L'autre  reproche  était  le  caractère  non- 
scientifique;  et  ils  qualifiaient  ainsi  tout  ce  qui  était  contraire  ou 
seulement  étranger  aux  langues  naturelles,  surtout  au  latin.  Ils 
ne  se  rendaient  pas  compte  que  l'on  ne  peut  atteindre  la  régula- 
rité sans  quelque  arbitraire,  et  que  l'exclusion  de  tout  arbitraire 

1.  Comme  M.  de  Beaufront  dans  son  Adjuvante  (v.  p,  329,  note  1). 

2.  Autant  de  barbarismes  à  faire  dresser  les  cheveux  sur  la  tête  des 
latinistes. 


LE  LINGUIST  475 

conduirait  h  adinetlrc  toutes  les  anomalies  et  tous  les  idiotismes 
des  langues  vivantes  :  par  exemple  (suivant  une  renianiuc;  de 
J.  Lott),  Beermann  adoptait  le  suffixe  -oor  pour  indiquer  l'action 
(klamoor  =  cri);  mais  alors  kantoor  devrait  signifier c/ia/i/,  et  non 
chanteur.  Il  est  donc  impossible  de  respecter  à  la  fois  l'histoire  et 
la  l()gi(pio,  l'étyniologie  latine  et  la  dérivation  uniforme,  en  un 
mot  lintcrnationalité  et  la  l'égularité.  De  même,  la  prétention  à 
la  «  scientificité  »  se  traduit,  pratiquement,  par  la  conservation 
scrupuleuse  des  formes  latines,  et  aboutirait  purement  et  simple- 
ment à  l'adoption  du  latin  comme  L.  I.  Ainsi  les  deux  idées 
directrices  de  ces  auteurs  étaient  contradictoires  avec  leur  but. 

En  somme,  l'union  était  loin  d'être  faite,  ou  même  de  se  faire, 
parmi  les  collaborateurs  du  Linguisl,  malgré  leur  désintéresse- 
ment et  leur  bonne  volonté.  Il  est  difficile  de  ne  pas  partager 
roi)inion  du  philologue  GuRU  Negoro,  qui  trouvait  que  le  Lin- 
guisl ne  faisait  qu'augmenter  le  désordre  et  la  confusion  des 
idées,  en  discutant  les  principes  les  plus  évidents.  On  ne  s'enten- 
dait même  pas  sur  la  méthode  à  suivre  :  Bôkl  voulait  instituer 
des  discussions  théoriques  et  quelque  peu  scolastiques  sur  les 
concepts  de  langue  inlernalionale  et  de  mot  international,  dont  il 
cherchait  à  donner  de  savantes  et  subtiles  définitions;  d'autres 
préféraient  élucider  des  questions  plus  positives,  spéciales  et 
techniques  de  grammaire  et  de  philologie  ;  d'autres  enfin  (Lott 
et  RosENBERGER)  voulaient  prendre  le  taureau  par  les  cornes,  et 
commencer  par  élaborer  le  vocabulaire  international.  C'est  d'ail- 
leurs ce  que  Rosenberger  réussit  à  faire  avec  l'Académie  inter- 
nationale dont  il  était  le  directeur  *.  On  peut  conjecturer  que  le 
Linguisl,  malgré  la  science  de  ses  collaborateurs  et  l'intérêt  do 
ses  articles,  n'eût  abouti  à  aucun  résultat,  faute  d'une  direction 
ferme  et  d'un  plan  de  travail  défini. 

On  peut  tirer  de  cette  histoire  une  conclusion  pratique  :  c'est 
que  l'on  n'arrivera  jamais  à  rien  par  des  discussions  sur  la 
nature  et  la  constitution  de  la  langue  universelle  à  adopter  -. 
Dans  ces  questions  si  délicates  de  linguistique,  le  proverbe  : 
Tôt  capila,  fol  sensus,  est  vrai  plus  que  partout  ailleurs,  et  les  col- 
laborateurs du  Linguist  ne  se  faisaient  pas  faute  de  le  rappeler... 

1.  Voir  le  Ctiapilre  XXVI  :  Idiom  neutral. 

2.  Nous  entendons  parler  des  discussions  au.xquelles  se  livrent  de  simples 
particuliers,  des  «  individualités  sans  mandat  »,  et  qui  sont  dépourvues  de 
toute  sanction  officielle  et  pratique. 


476  SECTION   III,    CHAPITRE   XXIII 

et  de  le  vérifier.  L'union,  que  le  Linguist  se  proposait  de  réaliser, 
ne  peut  se  faire  que  sur  le  principe  de  là  langue  universelle,  et 
sur  les  conditions  pratiques  qu'elle  doit  satisfaire.  Pour  le  reste, 
c'est-à-dire  pour  le  choix  ou  l'élaboration  de  la  langue  qui  doit 
remplir  ces  conditions  données,  il  faut  s'en  remettre  à  un  très  petit 
nombre  de  personnes  compétentes  et  autorisées,  dont  la  sentence 
soit  acceptée  d'avance  et  fasse  loi.  Encore  faut-il  s'entendre  sur 
la  «  compétence  »  que  l'on  doit  exiger  des  juges  ou  des  arbitres  : 
il  ne  s'agit  pas  de  confier  la  solution  à  un  comité  composé  exclu- 
sivement de  philologues  :  il  risquerait  trop  de  retomber  dans  les 
errements  du  Linguist,  et  de  vouloir  calquer  la  langue  universelle 
sur  les  langues  vivantes,  au  détriment  de  la  simplicité,  de   la 
régularité,  et  par  conséquent  de  la  facilité  qui  doit  en  être  la 
qualité  essentielle.  Sans  doute,  il  y  faut  le  concours  de  la  science 
philologique  :  mais  il  y  faut  surtout  de  la  logique,  et  même  du 
bçn  sens.   Les  philologues  s'embarrassent  de  scrupules  et  de 
difficultés  qui  n'existent  que  pour  les  polyglottes  et  les  érudits, 
et  dont  l'immense  majorité  des  intéressés  fait  bon  marché,  ou  ne 
se  doute  même  pas.  A  quoi  bon,  par  exemple,  s'attacher  avec  un 
respect  superstitieux  à  l'élymologie  et  à  l'accentuation  latines, 
alors  que  la  langue  universelle  est  faite  surtout  pour  ceux  qui 
ne  savent  pas  le  latin?  Il  faut  donc  joindre  aux  philologues, 
dont  l'esprit  est  forcément  asservi  à  l'histoire  et  à  la  tradition, 
d'abord,  des  logiciens  qui  sachent  démêler  sous  la  complexité 
irrégulière  des  formes  linguistiques  les  relations  simples  et  uni- 
formes des  idées;  ensuite,  des  savants  de  tout  ordre  et  des  pro- 
fessionnels de  tous  les  métiers,  qui   puissent,   non   seulement 
élaborer  les  vocabulaires  spéciaux  qui  relèvent  de  leur  compé- 
tence, mais  faire  valoir  les  besoins  ou  les  exigences  spéciales 
de  leur  profession;  Au  contraire,  des  philologues,  livrés  à  eux- 
mêmes,  seraient  fatalement  entraînés  à  construire  une  langue 
trop  savante   et  trop  compliquée,  ingénieuse  et  subtile  peut- 
être,    mais  impraticable  ;  et  ils  ne  satisferaient  nullement  les 
besoins  pour  lesquels  la  langue  universelle  est  réclamée.  Trop 
heureux,  si  leurs  profondes  recherches  aboutissaient  à  quelque 
résultat  positif,  et  si,  au  bout  d'un  siècle  de  savantes  discus- 
sions, l'on  n'était  pas  obligé  de  répéter  le  vers  d'HoRACE,  qui 
semble  fait  exprès  pour  les  auteurs  de  langue  universelle  : 

Grammatici  certant,  et  adhuc  sub  judiee  lis  est. 


CHAPITRE    XXIV 


PUCHNER  :  NUOVE-ROMAN  ' 

L'auteur,  professeur  do  langues  étrangères,  croit  qu'  »  une 
langue  universelle  ne  puisse  [sic)  se  fonder  que  sur  les  langues 
romanes  »;  e  le  plus  excellent  des  idiomes  romans,  la  langue 
espagnole,  représente  la  base  de  son  Nuove-Roman  »,  auquel  il  a 
essayé  d'ajouter  «  les  douces  formes  des  vocables  italiens,  la 
beauté  et  l'exactitude  de  la  grammaire  française  et  l'admirable 
simplicité  de  la  langue  anglaise  ».  Son  ouvrage  est  entièrement 
écrit  en  Naove-Roman,  et  se  lit  aussi  aisément  que...  de  l'espagnol. 

Valphabel  est  lalphabet  latin,  moins  les  lettres  A;  et  x ;  c  se 
prononce  comme  en  français;  s  est  tantôt  dur,  tantôt  doux.  Les 
voyelles  se  prononcent  comme  en  italien  et  en  espagnol. 

L'article  défini  est  lo,  Varlicle  indéfini  un,  tous  deux  invariables. 

Les  substantifs  forment  leur  pluriel  en  -s  ou  -es.  La  déclinaison 
se  fait  au  moyen  de  prépositions  :  di,  à,  da.  L'accusatif  est  sem- 
blable au  nominatif. 

Les  adjectifs  sont  invariables. 

Les  noms  de  nombre  sont  imités  du  latin,  et  par  conséquent 
irréguliers  :  les  ordinaux  ne  dérivent  pas  régulièrement  des  car- 
dinaux. 

Les  pronoms  personnels  sont,  au  nominatif  : 


i"p. 

2«  p. 

3«  p.  m. 

3«  p.  f. 

Sing. 

io 

tu 

il 

el 

Plur. 

noi 

▼oi 

iles 

eles 

i.  Gramatica  di  Nuove-Roman,  lingua  universal  inventât  e  construit  par 
Prof.  J.  PucHNKR,  posedor  d'un  institut  per  lo  linguas  modem.  78  p.  in-S" 
(Linz,  1897). 


478 

à  l'accusatif  : 

et  au  datif  : 


SECTION   III,    CHAPITRE   XXIV 


Sing. 
Plur. 


mi 
noi 


ti 
vol 


lo 
11 


la 
le 


Sing.        mi^  ti  lui  lei 

Plur.        noi  voi  lor  lor 

Ils  ont  encore  d'autres  formes  t  disjointes  »  au  nominatif  et  à 
l'accusatif*. 
Les  adjectifs  possessifs,  invariables,  sont  : 
mi  -  tu  -  su 

nostre  vostre         lor 

et  les  pronoms  possessifs,  variables  en  genre  et  en  nombre  : 
mio  tuo  suo 

nostro  vostro  loro 

Les  verbes  varient  en  personne  et  en  nombre. 
Voici  par  exemple  l'indicatif  présont  du  vorl)o  amar  (niiner)  : 

amo,  ami,  ama;  amos,  amis,  aman. 
Mais  ces  désinences  ne  se  retrouvent  pas  régulièrement  aux 
autres  temps.  Les  f^^  personnes  des  autres  temps  sont  : 


Imparfait  : 

amivo  ... 

amimos .. 

Passé  défini  : 

amô  ... 

amôs  ...  ' 

Parfait  : 

amevo  ... 

amemos  . 

Plus-que-parfait  : 

amavo  . . . 

amamos . 

Passé  antérieur  : 

amiavo  . . . 

amiamos 

Futur  : 

amaro  ... 

amaros  .. 

Futur  antérieur  : 

amiaro  ... 

amiaros . 

Conditionnel  présent  : 

amareo ... 

amareos . 

—            passé  : 

amiareo  ... 

amiareos 

Subjonctif  présent  : 

ameo  ... 

ameos  ... 

—          imparfait  : 

amiso  ... 

amisos  ... 

—          parfait  : 

ameso ... 

amesos  ... 

—         plus-que-parfait  : 

amaso  ... 

amasos  ... 

Impératif  : 

amei,  ameos, 

ameis. 

Infinitif  passé  : 

amiar. 

Participe  présent  : 

amando. 

—        passé  : 

amiando. 

Participe  passif  : 

amat. 

1.  Leur  génitif  se  représente  par  ne  (L),  ce  qui  ne  contribue  pas  précisé- 
ment à  la  clarté. 

2.  Formes  de  pronoms  personnels. 

3.  Ce  temps  ne  diffère  du  présent  que  par  l'accent. 


PUCHNER    :    NUOVE-ROMAN  479 

Tous  les  verbes  se  conjuguent  comme  amar  ',  excepté  le  verbe 
estar  (être)  qui  a  une  conjugaison  propre  et  irrégulière  :  sio, 
ei,  é... 

Le  passif  ac  forme  au  moyen  de  l'auxiliaire  être  et  du  participe 
passif*. 

Le  vocabulaire  est  entièrement  emprunté  à  l'italien  et  à  l'espa- 
gnol, y  compris  les  déformations  nationales  des  radicaux  latins. 
Ex.  :  uom  =  homme,  amigo  =  ami,  aU)ero  =  arbre,  buon  =  bon, 
nuov  =:  nouveau,  esato  =  exact,  difesa  =  défense,  dotor  ==  docteur, 
grido  :=  cri,  note  =  nuit,  teto  =  toit. 

Naturellement,  les  mots  dérivés  sont  aussi  irréguliers  que  dans 
les  langues  naturelles  :  atencion  =:  attention,  atente  ^  attentif;  dis. 
tinger=  distinguer,  distinte  =  distinct;  forte  =fort,  forza  ==  force. 
Enfin  le  Nuove-Roman  accepte  tous  les  idiotismes  :  andar  via  (I.)  = 
s'en  aller;  di  melior  ora  =  de  meilleure  heure  (ce  qui  prouve,  en 
outre,  que  le  comparatif  n'est  pas  toujours  régulier). 

Ces  indications  sommaires  suffisent  à  montrer  les  défauts  de 
ce  projet  :  d'abord  il  n'est  pas  neutre,  puisqu'il  prend  pour 
modèle  une  ou  deux  langues  nationales  seulement;  ensuite  il 
n'est  pas  régulier,  parce  qu'il  reproduit  servilement  toutes  les 
anomalies  de  ces  langues.  Il  serait  presque  aussi  difficile  à 
apprendre  que  l'italien  ou  l'espagnol,...  si  ce  n'est  pour  les  per- 
sonnes qui  les  savent  déjà.  Autant  vaudrait  alors  adopter  l'une 
de  ces  langues  pour  L.  I. 

1.  Toutofois,  nous  remarquons  dans  les  exemples  des  participes  passifs 
comme  conduit,  vendit,  punit,  et  des  inlinitifs  comme  perder,  traduir. 

2.  On  ne  fait  aucune  différence  entre  le  passif  présent  et  passé;  on  dit  : 
«  la  vertu  est  admirée  »  comme  :  t  les  lettres  sont  copiées  ».  On  emploie  le 
verbe  réfléchi  au  lieu  du  passif  :  «  Ces  marchandises  se  vendent  facilement  ». 


CHAPITRE   XXV 


KURSCHNER  :  LIiSGUA  KOMUN^ 

Ce  projet  prétend  être  «  strictement  objectif  et  scientifique  »  : 
ce  n'est  pas  «  une  langue  artificielle,  mais  une  langue  naturelle 
internationale  ».  L'auteur  réprouve  tous  les  projets  antérieurs, 
comme  t  subjectifs  »  et  arbitraires  :  ou  bien  ils  ne  tiennent  aucun 
compte  de  l'internationalité  (comme  le  Volapûk),  ou  bien  ils  n'en 
tiennent  compte  qu'en  partie  (comme  VEsperanto,  à  qui  l'auteur 
reproche  sa  formation  systématique  des  mots  dérivés  et  com- 
posés 2).  Il  n'y  a  pas  besoin  d'inventer  la  langue  auxiliaire  :  elle 
existe  déjà,  en  puissance,  dans  le  vocabulaire  international, 
notamment  dans  celui  de  la  science.  Or,  comme  les  mots  inter- 
nationaux sont  pour  la  plupart  venus  du  latin,  il  s'ensuit  que  la 
langue  internationale  aura  nécessairement  un  aspect  néo-latin 
ou  roman.  L'auteur  soutient  que  cette  base  latine  de  sa  langue 
en  constitue  la  neutralité.  Et  pour  prévenir  une  objection  pos- 
sible de  la  part  des  personnes  de  langue  germanique,  il  fait 
remarquer  que  sa  langue  aura  l'avantage  de  leur  faire  apprendre 
et  comprendre  les  «  mots  étrangers  »  et  les  termes  scientifiques 
qui  abondent  dans  leur  propre  langue  ;  avantage  qu'on  n'obte- 
nait jusqu'ici  que  par  l'étude,  autrement  longue  et  pénible,  du 
latin  et  du  grec.  L'étude  de  la  lingua  komun  sera  en  outre  la  meil- 
leure préparation  à  celle  de  quelque  langue  romane  ou  de  l'an- 
glais, attendu  que  le  vocabulaire  de  ces  langues  est  en  grande 


1.  Die  Gemeinsprache  der  Kulturvôlker  «  Lingua  komun  »  auf  Grund  der 
in  allen  Kultursprachen  verhreiteten  internationalen  WÔrter.  Prospekt,  par 
Fr.  KuRSCHNER  (professeur  de  sciences  commerciales  et  de  langues  vivantes), 
à  Orselina  sur  Locarno  (Tessin,  Suisse).  12  p.  8",  1900. 

2.  Exemple  :  pourquoi  dire  ununombro  =  singulier  (gramm.)  alors  que 
singular  est  universellement  connu? 


KLRSCHNER    :    LINGUA   KOMUN  481 

partie  latin  '.  De  cette  manière,  le  désavantage  apparent  que 
cette  langue  présente  pour  les  peuples  de  langue  germanique 
sera  compensé  par  un  avantage  réel.  La  grammaire  sera  néces- 
sairement aussi  romane,  pour  ne  pas  jurer  avec  le  vocabulaire. 


Grammaire. 

l.'alphnbel  osl  lalpliabet  lafin;  la  prononciation  est  la  pronon- 
ciation allemande,  sauf  pour  les  lettres  suivantes  (dont  nous 
indiquons  le  son  en  français):  c=^ts;  s  :=  ss,  z  =  z:  y  =v;  àh  = 
ch.  L'accent  porte  en  général  sur  la  dernière  syllabe  fermée  (par 
une  consonne).  Toutes  les  lettres  s'écrivent  en  minuscules. 

Les  substantifs  ont  le  genre  naturel  :  les  noms  de  choses  ont  le 
genre  neutre.  Ils  prennent  au  pluriel  -s  ou  (après  l,  n,  r)  -es.  Ils 
n'ont  aucune  déclinaison. 

Varticle  défini  est  il  (m.,  n.)  ou  la  (f.)  au  sing.,  les  au  pluriel 
(3  genres)  ^.  Il  n'y  a  pas  d'article  indéfini. 

L'arf/ec/i/épithète  est  invariable.  Il  ne  prend  le  signe  du  pluriel 
(pie  lorsqu'il  est  substantifié;  dans  le  môme  cas,  il  est  précédé  de 
l'article  (il  grande,  la  bel).  L'adjectif  pris  au  neutre  est  précédé 
d'un  article  spécial  :  lu  bel  =  le  beau. 

Les  adverbes  dérivés  se  forment  au  moyen  du  sufïixe  -em  (abré- 
viation de  -emente,  L).  Ex.  :  certem.  direktem.  tristem. 

Loi^  pronoms  personnels  sont  :  mi,  tu,  ilo  ini.),  ila  if.),  ilu  (n.);  nos, 
vos,...  On  =  om. 

Los  pronoms  possessifs  sont  :  mie,  tue.  sue;  nose.  vose,... 

Les  verbes   sont   invariables  en  personne  et  en    noml)re.  Ils 
suivent  une  des  3  conjugaisons  dont  voici  les  désinences  '  : 
Infinitif  :  -ar  -er  -ir 

Participe  actif  :  ante  -ente  -lente 

—         passif  :  -ate  -ite  -ite 

1.  On  pourrait  objectera  l'auteur  que  la  L.  I.  doit  précisément  remplacer 
toutes  les  langues  étrangères.  Cette  objection  ne  serait  pas  juste,  et  il  y  a 
répondu  d'avance  :  d'abord,  dans  la  période  de  transition,  il  sera  encore 
utile  de  connaître  les  3  principales  langues  européennes  (1).,  E.,  F.);  ensuite, 
on  pourra  toujours  avoir  besoin  d'apprendre  une  langue  vivante  pour  entre- 
tenir des  relations  spéciales  avec  le  peuple  qui  la  parle. 

2.  11  se  contracte  avec  les  prépositions  de,  a,  kon,  in,  sur,  per,  en  del, 
al.  kol,  nel,  sul,  pel  (comme  en  I.). 

3.  L'unité  de  conjugaison  serait  arbitraire,  selon  l'auteur,  parce  qu'elle 
dénaturerait  les  formes  internationales. 

CouTCitAT  et  Lkau.  —  I.anguo  univ.  31 


482  SECTION   III,    CHAPITRE   XXV 

Indicatif  présent  :  -a  -e  -e 

Indicatif  passé  :  -à  -é  -i 

—        futur  :  -arâ  -erà  -ira 

Conditionnel  présent  :  -aria  -eria  -iria 

Impératif-optatif:  -e  a  -a 

Les  temps  composés  (antérieurs)  se  forment  au  moyen  de 
l'auxiliaire  haver  et  du  participe  passif;  les  temps  du  passif,  au 
moyen  de  l'auxiliaire  eser  et  du  même  participe.  Le  verbe  eser  a 
pour  participe  passé  (irrégulicr)  state  (de  star). 

Syntaxe.  Comme  il  n'y  a  pas  d'accusatif  (même  pas  dans  les 
pronoms),  l'ordre  des  mots  doit  être  fixé  :  le  sujet  est  toujours 
avant  le  verbe,  et  le  régime  direct  est  après  le  verbe,  ou,  si  l'on 
veut  le  faire  ressortir,  avant  le  sujet. 

L'interrogation  est  marquée  en  conséquence,  non  par  l'inver- 
sion du  sujet,  mais  par  la  particule  ku  (ou  par  un  mot  interro- 
gatif  commençant  par  ku)  mise  en  tête  de  la  phrase. 


Vocabulaire. 

L'auteur  ne  donne  qu'un  lexique  très  sommaire.  On  y  remarque 
les  conjonctions  :  e  ou  ed,  o  ou  od,  ma,  kar  ou  nam,  ke,  proke 
{pour  que);  les  prépositions  ante,  por  (à  cause  de),  pro  (en  vue  de); 
les  adverbes  non,  mem;  les  substantifs  afar  [affaire),  amiko,  autor, 
eternitâ,  idioma,  libro,  letra,  komunikacion,  konsciencia,  korespon- 
dencia,  racion,  tera,  viktoria;  les  adjectifs  alfabetike,  artificial, 
internacional.  kordial,  necesarie,  real,  scientiflke  ;  les  verbes  anexar, 
aprender,  divenir,  ignorât,  informât,  konoscer,  reciver,  regardât, 
sktivet  (écrire),  tenet,  venit,  volet  (vouloir). 

D'après  les  principes  exposés  par  l'auteur,  il  ne  faut  pas  lui 
demander  la  régularité  des  dérivations.  Nous  trouvons  ainsi  favo- 
tâbil,  agreâbil  à  côté  de  dezirabil  et  exekutabil;  estima,  estimât; 
gtamatika,  gtamatikal  ;  homo,  human,  humanità;  judikat,  judika- 
mento  ;  kultivat,  kultuta  ;  tekomendat,  tekomendacion  ;  t espondet, 
tesponsa;  seniot,  seniota  (dame);  titulo,  titulat;  ttankuile,  ttankui- 
lizat;  util,  utilitâ;  vokabulo,  vokabulatio.  L'auteur  indique  cepen- 
dant le  suffixe  -et  comme  diminutif. 

Comme  échantillon  de  lingua  komun,  nous  citerons  le  Pater  : 

padte  nose  kuale  tu  ese  in  cielo,  santé  esa  tue  nômine;  vena 
impetio  tue  ;  voluntâ  tue  esa  fate  sut  tera  komo  in  cielo  ;  dé  a  nos 


KCRSCHNER   :   LINGUA   KOMUN  483 

hodi  nose  pan  kuotidian  :  perdone  nose  kulpas,  kual  nos  perdona 
nosc  kulpantes;  ni  konduka  nos  in  tentacion,  ma  libère  nos  de 
lu  mal. 

Critique. 

M.  KiJRSCHNER  a  commencf'  |)ar  iHvo  un  adopte  et  un  propapa- 
tcur  de  VEsperanlo.  Puis,  pour  les  raisons  indiquées  plus  haut,  il 
a  élaboré  un  projet  de  réforme  de  VEsperanlo,  et  il  a  été  ainsi 
amenô  à  concevoir  sa  lingiia  komun,  assez  analoerue  au  Mundo- 
lingue  de  J.  Lott,  en  s'inspirant  des  idées  de  Liptay  et  des  prin- 
cipaux collaborateurs  du  Linguist.  Comme  ceux-ci,  il  est  imbu  du 
préjugé  €  scientifique  »,et,  pour  lui  comme  pour  eux,  une  langue 
«  scientifique  »  ne  peut  être  que  romane  par  sa  grammaire  et 
néo-latine  par  son  vocabulaire. 

Il  est  par  suite  obligé  de  sacrifier  complètement  la  régularité 
à  l'internationalité,  ou  plutôt  à  une  inlernationalilé  partielle  et 
partiale.  Voici  les  deux  points  principaux  sur  lesquels  il  se  sépare 
de  l'Espéranto  (à  son  désavantage,  croyons-nous)  :  d'une  part,  il 
supprime  la  distinction  formelle  des  parties  du  discours  (sauf 
pour  les  adverbes  dérivés),  de  sorte  qu'un  nom  peut  se  terminer 
comme  un  adjectif  ou  comme  un  verbe  ;  d'autre  part,  il  admet  une 
pluvalilé  de  conjugaisons,  complication  bien  inutile,  et.  qui  pis 
est,  la  même  désinence  a  un  sens  différent  suivant  la  conjugaison  : 
l)ar  exemple,  -a,  qui  désigne  l'indicatif  dans  la  1'*  conjugaison, 
désigne  l'impératif  dans  la  2"  et  la  3"",  et  l'inverse  a  lieu  pour  -e, 
de  sorte  que  pour  savoir  ce  qu'une  telle  désinence  signifie  il  faut 
se  demander  d'abord  à  quelle  conjugaison  le  verbe  appartient 
(et  même,  si  c'est  un  verbe).  Ces  remarques  suffisent  à  montrer 
que,  si  la  lingua  koimm  est  plus  «  scientifique  »  que  d'autres  pro- 
jets (ce  que  nous  n'osons  pas  décider),  elle  est  beaucoup  moins 
simple,  moins  régulière,  et  partant  moins  facile  et  moins  pra- 
tique. 


CHAPITRE   XXVI 


AKADEMI   INTERNASIONAL  DE  LINGU  UNIVERSAL  : 
IDIOM    NEUTRAL^ 

L'Académie  internationale  de  langue  universelle  est  l'Académie  ins- 
tituée par  les  deux  Congrès  internationaux  de  Volapùkistes 
(1887, 1889)  pour  réformer  et  perfectionner  le  Volapûk.  Nous  avons 
résumé  son  histoire  jusqu'au  jour  où  elle  élut  directeur  pour 
cinq  ans  (15  mai  1893-15  mai  1898)  M.  Woldcmar  Rosenberger, 
ingénieur  des  chemins  de  fer  russes  à  Saint-Pétersbourg. 

Celui-ci  donna  une  impulsion  nouvelle  aux  travaux  à  peu  près 
interrompus  de  l'Académie.  11  communiquait  avec  ses  collègues 
par  des  circulaires  (rédigées  en  Volapûk)  où  il  leur  proposait  une 
à  une  les  règles  grammaticales  et  les  formes  ;  les  académiciens 
répondaient  oui  ou  non  à  chacune  de  ces  propositions.  Les  propo- 
sitions votées  par  la  majorité  étaient  adoptées  comme  Résolutions 
de  l'Académie  ;  les  propositions  repoussées  donnaient  lieu  à  des 
contre-propositions  que  le  directeur  soumettait  à  leur  tour  au 
vote  de  ses  collègues.  Ainsi  la  langue  était  bien  l'œuvre  collec- 
tive de  toute  YAcadémie,  puisqu'il  n'y  a  pas  un  détail,  pas  un  mot 
qui  n'ait  été  approuvé  par  la  majorité;  mais  il  est  juste  de 
reconnaître  que  la  plus  grande  part  du  travail  et  de  l'initiative 
revient  à  M.  Rosenberger,  d'autant  plus  que  Vidiom  neutral  res- 
semble, dans  ses  traits  essentiels,  au  projet  personnel  qu'il  avait 
exposé  dans  ses  circulaires  n°^  15  et  16  (25-30  avril  1895). 

Le  résultat  de  ces  cinq  années  de  travail,  consigné  dans 
45  circulaires,  fut  une  série  de  126  résolutions  fixant  : 

1.  Rosenberger  :  Grammatik  und  Wôrlerbuch  der  Neuiralsprache,  suivi 
d'une  Kurzfjefassle  Geschichte  der  internaiionalen  Wellsprache-Akademie, 
315  p.  10°  (Leipzig,  Haberland,  1902).  Nous  avons  eu  en  outre  communica- 
tion de  la  série  des  circulaires  de  l'Académie,  depuis  1893  jusqu'à  présent. 


AKADEMI   :    IDIOM   NEUTRAL  485 

i°  Los  règles  d'orthographe  et  de  prononciation; 

2°  Environ  3000  radicaux  les  plus  usuels; 

3"  Les  |)rincipaux  pn'lixes  et  suffixes; 

V  Un  grand  nondjre  de  mots  dérivés  et  composés; 

5"  Toutes  les  particules  ; 

6°  Toutes  les  formes  grammaticales; 

7°  Les  régies  de  syntaxe  (ordre  des  mots). 

En  somme,  à  la  fin  du  directorat  de  M.  Rosenbekger,  la  langue 
était  constituée.  Aussi  le  premier  soin  de  son  successeur,  le 
Révérend  A. -F.  Holmes,  t  recteur  »  à  Macedon  près  Rochester 
(New- York,  États-Unis),  fut-il  de  la  prendre  pour  langue  officielle 
de  l'Académie,  et  de  traduire  en  cette  langue  les  Statuts  et  les 
Résolutions  de  l'Académie.  Celle-ci  ne  s'appela  plus  Kadem  bevû- 
netik  volapûkn,  mais  Akademi  internasional  de  lingu  universal;  les 
Zûlags  devinrent  des  Sirkulari,  divisées  comme  aui)aravant  en 
Parti  linguistik  (DU  pûkavik)  et  Parti  de  administrasion  (Dilgovamik). 
On  adopta  pour  la  nouvelle  langue  le  nom  d'Idiomneutral,  et  l'on 
continua  à  perfectionner  la  grammaire  et  à  enrichir  le  vocabn- 
laire  de  radicaux  nouveaux  suivant  le  programme  et  la  méthode 
inaugurés  par  M.  Rosenberger.  Celui-ci,  qui  est  sous-directeur 
de  rAcadémie  pendant  le  directorat  de  M.  Holmes  (16  mai  1898- 
15  mai  1903),  a  été  chargé  de  publier  en  allemand  la  Grammaire  et 
le  Vocabulaire  de  l'Idiom  neutral,  conformément  aux  résolutions 
de  l'Académie.  D'autre  part,  M.  Holmes  vient  de  les  publier  en 
anglais'  et  M.  Ronto  van  Rvlevelt  se  propose  de  les  publier  en 
hollandais. 

La  composition  de  l'Académie  varie  chaque  année,  en  raison 
des  réélections  (chaque  académicien  est  élu  pour  cinq  ans,  et 
rééligible)  ;  le  nombre  des  académiciens  a  varié  de  15  à  36.  Nous  ne 
pouvons  reproduire  ici  la  liste  des  81  personnes  qui  en  ont  fait 
partie  successivement;  nous  nous  bornerons  à  donner  la  liste 
des  membres  au  1"  janvier  1903  :  MM.  Actis,  de  Ferrare;  Berlo- 
Uni,  de  Rologne;  lionto  van  Bylevelt,  d'Amsterdam;  D'  Earle, 
Rochester;  Mlle  Enderneitt  (Mme  Bayer), Copenhague;  MM.Fre/ic/i, 
Saranac  Lake  (U.  S.  A.);  D""  Fros/,  Konigsberg:  Adam  Henderson, 
Glasgow;  L>  Hoffmann,  Konigsberg;  Rev.  Holmes,  Macedon  (U. 
S.   A.):    Huebsch,    New- York;   Lentze,   Leipzig:   Mackensen,    San 


1.  Diclionanj  of  the  Nevlral  Laiiguage,  312  p.  in-lG  (Rochester,  Joha 
P.  Smith,  1903). 


486  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

Antonio  (Texas,  U.  S.  A.);  D'  Oreglia  d'Isola,  Rome;  Plam,  Copen- 
nhague  ;  Rosenberger,  S'-Pétersbourg  :  Schmidt,  Niirnberg  :  Shmurlo, 
Tomsk;  Mlle  Verbrugh,  Wageningen  (Pays-Bas);  MM.  Waegenaere, 
Courtrai;  le  major  Wood,  Jefferson  Barracks  (U.  S.  A.).  En 
résumé,  l'Académie  comprenait  à  cette  date  1  Belge,  2  Danois, 
4  Allemands,  1  Anglais,  3  Italiens,  2  Hollandais,  2  Russes  et 
6  Américains  '. 

Voici  maintenant  les  principes  qui  ont  dirigé  l'élaboration  de 
VIdiom  neutral.  Avant  tout,  M.  Rosenberger  et  ses  collègues  ont 
délibérément  subordonné  la  grammaire  au  vocabulaire  2,  con- 
trairement à  l'esprit  du  Volapiik  ;  cela,  seul  constituait  une  réforme 
radicale  du  système,  ou  plutôt  la  substitution  d'un  système  a 
posteriori  à  un  système  a  priori.  En  effet,  l'Académie  adopta  pour 
le  vocabulaire  le  principe  suivant  :  «  Les  radicaux  les  meilleurs 
sont  ceux  qui  se  trouvent  comme  mots  nationaux  ou   comme 
mots  étrangers  dans  le  plus  grand  nombre  des  langues  princi- 
pales de  l'Europe  (Res.  11)  »;  en  un  mot,  \c  principe  du  maximum 
d'internationalité.  (Les  «  langues  principales  »  visées  sont  D.,  E., 
F.,  I.,  R.,  S.,  plus  le  latin.)  Dès  lors,  pour  pouvoir  admettre  sans 
les  défigurer  les  radicaux  internationaux,    il  fallut  supprimer 
progressivement  toutes  les  règles  arbitraires  et  toutes  les  res- 
trictions gênantes  de  la  morphologie  du  Volapûk  :  on  admit  des 
radicaux  disyllabiques  et  trisyllabiquos  (Res.  1   et  2j,  et  môme 
de  4  et  5  syllabes  :  temperatur,  perpendikular  (Res.  21)  ;  des  radi- 
caux de  la  forme  cvcve  (Res.  3,  4,  5);  des  radicaux  contenant  la 
lettre  r,  môme  avec  la  lettre  1  (Res.  7,  8);  des  radicaux  finissant 
par  2  consonnes  ou  par  -s  (Res.    10,    15,  16,  17);   des  radicaux 
commençant  ou  finissant  par  une  voyelle  :  adres,  lingu,   akua 
(Res.   18,  19);  des   radicaux  contenant  3    ou    4    consonnes   de 
suite,  pourvu  qu'ils  se   trouvent  déjà  en  D.,  E.  ou  F.  :  monstr 
(Res.   22).  Enfin,  on  rompait  avec  les  principes  essentiels   du 
Volapûk    en    supprimant  toute  terminaison  caractéristique    de 
classes  d'objets,  comme  -in  pour  les  corps  chimiques,  -ip  pour 

1.  Depuis  le  29  mai  1895,  TAcadémie  ne  compte  plus  un  seul  Français. 
Jusqu'à  cette  date  elle  comprenait  les  Français  suivants  :  H.  Baines,  le  prof. 
H.  Guignes  et  l'ingénieur  A.  Morel  (du  Creusot). 

2.  V.  Rosenberger,  VV'as  wir  jetzt  zu  thun  hahen\  ap.  Lingvist,  1890,  n°  4. 
Allusion  à  cette  phrase  de  Max  Mûller,  adressée  au  D'  Liptay  :  «  Was  Sie 
jetzt  zu  thun  haben,  ist,  ein  voUstandiges  Wôrterbuch  auszuarbeiten  ». 
(Nous  avons  cité  cette  lettre  de  Max  Millier  p.  437,  note  1.)  Cf.  Rosenberger, 
Wôrterbuch  der  Neutralsprache,  p.  306,  303. 


AKADEMI   :    IDIOM  NEUTRAL  487 

les  maladies,  et  -it  pour  les  oiseaux  (Res.  20)  ;  et  iiK^ne  toute 
désinence  caractéristique  des  parties  du  discours,  (-omnie  -ik 
pour  les  adjectifs  (Res.  12,  14). 

Ces  principes  une  fois  posés,  M.  Hosenberger  commença  à  pro- 
poser à  TAcadémie  des  séries  de  radicaux,  en  indiquant  pour 
chacun  d'eux  les  langues  auxquelles  il  appartient,  de  sorte  qu'on 
peut  constater  d'un  coup  d'd'il  son  degré  d'internationalité  *.  En 
même  temps,  il  faisait  adopter  par  1" Académie  les  règles  de  gram- 
maire, de  syntaxe,  d'accentuation,  de  prononciation  et  de  trans- 
cription; puis  les  particules,  les  flexions,  les  aflixes  de  dérivation, 
et  les  principaux  mots  dérivés  et  composés.  Ce  système  gramma- 
tical est  presque  identique  au  projet  de  grammaire  que  M.  Rosen- 
BERGER  avait  proposé  dans  sa  circulaire  n"  13  (23  avril  1893). 

D'ailleurs,  l'Académie  ne  s'est  nullement  interdit  de  s'inspirer 
des  travaux  des  précédents  inventeurs;  et  M.  Rosenberger 
reconnaît  expressément  ce  que  Vidiom  neatral  doit  à  l'Espéranto, 
au  Kosinos,  au  Spelin,  au  Myrana,  au  Mandolingue,  à  VUniversala  et 
au  Novilatiin,  ainsi  qu'aux  conseils  de  divers  philologues,  et  sur- 
tout au  D""  LiPTAV.  En  somme,  Vidiom  neatral  n'a  guère  conservé 
du  Volapùk  que  les  principes  généraux  suivants  :  «  1°  Le  radical 
rst  toujours  invariable;  2"  les  dérivés  ne  peuvent  être  formés  que 
par  l'adjonction  d'afHxes;  3°  il  n'y  a  qu'un  affixe  pour  chaque 
sens  dérivé;  4°  les  affixes  peuvent  être  attachés  à  nimporte  quel 
radical,  dès  que  le  sens  le  permet»;  auxquels  il  faut  ajouter 
l'orthographe  phonétique  et  l'absence  de  toute  exception  ^  Ces 
principes  se  réduisent  à  deux  :  invariabilité  de  forme  et  uni- 
formité de  sens  de  tous  les  éléments  grammaticaux. 

Grammaire. 

Valphabet  comprend  5  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u  {ou);  et  18  con- 
sonnes :  b,  c  {tch),  d,  f,  g  (toujours  dur),  h  (aspiré),  j  (F.),  k,  1,  m, 
n,  p.  r,  s  (toujours  dur),  t,  v,  y,  sh  (E.,  ch  F.,  sch  D.)'. 

L'accent  tombe  sur  la  voyelle  qui  précède  la  dernière  consonne, 

1.  Cette  indication  se  fait  au  moyen  des  7  initiales  e,  t,  (I,  m,  I,  r,  1, 

rangées  dans  cet  ordre  après  chaque  radical.  Une  lettre  grasse  signifie  que 
le  radical  est  identique  au  radical  national  par  l'écriture  ou  la  prononcia- 
tion; une  lettre  ordinaire  signifie  qu'il  y  a  seulement  similitude. 

2.  RosGNBEHOER,  Wôrterbuch  der  Seutralsprache,  p.  304,  note. 

3.  Le  z  est  admis  (avec  le  son  français),  niais  seulement  pour  la  trans- 
cription phonétique  des  noms  propres  il  des  mots  étrangers  (Res.  116). 


488  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

Ex.  :  fortùn,  manu,  filio.  S'il  n'y  a  pas  de  telle  voyelle,  laccent 
tombe  sur  la  première  voyelle  du  mot  :  Déo,  mai*. 

Il  n'y  a  pas  d'article,  ni  défini,  ni  indéfini  *. 

Les  substantifs  ne  se  déclinent  pas.  Le  génitif  et  le  datif  sont 
marqués  par  les  prépositions  de  et  a;  l'accusatif  est 'semblable 
au  nominatif;  le  sujet  se  distingue  du  régime  direct  par  sa  place- 
devant  le  verbe  :  pair  am  filio  =  le  père  aime  le  {son)  fils. 

Le  genre  est  toujours  naturel,  il  n'existe  par  conséquent  que 
pour  les  personnes  et  les  animaux.  Il  est  marqué  par  les  dési- 
nences -0  (masc.)  et  -a  (fém.).  Ex.  :  ka val  =  c/i«»o/ :  kavalo  =  étalon; 
kavala  =  jument. 

Le  pluriel  est  marqué  par  l'addition  d'un  -i  :  patri.  tabli,  lingui; 
kavali;  kavaloi;  kavalai. 

Les  adjectifs  sont  invariables  en  genre  et  en  nombre,  excepté 
quand  ils  sont  employés  comme  substantifs.  Ex.  :  boni  e  mali,  les 
bons  et  les  méchants. 

Les  degrés  de  comparaison  sont  indiqués  par  les  particules  plu  et 
leplu  :  grand,  plu  grand,  leplu  grand.  Très  =  multe. 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  :  un,  du,  tri,  kuatr,  kuink, 
seks,  sept.  okt.  nov,  des;  desun,  H  :  desdu,  12;...  dudes,  20;  trides, 
30;  kuatrdes,  40:...  sent,  100;  sent  un,  101;...  dusent,  200;...  mil, 
1000;...  milion  (invariable),  1  000  000;  bilion,  mille  millions;  trilion, 
un  million  de  millions,  et  ainsi  de  suite. 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  aux  cardinaux  le 
suffixe  -im  :  unim,  l^r;  duim,  2«,  etc.  On  peut  aussi  employer  les 
nombres  ordinaux  irréguliers  (latins)  :  prim,  sekund,  ters,  kuart, 
kuint,  sekst,  oktav. 

Les  nombres  ordinaux  servent  aussi  à  désigner  les  dénomina- 
teurs des  fractions  :  0,2  =  du  desimi;  2/109  =  du  unsent  novimi. 
Les  premiers  nombres  partitifs  sont  irréguliers  :  1/2  =  un  sekund 
ou  un  demi  ;  2/3  =  du  tersi  *. 

Les  nombres  multiplicatifs  se  forment  en  ajoutant  aux  cardinaux 
le  suffixe  -upl  :  unupl,  simple;  duupl,  double,  triupl,  triple;  etc.  (On 
admet  aussi  :  simpl,  dupl,  tripl.) 

1.  Celte  règle  a  été  proposée  par  M.  von  Wahl  :  voir  J.  Lott,  Un  ïingua 
internazional,  p.  vi  (1890), 

2.  En  cas  de  besoin,  les  pronoms  démonstratifs  ist  et  el  peuvent  suppléer 
l'article  défini,  et  les  pronoms  indéfinis  sert  (certain)  et  kelkun,  l'article 

indéfini  (§  4).  De  même,  le  pronom  neutre  it  sert  d'article  pour  transformer 
un  adjectif  en  substantif  neutre  :  it  bel  =  le  beau  (§  27). 

3.  Moitié  (subst.)  se  dit  semiad. 


AKADEMI    :    IDIOM    NEUTRAL  489 

Les  nombres  distributifs  sont  les  cartliiiaux  précédés  de  la  parti- 
cule a  :  a  du.  deux  à  deux. 

Los  nombres  (h-  fois  cardiiianx  cl  onliiiaux  sont  indiqués  par  le 
suffixe  -foa  :  unfoa,  dufoa,  etc.  ;  primfoa,  duimfoa,  etc. 

Les  adverbes  ordinaux  dérivent  des  nombres  ordinaux  par 
l'adjonction  d'un  -e  (suffixe  adverbial)  :  prime,  sekunde. 

Los  verbes  multiplicatifs  so  forment  au  moyen  du  suffixe  -ifikar 
appliqué  aux  nombres  de  fois  :  duplifikar,  doubler. 

Les  pronoms  personnels  sont  :  mi,  vo  '.  il  (m.),  lia  (f.),  it  (n.);  noi, 
vol,  ili  (m.  et  n.)  liai  (f.).  Ils  se  déclinont  comme  les  substantifs. 
On  =  on;  le  pronom  réfléchi  est  se. 

Les  pro/ioms  possessifs  sont  :  mie,  voir,  sie;  noir,  vostr,  lor.  Celui 
qui  correspond  au  pronom  réfléchi  est  sue  (s.  et  pi.).  11  se  rap- 
porte au  sujet  de  la  proposition,  par  opposition  à  sie  et  lor. 

Los  pronoms  démonstratifs  sont  :  ist  (m.  f.),  istkos  (n.),  celui-ci, 
ceci;  el  (m.,  f.),  elkos  (n.),  celui-là,  cela;  el  sem  (m.,  f.),  it  sem  (n.), 
le  même;  aut,  même  (L.  ipse):  tel,  telkos,  celui  {qui),  ce  (qui). 

Les  pronoms  relatifs-interrogatifs  sont  :  kl,  kekos.  qui,  que;  kel, 
keli,  quel,  quels;  kelkos,  quoil 

Les  principaux  pronoms  indéfinis  sont  :  kelk.  kelkkos,  quelque, 
quelque  chose:  kelkhom.  kelkun,  quelqu'un;  nohom, personne;  nokos, 
rien:  noua,  aucun:  omni.  omnikos,  tout,  tous:  omnihom,  (un)  chacun; 
otr,  otrkos,  {un)  autre;  sert,  sertkos,  {un)  certain,  etc. 

Les  pronoms  corrélatifs  sont  :  tal..,  kual...,  tel...  que...:  tant..., 
kuant....  autant...  que...  Kual  et  kuant  sont  aussi  interrogatifs. 

Los  verbes  n'ont  qu'une  seule  conjugaison:  ils  sont  invariables 
en  nombre  et  en  personne.  Voici  le  paradigme  de  l'actif  appliqué 
au  radical  am  (aimer)  : 

Indicatif  présent  :  mi  am.  j'aime. 

—  imparfait  :  mi  amav.  j'aimais. 

—  parfait  :  mi  av  amed,  j'ai  aimé. 

—  plus-que-parfait:  mi  avav  amed,  j'ni'ais  aimé. 

—  futur  :  mi  amero.  j'aimerai. 

—  futur  antérieur  :     mi  avero  amed,  j'aurai  aimé. 
Conditionnel  présent  :  mi  amerio.  j'aimerais. 

—  passé  :  mi  averio  amed,  j'aurais  aimé. 

Impératif,  2^  pérs.  sing.  :     ama,  aime. 


1.  On  admet  le    pronom  tu  pour  traduire  littéralement  tu  quand  c'est 
nécessaire.  Le  pronom  possessif  correspondant  est  tue  (Res.  79). 


490  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

Impératif,  2«  pers.  plur.  :     amate,  aimez. 

—         l""^  pers.    —  amam,  aimons. 

Infinitif  (présent)  :  amar,  aimer. 

Participe  (présent)  :  amant,  aimant. 

Le  passif  a  exactement  les  mêmes  modes  et  temps,  formés  au 
moyen  des  modes  et  temps  correspondants  du  verbe  esar  {être) 
conjugué  régulièrement,  suivi  du  participe  passif  amed.  Il  y  a  en 
outre  un  gérondif  :  amand  =  qui  doit  être  aimé. 

Les  verbes  impersonnels  sont  précédés  du  pronom  it  (neutre). 

Les  verbes  réfléchis  sont  suivis,  à  la  1'""'  et  à  la  2«  personne,  du 
pronom  correspondant  (semblable  au  i)ronom  sujet):  à  la  3"  per- 
sonne, du  pronom  réfléchi  se  :  mi  lav  mi,  vo  lav  vo,  il  lav  se. 

Les  verbes  réciproques  sont  suivis  du  pronom  unotr  {l'un  l'autre) 
ou  du  pronom  se  suivi  de  l'adverbe  resiproke  :  patr  e  filio  am 
unotr,  ou  :  am  se  resiproke. 

L'm<errogfa/ion  est  marquée  parla  particule  eske  {est-ce  que)  mise 
au  commencement  de  la  proposition  interrogative  (qu'elle  soit 
principale  ou  subordonnée  *),  à  moins  que  celle-ci  ne  contienne 
déjà  un  pronom  interrogatif,  qui  doit  précéder  le  verbe. 

La  négation  s'exprime  par  no,  placé  immédiatement  devant  le 
verbe  ou  le  mot  nié. 

Les  adverbes  primitifs  sont  :  si,  oui;  no,  non;  ya,  déjà;  la,  là;  tro, 
trop:  plu,  plus;  minu,  moins;  bene,  bien:  kuasi,  presque;  rétro,  en 
arrière;  sirka,  alentour,  etc. 

Les  adverbes  dérivés  sont  formés  au  moyen  du  suffixe  -e  ^  : 
dekstre,  adroite;  finie,  enfin:  frekuente,  souvent;  dôme,  à  la  maison; 
norde,  au  nord;  pede,  à  pied,  etc. 

Les  adverbes  interrogatifs-relatifs  sont  formés  au  moyen  du  pré- 
fixe ke-,  qui  a  pour  corrélatif  le  préfixe  te-  :  kefrekuente,  combien 
souvent?  kekaiuse,  pourquoi?  kemamere,  comment?  kéloke  ou  keplase, 
où?  ketempe,  quand?  Réponses  :  tekause,  teloke,  tetempe.  D'autres 
sont  caractérisés  par  les  initiales  ku-  :  kuande,  quand?  kuante , 
combien?  kuale,  comment? 

Les  prépositions  primitives  sont  :  a,  à,  pour  (devant  un  infinitif)  ; 
ad,  auprès;  ante,  avant;  da,  depuis,  à  partir  de;  de,  de;  di,  au  sujet 
de;  eks,  hors  de;  in,  dans;  ekstr,  en  dehors  de;  intr,  entre;  ko,  avec; 

1.  Par  suite,  eske  remplace  les  conjonctions  interroa-atives  ou  dubitatives 
si  (F.)  et  ob  (D.). 

2.  Ils  se  distinguent  ainsi  nettement  des  adjectifs,  contrairement  à  ce  qui 
a  lieu  en  allemand. 


AKADEMI    :    IDIOM   NEUTRAL  491 

kontr.  contre;  per,  à  travers,  par  (le  moyen  de);  po,  derrière;  pro. 
pour;  sine,  sans;  sirka.  antaiir;  su,  sur;  sub.  sous;  trans,  à  travers: 
ultra,  fin  delà;  usk,  Jusfjnn;  versu,  vers;  via,  par'. 

Los  prépositions  d('M-ivécs  sont  formées  au  moyen  du  suffixe  -u  : 
kausu,  à  cnnse  de:  plasu.  nn  lien  de:  sekuantu.  à  la  suite  de;  mediu. 
au  moyen  de;  durantu,  pendant;  relativu,  par  rapport  à,  etc. 

Il  y  a  aussi  des  locutions  prépositionnelles,  comme  :  in  nom 
de.  nn  nom  de;  in  manier  de.  n  la  manière  de'^. 

Les  conjonctions  primitives  sont  :  e,  et;  et,  aussi;  u,  ou;  if,  si:  if 
et,  quand  même;  ma,  mais;  ke,  que;  ka,  que  (après  un  comparatif); 
ni...  ni...,  ni...  ni...  (de  même  :  e...  e...,  u...  u...) 

Les  autres  conjonctions  sont  formées  de  périphrases  :  a  fini 
ke,  afin  que;  ante  ke,  avant  que;  da  temp  ke,  depuis  que;  sine  ke, 
sans  que;  usk  ke.  jus^/u'ù  ce  que;  taie  ke.  de  sorte  que. 

Quelques-unes  dérivent  des  prépositions  par  la  substitution  de 
la  finale  (adverbiale)  -e  à  la  finale  -u  :  kanse,  parce  que;  kuande. 
quand;  plase  ke.  au  lieu  que;  durante  ke,  pendant  que^. 

Parmi  les  interjections,  citons  :  ekse  (L.  ecce),  voici;  apo  (G.),  loin; 
fi  (F.);  ve  (D.),  malheur;  stop  (E.),  halte.'* 

Voici  les  principales  r^gles  de  syntaxe  : 

L'adjectif  (invariable)  se  place  toujours  après  le  substantif  ; 
patr  bon,  filia  bon,  filii  bon. 

Les  nombres  cardinaux  et  les  fractions  précèdent  le  substantif; 
les  aulres  noms  de  nond)re  le  suivent  :  paragraf  sekund,  plesir 
dupl. 

Le  verbe  est  toujours  précédé  du  sujet  et  suivi  de  ses  complé- 
ments. Dans  les  phrases  interrogatives,  le  verbe  est  précédé  du 
sujet  et  du  mot  interrogatif  (qui  peuvent  être  identiques)  :Ki  pari? 
Ki  patr  puni.  Qui  le  père  punit-il?  Lïhr  de  ki  es  su  làbl.  Le  livre  de<jui 
est  sur  la  talde?  A  ki  vo  donero  flori.  .1  (pu  donnerez-vous  les  Jleurs? 
Kuant  paroli  vo  av  scribed,  Combien  de  mots  avez-vous  écrits? 

On  j)eut  supprimer   la  i)réposition  a  du  datif  s'il  n'y  a  pas 


1.  Le  mot  via  est  déjà  international  dans  la  langue  des  chemins  de  fer. 

2.  Il  nous  semble  qu'on  pourrait  remplacer  .avec  avantage  ces  périphrases 
par  des  propositions  simi)les,  et  dire  par  exemple  nomu  (au  nom  rfe),  comme 
un  dit  plasu  au  lieu  de  :  in  plas  de. 

3.  11  nous  semble  ([u'il  serait  plus  simple  d'employer  les  mêmes  mots 
comme  i)rt''positions  et  comme  conjonctions,  au  lieu  de  leur  donner  une 
forme  adverbiale  et  de  leur  adjoindre  l'inutile  ke. 

4.  Le  mot  halte  (D.)  est  international  sur  terre;  le  mot  stop  (stopper)  est 
international  sur  mer.  Lequel  des  deux  préférer? 


492  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

d'équivoque  à  craindre  (notamment  avec  les  pronoms)  :  dans  ce 
cas,  le  datif  précède  toujours  l'accusatif.  Ex.  :  il  don  mi  libr,  il 
me  donne  un  livre  ;  il  mit  mi  flori,  il  m'envoie  des  fleurs. 

On  a  remarqué  qu'il  n'y  a  pas  de  subjonctif;  on  met  toujours 
l'indicatif  après  ke,  et  toujours  le  conditionnel  après  si.  On  ne 
doit  jamais  sous-entendre  la  conjonction  ke  (comme  cela  se  fait 
trop  souvent  en  allemand  et  en  anglais). 

Le  place  de  l'adverbe  est  après  le  verbe  (sauf  la  négation  no), 
mais  avant  le  mot  modifié,  s'il  n'est  pas  un  verbe  :  multe  grand, 
très  grand:  yust  ist,  justement  celui-ci. 

Les  prépositions  sont  toujours  devant  le  substantif,  qui  est  au 
nominatif  :  kausu  pluvi,  à  cause  de  la  pluie  K 

Vocabulaire. 

Le  vocabulaire  de  Vidiom  neutral  comprend  environ  9  000  mots. 
Le  principe  directeur  est  l'internationalité  maxima  pour  les  radi- 
caux. La  plupart  des  radicaux  sont  communs  à  quatre  au  moins 
des  sept  langues  fondamentales  (D.,  E.,  F.,  I.,  R.,  S.,  L.);  certains 
sont  même  communs  aux  sept,  comme  :  apetit,  diametr,  eksami- 
nar,  tri  (trois).  Ce  n'est  que  par  exception  qu'on  a  dû  recourir  à 
des  radicaux  communs  à  moins  de  quatre  langues.  Ex.  :  trotoar 
(D.,  F.,  R.)  ;  urs  (F.,  L,  L.)  ;  tint  (D.,  S.),  encre.  Les  travaux  de  l'Aca- 
démie ont  fait  ressortir  ce  fait,  qu'il  y  a  beaucoup  plus  de  mots 
internationaux  qu'on  ne  le  croit  généralement'^.  Il  y  en  a  encore 
davantage,  si  l'on  considère  tous  les  mots  d'une  même  famille 
logique,  c'est-à-dire  les  mots  dérivés  d'une  même  idée.  Par 
exemple,  le  mot  animal  (E.,  F.,  L,  S.,  L.)  est  étranger  à  l'allemand, 
mais  non  le  radical,  car  l'allemand  emploie  les  mots  :Animalismus, 
Animalien,  animalisieren,  animalisch,  etc.  De  môme  le  radical  an  (cf. 
D.  jalir,  E.  year)  est  connu  des  Allemands  et  des  Anglais  par  ses 
dérivés  Annalen  (D.),  annals  (E.),  annalist{E.),  annual  (E.),  annuity(E.), 
anniversary  (E.).  Là  où  manque  un  mot  international,  on  le  rem- 

1.  Cette  règle,  qui  paraît  toute  simple  aux  Français,  est  très  utile  pour  les 
Allemands,  chez  qui  le  substantif  est  tantôt  précédé,  tantôt  suivi  de  la  pré- 
position [des  Hegens  wegen),  ou,  ce  qui  est  pis  encore,  encadré  entre  deux 
prépositions  qui  se  complètent,  comme  von  Hause  aus,  von  Anfang  an\  de 
sorte  qu'on  ne  sait  pas  si  la  seconde  se  rapporte  au  mot  précédent  ou  au 
mot  suivant. 

2.  On  évalue  à  8  000  le  nombre  des  radicaux  internationaux. 


AKADEMI    :   IDIOM  NEUTRAL  493 

place  par  iiii  mot  dérivi'  on  composé  dont  les  éléments  sont 
internationaux;  ex.  :  nemult, /^tvi ;  kanalet,  fossé.  Inversement,  on 
admet  comme  radicaux  les  mots  internationaux  qui,  dérivés  dans 
les  langues  nationales,  ne  sont  pas  conformes  aux  règles  de 
dérivation  de  l'Idiom  iwutral:  ex.  :  dialekt,  doktor,  original,  perpen- 
dikular  (Res.  25). 

Les  radicaux  peuvent  appartenir  à  toutes  les  parties  du  dis- 
cours (contrairement  aux  principes  du  Volapilk);  ex.  :tabl,  grand, 
am-ar.  On  admet  même  des  radicaux  identiques,  pourvu  qu'ils 
appartiennent  à  difTérentes  parties  du  discours  :  ex.  :  dur  et 
dur-ar;  libr,  livre,  et  libr,  libre;  nov,  nouveau,  cl  nov,  neuf  (9).  Là  où 
on  trouve  plusieurs  radicaux  pour  la  môme  idée,  on  choisit  le 
plus  connu  et  le  plus  universel.  Par  exemple,  entre  vis  et  vid, 
entre  redakt  et  redig,  entre  kolekt  et  kolig.  entre  kresk.  krev  et 
kret,  on  adopte  le  premier  :  visar,  voir;  redaktar,  rédiger;  kolek- 
tar.  rassembler;  kreskar,  croître  (Res.  23). 

Pour  la  transcription  des  mots  nationaux  on  observe  les  règles 
suivantes,  destinées  à  rendre  l'orthographe  conforme  à  la  pro- 
nonciation :  le  c  guttural  s?  traduit  par  k  (kart,  klas,  kolor, 
kub);  le  c  sifflant,  par  s  (selebr,  sipres).  Le  <  des  désinences -/ion 
se  traduit  par  s  (nasion);  le  z  se  traduit  par  s,  bien  que  celui-ci 
se  prononce  toujours  dur  (basar).  Le  x  se  traduit  par  ks 
(eksempl);  Ih  par  t  (teatr);  ph  par  f  (fosfor);  qu  par  ku  (kuadrati; 
les  diphtongues  gréco-latines  ae,  oe  par  e  (diet.  homeopati);  le  ch 
grec  par  k  (kerub,  Krist);  \o  j  latin  par  y  (obyekt  ;  \o  j  français 
et  le  g  doux  (F.  ge)  par  j  (jalus.  kurtaj);  les  II  mouillées  et  le  gn 
du  français  par  li.  ni  i^biliet.  viniet).  Les  lettres  doubles  sont  rem- 
placées par  des  lettres  simples  :  adres(D.,  F.  adresse;  E.  address). 

Les  mots  dérivés  se  forment  au  moyen  de  33  préfixes  et  de  25 
suffixes  choisis  parmi  les  plus  internationaux,  que  chacun  peut 
accoler  suivant  les  besoins  à  un-radical  quelconque  '.  Les  suffixes 
sont  les  suivants  : 

et     forme     les    substantifs    diminutifs:     sigaret.     kordonet 
H«>s.  103). 

-on  forme  les  substantifs  augmentatifs  :  rastron,  herse. 

-el  forme  des  noms  collectifs  de  personnes  :  klientel. 

-aj  forme  des  nonis  collectifs  de  choses  :  plumaj,  foliaj. 

1.  E.\cppto  le  suffixe  -ad,  dont  le  sens,  indéterminé,  doit  être  fixé  dans 
cliiujue  cas  par  rAcadéniie. 


494  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

-or  forme  des  substantifs  indiquant  l'état  d'une  personne  ou 
d'une  chose  agissante  :  amor,  ardor. 

-ator  forme  des  noms  d'agents  (personnes  ou  choses)  :  orator, 
ventilator. 

-asion  forme  des  noms  d'action  :  deklinasion,  preparasion. 

-ativ  forme  des  adjectifs  indiquant  la  capacité  ou  faculté 
d'agir  :  purgativ. 

-itet  forme  les  substantifs  indiquant  une  qualité  :  egualitet, 
kualitet. 

-ism  forme  les  noms  de  religions  et  de  tendances  spirituelles  : 
protestantism,  realism. 

-ist  (avec  un  radical  non  verbal)  forme  les  noms  de  personnes 
qui  s'occupent  d'une  chose  :  linguist,  violinist. 

-er  (avec  un  radical  non  verbal)  forme  les  noms  de  personnes 
ou  de  choses  qui  ont  un  autre  rapport  avec  l'idée  du  radical  : 
aksioner,  milioner;  T^inser  (pince-nez). 

-en  forme  les  noms  de  lieux  :  taneri,  tannerie  ;  bireri,  brasserie  ; 
kaferi,  café  (local). 

-la  forme  les  noms  de  pays  :  Rusia,  Italia,  patria. 

-ad  forme  des  substantifs  qui  indiquent  un  rapport  indéterminé 
avec  l'idée  du  radical,  mais  surtout  une  action  ou  le  résultat  d'une 
action  :  limonad,  promenad.  kavalkad;  fontad,  fontaine;  intrad, 
entrée;  rostad,  rôti;  pensad,  pensée  ;  skribad,  écrit;  piktAd,  peinture  *. 

Les  adjectifs  dérivés  se  forment  : 

i°  Au  moyen  du  suffixe  général  -ik,  qui  indique  la  qualité  : 
anuik,  annuel;  homik,  humain;  ou  du  suffixe  -al,  lorsque  le  radical 
(subst.)  est  déjà  terminé  en  -ik^  :  gimnastikal,  gramatikal; 

2°  Au  moyen  des  suffixes  spéciaux  : 

-an,  qui  indique  l'appartenance  :  amerikan,  mahometan. 

-atr,  qui  indique  la  similitude  :  verdatr;  ]^etra.tT,  pierreux. 

-abl,  qui  indique  la  possibilité  ou  la  dignité  d'être...  :  kompren- 
dabl,  konvenabl. 

-id,  avec  un  radical  verbal,  indique  la  qualité  correspondante  : 
splendid. 

-os  indique  la  plénitude  ou  l'abondance  :  petros,  (chemin) 
pierreux;  iamos,  fameux;  amoros,  amoureux. 

Les  verbes  dérivés  se  forment  au  moyen  du  suffixe  général  -ar 

1.  Comparer  :  episkopad,  épiscopat  (fonction)  et  episkopel,  épiscopai 
(ensemble  des  évêques).  Cire,  n»  8  (53). 

2.  Proposition  de  l'Académicien  Eari.e. 


AKADEMI   :    IDIOM   NEUTRAL  495 

(désinonco  do  l'infinitif),  ou  des  suffixes  spéciaux  (applicables  à 
des  radicaux  adjoctifs)  : 

-eskar,  <iui  signifie  devenir  ou  commencer  :  verdeskar,  verdir; 
grandeskar,  grandir;  flagreskar,  s'enflammer. 

-ifikar,  (jui  sit,Miilio  faire  ou  rendre  :  falsifikar;  simplifikar  ;  gran- 
difikar,  agrandir. 

Voici  les  i)rincipaux pr<^yïxes  : 

yun-  indique  les  animaux  non  adultes  :  yun-kaval,  poulain. 

anti-  signifie  contre  :  antipap,  antialkoholik. 

arki-  indi([ue  la  sn|)éi-ioi-ité  hiérarclii<ine,  el  vise-  l'infériorité 
hiérarchique  :  arkiepiskop,  archevêque  ;  visedirektor,  sous-direc- 
teur '. 

dis-  signifie  séparation  :  diskupar,  découper. 

mis-  signifie  (juelqne  chose  de  mauvais  ou  de  manqué  :  mis- 
kredit,  (/iscrcdi/ ;  miskomprendar,  mal  comprendre. 

pre-  signifie  devant  :  prelud;  preskribar,  prescrire. 

re-  signifie  retour  ou  répétition  :  redonar,  rendre;  refasiar.  refaire. 

ne-  indique  le  contradictoire  (c'est-à-dire  la  négation)  :  neutil, 
inutile:  nemuli,  peu. 

no-  indi(pie  le  contraire  (l'opposition  complète)  :  nokuande, 
jamais  ;  noloke,  nulle  part. 

si-  indi(|ue  le  lieu  ou  le  moment  présent  :  sitempe.  maintenant; 
siloke,  ici:  sidiurne.  aujourd'hui.  Hier  se  dit  presidiurne;  demain, 
posidiurne;  avant-hier,  plupresidiurne ;  et  après-demain,  pluposi- 
diurne. 

Rappelons  ici  le  préfixe  ke-  des  adverbes  interrogatifs-relatifs, 
et  le  préfixe  corrélatif  te-.  Ajoutons  enfin  que  certains  mots  sont 
formés  au  moyen  des  préfixes  ad-,  apo-,  de-,  eks-,  in-,  sub-, 
employés  avec  le  sens  qu'ils  ont  en  latin  ou  en  grec. 

Parmi  les  préfixes  et  suffixes,  on  range  un  certain  nombre  de 
radicaux  (en  général  grecs  ou  latins)  qui  servent  à  former  des 
mots  composés  :  auto-,  ekui-,  elektro-,  foto-,  hidro-,  homo-,  kali-, 
krono-.  mikro  .  neo-.  para-,  pleni-,  poli-,  proto-,  pseudo-,  semi-, 
termo-,  ultra-;  -graf,  -metr;  ce  qui  permet  de  dire  que  certains 
mots  sont  composés  d'un  préfixe  et  d'un  suffixe,  comme  fotograf 
et  termometr. 
Les  mots  composés  se  forment  par  la  simple  juxtaposition  des 


1.   Remarquer  cette  anomalie  du   français  :  on  dit  vice-président,  mais 
sous-directeur. 


496  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI      . 

radicaux,  le  déterminant  précédant  le  déterminé  :  postmark, 
timbre-poste.,  relsrut,  chemin  de  fer;  vapornav,  bateau  à  vapeur.  Les 
termes  de  parenté  se  forment  comme  suit  :  bel-patr,  bel-filio, 
bel-fratr;  grand-patr,  grand-filio.  Au  lieu  des  nombres  cardinaux, 
on  emploie  les  préfixes  suivants  :  mono-,  bi-,  tri  ,  kuadri-,  penta-, 
heksa-,  hepta-,  okto-,  nona-,  deka-,  hekto-,  kilo-. 

En  général,  les  mots  dérivés  et  composés  de  Vidiom  neutral 
coïncident  avec  des  mots  déjà  internationaux  :  prototip,  patria, 
preskribar,  falsifikar.  Mais  il  arrive  parfois  qu'il  n'y  a  pas  coïnci- 
dence :  infektasion,  anuik,  visabi,  egualifikar.  Dans  ce  cas,  on 
admet  le  mot  international  à  côté  du  mot  régulièrement  formé  : 
infeksion,  anual,  visibl,  egualisar  (Res.  36)  '. 

Quand  le  radical  se  termine  par  un  a  et  que  le  suffixe  com- 
mence par  un  autre  a,  ces  deux  a  se  confondent  en  un  seul; 
ex.  :  rusian,  russe;  akuatr,  aqueux.  Mais  l'Académie  n'a  pas  admis 
que  l'on  réduisît  à  un  seul  deux  i  consécutifs,  dont  l'un  appar- 
tient au  radical  et  l'autre  au  suffixe,  comme  dans  :  apologiik, 
bronkiik,  alkimiist,  artileriist  (Res.  139,  140). 

Voici,  comme  spécimen  de  Vidiom  neutral,  le  Pa^er,  traduit  par 

M.  ROSENBERGER  : 

Nostr  patr  kel  es  in  sieli!  Ke  votr  nom  es  sanktifiked;  ke  votr 
regnia  veni  ;  ke  votr  volu  es  fasied,  kuale  in  siel,  taie  et  su  ter. 
Dona  sidiurne  a  noi  nostr  pan  omnidiurnik;  e  pardona  (a)  noi  nostr 
debiti,  kuale  et  noi  pardon  a  nostr  debtatori;  e  no  induka  noi  in 
tentasion,  ma  librifika  noi  da  it  mal. 

Voici  un  autre  exemple  d'un  ordre  plus  pratique  : 

Skribasion  in  idiom  neutral  don  profiti  sekuant  in  komparasion 
ko  kelkun  lingu  nasional  :  1°  libri  e  broshuri  sientifik  publiked  in 
ist  idiom  potes  esar  lekted  per  omni  hom  in  original;  2" traduksion 
no  plu  es  nesesar  ;  3"  ili  avero  sirkl  multe  plus  grand  de  lektatori,  e 
tekause  A°  ili  potes  esar  imprimed  in  kuantitet  plu  grand  de 
eksemplari;  ergo  S"  ili  potes  esar  vended  a  pris  plu  minim,  e  G" 
profit  material  de  éditer  (respektive  de  autor)  esero  plu  grand. 

Idiom  neutral  es  usabl  no  sole  pro  skribasion,  ma  et  pro  parla- 
sion;  sikause  in  kongres  sekuant  internasional  de  medisinisti  mi 
av  intension  usar  ist  idiom  pro  mie  raport  di  maladitet  «  lupus  »,  e 
mi  esper  esar  komprended  per  omni  medisinisti  présent. 

1.  Cette  résolution  ayant  été  prise  sur  la  proposition  de  M.  Mackexsex, 
ces  mots  s'appellent  «  mots  Mackenséniques  »  :  paroli  Mackensenik.  (Cir- 
culaire n°  57). 


AKADEMI    :    IDIOM   NEL'TUAL 


497 


Pour  donner  un  aperçu  du  vocabulaire,  nous  citerons  les  pre- 
miers mots  du  dictionnaire  neutral  : 


abandon-ar,  abandonner. 
abat  (-a),  alihé,  abbesse. 
abat-eri,  abbaye. 
abat-ar,  abattre. 
abdik-ar,  alnlù/uer. 
abdik-asion,  abdication. 
abdomin,  abdomen. 
aber-ar.  se  tromper. 
aber-asion,  erreur,  aberration. 
abiet,  pin   h.  abies). 
abism,  abime. 


ablativ,  ablatif. 
abomin-ar,  abominer. 
abomin-abl,  abominable. 
abomin-asion,  abomination. 
abon-ar,  s'abonner. 
abon-ant.  atjonne'. 
abrevi-ar,  abréger. 
abrevi-asion,  abréviation. 
abrikos,  abricot. 
absent,  absent. 
absent-itet  ou  absens,  absence. 


Vldiom  neutral  n'est  employé  jusqu'ici  que  par  les  membres 
do  rAcadémie.  M.  Rosenuerger  a  pul)llé  des  articles  (Letri  da 
Rusia)  dans  cotte  langue  dans  le  Nouveau  Précurseur  d'Anvers. 

Critique. 

Uldioin  neutral  est  assurément  l'un  dos  projets  les  plus  com- 
plets et  les  plus  pratiques  qui  aient  été  proposés  depuis  le 
Volapiik.  11  a  cet  avantage  d'être  l'œuvre  collective  d'un  grouj)e 
international,  d'avoir  été  ainsi  soumis  à  une  discussion  impar- 
tiale et  à  un  contrôle  sérieux.  Il  est  seulement  regrettable  que 
cr  long  et  consciencieux  travail  n'ait  pas  une  origine  plus 
autorisée.  On  no  pont  oublier,  en  olTot,  que  VAcadémie  interna- 
tionale tient  son  mandat  des  Volapûkistes,  qu'elle  ne  représente 
(Ml  principe  que  le  monde  volapûkiste  et  n'a  travaillé  que  pour 
lui'.  Sans  doute,  on  doit  rendre  justice  à  l'indépendance  dos 
académiciens,  et  au  zèle  très  méritoire  avec  lequel  ils  se  sont 
efforcés  de  se  dégager  du  Volapiik;  il  n'en  est  pas  moins  vrai 
(pi'ils  en  sont  partis,  qu'ils  en  ont  hérité,  et  ce  vice  originel  peut 
expliquer  certains  défauts  de  Vldiom  neutral,  attendu  que  celui; 
ci  a  conservé  quelques  traces  de  la  Glaniat  nomik.  Ces  réserves 
n'ont  pas  pour  l)ut  de  diminuer  la  valeur  intrinsèque  de  cette 
langue  et  le  mérite  de  ses  auteurs,  mais  simplement  de  sauve- 
garder l'indépendance  du  Comité  de  la  Délégation,  qui  seul  repré- 
sentera l'onsonible  des  personnes  et  des  sociétés  intéressées  à 


1.  Encore  fuut-il  ajouter  qu'une  partie  des  Volapiikisles  est  restée  fidèle 
au  Volapû/i. 


CouTURAT  et  Leau    —  Langue  univ. 


32 


498  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

l'adoption  d"une  langue  internationale,  et  qui  seul  aura  l'auto- 
rité nécessaire  pour  la  choisir  et  l'imposer.  Il  devra  donc 
examiner  et  juger  Ylcliom  neulral  uniquement  d'après  ses  qualités 
intrinsèques,  comme  tout  autre  projet  né  de  l'initiative  privée 
et  élaboré  par  une  seule  personne. 

Les  principes  de  Vidiom  neulral  nous  paraissent  inattaquables  ; 
ce  sont,  croyons-nous,  ceux  que  la  Langue  internationale  future 
dcATa  nécessairement  adopter  ou  vérifier;  tel  est  surtout  le  prin- 
cipe de  l'internationalité  maxima  des  radicaux.  Quelle  que  soit 
la  grammaire  qu'on  adopte,  on  devra  donc  tenir  grand  compte 
des  listes  de  radicaux  internationaux  dressées  par  Y  Académie. 

Malheureusement,  l'orthographe  assignée  à  ces  mots  est 
défectueuse  :  au  lieu  de  respecter  le  graphisme,  qui  est  inter- 
national, on  l'a  modifié  pour  le  conformer  à  la  prononciation, 
qui  n'est  nullement  internationale.  En  fait,  on  a  pris  pour 
modèle  une  prononciation  nationale,  la  prononciation  française. 
Un  seul  exemple  suffit  à  le  montrer  :  le  mot  sentralisasion 
(encore  les  Français  prononcent-ils  :  senlralizasion,  avec  en  et  on 
nasales).  Un  Allemand  prononcera  ce  même  mot  :  Isenlralizalsion 
(sans  nasales),  et  il  faut  avouer  que  cette  prononciation,  plus 
sonore  et  plus  relevée,  est  aussi  plus  conforme  à  l'orthographe 
et  par  suite  à  l'étymologie.  Ce  défaut  vient  de  la  pauvreté  de 
l'alphabet;  un  alphabet  un  peu  plus  riche  permettrait  de  mieux 
atteindre  le  maximum  d'internationalité  à  la  fois  graphique  et 
phonétique.  Par  exemple,  le  remplacement  de  c  par  s  (Res.  23) 
défigure  pour  l'œil  les  mots  comme  sent  {cenl),  sentr  {cenlre), 
sen  {cendre),  sert  {cerlain),  sin  (cygne),  bisikl  (bicycle),  inosent 
(innocent);  et  il  ne  les  dénature  guère  moins  aux  oreilles  de 
tous  les  non-Français  ^  Il  en  est  de  même  pour  l's  substitué 
au  z  dans  les  mots  basar,  senit,  sink  (zinc),  soologi^  11  vau- 
drait mieux,  évidemment,  garder  le  c  en  lui  donnant  le  son  qu'il 
a  en  allemand  et  en  polonais.  Mais,  par  une  curieuse  inconsé- 
quence, Vidiom  neulral  donne  à  c  le  son  complexe  tch,  et  repré- 
sente au  contraire  le  son  simple  eh  par  deux  lettres  :  sh,  qui 
perdent  ainsi  leur  son  propre.  Cela  défigure  certains  mots 
français,  comme  sharjar,  sharmar,  shershar.  En  outre,  les  règles 

d.  Autres  exemples  :  asid,  obsen,  santim,  selebr,  selibat,  sensor,  serf 
(cerf),  seris,  serebr,  sinser,  sir,  sos,  sosis,  yustis;  sitar,  osilar,  ositar. 

2.  Autres  exemples  :  sebr,  fras,  dusen  (douzaine),  suav  (zouave,  et  non 
suave). 


AKADKMl    :    IDIOM    NEUTRAL  499 

(lo  racccnluatioii  sont  trop  (•oini)li(iU(''os,  suiiout  pour  uno 
langue  qui  doit  servir  aux  usages  vulgaires  et  aux  personnes 
(rinstrnctioii  nioyciHU'. 

Cest  surtout  la  grainniairc  qui  pn'^te  le  flanc  à  la  critique.  Et 
(l'abord,  un  très  grave  défaut  est  l'absence  de  tout  article,  défini 
ou  indéfini.  On  allègue  que  les  langues  slaves  s'en  passent; 
mais,  sans  disculer  ici  le  plus  ou  moins  d'utilité  de  l'article 
(défini  surtout),  il  suflit  que  les  autres  langues  européennes 
l'cMnploient  pour  quil  soit  indi<|ué  de  l'adopter  dans  la  Langue 
internationale.  Nous  ne  savons  i)as  le  russe,  mais  nous  savons 
le  latin  et  le  grec;  or  la  comparaison  des  deux  langues  classiques 
montre  combien  l'article  met  de  netteté  dans  la  pensée,  et 
condîien  son  absence  la  laisse  llottante  et  vague.  Au  fond,  c'est 
le  contexte  qui  détermine  en  latin,  la  plupart  du  temps,  le  sens 
défini  ou  indéfini  des  substantifs;  à  moins  que  ce  ne  soient  des 
pronoms  boaucouj)  plus  encondirants  que  le  sinq)le  article  '. 
Le  besoin  de  l'article  se  fait  si  vivement  sentir  dans  la  pensée 
moderne,  que  les  scolastiques  avaient  introduit  en  latin  un 
article  [li],  et  que  les  philosophes  du  .wii"  siècle  enqjloyaient,  soit 
le  pronom  ipse,  soit  l'article  défini  grec  (par  exemple  avec  les 
mots  indéclinables).  D'ailleurs,  tout  adjectif  peut  être  employé 
comme  substantif,  même  sans  les  désinences  de  genre  -o  ou  -a. 
A  quoi  le  reconnaîtra-ton,  s'il  n'y  a  pas  d'article? 

En  général,  il  est  regrettable  que  l'Académie  ait  supprimé 
foute  distinction  matérielle  entre  les  parties  du  discours.  Sans 
doute,  elle  a  eu  bien  raison  de  supprimer  les  désinences  carac- 
téristiques de  certaines  classes  dldées  (dans  le  Volapilk):  mais 
autant  celles-ci  sont  inutiles  et  gênantes,  autant  les  désinences 
caractéristiques  des  c/asscs  de  mots  sont  commodes  pour  marquer 
le  rôle  de  chaque  mot  dans  la  phrase,  et  rendre  sensible  la 
construction.  Il  semble  que,  dans  sa  réaction  contre  les  prin- 
cipes du  Volapilk.  l'Académie  soit  allée  trop  loin:  d'autant  plus 
que  cette  distinction  peut  se  faire  sans  imposer  aucune  irstric- 
tion  aux  radicaux,  et  sans  les  atTubler  d'un  suffixe  monotone, 
comme  1'  -ik  des  adjectifs  en  Volapilk.  Il  y  a  toutefois  une  heu- 
reuse exception  en  ce  qui  concerne  les  adverbes  (en  -e)  et  les 


1.  Qu'on  se  rappelle  le  Volapilk,  qui,  ne  voulant  pas  se  servir  de  l'arlicle 
indéfini  un,  est  obligé  d'employer  le  pronom  sembal.  De  même,  VIdiom 
neulral  emploie  kelkun.  P.e  n'est  pas  une  af)rêviation  ! 


500  SECTION    III,    CHAPITRE   XXVI 

prépositions  (en  -u).  En  revanche,  comme  les  verbes  n'ont 
aucune  désinence  à  l'indicatif  présent,  rien  ne  distinguo  un 
verbe  d'un  substantif.  Ex.  :  mersi  veut  dire  aussi  bien  [je]  remercie 
que  remercîment. 

Non  seulement  les  parties  du  discours  ne  se  distinguent  pas 
par  la  forme,  mais  on  a  admis  des  radicaux  homonymes  appar- 
tenant à  différentes  classes  (Res.  23  h),  comme  sol  (soleil)  et  sol 
(seul)  '  ;  kar  [voiture)  et  kar  (cher).  En  outre,  on  n'a  pas  toujours 
prévu  un  mode  de  dérivation  régulier  permettant  de  passer 
d'une  classe  à  l'autre,  par  exemple,  de  dériver  les  pronoms 
possessifs  des  pronoms  personnels;  c'est  là  une  complication 
qui  charge  la  mémoire.  On  n'a  pas  non  plus  évité  de  donner  à 
certains  radicaux  des  désinences  identiques  à  des  flexions  gram- 
maticales ou  à  des  suffixes.  D'une  part,  il  y  a  beaucoup  de  noms 
dont  le  radical  se  termine  en  i,  de  sorte  que  leur  singulier  res- 
semble à  un  pluriel,  et  que  leur  pluriel  se  distingue  mal  de  leur 
singulier  2;  d'autre  part,  il  y  a  beaucoup  de  radicaux  en  -i  qui 
sont  identiques  au  pluriel  d'autres  radicaux.  Ex.  :  kirurg  (chirur- 
gien) et  kirurgi  (chirurgie);  filosof  et  filosofi;  geolog  et  geologi, 
pedagog  et  pedagogi;  fol  (fou)  et  foli  (feuille);  rad  (rade)  et  radi 
(rayon);  musk  (mouche)  et  muski  (mousse);  klav  (clou)  et  klavi  (clef); 
vis  (vue)  et  visi  (vice);  fur  (fourrure)  et  furi  (furie);  tur  (un  tour)  et 
turi  (une  tour):  De  môme,  avar  veut  dire  avare  ou  avoir;  inventai, 
inventaire  et  inventer.  Certains  radicaux  ont  l'aspect  de  mots 
dérivés  :  amik,  héros,  karos,  kolos  ont  des  terminaisons  d'ad- 
jectifs; bufet,  buket  ne  sont  pas  des  diminutifs;  husar,  kuliar 
(cuiller)  ne  sont  pas  des  verbes;  kamarad,  batist,  kalamitet,  ne 
sont  pas  des  dérivés  (Res.  5). 

Chose  plus  grave,  certains  mots  semblent  régulièrement 
dérivés  de  mots  existants  dont  le  sens  est  tout  différent  (Res.  6). 
Musa  (muse)  n'est  pas  le  féminin  de  mus  [rat);  kaskad  ne  dérive 
pas  de  kask;  baston  n'est  pas  l'augmentatif  de  hast  (aubier),  ni 
prison  celui  de  pris  (prix);  pariet  (paroi)  n'est  pas  le  diminutif 
de  pari;  infanteri  ne  vient  pas  d'infant  (enfant).  En  général,  le 
suffixe  -itet  peut  se  confondre  avec  le  suffixe  -et;  et  le  suffixe 
-eri  ressemble  au  pluriel  du  suffixe  -er  :  duaner  (douanier), 
duaneri  (douane).  Les  noms  en  -er,  avec  la   terminaison  mascu- 


1.  En  revanche,  sol  se  dit  suol. 

2.  Ex.  :  bani,  boteli,  gladi,  melodi,  mumi,  studi,  teori,  trili. 


AKADEMI    :    IDIOM    NEUTRAL  501 

lino  -0,  rossemblent  à  <Ips  verbes  au  fiihir  :  prisonero.  voyajero 
(voyageur,  ou  :  \je\  voyagerai).  Mastik  n'est  pas  ladjeclir  de  mast 
(mal),  m  mastikar  (mâcher)  le  verbe  de  mastik.  Mortar  (morlier) 
n'est  pas  un  verbe  dérive^  de  mort.  II  y  a  beaucoup  d'autres 
verbes  (jui  paraissent  à  tort  dériver  de  noms  :  montar  (mouler)  de 
mont  :  gravar  (graver)  de  grav  (lourd)  ;  frisar  (friser)  de  fris  (frise)  ; 
mutar  cli(uun-r)  de  mut  (muet);  pesar  (peser)  de  f es  (poix);  portar 
de  port;  rasar  [raser)  de  ras  [race);  sudar  (suer)  de  sud;  valar 
(valoir)  de  val  ;  venar  (chasser)  de  ven  (veine)  ;  et  cela  est  d'autant 
phis  fâcheux,  qu'à  l'indicatif  présent  ces  verbes  se  réduisent  à 
leur  radical,  c'est-à-dire  deviennent  identiques  au  nom  corres- 
pondant. Le  plus  bel  exemple  de  ces  dérivations  apparentes 
(et  fausses;  est  la  série  suivante  :  viol  (violon),  viola  (violette), 
violar  (violer)  et  violet  (violet)  •. 

On  peut  alléguer,  comme  excuse,  que  presque  toutes  ces 
équivoques  se  trouvent  déjà  dans  les  langues  vivantes  auxquelles 
ces  mots  sont  empruntés,  et  qu'elles  n'y  trompent  personne. 
Mais  si  l'habitude  les  rend  insensibles  et  inoffensives  dans  nos 
langues  maternelles,  il  n'en  sera  peut-être  pas  de  même  dans 
une  langue  (jui  sera  pour  tous  une  langue  étrangère.  II  est 
dangereux  de  toujours  compter  sur  le  contexte  pour  dissiper 
ces  équivoques;  car  il  arrive  souvent  que  dans  une  langue 
étrangère  la  moitié  des  mots  échappent  à  l'auditeur;  que 
deviendra-t-il  si  l'un  des  mots  auxquels  il  se  «  raccroche  »  est 
ambigu?  II  faut  laisser  le  moins  de  part  possible  à  l'intelligence 
ou  à  la  divination.  Assurément,  il  est  fort  difficile  d'éviter  des 
homonymies  comme  celles  que  nous  venons  de  signaler  (et  nous 
ne  les  aurions  pas  relevées  si  elles  n'étaient  pas  très  fré- 
(pientes);  mais  si  un  autre  système  réussit  à  les  éviter,  nul 
doute  qu'il  ne  soit  préférable. 

Le  défaut  précédent  vient  de  ce  que  Vldiom  neutral  s'efforce  de 
se  rapprocher  le  plus  possible  des  langues  vivantes  *.  Cet  excès 
d'une  tendance  louable  a  eu  d'autres  conséquences  fâcheuses. 
Ainsi,  dans  la  Jormation  des  mots  dérivés,  lldiom  neutral  est 
constamment  tiraillé  entre  deux  systèmes  :  i°  l'adoption  des 
mots  dérivés  internationaux;  2"  la  formation  régulière  et  auto- 

1.  Autres  exemples  :  kanon.  kanonik;  kant,  kanton:  or,  oral,  orar:  org, 
orgi,  organ. 

2.  Un  e.xomiilc  frappant  en  est  fourni  par  les  mots  suivants,  empruntés  au 
français  :  shapô,  depô,  aie,  portmoné. 


502  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

nome  des  dérivés  (à  l'aide  de  radicaux  et  d'affîxes  internationaux 
invariables).  Par  exemple,  une  fois  adoptés  les  suffixes  interna- 
tionaux -a^ion,  -ator,  on  a  formé  régulièrement  les  noms  d'ac- 
tion :  atraktasion,  avertasion,  absolvasion,  desidasion.  flektasion, 
frikasion,  inventasion,  instruasion.  konfesasion.  obliviasion.  sufra- 
sion,  konseptasion.  konvertasion.  korigasion,  kreskasion,  proposa- 
sion,  repetasion.  reaktasion.  et  les  noms  d'acteurs  :  editator, 
eksekutator,  komposator,  kondukator,  movator,  piktator.  redak- 
tator,  skulptator,  skribator  ^ 

Mais,  comme  ces  mots  ont  un  aspect  barbare,  et  contrastent 
péniblement  avec  les  dérivés  naturels  (latins  et  internationaux), 
on  a  cru  devoir  admettre  ceux-ci  comme  mots  primitifs  à  côté 
de  ceux-là.  De  même,  on  a  été  conduit  à  admettre  des  doublets 

comme  : 

perfektitet    et  perfeksion  ■^ 

simplitet  simplisitet 

pasientitet  pasiens 

prudentitet  prudens 

et  beaucoup  de  mots  analogues; 

sientik  et  sientifik 

orgist  organist 

pianoist  pianist 

visabl  visibl 

sensuabl  sensibl 

ekuiflankik  ekuilateral 

favorar  favorisar 

rivalar  rivalisât 

etc,  etc. 

Or  tous  ces  «  mots  Mackenséniques  »  doublent  inutilement  le 
nombre  des  mots  à  apprendre  :  et  s'ils  sont  aisés  à  retenir  pour 
ceux  qui  savent  le  latin  ou  une  langue  romane,  ils  doivent  être 
difficiles  à  retenir  pour  les  autres,  attendu  qu'ils  sont  irrégu- 
lièrement formés.  Il  faut  choisir  entre  les  deux  systèmes,  et, 
croyons-nous,  opter  pour  la  dérivation  autonome  et  régulière. 

Si  l'on  veut  éviter  des  formes  trop  barbares,  il  vaut  mieux 
renoncer  par  exemple  au  suffixe  -asion,  si  lourd  et  si  encom- 

1.  Dans  quelques  lignes  d'un  article  de  M.  Rosenberger,  on  rencontre 
les  mots  lektator,  aparasion  et  imprimasion,  qui  sont  cruellement  choquants. 

2,  Remarquer  l'ambiguïté  des  mots  en  -tion,  que  Vldiom  neutral  n'a  pas 
toujours  évitée;  ex.  :  konfederasion. 


AKADEMI    :    IDIOM   NEUTRAL  503 

l)i*anf,  ot.  d(>  plus.  (''(iiiivoqiK^  dans  nos  langues.  On  iionrraif 
suhstanlifiei'  sinii)l('nient  le  radical  verbal  pour  exprimer  l'action 
indiquée  parle  verbe,  comme  cela  a  lieu  pour  beaucoup  de  mots 
naturels  :  don  (donner),  envoi  [envoyer),  fuite  (fuir),  révolte  (ré. <olter), 
conquête  {con(}uérir)  ',  oubli  [oublier),  promesse  (promettre),  arrêt 
{arrêter),  propos  (proposer)  *.  Mais  pour  cela  il  conviendrait, 
comme  nous  lavons  dt^à  dit,  d'avoir  des  désinences  qui  distin- 
guent les  substantifs  des  verbes  ^ 

De  môme,  il  n'y  a  qu'un  moyen  d'éviter  des  doublets  fâcheux 
comme  individuik  et  individual,  horisontik  et  horisontal.  où  le 
pi'emier  mot  est  régulier,  mais  barbare,  et  le  second  interna- 
tional, mais  irrégulier  :  c'est  d'adopter  iiuour  les  adjectifs  un 
suffixe  absolument  neutre,  étranger  aux  langues  naturelles,  puis- 
quaucun  des  suffixes  naturels  n'est  uniformément  employé,  et 
que,  si  on  en  généralise  et  régularise  l'emploi,  il  devient  cho- 
quant et  entraîne  l'admission  de  «  mots  Mackenséniques  ». 

Dans  la  dérivation,  on  a  bien  fait  de  distinguer  les  contraires 
des  contradictoires.  Malheureusement,  les  préfixes  correspon- 
dants ne  sont  pas  suffisamment  distincts  (ne-  et  no-),  et  ils  sont 
|)arfois  employés  à  contre-sens.  Ainsi  neamik  devrait  signifier 
non-ami,  et  non  ennemi;  nefasil  non-facile,  et  non  difficile  (comparer 
neutil.  qui  signifie  inutile,  et  non  pas  nuisible).  Inversement,  nokos, 
noloke,  nokuande  ont  le  sens  de  simples  négations,  et  devraient 
être  formés  avec  ne-  (comparer  nemult.  peu  =pas  beaucoup). 

Il  conviendrait  aussi  de  distinguer,  comme  en  allemand,  le 
retour  en  arrière  (zurùck)  et  la  répétition  (ivieder)  qui  sont  confondus 
dans  le  préfixe  re-. 

Les  auteurs  de  Vidiom  neutral  n'ont  formulé  aucune  régie  pour 
fixer  le  sens  des  mots  d'une  classe  dérivés  des  mots  d'une  autre 
classe,  notamment  le  sens  du  verbe  dérivé  d'un  substantif;  nous 
n'insisterons  pas  sur  cette  critique,  que  nous  avons  développée 
à  propos  de  V Espéranto  ;  mais  il  n'est  que  juste  de  remarquer 
que  Vidiom  neutral  y  échappe  encore  moins.  Il  suffit  de  citer  un 


1.  Déjà  TÂcadémie  a  adopté  le  radical  konkuist  (conquête),  d^oii  le  verlïe 
konkuistar  (conquérir)  et  le  substantiT  konkuistator,  qui  rappelle  heureu- 
sement le  mot  S.  conquistador. 

2.  Cf.  le  Novilatiin.  On  trouve  dans  Vidiom  neutral  par  exception  :  permit 
=  permission:  puni  =  punition. 

3.  L'on  a  judioieusenient  adopté  pour  radicaux  ambisi.  religi.  superstisi, 
afln  de  pouvoir  former  régulièrement  les  adjectifs  ambisios.  religios, 
superstisios. 


504  SECTION   III,    CHAPITRE    XXVI 

seul  exemple  :  le  verbe  piskar,  dérivé  de  pisk  (poisson),  ne  signifie 
ni  être  poisson,  ni  faire  le  poisson,  ni  rendre  poisson,  ni  revêtir  de 
poisson,  ni  même  faire  usage  de  poisson,  mais  prendre  du  poisson 
(pêcher,  L.  piscari)  '.  Il  est  clair  que,  dans  ce  cas  et  dans  tous  les 
cas  analogues,  les  auteurs  ont  accepté  sans  critique  les  dérivés 
des  langues  naturelles-. 

Notons  en  passant  que  l'Académie,  toute  internationale  qu'elle 
est,  n'a  pas  toujours  évité  les  idiotismes  de  composition,  si  fré- 
quents en  Volapûk.  Ex.  :  sirka-donar  =  entourer  (germanisme  : 
umgeben,  litt.  :  donner  autour):  trans-pontar  ^=  jeter  un  pont  sur 
une  rivière  (D.  ûberbriicken)  :  drap  de  sak  =  mouchoir  (D,  Taschen- 
tuch).  De  même,  preskribar  no  signifie  pas  écrire  devant,  ni  veri- 
fikar,  rendre  vrai.  D'ailleurs,  elle  use  très  inégalement  de  la  déri- 
vation et  de  la  composition  :  d'un  côté,  elle  forme  librement  des 
mots  comme  kani-klamar  =  aboyer,  gren-batar  =  battre  (le  blé), 
protoparoi  =  radical,  protoforest  =  forêt  vierge  (D.  Urwald);  mais, 
d'un  autre  côté,  elle  n'ose  pas  régulariser  des  dérivés  comme 
insen  ^=  douzaine,  et  elle  emploie  comme  mots  primitifs  diksionar, 
vaka  =  vache,  portmoné  ^. 

Enfin  certains  mots  composés  présentent  des  accumulations 
de  consonnes  imprononçables  :  piskgres,  letrpapir,  librbandar, 
{relier),  lignvas,  lignven,  pulvrmin  ;  de  même  certains  mots  sim- 
ples comme  vendrdi,  saturndi,  kelkkos  (différent  de  kelkos).  C'est 
là  d'ailleurs  un  défaut  général  de  Vidiom  neutral  :  la  plupart  des 
mots  commencent  et  finissent  par  une  ou  plusieurs  consonnes 
(ex.  :  opr  =  opéra,  ordn  =  ordre  de  chevalerie);  par  suite,  ils  se 
heurtent  à  arêtes  vives  et  produisent  dos  rencontres  peu  har- 
monieuses ou  difficiles  à  prononcer  :  nostr  patr,  patr  puni;  punkt 
de  vis.  Il  en  résulte  qu'on  est  forcé  d'intercaler  entre  les  mots 
des  e  muets,  que  les  divers  peuples  placeront  différemment. 
Mieux  vaudraient  des  voyelles  sonores  dont  la  place  fût  marquée 
par  l'écriture,  et  qui,  servant  de  tampons  entre  les  mots,  ren- 
draient la  prononciation  coulante  et  moelleuse. 

Quelques  désinences-voyelles  auraient  un  autre  avantage,  au 

1.  L'Espéranto  dit  fiâkapti  (prendre  du  poisson). 

2.  Autres  exemples  :  satin,  satinar  (satiner);  forn  (poêle),  fornar 
(chauffer).  Pour  le  suffl.xe  -abl,  on  n  adopté  à  la  fois  les  deux  sens  bien 
différents  qu'il  a  dans  les  langues  romanes;  on  a  ainsi  :  amabl,  vene- 
rabl,  etc. 

3.  Notons  un  mot  dérivé  qui  prête  à  un  contre-sens  amusant:  insendier 
signifie,  non  pas  incendiaire,  mais...  pompier! 


AKADEMI    :    IDIOM   NEUTRAL  505 

point  de  vue  de  la  syntaxe.  La  phrase,  en  Idiom  neulral,  a  le  carac- 
tfre  inorf^aniqueet  décousu  qu'on  reproche  h  la  phrase  anglaise. 
C'est  une  juxtaposition  de  radicaux  dont  la  liaison  grammaticale 
et  logique,  in<ii(piée  surtout  par  la  place  et  l'ordre  des  mots,  est 
en  partie  h  deviner.  C'est  là  un  inconvénient  pour  une  langue 
«  étrangère  »  et  pratique.  Sans  vouloir  discuter  ici  les  questions 
très  controversées  de  l'accord  de  l'adjectif  avec  le  substantif,  et 
de  l'utilité  de  l'accusatif,  on  pont  dire  qu'il  est  imprudent  de  trop 
compter  sur  la  place  des  mots  pour  révéler  leur  rôle  gramma- 
tical. Pour  ce  qui  est  notamment  de  l'accusatif,  nous  remar- 
quons que  l'ordre  du  sujet  et  du  complément  direct  est  nécessai- 
rement troublé  dans  les  propositions  relatives,  ce  qui,  en  français 
par  exemple,  rend  impossibles  certaines  constructions  logiques 
et  commoiles,  ou  conduit  à  des  amphibologies.  En  voici  un 
exemple,  cueilli  au  hasard  dans  un  journal.  Parlant  de  Falguière, 
un  critique  d'art  écrivait  :  «  Ses  portraits  montrent...  quelle 
belle  nature  de  peintre  a  étouffé  le  développement  du  statuaire  ». 
Pour  la  grammaire,  le  sujet  serait  la  «  belle  nature  de  peintre  »; 
pour  le  sens,  il  est  :  «  le  développement  du  statuaire  ».  On 
avouera  que  cette  phrase  offre  deux  sens  très  différents,  et  même 
opposés;  or  pour  distinguer  le  vrai,  il  faut  savoir  que  Falguière 
a  beaucoup  plus  produit  comme  sculpteur  que  comme  peintre. 
Ces  sortes  d'amphibologies  sont  beaucoup  plus  fréquentes 
qu'on  ne  croit;' on  ne  s'en  aperçoit  pas,  parce  que  le  «  bon 
sens  »,  c'est-à-dire  au  fond  la  connaissance  du  sujet,  permet  de 
choisir  ou  de  deviner  l'interprétation  juste;  mais,  quand  on  est 
obligé  de  faire  api)el  au  bon  sens,  c'est  que  la  grammaire  est  en 
défaut.  Une  synta.xe  vraiment  logique,  qui  exprime  fidèlement 
et  complètement  la  pensée,  ne  doit  rien  laisser  à  deviner  '. 

En  général,  Vldioin  neiitral  a  le  tort  de  trop  se  rapprocher  des 
langues  vivantes,  notamment  du  français.  Il  semble  paradoxal 
de  reprocher  à  un  système  a  posteriori  d'être  trop  a  posteriori:  et 
pourtant,  l'Idioin  nea/rai  justifie  ce  reproche.  Nous  avons  vu  qu'il 
s'attachait  trop  exclusivement  à  la  prononciation  française,  sans 
toutefois  la  reproduire  fidèlement,  de  sorte  que  cela  ne  le  rend 
ni  plus  facile  ni  plus  agréable  aux  Français,  bien  au  contraire. 
On  peut  en  dire  autant  de  la  grammaire,  qui  est  trop  romane 
pour  être  vraiment  neutre,  et  de   la  formation   des  mots,  qui 

1.  Cf.  la  Critique  de  VEsperanto. 


506  SECTION   III,    CHAPITRE   XXVI 

s'astreint  trop  à  imiter  les  langues  romanes  pour  être  logique  et 
uniforme.  Plus  on  calque  servilement  les  formes  nationales, 
plus  la  langue  risque  de  perdre  sa  régularité  et  sa  simplicité 
pour  offrir  l'apparence  disgracieuse  et  choquante  d'une  langue 
nationale  estropiée. 

Quoiqu'il  en  soit,  l'existence  seule  de  Vidiom  neutral  est  un  fait 
extrêmement  instructif  et  probant,  qu'il  importe  de  retenir;  car 
elle  montre,  en  somme,  que  des  Volapûkistes,  partis  d'un  sys- 
tème mixte  où  dominaient  les  combinaisons  arbitraires  ei  a  priori, 
ont  abouti  à  un  système  tout  à  fait  a  posteriori,  et  que,  tout  en 
recherchant  la  plus  grande  internationalité  possible,  et  en  pré- 
sentant d'ailleurs  toutes  les  garanties  de  neutralité,  ils  ont  été 
amenés  à  élaborer  une  langue  presque  exclusivement  romane 
par  sa  grammaire  comme  par  son  vocabulaire. 


CRITIQUE  GENERALE 


Si  nombreux  et  si  variés  que  soient  les  systèmes  a  posteriori, 
ils  se  ressemblent  beaucoup  plus  entre  eux  que  les  systèmes 
mixtes  '.  Cela  vient  de  ce  que  tous  s'inspirent  plus  ou  moins 
d'un  principe  objectif  et  rationnel,  le  principe  de  V internalionalHè 
des  éléments  lexicologiques.  Sans  doute,  on  peut  constater  de 
notables  dilTérences  dans  la  manière  dont  les  divers  auteurs  ont 
conçu  ce  principe  et  l'ont  appliqué  :  et  nous  aurions  pu  les  dis- 
tinguer et  les  classer  suivant  qu'ils  prennent  pour  base  le  latin, 
ou  une  langiie  vivante, "ou  enfin  plusieurs  langues  vivantes  unies 
et  mêlées.  Mais  il  nous  a  paru  qu'une  telle  classification  eût  été 
artificielle  et  inexacte.  En  effet,  il  n'y  a  pas  de  différence  essen- 
tielle entre  les  systèmes  qui,  partant  du  latin,  lui  adjoignent 
forcément  des  néologismes  empruntés  aux  langues  modernes, 
même  non-romanes  (ex.  :  sport,  wagon),  et  ceux  qui,  partant  d'em- 
blée du  principe  d'internationalité,  sont  amenés,  en  conséquence 
de  ce  principe  même,  à  faire  une  place  prépondérante  aux  élé- 
ments latins.  C'est  en  vain  que  les  premiers  se  flattent  d'être 
plus  homogènes  que  les  seconds  :  bon  gré  mal  gré,  ils  aboutissent 
(ou  ils  aboutiraient,  si  on  les  développait  jusqu'au  bout)  à  un 
vocabulaire  tout  aussi  composite.  Il  est  donc  injuste  de  traiter 
les  uns  plutôt  que  les  autres  de  sabir  ou  de  jargon;  d'ailleurs, 
il  nous  est  impossible  de  voir  dans  cesqualilicatifs  un  reproche  : 
ils  constitueraient  plutôt  un  éloge,  pour  des  langues  qui  préten- 
dent avant  tout  être  des  moyens  de  communication  pratiques, 
accessibles  à  tous  les  peuples  européens.  Le  fait  que  des  sabirs  se 
sont  formés  spontanément,  «  naturellement  »,  en  divers  pays 
pour  répondre  flux  besoins  du  commerce  international,  ne  peut 

1.  Comparer,  par  exemple,  les  systèmes  de  numération  et  les  pronoms 
personnels. 


508  SECTION   III 

être  qu'un  argument  de  plus  en  faveur  des  «  langues  compo- 
sites »,  car  il  montre  dans  quel  sens  le  problème  peut  et  doit 
être  pratiquement  résolu*.  Ceux  qui  parlent  si  dédaigneusement 
de  sabir  oublient  qu'aucune  de  nos  langues  modernes  n'est 
homogène  et  pure  ;  tels,  à  qui  répugne  le  mélange  des  racines 
romanes  et  germaniques,  préfèrent  l'anglais,  lequel  n'est  pour- 
tant qu'un  «  jargon  >  ^,  c'est-à-dire  un  idiome  mixte  romano- 
germanique. 

D'ailleurs,  les  autres  langues  européennes  n'ont  pas  le  droit 
de  lui  jeter  la  pierre,  ni  de  se  montrer  plus  fières.  Aux  Français, 
il  suffira  de  citer  l'opinion  très  compétente  de  M.  Michel  Bréal  : 
«  Il  ne  faut  pas  faire  les  dédaigneux;  si  nos  yeux,  par  un  subit 
accroissement  de  force,  pouvaient  en  un  instant  voir  de  quoi  est 
faite  la  langue  de  Racine  et  de  Pascal,  ils  apercevraient  un 
amalgame  tout  pareiP  ».  Quant  aux  Allemands,  nous  aurons 
tout  à  l'heure  l'occasion  de  leur  rappeler  tous  les  emprunts 
qu'ils  ont  faits  au  latin  et  aux  langues  romanes,  et  dont  ils 
s'efforcent  vainement  de  »  purifier  »  leur  langue.  S'il  y  a  au 
monde  une  langue  homogène  et  pure,  ce  ne  peut  être  que  celle 
de  quelque  peuplade  sauvage  habitant  une  île  déserte,  et  sans 
relations  avec  le  reste  du  monde.  Mais  on  peut  être  sûr  qu'elle 
est  aussi  très  pauvre  (ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'elle  soit  régu- 
lière et  simple);  ce  n'est  donc  pas  une  langue  à  envier,  ni  un 
modèle  à  suivre  pour  la  langue  internationale.  Celle-ci  sera  donc 
composite,  comme  toutes  nos  langues  :  la  nature,  l'histoire,  les 
progrès  de  la  civilisation  le  veulent  ainsi. 

On  adresse  aux  langues  a  posteriori  une  autre  objection.  Toutes 
prétendent  à  la  neutralité,  même  celles  qui  prennent  pour  base 
le  latin,  comme  étant  le  fonds  commun  des  langues  européennes 
et  la  langue  commune  des  savants.  Et,  d'autre  part,  toutes,  ou 
peu  s'en  faut,  accordent  aux  éléments  latins  une  part  dominante, 
sinon  presque  exclusive.  Il  semble  à  certains  critiques  qu'il  y  a 


1.  C'est  ainsi,  assure-t-on,  qu'il  a  été  résolu  dans  l'Hindoustan,  il  y  a 
trois  cents  ans  :  du  temps  d'Akbar  le  Grand  ,  les  diverses  races  qui  le 
peuplent,  et  qui  parlent  autant  de  langues  ou  dialectes  différents,  ont 
adopté  comme  langue  commune  un  idiome  artificiel  et  composite,  Vurdu 
ou  hindoustani  (George  IIenderso.n,  The  Lingua  Franca  of  the  Future,  p.  5). 

2.  Nous  ne  nous  permettrions  pas  de  le  dire  ;  nous  ne  faisons  que  répéter 
le  mot  employé  dans  le  rapport  de  Y  American  Philosophical  Society  (p.  30.")). 

3.  Le  choix  d'une  langue  internationale,  dans  ia  Revue  de  Paris, 
15  juillet  1901  (p.  244). 


CIUTIQUE    GÉNÉRALE  509 

là  une  contradiction.  On  leur  répond  qu'il  n'en  est  rien,  et  que, 

si  les  racines  latines  doniineiit  nicMne  dans  les  lanf?iics  fondres 
sur  le  principe  d'internationalité,  qui  empruntent  impartialement 
leurs  matériaux  aux  six  principales  langues  européennes,  c'est 
que  les  élénuMits  latins  sont  les  plus  internationaux  :  communs 
aux  trois  langues  romanes  (F.,  I.,  S.),  ils  composent  les  deux 
tiers  du  vocabulaire  anglais,  au  point  que  Max  Mijller  a  pu 
classer  l'anglais  j)armi  les  langues  romanes',  et  ils  ont  pénétré 
en  notable  proportion  dans  l'allemand  et  dans  le  russe  (surtout 
dans  les  mots  techniques);  tandis  que  les  racines  germaniques 
et  slaves  qui  ont  passé  dans  les  langues  romanes  sont  en  i)etit 
nombre.  C'est  même  la  principale  raison   que  t'ont  valoir  les 
auteurs  ou  les  partisans  d'un  néo-latin  :  en  quoi  ils  ont  tort, 
selon  nous,  parce  qu'ils  érigent  en  principe  ce  qui  n'est  qu'une 
circonstance  de  fait.  Aussi  ne  défendons-nous  pas  la  cause  du 
néo-latin,  mais  bien  celle  du  principe  de  l'internationalité,  en 
vertu  duquel,  si  l'on  doit  adopter  une  racine  latine  quand  elle 
appartient    à   la    majorité   des  langues  européennes,   on    doit 
adopter  une  racine  germanique  ou  slave  dans  les  mômes  condi- 
tions. C'est  là  le  seul  moyen  de  constituer  un  vocabulaire  à  la 
fois  international  et  neutre,  qui  soit  (c'est  là  l'essentiel)  le  plus 
facile  à  apprendre  pour  tous  les  Européens,  et  réunisse  le  plus 
grand  nombre  de  mots  ou  de  radicaux  déjà  connus  de  la  plupart 
d'entre  eux-. 

1.  Cf.  Henderson,  Lingiia,  p.  12-13.  Certains  ont  proposé  de  prendre 
pour  binse  de  la  L.  I.,  au  lieu  dos  (»  langues  européennes,  les  3  familles 
(romane,  germanique,  slave)  auxquelles  elles  appartiennent.  Mais,  outre 
(jue  ces  3  familles  sont  d'importance  très  inégale,  dans  laquelle  rangerait-on 
les  peuples  (jui  parlent  anglais?  Si  on  les  annexe  à  la  famille  romane, 
celle-ci  sera  3  fois  plus  forte  que  la  famille  germanique  (à  elle  seule,  sans 
l'anglais,  elle  est  I  fois  1/2  aussi  forte).  Si  on  les  ajoute  à  la  famille  ger- 
maniiiue,  celle-ci  sera  plus  forte  que  la  famille  romane;  mais  alors  on  ne 
tiendra  pas  compte  des  2/3  du  dictionnaire  anglais.  Concluons  que,  pour 
établir  une  proïKirlion  équitable,  il  faut  considérer  les  langues  réelles  dans 
leur  com|)lexité,  et  non  les  familles  de  langues,  qui  sont  des  abstractions 
pbilologiques  et  de  simples  entités. 

2.  Certains  prétendent  ([u'on  n'aboutira  par  cette  voie  à  aucun  résultat, 
parce  que  cha(|ue  peuple  voudra  avoir  la  part  du  lion.  Il  nous  semble  que 
le  principe  de  l'internationalité  permet  de  concilier  les  intérêts  et  même 
les  prétentions  de  tous  les  peuples,  surtout  si  l'application  en  est  confiée  à 
un  petit  comité  de  personnes  coujpétentes  des  divers  pays  :  les  savants  sont 
en  général  alfranclus  des  préjugés  et  des  partis-pris  nationaux.  On  dit  aussi 
(jue  la  rivalité  des  nations,  (jui  s'oppose  à  ce  qu'on  adopte  pour  L.  I.  la 
langue  de  l'une  d'elles,  s'opposera  aussi  à  ce  qu'on  puisse  s'entendre  sur 
le  vocabulaire  international,  car  elle  s'exercera,  en  petit,  sur  le  ctioix  de 


510  SECTION   III 

Il  y  a  cependant  des  personnes  qui  ne  reconnaissent  pas  la  jus- 
tice et  l'impartialité  de  ce  procédé,  qui  ne  se  résignent  pas  à  la 
prépondérance  inévitable  et  justifiée  des  racines  romanes,  et 
qui  sacrifieraient  plutôt  l'internationalité  à  la  neutralité  absolue 
qu'elles  réclament.  Ces  personnes,  heureusement  assez  rares, 
sont  surtout  des  Volapûkistes  allemands.  Comme  Volapûkistes, 
elles  s'obstinent  à  demander  une  langue  pour  toute  l'humanité, 
et  à  exiger  qu'elle  soit  neutre,  non  seulement  entre  les  Euro- 
péens, mais  entre  tous  les  peuples  de  la  terre;  de  sorte  que, 
pour  ne  pas  offenser  et  léser  les  Chinois  et  les  Japonais,  voire 
les  Malgaches  et  les  Cafres,  les  Européens  devraient  renoncer  à 
l'avantage  immense  que  leur  procure  la  possession  de  vocables 
internationaux.  Comme  Allemands,  ils  déclarent  que  la  race  ger- 
manique n'acceptera  pas  une  langue  en  majorité  romane.  On 
peut  leur  répondre  que  les  Slaves  auraient  encore  de  meilleures 
raisons  pour  refuser  d'accepter  une  langue  romano-germanique, 
où  l'élément  slave  ne  tiendra  aucune  ou  presque  aucune  place  '  ; 
et  pourtant  de  telles  langues  ont  des  Russes  pour  auteurs,  pro- 
pagateurs et  adeptes,  de  même  que  bon  nombre  de  la,ngues  néo- 
latines ont  pour  auteurs,  non  des  Français  ou  des  Italiens,  mais 
des  Anglais  et  même  des  Allemands. 

Les  mômes  personnes  font  valoir  un  autre  argument,  tiré  de 
la  guerre  que  l'on  a  faite  en  Allemagne  aux  «  mots  étrangers  », 
qui  sont  justement  des  mots  internationaux.  Elles  prétendent 
que  ces  vocables  proscrits  risqueraient,  à  la  faveur  de  la  langue 
internationale,  de  rentrer  dans  la  langue  allemande  et  d'en  alté- 
rer la  pureté.  Les  peuples  romans  pourraient  tout  aussi  bien 
repousser  tout  mélange  de  racines  germaniques,  qui  risqueraient 


chaque  racine.  Nous  répondrons,  d'abord,  que  la  plupart  des  racines  sont 
au-dessus  de  toute  contestation  d'amour-propre  national;  et  ce  sont  natu- 
rellement les  plus  internationales.  Quant  aux  autres,  elles  pourront  donner 
lieu  à  des  compromis  :  ■<  Passez-moi  la  rhubarbe,  et  je  vous  passerai  le 
séné  ».  Dans  tous  les  cas,  la  difficulté  (d'ordre  politique)  sera  divisée, 
émiettée,  et  par  suite  très  facile  à  surmonter.  C'est  l'histoire  du  faisceau 
à  rompre. 

i.  11  importe  d'observer  que,  si  les  éléments  spéciflquement  slaves  ne 
peuvent  tenir  presque  aucune  place  dans  la  L.  I.,  en  raison  de  leur  manque 
d'internationalité,  les  peuples  slaves  ne  seront  pas  pour  cela  exclus  de  la 
construction  de  la  L.  I.  ni  privés  de  ses  avantages,  car  les  langues  slaves 
contiennent  une  foule  de  mots  étrangers  (soit  romans,  soit  germaniques), 
qu'elles  concourront  à  faire  adopter,  on  vertu  de  l'internationalité  supérieure 
qu'elles  leur  confèrent  (voir  p.  347,  note  1). 


CRITIQUE    GÉNÉRALE  511 

(le  s'infiliror  dans  leurs  lanij:iu\s  nationales.  Les  deux  préteidions 
sont  aussi  jusiiliées  l'une  (juc;  Taulre,  on  plulùt  elles  sont  égale- 
ment injustifiables'.  Celle  des  Allemands  équivaut  à  exiger  que 
la  langue  inlornationale  soit  exclusivement  germanique;  pour- 
quoi ne  pas  demander  tout  de  suite  qu'elle  soit  purement  et 
simplement  l'allemand?  Hien  mieux  :  c'est  exiger  que  la  L.  I. 
soit  plus  allemande  encore  que  l'allemand  lui-même,  car  on  n'a 
pas  encore  réussi  à  en  expulser  tous  les  mots  étrangers,  et  l'on 
n'y  réussira  probablement  jamais  ^.  Sans  doute  nous  n'avons 
pas  à  a|)précier.  au  point  de  vue  national  allemand,  la  guerre 
faite  aux  mots  étrangers.  Les  Allemands  sont  assurément  libres 
d'expulser  de  leur  langue,  s'ils  le  veulent  et  s'ils  le  peuvent,  tous 
les  mots  étrangers  qui  s'y  sont  infiltrés^,  au  risque  de  la  rendre 
moins  intelligible  et  plus  diflicile  à  apprendre.  Mais  ils  n'ont 
pas  le  droit  d'ériger  cette  exigence  nationale  en  prétention  inter- 
nationale, et  de  proscrire  de  la  langue  universelle  les  mots  inter- 
nationaux qui  sont  le  patrimoine  commun  des  autres  nations. 
(.(>ux  d'entre  eux  qui  manifestent  cet  exclusivisme  jouent  le  rôle 
peu  généreux  du  chien  du  jardinier;  ne  voulant  ou  ne  pouvant 
pas  employer  les  mots  internationaux  dans  leur  langue,  ils  pré- 
tendent en  interdire  l'usage  aux  autres*.  Cette  prétention  est 
évidemment  insoutenable,  et  l'on  n'ira  pas,  pour  ménager  leur 
susceptibilité  nationale,  chercher  une  langue  vraiment  neutre 
chez  les  habitants  de  la  planète  Mars.  La  langue  internationale 
sera    nécessairement   «  européenne  »,  parce  qu'elle   doit   être 

1.  Bien  entendu,  nous  raisonnons  sur  une  hypothèse,  car  la  seconde  pré- 
tention ne  paraît  exister  à  aucun  degré.  Les  Français  ne  se  croient  nulle- 
ment déshonorés  pour  parler  de  tramway  ou  de  tlialu)eg.  Certains  même 
affectent  d'employer  hors  de  propos  les  mots  anglais  relatifs  au  sport 
et  au  turf, 

2.  Pour  montrer  à  quel  point  Tallemand  est  imprégné  de  mots  étrangers, 
il  sufllt  de  rappeler  les  mots  intéressant,  kuriôs,  konstruieren,  employés 
très  fré(|uemment  dans  les  livres;  et  les  mots  garderobe,  en  gros  et  en  détail, 
qu'on  lit  partout  sur  les  boutiques.  Nous  avons  lu  sur  une  affiche  commer- 
ciale, en  pleine  Allemagne  :  «  Coulante  Bedingungen;  voile  Garantie  ».  Cf. 
p.  3i:i-34i. 

3.  A  commencer  par  le  mot  Pinsoir,  qu'on  voit  partout  écrit  cliez  eux,  et 
qui  n'est  pas  du  français...  académique. 

4.  V American  Pfiilosophical  Society  a  remnniué.  dans  son  rapport  de  1887, 
i|ue  le  chauvinisme  allemand,  proscrivant  les  mots  gréco-latins  des  sciences 
cl  de  la  médecine,  allait  au  rebours  de  l'internationalisation  du  vocabulaire 
siientillque.  et  ajoutait  :  «  No  effort  at  a  uniform  international  scientiflc  ter- 
minology  can  be  successfui,  if  Ihe  learncd  in  each  nation  be  governed  by 
national  prepossessions  ». 


312  SECTION   III 

l'expression  et  le  véhicule  de  la  civilisation  européenne,  et  que, 
quand  elle  sera  adoptée  par  toute  l'Europe,  elle  sera  adoptée 
par  le  monde  entier  *. 

Au  surplus,  cet  exclusivisme  intransigeant  est  le  fait  d'Alle- 
mands peu  instruits  et  aveuglés  de  préjugés  nationaux.  Bien 
au  contraire,  les  savants  allemands  reconnaissent  tout  ce  que  la 
langue  et  la  littérature  allemandes  doivent  à  la  langue  et  à  la  lit- 
térature latines;  ils  proclament  que  la  civilisation  allemande  est 
la  fille  de  la  civilisation  romaine,  et  ils  ne  manquent  pas  d'argu- 
ments historiques  à  l'appui  de  leur  opinion  :  l'Empire  allemand 
n'est-il  pas  le  successeur  du  Saint  Empire  romain  germanique, 
dont  les  souverains  allaient  se  faire  couronner  à  Rome  et  se  con- 
sidéraient comme  les  héritiers  des  empereurs  romains  d'Occi- 
dent 2?  Ces  savants,  dont  le  patriotisme  est  certes  aussi  intense 
que  celui  des  Volapïikistes  en  question,  mais  éclairé  par  l'his- 
toire et  la  philologie,  sont  si  loin  de  vouloir  proscrire  de  la  L.  I. 
les  éléments  romans,  qu'ils  préconisent  au  contraire  le  latin 
comme  langue  (scientifique)  universelle.  On  a  vu  du  reste  que 
beaucoup  dauteurs  de  langues  artificielles  néo- latines  sont 
allemands.  Tous  ces  faits  semblent  indiquer  que  les  préjugés 
hostiles  à  l'élément  latin  n'existent  que  chez  quelques  individus, 
et  que  l'Allemagne  savante  n'a  aucun  parti-pris  contre  une  langue 
universelle  en  majorité  (et  môme  exclusivement)  romane.  En  tout 
cas,  parmi  les  Allemands  partisans  de  la  langue  universelle,  il  y 
en  a  autant,  sinon  plus,  pour  réclamer  un  idiome  roman,  que 
pour  demander  l'exclusion  des  éléments  romans.  On  peut  espérer 
que  leurs  opinions  finiront  par  se  concilier  et  par  se  contreba- 
lancer, et  qu'un  idiome  romano-germanique  les  satisfera  et  les 
mettra  d'accord,  ainsi  que  tous  les  autres  intéressés. 

On  pourrait  aussi  classer  les  langues  a  posteriori  d'après  leur 
degré  d'  «  apostériorité  »,  c'est-à-dire  suivant  la  mesure  où  elles 
se  rapprochent  des  langues  naturelles,  soit  dans  la  grammaire, 
soit  dans  la  formation  des  mots.  Pour  ce  qui  est  de  la  formation 
des  mots,  on  peut  les  ramener  à  deux  types  :  l'un  adopte  des 
racines  internationales,  et  forme  avec  elles  des  dérivés  et  des 

1.  Est-il  besoin  de  rappeler  que,  quand  nous  parlons  de  TEurope,  nous  y 
comprenons  tous  les  peuples  de  civilisation  européenne,  et  par  suite  les 
Américains? 

2.  Voir  dans  le  Chapitre  final  :  Les  langues  mortes,  les  idées  émises  à  ce 
sujet  par  le  Prof.  Diels,  de  l'Académie  de  Berlin. 


CRITIQUE    GÉNÉRALE  513 

composés  autonomos  et  originaux  d'une  manière  absolument 
régulière  (ex.  :  VEsperanlo):  l'autre  adopte  les  mois  internationaux 
tout  faits,  tels  qu'ils  existent  dans  les  langues  naturelles,  sans 
s'inijuiéter  s'ils  sont  régulièrement  formés  (ex.  :  le  MundoUngue). 
Kntre  ces  deux  types  s'échelonnent  les  systèmes  qui  cherchent 
un  compromis  entre  les  deux  méthodes  (ex.  :  Yidiom  neutral,  avec 
ses  mots  Mackenséniques).  En  somme,  bien  que  tous  ces  sys- 
tèmes recherchent  l'internationalité  des  éléments  lexicologiques, 
Ils  se  heurtent  à  l'antinomie  de  Vinlernalionalité  et  de  la  régularités 
Nous  croyons  qu'il  ne  faut  pas  pousser  à  l'extrême  le  i)rincipe 
(le  l'internationalité:  une  langue  absolument  a pos/eriori  ne  pour- 
rait être  qu'une  langue  naturelle,  ou  un  mélange  hybride  de 
langues  naturelles,  sans  unité  et  sans  régularité*.  11  faut  tou- 
jours, tùl  ou  tard,  sacriiier  l'internationalité  à  la  régularité,  sous 
peine  d'obtenir  une  langue  aussi  irrégulière  et  aussi  compliquée 
<pie  nos  langues,  et  par  suite  aussi  diflicile  A  apprendre.  Or  la 
(|ualilé  essentielle  de  la  L.  I.  est  la  facilité  d'acquisition;  car 
("est  elle  qui  assurera  son  adoption  pratique  et  sa  diffusion  uni- 
verselle. Si  la  L.  I.  doit  être  aussi  difficile  qu'une  langue  natu- 
relle, on  lui  préférera  toujours  une  langue  vivante.  C'est  pour  la 
rendre  aussi  facile  que  i)ossible  que  l'on  doit  emprunter  ses 
matériaux  aux  langues  européennes:  le  principe  d'internationa- 
lité est  donc  subordonné  à  la  facilité,  et  doit  céder  devant  celte 
condition  suprême  :  or  celle-ci  e.xige  une  régularité  absolue,  non 
seulement  dans  la  granuuaire,  mais  dans  la  formation  des  mots', 
(.elte  n'gularité  a  un  autre  avantage,  la  fécondité:  car  elle  permet 
à  la  L.  I.  de  créer  tous  les  mots  dont  on  peut  avoir  besoin,  au 
lieu  de  les  emprunter  servilement  aux  langues  naturelles  (qui 
peuvent  en  manquer);  par  là,  elle  la  rend  relativement  indépen- 
dante de  celles-ci,  et  lui  donne  dans  une  certaine  mesure  les 
caractères  et  les  avantages  d'une  langue  vivante. 

(Juant  à  la  grammaire,  tout  le  monde  reconnaît  qu'elle  doit 

être  avant  tout  régulière.  Certains  auteurs  veulent  cependant  lui 

appliquer  le  principe  d'internationalité,  et  cherchent  des  flexions 

f     internationales.  C'est  là  une  recherche  qui  nous  parait  vaine. 

Les  grauMuaires  européennes  n'ont  guère  en  commun  que  les 


i.  Voir  les  discussions  du  Linguisl  (chnp.  xxiii). 

2.  Voir,  par  cxeinplo.  VAufflo-Franco. 

3.  Rappolons  que  cotait  l'opinion  de  Grimm  (p.  122). 

CouTURAT  et  Leau.  —   langue  univ.  33 


514  SECTION   III 

cadres  théoriques  ou  catégories,  et  non  les  formes  verbales  par 
lesquelles  ces  catégories  se  traduisent  pratiquement'.  On  ne 
peut  donc  pas  parler  d'une  morphologie  commune  aux  langues 
européennes^;  il  faut,  tout  en  leur  empruntant  autant  que  pos- 
sible les  éléments  grammaticaux,  en  régulariser  la  forme  et 
l'emploi.  De  môme,  pour  la  syntaxe,  qui  varie  tellement  d'une 
langue  à  l'autre  ■',  il  faut  s'inspirer  de  la  logique  bien  plutôt  que 
de  l'imitation  des  langues  naturelles,  qui  sendjlont  rivaliser  sur 
ce  point  en  anomalies  et  en  singularités.  En  un  mot,  dans  le 
domaine  de  la  grammaire,  la  logique  doit  l'emporter  sur  This- 
toire  ou  la  philologie,  et  l'a  priori  sur  Va  posteriori.  Notre  con- 
clusion sera,  en  définitive,  celle  de  M.  Renouvier  :  la  langue 
internationale  doit  être  empirique  par  son  vocabulaire,  et  philo- 
sophique (c'est-à-dire  rationnelle)  par  sa  grammaire. 


1.  Pour  donner  des  exemples,  elles  ont  toutes  un  pluriel  pour  le  sub- 
stantif, mais  elles  l'indiquent  différemment  (et  même  une  seule  lanjiuo  a 
plusieurs  marques  du  pluriel).  Elles  ont  toutes  à  peu  près  les  mêmes  lenips 
et  modes  principaux  pour  le  verbe,  niais  elles  les  forment,  non  seulement 
au  moyen  de  flexions  différentes,  mais  par  des  procédés  différents  (ex.  :  le 
futur,  que  les  unes  forment  avec  un  auxiliaire,  et  les  autres  avec  une 
flexion);  et  de  plus,  elles  les  emploient  différemment. 

2.  Aussi  ceux  qui  cbercbent  une  grammaire  internationale  aboutissent-ils, 
en  fait,  tout  au  plus  à  une  jrraminaire  inter-romane ,  comme  nous  l'avons 
vu  à  propos  du  Linguist  (p.  473). 

3.  Comparer,  par  exemple,  l'emploi  de  l'indicatif  et  du  subjonctif  en 
fran(,ais  et  en  allemand  :  l'allemand  emploie  l'indicatif  après  «  Pour  que  », 
et  le  subjonctif  après  »  On  dit  que  ». 


CHAPITRE  FINAL 


LES     LANGUES     MORTES 


Il  semble  que  l'idée  d'employer  comme  L.  I.  une  des  langues 
classiques  aurait  dû  se  présenter  la  première  :  mais,  en  fait,  c'est 
la  dernière  (jui  se  soit  fait  jour.  On  s'étonne  que  les  savants  du 
wu"  siècle,  qui  connaissaient  si  bien  le  latin  et  le  pratiquaient 
aussi  familièrement  que  leur  langue  maternelle,  n'aient  pas 
songé  à  en  faire  la  langue  internationale.  Cela  s'explique  par  ce 
fait  que.  comme  on  l'a  vii,  les  grands  esprits  de  ce  temps  conce- 
vaient la  langue  universelle  comme  devant  être  une  langue  logi- 
quement parfaite;  or  le  latin  était  presque  aussi  éloigné  de  cet 
idéal  que  toutes  les  langues  nationales.  C'est  ijounpioi  Lei»n;z, 
par  exemple,  ne  prenait  le  latin  (et  encore  un  latin  rectifié  et 
régularisé)  que  comme  un  intermédiaire  provisoire  entre  les 
langues  vivantes  et  la  langue  philosophique  qu'il  rêvait. 

11  a  donc  fallu  attendre  que  les  systèmes  a  posteriori  eussent 
familiarisé  les  esprits  avec  l'idée  que  la  L.  I.  devait  ressembler 
aux  langues  naturelles,  pour  (pie  l'on  eut  la  pensée  d'employer 
à  cette  fin  une  des  langues  classiques.  Quelques-uns  ont  préco- 
nisé le  grec;  cette  idée  devait  naturellement  naître  du  mouve- 
ment philhellène  qui  accompagna  et  produisit  l'affranchissement 
(le  la  (irèce,  et  du  renouvellement  des  études  grecques  qui  s'en 
suivit.  Elle  eut  pour  principal  avocat,  en  France,  l'helléniste 
Ciustave  d'EiCiiTH.VL  (entre  1870  et  1880).  Plus  récemment,  elle  a 
trouvé  des  partisans  dans  un  petit  groupe  d'hellénistes  alle- 
mands ',  au  moment  du  succès  du  Volopûk. 


1 .  Aug.  BoLTz  :  Hellenisch,  die  allgemeine  Gelehrtensprache  der  Zukunft 
I.cipziji-,  \V.  Friedrich,  1888).  —  Joli.  Flach  :  der  Hellenismits  drr  Zukunft. 
Kiii  Mnliinvort  (Lcipzip,  Friodricli,  1889).  —  Ludw.  Kihlenbeck  :  dos  Pro- 
Idem    einer    iiiternationaten    Gelehrtensprache    und  der   Hetlenismus    der 


516  CHAPITRE   FINAL 

Pour  montrer  qu'un  tel  projet  n'a  aucune  valeur  pratique  (et 
aucune  chance  de  réussir),  il  suffit  de  constater  que  l'on  ne 
propose  le  grec  que  comme  une  L.  1.  pour  les  savants.  Ainsi,  de 
l'aveu  même  de  ses  partisans,  il  ne  remplirait  qu'une  partie  des 
fonctions  que  l'on  a  le  droit  d'exiger  de  la  L.  1.  D'ailleurs,  tous 
les  arguments  qu'on  fait  valoir  contre  le  latin  valent  a  fortiori 
pour  le  grec,  attendu  que  sa  grammaire  est  encore  plus  difficile 
que  celle  du  latin,  que  son  alphabet  constitue  une  difficulté  de 
plus,  que  son  vocabulaire  est  bien  moins  international,  qu'il  est 
moins  bien  connu  et  beaucoup  moins  répandu,  enfin,  quon  a 
bien  moins  besoin  (dans  les  sciences)  de  lire  les  auteurs  grecs 
que  les  auteurs  latins.  Ajoutons  que  la  prononciation  du  grec  est 
au  moins  aussi  incertaine  que  celle  du  latin  :  la  prononciation 
érasmienne  est  barbare  et  n'a  aucune  valeur  historique;  et  la 
prononciation  moderne  est  insupportable  avec  son  iotacisme  et 
les  équivoques  sans  nombre  qu'il  produit  *. 

Mentionnons,  à  ce  propos,  le  projet,  tout  théorique,  de 
M.  DE  La  Grasserie  ^,  qui  voudrait  prendre  les  radicaux  grecs 
pour  éléments  d'une  langue  artificielle  à  grammaire  régulière. 
Un  tel  projet  serait  analogue  aux  «  néo-latins  »  que  nous  avons 
étudiés  dans  la  section  précédente;  et  il  serait  moins  interna- 
tional, parce  que  les  racines  grecques  sont  bien  moins  répan- 
dues dans  nos  langues  que  les  racines  latines. 

Aussi  est-ce  au  latin  que  tout  le  monde  pense  lorsqu'on  pro- 
pose de  ressusciter  une  langue  morte  pour  en  faire  la  L.  1.  Mais 
c'est  surtout  au  moment  du  succès  du  Volapûk,  ou  depuis  sa 
décadence,  que  certains  lettrés  se  sont  mis  à  préconiser  le  latin. 
D'une  part,  le  succès  du  Volapûk  leur  révélait  la  nécessité  et  la 
possibilité  d'une  langue  internationale;  et,  d'autre  part,  ils 
étaient  choqués  et  rebutés  par  le  caractère  arbitraire  et  la  phy- 
sionomie baroque  de  cette  langue  construite  sans  tenir  compte 
des  données  de  la  philologie  et  de  l'histoire.  Par  réaction  contre 
un  idiome  sans  élégance,  sans  littérature  et  sans  tradition,  ils 

Zukunft.  Ein    Sendschreiben    an    den    geistigen    Adel    deutscher    Nation 
(Leipzig,  Friedrich,  1889). 

1.  En  grec  moderne,  nous  et  vous,  notre  et  votre  se  prononcent  de  même! 
11  existe  un  journal  hebdomadaire  en  grec  moderne,  destiné  à  soutenir  la 
cause  de  la  langue  et  de  la  littérature  grecques  (classiques?).  C'est  VAtlantis 
(2-4,  Stone  street,  New- York  City,  U.  S.  A.). 

2.  De  la  possibilité  et  des  conditions  d'une  langue  internationale,  50  p. 
in-S"  (Paris,  Maisonneuve,  1892). 


LES   LANGUES   MORTES  517 

furent  amenés  à  penser  et  à  dire  que  le  latin  serait  plus  propre 
(|u"un<'  langue  forgée  de  toutes  pièces  à  jouer  le  rôle  de 
laiiiîue  intornationalo'.  Ainsi  se  produisirent  diverses  tentatives 
(toutes  iiilVuctu(niscs)  pour  propager  cell(;  idée  et  la  faire  triom- 
pher *. 

La  plus  intéressante  de  ces  tentatives  est  celle  de  M.  George 
Henoersdn,  laufcur  de  la  Lingua  et  de  Y  Anglo-Franca,  qui,  avec  un 
désintéressement  et  un  détachement  assez  rares,  subordonnant 
ses  projets  personnels  au  succès  de  Vidée,  entreprit  de  convertir 
ses  contemporains  à  la  cause  du  latin  '.  Il  lança  en  1890  un 
journal  intitulé  :  Phœnix  seu  Nunlius  latinus  interiiationoUs,  liiujux 
latinœ  ad  iisns  hodiernos  adhibendx  sicut  documenluin  edilus  '%  dans 
le(piel  il  proposait  la  fondation  d'une  «  Societas  linguam  uni- 
versaleni,  scienliaruni  ac  negotiorum  ancillam,  fundanlium  inter- 
nationalis  »,  et  où  il  publia  impartialement  les  opinions  de  ses 
correspondants,  les  critiques  comme  les  approbations.  Il  reçut 
les  adhésions  et  les  encouragements  d'un  petit  nombre  de 
savants  distingués  d'Angleterre,  de  France,  d'Amérique,  d'Alle- 
magne, etc.  »,  et  aussi  de  plusieurs  auteurs  de  langues  artifi- 
cielles (Laud.v,  Beermann,  J.  Lott;  Eichhorn  déclara  préférer  au 
latin...  l'anglais!). 

Mais  on  commença  à  se  diviser  sur  la  question  suivante  :  Quel 
latin  faut-il  adopter?  Les  uns  (.M.  V.h.  Hiciiet)  tenaient  pour  le  latin 
classique,  accru  seulement  de  mots  nouveaux.  Tel  était  notam- 
ment l'avis  de  M.  Carlo  Arrigo  Ulrichs,  qui  publiait  depuis 
mai  1889,  h  Aquila-des-Abruzzes,  un  journal  mensuel  en  latin 
mêlé  de  prose  et  de  vers,  intitulé /Uaucte,  et  en  qui  le  P/k^/ux  saluait 


1.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  M.  Paul  Lerov-Beaulieu,  dans  un  article 
intitulé  :  Uabandon  du  lutin  et  l'avènement  du  Volapilk  (ap.  L'Economiste 
français  du  i  août  1888),  montrait  qu'une  L.  I.  est  nécessaire  comme  Tunique 
remède  à  «  la  Tour  de  Babel  <|ui  s'élève  »,  et  concluait  par  l'alternative  : 
«  Volapilk  ou  latin  »,  avec  une  préférence  marquée  pour  le  latin. 

2.  Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  les  brochures  de  Le  Hir  (Langue 
auxiliaire  universelle  lettrée,  27  p.  in-8".  Paris,  1878)  et  de  Stirmhœfel 
{Neulatein  als  Weltsprache,  24  p.  in-8".  Berlin,  1884),  qui  sont  de  pures  et 
simples  divagations,  et  ne  méritent  pas  l'honneur  d'être  comptées  parmi 
les  projets,  même  théoriques,  de  langue  universelle. 

3.  Il  avait  déjà  publié  deu.\  lettres  eu  ce  sens  dans  Vlnterpretor. 

4.  Quatre  numéros  :  juillet  1890,  décembre    1890,  juin  1891,  avril  1892. 
3.  Parmi    les  Français  nous  citerons  :  MM.   Paul  Lerov-Beaixiec  (dont 

l'article  précité  parait  avoir  suggéré  à  M.  Henderson  sa  tentative);  Victor 
Egger,  a.  Collignon,  Julien  H.wet,  Charles  Hichet,  Maurice  Proc, 
Salomon  Reinach,  le  D'  Macé. 


518  CHAPITRE   FINAL 

un  précurseur*.  D'autres  (parmi  lesquels  M.  Henderson  lui- 
même)  proposaient  d'adopter  le  latin  du  moyen  âge  en  l'appro- 
priant aux  besoins  modernes.  M.  Henderson  conseillait  de  con- 
server la  grammaire  latine,  mais  de  ranger  les  mots  dans  un 
ordre  conforme  à  nos  habitudes  modernes,  et  d'adopter  les 
mots  internationaux  en  les  latinisant.  Dans  le  même  esprit,  on 
proposait  de  renoncer  au  style  cicéronicn,  aux  longues  périodes 
cultivées  dans  les  collèges,  et  d'adopter  hardiment  des  néolo- 
gismes  comme  nnio  postalis,  naves  vaporariœ,  ferrese  viœ  ordines 
(trains),  etc.,  que  Cicéron  lui-même  eût  admis,  s'il  fût  ressuscité 
de  nos  jours.  M.  Julien  Havet,  approuvant  M.  Henderson,  lui 
reprochait  d'être  infidèle  à  ses  propres  règles  en  faisant  du  titre 
même  de  la  Société  un  véritable  logogi'iphe  :  il  conseillait  de 
mettre  toujours  l'adjectif  après  le  substantif,  et  le  génitif  après 
le  mot  dont  il  dépend  ;  de  désigner  les  villes  et  pays  par  leur 
nom  national,  et  non  par  leur  nom  latin,  trop  souvent  mécon- 
naissable 2  ;  et  de  n'employer  en  latin  que  des  tournures  de 
phrases  qui  pussent  se  traduire  mot  à  mot  dans  une  langue 
moderne.  Enfin  il  proposait  pour  la  Société  le  titre  :  Societas 
Internationalis  Latinitatis  modernœ,  qui  fut  adopté.  Par  là  le  second 
parti  l'emportait;  il  était  entendu  qu'on  emploierait  les  mots 
latins  dans  leur  sens  moderne  (ex.  :  minister,  commissio,  Uberalis, 
protestans),  et  qu'on  latiniserait  les  mots  internationaux  (photo- 
graphia, téléphonas) .  On  se  rapprochait  ainsi  du  latin  «  culinaire  » 
réclamé  par  Beermann  et  par  d'autres  savants  (O.  Keller,  Salo- 
mon  Reinach),  qui  souhaitaient  que  les  Académies  slaves,  par 
exemple,  publiassent  leurs  travaux  en  un  latin  intelligible,  sinon 
cicéronien,  pour  les  mettre  à  la  portée  du  public  occidental.  En 
môme  temps,  on  le  mettait  en  pratique  en  rendant  compte,  en 
latin,  des  séances  de  VAcadémie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  de 
Paris  3. 

1.  Voici  un  spécimen  de  cette  poésie  latine  : 

«  Omni  mane  mihi  meam  cafeam 
Parva  macliinula  super  flagranti 
Spiritus  flamma  soleo  parare...  » 

2.  Exemples  :  New-York  =  Novum  Eboracum  ;  Rouen  =  Rothomagum  ; 
Le  Puy-en-Velay  =  Anicium;  Alcala-de-Hénarès  =  Complutum. 

3.  En  voici  quelques  échantillons  :  «  Ostendit  Georges  Perrot  effigies  pho- 
tographicas  signorum  sculptilium  œtatis  Romanee,  quœ  nuper  detexit  Albert 
Lebègue  apud  Martres-Tolosane  ».  —  «  Monuit  prœses  J.  Oppert  Acade- 
miam,  ob   reverentiam  festi   parasceues   sive  feriœ   sextœ    majoris    ante 


Lies    LANGUKS   MOHTKS  510 

Pour  montrer  (juc  le  latin  so  |)r(Ho  à  tous  los  jisaf?cs,  M.  IIen- 
DERSON  publiait  Postprandium,  plensantries  in  colloquial  latin,  par  le 
D'  (lonstantino  Stauder  ',  où  l'on  invorpiait  l'opinion  do  Lonl 
Duifcrin  sur  la  rùfonnc  nécessaire  de  l'enseignement  du  latin, 
et  où  l'on  donnait  (ce  qui  manquait  au  Phcenix)  des  règles  pra- 
tiques tle  prononciation  du  latin  (analogues  à  celles  de  l'italien). 
M«>me,  pour  prouver  les  qualités  pratiijues  et  commerciales  du 
latin,  et  lui  procurer  un  e  débouché  »  fructueux,  on  l'employait 
à  la  réclame  :  on  célébrait  en  latin  les  vertus  du  Pearsiiis  Sapo 
et  des  Pillulce  Beechamiae,  et  l'on  annonçait  :  «  Vélocipèdes 
bicyclo-foretici  et  tricyclo-foretici  duodecim  menstruis  ratibus 
venduntur.  » 

En  somme,  on  tendait  à  sacrifier  la  pureté  du  latin  classique 
pour  l'adapter  aux  besoins  modernes.  Mais  alors,  comme  le  fai- 
sait remarquer  un  partisan  du  Volapiik  (M.  Cari  Kaplaneck),  on 
faisait  du  latin  une  langue  artificielle  ((ui  serait  toujours  bien 
moins  régulière  que  le  Volapiik,  et  bien  plus  difficile  à  apprendre. 
Et  il  montrait  que  le  latin  ne  remplit  aucune  des  conditions 
d'une  langue  bien  faite,  qui  sont  :  1°  d'admettre  n'importe  quelle 
formation  de  mots,  et  de  lui  donner  un  sens  bien  déterminé; 
2°  de  distinguer  sans  ambigiiïté  les  cas,  les  nombres,  les  temps 
et  les  modes.  Enfin  M.  von  W.\ni.  (un  des  correspondants  du 
Linguisl)  trouvait  le  latin  beaucoup  trop  difficile  :  sur  tant  de 
jeunes  gens  qui  passent  neuf  ans  h  l'apprendre,  combien  en 
trouve-t-on  qui  puissent  l'écrire  correctement?  Combien  surtout 
qui  puissent  le  parler  couramment? 

(^)uoi  qu'il  en  soit,  le  Phœnix  échoua  dans  son  entreprise,  et, 
après  avoir  recueilli  les  approbations  [)latoni(iues  de  quehjues 
lettrés,  disparut  sans  avoir  réussi  s'»  organiser  la  Société  interna- 
tionale qu'il  proposait  de  fonder.  De  celte  expérience  M.  George 
Hendersox  a  retiré  la  conviction  que  le  latin  n'a  aucune  chance 
d'être  adopté  comme  langue  internationale;  même  par  le  monde 


Pnscham,  non  conscssurnm  die  27  Mnrtii...  •  —  «  Judicato  certamine,  quod 
indictiim  erat  •  de  Iraditione  bollorum  Medicoruni  -,  pr.Tmio  ordinario 
Academia'  ornatus  est  Ainôdée  Hauvctlo,  niagistor  conferonliarum  in  Facul- 
tate  litlerarum  Parisiens!.  •  —  -  Di.xit  Boissier  explorata  esse  n  Carton 
medico  legionario  et  Denis  locumtenente  rudera  urbiuin  Romanarum  in 
Tunisia.  • 

1.  •  Published  in  order  to  show  that  Latin  may  be  more  easily  and  more 
pleasantly  acquired  hy  Ireatinp  the  lanpuape  as  if  it  were  still  a  living 
longue,  llian  l)y  melbods  now  in  use  -,  dit  lo  sous-titre. 


520  CHAPITRE   FINAL 

savant,  c'est-à-dire  par  les  personnes  qui  le  connaissent  déjà*. 
Depuis  le  Phœnix,  plusieurs  journaux  latins  ont  été  fondés, 
dans  l'intention  de  favoriser  les  études  latines,  plutôt  que  dans 
celle  de  vulgariser  le  latin  et  d'en  faire  une  langue  universelle. 
L'un  est  le  Prœco  Latinus-,  journal  mensuel  publié  à  Philadel- 
phie depuis  1895;  il  a  cessé  de  paraître  en  septembre  1902,  ce 
qui  n'est  pas,  apparemment,  la  marque  d'un  grand  succès.  On 
y  emploie  le  latin  le  plus  classique;  en  l'ouvrant  au  hasard  nous 
tombons  sur  le  membre  de  phrase  suivant  :  «  quod  quidem 
infitias  haud  facile  ibitur...  »,  et  nous  nous  demandons  combien 
d'années  il  faut  avoir  passé  sur  les  bancs  pour  connaître  et  com- 
prendre cette  périphrase  alambiquée  ^  Ce  n'est  certes  pas  avec 
de  pareilles  élégances  qu'on  fera  du  latin  une  langue  facile  et 
pratique.  Plus  bas,  on  demande  pardon  pour  le  barbarisme  : 
«  publicitas  »  ;  on  met  en  italiques  l'adjectif  arislocraticus;  mais  on 
emploie  sans  vergogne  le  mot  millionarias.  On  puljlie  des  traduc- 
tions latines  de  VAlceste  d'Euripide  et  de  Vlmitation  *,  ce  qui 
n'est  peut-être  pas  très  propre  à  montrer  comment  le  latin  peut 
s'appliquer  à  l'expression  des  idées  modernes.  Ce  que  nous  trou- 
vons de  plus  probant  à  cet  égard,  ce  sont  les  annonces,  dont  voici 
un  spécimen  :  «  Piloi  Stetsoniani  capillacei  coactiles  sunt  prœ- 
stantissimi  omnium,  qui  usquam  in  orbe  fiunt  ■'  »  ou  bien,  pour 
un  «  Typoscriptorium  »  (machine  à  écrire)  :  «  Machiinda  quœque 
scribit  typis  specie  diversis  variisque  linguis.  Proxcnetac  in 
cunctis  urbibus  mundi  prœcipuis.  Velis  cataloguni  plénum 
petere;  subnecte  pittacium  u  lib.  pro  mappa  orbis  scitissima  ». 


1.  Voir  sa  brochure  :  Phœnix,  and  Ihe  revival  of  Latin  as  the  international 
lanquaqe  (1902).  Dans  l'article  où  il  proposait  son  Latinesce,  M.  llendcrson 
écrivait,  dans  cette  langue  même  :  •<  I  Latine  Lingue  esse  ni  mis  difficile. 
Post  decem  annes  de  studere,  pauces  discipulcs  pote,  aut  légère  facile,  aut 
scribere  accurate,  aut  loquere  aiiquantulum  i  Latine  Lingue  »  (1901). 

2.  Prœco  Lalinus,  Folia  Gentium  Lalina  Menstnia  Litteraria  ac  Critica, 
ad  propagandiim  Sermonem  Latinum,  necnon  ad  fovenduia  Lilteras  Latinas. 
2307,  Green  Str.  Philadelphia.  U.  S.  A. 

3.  Pour  faire  comprendre  la  préciosité  de  cette  expression  «  infltias  ire  » 
à  ceux  qui  ne  savent  pas  le  latin,  on  peut  la  comparer  à  la  locution  fran- 
çaise :  «  s'inscrire  en  faux  »  employée  au  figuré  pour  dire  «  contester  »  ou 
«  nier  ».  Ajoutons  que,  bien  que  le  verbe  ii'e  soit  neutre,  cette  locution 
forme  un  verbe  actif  qui  est  mis  ici  au  passif,  parce  que  le  latin  manque 
du  mot  on.  Ce  membre  de  phrase  veut  donc  dire  simplement  :  «  ce  qu'on 
ne  niera  pas  ». 

4.  On  ne  trouve  donc  pas  le  latin  de  Vlmitation  suffisamment  classique. 

5.  Le  lecteur  a  deviné  qu'il  s'agit  de  chapeaux  de  feutre. 


LES   LANGIES   MORTES  521 

Un  aulro  journal  latin  ost  la  Vax  Lrbis,  publiée  à  Homo  depuis 
1898  par  le  chevalier  Aristide  Leonori  •.  C'est  une  revue  littéraire 
et  artisli(ni('  illustrée,  réditiréo  dans  \o  latin  lo  plus  classique;  on 
y  public  des  poésies  latines,  notamment  le  C'arme/i  sœculare  du 
pape  Léon  XIII.  La  partie  la  plus  intéressante,  à  notre  point  de 
vue,  est  ce  qu'on  peut  appeler  les  Faits  divers  :  «  Hélium  Trans- 
vaalianum,  Hocrorum  prudia;  Sinensis  signata  pax,  »  etc.  On  y 
trouve  une  description  de  la  (irande  Houe  de  Chicago;  on  y 
parle  d'electrica  lux,  c\o  ferren  via;  un  cuirassé  s'y  appelle  loricata 
navis,  une  locomotive  ciirrus  vaporiveha,  une  bicyclette  biroia  velo- 
cissinia,  un  roman  {Quo  vadis?)  une  fabula  Milesia,  un  aérostat 
aereothrenuin,  et  un  mandat-poste  :  diribitoria  chartula  (qui  l'eût 
deviné?),  l'n  million  se  dit,  en  pur  latin  :  decies  centena  millia; 
nous  ne  savons  pas  comment  on  dit  «  un  millionnaire,  »  mais 
nous  trouvons  «  triliones  »  entre  guillemets.  Un  général  s'appelle 
miliUiin  tribunus.  Pour  les  noms  propres,  il  n'y  a  pas  de  règle  : 
tantôt  on  les  latinise,  tantôt  on  les  transcrit  littéralement:  à 
côté  do  «  Brissonius  »,  on  trouve  le  général  «  André  »,  qu'il 
était  si  facile  et  si  tentant  d'appeler  «  Andréas  »,  et  *  Wal- 
deckius-Rousseau  »,  qiii  concilie  les  deux  systèmes  ^.  Mais  le 
plus  admirable  est  la  périphrase  employée  pour  désigner  le 
ministre  de  l'instruction  publique  de  France  :  «  qui  hodio  ado- 
Icscontibus  erudicndis  publiée  in  Gallia  praîest,  cognomine 
Aqueus.  »  Heureusement  pour  le  lecteur,  on  a  ajouté  entre 
parenthèses  :  «  Gallice  Leyguos'  ».  Ailleurs,  on  risque  des  néo- 
logismes  hardis,  comme  telescopium,  oceanog raphia,  ors  photogra- 

1.  Vox  Urbis,  de  lilteris  et  bonis  artibus  commentarius  (Bis  in  mense 
prodit).  Via  Alossnndrinn,  87,  Roinn. 

2.  S'il  pnrnit  cho(iuant  do  Inlinisor  ios  noms  propres,  il  y  a  inconvénient 
à  no  pas  le  faire,  car  alors  on  ne  peut  plus  les  décliner,  et  l'on  ignore  leur 
rôle  dans  la  phrase.  On  tourne  la  diflltulté  au  moyen  d'un  nom  commun 
en  apposition  (E.x.  :  •  Loubet  pra'sidis  de  Sinensibus  rébus  oratio  •),  mais 
rien  n'indicpie  formellement  ([ue  pr.rsidis  se  rapporte  à  Loubet,  et  dans 
d'autres  phrases  cette  construction  pourrait  être  équivoque. 

3.  Il  faut  savoir  qu'en  langue  d'oc  le  mot  aqun  {eau)  est  devenu  ai/gue 
(d'où  aif)tii''re).  Le  mémo  personnage  a  été  désigné  comme  suit  par 
M.  AuTioui  dans  un  discours  latin  distribué  (mais  non  lu)  au  Congrès  inter- 
national talin  (15  avril  190.3)  :  «  Summus  roi  Gallorum  lileraria'  moderator  ». 
Celte  périphrase,  véritable  énigme  pour  quiconque  ne  sait  pas  déjà  de  qui 
il  s'agit,  prouve  à  quel  point  certains  partisans  du  latin  ont  peu  conscience 
des  conditions  pratiques  de  la  L.  I.  Si  \'oi\  veut  que  le  latin  devienne  langue 
universelle,  il  faut  dire  tout  simplement  :  •  minister  inslructionis  publicic 
in  Franci/i  »  (cL  p.  518).  On  remarquera  (|u'il  n'y  a  pas  un  mot  de  com- 
mun entre  cette  expression  et  celle  quo  nous  venons  de  citer. 


o22  CHAPITRE   FINAL 

phica.  Mais,  malgré  cela,  les  articles  consacrés  aux  actualités 
restent  trop  souvent  de  véritables  logogriphes,  surtout  à  cause 
de  la  construction  élégamment  compliquée  des  phrases  '. 

Pour  joindre  le  pi'écepte  à  l'exemple,  la  Vox  Urbis  publie  Lol- 
lius,  sive  de  proveda  latinitale,  de  P.  Angelini,  où  sont  traitées  les 
questions  de  latinité.  On  y  apprend  que  V adjectif  philosophicus  et 
l'adverbe  yj/ii/osop/itce  ne  sont  pas  de  Cicéron;  et  que,  pour  suivre 
l'exemple  de  l'orateur  romain,  on  doit  éviter  d'employer  des 
mots  grecs  pour  tout  ce  qu'on  peut  dire  en  latin,  Ainsi  au  lieu 
de  geographia,  Cicéron  dit  :  «  terrarum  descriptio  *  ;  au  lieu  de 
physicus  :  «  speculator  venatorque  naturœ  »  ^.  De  même,  on  ne 
doit  pas  dire  thesis,  mais  res  proposila;  idea,  mais  notio,  species  ou 
forma;  sysfema  ou  methodiis,  mais  ratio,  disciplina,  via;  politicum, 
mais  «  quod  ad  rempublicam,  ad  civitatem  pertinet  »:  œconomia, 
mais  «  rei  familiaris  administratio,  dispensatio,  cura  »;  anarchia, 
mais  «  eorum  doctrina  qui  nullum  esse  regimen  civitatis 
volunt  ».  Un  autre  puriste,  M.  Tasset,  prétend  qu'on  peut  tout 
dire  en  termes  cicéroniens,  et  préfère  fulguralis  à  electricus;  mais 
il  ne  dit  pas  si  l'on  traduira  électricité  psivfalgur  (ce  qui  serait  équi- 
voque). Enfin,  la  Vox  Urbis  pousse  la  timidité  jusqu'à  imprimer 
en  italiques  le  mot  internationalis,  comme  pour  demander  pardon 
de  ce  barbarisme. 

Reste  à  savoir  si  ce  purisme  est  un  bon  moyen  de  restaurer  le 
latin  et  d'en  faire  la  langue  universelle,  même  des  savants  seu- 
lement '.  A  vrai  dire,  il  nous  paraît  contraire  à  l'utilité  primor- 
diale de  tout  langage;  car  les  mots  ont  été  inventés,  en  somme, 
pour  tenir  lieu  des  définitions,  tandis  que  ce  style  soi-disant 
cicéronien  remplace  chaque  mot  par  une  périphrase  à  la  Delille. 
On  ne  voit  pas  de  telles  périphrases  employées  dans  un  journal 


1.  Voici,  par  exemple,  comment  on  exprime  une  grève  de  cochers  : 
«  desertio  rœdariorum  curribus  equorum  aut  electridis  vi  actis  addictorum  », 
et  comment  on  décrit  un  déraillement  :  «  Curruum  séries...  e  ferreis  axibus, 
quibus,  vapore  acta,  velocissime  procedebat,  egressa,  in  duas  partes  divisa 
est,  quarum  una  rapide  per  declivium  processit,  et  in  alios  currus  viatorum 
pleRos  impulsa,  neces  plures  comparavit.  Nec  hominum  mala  hac  morte 
mulctatorum  numerus  recognosci  potuit,  cum  ignis  rabies,  ex  vaporivehœ 
cortinœ  abruptione,  eos  adussisset.  » 

2.  Cf.  les  périphrases  de  pyroballum  et  d'aeronaula,  citées  p.  74,  note  1. 

3.  Cf.  G.  Elpi,  La  lingua  universale  (Rome,  1900).  Mentionnons  un  autre 
journal  latin  dont  nous  ne  connaissons  que  le  titre  :  Civis  Romanus,  orbis 
litterarum  Romanarum  necnon  epistolario  latine  commercio  adjumentum, 
publié  par  \V.  Lomatsgh,  à  Limbach  (Saxe). 


LES   LANGUES  MORTES  523 

pour  annoncer  l'arrcslalion  duii  anarchiste,  ou  dans  une  affiche 
universitaire  pour  désigner  les  professeurs  de  physique,  de  géo- 
graphie ou  d'économie  polili(|no.  Au  fond,  ces  prétendues  éh'- 
ganccs  ressemblent  étrangement  aux  périphrases  naïves  et 
compliquées  des  sauvages  ou  du  pidgin  emjlish  *,  et  il  est  curieux 
de  constater  que  les  extrêmes  se  touchent,  la  langue  barbare  et 
la  langue  raftiiiée  2. 

Enfin,  nous  devons  parler  d'une  tentative  intéressante  qui  s'est 
produite  récemment  à  Berlin,  bien  qu'elle  n'ait  pas  pour  but 
principal  la  langue  universelle.  Le  Verein  lîerliner  llochschullchrer 
(Union  des  professeurs  d'écoles  supérieures  de  Berlin)  a  fondé 
des  cours  populaires  de  latin,  à  l'usage  des  adultes  désireux 
d'acquérir  rapidement  une  teinture  suffisante  pour  pouvoir  lire 
et  comprendre  quelques  mots  ou  quelques  lignes  de  latin.  La 
méthode,  toute  pratique,  consiste  à  lire  et  à  analyser  des  textes 
d'exercice,  et  à  apprendre  ainsi  par  l'exemple  les  déclinaisons, 
les  conjugaisons  et  les  règles  de  grammaire  et  de  syntaxe.  On 
arrive  ainsi,  paraît-il,  en  peu  de  mois  à  déchiffrer  les  Commen- 
taires de  César.  Les  cours  ont  été  suivis  par  un  public  assez 
nombreux,  composé  surtout  d'ouvriers  et  d'employés. 

Ils  ont  été  inaugurés  le  6  novembre  1900  par  une  conférence 
très  intéressante  du  Prof.  Hermann  Diels,  membre  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  de  Berlin,  «  sur  l'importance  du  latin  pour 
notre  peuple  et  notre  temps  ^  ».  L'illustre  philologue  a  fait  res- 
sortir, avec  une  compétence  et  une  autorité  particulières,  tout 
ce  que  la  langue  allemande  et  l'esprit  allemand  doivent  à  la 
civilisation  romaine,  et  par  suite  à  la  langue  latine  .jusqu'en  1900 
(promulgation  du  Code  civil  allemand)  l'Allemagne  a  vécu  sous 
le  régime  du  Droit  romain  (du  Corpus  juris  de  Ju.stinien),  d'où 
l'infiltration  d'innombrables  expressions  latines  dans  la  langue 
juridique,   politique,   administrative  *.    Les  principaux  monu- 


1.  Voir  la  Critique  générale  des  Systèmes  mixtes  (p.  236). 

2.  De  même,  dnns  un  article  de  The  World's  Work  (juillet  19a3,  p.  195), 
M.  Tighe  Hopki.ns  rapproche  la  périphrase  de  bici/clette  dans  le  latin  de  la 
Vox  Urbis  de  la  périphrase  de  télégramme  en  gaélique  :  story-on-top-of-a- 
stick  (litt.  :  nouvelle  sur  le  haut  d'un  bùton). 

3.  Volkslalein.  Vorwort  zu  Dr.  R.  llelms  Uebungsbuch  filr  volkstilmliche 
Vortragskurse,  und  Vortrag  «  Ueber  die  Bedeutung  des  Lateins  fur  unser 
Volk  und  unsre  Zeil  »  von  Prof.  Hermann  Diels  (Leipzig,  Teubner,  1901). 

4.  On  peut  en  dire  autant  pour  l'Angleterre,  où  l'on  plaide  versus  (contre) 
quelqu'un,  et  où  l'on  s'abonne  aux  journaux  per  annum. 


524  CHAPITRE   FINAL 

ments  de  Berlin  sont  couverts  d'inscriptions  latines,  et  les  locu- 
tions latines  abondent  même  dans  le  langage  familier;  on  ne 
peut  pas  trinquer  sans  dire  :  Prosit,  ni  fêter  quelqu'un  sans  crier  : 
Vivat.  Non  seulement  l'allemand  emprunte  au  latin  un  grand 
nombre  de  mots  savants  intraduisibles  (comme  sabjectiv  et  objec- 
tiv,  reladv  et  absolut,  Idealismiis  et  Materialismus),  mais  il  contient 
dans  son  vocabulaire  le  plus  ancien  et  le  plus  populaire  des 
radicaux  latins  [Vater,  Wein,  Keller,  Fenster,  Kammer,  Kôrper, 
Mauer,  Schreiben,  etc.).  Même  les  mots  d'empire  [Reich)  et  d'empe- 
reur {Kaiser)  sont  d'origine  latine  (celui-ci  est  la  transcription 
phonétique  de  Cœsar,  antérieure  au  vi°  siècle).  Tout  cela  prouve 
à  quel  point  rallemand  est  imprégné  d'éléments  latins. 

Il  en  résulte  que  la  langue  allemande,  môme  la  plus  courante, 
est  remplie  de  mots  d'origine  latine  :  dans  un  article  du  journal 
populaire  (socialiste)  Vonvàrts,  pris  au  hasard,  M.  Diels  relève 
les  mots  :  Militàroperationen  (qu'on  ne  peut  pas  traduire  par  krie- 
gerische  Handlangen),  Konkurrent,  Coalition,  Organisation,  Invasion, 
Dimension,  Republik,  Armée,  Révolution,  Diplomat,  Consul,  Méthode,  etc. 
Il  proteste,  à  ce  propos,  contre  la  guerre  faite  en  Allemagne 
aux  «  mots  étrangers  »,  c'est-à-dire,  le  plus  souvent,'  à  ces  mots 
de  source  latine  qui  sont  en  quelque  sorte  les  titres  de  noblesse 
de  la  civilisation  allemande  et  les  traces  de  son  origine  romaine. 
Les  efforts  faits  pour  les  remplacer  par  des  équivalents  alle- 
mands artificiellement  formés  sont,  à  ses  yeux,  «  une  sorte  de 
falsification  »,  qu'il  compare  à  l'action  de  démarquer  l'origine 
des  produits  K  D'ailleurs,  comme  on  l'a  vu,  les  équivalents  sont 
souvent  inexacts,  et  parfois  même  font  totalement  défaut. 

De  tout  cela  M.  Diels  conclut  qu'un  Allemand  ne  peut  savoir 
sa  langue,  et  comprendre  l'histoire  et  les  institutions  de  son 
pays,  que  s'il  connaît  le  latin.  La  connaissance  du  latin  est  utile, 
sinon  indispensable,  à  tous  ceux  qui  cultivent,  non  seulement  la 
philosophie,  l'histoire  ou  le  droit,  mais  encore  les  sciences  natu- 
relles :  la  Pharmacopœa  germanica  est  rédigée  en  latin,  ainsi  que 
les  ordonnances  des  médecins;  et  le  botaniste  apprend  à 
nommer  les  plantes  en  latin.  C'est  ainsi  que  des  personnes  qui 
n'ont  pas  reçu  l'instruction  classique  peuvent  éprouver  le 
besoin,  soit  pour  leur  culture  d'esprit,  soit  même  pour  leur 


1.  L'auteur  rappelle  que  Charlemagne  avait  déjà  essayé,  mais  en  vain, 
de  remplacer  les  noms  des  mois  latins  par  des  noms  germaniques. 


LES  LANGUES   MORTES  525 

profession,  d'acquérir  (iu<^l(|urs  notions  de  latin.  C'est  précisé- 
ment à  elles  que  sont  destinés  ces  cours  populaires  de  latin. 
M.  DiELS  déplore  que  le  latin  sf)it  une  sorte  de  privilège  aristo- 
cratique, et  établisse  une  l)arri«''re  entre  les  classes  de  la  société. 
Mais,  tandis  que  des  réformateurs  veulent  le  remplacer  par  des 
études  exclusivement  «  réelles  »  et  utilitaires,  l'auteur,  qui  y 
voit  le  palladium  de  toute  culture  élevée,  voudrait  au  contraire 
populariser  les  humanités  et  en  étendre  les  bienfaits  aux  classes 
(pii  en  sont  jusqu'ici  privées. 

On  ne  peut  que  rendre  hommage  à  la  largeur  et  à  la  généro- 
sité de  ces  vues,  dont  la  portée  n'est  pas  restreinte  à  l'Allemagne; 
car  dans  tous  les  pays  les  humanités  traversent  une  crise,  par 
suite  de  la  concurrence  de  renseignement  «  moderne  »,  et  surtout, 
remarquons-le  en  passant,  des  langues  vivantes,  dont  on  reconnaît 
de  pins  en  plus  l'utilité  pratique  pour  les  relations  internatio- 
nales. Seulement,  si  l'on  recommande  l'étude  du  latin,  ce  n'est 
pas,  comme  on  voit,  h  titre  de  langue  universelle,  mais  à  titre 
d'instrument  de  culture  intellectuelle  •  et  pour  des  raisons  péda- 
g<)gi(iurs  et  sociales  m/rn-nationales.  C'est  ailleurs  (pie  M.  Diels 
a  préconisé  le  latin  comme  «  la  plus  simple  et  la  meilleure  des 
langues  universelles  '  »,  en  vertu  des  mômes  considérations 
Iiislori«pies,  à  savoir  que  la  civilisation  romaine  est  la  mère  et 
la  nourrice  de  la  civilisation  européenne.  Il  ajoute  :  «  L'empire 
romain  est  mort,  aucune  pensée  politique  ne  s'attache  plus  à  sa 
langue.  KUe  est  donc  un  moyen  de  communication  neutre. 
comme  il  n'y  en  a  pas  un  second.  »  L'auteur  paraît  admettre  la 
nécessité  et  la  possibilité  de  simplifier  et  de  moderniser  le  latin 
pour  le  rendre  plus  accessible  et  plus  maniable;  mais  on  peut 
douter  qu'il  fasse  beaucoup  de  concessions  sur  ce  point,  quand 
on  le  voit  qualifier  de  néo-latin  la  langue  classique  du  Prxco 
Latinus  et  de  la  Vox  Urbis.  De  i)lus,  on  ne  peut  s'empêcher  de 
remarquer  ré(]uivoque  ou  l'illusion  que  recèle  le  mot  môme  de 
Volkslatein  :  les  cours  de  M.  Helms  ne  sont  pas  des  cours  de  latin 
populaire,  mais  des  cours  populaires  de  latin  classique,  ce  qui  est 
bien  différent.  On  y  apprend  à  lire  César;  or  le  latin  populaire 


1.  M.  Diels  va  jusqu'à  dire  (juo  «  l'enseignement  du  latin  vaut  un  cours 
de  logiciuo  •'. 

2.  Das  l'robloin  der  Weltsprache,  ap.  Deutsche  Revue,  janvier  1901. 
Cf.  Ueber  Leil)niz  und  das  Problem  der  Universalsprache,  np.  Sitzunr/she- 
richte  der  k.  pr.  Akademie  der  Wissensc/iaflcn  zu  Berlin  (29  juin  1899). 


526  CHAPITRE   FINAL 

n'est  pas  le  latin  de  César,  mais  le  latin  que  parlaient  ses  légion- 
naires, et  qu  ils  ont  appris  à  nos  aïeux  :  le  latin  où  l'on  disait 
caballus  au  lieu  d'equus,  bellus  au  lieu  de  pulcher,  et  ainsi  de  suite. 
D'un  autre  côté,  M.  Valdarnini,  professeur  de  l'Université  de 
Bologne,  recommande  le  latin  comme  langue  universelle,  pour 
deux  sortes  de  raisons  :  des  raisons  historiques  propres  à  l'Italie 
(souvenir  de  l'empire  romain),  qui,  si  elles  avaient  une  valeur 
réelle,  contrediraient  la  nentralité  que  M.  Diels  attribue  au  latin; 
et  des  raisons  pédagogiques  :  l'adoption  du  latin  comme  langue 
universelle  serait  le  meilleur  moyen  de  remédier  au  surmenage 
intellectuel  et  à  la  surcharge  des  programmes  de  l'enseignement 
secondaire,  et  de  faire  cesser  le  conflit  des  études  classiques  et 
des  études  modernes  ^  Seulement,  c'est  exactement  pour  les 
mêmes  raisons  que  M.  Ernest  Naville  préconise  l'adoption  d'une 
langue  internationale  artificielle,  et  spécialement  de  VEsperanto  : 
car  l'étude  d'une  langue  aussi  facile  permettrait  de  consacrer 
plus  de  temps  aux  langues  classiques,  et  les  délivrerait  de  la 
concurrence  utilitaire  des  langues  vivantes*. 


Critique. 

Les  partisans  du  latin  font  valoir  en  sa  faveur  une  foule 
d'arguments  d'ordre  historique.  Le  latin  a  été  au  moyen  âge, 
et  est  resté  jusqu'au  xviii<=  siècle,  la  langue  internationale  des 
savants  :  et  même  au  xi.x"  siècle,  Gauss  et  Jacobi  écrivaient 
encore  leurs  mémoires  de  mathématiques  en  latin.  Malheureu- 
sement presque  tous  les  faits  allégués  appartiennent  au  passé  : 
en  France,  on  faisait  encore  les  cours  de  philosophie  en  latin 
vers  1830;  en  Hongrie,  on  parlait  encore  en  latin  vers  1848 
(mais  aujourd'hui  on  ne  le  parle  plus  du  tout);  en  Italie,  il  n'y  a 
pas  longtemps  encore  qu'on  faisait  les  cours  de  médecine  en 
latin;  chez  nous,  il  y  a  trente  ans,  on  faisait  encoi^e  des  dis- 
cours latins  dans  certaines  cérémonies  officielles;  et  ainsi  de 
suite.  Dans  toutes  ces  constatations,  l'adverbe  encore  revient 
sans   cesse,   de   sorte   que    l'éloge   du   latin   ressemble  à   une 

1.  Angelo  Valdarnini  :  Il  sovraccarico  délia  mente  e  lo  studio  d'Htm 
lingua  internazionale  (Asti,  1900). 

2.  E.  Naville,  La  Langue  internationale,  mémoire  présenté  à  rAcadémie 
des  sciences  morales  et  politiques  (janvier  1899). 


LES  LANGUES  MORTES  527 

(>rais(»n  Innrhre.  «  On  soutenait  autrefois  en  lalin  1rs  Ih^scs 
«le  (locloral  »;  sans  doulr,  mais  cola  ne  se  fait  plus,  cl  pour 
cause.  Les  thèses  elles-mêmes  étaient  autrefois  en  latin  :  on  y  a 
renoncé  dans  les  Facultés  de  droit,  de  médecine  et  de  sciences; 
cl  si  une  thèse  latine  est  encore  exigée  au  doctorat  es  lettres,  la 
plupart  des  Facultés  des  Lettres  françaises  demandent  (luon  la 
supprime,  ou  tout  au  moins  qu'on  la  rende  facultative'.  Tous 
les  faits  qu'invoquent  les  partisans  du  latin  ne  prouvent  dfm<-. 
pas  sa  vitalité  persistante,  mais  hien  plutôt  sa  décadence  pro- 
gressive, fatale  et  irrémédiable,  dans  tous  les  doniaint>s  et  dans 
tous  les  pays. 

Sans  doute,  il  est  permis  de  regretter  le  temps  où  dans  toutes 
les  Universités  d'Europe  les  cours  se  faisaient  en  latin,  de  sorte 
(ju'un  étudiant  pouvait,  sans  être  dépaysé,  suivre  successive- 
ment les  leçons  de  maîtres  célèbres  de  différents  pays.  Mais, 
qu'on  le  regrette  ou  non,  ce  temps  n'est  plus,  et  l'enseignement 
se  donne  et  continuera  vraisemblablement  à  se  donner  dans  la 
langue  nationale  ou  maternelle.  Le  latin  ne  réussira  pas  plus 
([u'une  langue  artilicielle  à  restaurer  l'unité  de  langue  parmi 
les  savants.  Ceux  qui  le  révent  caressent  la  chimère  d'une  langue 
universelle  pour  le  inonde  savant,  et  ce  n'est  pas  cette  chimère, 
nous  le  déclarons  nettement,  «jue  nous  poursuivons  à  présent. 

On  pe»it  du  moins  désirer  que  le  latin  redevienne  la  langue 
de  la  correspondance  et  des  publications  scientifiques;  on 
espèn*  ainsi  renouer  la  tradition  naguère  interronq)ue.  Puisque, 
(lit-on.  les  savants  sont  obligés  de  savoir  le  latin  pour  pouvoir 
lire  les  univivs  des  maîtres  des  siècles  antérieurs,  pourcjuoi  ne 
|)rolileraient-ils  pas  de  cette  connaissance  pour  publier  à  leur 
tour  leurs  travaux  dans  cette  langue,  et  s'en  servir  dans  les 
coniples-rcndus  officiels  des  Académies,  les  revues  scientifi- 
cpics.  etc.?  On  oublie  que  les  savants  sont  de  moins  en  moins 
obligés  de  savoir  le  latin,  à  mesure  qu'on  s'éloigne  du  temps  où 
le  latin  était  l'unique  langue  scielitilîque.  Les  sciences  mathé- 
matiques et  naturelles  font  des  piogrès  si  rapitles,  que  l'on  ne 
peut  les  apprendre  que  dans  des  ouvrages  qui  datent  de  moins 
(le  vingt  ans,  et  (jui,  par  conséquent,  sont  tous  en  langue  natio- 
nale. On  n'a  plus  besoin  de  se  reporter  aux  œuvres  des  maîtres 

t.  Voir  l'ic.vvET,  La  thèse  latine  et  le  doctorat  es  lettres,  np.  Reçue  inter- 
nationale de  renseignement  (13  mai  1903).  —  /'.  5.  Un  décrot  du  28  juil- 
icl  1003  vient  de  rendre  facultatif  femploi  du  lalin  pour  la  seconde  tlièse. 


528  CHAPITRE   FINAL 

(dont  la  substance  a  d'ailleurs  passé  dans  les  cours  et  les 
manuels),  à  moins  qu'on  ne  soit  un  historien  et  un  érudit.  Or 
c'est  là  un  cas  tellement  rare  parmi  les  savants,  qu'on  n'a  pas 
à  en  tenir  compte.  Il  ne  serait  ni  juste  ni  raisonnable  que,  pour 
permettre  à  quelques  érudits  de  lire  Leibniz  ou  Newton  dans  le 
texte  original;  on  astreignît  tous  les  savants  à  l'usage  du  latin. 
Ces  érudits  pourront  toujours  apprendre  le  latin  (comme  le 
grec),  s'ils  en  ont  le  besoin  et  le  goût;  les  autres  se  contente- 
ront de  la  science  contemporaine,  ou,  s'ils  ont  par  hasard  à  lire 
un  ancien,  ils  le  liront  dans  une  traduction.  Supposé  qu'on 
adopte  une  langue  artificielle,  on  n'aura  qu'à  traduire  dans 
cette  langue  toutes  les  grandes  œuvres  classiques  pour  les 
mettre  à  la  portée  du  public  scientifique  de  tous  les  pays,  et 
l'on  ne  peut  comparer  l'étendue  finie  et  même  très  limitée  de 
ces  reliques  (si  précieuses  qu'elles  soient)  à  la  masse  toujours 
croissante  des  productions  contemporaines.  Il  serait  contraire 
au  bon  sens  de  subordonner  celles-ci  à  celles-là,  et  de  sacrifier 
l'avenir  au  passé. 

Ajoutons  à  cela  qu'il  n'y  a  aucune  comparaison  eptre  la  con- 
naissance du  latin  qui  suffit  pour  lire  les  œuvres  scientifiques 
écrites  en  cette  langue,  et  celle  qui  serait  nécessaire  pour  écrire 
et  même  converser  en  latin .  On  assure  que  les  cours  popu- 
laires de  latin  mettent  en  quelques  mois  en  mesure  de  lire 
César;  mais  combien  d'années  d'études  faudrait- il  pour  pouvoir 
écrire  et  parler,  nous  ne  disons  pas  comme  César,  mais  cor- 
rectement"? On  nous  dit  :  Pourquoi  chercher  une  langue  inter- 
nationale autre  que  cette  langue  que  l'on  enseigne  dans  les 
écoles  secondaires  de  tous  les  pays,  et  que  tous  les  hommes 
cultivés  ont  apprise?  Mais  cet  argument  se  retourne  contre 
ceux  qui  l'emploient  :  Comment!  voilà  une  langue  qu'on 
enseigne  dans  tous  les  pays,  que  tous  les  hommes  instruits  sont 
censés  savoir,  et  ils  ne  s'en  servent  pas  dans  leurs  relations 
internationales!  C'est  qu'en  réalité  presque  personne  ne  la 
possède  assez  bien  pour  s'en  servir  pratiquement.  Aussi  l'on  cite 
comme  des  prodiges  les  rares  savants  contemporains  capables 
de  parler  latin;  mais  ces  illustres  exceptions  ne  font  que  con- 
firmer la  règle  '.  Enfin,  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  partisans 


1.  On  raconte  sans  cesse,  comme  un  fait  extraordinaire  (et  probablement 
unique),  qu'au  Congrès  de  médecine  de  Berlin  les  Professeurs  Virchow  et 


LES   LANGUES  MORTES  529 

du  latin  no  pensent  (luaux  savants,  et  nrgligonf  ainsi  los 
99/100  tU's  prrsoinios  inkh'cssrcs  à  l'emploi  d'nne  langnc  intor- 
nationalo. 

C.ar  foule  la  question  est  une  question  pi'atitpie.  (Juels  que 
soient  les  mérites  et  les  avantai,'<'s  du  latin  (t(iRî  nous  ne  con- 
testons nullement),  c'est  une  langue  beaucoup  trop  difficile  et 
trop  lontrne  iH  apprendre.  Il  ne  faut  pas  se  lasser  de  le  ré|)<''ter  : 
l'élite  de  la  jeunesse  passe  neuf  ans  à  étudier  le  latin  et  al>outit 
à  l'écrire  péniblement,  à  coups  de  dictionnaire,  et  pas  toujours 
correctement.  A  plus  forte  raison  n'est-elle  pas  en  état  de  le 
parler.  Aussi  l'immense  majorité  a-t-elle  bient<M  fait  d'oublier 
toute  notion  de  cette  langue.  Môme  ceux  qui,  par  profession, 
entretiennent  et  développent  leur  ^nnaissance  du  latin  éprou- 
vent de  grandes  difficultés  i\  s'en^ervir.  On  sait  que  la  thèse 
latine  n'est  plus  considérée  que  comme  une  corvée  ridicule  et 
une  ennuyeuse  formalité;  et  ce  n'est  un  mystère  pour  personne 
<|ue  beaucoup  de  candidats  s'en  acquittent  en  traduisant  ou  en 
faisant  traduire  leur  travail  rédigé  en  français.  Ainsi  la  majoi-ité 
(les  docteurs  es  lettres  est  incapable  de  se  servir  couramment 
du  latin.  Que  dire  alors  des  docteurs  es  sciences,  en  droit  et  en 
médecine?  On  a  beau  dire  cpie  l'anatomie.  la  botanique  et  la 
pharmacie  emploient  une  nomenclature  latine;  on  peut  savoir 
reconnaître  un  Phœnix  dactylifera,  et  lire  Aqua  dislillata  sur  un 
bocal,  sans  être  capable  de  faire  la  plus  simple  i)hrase  en  latin, 
ou  seulement  de  décliner  correctement  ces  deux  expressions  '. 

Aussi  bien  ceux  qui  emploient  de  pareils  arguments  oublient- 
ils  que  ce  qui  constitue  propr<Mnent  une  langue,  ce  n'est  pas 
son  vocabulaire,  mais  sa  grammaire.  C'est  pourquoi  nous  atta- 

Bacckixi  ont  conversé  en  Intin.  On  néglige  d'ajouter  si  leurs  collègues  les 
ont  coiiiiiris. 

i.  L'anecdote  suivante  a  fait  le  tour  de  la  presse  en  janvier  l'J02.  L'il- 
lustre 'ViRCHOw.  de  Berlin,  ayant  été  victime  d'un  accident  de  tramway, 
reçut  du  Prof.  Uaccelu,  ministre  de  l'instruction  |)ublique  en  Italie,  une 
dé])èclie  demandant  de  ses  nouvelles,  et  répondit  par  le  télégramme  suivant  : 

Caput  o.s\vi.<  /'eoioris  fraclui/i.  Spero  consolidationcm.  Grtilias  militas. 

Les  journalistes  i|ui  ont  rn|)porté  ce  fait  n'ont  pas  manqué  de  s'écrier, 
en  guiso  de  conclusion  :  «  La  voilà  bien,  la  langue  universelle!  c'est  le 
latin!  -  S'ils  avaient  tant  soit  peu  réfléclii,  ils  se  seraient  peut-être  Tait  la 
question  suivante,  que  nous  avons  l'indiscrétion  de  leur  poser  :  ('omliien, 
parmi  tous  ces  journalistes,  eussent  été  capables  d'écrire  correctement  celte 
dépêche  si  courte  et  en  apparence  si  simple,  et,  à  plus  forte  raison,  d'écrire 
en  latin  leur  article  tout  entier,  y  compris  le  récit  de  l'accident  de 
"  tramway  ■•■.' 

CouTi'R.vT  ot  Lf.au.  —   I.anguo  univ.  34 


530  CHAPITRE   FINAL 

chons  peu  d'importance  à  l'objection  courante,  selon  laquelle 
on  serait  obligé  d'enrichir  le  vocabulaire  latin  d'une  foule  de 
néologismes,  pour  l'adapter  aux  besoins  modernes.  Ces  néolo- 
gismes  pourraient  faire  dresser  les  cheveux  sur  la  tôte  des 
puristes  :  mais  ils  ne  dénatureraient  pas  le  latin,  et  ne  le  ren- 
draient pas  plus  facile.  Qu'importe  qu'on  dise  notio  ou  idea, 
methodus  ou  ratio;  qu'on  emploie  des  mots  comme  magazina  et 
realisare  (Leibniz),  pulvis  pyriiis  et  eleclrica  lux,  s'il  faut  toujours 
les  décliner  et  les  conjuguer  suivant  les  règles  classiques?  La 
grammaire  est  tout  :  c'est  elle  qui  fait  le  caractère  d'une  langue, 
c'est  elle  aussi  qui  en  fait  la  difficulté.  Nous  n'avons  pas  à  rap- 
peler ici  toute  la  grammaire  latine;  mais  peut-être  sera-t-il  bon 
d'en  énumérer  les  principales  difficultés,  aussi  bien  pour  ceux 
à  qui  l'usage  les  a  rendues  insensibles  que  pour  ceux  qui  ne  les 
connaissent  pas.  C'est  bien  le  cas  de  répéter  le  vers  connu  : 

Indodi  discant,  et  ainent  meminisse  periti. 

Le  latin  possède,  selon  les  grammaires,  15  déclinaisons  et  4 
conjugaisons;  mais,  tout  compte  fait,  il  a  13  déclinaisons  diffé- 
rentes, dont  chacune  comporte  12  terminaisons  (paradigmes  : 
rosa;  domiiius,  puer,  ager,  templum;  auris,  cubile,  urbs,  consul, 
fulgur;  manus,  cornu;  dies)  et  5  conjugaisons  différentes,  dont 
chacune  comporte  75  terminaisons  à  l'actif  et  59  au  passif  (Zegfo, 
amo,  deleo,  capio,  audio).  Or  il  est  souvent  fort  difficile  de  savoir 
auquel  de  ces  types  appartient  tel  mot  donné,  particulièrement 
dans  la  3^  déclinaison,  où  il  n'y  a  pas  de  règle  générale  pour 
distinguer  les  noms  qui  font  le  génitif  en  -um  de  ceux  cjui  le  font 
en  -ium^.  Il  est  déjà  assez  malaisé  de  savoir,  à  l'inspection  du 
nominatif,  quel  est  le  génitif  :  lex  fait  legis,  et  judex  hxil  judicis  ; 
lux  fait  lucis,  et  conjux,  conjugis;  vox  fait  vocis,  et  nox,  noctis;  pes 
fait  pedis,  et  miles,  militis  ;  lapis  fait  lapidis,  et  sanguis,  sanguinis  ; 
avis  fait  avis,  ei  pulvis,  pulveris;  tempus  fait  lemporis,  et  opus,  operis; 
homo  fait  hominis,  et  sermo,  sermonis  ;  acer  fait  acris,  et  celer,  céleris. 
On  peut  môme  être  embarrassé  pour  savoir  à  quelle  déclinaison 
appartient  un  mot;  ainsi  un  mot  en  -us  peut  être  de  la  2*^ 
(dominus),  de  la  4"  (manus)  ou  de  la  3"  (salus,  genus)  ;  un  mot  en  -er 
peut  être  de  la   2"  {puer,  pueri;  liber,  libri)   ou   de  la  3*-',  et  dans 

1.  La  distinction  des  noms  parisyllabiques  et  imparisyllabiques  est  tout 
à  fait  insuffisante  et  trompeuse  :  canis,  juvenis  font  leur  génitif  en  -um; 
dens,  fons,  mons  font  leur  génitif  en  -ium. 


LES  LANGUES  MORTES  531 

celle-ci  il  jm'uI  appartenir  à  «les  paradigmes  (liHV-reiils  [pater, 
patruin;  muUei\  inulieniin;  imber,  imbriuin);  un  mol  en  -es  peut 
ôtre  de  la  5"  {dies)  ou  de  la  3«,  et  encore  de  paradigmes  diffé- 
rcnJs  {moles,  molis;  seges,  segetis;  hères,  heredis;  cornes,  comilis).  Le 
remède  es!  simple,  dira-l-on;  on  n'a  (ju'à  chercher  le  génitif 
dans  le  dictionnaire.  Cela  revient  à  dire  qu'il  faut  sans  cesse 
feuilleter  le  dictionnaire,  jusqu'à  ce  qu'on  ait  appris  par  l'usage 
le  génitif  de  tous  les  noms  qu'on  emploie.  Il  en  est  de  même  du 
genre,  que  la  désinence,  non  seulement  ne  permet  pas  de 
deviner,  mais  ferait  souvent  induire  à  faux  :  salits,  manus  sont 
du  fénùnin;  lempus,  corpus  sont  du  neutre;  et  inversement,  agri- 
cola,  naula  sont  du  masculin,  sans  parler  des  mots  d'origine 
grecque  :  poêla  (masc),  poeina  (neutre),  melhodus  (féni.),  etc. 

Les  verbes  donnent  lieu  à  des  difficultés  analogues.  Un  verbe 
en  -io  se  conjugue-t-il  sur  capio  ou  sur  audiol  Un  verbe  dont 
l'infinitif  est  en  ère  '  se  conjugue-t-il  sur  deleo,  sur  lego  ou  sur 
capiol  Encore  ici,  ce  n'est  que  le  dictionnaire  ou  l'usage  qui 
l'enseignent.  Mais  la  régularité  des  conjugaisons  n'est  (piappa- 
rente,  puisque  la  conjugaison  de  chaque  verbe  dépend  de  la 
forme  de  son  parfait  et  de  son  supin,  qu'il  faut  encore  chei*cher 
dans  le  dictionnaire  ou  savoir  par  cteur.  Aucune  analogie  ne 
peut  servir  de  guide  :  elle  ne  peut  qu'égarer.  A  cùté  de  amare 
{amavi,  amalum)  on  a  :  domare  (domui,  domitum)  ;  à  côté  de  delere 
(delevi,  deletiun),  on  a  :  monere  (monui,  monitum)  ;  à  cùté  de  audire 
(audivi,  audilum),  on  a  :  aperire  {aperiii,  apertum).  Mais  c'est  sur- 
tout la  3*  conjugaison  qui  offre  une  multitude  de  formes 
diverses,  au  milieu  desquelles  l'apprenti  se  perd,  de  sorte 
qu'on  peut  dire  que  tous  les  verbes  y  sont  irréguliers.  11  y  a 
des  parfaits  en  -ui  {alui,  colui)  et  en  si  {carpsi.  dixi)  qui  sou- 
vent altèrent  le  radical  (posai,  misi,  lusi);  il  y  a  des  parfaits  qui 
changent  la  voyelle  du  radical  (ago,  egi;  capio,  cepi)  ou  l'altèrent 
plus  gravement  (frango,  fregi;  rumpo,  rupi;  pergo,  perrexi). 
D'autres  redoublent  le  radical,  avec  ou  sans  altération  [curro, 
cacurri;  cado,  cecidi;  tango,  teligi;  pungo,  pupugi).  11  y  a  des 
supins  en  -sum  (cursum,  hisam,  morsum,  visum,  versum).  Il  y  a  des 
verbes  qui  manquent  du  parfait,  ou  du  supin,  ou  de  tous  les 
deux;  des  verbes   qui,  n'ayant   que  le   parfait,  ont   le  sens  du 

1.  Prévenons,  une  fois  pour  toutes,  que  nous  ne  tenons  pas  compte  de  la 
quantité,  puis(iu'eile  n'est  pas  manjuée  dans  les  textes  imprimés  modernes. 
Nous  nous  plai;ons,  comme  de  juste,  au  point  de  vue  du  novice. 


532  CHAPITRE   FINAL 

présent  (memini,  odi)  ;  des  verbes  faussement  impersonnels  (pœni- 
tet,  piidet);  il  y  a  les  verbes  déponents,  qui  ont  la  l'orme  passive  et 
la  signification  active  {imitari,  polliceri,  sequi,  pati,  hlandiri)  et  les 
verbes  semi-déponents  {audeo,  ausus  sum)  *.  Et  quand  on  a  appris 
tous  ces  verbes,  il  reste  encore  à  apprendre  les  verbes  absolu- 
ment irréguliers,  à  commencer  par  le  verbe  sum  (ex.  :  lavare,  lavi, 
lautum;  cavere,  cavi,  caatam ;  sero,  sévi,  satam;  ferre,  tali,latum;  velle, 
ire,  fieri,  etc.),  qui  sont  précisément  les  plus  usités. 

La  déclinaison  offre  aussi  de  nombreuses  irrégularités,  qu'il 
serait  trop  long  d'énumérer.  Bornons-nous  à  citer  Jupiter  (Jovis), 
iter  (itineris),  vis,  bos,  sans  parler  des  noms  d'origine  grecque,  des 
noms  défectifs  (en  nombre  ou  en  cas),  de  ceux  qui  changent  de 
sens  du  singulier  au  pluriel  [œdes,  litera,  copia,  castrum,  pars),  et 
de  ceux  qui  changent  de  genre  {locus,  jocus,  cœlum).  Rappelons 
aussi  les  irrégularités  dans  la  formation  des  degrés  de  compa- 
raison {bonus,  melior,  optimus)  *,  les  adjectifs  qui  manquent  de 
comparatif  ou  de  superlatif,  ou  de  tous  les  deux;  les  comparatifs 
et  superlatifs  qui  manquent  du  positif;  l'irrégularité  dans  la  for- 
mation des  noms  de  nombre  {septendecim  suivi  de  duodeviyinti; 
octavus,  nonus,  etc.),  où  les  centaines  se  déclinent,  tandis  que  les 
dizaines  sont  invariables;  l'irrégularité  de  la  déclinaison  des 
pronoms  personnels  {ego,  mei,  mihi,  me),  démonstratifs  (is,  ejus; 
hic,  hujus:  ille,  illius),  relatifs  {quis,  cujus;  uter,  utrius),  etc. 

Cette  multitude  de  formes  diverses  dont  il  faut  se  charger  la 
mémoire  a-t-elle  du  moins  pour  effet  de  rendre  les  équivoques 
impossibles?  Pas  le  moins  du  monde.  Dans  la  ['^°  déclinaison,  le 
nominatif  et  l'ablatif  singulier,  le  datif  et  l'ablatif  pluriel,  le 
génitif  singulier,  le  datif  singulier  et  le  nominatif  pluriel  se 
ressemblent;  dans  la  2«,  le  datif  et  l'ablatif  singulier,  le  datif  et 
l'ablatif  pluriel  se  ressemblent;  dans  la  3®,  le  nominatif  et  l'accu- 
satif pluriel  se  ressemblent;  le  datif  et  l'ablatif  se  ressemblent 
toujours  au  pluriel,  et  souvent  au  singulier;  souvent  aussi  le 
nominatif  et  le  génitif  singulier  se  ressemblent  (avis),  ou  bien  le 
nominatif  singulier  et  le  nominatif  pluriel  [moles,  nubes).  Dans  la 
¥  déclinaison,  le  nominatif  et  le  génitif  singulier  ressemblent 


1.  En  revanche,  il  y  a  des  verbes  qui  ont  une  forme  active  et  un  sens 
passif,  comme  vapulo  {être  battu). 

2.  Sans  compter  la  diversité  des  formes  régulières  du  superlatif  :  faciiis, 
facittimus,  à  côté  d'utilis,  utitissimus  ;  pulc/ier,  pulclicrrimus ;  vêtus, 
veterrimus. 


LES   LANGUES   MORTES  533 

au  nomiiiiifir  cl  ù  laccusalif  jilnriol;  dans  la  ij'",  los  iiomiiiafifs 
singuli<'r  cl  pluriel  rossoiiihlriil  à  laccusalif  pluriel.  Knliii,  clans 
tous  les  noms  neutres,  le  nominatif  et  raccusalif  se  ressemblent  '. 
Les  adjectifs  donnent  lieu  encore  j\  d'autres  ambiguït«*s  :  le 
nominatif  s.  f.  ressemble  au  nominatif  j)l.  n.  [bona).  Ces  simili- 
tudes de  forme  donnent  lieu,  on  le  conçoit,  à  une  foule  dambi- 
guïlés  que  l'on  ne  peut  dissiper  que  par  r(''tude  attentive  du 
contexte,  ce  qui  est  contraire  i\  lintelligibilité  immédiate  qu'on 
doit  attendre  de  la  L.  I.  Les  confusions  les  plus  fréquentes  sont 
justement  les  plus  graves,  à  savoir  celle  du  nominatif  et  de 
l'accusatif  et  celle  du  singulier  et  du  pluriel;  ce  sont  précisé- 
ment celles  qu'une  langue  artificielle  qui  se  respecte  a  l)ien  soin 
de  rendre  impossibles. 

11  y  a  encore  bien  d'autres  équivoques  :  mei.  tui,  noslrum.  nostri 
sont  à  la  fois  des  génitifs  de  pronoms  personnels  et  des  formes 
de  pronoms  possessifs.  Beaucoup  de  mots  ont  des  bomonymes 
(pii  i)rétent  au  calembour  :  liber  signifie  libre  et  livre  ^•,  motus 
signifie  le  mouvement  et  la  cbose  mue;  mnlus  signifie  mécfiant  et 
mât;  malum,  méchant  et  pomme,  ce  qui  donne  un  triple  sens  au.\ 
cas  indirects;  populus  signifie  peuple  et  peuplier;  palus,  marais  et 
pieu;  os,  bouche  et  os;  fiedus,  pacte  et  horrible:  viclus.  vaincu  et 
nourriture  ;  distantia ,  dislance  et  cboses  distantes  ;  latus  signifie 
côté,  large,  et  porté.  Les  nombreuses  flexions  des  noms  et  des 
verbes  donnent  naissance  à  d'autres  bomonymies  :  avi  peut  être 
le  dat.  ou  labl.  s.  dai'js  {oiseau}  ou  le  nom.  pi.  dai'us  {aïeul);  lateris 
est  le  génitif  à  la  fois  de  lalus  (côté)  et  de  later  (brique);  canis  peut 
être  le  non),  ou  géii.  sing.  de  canis  (chien)  ou  le  dat.  ou  abl.  i)l. 
de  canus  (blanc)  ^  ;  securi,  securis  oITrent  un  double  sens  analogue 
(securis  =  hache,  securus  =  en  sécurité).  Amor  signifie  amour  ou  Je 
suis  aimé:  amare  signifie  aimer,  sois  aimé,  et...  amèrement  (ndyerhc 
d'amarus);  vincere  signifie  vaincre  et  tu  seras  vaincu;  leyis  signifie 
de  la  loi  et  tu  lis  ;  legi,  à  la  loi  et  j'ai  lu  ;  sine  signifie  sans  et  souffre  ; 
suis  signifie  :  du  porc  (sus),  aux  siens  (suus)  et  tu  couds  (suo\  etc.  *. 

1.  Dans  les  pronoms,  lo  dntif  singulier  ressemble  souvent  nu  nominatif 
pluriel  :  alii,  loti,  soli;  le  nom.  f.  s.  nu  nom.pl.  n.  :  hœc,  ea,  illa:  et  nu'^ine 
au  nom.  pi.  f.  :  qu.r. 

2.  D'où  cette  devise  d'un  libraire  :  Li(>er  libro. 

3.  Un  de  nos  amis  se  souvient  encore  d'avoir  pAli  pendant  une  heure, 
en  liuiti»Mne,  sur  ces  mots  ;  canis  capillis.  auxtpiels  il  ne  pouvait  pas 
trouver  d'autre  sens  <iue  :  les  cheveu.v  (Vun  chien. 

4.  Nous  empruntons  la  plupart  de  ces  e.xemples  «  Wilkins  (Real  Characler, 


334  CHAPITRE   FINAL 

Le  parfait  fulsi  appartient  à  la  fois  à  fulgeo  et  à  fulcio  ;  luxi,  à 
luceo  et  à  lugeo;  le  parfait  crevi  et  le  supin  cretiim  sont  communs 
à  cerno  et  à  cresco;  le  supin  passum,  à  patior  e.t  à  pando  ;  vidum,  à 
vivo  et  à  uinco  :  ce  qui  donne  un  double  sens  à  tous  les  mots  qui 
dérivent  de  ces  formes. 

On  peut  remarquer  que  le  latin  ne  fournit  aucun  moyen  de 
distinguer  à  quelle  «  partie  du  discours  »  appartient  un  mot 
donné.  Il  y  a  surtout  un  grand  nombre  de  particules  qui  ont 
l'apparence  et  les  terminaisons  des  noms.  Ex.  :  protinus,  penitus, 
versus  (calembour  -.vers);  supra,  contra,  circa;  coram;  porro,  rétro, 
ultra,  adeo,  modo,  eo,  quo;  erga,  ergo;  pênes;  sursum,  demum,  circum 
(calembour  :  cirque)  ;  sans  parler  des  adverbes  comme  primum, 
tantum,  multum,  qui  sont  en  réalité  des  adjectifs  neutres  '.  Les 
adverbes  dérivés  se  terminent  les  uns  en  -e  et  les  autres  en  -ter, 
de  sorte  que  non  seulement  on  peut  les  confondre  entre  eux,  et 
dire  forte  au  lieu  de  fortiter,  mais  on  peut  confondre  les  pre- 
miers avec  des  substantifs  ou  adjectifs  neutres,  et  les  seconds 
avec  des  noms  en  er,  comme  accipiter. 

Le  latin  offre  encore  deux  graves  lacunes  :  il  n'a  ni  l'article 
défini,  ni  le  pronom  indéfini  on.  Il  en  résulte  que  l'on  ne  sait  si 
un  substantif  est  déterminé  ou  indéterminé  (on  ne  le  sait  que 
par  le  contexte,  ce  qui  ne  suffit  pas  toujours)  :  aussi  les  auteurs 
modernes  (notamment  les  philosophes)  étaient-ils  obligés  d'em- 
prunter l'article  grec  2.  Quant  à  l'absence  de  on,  elle  oblige  à  des 
tournures  compliquées  et  souvent  illogiques,  par  exemple,  à 
mettre  des  verbes  neutres  au  passif  :  Sic  itur  ad  astra  =  c'est  ainsi 
qu'on  va  aux  astres. 

Dans  la  dérivation  et  la  composition,  les  éléments  constituants 
sont  variables  à  la  fois  par  la  forme  et  par  le  sens.  Par  la  forme  : 
car  la  préposition  ad  devient  en  composition  ac,  af,  ag,  al,  an, 
ap,  ar,  at  ou  a;  ab  devient  aussi  a;  in  devient  il,  im,  ir,  etc.  Par  le 
sens  :  car  la  même  particule  a  souvent  en  co.nposition  des  signi- 


I,  IV ;  IV,  vi),  de  qui  nous  nous  sommes  beaucoup  inspirés  dans  cette  Cri- 
tique. On  connaît  le  logogriphe  :  Ne  mater  suam  =  file,  mère;  je  coudrai. 

1.  On  distinguait  autrefois  les  particules  par  un  accent  grave  sur  la 
finale,  de  même  qu'on  indiquait  la  quantité  des  désinences  équivoques:  cl 
ces  précautions  étaient  fort  utiles  aux  commençants...  et  même  aux  autres. 

2.  Par  le  seul  fait  ([u'il  possède  un  article,  le  grec  est  une  langue  bien 
plus  claire  et  bien  plus  philosophique  que  le  latin.  On  peut  ajouter  que  ses 
nombreux  participes  (de  tous  les  temps),  joints  à  l'article,  lui  donnent  une 
souplesse  et  une  liberté  inconnues  du  latin. 


LES   LANGUES   MOUTKS  535 

licalioiis  lirs  dilTrrfMitos  et  miMno  roiilrniivs.  coiiiiih'  If  inonlfonl 
les  ('X(Mii|)les  suivants  •  : 


Sens  positifou  augmcntntil 
infnirlus,  incavus,  incurvas  : 
perfult'lis,  perfruor; 
deaiiK),  dciuiror; 
exclama,  exaygero; 
discupio. 


Sens  nf^gatifou  privatif: 
indoctus,  improbus  ; 
perjldus,  pervicax  ; 
dciiu'us  ; 

excors,  exsanguis; 
difjido. 


Le  préfixe  ;y- signifie  tantôt  la  répétition  {relego)  cl  tantcM  le 
retour  en  arriére  et  par  suite  la  privation  {revelo). 

Aussi  certains  composés  latins  ont-ils  un  sens  tout  opposé  à 
crlui  qu'ils  ont  dans  les  langues  vivantes,  ce  qui  est  une  source 
(le  contresens  :  par  e\enq)le,  inhumains  signifie  non  inhumé,  et 
elevare  veut  dire  abaisser.  Mais  le  plus  bel  exemple  de  confusion 
est  fourni  par  le  verbe  immutare  (changer)  et  ses  dérivés  :  immu- 
tatus  =  changé  et  non  changé,  immutabilio  =  changeable  et 
immuable  *  ! 

Enfin  la  composition  augmente  encore  le  nombre  des  homo- 
nymies :  il  y  a  deux  verbes  incido,  qui  dérivent  respectivement  de 
cado  et  de  ctc/o,  et  dont  le  sens  est  tout  différent  {tomber  sur,  cou- 
per dans;  d'où  :  incident  et  incision). 

La  syntaxe  offre  la  môme  complication  et  la  même  irrégula- 
rité. Les  ailjeotifs  régissent  le  génitif,  le  dafif,  l'accusatif  ou 
l'ablatif.  Les  prépositions  régissent  l'accusatif  ou  l'ablatif,  ou 
tous  les  deu.\,  suivant  le  sens  (repos  ou  mouvement),  et  ce  sens 
ne  (léf(Miuine  nulItMuent  le  cas  que  régissent  les  autres  préposi- 
tions; ainsi  apnd,  qui  ne  s'emploie  qu'avec  l'idée  de  repos,  régit 
l  accusatif.  Les  cas  que  régissent  les  verbes  sont  soumis  aux 
règles  les  plus  arbitraires  et  les  plus  capricieuses;  on  dit  :  est 
patri  meo  domns.  mais  ;  lia'c  domus  palris  mei  est.  Tandis  que  cer- 
tains verbes  régissent  deux  accusatifs  (doceo  pueros  grammaticam), 
d'autres,  de  sens  transitif,  régissent  le  datif  (noceo,  invideo)^.  Cer 

L  Empruntés  ù  Wilkins,  loc.  cit. 

2.  Do  telles  anoiiinlios  se  trouvent  dans  toutes  les  langues.  En  Trançais, 
le  suTllxc  -iser  signiHc  en  général  rendre  —  (ex.  :  re'aliser,  égaliser);  mais 
rivaliser  ne  signifie  pas  rendre  rival.  De  même,  le  préfixe  dé-  ou  des-  in- 
dique en  général  le  contraire  {détromper,  décoller,  dessaler,  dessouder,  etc.), 
mais  dessécher  n'exprime  pas  le  contraire  de  sécher',  il  en  serait  plutôt 
un  augmenlnlir. 

3.  Anomalie  qui  a  passé  dans  nos  langues  modernes.  (Voir  p.  314,  note  3.) 


1)36  CHAPITRE   FINAL 

tains  compléments  se  mettent  au  génitif  {accusatus  impielalis, 
magni  facere)  alors  qu'ils  seraient  mieux  indiqués  par  une  prépo- 
sition (pour  cause  de...).  On  emploie  le  parfait  dans  le  sens  du 
présent  {ne  feceris).  L'emploi  des  temps  et  des  modes  est  d'ail- 
leurs soumis  à  des  règles  très  compliquées,  qui,  comme  tou- 
jours, comportent  d'innombrables  exceptions.  Enfin  les  propo- 
sitions infinitives,  où  le  sujet  est  à  l'accusatif  aussi  bien  que 
l'attribut  ou  le  régime  direct,  sont  une  source  d'équivoques  ou 
de  difficultés  S  ainsi  que  les  ablatifs  absolus,  qu'on  peut  con- 
fondre avec  tant  de  compléments  circonstanciels  qui  se  mettent 
aussi  à  l'ablatif. 

Faut-il  énumérer  tous  les  idiotismes  de  syntaxe,  décorés  du 
nom  d'  «  élégances  »,  comme  les  «  attractions  »  qui  déguisent 
le  rôle  et  le  sens  véritables  des  pronoms  relatifs?  Faut-il  citer 
les  complications  du  style  indirect?  Bornons-nous,  pour  finir,  à 
rappeler  que,  grâce  à  l'ordre  absolument  arbitraire  et  fantaisiste 
où  le  latin  range  les  mots,  les  phrases  des  auteurs  classiques 
sont  trop  souvent  des  logogriphes  ou  des  jeux  de  patience.  C'est 
en  faisant  allusion  à  cette  liberté  de  construction,  qui  impose 
une  sévère  analyse  logique,  que  M.  Diels  déclare  que  l'étude  du 
latin  vaut  un  cours  de  logique.  Mais,  considérant  tous  les  illo- 
gismes  de  la  grammaire  et  de  la  syntaxe  latines,  nous  nous  per- 
mettrons de  faire  des  réserves  sur  ce  jugement,  et  de  croire 
qu'une  langue  régulière  et  simple,  comme  sont  les  i)lus  par- 
faites, des  langues  artificielles,  serait  une  meilleure  école  de 
logique.  Dans  tous  les  cas,  la  L.  I.  n'a  pas  à  servir  de  «  gym- 
nastique intellectuelle  -  »,  et  l'on  pourra,  à  ce  titre,  conserver  à 
côté  d'elle  l'étude  du  latin,  pour  ceux  qui  auront  le  temps  de 
s'y  livrer.  Pour  les  autres,  l'étude  d'une  L.  I.  artificielle  sera  un 
excellent  exercice  d'esprit,  par  le  contraste  perpétuel  des  cons- 
tructions logiques  de  cette  langue  avec  les  illogismes  et  les 
idiotismes  de  la  langue  nationale;  et  elle  leur  rendra  ainsi, 
toutes  proportions  gardées,  le  même  service  intellectuel  que 
l'étude  des  langues  mortes  ou  des  langues  étrangères  l'end  à 
une  élite  privilégiée. 

1.  On  sait  que  c'était  une  précieuse  ressource  pour  les  oracles  antiques, 
dont  rinfaillibilité  consistait  souvent  dans  leur  ambiguïté.  Cf.  Stanley 
Jevovs,  Elementary  Le.<iso7is  in  Lofjic,  5°  éd.  (1875),  p.  172.  Le  même  auteur 
signale  de  semblables  amphibologies  en  anglais;  exemple  :  «  The  Duke 
yet  lives  that  Henry  shall  dépose.  »  (Shakspeare,  Henry  VI). 

2.  Mot  de  M.  Valdarnini,  loc.  cit.  (p.  526,  note  1). 


LES    LAN(iL'ES    MORTES  537 

Mciilionnons  uiu'  cleniiiM-o  diriiculU'',  colle  de  la  prononciation 
lia  latin,  qui  diflV'rc  beaucoup  d'un  pays  à  l'autre.  Cette  difficulté 
semble  tUre  la  nicMne  pour  une  langue  arlilicielle:  en  n''alil»'>.  elle 
est  beaucoup  plus  grande  pour  le  latin,  parce  (jue  cha(iue  peuple 
a  pris  l'habitude  de  le  prononcer  comme  sa  langue  nationale; 
toute  tentative  pour  réformer  celte  prononciation  et  la  i-endre 
uniforme  dans  les  divers  pays  se  heurterait  à  une  routine  invé- 
térée, à  une  tradition  séculaire  et  sacro-sainte  :  qu'on  essaie  seu- 
lement, par  exemple,  tle  i)rononcer  les  u  à  l'italienne  dans  une 
classe  ou  dans  une  église  française,  et  l'on  aura  un  succès 
d'hilarité  '. 

('ertains  partisans  du  latin,  reconnaissant  toutes  les  difficultés 
du  latin  classiiiue,  proposent  de  se  contenter  du  latin  du  nioyen 
Age  (scolastique  et  ecclésiastique),  qui  possède  plus  de  souplesse 
et  de  liberté  cjne  le  latin  classique,  et  dont  le  vocabulaire  est  à 
certains  égards  plus  riche  et  plus  moderne^.  Ils  admettraient, 
avec  les  scolastiques,  un  article  défini,  l'emploi  de  quod  (qae)  au 
lieu  de  la  proposition  infinitive.  et  quelques  autres  «  moder- 
nismes  »  analogues.  Mais  le  latin  ne  serait  pas  rendu  sensible- 
ment plus  facile;  ce  seraient  des  règles  différentes  de  celles  de 
la  grammaire  classique,  mais  ni  moins  nombreuses,  ni  moins 
compliciuées. 

D'autres  vont  plus  loin  :  ils  admettent  la  liberté  du  solécisme, 
du  barbarisme  et  du  néologisme,  au  moins  «  pour  le  peuple  », 
les  lettrés  contiiuiant  à  employer  entre  eux  le  latin  classique.  On 
ol)tiendrait  ainsi  une  série  de  «  dégradations  »  du  latin,  à  l'usage 
des  diverses  classes  de  personnes  qui  ont  besoin  d'une  L.  I.  : 
savants,  ingénieurs,  industriels,  conunerçants,  voyageui*»,  etc.: 
et  l'on  adnu't  que  la  dernière  de  ces  dégradations  aurait  la  sim- 
plicité et  la  facilité  de  VEsperanto,  par  exemple.  Mais  une  telle 
solution  n'en  est  pas  une.  D'abord,  ce  que  nous  voulons,  ce  n'est 
pas  une  gamme  de  langues  internat ioiuiles,  mais  une  L.  I.  unique 
et  commune  ù  toutes  les  classes  comme  à  tous  les  pays.  Com- 
ment un  savant  pourrait-il  s'entendre  avec  les  boutiquiers  d'un 

1.  Rappelons  encore  qu'on  n'a  pas  roussi  à  modilior,  dans  nos  lyn»os.  la 
jintnoncialion  orasmionuo  du  {rrt'C.qui  est  tout  l)oniioinont  barharo  et  ridicule. 

2.  Un  Hors  au  moins  dos  mois  omployôs  par  St  Thomas  dWquin  sont 
otranjjrors  au  lalin  classique.  -  C'est  nu^mo  on  francisant  tous  ces  mots 
latins  inci)nnus  deCicéron,  que  notre  langue  a  acquis  le  pouvoir  d'exprimer 
les  idées  ahslraitos  et  de  devenir  ainsi  la  rivale  du  frrec.  »  (F.  Picavet,  ap. 
Uevue  inlernalionale  de  VEnseigneinent,  t.  \L\,  p.  427,  15  mai  1903.) 


338  CHAPITRE   FINAL 

pays  étranger,  s'ils  parlaient  un  latin  tout  différent?  En  outre,  il 
est  facile  de  décréter  la  liberté  du  barbarisme,  mais  il  est  plus 
difficile  de  prévoir  où  elle  s'arrêterait.  S'il  prend  fantaisie  à  un 
latiniste  de  bas  étage  de  décliner  corpus  sur  dominas,  et  de  con- 
juguer loqui  sur  amare,  non  seulement  il  blessera  cruellement 
les  oreilles  du  puriste,  mais  il  risquera  fort  de  ne  pas  en  être 
compris,  et  encore  plus  de  ne  pas  le  comprendre.  Ce  serait  non 
seulement  l'anarchie,  mais  la  cacophonie  parfaite.  Si  l'on  veut 
«  dégrader  »  le  latin,  encore  faut-il  le  faire  avec  entente  et  sui- 
vant certaines  règles  générales  et  fixes  *. 

Enfin,  certains  partisans  du  latin,  se  rendant  à  toutes  les  rai- 
sons précédentes,  et  reconnaissant  l'impossibilité  pratique  de 
faire  adopter  tel  quel,  soit  le  latin  classique,  soit  le  latin  du 
moyen-âge,  admettent  la  nécessité  d'enrichir  le  vocabulaire  et 
de  simplifier  la  grammaire  et  la  syntaxe.  Pour  le  vocabulaire, 
on  peut  sans  doute  l'enrichir,  en  latinisant  tous  les  mots  inter- 
nationaux, comme  poste,  tabac,  café,  buffet,  sport,  etc.  On  en  sera 
quitte  pour  braver  les  anathèmes  des  puristes.  Mais  il  n'est  pas 
si  aisé  de  simplifier  la  grammaire,  car  la  moindre  réforme 
entraîne  des  modifications  profondes  dont  les  conséquences  sont 
imprévisibles.  Aussi,  sur  ce  point,  les  partisans  du  latin  sont-ils 
assez  avares  d'indications  précises.  Certains  proposent  de  régu- 
lariser la  conjugaison,  par  exemple,  de  terminer  uniformément 
le  futur  en  -bo  :  amabo,  monebo,  legebo,  audibo*.  Voilà  la  porte 
ouverte  aux  barbarismes.  ]\Iais  comment  ceux  qui  auront  appris 
cette  nouvelle  conjugaison  pourront-ils  comprendre  les  formes 
classiques  legam,  aiidiaml  II  leur  faudra  donc  apprendre  aussi  la 
conjugaison  ancienne?  C'est  doubler  leur  peine  sous  prétexte  de 
l'alléger.  D'autres  proposent  de  supprimer  le  passif  et  les  verbes 
déponents.  Cela  signifie,  sans  doute,  que  l'on  formerait  le  passif 
avec  le  verbe  sum,  et  que  l'on  conjuguerait  les  verbes  déponents 

1.  Imaginons  un  géomètre,  peu  familier  avec  le  latin,  qui  ait  à  traduire 
le  mot  diamètre.  Il  pourra  hésiter  entre  quatre  formes  possibles  :  diametrus, 
diameter,  diametra,  diamelruni.  Il  a  donc  3  chances  sur  4  pour  ne  pas 
employer  la  seule  forme  correcte  :  diametrus.  Ensuite  il  devra  se  demander 
quel  est  le  genre  de  ce  mot,  et  il  conjecturera  le  masculin,  d'après  la  dési- 
nence; en  quoi  il  se  trompera  encore,  car  diametrus  est  du  féminin  (pour 
s'en  rendre  compte,  il  faut  remonter  au  grec,  que  nous  supposons  ignoré 
de  notre  géomètre).  En  revanche,  géomètre  se  traduira  par  geometra,  qui 
est  du  masculin.  Toutes  ces  chances  d'erreur  seraient  supprimées  dans  une 
langue  artificielle  où  l'on  n'aurait  à  s'occuper  ni  du  genre  ni  de  la  désinence. 

2.  Delacour,  Le  Latin  langue  universelte,  p.  9  (Bruxelles,  1894). 


LES   LANOUES    MORTES  539 

('oiuino  (les  verbes  aclils  :  imitare.  loquere  seraient  des  infinitifs, 
et  non  plus  des  impératifs;  imitatus  sum  sifjrnilierail  .je  suis  imilà, 
et  loqui  .j'ai  parlé.  Seulenienl.  eoninienl  les  adeptes  de  ce  nou- 
veau latin  pourraient-ils  déchilTrer  un  texte  de  latin  classique? 
11  est  probable  qu'ils  y  feraient  de  nombreux  contresens. 

D'autres,  encore  plus  barilis.  déclarent  que  le  latin,  pour 
devenir  langue  internationale,  doit  subir  une  refonte  complète. 
Voici,  par  exemple,  les  «  modifications  essentielles  »  qui  sem- 
blent indispensables  à  M.  Paul  HEGXArn.  professeur  de  sanscrit 
et  de  grammaire  comparée  h  l'Université  de  Lyon  : 

<  1»  Suppression  de  la  déclinaison  '  et  des  marques  du  genre 
là  où  elles  sont  inutiles: 

«  2°  Conjugaison  ramenée  aux  formes  strictement  suffisantes '  : 

€  3"  Substitution,  surtout  à  l'aide  des  prépositions,  de  la  syn- 
taxe analytique  et  logi([ue  des  langues  modernes  à  la  construc- 
tion synlliétique  du  latin  classique; 

«  4°  Réduction  à  l'uniformité  des  suffi.xes  affectés  à  l'expression 
des  mèuies  fonctions  grammaticales  ^: 

«  "i"^  Application  de  Tyrtliographe  phonétique*; 

«  (>o  Admission  des  néologismes  nécessaires,  en  leur  donnant 
une  forme  adaptée  à  l'esprit  du  système.  » 

Voilà  au  moins  un  plan  logique  et  systématique,  qui  laisse 
bien  loin  derrière  lui  les  timides  propositions  de  réformes  super- 
ficielles et  partielles  du  latin  classique.  Seulement,  on  peut  se 
demander  si  la  langue  quon  obtientlrait  ainsi  serait  encore  du 
latin.  Elle  en  différerait,  non  pas  seulement  comme  le  grec 
uu)derne  difïère  du  grec  ancien,  mais  comme  une  langue  romane 
moderne  difïère  du  latin  classicpie.  C'est  d'ailleurs  l'avis  de 
M.  Michel  Bré.\l  :  «  Je  suis  porté  à  croire  que  ce  latin,  saturé  de 


1.  Certaines  langues  nrlillcielles  s'écartent  moins  du  latin,  car  elles  con- 
servent In  déclinaison,  ou  tout  nu  moins  l'accusatif. 

2.  Quel  en  est  le  nombre?  L'exemple  de  VEsperanlo  prouve  que  12  flexions 
sont  strictement  sunisanles.  Or  sur  ce  point  il  a  l'approbation  de  .M.  Recnaii»: 
Les  conditions  cVétablissemi'nt  d'une  langue  internationale,  à  propos  de 
l'Espéranto:  discours  prononcé  à  In  séance  de  rentrée  de  l'Université  de 
Lyon,  le  4  novembre  1001,  p.  31  (Paris.  Le  Soudier,  iUOI). 

3.  Cette  réforme  est  tellement  radicale,  (|u'elle  n'est  même  pas  réalisée 
dans  toutes  les  laujîHies  artilicielles. 

4.  Cetle  condition  est  ambiguë  :  rendra-l-on  l'orthographe  conforme  à  la 
prononciation?  Mais  alors,  à  (juelle  prononciation?  Ou  bien  rendra-t-on  la 
prononciation  conforme  à  l'orthographe?  De  toute  façon,  cela  parait  être  la 
condamnation  du  p/i,  du  th,  du  c/i.  et  même  du  c,  sifflant  et  chuintant. 


540  CHAPITRE   FINAL 

termes  modernes,  ou  de  mots  anciens  avec  des  significations 
nouvelles,  plié  à  une  syntaxe  plus  analytique,  ne  tarderait  pas  à 
ressembler  beaucoup  à  du  français'  ».  Tranchons  le  mot  :  ce 
serait  une  langue  romane  artificielle,  analogue  aux  divers  projets 
de  néo-latin  que  nous  avons  étudiés  dans  la  Section  III  ^ 

Ainsi,  lorsque  les  partisans  du  latin  veulent  sortir  des  généra- 
lités vagues  et  des  faciles  lieux  communs,  et  tenir  compte  des 
conditions  pratiques  d'une  langue  internationale,  ils  aboutissent 
nécessairement  à  l'idée  d'une  langue  artificielle  ayant  pour  base 
le  vocabulaire  latin  :  et,  en  effet,  tous  leurs  arguments  prouvent 
tout  au  plus  qu'il  convient  d'emprunter  au  latin  et  au  grec  la 
nomenclature  scientifique  et  technique,  parce  qu'elle  est  la  plus 
internationale.  Bien  plus,  ils  admettent  la  nécessite  d'adjoindre 
au  vocabulaire  latin  les  mots  internationaux,  môme  étrangers 
au  latin  et  au  grec.  Leur  langue  ne  différerait  donc  pas  sensi- 
blement des  langues  a  posteriori  fondées  sur  le  principe  de  l'in- 
ternationalité. 

Cela  étant,  on  comprend  mal  la  répugnance  qu'ils  manifestent 
à  l'égard  des  langues  artificielles  en  général.  Ils  les  qualifient  de 
«  barbares  »  ;  ils  oublient  que  la  langue  qu'ils  proposent  serait 
tout  aussi  barbare.  Ils  leur  reprochent  de  n'être  pas  vivantes, 
d'être  fabriquées  de  toutes  pièces;  mais  leur  «  latin  »  n'a  jamais 
vécu,  puisqu'il  n'existe  pas  encore,  et  qu'il  faudrait,  lui  aussi,  le 
fabriquera  En  réalité,  il  n'y  a  là  qu'un  préjugé  ou  une  question 
de  mot  :  leur  rêve  est  une  langue  artificielle  décorée  du  nom 
de  latin  *. 

Mais  ce  que  l'on  comprend  encore  moins,  c'est  qu'ils  se  flat- 
tent de  «  ressusciter  »  le  latin  et  de  restaurer  les  études  classi- 
ques ».  En  effet,  s'ils  préconisent  le  latin  comme  L.  I.  et  pro- 
posent de  l'introduire  jusque  dans  les  écoles  primaires,  c'est, 
disent-ils,  pour  renouer  une  tradition  séculaire,  réconcilier  les 

1.  Tievue  de  Paris,  15  juillet  1901,  p.  233. 

2.  Cette  interprétation  est  confirmée  par  l'assertion  suivante  de  M.  Regnaud  : 
«  L'intervention  du  latin  doit  se  borner  à  fournir  des  radicaux  auxquels 
s'adjoindront  des  suffixes  dont  la  forme  est  à  déterminer.  »  {Discours  cité,  p;  28.) 

3.  M.  Regnaud  demande  «  qu'une  Commission  officielle  internationale 
soit  chargée  d'élaborer  un  système  de  langage  ». 

4.  «  A  vrai  dire,  le  mot  de  langue  artificielle  est  une  sorte  de  tautologie, 
car  il  y  a  de  l'art  dans  la  langue  la  plus  grossière.  »  Michel  Bréal,  art. 
cité,  p.  242. 

5.  «  11  ne  s'agit  pas  seulement  de  galvaniser  le  latin,  mais  de  le  ressus- 
citer >.,  écrit  M.  Regnaud. 


LES   LANGUES   MORTES  541 

humanilrs  avec  les  «Huiles  scientifiques  et  utilitaires,  et  «  déve- 
lopper, par  la  connaissance  des  chel's-d'oMivre  de  ranti<|uité, 
l'amour  du  bien  et  le  goût  du  beau  ».  El  en  môme  temps  ils  pro- 
posent de  faire  subir  au  latin  classique  des  modifications  telles, 
que  ce  serait  une  langue  nouvelle  et  artificielle!  Comment  ne 
voient-ils  pas  que  leur  pseudo-latin  achèverait  de  tuer  le  latin 
classique,  loin  de  le  ressusciter?  Ce  ne  serait  pas  restaurer  les 
études  classi<pu^s,  mais  au  contraire  les  ruiner  irrémédiablement, 
que  de  les  faire  reposer  sur  l'étude  d'une  langue  •  barbare  »  qui 
n'aurait  que  le  nom  de  commun  avec  celle  de  Virgile  et  de 
Cicéron.  11  y  a  là  une  inconséquence  palpable  qui  détruit  tous 
les  arguments  des  partisans  du  latin.  En  somme,  ils  sont  pris 
dans  ce  dilenuuc  :  ou  bien  ils  veulent  restaurer  les  études  clas- 
siques, et  alors  c'est  le  latin  classique  dont  il  faut  développer, 
et,  s'il  se  peut,  faciliter  l'étude;  ou  bien  ils  veulent  une  langue 
internationale  pratique  et  scientifique,  et  alors  il  est  inutile  de 
déformer  et  de  dénaturer  le  latin  pour  en  faire  une  langue  nou- 
velle, qui  sera  toujours  moins  simple  et  moins  fa<il<»  qu'une 
langue  artificielle  proprement  dite.  Ce  sont  là  deux  fins  bien 
distinctes,  sinon  opposées:  et  il  est  contradictoire  de  vouloir  les 
atteindre  toutes  deux  au  moyen  d'une  seule  et  même  langue*. 

Au  surplus,  les  partisans  du  latin  sont  forcés  de  reconnaître 
(|u'on  aurait,  tôt  ou  tard,  deux  langues  au  lieu  d'une  :  le  latin 
classi(iue  pour  les  savants,  et  le  néo-latin  pour  le  commun  des 
mortels.  Mais  ce  serait  là  une  conséquence  très  grave  :  comment 
les  savants  pourraient-ils  s'entendre  avec  les  profanes,  s'ils  ne 
parlaient  pas  la  même  langue?  11  faut  éviter  à  tout  prix  une  dua- 

1.  Certaines  personnes,  reconnaissant  la  difficulté  que  l'on  éprouve 
ncluolloiiHMil  ù  se  servir  pratiquement  «lu  latin,  proposent  de  l'enseifrner  par 
la  inelliode  directe,  eoinnie  une  langue  vivante  ;  «)n  l'apprendrait  ainsi  plus 
vite,  et  on  le  nianiernit  plus  facileuieiU.  .Mais,  d'abord,  celle  ri'fonne  dans 
la  mi'lhode  d'enseijrnement  ne  su|ipriinerait  pas  les  difllcult«^s  inlrinst^iut's 
du  latin,  tant  (jue  l'on  conserverait  toul«^s  l«'s  complications  «'t  exceptions 
de  sa  jrranimaire;  ensuite,  elle  enK'verait  ù  l'étude  du  lalin  son  f^aractère 
littéraire  et  sa  valeur  «'dut-ative.  Un  prof«»sseur  <|ui  en  a  fait  l'expérience  le 
déclare  U'xtuellement  :  -  Ce  n'est  pas  par  de  tels  proct^d«''s  «ju'on  peut 
obtenir  la  connaissance  littéraire  des  auteurs  latins.  •  (Lévy-Wogik,  Une 
expérience  de  méthode  directe  dans  l'enseignement  du  latin,  ap.  Heiue 
internationale  de  l'Enseignement,  15  mai  UH)3.)  Ainsi,  toujours  et  partout 
reparait  la  même  antinomie  :  ou  bien  le  lalin  est  considéré  comme  un  ins- 
trument de  culture  litU'raire,  comme  une  initiation  ù  l'antitiuité,  ou  bien  il 
est  considéré  comme  une  langue  auxiliaire  et  utilitaire.  Il  faut  choisir,  car 
suivant  le  cas  on  devra  adopter  l'une  ou  l'autre  méthode. 


542  CHAPITRE   FINAL 

lité  de  langue  absolument  contraire,  non  seulement  aux  besoins 
pratiques,  mais  aux  intérêts  de  la  science  elle-même.  Du  reste, 
on  peut  être  tranquille  :  la  langue  vulgaire  aurait  bientôt  fait 
d'éliminer  la  langue  savante,  c'est-à-dire  le  latin  classique.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  partisans  du  latin  admettent  qu'on  aurait  deux 
langues  à  apprendre  :  l'une,  qui  serait  la  vraie  L.  I.  utilitaire  et 
pratique;  l'autre,  qui  serait  le  pur  latin  des  lettrés,  et  par 
laquelle  on  s'initierait  aux  auteurs  anciens.  Ce  seraient  deux 
langues  distinctes,  aussi  différentes  que  le  latin  et  le  français; 
sans  doute,  la  connaissance  de  l'une  faciliterait  l'acquisition  de 
l'autre;  mais  on  n'en  aurait  pas  moins  à  l'apprendre,  de  même 
qu'un  français  est  obligé  d'apprendre  le  latin.  Seulement,  on  ne 
voit  plus  alors  quelle  nécessité  il  y  a  que  la  L.  I.  ressemble  au 
latin.  Au  contraire,  il  y  aurait  bien  plutôt  des  raisons  pour 
qu'elle  n'y  ressemblât  pas  trop,  afin  d'éviter  toute  confusion  et 
toute  fusion  entre  les  deux  langues.  Car  rien  ne  serait  plus  per- 
fide pour  les  novices,  et  plus  choquant  pour  les  lettrés,  qu'un 
néo-latin  qui  aurait  l'air  d'un  «  latin  de  cuisine  »  et  qui  rappel- 
lerait le  latin  du  Malade  imaginaire.  Pour  permettre  au  lecteur 
d'en  juger,  nous  allons  analyser  deux  projets  tout  récents  de  ce 
genre  :  le  Linguum  Islianum  et  le  Reform-Latein  *. 

ISLY    :    LINGUUM    ISLIANUM^ 

Le  Linguum  Islianum  est  l'œuvre  de  M.  Fred  Isly,  rédacteur  du 
journal  humoristique  Le  Pêle-Mêle,  qui  «  s'est  appliqué,  tout  en 
conservant  le  fond  de  la  langue  »  latine,  «  à  en  retrancher  les 
difficultés  »,  les  irrégularités  et  les  exceptions.  Tous  les  sub- 
stantifs masculins  se  déclinent  sur  dominas  (ex.  :  patrus,7)ère),  tous 
les  féminins  sur  rosa  (ex.  :  matra,  mère),  et  tous  les  neutres  sur 
templum  (ex.  :  rosum,  rose).  Comme  on  le  voit,  le  genre  est  tou- 
jours naturel. 

Les  adjectifs  suivent  cette  triple  déclinaison  suivant  le  para- 
digme bonus,  bona,  bonum  (ex.  :  fortus,  forta,  fortum).  Les  pro- 
noms personnels  sont  :  egus,  tibus,  illus;  nobi,  vobi,  illi. 

Tous  les  verbes  actifs  se  conjuguent  comme  amare.  Il  suffit  de 

1.  Cf.  la  Monopanglotte  de  Gagne  (p.  74,  note  3), 

2.  Langue  Isly  {Linguum  Islianum).  Projet  de  Langue  internationale,  par 
Fred  Isly.  xi  +  32  p.  in-S"  (Paris,  Richard,  1901  ;  et  chez  l'auteur,  45,  rue 
Saint-Ferdinand). 


LES  LANGUES   MORTES  543 

icmplactM'  1-0  (le  liiulicatif  pirsciil  par  -are;  ex.  :  debeare.  fran- 
gare.  eare  [ire).  Los  vcrix's  (Irpoiicnls  sont  i*am(MM''s  à  la  IViniK; 
aclivi'  :  imitare.  miraro,  hortare.  loquare.  sequare.  Il  n'y  a  qu'une 
seule  exception  :  le  verhe  esse  i/'/zn  conserve  sa  conjugaison 
iriTgulii'Te. 

i.es  pailiculcs  sont  enipi'unlées  au  latin.  Les  prépositions 
régissent  tanlAt  l'aeeusatil",  tantôt  l'ablatif. 

Ces  indications  sullisent  à  donner  une  idée  de  cette  langue; 
on  (Ml  appréciera  la  physionomie  i)ar  une  citation  : 

Canus  dum  ferabat  carnum,  natans  per  fluminum.  videavit  suum 
simulacrum  in  speculo  lymphorum  '. 


F  R 0  H  L 1 C  H    :    li  hJ  FO  li  V-/.  .1  7' E  l S  ^ 

Pour  l'auteur  du  Refonn-Lalein,  le  latin  n'est  pas  une.  langue 
morte  :  il  est  «  aussi  jeune,  beau  et  frais  »  que  du  temps  de 
Cicéron  :  n'cst-il  pas  c  employé  par  les  ecclésiastiques,  les  méde- 
cins et  les  pharmaciens,  voire  même  les  juristes  »?  Seulement  il 
est  trop  (liflicile  pour  devenir  populaire;  il  est  t  très  facile  »  de 
le  simplider  sans  lui  enlever  «  par  trop  »  son  caractèi-e  proi)r(\ 
On  va  en  juger. 

Les  substantifs  n'ont  que  deux  genres  :  le  masculin  pour  *  les 
hommes,  les  peuples,  les  lleuves,  les  vents  et  les  mois  »;  le 
féminin  pour  <  les  femmes,  les  arbres,  les  villes,  les  pays  et  les 
îles  ».  Ils  sont  invariables,  et  toujours  identiques  au  nominatif 
singulier  du  latin. 

La  déclinaison  s'effectue  au  moyen  des  articles  défini  :  il.  la, 
pi.  los;  et  indéfini  :  un.  una.  pi.  dos;  et  des  prépositions  :  de  (gén.), 
a  (dal.)  et  ad  (accusatif).  Exemple  : 


Sing. 

Plur. 

Nom.  : 

la  femina 

los  femina 

Gén.  : 

de  la  femina 

de  los  femina 

Dat.  : 

a  la  femina 

a  los  femina 

Ace.  : 

ad  la  femina 

ad  los  femina 

1.  Traduction  de  ces  vers  de  Phèdre  ; 

CaniSf  per  flumen  carnem  dum  ferret  natans, 
l-l/mpharum  in  speculo  vidit  simulacrum  suum. 

2.  Orammalik  der   Weltsprache  :  Refonn-Lalein.  I.  Theil  :  Formenlehre, 
von  Karl  Froiiuch.  22  p.  in-S"  (Wien,  1902,  clioz  l'auteur  :  Leol)gasso,  39). 


544  CHAPITRE   FINAL 

Vadjectifesl  invariable  en  genre,  en  nombre  et  en  cas,  et  ton- 
jours  identique  au  nominatif  sing.  masc.  ;  ex.  :  la  magnus  pars; 
un  pulcher  carmen. 

Les  pronoms  personnels  conservent  leur  forme  et  leur  décli- 
naison latines. 

Tous  les  verbes  se  conjuguent  sur  amare  (au  passif  comme  à 
l'actif),  sauf  le  verbe  sum,  qui  conserve  sa  conjugaison  irrégu- 
lière, ainsi  que  ses  composés.  Ex.  :  finiare  a  pour  formes  prin- 
cipales :  finio,  finiabam.  finiabo.  finiavi.  finiaveram,  finiavero; 
finiem,  finiarem,  finiaverim,  finiavissem;  finia;  finians,  finiaturus, 
finiatus,  etc. 

Les  particules  sont  empruntées  au  latin.  Les  prépositions 
régissent  le  nominatif. 

Lauteur  fait  remarquer  que,  les  mots  déclinables  se  présen- 
tant toujours  sous  la  forme  du  nominatif,  on  peut  déchiffrer  un 
texte  de  Reform-Latein  au  moyen  d'un  dictionnaire  latin  quel- 
conque. 

Critique. 

Il  est  inutile  de  discuter  la  valeur,  fort  inégale  d'ailleurs,  de 
ces  deux  projets*;  il  suffit  de  constater  quel  aspect  barbare 
prend  le  latin  ainsi  «  réformé  ».  11  choque  cruellement  tous  les 
latinistes.  Ce  qu'il  importe  surtout  de  remarquer,  c'est  que  le 
Reform-Latein,  si  simplifié  qu"il  soit,  est  encore  bien  moins 
simple  que  les  meilleures  langues  artificielles  :  il  conserve  toutes 
les  terminaisons  personnelles  des  verbes,  soit  75,  alors  que 
12  terminaisons  suffisent  à  la  conjugaison  de  VEsperanto;  et 
Vislien  conserve  encore  3  déclinaisons,  alors  qu'une  seule  suffi- 
sait au  Volapiik.  Le  Reform-Latein  conserve  la  déclinaison  irrégu- 
lière des  pronoms  personnels,  tandis  que  Ylslien  les  déforme 
pour  les  rendre  réguliers.  Quel  que  soit  le  parti  qu'on  adopte 
(déclinaison  synthétique  ou  déclinaison  analytique),  on  dénature 
le  latin  sans  réussir  à  le  rendre  aussi  simple,  aussi  régulier  et 
par  suite  aussi  facile  qu'une  langue  artificielle. 

Mais  ce  qui  révoltera  le  plus  les  latinistes,  c'est  qu'on  ose 
proposer  de  substituer  ce  «  latin  de  cuisine  »  au  latin  classique 

1.  Remarquons  seulement  que  M.  Frôhlich  a  cru  devoir  employer  ,une 
préposition  pour  marquer  l'accusatif  (comme  en  espagnol). 


LES   LANGUES  MORTES  54S 

dans  renseignement,  et  pour  cela  de  traduire  les  auteurs  latins 
vu  Islien.  Et,  en  elTel,  on  ne  pourrait  associer  l'étude  d'une  telle 
langue  h  celle  du  latin  sans  gAter  complètement  celle-ci.  Celui 
qui  aurait  appris  1<*  latin  réform»^  ne  pourrait  pas  lire  les 
auteurs  classiques,  et  celui  cpii  saurait  le  latin  classique  ne  sup- 
porterait pas  la  lecture  du  latin  réformé.  ()uiconque  a  le  culte 
des  lettres  et  le  respect  «le  l'antiquité  appliquera  au  latin  la 
maxime  célèbre  :  «  SU  ut  est,  aut  non  sit  ».et  répui^Micra  à  l'idée  de 
défigurer  la  langue  de  Cicéron  et  de  Virgile  pour  l'accommoder 
à  des  fins  utilitaires  et  aux  besoins  modernes  *.  Mais,  en  revanche, 
que  les  lettrés  reconnaissent  l'existence  et  l'urgence  de  ces 
besoins,  qu'ils  avouent  cpie  le  latin  classique  ne  saurait  nulle- 
ment y  répondre,  et  qu'ils  permettent  de  les  satisfaire  en  adop- 
tant une  langue  arfilicielle  <pii  empriuifera  aux  langues  mortes 
un  plus  ou  moins  grand  nondjrc  do  racines,  mais  qui,  soumise 
à  des  règles  autonomes,  ne  rappellera  ni  de  près  ni  de  loin  les 
idiomes  classi((ues  ^  Le  latin  restera  ce  qu'il  est,  le  véhicule  et 
l'incarnation  de  la  civilisation  antique,  l'instrument  de  culture 
intellectuelle,  forcément  réservé  à  une  élite.  Mais  qu'à  côté  de 
lui  il  y  ait  place  pour  une  langue  pratitpie  qui  remplace  les  lan- 
gues étrangères  dans  leurs  usages  utilitaires  fnous  ne  disons 
pas  :  dans  l'éducation  littéraire);  c'est  ainsi,  et  seulement  ainsi 
qu'on  pourra  sauver  les  humanités  de  la  concurrence  croissante 
des  langues  vivantes,  et  concilier  les  intérêts  de  la  haute  culture 
littéraire  avec  les  besoins  impérieux  de  la  science,  du  commerce 
et  do  l'industrie. 


1.  Nous  tenons  ù  faire  remnniiier  la  dilTérence  essentielle  qui  sépare  les 
projets  de  latin  réformé  des  projets  de  néo-latin  étudiés  dans  la  Section  III. 

2.  Cf.  .\lberl  Hi«i,  La  f/uestion  d'une  langue  inlernalionale,  np.  Revue  de 
Fribourg,  33"  année,  p.  102-163  (mars-avril  1902). 


CouTi-RAT  et  Leau.  —   Langue  univ.  35 


CONCLUSION 


Que  resto-t-il  do  tant  dVfTorfs  laits  pour  doter  rinimanit(^  d'iino 
langue  intornationale?  Quels  résultats  se  dégagent  de  l'exposé 
de  toutes  ces  tentatives  si  diverses,  si  divergentes  même  en  appa- 
rence? T)oil-on  en  conclure  que  l'idée  de  la  langue  universelle 
est  cliiuiériciue,  que  tous  ces  projets  sont  stériles  et  vains,  ou 
peut-on  au  contraire  en  conclure  que  cette  idée  est  vraiment 
pratique  et  (|ue  sa  réalisation  est  possible  et  même  prochaine? 
C'est  ce  qu'il  nous  reste  à  «examiner. 

La  première  impression  qui  se  dégage  de  cette  revue  histo- 
rique, c'est,  croyons-nous,  que  la  langue  universelle  a  vraiment 
une  histoire  :  ce  n'est  pas  sinipleiuerd  une  multitude  de  projets 
é'pars,  sans  aucune  analogie  ni  parenté;  ils  se  rattachent  tous, 
de  prés  ou  de  loin.  t\  une  idée  commune,  et  ils  manifestent  le  pro- 
grés de  celle  idée.  Klle  a  évolué  en  traversant  trois  phases  prin- 
cipales. D'abord,  à  la  suite  de  la  Renaissance  scientifique  et  phi- 
losophique, l'esprit  hiunain  a  conçu  <les  projets  ambitieux  et  des 
espoirs  illimités  ;  il  a  cru  qu'il  allait  bientôt  pénétrer  la  nature, 
épuiser  ses  secrets  et  acquérir  la  connaissance  totale  et  défini- 
tive du  monde.  La  pensée  n'olTrait  pas  plus  de  mystères  que  la 
nature,  et  on  devait  bientôt  en  avoir  fait  le  tour.  Tout  était  clair, 
tout  était  simple  pour  les  philosophes  du  .wn'^  siècle;  l'univers 
était  construit  comme  une  horloge,  et  le  mécanisme  de  la  pensée 
était  tout  aussi  facile  à  pénétrer.  De  même  qu'un  petit  nombre 
de  lois  fondamentales  devaient  rendre  compte  de  tous  les  phé- 
nomènes, un  petit  nombre  d'idées  primitives  devaient  composer 
toutes  nos  pensées;  il  suffisait  de  les  cataloguer,  puis  de  les 
combiner  mathématiquement,  pour  reconstituer  les  deux  mondes 
parallèles  et  analogues  de  la  nature  et  de  l'esprit.  Cette  con- 
ception métaphysique  se  traduisait  par  l'idée  d'une  langue  philo- 


548  CONCLUSION 

sophique  qui  fût  le  résumé  des  sciences,  l'expression  adéquate 

de  la  pensée  et  de  la  réalité. 

Un  si  haut  idéal  devait  nécessairement  conduire  à  des  échecs. 
On  s'est  bientôt  aperçu  que  la  nature  et  l'esprit  sont  beaucoup 
moins  simples  et  transparents,  qu'ils  sont  même  infiniment  com- 
pliqués, qu'on  n'en  pourra  jamais  achever  l'analyse,  et  que  par 
suite  nous  n'atteindrons  jamais  la  science  complète  et  parfaite 
que  supposait  l'idée  de  la  langue  philosophique.  Une  telle  langue 
ne  pourrait  être  dès  lors  que  l'expression  précaire  d'une  science 
toujours  provisoire,  et  serait  sans  cesse  exposée  à  une  refonte 
complète.  Par  suite,  le  problème  de  la  langue  universelle  per- 
dait son  caractère  philosophique  ;  il  ne  s'agissait  plus  de  trouver 
l'expression  adéquate  de  nos  idées,  mais  simplement  un  instru- 
ment pratique  de  communication,  analogue  à  nos  langues,  un 
simple  truchement  international. 

L'idée  de  la  langue  universelle  se  rapprochait  ainsi  du  type 
des  langues  naturelles,  qui  allait  servir  désormais  de  modèle 
aux  langues  artificielles.  Toutefois,  celles-ci  ne  s'en  inspirèrent 
d'abord  que  de  loin.  L'esprit  était  encore  imprégné  des  préten- 
tions logico-mathématiques  des  langues  philosophiques;  on  crut 
qu'il  suffirait  d'imiter  les  langues  naturelles  dans  la  forme,  sans 
leur  emprunter  aucun  élément  matériel.  On  conçut  la  grammaire 
comme  un  système  de  flexions  arbitraires,  et  le  vocabulaire 
comme  un  ensemble  de  combinaisons  phonétiques,  sans  se  sou- 
cier de  rappeler  les  éléments  linguistiques  des  langues  indo- 
européennes. Au  contraire,  par  une  recherche  excessive  de  la 
neutralité,  on  défigurait  sans  scrupule  les  racines  qu'on  leur 
empruntait.  On  s'attachait  surtout  à  une  régularité  quasi-géo- 
métrique, et  l'on  coulait  de  force  les  mots  dans  un  moule 
uniforme.  On  croyait,  comme  au  temps  des  langues  philosophi- 
ques, que  le  choix  des  mots  est  absolument  indifférent  et  qu'on 
peut,  sans  inconvénient  pour  la  pratique,  construire  a  priori  les 
radicaux  par  un  jeu  de  combinaisons.  Ainsi  naquirent  ces  sys- 
tèmes hybrides  dont  le  Volapûk  a  été  le  modèle  et  dont  il  reste  le 
type. 

Mais  on  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  de  l'insuffisance  de  ces 
solutions  bâtardes  et  hétéroclites,  qui  n'avaient  ni  le  mérite  de 
la  logique,  comme  les  langues  purement  a  priori,  ni  les  qualités 
pratiques  qu'on  exigeait  de  plus  en  plus.  On  parvint  à  cette 
conception,  que  la  langue  universelle  n'a  pas  à   être   inventée, 


CONCLUSION  54? 

qu'elle  existe  di^jà  en  puissance  dans  les  langues  europ«Vnnes, 
par  le  seul  fait  qu'elles  ont  une  origine  commune  et  qu'elles 
lellèlent  la  mOme  science  et  la  même  civilisation.  Il  suffit,  pour 
la  faire  apparaître,  de  dégager  les  «'lénienls  graninialicaux  et 
lexi(ologi(|ues  communs  à  ces  langues,  éléments  dont  le  nombre 
et  l'imporlanee  vont  en  augmentant  sans  cesse  par  suite  du 
développement  des  relations  infei-nationnles.  Non  seulement,  en 
clïet,  nos  vocabulaires  nationaux  tendent  à  s'uniformiser,  par 
l'introduction  perpétuelle  des  mots  nouveaux  (scientifiques  et 
techniques)  internafionaiix;  mais  nos  grammaires  elles-mêmes, 
si  diverses  entre  elles,  tendent  à  devenir,  chacune  pour  soi,  plus 
régulières  et  plus  uniformes.  Par  exemple,  tous  les  mots  nouvel- 
lement fonnés  sont  conformes  à  un  certain  type,  inconsciem- 
ment considéré  comme  normal  :  tous  les  verbes  qu'on  invente 
désormais  en  français  sont  des  verbes  réguliers  de  la  l""®  con- 
jugaison (en  -er;  de  môme,  en  allemand,  en  -ieren)  ;  tous  les 
adverbes  nouveaux  sont  en  -ment.  On  peut  dire  que,  sur  nos 
<Hialre  conjugaisons,  une  seule  est  encore  vivante  ;  dans  toutes  les 
langues,  tous  les  verbes  nouveaux  sont  réguliers,  les  verbes  irré- 
guliers sont  des  reliques  du  passé,  des  fossiles.  On  nous  parle 
toujours  de  la  «  vie  des  langues  »,  et  l'on  ne  s'aperçoit  pas  que 
(comme  les  êtres  vivants)  elles  portent  en  elles  une  masse  d'élé- 
ments morts.  On  ne  fait  donc  que  suivre  l'exemple  de  nos  lan- 
gues en  ramenant  la  grammaire  à  des  types  uniformes  et  régu- 
liers (par  exemple,  en  réduisant  la  conjugaison  à  un  seul  para- 
digme) ;  el  peut-être  sur  certains  points  on  ne  fait  (]ue  devancer 
les  résultais  de  leur  évolution  naturelle  (par  exemple,  en  élimi- 
nant du  verbe  toutes  les  distinctions  de  personne  et  de  nombre, 
héritage  du  latin,  devenues  inutiles  par  lemploi  des  pronoms). 
Telle  est  la  tendance  générale  des  projets  les  plus  récents,  et 
(on  peut  bien  le  dire)  les  plus  parfaits  et  les  plus  pratiques  en 
même  temps.  Sans  doute,  l'évolution  a  été  moins  régulière, 
moins  linéaire  que  nous  venons  de  la  décrire  :  comme  dans  toute 
évolution,  il  y  a  des  arrêts,  des  régressions  ou  des  survivances  : 
et  c'est  ainsi  qu'on  peut  encore  trouver  de  nos  jours  des  repré- 
sentants attardés  du  système  du  Volapùk  et  même  <les  langues 
philosophiques.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  direction  géné- 
rale est  bien  celle  que  nous  avons  définie.  On  peut  même  affirmer 
que  la  troisième  phase  se  (f\[  développée  plus  tôt  (après  les  pro- 
jets de  Scmi'KER,  de  Ridelle  et  de  Pihro);  si  le   Volapûk  ne  fût 


550  CONCLUSION 

venu  l'interrompre  et  la  contrarier.  Mais,  malgré  le  succès  pas- 
sager du  Volapûk,  et  la  floraison  de  projets  analogues  qu'il  a 
provoquée,  l'idée  d'une  langue  internationale  a  posteriori  a  repris 
une  nouvelle  force,  par  réaction  même,  dans  la  Pasilingiia  et  dans 
les  projets  suivants,  au  point  que  Vidiom  neutral,  créé  par  des 
Volapûkistes  pour  corriger  ou  remplacer  le  Volapûk,  appartient 
décidément  au  système  a  posteriori.  C'est  donc  bien  ce  système 
qui  paraît  préférable  et  qui  doit  triompher  définitivement. 

Non  seulement  l'idée  de  la  langue  universelle  a  suivi  une  évo- 
lution à  peu  près  régulière  en  allant  des  systèmes  a  priori  aux 
systèmes  a  posteriori,  mais  encore,  dans  cette  évolution,  la  con- 
cordance et  la  convergence  des  divers  projets  a  été  en  croissant 
constamment.  Entre  les  systèmes  a  priori,  aucun  accord  n'exis- 
tait et  n'était  possible  :  chacun  d'eux  reposait  sur  des  principes 
tout  subjectifs,  sur  une  conception  des  sciences  et  sur  une  clas- 
sification des  idées  essentiellement  propres  à  son  auteur  :  ils 
sont  aussi  individuels  que  le  système  de  philosophie  dont  ils 
prétendent  être  l'expression.  Dans  les  systèmes  mixtes,  une  cer- 
taine analogie  apparaît  (même  entre  ceux  qui  ne  sont  pas  de 
simples  imitations  du  Volapûk);  mais  elle  est  toute  formelle,  elle 
s'arrête  au  cadre  grammatical,  et  n'atteint  pas  le  contenu  lexico- 
logique.  Et  cela  se  comprend,  puisque  chaque  auteur  choisit 
arbitrairement  les  radicaux  et  les  flexions,  suivant  certaines 
idées  a  priori  qui  sont  évidemment  individuelles.  Une  preuve 
curieuse  et  typique  du  caractère  subjectif  de  ces  systèmes  est 
ievu'  numération,  qui  diffère  du  tout  au  tout  de  l'un  à  l'autre.  Le 
Volapûk  compte  :  bal,  tel,  kil,  fol,  lui,  mal,  vel,  jôl,  zul;  le  Spelin  : 
ik,  ek,  ak,  in,  en,  an,  ip,  ep,  ap  ;  le  Balta  :  ba,  be,  bi,  bo,  bu,  ja,  je,  ji, 
jo;  et  ainsi  de  suite.  C'est  là  l'image  ou  le  symbole  de  l'arbitraire 
qui  règne  dans  tous  ces  projets,  à  l'égard  du  choix  des  racines  : 
on  a  pu  voir  que  la  môme  racine  y  prend  les  sens  les  plus  diffé- 
rents et  les  plus  fantaisistes,  suivant  le  caprice  de  l'auteur;  de 
sorte  que  personne  ne  pourrait  reconstituer  le  vocabulaire  d'une 
de  ces  langues,  s'il  était  perdu  ou  oublié. 

Au  contraire,  les  systèmes  a  posteriori  manifestent  une  confor- 
mité remarquable,  et  qui  est  d'autant  plus  grande  que  leurs 
auteurs  se  dégagent  des  idées  dominantes  dans  les  systèmes 
a  priori  et  s'inspirent  du  principe  de  l'internationalité,  seul  fonde- 
ment objectif  d'un  vocabulaire  vraiment  universel.  Une  compa- 
raison même  superficielle  montre  qu'il  y  a  entre  ces  systèmes 


CONCLUSION  55  i 

uno  l'osscnihlanre  I)cnuroup  plus  prando  qu'ontro  les  systèmos 
a  priori  ou  cuire  les  systèmes  mixtes.  Pour  reprendre  l'exemple 
trt's  sipuilicatif  de  la  numération,  tous  adoptent  les  noms  de 
nombre  latins  plus  ou  moins  modifiés  et  régularisés.  11  en  est  de 
même  pour  tout  le  vocabulaire;  les  lexiques  de  ces  diverses 
langues  ont  beaucoup  de  radicaux  communs,  et  cela  d'autant 
plus  (pi'ils  sont  plus  cojiformes  au  principe  de  l'internationalité. 
Celui  (|ui  en  connaît  un  se  retrouve  aisément  dans  les  autres. 
De  même,  les  grammaires  de  ces  projets  ont  toutes  un  air  de 
famille:  cela  tient  à  ce  qu'elles  sont  toutes  inspirées  de  nos 
grammaires  européennes.  Aussi  un  Européen  quelconque  n'y 
est-il  nullement  dépaysé;  il  y  retrouve,  simplifiées  et  régulari- 
sées, les  formes  grammaticales,  et  par  suite  les  formes  de 
pensée  qui  lui  sont  familières.  Les  plus  parfaites  de  ces  langues 
ont  même  une  apparence  séduisante  de  langues  naturelles;  on 
les  prendrait  i)our  des  langues  étrangères  vivantes,  sans  l'absolue 
régularité  qui  les  rend  si  faciles.  El  l'on  peut  en  conclure  que 
l'évolution  des  langues  artificielles  touche  à  son  terme  et  à  son 
but,  s'il  est  vrai  (|ue  le  triomphe  de  l'art  soit  d'imiter  la  nature. 

Cette  convergence  si  remarquable  des  projets  les  plus  récents 
permet  de  tléterminer  quelle  paraît  devoir  être  la  solution  pra- 
tique et  définitive,  et  d'en  dégager  les  traits  essentiels.  Pour  cela, 
nous  ne  voulons  faire  intervenir  aucune  préférence  personnelle 
ou  nationale,  ni  faire  appel  à  aucune  considération  théorique, 
toujours  plus  ou  moins  contestable.  Nous  nous  bornerons  à 
noter,  en  témoins  impartiaux,  les  traits  communs  à  tous  ces 
projets  ou  à  la  majorité  d'entre  eux;  ce  travail  fera  ressortir, 
d'une  part,  les  ressemblances  fondamentales  de  tous  ces  pro- 
jets, et,  d'autre  part,  l'idéal  plus  ou  moins  latent  vers  lequel  ils 
tendent  tous,  et  dont  ils  s'approchent  i)lus  ou  moins.  C'est  là 
un  procédé  absolument  objectif,  analogue  aux  photographies 
composites  par  lesquelles  on  dégage  le  type  commun  des 
membres  d'une  même  famille.  Nous  allons  essayer,  de  même, 
de  déterminer  la  langue  universelle  idéale  par  l'examen  de  ses 
réalisations  plus  ou  moins  parfaites,  par  le  simple  rapproche- 
ment de  leurs  caractères  communs. 

En  premier  lieu  (pour  suivre  l'onlre  adopté  dans  toutes  nos 
analyses),  l'alphabet  aura  pour  base  l'alphabet  latin.  Il  ne  devra 
comprendre  que  des  sons  bien  distincts  et  faciles  à  prononcer 
pour  Ions  les  peuples  européens.  Chaque  lettre  aura  toujoui*s  et 


552  CONCLUSION 

partout  le  même  son;  le  même  son  sera  toujours  représenté  par 
la  même  lettre,  et  un  son  simple  sera  représenté  par  une  lettre 
simple.  L'accentuation  sera  fixée  par  des  règles  aussi  simples  et 
aussi  générales  que  possible.  Vouloir  la  rendre  toujours  con- 
forme à  l'étymologie  (par  exemple  à  l'accent  latin)  est  une  pré- 
tention abusive  de  philologues,  qui  va  à  rencontre  du  caractère 
pratique  de  la  langue  et  de  la  commodité  de  l'immense  majorité 
de  ceux  qui  auront  à  s'en  servir. 

En  général,  les  règles  grammaticales  auront  une  valeur  uni- 
verselle et  absolue,  et  ne  comporteront  aucune  exception,  ni 
rien  de  facultatif.  La  grammaire  sera  analytique,  pour  se  con- 
former à  l'esprit  des  langues  européennes  modernes. 

11  y  aura  un  article  défini,  comme  dans  la  plupart  des  projets 
et  aussi  des  langues  européennes;  l'article  indéfini  et  l'article 
partitif  paraissent  inutiles. 

La  distinction  des  genres  sera  naturelle,  et  ne  sera  marquée 
qu'en  cas  de  nécessité. 

Il  y  aura  une  marque  unique  du  pluriel  pour  tous  les  mots 
qui  prennent  cette  flexion.  De  même,  la  déclinaison,  (s'il  y  en  a 
une)  devra  être  la  même  pour  tous  les  mots  déclinables,  et  se 
réduire  à  deux  cas  (nominatif  et  accusatif),  tous  les  autres  étant 
remplacés  par  des  prépositions. 

Les  adjectifs  seront  invariables  en  genre.  Seront-ils  variables  en 
nombre?  Notre  méthode  laisse  la  question  en  suspens.  Elle  devra 
être  tranchée  par  des  considérations  théoriques.  En  tout  cas,  il  est 
nécessaire  de  faire  varier  les  adjectifs  employés  comme  substan- 
tifs, et  il  paraît  utile  de  faire  varier  ceux  qui  servent  d'attribut. 

Les  degrés  de  signification  devront  être  formés  analytique- 
ment  (au  moyen  d'adverbes)  et  de  la  môme  manière  pour  tous  les 
mots  qui  comportent  cette  variation. 

Les  noms  de  nombre  simples  seront  empruntés  au  latin;  les 
noms  de  nombre  composés  devront  se  former  d'une  manière 
absolument  régulière,  les  dizaines  précédant  toujours  les  unités. 
Tous  les  mots  de  nombre  devront  dériver  régulièrement  des 
nombres  cardinaux  (voir  la  dérivation). 

Les  pronoms  (possessifs,  démonstratifs,  relatifs,  etc.)  seront 
identiques  aux  adjectifs  correspondants  (possessifs,  démons- 
tratifs, relatifs,  etc.).  On  ne  distinguera  pas,  par  exemple,  mon 
et  le  mien  (pas  plus  qu'en  latin). 

Les  pronoms  possessifs  dériveront  régulièrement  des  pronoms 


CONCLUSION  553 

pcrsoimols.  Ceux-ci  seront  autant  que  possible  irTiilés  des  pro- 
noms liiliiis  '. 

Il  y  aura  une  corrélation  de  forme  entre  les  adjectifs,  pronoms 
r\  advcrix's  de  sens  correspondant. 

La  ((Mijugaison  sera  absolument  régulière  et  uniforme  pour 
tous  les  verbes  sans  exception.  Elle  ne  comportera  aucune  varia- 
tion de  nombre  et  de  poi*sonne  '''. 

L'on  peut  se  demander  si  la  conjugaison  sera  synthétique  (au 
moyen  de  flexions)  ou  analytique  (au  moyen  d'auxiliaires).  La 
solution  la  plus  probable  est  celle-ci  :  les  trois  temps  principaux 
seront  synthétiques,  les  temps  secondaires  seront  analylitpies  •' 
Ln  tout  cas,  le  passif  se  formera  analytiquement  au  moyen  de 
l'auxiliaire  èlre. 

Les  adverbes  dérivés  se  formeront  régulièrement  en  partant 
des  adjectifs;  ils  ne  leur  seront  pas  identiques. 

Les  particules  (prépositions,  conjonctions)  seront  invariables, 
et  autant  que  possible  simples. 

Enfin,  il  y  a  une  disposition  très  importante  qui  n'existe  |)as 
dans  tous  les  projets,  mais  qui  paraît  très  utile  et  très  désirable: 
c'est  la  distinction  formelle  des  parties  du  discours.  Seulement 
oUe  m*  doit  dans  aucun  cas  gêner  la  constitution  du  vocabulaire 
et  empêcher  l'ado-ption  de  mots  internationaux.  Elle  doit  donc 
s  effectuer  par  des  désinences  plutôt  que  par  des  règles  de  lon- 
gueur et  do  structure. 

En  sonune»  il  ne  reste  guère  dans  toute  la  grammaire  (pie 

1.  Quelques  nutours  ont  proposé  de  restaurer  le  tutoiement  latin,  et  «-t'Ia 
nous  parait  fort  logiijue  (on  sait  que  le  tutoiement  était  de  règle  pendant 
la  Révolution  rran<,'nise).  Hien  n'est  plus  absurde,  (|uand  on  y  réfléchit,  que 
de  i>arler  à  une  seule  personne  au  pluriel,  comme  si  l'on  s'adressait  ù 
plusieurs;  et  il  y  a  bien  d'autres  moyens  de  marquer  la  politesse  et  la 
déférence  (de  même,  c'est  une  habitude  exclusivement  franicaise  de  dire 
Monsieur  ou  Madame  à  cha(jue  instant,  notamment  après  oui  et  non  :  les 
n\ilres  peuples  ne  sont  pas  moins  polis  que  nous  pour  cela).  En  tout  cas, 
il  faudra  absolument  ([u'on  puisse  distinguer  si  celui  qui  parle  s'adresse  à 
une  personne  ou  à  plusieurs,  car  le  vous  français  prête  à  trop  d'équi- 
voijues  (conune  le  you  E.  et  le  >'/e  1).,  qui  peut  signiller  :  vous,  elle,  ils, 
elles).  De  même  pour  les  pronoms   possessifs  correspondants. 

2.  C'est  un  des  points  sur  lescjuels  prestjue  toutes  les  langues  artillcielles 
s'accordent,  malgré  l'e.xemple  contraire  des  langues  naturelles. 

3.  A  ceux  qui  projwsent  de  former  les  temps  principaux  (ou  au  moins  le 
futur  et  le  conditionnel)  au  moyen  d'auxiliaires,  en  invo*|uant  l'e-xemple  de 
l'anglais,  on  peut  répondre  que  l'anglais  fait  véritablement  abus  des  auxi- 
liaires, puis(]u'il  en  emploie  même  un  {lo  do)  pour  l'interrogation,  la  néga- 
tion et  raflirmntion  renforcée. 


554  CONCLUSION 

deux  points  discutables  :  c'est  la  déclinaison  (réduite  à  l'accu- 
satif) et  l'accord  de  l'adjectif  épithètc  avec  son  substantif. 

La  syntaxe  dépend  en  grande  partie  de  l'adoption  ou  du  rejet 
de  l'accusatif  :  dans  le  premier  cas,  elle  sera  relativement  libre; 
dans  le  second,  elle  sera  nécessairement  rigide.  En  d'autres 
termes,  il  s'agit  de  savoir  si  le  régime  direct  du  verbe  sera 
indiqué  par  sa  forme  ou  par  sa  position.  De  cette  question  capi- 
tale dépendent  toutes  les  règles  de  la  syntaxe,  et  par  suite  le 
caractère  et  les  qualités  de  la  future  langue  internationale.  La 
place  de  l'adjectif  et  celle  de  l'adverbe  ne  sont,  en  comparaison, 
que  des  détails  secondaires.  En  tout  cas,  on  aime  généralement 
mieux  indiquer  l'interrogation  par  une  particule  spéciale  que 
par  l'inversion  du  sujet,  ce  qui  semble  témoigner  en  faveur  de 
la  première  alternative  (syntaxe  libre). 

L'emploi  des  temps  et  des  modes  sera  dicté  par  le  sens  intrin- 
sèque réel  de  la  proposition,  et  non  par  la  conjonction  ou  le 
verbe  dont  elle  dépend.  11  est  douteux  que  l'on  doive  admettre 
un  subjonctif  :  l'impératif  et  le  conditionnel  paraissent  suffi- 
sants. En  revanche,  il  semble  désirable  que  tous  les  modes  (sauf 
l'impératif)  possèdent  les  trois  temps  principaux.  Cela  est  parti- 
culièrement utile  et  commode  dans  les  participes  actifs  et  passifs. 

Pour  le  vocabulaire,  il  devra  être  fondé  sur  le  principe  de  Vin- 
ternationalité.  Mais  il  importe  de  préciser  le  sens  et  l'application 
de  ce  principe.  Il  ne  peut  raisonnablement  viser  que  l'interna- 
tionalité européenne*.  Or  celle-ci  doit,  en  toute  rigueur  et  en 
toute  équité,  se  mesurer  par  rapport  à  toutes  les  langues  euro- 
péennes, en  proportion  de  leur  importance.  Cette  «  importance  » 
de  chaque  langue  est  difficile  à  évaluer,  car  elle  n'est  pas  pro- 
portionnelle au  nombre  des  personnes  dont  elle  est  la  langue 
maternelle  '^,  elle  dépend  aussi  de  sa  plus  ou  moins  grande  diffu- 

1.  Rappelons  qu'aux  termes  de  la  Déclaration  la  L.  A.  I.  doit  «  être  d'une 
acquisition  aisée...  spécialement  pour  les  personnes  de  civilisation  euro- 
péenne ». 

2.  D'après  diverses  statistiques  (dont  nous  ne  garantissons  pas  l'exactitude), 

l'anglais  serait  la  langue  maternelle  de  I2o  millions  d'hommes;. 

le  russe  —  —  95                 

l'allemand  —  —  70                 

le  français  —  —  50                 

l'espagnol  —  —  40  _ 

l'italien  —  3,5                 

le  portugais  —  —  20                  

le  polonais  —  19                 


CONCLUSION  555 

sion;  et,  «l'autre  part,  rllc  n'csf  pas  non  plus  proporlionnolle  au 
noinbro  total  des  personnes  qui  la  connaissent,  car  un  Français 
qui  sait  l'anglais  ou  l'allemand  ne  peut  pas  être  compté  comme 
un  Auf^lais  ou  un  Allenmiui.  Nous  n'avons  pas  qualité  |)our 
résoudre  cette  question  délicate  et  complexe;  nous  constaterons 
simplement  que,  de  l'avis  de  tout  le  monde,  il  y  a  six  langues 
européennes  principales  (1).,  E.,  F.,  I.,  R.,  S.),  et  que.  sur  ces  six 
langues,  il  y  en  a  trois  qui  ont  une  importance  prépondérante 
(D,  E,  F.). 

Pour  l'applicalion  du  principe,  il  est  naturel  d'adopter, 
d'abord  les  mots  roinniuns  à  toutes  les  langues  européennes, 
ensuite,  et,  progressivement,  les  mots  communs  au  plus  grand 
nondire  d'entre  elles.  Mais  ici.  une  (picslion  se  pose.  Doit-on 
adopter  tous  les  mots  totalement  ou  même  partiellement  inter- 
nationaux, ou  seulement  des  radicaux  internationaux?  La  pre- 
mière solution  sacrifie  complètement  la  régularité  de  la  forma- 
lion  des  mots  et  pour  ainsi  dire  Vaulonomie  de  la  L.  I.;  la 
seconde,  au  contraire,  comporte  un  système  de  formation  régu- 
lier et  autonome,  mais  donne  naissance,  par  là  même,  à  des 
mois  dérivés  et  composés  tout  différents  de  ceux  des  langues 
naturelles.  Néanmoins,  cette  dernière  nous  semble  préférable  (à 
la  condition  que  ce  système  de  formation  ne  soit  pas  poussé 
trop  loin),  parce  qu'elle  rend  le  lexique  bien  plus  facile  à 
apprendre,  et  réduit  au  minimum  le  nombre  des  radicaux  à 
retenir.  En  elTet,  c'est  la  facilité  que  l'on  doit  viser  avant  tout, 
et  l'internationalité  des  éléments  n'est  qu'un  des  moyens  de  la 
réaliser.  Or.  une  fois  donnés  des  éléments  internationaux  (en 
nombre  suffisant),  la  facilité  de  la  langue  ne  dépend  plus  que  de 
la  régularité  de  la  grammaire  et  de  la  dérivation.  11  vaut  bien 
mieux  faire  api)el  à  la  logique  qu'à  la  mémoire,  s'il  est  vrai, 
comme  le  dit  Descartes,  que  «  le  bon  sens  est  la  chose  du  monde 
la  mieux  partagée  *  ». 

Reste  à  savoir  quelle  forme  on  donnera  aux  radicaux  ainsi 
choisis.  On  peut  hésiter,  au  premier  abord,  entre  l'orthographe 
historique  (étymologique)  et  l'orthographe  phonétique.  Mais  on 
ne  saurait,  croyons-nous,  hésiter  bien  longtemps.  En  elTet,  le 

I.  On  peut  njoutor  tjue  bien  souvent  une  rncine  internniionnie  donne 
lieu,  en  dilTérentes  longues,  i\  des  dérivés  qui  ne  sont  pas  internationaux. 
Exemples  :  E.  covonalion,  F.  cowoniiemeitl:  I.  bellezza,  F.  beauté.  Dans  ces 
cas  la  régularité  s'impose,  en  l'absence  de  toute  internationalité. 


556  CONCLUSION 

graphisme  est  beaucoup  plus  international  que  le  phonétisme  : 
en  d'autres  termes,  les  mots  internationaux  s'écrivent  de  môme, 
mais  ne  se  prononcent  pas  de  même  dans  les  différentes  langues. 
Il  est  donc  indiqué  (en  vertu  du  principe  de  rinternationalité) 
d'adopter  l'orthographe  historique  et  étymologique,  qui  est 
internationale  (au  moins  dans  les  dérivés)  *,  et  d'y  conformer  la 
prononciation  (au  lieu  de  conformer  l'orthographe  à  la  pronon- 
ciation, moins  internationale).  Cela  n'empochera  pas  de  sup- 
primer les  lettres  inutiles  et  de  se  rapprocher  de  l'orthographe 
phonétique  de  l'italien  et  de  l'espagnol  2.  Il  sera  toujours  plus 
facile  à  un  peuple  de  prononcer  le  mot  tel  qu'il  est  écrit  que  de 
le  reconnaître  sous  une  orthographe  qui  en  défigurerait  l'étymo- 
logie. 

Bien  entendu,  les  radicaux  devront  rester  rigoureusement 
invariables  dans  toutes  leurs  flexions  et  dérivations.  Les  affixes 
de  dérivation  seront  choisis  autant  que  possible  parmi  les 
affixes  des  langues  nationales,  en  vertu  du  principe  de  l'inter- 
nationalité. Mais  ils  devront  être  régularisés  tant  pour  la  forme 
que  pour  le  sens  ';  et  peut-être  vaudra-t-il  mieux  renoncer  à  cer- 
tains affixes  équivoques  (comme  -tion)  et  les  remplacer  par  un  ou 
plusieurs  affixes  moins  internationaux,  mais  de  sens  plus  précis. 

Il  y  a  d'ailleurs  un  intérêt  pratique  à  ne  pas  calquer  trop  ser- 
vilement les  formes  nationales,  tant  pour  les  affixes  que  pour  les 
radicaux.  En  effet,  le  peuple  auquel  ces  formes  seraient  emprun- 
tées aurait  une  tendance  irrésistible  à  les  prononcer  à  la  manière 
nationale,  qui  serait  en  général  contraire  aux  règles.  Par 
exemple,  les  Français  prononceraient  beaucoup  mieux  caval  ou 
cabal  que  cheval  (avec  é),  qui  leur  paraîtrait  baroque;  et  si  l'on 
adoptait  une  telle  forme,  ils  prononceraient  tous  cheval  (avec 
l'e  muet  national).  Ce  que  nous  disons  ici  des  Français  vaut  éga- 
lement pour  les  autres  peuples.  11  n'est  pas  mauvais  que  les 
adeptes  soient  légèrement  dépaysés,  et  en  quelque  sorte  avertis 
qu'ils  ont  affaire  à  une  langue  étrangère.  Plutôt  que  d'adopter 
une  forme  trop  nationale,  il  vaudra  donc  mieux  adopter  une 

1.  Exemple  :  le  radical  de  cheml  apparaît  dans  cavalier,  cavalerie;  le 
radical  d'œil  dans  oculaire,  oculiste,  etc. 

2.  Par  exemple,  la  forme  normale  du  radical  théâtre  (D.  Theaier, 
E.  théâtre)  sera  teatr,  comme  en  italien  et  en  espagnol. 

3.  Exemple  :  le  suffixe  international  (latin)  -abl,  -ebl,  -ibl.  On  devra 
adopter  une  forme  unique,  et  un  sens  unique  :  qui  peut  être;  et  par  suite 
le  rejeter  des  mots  où  il  signifie  :  qui  doit  être. 


CONCLU.SION  557 

forme  neutre,  et  autant  que  possible  étymologique  (par  exemple 
la  forme  latine  dans  les  mots  d'origine  latine). 

On  en  peut  dire  autant  des  flexions  grammaticales.  Non  seule- 
ment il  n'est  pas  nécessaire  qu'elles  soient  empruntées  à  une 
langue  naturelle,  mais  cela  serait  plutôt  nuisible.  Si,  par 
exemple,  on  voulait  (comme  les  rédacteurs  du  Linguist,  épris  de 
philologie  romane)  emprunter  au  latin  le  signe  du  pluriel  (-i 
ou  -s),  on  serait  amené  à  former  des  pluriels  comme  ovi,  templi, 
ou  ovos,  templos,  qui  choqueraient  cruellement  les  latinistes.  On 
voit  par  là  l'avantage  d'adopter  parfois  (nous  ne  disons  pas  régu- 
lièrement) des  désinences  arbitraires,  et  par  là  même  esthéti- 
quement indifférentes  et  linguistiquement  neutres. 

Enfin  les  mots  composés  devront  se  former  régulièrement,  de 
telle  sorte  qu'on  puisse  les  fabriquer  au  besoin  sans  erreur  pos- 
sible. On  adoptera  la  règle  généralement  observée  en  grec  et  en 
allemand,  à  savoir  que  le  déterminant  précède  le  déterminé. 
Mais  on  évitera  de  former  des  mots  composés  de  plus  de  deux 
radicaux,  et  de  les  former  sur  le  modèle  des  mots  composés 
nationaux,  qui  sont  souvent  des  idiotismes  *.  Rien  ne  contribue 
autant  à  la  richesse  d'une  langue  que  la  faculté  de  former  des 
mots  dérivés  ou  composés,  comme  le  j)rouve  l'exemple  du  grec 
et  de  l'allemand  :  «  Une  langue  est  d'autant  plus  parfaite,  qu'elle 
fournit  plus  de  possibilités  pour  composer  et  dériver  de  ses 
radicaux  des  mots  de  telle  signification  qu'on  veut,  de  telle  sorte 
qu'on  puisse  comprendre  la  signification  du  nouveau  mot 
d'après  sa  structure  ^  ». 

Pour  que  le  principe  de  l'internationalité  ait  son   maximum 


1.  Voir  la  critique  du  Volapilk. 

2.  Lambebt,  Neues  Organon,  III,  g  129  (Leipzig,  Wendler,  17G4).  Ajoutons 
que  ce  n'est  pas  là  seulement  une  condition  de  perfection  théorique 
(logique),  mais  aussi  une  condition  de  facilité  pratique.  En  effet,  il  n'y  a 
personne  qui  connaisse  tous  les  mots  de  sa  langue  maternelle,  a  fortiori 
d*une  langue  étrangère;  on  ne  peut  donc  pas  exiger  de  quelqu'un  qu'il 
sache  par  cœur  le  vocabulaire  de  la  L.  I.,  ni  ({u'il  ait  toujours  un  diction- 
naire sur  lui  pour  correspondre  ou  converser.  Il  faut  donc  qu'on  puisse, 
dans  une  certaine  mesure,  fabriquer  au  moyen  des  radicaux  les  plus  usuels 
les  mois  dont  on  peut  avoir  besoin  (c'est  ce  qu'il  nous  arrive  souvent  de 
faire  dans  nos  langues  nationales,  soit  par  nécessité,  soit  par  jeu.  Exemple  : 
\c  jemenficliisme).  Or,  pour  que  ces  mots  inventés  soient  sûrement  compris, 
il  faut  qu'ils  soient  formés  suivant  des  régies  absolument  générales  et  fixes, 
qui  permettent  de  les  interpréter  aussi  aisément  qu'on  les  aura  forgés  (Voir  ce 
que  nous  avons  dit  à  propos  des  mots  comme  papable,  ministrable,  cyclable, 
dans  la  Criti(iue  de  \  Espéranto,  p.  351). 


558  CONCLUSION 

d'effet,  la  formation  du  vocabulaire  doit  dominer  tout  le  reste, 
à  savoir  la  grammaire  et  même  l'alphabet.  On  se  souvient  que 
le  caractère  commun  des  systèmes  a  priori  et  des  systèmes 
mixtes  est  de  subordonner  le  vocabulaire  à  la  grammaire,  tandis 
que  les  systèmes  a  posteriori  subordonnent  la  grammaire  au 
vocabulaire.  En  effet,  il  faut  que  les  règles  grammaticales 
imposent  le  moins  de  restrictions  possible  à  l'adoption  des 
radicaux  internationaux*.  De  même, l'alphabet  devra  être  déter- 
miné de  telle  sorte  qu'il  permette  d'adopter  les  radicaux  inter- 
nationaux en  les  déformant  le  moins  possible,  tant  dans  leur 
graphisme  que  dans  leur  phonétisme. 

Le  vocabulaire  ne  doit  comprendre  que  les  «  grands  mots  », 
c'est-à-dire  les  substantifs,  les  adjectifs,  les  verbes  et  les  adverbes 
dérivés.  On  doit  faire  rentrer  dans  la  grammaire  tous  les  mots 
dits  grammaticaux,  c'est-à-dire  toutes  les  particules  (pronoms, 
adverbes  simples,  prépositions,  conjonctions),  et  les  affixes  de 
dérivation  :  car  tous  ces  éléments  forment  un  ensemble  systé- 
matique et  dépendent  les  uns  des  autres.  Il  est  évident,  par 
exemple,  que  les  flexions  grammaticales  et  les  affixes  de  dériva- 
tion doivent  être  choisis  de  façon  à  ne  pas  se  gêner  ni  se  con- 
fondre. Ce  sont  les  particules  qui,  selon  l'expression  de  Leibniz, 
constituent  la  forme  du  discours,  tandis  que  les  grands  mots  en 
constituent  la  matière.  Aussi  reviennent-elles  sans  cesse  dans 
toutes  les  phrases,  dont  elles  forment  le  cadre  et  la  charpente. 
Dans  le  choix  de  ces  particules,  on  pourra  subordonner  l'inter- 
nationalité à  la  régularité;  en  effet,  il  est  naturel  et  commode 
d'établir  entre  elles  une  corrélation  logique,  qui  soulagera  à  la 
fois  l'intelligence  et  la  mémoire,  et  dont  les  langues  naturelles 
offrent  des  modèles,  ou  tout  au  moins  des  ébauches  *.  Peu 
importe  en  ce  cas  qu'on  s'éloigne  des  formes  nationales  (qui 
souvent  ne  sont  nullement  internationales),  puisqu'il  s'agit  d'un 
petit  nombre  de  mots  qui  reviennent  très  souvent  dans  le  dis- 
cours, et  que  l'on  apprendra  très  facilement  en  raison  de  leur 
corrélation  de  forme  et  de  leur  fréquence  même. 

1.  La  grammaire  imposera  toujours  quelques  restrictions  au  lexique, 
si,  pour  éviter  les  isoméries,  on  pose  comme  règle  qu'un  radical  ne  doit  pas 
commencer  comme  un  préfixe  ni  finir  comme  un  suffixe. 

2.  Par  exemple,  en  latin,  à  la  question  quo  répond  eo;  à  qualis,  lalis  ; 
à  qtiantiis,  tantus;  à  qiiot,  toi;  à  quam,  tam,  etc.  Que  l'on  songe,  d'autre 
part,*  aux  séries  de  mots  formées  en  ajoutant  aux  relatifs  les  suffixes  -que, 
-cunque,  -vis,  -libet,  -nam,  etc. 


CONCLUSION  5b9 


Nous  ne  croyons  pas  pouvoir  aller  plus  loin  par  la  méthode 
objective  et  historique  que  nous  avons  suivie  jusqu'ici.  Pour 
préciser  davantage,  nous  serions  obligés  de  faire  intervenir  des 
considérations  d'ordre  théorique,  toujours  sujettes  à  discussion, 
et  que  nous  n'avons  pas  qualité  pour  exposer.  En  tout  cas,  nous 
nous  sommes  efforcés,  dans  cette  Conclusion  comme  dans  le  reste 
de  l'ouvrage,  de  nous  affranchir  de  toute  préférence  personnelle 
et  môme  nationale,  et  de  nous  placer  à  un  point  de  vue  absolu- 
ment impartial  et  neutre.  Aussi,  au  lieu  de  terminer  le  portrait 
de  la  future  L.  I.  et  de  tirer  pour  ainsi  dii*e  son  4ioroscope,  pré- 
férons-nous la  défendre  contre  une  ou  deux  objections  d'ordre 
général  qu'on  lui  oppose  fréquemment. 

La  première  de  ces  objections  consiste  à  dire  que  jamais  la 
langue  internationale,  quelle  qu'elle  soit,  ne  sera  prononcée  de 
môme  par  tous  les  peuples,  et  que  par  suite  elle  ne  pourra 
jamais  servir  aux  communications  orales. 

A  cela  nous  répoudrons  d'abord  que  l'objection,  si  elle  était 
fondée,  diminuerait  assurément  l'utdité  de  la  L.  I.,  mais  ne  la 
supprimerait  pas.  11  lui  resterait  toujours  le  domaine  des  com- 
munications écrites,  qui  est  déjà  immense,  et  bien  suffisant  à 
justifier  l'adoption  d'une  langue  auxiliaire  unique. 

Mais  l'objection  n'est  pas  fondée,  et  ceux  qui  la  font  prouvent 
simplement  qu'ils  sont  mal  informés.  On  pourrait  les  réfuter 
par  des  considérations  théoriques;  mais  rien  ne  vaut  l'argument 
brutal  et  irrésistible  de  l'expérience.  Or  c'est  un  fait,  mille  fois 
constaté,  que  les  langues  artilicielles  (les  plus  parfaites  au 
moins)  permettent  à  des  personnes  de  langues  maternelles  dif- 
férentes de  s'entendre  d'emblée.  Le  Volapdk  a  servi  ftux  discus- 
sions du  Congrès  international  des  Volapïikistes  en  1889,  entre 
personnes  qui  n'avaient  pas  d'autre  langue  commune  :  on  a 
prononcé  des  discours  et  des  toasts  en  Volapûk,  et  la  diversité 
de  prononciation  a  été  assez  faible  pour  ne  faire  aucun  obstacle 
à  la  compréhension  mutuelle.  Depuis  lors,  VEsperanlo  a  donné 
lieu  à  d'innombrables  expériences  du  môme  genre,  toutes  aussi 
concluantes,  et  aussi  stupéfiantes  pour  ceux  qui  en  ont  été 
témoins   (comme   nous-mêmes)  •.   Encore   une  fois,    le   fait,   si 

1.  Voir  la  brochure  de  M.  de  Beaukro.nt,  L'Espéranto  seule  vraie  solution 


560  CONCLUSION 

invraisemblable  ou  incroyable  qu'il  puisse  paraître,  est  que 
des  personnes  de  nations  très  diverses,  qui  n'avaient  appris 
VEsperanto  et  sa  prononciation  que  dans  leurs  manuels  natio- 
naux, et  ne  l'avaient  parlé  qu'avec  leurs  compatriotes  (ou  même 
pas  du  tout),  ont  pu  engager  immédiatement  la  conversation  en 
Espéranto,  dès  leur  première  rencontre,  à  l'improviste,  sans 
aucune  entente  préalable  et  sans  préparation,  et  continuer  sur- 
le-champ  à  causer  pendant  des  heures  sur  les  sujets  les  plus 
variés;  et  elles  ont  constaté,  à  leur  grande  surprise,  que  leur 
prononciation  n'offrait  que  des  différences  insignifiantes,  qui  ne 
les  empochaient  nullement  de  se  comprendre  l'une  l'autre,  sans 
excepter  un  seul  mot.  De  quelle  langue  vivante  pourrait-on  en 
dire  autant"? 

Voilà  le  fait,  il  est  incontestable;  il  ne  reste  qu'à  l'expliquer. 
L'objection  à  laquelle  nous  répondons  invoque  presque  tou- 
jours, précisément,  l'exemple  des  langues  naturelles  :  or  cette 
analogie  se  trouve  en  défaut,  surtout  quand  il  s'agit  de  la  pro- 
nonciation. Tantôt  on  cite  l'exemple  du  latin,  que  tous  les  peu- 
ples prononcent  différemment;  ce  n'est  pas  étonnant,  puisque 
chacun  lui  applique  sa  prononciation  nationale  :  Cicero  se  pro- 
nonce «  en  français  »  Sisero,  «  en  allemand  »  Tsitsero,  «  en  ita- 
lien »  Tchitchero,  alors  qu'il  se  prononçait  en  latin  Kikero.  Si 
tous  les  peuples  convenaient  d'adopter  une  prononciation  uni- 
forme du  latin,  ils  le  prononceraient  de  même.  Tantôt  on 
allègue  les  difficultés,  les  bizarreries  de  la  prononciation  d'une 
langue  vivante,  de  l'anglais  notamment;  on  constate  que  les 
Anglais  prononcent  mal  les  langues  étrangères,  que  les  étran- 
gers prononcent  encore  plus  mal  l'anglais,  que  les  uns  et  les 
autres  ont  beaucoup  de  peine  à  se  comprendre  mutuellement, 
et  l'on  en  conclut  qu'il  en  serait  de  même  dans  une  L.  I.  quel- 
conque. Conclusion  fausse,  et  qui  se  retourne  contre  les  adver- 
saircs  de  la  L.  I.  Pourquoi,  en  effet,  est-il  si  difficile  de  pro- 
noncer correctement  une  langue  étrangère?  Pour  deux  raisons  : 
la  première  est  que  la  langue  contient  des  sons  spéciaux, 
inconnus  aux   autres  peuples  et   difficiles   à   prononcer  pour 

de  la  langue  internationale  auxiliaire  (p.  23-28),  et  VEiiropéen,  29  mars  1902, 
où  M.  Paul  Fruictier  déclare  qu'il  a  pu,  «  six  semainei  après  avoir  com- 
mencé seul  l'étude  de  la  langue  dans  un  petit  ynamiel  de  poche,  causer 
couramment  trois  jours  de  suite  rien  qu'en  Espéranto  avec  un  Suédois 
complètement  ignorant  du  français  ». 


CONCLUSION  50 1 

eux'  ;  la  seconde,  de  beaucoup  la  plus  importante,  est  que  la  cor- 
respondance des  sons  aux  lettres  n'est  pas  constante  et  uniforme*. 
Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  le  procès  des  langues  vivantes;  il 
suffit  do  rapi)oler  qu'aucune  d'elles  n'a  une  orthographe  rigou- 
reusement phonétique,  c'est-à-dire  une  prononciation  conforme 
à  l'écriture,  et  que,  dans  beaucoup  d'entre  elles,  certaines  lettres 
ont  une  dizaine  de  sons  différents.  Eh  bien!  ces  deux  causes 
perpétuelles  d'erreur  sont  évitées  dans  les  meilleures  langues 
artificielles;  quoi  d'étoimant,  dès  lors,  à  ce  qu'on  les  i)rononce 
plus  facilement  ot  surtout  plus  correctement  qu'aucune  langue 
vivante?  Il  ne  faut  qu'un  peu  d'attention  et  d'habitude  pour 
retenir  le  son  de  25  à  30  lettres  (dont  la  plupart  sont  déjà  fami- 
lières), et  leur  donner  hujours  et  partout  ce  mémo  son.  11  en  est 
de  môme  pour  l'accent,  surtout  s'il  tombe  toujours  sur  la  même 
syllabe  du  mot  (comme  en  Volapûk,  sur  la  dernière,  et  en  Espé- 
ranto, sur  l'avanl-dernière).  On  comprend  que  des  préceptes 
aussi  simples  et  aussi  réguliers  réussissent  à  imposer  une  pro- 
nonciation uniforme  à  tous  les  adeptes. 

A  ces  raisons  d'ordre  philologique  on  peut  en  joindre  une 
d'ordre  psychologique.  On  sait  qu'il  est  beaucoup  plus  difficile 
de  comprendre  (oralement)  une  langue  étrangère  que  de  s'y 
faire  comprendre,  et  cela  est  d'autant  plus  surprenant,  qu'il 
est  au  contraire  beaucoup  plus  facile  de  lire  une  langue  étran- 
gère que  de  l'écrire.  A  quoi  cela  tient-il?  Cela  vient  surtout  de 
ce  que  la  plupart  des  hommes  prononcent  très  mal  leur  langue 
maternelle'.  D'abord,  ils  la  parlent  toujours  trop  vite,  et  cela 
suffit  pour  dérouter  l'étranger  peu  familier  avec  la  langue. 
De  plus,  et  par  suite  de  cette  précipitation,  ils  «  avalent  »  la 
moitié  ou  les  trois  quarts  des  syllabes.  Ce  défaut  se  remarque, 
non  seulement  chez  les  x\nglais,  où  il  est  légendaire,  mais  aussi 
chez  les  Allemands  et  même  chez  les  Français,  qui  pourtant 
escamotent  moins  de  syllabes,  à  cause  de  la  faiblesse  de  l'accent 


1.  Tels  sont,  notainmoiil,  les  doux  //*  anglais  ot  lo  ch  alloniand  dur. 

2.  Un  proverbe  allemand  dit  :  «  L'Anglais  écrit  saucisse  et  lit  froma/je  ». 
Vollslûndiger  wissenschaflliciter  Vortraq  ilher  lV>//s/)rffc/je,...von  J.Himmler, 
profesan  volapiika,  p.  23  (Sanigau,  ISi)2).  C'est  lii  une  e.xagorntion  plai- 
sante; mais  ce  que  nous  pouvons  affirmer,  par  expérience  personnelle, 
c'est  que  lorsqu'un  Anglais  prononce  hrojclf,  on  entend  bachl<ol. 

3.  La  preuve  que  c'est  bien  la  principale  cause,  c'est  que  la  même  per- 
sonne, dans  le  mémo  pays  étranger,  comprendra  parfaitement  certaines  per- 
sonnes (colles  qui  prononcent  bien)  et  ne  comprendra  pas  du  tout  les  autres. 

CouTL'BAT  et  Leau.  -     Langue  univ.  <J0 


562  CONCLUSION 

tonique.  Croit-on  qu'un  étranger  puisse  nous  comprendre 
lorsque  nous  disons  p't-êC  au  lieu  de  peut-être,  puisque  f  te  V  dis, 
et  ainsi  de  suite?  En  outre,  la  prononciation  d'une  même  langue 
varie  beaucoup  d'une  province  à  l'autre  :  un  Marseillais  ne  parle 
pas  comme  un  Parisien,  et  l'allemand  ne  se  prononce  pas  de 
même  à  Munich,  à  Leipzig  et  à  Hambourg.  La  prononciation 
diffère  môme  d'une  classe  sociale  à  l'autre  :  on  reconnaît  un 
Anglais  bien  élevé  à  la  manière  dont  il  prononce  les  h  '. 

Mais  il  y  a  un  autre  obstacle  que  la  diversité  de  prononcia- 
tion: il  y  a  la  diversité  des  dialectes  provinciaux,  qui  se  traduit, 
même  dans  le  langage  des  gens  instruits,  par  des  mots  ou  des 
locutions  «  de  terroir  ».  Tel  ustensile  porte  des  noms  différents 
suivant  les  provinces.  Aux  patois  locaux  il  faut  ajouter  le  jargon 
du  monde,  les  argots  du  boulevardier,  du  sportsman,  de  l'étu- 
diant, qui  tous  déteignent  sur  la  langue  de  la  conversation, 
sans  même  que  nous  nous  en  doutions.  Nous  employons  sans 
cesse  en  causant  une  foule  de  mots  étrangers  à  la  langue  écrite 
et  au  dictionnaire  de  l'Académie  (ex.  blague),  ou  détournés  de 
leur  sens  propre  (ex.  fumiste);  tous  ces  mots  sont  .évidemment 
inintelligibles  pour  un  étranger,  et,  remarquons-le,  un  seul 
suffit  à  rendre  inintelligible  toute  une  phrase.  Au  lieu  de  ces 
diversités  infinies,  l'étranger  ne  connaît  qu'une  langue,  la 
langue  écrite,  la  langue  des  auteurs  classiques:  et  il  la  pro- 
nonce, sans  doute  avec  un  accent  plus  ou  moins  marqué  suivant 
sa  nationalité,  mais  avec  soin  et  avec  une  certaine  lenteur.  Quoi 
d'étonnant,  dès  lors,  que  nous  le  comprenions,  et  qu'il  ne  nous 
comprenne  pas?  C'est  nous  qui  avons  tort"^! 

Comparons  maintenant  une  langue  artificielle  (bien  faite)  aux 
langues  vivantes  :  nous  allons  voir  qu'elle  est  exempte  de  toutes 
ces   causes  de    mésintelligences  et  de  difficultés.  Et   d'abord, 


1.  La  prononciation  populaire  est,  dans  chaque  pays,  la  source  d'innom- 
brables plaisanteries  qui  remplissent  les  journaux  amusants,  et  qui  sont 
inintelligibles  peur  l'étranger. 

2.  Les  philologues  nous  apprennent  que  le  haut  allemand  moderne  est 
exclusivement  une  langue  écrite,  forgée  par  les  auteurs  classiques,  et  qu'ils 
n'ont  jamais  parlée.  On  comprend  alors  que  l'étranger  qui  a  appris  l'alle- 
mand dans  Gœthe  et  Schiller  soit  quelque  peu  dépaysé  en  causant  avec  des 
Allemands.  Nous  tenons  à  signaler  ce  fait  à  ceux  qui  n'ont  (jue  mépris  et 
aversion  pour  les  langues  artificielles  :  l'allemand  classique  est  une  langue 
artificielle.  11  est  vrai  qu'à  ce  compte-là,  toutes  les  langues  civilisées  et  lit- 
téraires sont  factices;  le  français  n'a-t-il  pas  été  complètement  réformé  par 
les  précieuses  et  les  grammairiens  du  xvii"  siècle? 


CONCLUSION  563 

une  telle  langue  sera  u/uVyue,  elle  sera  la  mOme  sur  le  papier 
qu'à  la  bouche,  et  elle  n'admettra  ni  dialectes  provinciaux,  ni 
locutions  familières,  ni  expressions  d'argot.  Ensuite,  sa  pronon- 
ciation sera  fixée  par  des  régies  simples  et  uniformes  :  l'ortho- 
graphe rigoureusement  phonétique  ne  permettra  aucune  hésita- 
tion, aucune  diversité  essentielle  dans  Télocution.  Knfin,  et  c'est 
la  raison  la  plus  importante,  chacun  la  parlera  comme  une 
langue  étrangère,  c'est-à-dire  avec  soin,  on  pourrait  dire  :  avec 
respect.  Elle  ne  deviendra  jamais  assez  familière  pour  qu'on  la 
«  massacre  ».  Elle  sera  vraiment  un  terrain  intermédiaire  et  neutre 
où  les  interlocuteurs  se  rencontreront  sur  un  pied  d'égalité. 

La  seconde  objection  se  rattache  à  la  précédente,  mais  elle  en 
est  néanmoins  distincte.  Elle  consiste  à  dire  que,  lors  même  que 
l'unité  de  la  L.  I.  serait  assurée  à  l'origine,  elle  ne  pourrait  pas 
subsister.  Chaque  peuple  l'altérera  suivant  ses  habitudes  de  lan- 
gage et  d'esprit,  et  y  introduira,  non  seulement  ses  mots  natio- 
naux, mais  ses  dérivations  propres,  ses  idiotismes  de  grammaire 
et  de  syntaxe.  Le  vocabulaire  .se  décomposera  ainsi  finalement 
en  autant  de  vocabulaires  qu'il  y  a  de  langues  ou  de  familles  de 
langues,  et  il  y  aura  autant  de  styles  et  de  prononciations  que 
de  nations. 

Ces  pronostics  pessimistes  viennent  de  ce  qu'on  exagère  la 
diversité  de  nos  langues  *,  et  surtout  de  ce  qu'on  invoque  les  lois 
de  l'évolution  des  langues  vivantes,  ce  qui  est  une  induction 
fausse,  et  en  tout  cas  illégitime:  car  la  L.  I.  ne  sera  pas  une 
langue  vivante*,  et  par  suite  ne  sera  pas  soumise  aux  mômes 
agents  de  déformation  ou  de  transformation.  En  effet,  ce  qui 
déforme  une  langue,  c'est  l'usage  ornl,  quotidien  et  populaire.  Or, 
quelle  que  puisse  être  sa  diffusion,  la  L.  1.  ne  deviendra  jamais 
populaire:  on  ne  s'en  servira  pas  couramment,  entre  compa- 
triotes, pour  la  conversation  familière  (si  ce  n'est  par  jeu,  et 
seulement  quand  on  la  saura  bien):  enfin  elle  sera  toujours,  par 
sa  destination,  beaucoup  plus  employée  pour  écrire  que  pour 
parler  :  or  on  sait  que  l'usage  écrit  tend  à  conserver  et  à  fixer 
une  langue.  D'ailleurs,  ce  qui  évolue,  c'est  surtout  la   langue 


1.  L'autour  dé  ces  objections  nvouc  qu'  -  une  partie  notable  de  la  phra- 
séologie uiodorne  est  déjà  intornationnip  ». 

2.  Nous  no  voulons  pas  diro  par  là  qu'elle  ne  sera  pas  susceptible  d'évo- 
luer (voir  p.  r)(»7),  mais  qu'elle  sera  pratiquée  dans  des  conditions  tout 
autres  (lue  les  langues  vivantes,  c'est-à-dire  nationales  et  maternelles. 


564  CONCLUSION 

usuelle,  et  non  pas  la  langue  scientifique  et  commerciale;  ou, 
si  celle-ci  évolue,  c'est,  et  ce  sera  de  plus  en  plus,  d'une  manière 
concordante  dans  tous  les  pays,  en  vertu  de  leur  solidarité  crois- 
sante dans  le  progrès. 

En  outre,  on  apprendra  la  L.  I.  comme  une  langue  étrangère 
et  toute  faite  *.  Or,  comme  nous  l'avons  dit,  on  pratique  une 
langue  étrangère  plus  purement  et  plus  correctement  que  la 
plupart  de  ceux  dont  elle  est  la  langue  maternelle.  On  ne  songe 
pas  à  la  réformer  ou  à  innover  en  quoi  que  ce  soit  :  on  l'accepte 
docilement  avec  toutes  ses  anomalies  et  ses  bizarreries,  «  parce 
que  c'est  comme  ça  »,  et  qu'autrement  on  ne  serait  pas  compris. 
Il  en  sera  de  môme  pour  la  L.  I.  Dira-ton  qu'on  fait  sans  le  vou- 
loir ni' le  savoir  des  «  innovations  »  dans  une  langue  étrangère, 
par  cela  seul  qu'on  la  sait  mal?  Mais  ces  innovations  n'ont  alors 
rien  de  systématique,  et  par  suite  ne  peuvent  engendrer  une 
déformation  durable.  Et  puis,  pourquoi  commet-on  des  fautes 
dans  les  langues  vivantes?  Parce  qu'elles  ne  sont  pas  régulières, 
et  qu'elles  offrent  des  complications  arbitraires,  comme  le  genre 
des  substantifs.  On  a  remarqué  que  la  plupart  des  fautes  com- 
mises dans  une  langue  par  les  étrangers  ou  par  les  enfants 
tendent  à  la  rendre  plus  régulière  et  plus  logique  *.  Dès  lors,  la 
L.  L,  qui  par  hypothèse  sera  absolument  logique  et  régulière, 
et  dépouillée  de  toute  complication  inutile,  prêtera  bien  moins 
qu'aucune  langue  vivante  à  ces  *  incorrections  »,  qui  sont  sou- 
vent de  véritables  «  corrections  »  ou  simplifications.  Dira-t-on 
enfin  que  chaque  peuple  y  introduira  irrésistiblement  ses  idio- 
tismes?  Pas  plus  qu'on  ne  transporte  les  idiotismes  de  sa  langue 
maternelle  dans  une  langue  étrangère.  On  objecte  que  nous 
n'avons  pas  conscience  de  nos  idiotismes,  et  que  l'étude  des 
langues  mortes  ou  vivantes. est  le  meilleur  moyen,  sinon  le  seul, 
que  nous  ayons  de  les  découvrir  et  de  nous  en  affranchir.  Mais 
l'étude  de  la  L.  I.  rendra,  mutatis  mutandis,  exactement  le 
même  service  que  celle  du  grec  ou  du  latin;  et  elle  le  rendra  à 
beaucoup  plus  de  personnes,  car  elle  pourra  s'introduire  jusque 


1.  «  J'apprends  le  Volapûk  comme  j'apprends  le  français  ou  l'anglais, 
sans  me  soucier  en  aucune  façon  de  l'histoire  antérieure  des  langues.  » 
H.  ScHUCHARDT.   Weltsprache  und  Wellsprachen,  p.  13  (1894). 

2.  De  telles  fautes  se  trouvent,  par  inadvertance,  même  chez  de  grands 
écrivains  :  Lamartine  a  écrit  plusieurs  fois  «  vêtissait  »  (imparfait  du  verbe 
vêtir),  évidemment,  par  analogie  avec  finir. 


CONCLUSION  565 

dans  renseignement  primaire  (supérieur,  au  moins).  Toute  la 
différence  est  que  nous  sommes  obligés,  en  général,  de  traduire 
dans  une  langue  naturelle  nos  idiotismes  par  d'autres  idio- 
tismes,  tandis  que  dans  la  L.  I.  on  devra  les  remplacer  par 
l'expression  la  plus  logique  et  la  plus  directe,  qui  n'en  sera  que 
plus  facile  à  retenir.  Par  exemple,  si  l'on  apprend  à  traduire 
l'idiotisme  français  :  «  Comment  vous  portez-vous?  »  par  la  locu- 
tion anglaise  inintelligible  :  «  How  do  you  do?  »,  on  apprendra 
beaucoup  plus  aisément  à  la  traduire  par  une  locution  qui  signi- 
fiera simplement  :  «  Quel  est  votre  état  de  santé?  »  Lors  môme 
qu'on  ne  pourrait  absolument  pas  éviter  les  idiotismes,  comme 
ce  paraît  être  le  cas  pour  :  «  Quel  Age  avez-vous?  »  (l'allemand 
dit  :  «  Combien  ètes-vous  vieux?  »),  on  sera  obligé,  au  pis-aller, 
d'adopter  un  des  idiotismes  nationaux;  on  aura  toujours  cet 
avantage,  de  n'en  avoir  qu'un  à  apprendre  '.  Enfin,  toute  inno- 
vation, même  involontaire,  toute  introduction  d'idiotismes  ou 
de  néologismes  sera  immédiatement  réprimée  par  la  sanction 
naturelle,  qui  consiste  à  n'être  pas  compris.  Les  tendances 
divergentes  de  chaque  peuple  seront  constamment  refrénées  et 
neutralisées  par  celles  des  autres,  et  ne  pourront  jamais  donner 
naissance  à  des  déformations  nntionnles  permanentes,  puisque, 
encore  une  fois,  on  n'emploiera  guère  la  L.  I.  entre  compa- 
triotes. 

On  objecte  encore  qu'  «  à  une  langue  vivante  il  faut  une  régie 
vivante  »,  et  l'on  demande  «  quelle  sera  la  nation  dont  l'usage 
fera  loi  ».  Nous  répondons  simplement  :  Où  était  la  règle 
vivante  pour  le  latin  du  moyen  Age  et  de  la  Renaissance?  Quelle 
était  la  nation  dont  l'usage  faisait  loi?  Aucune,  mais  l'ensemble 
des  savants  qui  pratiquaient  le  latin  dans  tous  les  pays  civilisés, 
et  qui  formaient  entre  eux  «  la  République  des  lettres  ».  Dira- 
t-on  qu'on  avait  une  norme  et  des  modèles  dans  les  auteurs 
classiques?  Mais,  d'abord,  le  latin  du  moyen  âge  n'était  pas  le 
latin  classique  :  c'était  une  langue  autonome  et  absolument  arti- 
ficielle. Ce  n'est  vrai  que  pour  le  latin  classique  employé  depuis 

1.  C'est  une  chose  étrange  que  le  préjugé  et  le  parti  pris  :  on  objecte  à 
la  L.  1.  une  foule  de  difllcuUés  que  les  langues  vivantes  présentent  à  un 
degré  supérieur,  et  (jue  l'on  surmonte  néanmoins  dons  la  pratique.  Il  semble 
que  les  adversaires  de  la  L.  1.  fassent  en  sens  inverse  ce  qu'on  a  reproché 
à  ses  partisans:  ils  regardent  les  difllcuUés  par  le  petit  bout  de  la  jumelle, 
quand  il  s'agit  de  la  L.  I.,  et  par  le  gros  bout,  quand  il  s'agit  des  langues 
naturelles. 


566  CONCLUSION 

la  Renaissance  jusqu'au  xix'^  siècle,  qu'on  apprenait  uniquement 
dans  les  livres  et  dans  les  grammaires;  or  on  ne  voit  pas  que 
dans  ce  laps  de  temps  il  ait  subi  la  moindre  déformation  natio- 
nale. Alléguera-ton  enfin  que  le  latin  offre  du  moins,  comme  les 
langues  vivantes,  une  tradition  et  une  littérature  qui  en  fixent 
l'usage  et  le  style?  Mais  la  L.  I.  possédera  bientôt,  elle  aussi,  une 
tradition  et  une  littérature  où  Ton  pourra  trouver  des  modèles 
de  style.  Eh  quoi!  dira-t-on,  du  style  dans  une  langue  artifi- 
cielle? Pourquoi  pas,  s'il  est  vrai  que  toute  langue  littéraire  est 
plus  ou  moins  artificielle'?  Qu'y  a-t-il  de  plus  artificiel,  en  tout 
cas,  que  la  poésie  dans  n'importe  quelle  langue?  Et  dans  quel 
pays  est-il  «  naturel  »  de  parler  en  vers  *? 

Ce  que  nous  venons  de  dire  de  la  norme  du  style,  on  pourrait 
le  répéter  de  la  norme  de  la  prononciation.  Et  d'abord,  puisque 
l'expérience  a  prouvé  qu'une  langue  artificielle  à  orthographe 
phonétique  et  à  prononciation  uniforme  est  prononcée  sensible- 
ment de  la  même  manière  par  des  personnes  de  divers  pays  qui 
l'ont  apprise  dans  leurs  manuels  respectifs,  les  mêmes  causes 
qui  établissent  d'emblée  cette  conformité  contribueront  naturel- 
lement à  la  maintenir.  Mais  on  insiste,  et,  toujours  en  vertu  de 
la  prétendue  nécessité  d'une  règle  vivante,  on  demande  :  «  Comme 
pour  le  mètre  international,  gardera-ton  en  quelque  endroit, 
comme  en  un  inviolable  asile,  les  témoins  de  la  prononciation 
primitive  3?  »  Qu'on  se  rassure  :  ce  moyen  chimérique  est  absolu- 
ment inutile,  surtout  depuis  l'invention  du  phonographe.  On  sait 
(et  les  philologues  devraient  être  les  derniers  à  l'oublier,  ou  les 
premiers  à  le  rappeler)  que  le  phonographe  est  devenu  l'instrument 
indispensable  des  études  de  phonétique  comparée  ;  qu"il  sert  à  noter 
avec  exactitude  la  prononciation  des  patois  provinciaux  ou  des  dia- 
lectes exotiques  et  sauvages,  à  recueillir  des  contes  et  des  chants 

1.  «  Toute  langue  écrite  est  artificielle.  »  Richard  Meyer,  Kûnstliche 
Sprachen,  dans  la  revue  Indogermanische  Forschunf/en,  t.  XII,  fasc.  i-4 
(Strasbourg,  Trùbner,  1901).  Cet  aveu  est  d'autant  plus  précieux,  de  la  part 
de  ce  philologue,  qu'il  n'est  pas  partisan  des  L.  I.  artificielles. 

2.  La  langue  poétique  a  toujours  été  une  langue  artificielle,  et  cela  dès 
l'origine  de  la  poésie  :  «  La  langue  dont  se  servaient  les  aèdes  n'était  pas 
celle  qu'on  parlait  autour  d'eux  :  c'était  une  langue  conventionnelle  ». 
A.  et  M.  Croiset,  Manuel  d'histoire  de  la  Ultéralure  (ji-ecc/ue,  p.  23. 

3.  M.  Bréal,  l.e  choix  d'une  langue  internationale,  ap.  Eevue  de  Paris, 
ISjuil.  1901,  p.  245.  —  C'est,  semble-t-il,  la  même  idée  qui  a  suggéré  à 
M.  Frod  IsLY  son  projet  fantaisiste  d'une  colonie  internationale  qui  serait 
le  conservatoire  de  la  L.  L 


CONCLUSION  567 

avec  louf  accent  original  et  à  conserver  à  la  postérité  des  monu- 
ments authentiques  de  certaines  langues  près  de  disparaître. 
On  emploie  le  phonographe  pour  enseigner  la  prononciation 
correcte  de  toile  ou  telle  langue  vivante  ;  pourquoi  ne  l'cniploie- 
rait-on  pas,  au  besoin,  pour  enseigner  la  prononciation  de  la 
L.  I.,  (jui  sera  incomparablement  plus  simple  et  plus  facile,  et 
})our  lui  conserver  son  uniformité  à  travers  le  temps  comme  à 
travers  l'espace*? 

Il  n'y  a  qu'un  point  sur  lequel  les  innovations  soient  inévita- 
bles :  c'est  le  vocabulaire.  11  est  naturel  et  nécessaire  qu'avec 
le  progrès  des  sciences  et  de  la  civilisation  apparaissent  des 
idées  nouvelles  et  des  instruments  nouveaux,  qui  exigent  la 
création  de  mots  nouveaux.  Sans  doute,  le  plus  souvent,  l'inven- 
teur de  l'instrument  ou  de  l'idée  lui  assigne  dans  sa  langue  un 
nom  plus  ou  moins  heureusement  choisi,  et  quelquefois  barbare, 
qui  .se  transmet  sans  modification  essentielle  dans  toutes  les 
autres  langues.  Il  est  certain  que  les  termes  techniques  qui 
auront  ainsi  conquis  l'internationalité  devront  être  adoptés  par 
la  L.  I.  Mais,  d'une  part,  ce  n'est  pas  toujours  le  cas^;  et,  d'autre 
part,  les  expressions  ainsi  fabriquées  et  mises  en  circulation  i)ar 
des  personnes  peu  versées  dans  la  philologie  sont  souvent  défec- 
tueuses, équivoques,  illogiques  ou  contraires  à  l'analogie.  Il 
convient  donc  qu'il  y  ait  une  autorité  internationale  compé- 
tente qui  décide  de  l'adoption  des  mots  nouveaux  en  L.  I.  Mais 
cette  autorité  ne  peut  évidemment  pas  être  autre  que  celle  qui 
aura  choisi  la  L.  I.  et  constitué  son  vocajjulaire  à  l'origine.  D'une 
manière  plus  générale,  il  est  tout  indiqué  que  le  Comilé  qui 
aura  institué  la  L.  I.  veille  à  sa  conservation  et  à  son  développe- 
ment régulier  suivant  les  principes  mêmes  qui  auront  présidé  à 
sa  création,  notamment  en  approuvant  et  sanctionnant  tous  les 
livres  destinés  à  l'enseignement  de  la  L.  I.  (grammaires,  diction- 

1.  L'expérience  a  élé  faite  récemment  par  le  groupe  espérnntiste  de  Mont- 
réal (Canada).  Ses  membres  envoyèrent  au  D'  Za.menhof  un  i)iionopramme 
en  Espéranto,  pour  lui  donner  un  spécimen  de  leur  prononciation,  et  le 
prier  de  la  rcctilier.  Le  D'  Zamenhof  leur  répondit  par  un  autre  phono- 
gramme d"ai)prolKUi(iii  et  de  félicitalion;  ils  purent  ainsi  entendre  la  voi.x 
du  maître,  et  constater  ([ue  leur  prononciation  ne  dilTérait  pas  de  la  sienne. 

2.  Pour  prendre  un  exemple  parmi  les  inventions  récentes,  la  tnacliine  à 
écrire  s'appelle  en  E.  typewriler  et  en  D.  'hipoqraph  ;  et  les  mots  dérivés, 
en  F.,  se  forment  avec  le  radical  daclijlofpaphe.  \  notre  avis,  les  expressions 
françaises  sont  mauvaises,  el  c'est  le  radical  allemand  (jui  devrait  être 
internationalement  adopté. 


568  CONCLUSION 

naires,  chrcstomathics,  traductions  normales,  etc.).  Il  ne  fera 
ainsi  que  continuer  son  œuvre,  la  compléter  et  la  perfectionner 
sans  cesse,  puisque  aussi  bien,  par  la  nature  des  choses,  elle  sera 
susceptible  et  elle  aura  besoin  dun  perfectionnement  indéfini. 

Bien  entendu,  c'est  surtout  et  presque  exclusivement  sur  le  voca- 
bulaire que  devra  porter  ce  perfectionnement,  caria  granmiaire, 
la  syntaxe  et  le  système  de  formation  des  mots  devront  rester 
immuables  dans  leurs  traits  essentiels.  Or  l'élaboration  du  voca- 
bulaire international,  dans  sa  partie  scientifique  et  technique 
(qui  est  la  plus  considérable  et  la  idus  importante),  exigera  le 
concours  de  savants  spéciaux  des  diverses  nations  civilisées;  et 
c'est  surtout  pour  cette  tAche  que  le  haut  patronage  des  Acadé- 
mies est  indispensable  à  la  L.  I.  Non  seulement,  en  efîet,  aucun 
auteur  de  L.  1.  n'a  la  compétence  universelle  indispensable  pour 
constituer  ce  vocabulaire,  mais  aucune  association  de  savants 
compétents  n'aurait  l'autorité  nécessaire  pour  le  faire  accepter 
dans  tous  les  pays.  Lors  même  que  ce  travail  gigantesque  aurait 
pu  être  exécuté  de  la  manière  la  plus  satisfaisante  et  la  plus 
impartiale  par  l'initiative  privée,  il  faudrait  encore, la  sanction 
des  xVcadémies  associées  pour  lui  donner  force  de  loi.  Il  vaut 
donc  mieux  que  ce  travail  soit  entrepris  par  les  Académies  elles- 
mêmes,  ou  du  moins  sous  leur  direction  et  leur  contrôle.  Et 
VAssociation  internationale  des  Académies  est  toute  désignée  pour 
assumer  cette  tâche,  non  seulement  parce  cjn'elle  possède  émi- 
nemment la  compétence  et  l'autorité  requises,  mais  encore 
parce  qu'elle  a  été  expressément  instituée  pour  »  préparer  ou 
promouvoir  des  travaux  scientifiques  d'intérêt  général  »  et  pour 
t  faciliter  les  rapports  scientifiques  entre  les  différents  pays  ». 
Or  la  première  condition  du  progrès  scientifique  est  l'uniformité 
du  vocabulaire  i,  et  l'Association  internationale  des  Académies  ne 
peut,  sans  manquer  à  sa  mission  essentielle,  refuser  de  la  réaliser. 

De  toute  façon,  non  seulement  l'idée  de  la  Langue  internatio- 
nale ne  saurait  périr,  mais,  à  en  juger  par  les  progrès  de  plus 
en  plus  accélérés  qu'elle  fait  depuis  vingt  ans,  elle  touche  à  sa 
réalisation  définitive.  Ce  qui  ne  fut  d'abord  que  le  rêve  de  quel- 
ques-uns de  ces  grands  penseurs  dont  la  mission  semble  être  de 
prévoir  et  d'anticiper  de  plusieurs  siècles  les  progrès  de  l'huma- 
nité, est  devenu  de  nos  jours  une  œuvre  de  science  et  d'art,  à  la 

1.  De  l'aveu  de  AI.  Darboux,  cité  dans  la  Préface,  p.  ix. 


CONCLUSION  569 

fois  bion  i)lus  simple  cl  bien  plus  riche  que  les  essais  informes 
des  précurseurs.  L'adoption  définitive  et  prochaine  d'une  Langue 
internationale  sera  le  triomphe  et  la  consécration  de  tant  de 
tentatives,  restées  en  apparence  infructueuses.  Quelle  que  soit  la 
valeur  des  divers  projets  de  langue  universelle,  tous  leurs  auteurs 
ont  droit  à  la  reconnaissance  de  la  postérité  :  glorieux  ou  obs- 
curs, ils  ont  tous  contribué  au  succès  de  la  grande  idée  dont 
ils  étaient  épris  et  possédés  ;  beaucoup  ont  passé  leur  vie  en  de 
longs  et  minutieux  travaux,  ils  ont  usé  leurs  forces,  dépensé  leurs 
ressources,  compromis  ou  sacrifié  leur  avenir  pour  ce  qu'ils  con- 
sidéraient comme  un  devoir  sacré,  et  ils  n'en  ont  été  trop  sou- 
vent récompensés  que  par  le  dédain  et  la  moquerie,  ou,  qui  pis 
est,  par  rindifférencc  et  le  silence.  A  tous,  morts  ou  vivants, 
nous  tenons  à  rendre  hommage  à  la  fin  de  cette  Histoire  ;  qu'elle 
soit  pour  eux  le  commencement  de  la  réparation,  en  attendant  le 
jour  où  le  monde  civilisé,  couronnant  leurs  efforts,  proclamera 
qu'ils  ont  bien  mérité  de  l'humanité. 

P.  S.  —  Pendant  l'impression  de  cet  ouvrage  ont  paru  trois 
nouveaux  projets  de  L.  L,  que  nous  ne  pouvons  que  mentionner 
ici  : 

D""  H.  MoLEN.t.AR  (Mûnchen-Solln  II)  :  Panromnn,  skiz  de  un  ling 
internazional,  dans  la  revue  mensuelle  Die  Religion  dcr  Menschheit, 
mars,  mai  1903  (Leipzig,  Uhlig). 

Albert  IIœssrich  (Sonneberg,  Thuringe)  :  Tal,  exposé  dans  une 
feuille  périodique  intitulée  :  Talnovos  (n°  1  :  avril  1903). 

G.  Peano,  professeur  à  l'Université  (Torino)  :  De  lalino  sine 
Jlexione,  dans  la  Revue  de  «  Mathématiques  »  (tome  8,  année  1903). 


ERRATA 


p.  110,  ligne  2,  lire  :  R-jiaz  =  élre  le  meilleur. 
P.  148,  note  2,  ligne  3,  lire  :  changer  au  fond  de  la  langue. 
P.  239,  ligne  3  du  bas,  lire  :  pronoms  personnels. 
P.  323,  ligne  5,  lire  :  (une)  antiquité. 

P.  330,  ligne  12,  lire  :  11  y  avait  7700  Espérantistes  inscrits  au 
commencement  de  1903. 


INDEX   DES    NOMS    PROPRES 


AAE^  :  100. 

Académie  internationale  de  langue 
universelle  (Akademi  internasio- 
nal  de  linqii  universal)  :  147-151, 
155,  44!),  475,  484-506. 

Adjuvanto  (v.  Bealfront)  :  328,  329, 
474. 

Alaudœ  :  517. 

American  Philosophical  Society  : 
327,  364-371,  394,  398,  470,  308,  511. 

Ampérk  :  72. 

Angelini  :  522. 

Anfflo-Franca  (v.  IIenderson)  :  389, 
393-400,  513,  517. 

Anli-Volapilk  (v,  Mill)  :  443-448. 

Ahistote  :  115,  353. 

Arnim  (Wilhclm  von)  :  198-205. 

Artioli  :  521. 

Association  internationale  des  Acadé- 
mies :VI1I,IX,XVI,  XI.\',  XXII, 508. 

Baccelli  :  529. 

Baciimaier  :  9,  10,  40. 

Bacon  :  73. 

Baker  :  408. 

Balla  (v.  Dormoy)  :  38,  80,  188-193, 

550. 
Baranovski  (Et.  de)  :  9. 
Bauer  (Goorg)  :  157,    101,   170-180, 

229,  449. 
Beaitront    (Louis  de)  :  .\XX,    304, 

316-319,    321,    325,  328,  329,  334, 

341,  344,  352,  358,  474,  559. 
Beermann    :  198,    457-467,    469-475, 

517,  518. 
Benguela  :  230. 

Bermiard  (Serafiny  :  343,  372. 
Berthei-ot  :  304,  302. 
Bi»:ki.  :  409-475. 
BoiRAC  :  302. 
Bolak  (v.  Bollack)  :  42,  210-233.  353. 


Boi.i.a(;k  (Léon)  :  XXX,  20,  81,  106, 

210-233,  245,  333. 
BoLTZ  (Aug.)  :  515. 
BoxTO  VAN  Bylevei.t  :  485. 
Bopal  (v.  Max)  :  166-167. 
BoROVKO  :  327. 
Bourooint-Lagranoe  :  86. 
bourlet  :  xxx. 

BRiiAL  (Michel)  :  XXX,  308,  339,  560. 
Brinton  (Daniel)  :  304,  309. 
BuRNOUF  :  72. 

CART(Th.):  .304,  314,  302. 
Chabé-aban  (\:  Maldant)  :  80,  82  86, 

115. 
Ghancerel  :  80. 
Ciiasselolp-Laudat  :  3. 
Chinook  :  230,  280. 
CiiouippE  :  73. 
Civis  Romanus  :  522.   , 
GoLLiGNON  (A.)  :  517. 
Communia  (v.  Stempfl)  :  408-414. 
Communications-Sprache   (v.  Schip- 

EER)  :  241-246. 
Gondili-ac  :  73. 
gondorcet  :  73. 
goirt  de  géuelin  :  73. 
CouRTON^E  :  272-279. 
GouTURAT  :  13,  19,  23,  72. 
Croiset  (Alkhed  et  .Maurice)  :  566. 

DAI.OARNO  :  2, 15-18,  19,  22-24,  54,66, 

73. 
Damu  :  9. 

Darboux  :  Vin,  IX,  508. 
De  Brosses  :  73. 
Dei.ACorR  :  538. 
Délégation    pour    Vadoption    d'une 

langue  auxiliaire  inlernationale  : 

V,  XVl,   XXI-XXVI,  29,  400,  433, 

497,  554. 


572 


INDEX    DES   NOMS   PROPRES 


Delormel  :  8,  29-32,  40,  55,  73. 

Demolins  :  XVII. 

Descartes  :  III,  10-14,  73,  555. 

Destdtt  de  Thacy  :  73. 

Deviatxine  :  327. 

Dkwey  (Melvil)  :  6. 

DiELS  (Hcrmann)  :  XXX,  512, 523-526, 

536. 
DiETRiCH  (Cari)  :  106-112. 
DU  (V.  Fieweger)  :  181-187. 
Dilpok  (V.  Marchand)  :  206-209. 
Dohmoy:38,   80,   142,  100,   18^^193. 
Durand  (de  Gros)  :  115. 
Dyer  (Frederick  William): 77-79, 115. 

Earle  :  494. 

Egger   (Victor)  :  XXX.  517. 

EiCHnoRX  (L'abbo)  :  121,  294-303. 

EiCHTiiAL  (Gustave  d')  :  515. 

Einstein  (Léopold)  :  327,  309. 

Elus  (Alexander  J.)  :  307,  309  371. 

Elpi  (G.)  :  522. 

Encyclopédie  :  239. 

Espéranto  (v.  Zamenhok)  :  12,  64,  82, 
88,  200,  235,  240,  244,  272,  304-363, 
369,  .371,  388,  400,  424,  427,  442, 
449,  408,  471-474,  480,  483,  487, 
503,  504,  513,  ,537,  539,  544,  557, 
559,  500,  .501,  507. 

Faiouet  :  73,  239-240. 
Feyeiiabeno  :  153. 
Fieweger  :  181-187. 
Flacii  (Joli.)  :  515. 
Fricke  :  408. 
Fried  :  304. 

Froehlich  :  74,  543-544. 
Fruictier  (Paul)  :  328,  500. 
Fochs  (v.  Volk). 

Gagne  :  74,  542. 

Gajewski  (Boleslas)  :  33,  37. 

Gajewski  (Vincent)  :  33,  37. 

Gauss  :  520. 

Génigiriphie  :  74. 

Geoghegan  :  304,  327. 

Grabovvski  :  328,  469-474. 

Grimm  (Jacob  von)  :  121-127,  294,  343, 

513. 
Grosseli.n  :  2,  40-42,  117. 
Guardiola  (José)  :  194-197. 
Guru-Negoro  :  475. 

Haag  (Cari)  :  9. 
Hale  (Horalio)  :  369. 


Ha  VET  (Julien)  :  517-518. 

Hegel  :  378. 

Hei.ntzeler  :  449-456,  469. 

IIenderson   (George  J.)  :  XXX,   330, 

380-400,  415,  508,  500,  517-520. 
Henricy  (Casimir)  :  71-75. 
HiLBE  (Ferdinand)  :  95-105. 
llindoustani  :  508. 
HuKFFDiNO  (Harald)  :  319. 
HoESSRicH  (Albert)  :  569. 
IloiNix  (P.)  [v.  Henderson]  :  389,393- 

400. 
Holmes  (Le  Rév.  A.  F.)  :  485. 
HoPKiNS  (Tighe)  :  523. 
Horace  :  360. 
HoiRvviTZ  :  73. 
Hug  (Albert)  :  545. 
Hl'Mmler  :  501. 

Idiom  Neutral  :  155,  334.  .338,  345, 
346,  .369,  388,  467,  475,  484-506, 
513,  550. 

Interpretor  :  468. 

IsLY  (Fred)  :  74,  542-543,  506, 

Jacobi  :  526. 

Jevons  (Stanley)  :  536. 

JoRET  (Ch.)  :  332. 

Kklleh  (0.)  :  518. 

Kerckhokfs  (Auguste)  :  XXX,    128, 

136,   138,    140,  142,  143-150,  152, 

155,  158-160,  102,  349. 
KiHCHiiOFF  :  147. 
Kf*:MG  :  469,  470. 
KoFJiAN  :  327,  347. 
Kosmopolil  :  421,  468. 
Kosmos  (v.  Lauda)  :  373-379,  487. 
Kui:lenheck  (Ludwig)  :  515. 
KuRSCiiNER  (Fr.)  :  XXX,  480-483. 

La  Grasserie  (Raoul  de)  :  516. 

Lamartine  :  564. 

Lamuert  :  557. 

Langue  bleue  (v.  Bollack)  :  210-233, 

237,  270. 
Langue  catholique  (v.  Liptay)  :  436- 

442. 
Langue  facile  (v.  Henderson)  :  400. 
Larousse  :  80. 

Lrt«wesce(v.  Henderson):  389-392,400. 
Lauda   (Eugen   A.)    :    102,   373  379, 

449,  517. 
Ledeher :  198,  405. 
Leibniz  :  III,  8,  13,  15,  18,  19,  22,  23- 


INDEX    DES    NOMS    PROPRES 


oT3 


28,  -Vf,   73,  80,  94,  114,   12C,  337, 

342,  303,  515,530,  558. 
Le  Mesl  :  73,  75. 
LEXT7.E(Karl)  :  143,  408. 
Lenz  (Félix),  280,  281,  280, 
Leoxoui  (Aristide)  :  .521. 
Lehoy-Beali.ieu  (Paul)  :  517. 
Letellieh  (d'Ainions)  :  74. 
Letellier  (de  Caen)  :  2,  8,  46-58,  74, 

75,  94,  113,  115,  213. 
Lktelueh  (l)"-)  :  XXX,  46. 
Lévy-W'ogle  :  541. 
Lingtta  (v.  IIe.ndehson)  :  380-389,  391, 

415,  517. 
Lingua  franca  :  236,  280,  365. 
Lingua  Fraiica  Ntiova  (v.  Beknhard)  : 

343,  372. 

Lingua  komun  (v.  KOrscuneh)  :  480- 

483. 
Lingualumina  (v.  Dyer)  :  77-79, 115. 
Lin'gtiist  :  3-35,  392,  468-476,  483,  48(), 

513,514. 
Linguum  Islianiim  (v.  Isly)  :  542- 

543. 
LiPTAY   (D--  Alberto)  :  429,   436442, 

449,  483,  480,  487. 
LoMATSCH  :  522. 
Lombard  (Emile)  :  328. 
LoTT  (Julius)  :  99,  102,  154,  413,  421- 

435,  430,  442,  449,   455,  468,  409, 

471,472,  475,  483,  488,517. 

Macé  (D'-):517. 

Macfaui,ane  (Alexander)  :  369. 

Mackensen  :  496. 

Maimiecx  (Joseph  de)  :  9,  45,  73,  74, 

236. 
Maldanc  (Eugène)  :  80,  82-86. 
Marchand  (l'ahbé)  :  206-209. 
Mas  (Sinibaldo  de)  :  9,  .357. 
Matr AYA  :  74. 
Max  (St.  de)  :  168-169. 
Melvili.e  Bell  :  150. 
Mexet  (Charles)  :  166-167. 
Merckens  :  304,  362. 
Meyer  (Richard)  :  566. 
Mezzokanti  :  443. 
MiLL  (Fred)  :  443-448. 
MiLTON  :  396. 
Mistral  :  336. 

MocH  (Gaston)  :  XXVin,  328. 
Modem  Latin  (v.  Grabowski)  :  474. 
Molenaar  :  569. 
Molière  :  220,  542. 
Monopang lotie  (v.  Gagne)  :  74, 542. 


MosER  (llans)  :  121.  280,  289. 
Muller  (Max)  :  X,  294,  330,  364,  380, 

381,  437,  486,  .509. 
Ml'nboodo  (lord)  :  73. 
Mundolingw  (v.  Lott)  :  99,  369,421- 

435,483,  487.513. 
Myrana  (v.  Stempfl)  :  401-407,  408, 

414,  449,  487. 

Nal  Dino  (v.  Verhecgen)  :1C4-165. 

Naville  (Ernest)  :  526. 

Nicolas  (D^  :  87-94,  142. 

Nodier  (Charles)  :  73. 

Novilaliin   (v.   Beersian.n)  :  457-467, 

487,  503. 
Nov  Lalin  (v.  Rosa)  :  415-420. 
Niimmerlingve    (v.    Hii,re)    :  98-102, 

104. 
Nuove  Roman  (v.  Plchner)  :  343,  477- 

479. 

O'CoNNOR  (John  Charles)  :  304. 
Oïdapa  (v.  Chaxcerel)  :  86. 
Orba  (v.  Guardiola)  :  194-197. 

Pagnier  :  .304,314. 

Paic  :  9,  10,  40. 

Panroman  (v.  Molenaar)  :  569. 

Panlos-d imou-glossa  (v.    Rudelle)  : 

246-255. 
Pasilingua    (v.    Steiner)    :    280-293, 

374,  550. 
Peano  (Giuseppe)  :  116,  569. 
Pergl  (Gustav)  :  210. 
Phèdre  :  543. 
Phillips  (Henry)  :  327,  364. 
Philological  Society  (London)  :  369- 

371. 
Phœnix  (v.   Hendehson)  :  400,   517- 

520. 
Picard  (Emile)  :  VIII. 
PiCAVET  (Fr.)  :  527,  537. 
Pidgin-englisli  :  236,  280,  365. 
PiiiKo  :  256-261,  293,  333,  549. 
Platon  :  94,  126. 
Postprandium  :  519. 
Prxco  Lalinus  :  520. 
Prou  (Maurice)  :  517. 
Puchner  :  343,  477-479. 

Raune  :  224. 
Rambosson  (Jean)  :  10. 
Refonn-Latein  (v.  Frœhlich)  :  543- 

544. 
Reonaud  (Paul)  :  392,  539,  540. 


)74 


INDEX    DES   NOMS    PROPRES 


Rkimann  :  80-81,  82. 

Rei.nacii  (Salomon)  :  517,  318. 

Renouviek  (Charles)  :  75-76,  314. 

Reyen  :  408. 

RtCHET  (Cliarlos)  :  517. 

RiEGEn  (W.)  :  9. 

Ros.\  (D--  Daniele)  :  415-420,  432,  440. 

RosENBEKC.iiR(\Voldcinar)  :  XXX,  131, 

469,   471,   472,   473,   484  487,   490, 

497,  302. 
Ridelle  (Lucien  de)  :  247-255,  293, 

549. 
Rylski  (von):  198. 

Sabir  :  236,  507. 

Sallandrouze  de  Lamornaix  :  2. 

Schacherl  (Anton)  :  409. 

ScHiPFER  :  241-246,  449,  349. 

ScHLEYEii  (Mgr  Joliann-Martin)  :  128- 
163,204,  229,  320,  373,  381,  401, 
407,  469. 

SCHUCHARDT  (Hufïo)  t  XV,  XXIV,  564. 

Sebert  (le  général  H.)  :  XXlll,  XXX. 

Shakespeare  :  396,  .330. 

Snyder  (Monroe)  :  364. 

Société  inlernalionale  de  Linguis- 
tique :  71-75. 

Solrésol  (v.  Sudre)  :  33-39,  il 5. 

SoTos  Ochando  (L'abbé  Bonifacio)  : 
59-70,  74,  73,  82,  94,  115,  118. 

Spelin  (v.  Bauer)  :  170-180,  229,  370, 
487,  550. 

Spokil  (v.  Nicolas)  :  87-94,  115. 

Spragl'r  :  170. 

Stauder  (D'  Constantino)  :  319. 

Steiner  (Paul)  :  280-293,  374,  449. 

Stemi'fl  (L'abbé  Joseph)  :  157,  139, 
303,  401-414,  449. 

SuDRE  (Jean-François)  :  33-39,  53. 

Tal  (v.  Hoessrich)  :  569. 
Tasset:  522. 

Thomas  d'Aquin  (S')  :  337. 
Toi  STOi  (Léon)  :  328,  330. 
Trompeter  :  304,  328. 

Ulriciis  (Carlo  Arrigo)  :  317. 


Univei'sala  (v.  Helntzeler)  :  449-456, 

487. 
Urquiiart  (Sir  Thomas)  :  18. 

Vad  (W.)  :  440. 

Vah.lant  :  74. 

Valdarnini  (Angelo)  :  526,  536. 

Vellparl  (v.  Armm)  :  198-205. 

Verhegge.n  (Sébastien)  :  164-165. 

Vidal  :  8,  43-45.  74,  117. 

ViRCHOw  :  328,  529. 

Volapiik  (v.  Schleyer)  :  XV,  XX VIII, 
42,  87,  100,  106,  108,  121,  128-163, 
106,  168-171,  17.3-179,  181,  182, 
183-193,  197,  200,  202,  204-206, 
208,  227,  2.36,  237,  242,  234,  261, 
280,  281,  294,  330,  331,  333,  349, 
354,  355,  364,  368,  309-371,  373, 
375,  379,  380,  393,  394,  401,  407, 
414,  421,  443,  449,  468,  469,  471, 
473,  480,  484-487,  493,  497,  499, 
516,  517,  319,  .344.  548-550,  537, 
559,  561. 

VoLK  et  Ficus  :  262-271,  449. 

ViJlkei'ver/iehrssprache  (v.  Dietrich)  : 
106112. 

VoLXEY  :  72,  73. 

Voltaire  :  53,  73. 

Vox  Urbis  :  521-523. 

Wahl  (E.   von)  :  328,  469,  471-473, 

488,  319. 
Wahren  (Max)  :  468,  409,  474. 
WiLKiNS  (John)  :2, 19-22,  23,  24,  73, 

124,  333,  3.33. 
WiLLCOCK  (John)  :  18. 
WoLKE  :  9. 
World-English  (v.  Melville-Bell)  : 

150. 
WOrtz  :  XVII,  XXII. 

Zahlensprache    (v.    IIilbe)  :  95-10&. 
Zame.nhof  (D'  Louis-Lazare)  :  12,  82, 

272,    304-363,    314,    323,    323-327, 

347,  354,  449,  473,  507. 
Zettër  (Karl)  :  131. 


TABLE    DES   MATIÈRES 


Avis  important v 

Préface vu 

Introduction xxvii 

Abréviations  et  signes xxxi 

Chapitre  préliminaire  :  Les  Pasigrapiiies 1 

Code  international  des  signaux  maritimes .  2 

Classification  bibliographique  décimale 0 

SECTION  I 

SYSTÈMES    A    PRIORI 

Chapitre      I  :  Descartes   (1029).'^ 11 

—  II  :  Dalgarno  (1001)../ 15 

—  m  :  -Wilkins  (i()08)...C 19 

—  IV  :  Leibniz ^. 23 

—  V  :  Delormel  (1795) 29 

—  W  :  Sudre  :  Soli'Psol  (mi) 33 

—  VII  :  Grosselin  (1830) 40 

—  VIII  :  Vidal  :  Langue  tiniverselle  et  analytique  (iSH) 43 

—  IX  :  Letellier  ( ISoJ) 46 

—  X  :  Sotos  Ochando  (18")2) 59 

—  XI  :  Lrt  Société  de  IJngui^ligue;  M.  Renouvler  (ISo")) 71 

—  XII  :  Dyer  :  Lingualumina  (\i^l^) 77 

—  XIII  :  Reimann  :  La?igue  internationale  étymologique  (1877).  80 

—  XIV  :  Maldant  :  Langue  naturelle  (\SS1) 82 

—  XV  :  Nicolas  :  Spo^/7  (1900) 87 

—  XVI  :  Hilbe  :  Zuhlemprache  (1901) 95 

—  XVII  :  Dietrich  :   Volkerverkehrssprache  (1902) 106 

Critique  générale 113 


SECTION    II 
SYSTÈMES    MIXTES 

Chapitre      I  :  Le  programme  de  J.  von  Grimm  (1800) 121 

—  Il  :  Schleyer  :    Volapitk  (1880) 128 

—  III  :  Verheggen  :  Sal  Bino  (1880) 164 

—  IV  :  Menet  (1886) 166 


576  TABLE   DES   MATIERES 

_  V  :  St    de  Max  :  Dopai  (1887) 168 

_         VI  :  Bauer  :  Spelin   (1888) 170 

_       VII  :  Fieweger  :  DU  (181)3) 181 

_      VIII  :  Dormoy  :  Brt/^ï  (1893) 188 

_        IX  :  Guardiola  :  Orôfl  (I8'J3) l'.»4 

—  X  :  W.  von  Arnim  :    Veltparl  {{S%) 198 

_        XI  :  Marchand  :  Dilpok  (1898) 20G 

—  XII  :  BoUack  :  Langue  bleue  (1899) 210  K 

Critique  générale 234 

SECTION    III 
SYSTÈMES   A    POSTERIORI 

Chapitre      I  :  Faiguet  :  Lanrjue  nouvelle  (17Go) 239 

—  II  :  Schipfer  :   Co)nmunicalionsspraclie  (1839) 241 

—  III  :  L.  de  Rudelle  :  Paulos-dimou-glossa  (1858) 247    y 

—  IV  :  Pirro  :  Universal-Sprache   (1808) 256  v^ 

—  V  :  Volk  et  Fuchs  :   Weltspr'ache  (1883) 202 

—  VI  :  Courtonne  :  Langue  internationale  néo-latine  {\%'^^).. .  272 

—  VII  :  Steiner  :  Pa.tilin'gua  (1885) 280 

—  VIII  :  Eichhorn  :  Weltsprache  (1887) 294 

—  IX  :  D'^Zamenhof  :  £5/jerfln/o  (1887) 304 

—  X  :  The  American  Pliilosophical  Society  (1887-88) 304 

—  XI  :  Bernhard  :  Lingua  Franca  Nuova  (1888) , 372 

—  XII  :  Lauda  :  Kosmos  (1888) 373 

—  XIII  :  Henderson  :  Lingua  (1888)  Qi  Latinesce  (1901) 380 

—  XIV  :  P.  Hoinix  :  ^/î^ifo-/'>ancrt  (1889) 393  *r 

—  XV  :  Stempfl  :  Mgrana   (1889) 401 

—  XVI  :  Stempfl  :  Communia  (1894) 408 

—  XVII  :  D"^  Rosa  :  A'ov  Latin  (1890) 415 

—  XVIII  :  Julius  Lott  :  Mundolingue  (1890) 421 

—  XIX  :  Liptay  :  Langue  catholique  (1890) 436 

—  XX  :  Mil!  :  Antivolapùk  (1893) 443 

—  XXI  :  Heintzeler  :   Universala  (1893) 449 

—  XXII  :  Beermann  :   Novilaliin  (1895) 457 

—  XXIII  :  Le  Linguist  (1890-97) 408 

—  XXIV  :  Puchner  :  Nuove-Roman  (1897) 477 

—  XXV  :  Kûrschner  :  Lingua  komun  (1 000) 480 

—  XXVI  :  Akademi    internasional   de    lingu   universal    :    hliom 

neutral  (1902) 484  V^ 

Critique  générale 507 

Chapitre  final  :  Les  langues  mortes 515 

Isly  :  Linguum  Islianum  (1901) 542 

Frôhlich  :  Reform-Lalein  (1902) 543 

Conclusion 547 

Errata 57O 

Index  des  noms  propres 571 


336-03.  —  Coulommiers.  Imp.  Paul  BRODARD.  —  9-03. 


LES    NOUVELLES 

LANGUES  INTERNATIONALES 


AUTRES  OUVRAGES  DE  M.  COUTURAT 

De  Platonicis  mythis,  thèse  latine  (épuisée). 

De  l'Infini  mathématique.  Un  vol.  in-8°  (Paris,  Alcan,  1896). 

La   Logique  de   Leibniz,  cVaprès  des  documenls  inédits.  Un  vol.  in-S" 

(Paris,  Alcan,  1901). 
Opuscules  et  fragments  inédits  de  Leibniz,  extrails  des  manuscrits 

de  la  liibliolhèque  royale  de  Hanovre.  Un  vol.  in-4°  (Paris,  Alcan,  1903). 
Pour  la  Langue  internationale.  Une  brochure  in-lC,  1901. 
Die  internationale  Hilfssprache.  Une  brochure  in-iO,  1902. 
A  Plea  for  an  International  Language.  Une  brochure  in-16,  1903. 
Per  la  Lingua  internazionale.  Une  brochure  in-16,  1907. 

(L'auteur  «lislribue  gratuitement  ces  quatre  brochures.) 
L'Algèbre  de  la  Logique.  Un  vol.  in-12  de  la  collection  Scienlia  (Paris, 

Gauthier-Villars,  1905). 
Les  Principes  des  'M.a.thérasitiques.  avec  un  appendice  sur  la  philosophie 

des  mathématiques  de  Kanl.  Un  vol.  in-8"  (Paris,  Alcan,  1005). 


AUTRES    OUVRAGES    DE    M.    LEAU 

Étude  sur  les  équations  fonctionnelles  à  une  ou  à  plusieurs 
variables,  thèse  pour  le  doctorat  es  sciences  mathématiques  (Paris, 
Gauthier-Villars,  1897). 

Représentation  des  fonctions  par  des  séries  de  polynômes  (Bul- 
lelin  de  la  Société  mathématique  de  France,  1899). 

Recherche  des  singularités  d'une  fonction  définie  par  un  déve- 
loppement de  Taylor  {Journal  de  Mathématiques,  1899). 

Une  langue  universelle  est-elle  possible?  Appel  aux  hommes  de 
science  et  aux  commerçants.  Une  brochure  in-16  (Paris,  Gauthier-Villars, 
1900). 

Etude  sur  les  fonctions  entières  orientées,  d'ordre  réel  non  entier 
{Annales  scientifiques  de  VÈcole  normale  supérieure,  3"  série,  tome  XXll, 
1906). 


1253-07.  —  Coulommiers.  Imp.  Paul  BRODARD.  —  9-07. 


LES    NOUVELLES 


LANGUES  INTERNATIONALES 


SUITE  A  L'HISTOIRE   DE   LA  LANGUE   UNIVERSELLE 


L.    COUTURAT  L.    LEAU 

Docteur  ôs  lettres  Docteur    es    sciences 

Trésorier  Secrétaire  général 

de  la  Délégation  pour  l'adoption  d'une  lanf/ue  auxiliaire  internationale 


En  vefxte  chez  le  trésorier  de  la  Délégation  : 
M.  L.  COUTURAT,  7,  rue  Pierre -Nicole,  Paris  (5«). 


AVANÏ-PROPOS 


Plusieurs  membres  du  Comité  de  la  Délégation  pour 
Vadoplion  d'une  langue  auxiliaire  internationale  nous  ayant 
demandé  un  rapport  sur  les  plus  récents  projets  de  L.  I.  et 
sur  les  diverses  opinions  ou  propositions  émises  à  ce  sujet, 
nous  avons  divisé  notre  travail  en  deux  parties.  La  première, 
(jui  forme  la  présente  brochure,  constitue  un  simple  complé- 
ment à  notre  Histoire  de  la  Langue  universelle  :  elle  contient 
l'analyse  des  projets  parus  depuis  la  publication  de  notre 
Histoire  (1903,  2"  tirage  1907),  et  de  ceux  qui,  antérieurs  à 
cette  date,  ne  sont  venus  à  notre  connaissance  que  depuis 
lors.  Et  comme  elle  se  réfère  uniquement  à  des  documents 
publiés,  nous  croyons  pouvoir  et  même  devoir  faire  profiter 
le  public  de  ces  informations  et  le  mettre  à  même  de  se 
faire  une  opinion.  La  seconde  comprendra  toutes  les  pro- 
positions et  opinions  que  nous  avons  reçues  par  correspon- 
dance privée,  avec  mission  de  les  présenter  au  Comité  ;  elle 
constituera  un  Rapport  au  Com;7e  qui,  pour  le  moment  du 
moins,  ne  sera  pas  publié. 

Dans  la  présente  brochure  nous  avons  suivi  exactement 
le  même  plan  que  dans  notre  Histoire,  mais  nous  nous 
sommes  abstenus  de  toute  critique,  tant  pour  observer  l'im- 
partialité obligatoire  que  pour  réserver  la  liberté  de  juge- 
ment du  Comité.  Nous  avons  cru  bon  de  dresser  un  Tableau 
synoptique  des  principales  langues  à  posteriori,  pour  rendre 
la  comparaison  plus  facile,  et  faire  ressortir  leur  remarquable 
convergence  (voir  la  Conclusion  de  notre  Histoire,  p.  550  et 
suiv.).  M.  MoLENAAR  a  publié  un  siMiiblable  tableau  pour 
dix  langues,  mais  nous  en  avions  déjà  lidée  en  composant 
notre  Histoire. 


ABRÉVIATIONS   ET    SIGNES 


D. 

=  allemand  (deutsch). 

E. 

=  anglais  (english). 

F. 

=  français. 

G. 

=  grec  (ancien). 

I. 

=  italien. 

L. 

=  latin. 

P. 

=:  portugais. 

Pol. 

=  polonais. 

H. 

=  russe. 

S. 

=  espagnol. 

L.  I. 

=  langue  internationale. 

m. 

=  masculin. 

f. 

=  féminin. 

n. 

=  neutre. 

s. 

=  singulier. 

pi. 

=  pluriel. 

P- 

=  personne. 

litt. 

=  littéralement. 

Les  lettres  égyptiennes  indiquent  les  mots  delà  langue  artificielle 
étudiée;  les  lettres  italiques  indiquent  les  mots  correspondants  des 
langues  naturelles  (du  français,  quand  il  n'y  a  pas  d'autre  indi- 
cation). 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Akademi   iiUernusional    de  Liiuju   uni- 

vt-rsal  :  47-50,  oO,  58. 
Beermann  :  .)2,  99-110. 
Belmont  (Loo)  :  26. 
Blaia  Ziinondal  :  1-2. 
BoiHAC  :  :t8. 

BoLLACK  :  15,  58,  63,  80,  81. 
BoNTO  VAN  Bylevelt  :  50,  57-58. 
Braak-man  :  45-46. 
Bhicahd  :  43. 
Brïkimann  :  35. 
Cahpophorophills  :  23-24. 
Cart  :  36,  41,  42. 
Cefec  :  36. 
Chambonnaud  :  58. 
Chavet  :  35. 
Cipolla  :  72. 
coutlbat  :  70. 
Devjatnin  :  26. 
DUpok  :  111. 
DoMBROwsKi  :  26. 
Dyer  :  111. 
Eir.iiiiORN  :  23. 
Eksdsioro  :  90-91. 

Esperanlo  :  3,   15,  25-44,  63,  80,  81, 
87-89,  90-91,  94,  96,  97,  100,  109, 

110. 
Gahnier  (Clir.)  :  85. 
Gernet  :  110. 
Go  LOB  erg  :  2('). 
gottsciiling  :  111. 
Grabowski  ;  26-27,  30.  34,  38. 
Greenwooo  ;  90-93. 
HÉLY  :  16-19. 
Il(*:ssRi(;ii  :  13-15. 
Holmes  :  47. 
Hl'mmler  :  77-79. 
Hlntinoton  :  43. 


Idioin  Neulral  :  15,  34,  35.  47-58,  80, 

110. 
Javal  :  25,  39,  42. 
Lakeman  :  Ml. 
Langue  bleue  :  v.  Bollack. 
Latiuo  sine  Jlr.rione  :  19,  70-76. 
Leibniz  :  1,  16,  23,  70,  74. 
Leskien  :  81. 
Limjua  inlernacional  :  80-86. 
lAmjna  lucidu  :  i  1 1 . 
Linguist  :  34,  42,  99. 
Mackenskn  :  50,  58. 
Marchand  :  111. 
MÉNIL  (F.  (le)  :  36. 
Mebiuoi  :  1-2. 
Michaux  :  38,  41,  73. 
Miller  :  56. 
MocH  :  41,  42. 
Molee  :  59-62. 
MoLENAAH  :  50,  51,  63-69. 
Mondlingvo  :  87-89. 
Mundelinyra  :  77-79. 
Mundolinco  :  45-46. 
munstehiierc.  :  35. 
Nicolas  :  58. 
Novilalin  :  99-110. 
Nov  L/ttin   :  S I . 
OsTWALi)  :  35. 
Pa(.lier()  :  72. 
Pankd  :  20-22,  98. 
l'anromun  :  63-69. 
Parla  :  94-98. 
IVvssY  (Piuil)  :   85. 
l>EANO  :  70-76. 
Peltier  :  41. 
Pereira  :  85. 
Perio  :  3-11. 
PiNTii  :  56-57. 


VIII 


INDEX   ALPHABETIQUE 


Platon  :  1. 

RoDET  :  41. 

RoLLET  DE  l'Ile  :  43. 

RosA  :  81. 

RosENBERGER  :  25,  47-48,  49,  50-51, 

5355. 
Saussure  (R.  de)  :  41. 
ScHMiDT  (Chr.)  :  34,  38. 
Schneeberger  :  41. 
Sebert  :  41. 
SoLBRiG  :  24. 
Spitzer  :  94-98. 
Studer  :  8a. 
Tal  :  13-15. 


Talundberg  :  3-li. 
Tbischen  :  87-89. 
Trompeter  :  34. 
Tutoiiish  :  59-62. 
LUa  :  91-93. 
Universal  :  63-69. 
Vacca  :  70. 
Verax  :  43. 

Volapiik  :  3,  15,  03,  77,  88,  93,  94. 
Waiil  (K.  (le)  :  34,  51-53,  54,  53. 
Wald   :  20-22. 
Wasserloos  :  3. 
Zakrzewski  :  80-86. 
I  Zamenhof  :  0,  18,  25-44,  32,  110. 


LES    NOUVELLES 

LANGUES  INTERNATIONALES 


SYSTÈMES    A    PRIORI 


C.   MERIGGI   :    BLAIA    ZIMONDAL^ 

L'auteur  de  ce  projet  est  professeur  à  l'Institut  technique  de 
Como  (Italie).  Reprenant,  peut-être  à  son  insu,  une  idée  de  Platon 
«t  de  Leibniz  -,  il  part  de  ce  principe  que  chaque  son  (voyelle 
•ou  consonne)  a  un  sens  général  correspondant  à  son  mode  de 
formation  physiologique;  ainsi  a  exprime  ce  qui  est  grand, 
fort,  haut,  blanc,  en  avant,  étendu;  i,  ce  qui  est  petit,  fin,  aigu, 
moyen,  intérieur;  u,  ce  qui  est  bas,  sombre,  lourd,  lointain, 
futur;  de  même,  p  symbolise  et  suggère  les  idées  de  force, 
poids,  pression,  coup,  chute;  k,  les  idées  de  solidité,  de  séche- 
resse; I,  les  idées  do  Huidité,  de  mollesse,  d'élasticité;  r,  les  idées 
de  bruit,  de  rotation,  roulement,  rapidité;  et  ainsi  de  suite.  Les 
combinaisons  des  voyelles  et  des  consonnes  deux  à  deux  prennent 
<lcs  sens  déjà  plus  complexes,  résultant  du  sens  simple  de  chaque 
lettre  :  fl  désignera  les  fluides  et  liquides;  bl,  la  parole;  kr,  les 
machines  et  armes;  pr,  la  pression  bruyante,  etc.  Avec  ces  élé- 
ments on  formera  des  radicaux  monosyllabiques  correspondant 

\.  \y  Ccsare  Mebiggi  :  Blaia  Zimondal,  I  vol.  in-16  de  247  pages,  Pavia, 
Fusi,  1884. 
2.  Voir  notre  Histoire,  p.  94  et  126. 

CouTURAT  ET  Leau.  —  NouvcUcs  L.  l.  i 


2  SYSTÈMES   A   PRIORI 

à  des  idées  précises  :  kl  désignant  la  construction  en  général, 
et  am  l'amour,  klam  sera  la  maison  (la  construction  qu'on  aime 
le  ijiieux),  puis  klem  la  chambre  à  coucher,  klim  le  cabinet,  klom 
le  salon,  etc.  C'est  ainsi  que  hlaT=^ parler,  et  blaia  =  langue.  On 
conçoit  dès  lors  que  toutes  les  racines  de  sens  voisins  se  forment 
par  des  combinaisons  et  variations  de  voyelles  et  de  consonnes. 

C'est  ce  que  montre  un  tableau  des  radicaux  dérivés  de  la 
racine  kl,  qui  désignent  tous  des  idées  relatives  aux  corps 
étendus  aux  constructions  naturelles  et  artificielles.  Ce  procédé 
rappelle  celui  des  langues  philosophiques.  Inutile  d'ajouter  que 
les  mots  de  cette  langue  sont  absolument  à  priori,  et  ne  rap- 
pellent presque  jamais  les  mots  correspondants  de  nos  langues, 
sauf  en  cas  d'onomatopées  :  baua  =  aboyer,  meua  =  miauler,  url  = 
hurler,  uul  ==  ululer.  Parmi  les  rares  radicaux  reconnaissablcs 
citons  :  lan  =  pays,  kar  =  char,  bank  =  banc,  sak  =  sec,  ordo  = 
ordre,  ses  =  sexe,  voa  =  voix,  skriv  =  écrire,  d'où  vluskrivo  =  télé- 
graphe. Mais  viando  signifie  voyage,  kranda  =  machine,  kland  =  hôtel, 
iliiO:=  vapeur,  sinfo  =  aliment,  kling  =  musée,  klang  =  ville,  iTmSL  = 
profession,  fandea  =  science,  emo  ==  affection,  fuo  =  te,mps,  sain  = 
personne,  men  ==  femme,  kenv  =  meuble,  aran  =  roi,  arman  = 
prince,  sark  =  maître,  alpistan  =  président,  kask  =  banc,  park  = 
imposte,  mond  :=  nation  (d'où  zimondal  :=  international). 

Nous  croyons  pouvoir  nous  dispenser  d'analyser  la  grammaire 
du  Blaia  Zimondal.  Les  indications  précédentes  suffisent  à  montrer 
le  caractère  de  cette  langue,  qui  a  coûté  sept  années  de  travail 
à  son  auteur,  et  pour  laquelle  il  a  renoncé  depuis  longtemps  à 
toute  prétention. 


M.  TALUNDBERG  :  PERIO • 

Le  Perio  serait  l'œuvre  d'un  écrivain  et  auteur  dramatique 
(Manniis  Talundberg  est  manifestement  un  pseudonyme)  qui 
aurait  laissé  à  M.  K.  Wasserloos,  d'Elberfeld,  le  soin  d'éditer 
son  projet  ;  mais  il  ne  lui  en  aurait  remis  que  la  <  charpente  », 
de  sorte  que  l'éditeur  serait  devenu  un  collaborateur,  et  cela 
explique  qu'il  commente  et  défende  le  Perio  comme  son  ceuvre 
propre.  11  commence  par  dire  pourquoi  les  autres  L.  I.  ne  le 
satisfont  pas,  et  critique  le  Volapiik  et  VEsperanto.  Il  blAme  prin- 
cipalement celui-ci  de  composer  son  vocabulaire  de  mots  iater- 
nationaux,  c'est-à-dire  de  «  mots  étrangers  »  (comme  les  appel- 
lent les  Allemands),  parce  qu'ils  ont  souvent  des  significtitions 
différentes  dans  les  diverses  langues,  de  sorte  qu'ils  prêtent  à 
des  contresens.  L'auteur  raisonne  d'ailleurs  comme  si  chaque 
Espérantiste  devait  se  former  soi-même  un  vocabulaire  en  com- 
pulsant «  une  douzaine  de  dictionnaires  coûteux  ».  Il  reproche 
aussi  à  VEsperanto  la  longueur  de  ses  mots,  ses  finales  aj,  oj,  uj, 
peu  harmonieuses,  et  la  fréquence  des  i  accentués  (io,  tio, 
kio,  etc.).  Le  Perio  tient  au  contraire  à  n'avoir  que  des  racines 
monosyllabes,  et  pour  cela  il  écourte  les  racines  naturelles  en 
les  réduisant  à  la  syllabe  la  plus  caractéristique.  En  outre,  il 
prétend  soulager  la  mémoire,  mieux  encore  que  l'Espéranto  par 
ses  dérivations,  en  employant  la  môme  racine  pour  aller  et  pour 
jambe  (vani,  vano),  et  en  formant  les  mots  de  sens  analogue  ait 
moyen  dune  même  racine  dont  on  fait  varier  la  voyelle  :  vita  = 
blanc,  vata  =  noir,  vuta  =  gris  ;  nama  =  grand,  nima  =  petit.  C'est 
en  ce  sens  que  le  Perio  est  «  fondé  sur  la  logique  et  la  mnémo- 
technie  ». 

1.  Perio,  cine  auf  Logik  und  Gedàchlniskunst  aufgebaule  Wellsprache  z 
1.  Die  Sfellunt/  des  Perio  zu  dcn  andern  (lebenden  und  kiltistlic/ien)  Well- 
sprachen  (46  p.);  II.  Lehrbuch  enthallend  ausfûhrliche  Grammatik,  Wort- 
und  Salzlehre,  u.  s.  w.,  von  Mnniuis  Talundbero  (08  p.).  Elberfeid,  Was- 
serloos, 1904. 


SYSTEMES   A   PRIORI 


Grammaire. 


Valphabet  comprend  les  25  lettres  de  l'alphabet  latin  :  c  pro- 
noncé ch,  j  comme  en  F.,  q  prononcé  à  peu  près  gn,  y  prononcé 
[aï,  D,  ei),  plus  les  digrammes  :  ch  {tch),  ii  (yi),  zs  ou  sz  [dj).  L'au- 
teur donne  de  minutieuses  règles  de  prononciation.  Il  proscrit 
les  majuscules. 

L'accent  tombe  en  général  sur  la  première  syllabe  du  radical, 
mais  sur  la  dernière  syllabe  des  formes  passives  du  verbe,  et 
sur  l'avant-dernière  des  noms  propres,  ce  qu'on  marque  par 
un  accent  grave  sur  la  dernière  :  vaciqtonù  =  Washington. 

Varticle  défini  est  il,  l'article  indéfini  un. 

Les  substantifs  se  terminent  en  général  en  o,  sauf  les  mascu- 
lins en  u,  et  les  féminins  en  y  :  homo  =  homme  (espèce),  homu  = 
homme,  homy  =:  femme.  En  outre,  la  finale  i  forme  h  la  fois  l'infi- 
nitif des  verbes  et  les  substantifs  de  qualité  :  nami  =  être  grand 
=  grandeur. 

Ainsi  le  nominatif  singulier  des  substantifs  se  termine  en  o,  u, 
y  ou  i.  Le  génitif  se  forme  en  ajoutant  1,  l'accusatif  en  ajoutant 
n  :  regul  =  du  roi.  Le  pluriel  se  forme  en  ajoutant  s  aux  formes 
susdites  :  homuls  =  des  hommes. 

L'accusatif  s'emploie  pour  désigner  le  lieu  où  l'on  va,  ou  môme 
la  direction  :  mi  vanat  parizon  ^j'allais  à  Paris. 

Vadjectif  se  termine  en  a  et  est  invariable.  Vadverbe  dérivé  a 
pour  désinence  e. 

Les  noms  de  nombre  de  1  à  10  sont  :  un,  tem,  tir,  vor,  kin,  zek, 
Zip,  ok,  nop,  us;  ceux  de  11  à  19  se  forment  en  préfixant  un  s 
aux  précédents  :  sun,  stem,...;  tes  =^20,  tis=  30,  vos  =  40,  etc.; 
uq  =  100,  teq  =  200,  tiq  =  300,  etc.;  ul  =  1000,  suq  =  1100; 
tel  =  2000,  til  =  3000,  etc.;  uns  =  10000;  uqs  =  100.000;  uls  = 
un  million. 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  en  ajoutant  a  (pour  les  adjec- 
tifs), 0,  u,  y  (pour  les  substantifs),  e  (pour  les  adverbes). 

Les  pronoms  personnels  sont  : 

Singulier  : 
Pluriel  : 

En  outre,  il  est  le  pronom  impersonnel;  lu  =  quelqu'un,  ii  = 
on.  Tous  ces  pronoms  prennent  n  au  cas  indirect  :min,  vin,  lin...  ; 


ire 

2« 

3'  m. 

3«  f. 

3«  h. 

mi 

vi 

ii 

la 

lo 

mu 

vu 

lu 

lu 

lu 

TALUNDBERG    :    PERIO 


a 

'S 

ut 

5- 

2 
3  -2  P 

3    _ 

U  ë  5 
s  C.2 

2i 

3  =  1 

•S  =  <u 

=11 

a  ■-  j; 

^    3 

«  t-e 

a  :^  s 

"*  .    ? 

eo  T"  3 

Q 

a. 

a 

3    S 

5  t. 

o 

"  3  ■- 

"ai 

«  5  "S 

c 

Q. 

3 

Z 

O 

o 

r3 

«1 

o  5 

a  Q, 

4j 
a2.r 

aë 

S  £.5 
es      -- 

Si 

ai 

d  3 

a» 

a 

S 

~- 

3 

03    3 

eo  5 

•3.3 

3 

l-s 

«1 

3  ~o 

a   Cr  '- 

a  S 

«    Jj    3 

ce  ::: 

es  t 

a -3 

'5-3 

0 

H 
CD 

u 

a. 

3 

a=:ë 

s  = 

a^ 
3-5 

o 

œ 

t<"§ 

u  t 

•2 

S 

tn'S 

u  "i  -, 

g  5  â. 

i3    =  -3 

<; 

U 

iA  = 

o  o 

•  ■£. 
o  => 

o 

«  5 

— > 

ë=| 

a  -  S 

•s  3  ci 

Q 

s 

0 

■U 

^ 

,=" 

H 

C 

»j 

S  C- 

C 
(h    3 

u  "> 

u-5-^ 

< 

a 

-^5 

5| 

o    3 

O  o 

«1 

U  5-.= 

(B-^    3 

es  t; 

aS 

es  ^ 
m  3 

es  t- 

a.s 
■5-3 

5  5-~ 

'3  îi   îr 

c 

3" 

^ 

u 

^J 

•ïj 

,^ 

-u 

z 
•< 

u 

o 

©  S 

o 

si 

s  II 

"    «    Cl 

,3    ^ 

a='= 

M—    C 

•3    "" 

II 

m  C; 

3 
s 

«  ~  5 

85-3 

3 
3 

«^ 

^ 

b.    S 

^ 

iVJ 

-j 

3 

«  S 

5  "3  ^ 

eS^-« 

H'" 

t-  ^ 

!?•  ^J 

«  <^  « 

III 

3  s 

«  =  1? 
2  §-  Q. 

"S 

C8~ 

«8    3    «J 

a  2  S* 
*"  s  y 

"S   ~ 

■3 

a"i 

-3 

^ 

3 

P 
U 

«g 

C8    3 
O    O 

2  § 

a  3 

3 

«-2" 

•fH      ^ 

es  îJ 

a  s 

II 

es^ 
•^  2 

a^ 

o 

< 

« 

O^ 

u  S 

M   3 

•a| 

«■H 

,__4 

«j 

O 

O 

t» 

ai 
tri 

«5 

O 

«1: 

3 
•'*    3 

83 

t. 

Il     ' 
.§1 

i  "^ 

s 

'2' 

■« 

•^ 

■B 

■§   ; 

1    " 

u 

a 

s| 

o    3 

§1 

3    «J 

1> 

**  S  S 

a-l  s 

1 
O-S 

.s: 

3 

■«■5 

3 

Hh 

3 

ty 

z 

z 

o 
n 
s 
u 

0. 

-■5 

3 
O 

o  3 

a. 

.2-^ 

a  ^ 

es  - 

a-= 

as 
■5  - 

a^ 

\     e 

«j 

^ 

g,  SYSTÈMES   A   PRIORI 

mim,  vun,  lun...;  vi  est  ta;  on  emploie  vu  par  politesse  pour  une 
seule  personne. 

Le  réfléchi  (pour  la  3"  pers.)  est  si;  hi  marque  la  réciprocité 
{Vun  l'autre).  Ces  deux  derniers  sont  invariables,  car  ils  sont 
essentiellement  au  cas  indirect. 

Les  adjectifs  possessifs  se  forment  en  ajoutant  aux  pronoms 
personnels  un  1  :  mil,  vil,  lil,  lai,  loi;  mul,  etc.  Les  pronoms  pos- 
sessifs ajoutent  à  ces  adjectifs  une  des  finales  o,  u,  y  :  il  milo  = 
le  mien  (neutre);  il  vulu  =  le  vôtre  (masc);  il  muly  =  la  nôtre- 
(fém.). 

L'auteur,  qui  admire  le  tableau  de  particules  cori'élatives 
imaginé  par  le  D""  Zamenhof,  Ta  imité  et  développé  dans  le 
tableau  ci-contre,  que  nous  allons  expliquer  brièvement  :  les 
interrogatifs-relatifs  commencent  par  k;  les  démonstratifs  par 
t;  les  universels  par  c;  les  négatifs  par  n;  les  indéfinis  par  i;  on 
y  ajoute  des  particules  signifiant  identité  ou  diversité,  com- 
mençant respectivement  par  sam  et  j)ar  sim.  Enfin  ces  derniers 
deviennent  interrogatifs  par  l'intercalàtion  de  k'. 

La  conjugaison  s'effectue  suivant  le  paradigme  que  voici  : 


Irif..  prés  : 

—  passé  ; 
liid.  prés.  : 

—  passé  : 

—  pl.-q.-p. 

—  futur  : 

—  fut.  ant. 
Cdnd.-prés. 

—  passé 
Imp.  sing.  : 

—  plur.  : 
Part.  prés. 

—  passé 


A( 

:tif 

PASSIF 

vidi 

=  voir. 

vidi  h 

=  être  vu. 

vidati 

=  avoir  vu. 

vidai 

=  avoir  été  vu. 

mi  vidit 

=  je  vois. 

mi  viditt 

=je  suis  vu. 

—  vidât 

'^j'ai  vu. 

—  vidatt 

=  j'ai  été  vu. 

—  vidaat 

=  j'avais  vu. 

—  vidaatt 

=  j'avais  été  vu, 

—  vidut 

=  je  verrai. 

-  vidutt 

=  je  serai  vu. 

—  vidant 

=  j'aurai  vu. 

—  vidautt 

:=f  aurai  été  vu 

—  vidot 

=:  je  verrais. 

—  vidott 

=  je  serais  vu. 

—  vidaot 

=  j'aurais  vu. 

—  vidaott 

=  j'aurais  été  vu. 

videt 

=  vois. 

vidett 

=  sois  vu. 

videts 

=  voyez. 

videtts 

=  soyez  vus. 

vida 

=  voyant. 

viditah 

=  wu(àprésent). 

vidata 

=  ayant  vu. 

vidah 

=  (qui  a  été)  uu  2. 

i.  On  remarque  que  l'auteur  ne  distingue  pas  entre  ceci  et  cela,  sauf  pour 
le  li(!u  (ici,  là)  ;  qu'il  ne  distingue  pas  quelque  de  quelconque  (D.  irr^end)  ; 
mais,  d'autre  part,  il  emploie  logiquement  kar  ...  tar  pour  exprimer  p/w*  ... 
plMs  (D.  je  ...  desio).  Les  pronoms  en  u  et  y  sont  respectivement  mascu- 
lins et  féminins. 

2.  L'auteur  n'indique  pas  comment  on  fera  sentir  l'h  final,  ni  comment 
on  distinguera  en  finale  les  deux  t  du  t  simple. 


TALUNDBERG    :    PERIO  7 

Le  verbe  sasi  {élre  et  devoir)  a  une  conjugaison  exceptionnelle  : 
il  se  réduit  aux  désinences  verbales  :  it,  at,  aat,  ut,  aut,  ot,  aot, 
et,  ets,  ata,  ati,  sauf  à  l'infinitif  (sasi)  et  au  participe  présent 
(sasa).  Son  passif  sasih  (devenir)  est  régulier. 

L'i/i/t/u^t/pcut  être  employé  comme  substantif  (ainsi  qu'en  D.)  : 
il  viki  =^  la  victoire  ;  il  vikihs  =  les  défaites. 

Le  verbe  engendre  des  substantifs  verbaux  des  3  genres  :  il 
vidu  =  le  voyant  ;  il  vido  =  Vœil  (voyant,  neutre)  ;  il  viditoh  =  le 
spectacle  (qu'on  voit),  ilvidoh=:  la  chose  (qu'on  a)  vue. 

Pour  former  le  verbe  réfléchi,  à  toutes  les  personnes,  on  inter- 
cale un  q  avant  la  finale  :  sapiq  =  se  laver,  min  sapiqt  ^=^je  me  lave. 

Les  prépositions  offrent  des  formes  corrélatives  du  sens  :  sir  =  au- 
dessus  de,  sur  =:  sur,  sar  =  sous  ;  in  =  dans,  an  =  hors  de  ;  aq  =  avant, 
iq  =  après,  eq  =  entre  ;  par  =  pour,  pir  =  contre,  per  =  au  moyen 
de  ;  za  =  depuis,  zi^=  jusqu  à;  tel  ^ par  rapport  à;  etc.  Elles  ont 
d'ailleurs  des  sens  divers  suivant  qu'elles  s'appliquent  au  lieu, 
au  temps,  aux  nombres,  etc.  Elles  engendrent  des  substantifs, 
des  adjectifs  et  des  verbes  au  moyen  des  finales  convenables  : 
paru  =  ami  ;  reli  =  être  en  relation  avec  ;  péri  =  être  intermédiaire  ; 
d'où  le  nom  de  la  langue  :  perio  =  l'intermédiaire. 

Elles  peuvent  être  employées  sans  changement  comme  adver- 
bes :  sir  =plLis  que,  sar  =  moins  que  ;  in  =  inclusivement,  an  =  exclu- 
sivement; for  =■  loin  de  et  loin. 

Elles  engendrent  en  outre  les  conjonctions  correspondantes 
par  simple  adjonction  de  s:  Siqs  :=  avant  que,  iqs  =  après  gue ; 
pers  =  par  le  fait  que. 

Vocabulaire. 

Les  racines  sont  généralement  monosyllabiques  ;  et,  pour 
obtenir  plusieurs  racines  de  sens  analogues,  l'auteur  fait  varier 
la  voyelle  ;  de  sorte  que,  lors  même  qu'une  racine  est  plus  ou 
moins  a  posteriori  (empruntée  à  une  langue  vivante),  les  autres 
sont  entièrement  a  priori.  Voici  des  exemples  de  cette  méthode 
de  formation  des  racines  :  chano  =  chaîne,  chono  =  câble,  chuno 
=  corde,  cheno  =  cordon,  chino  =fil,  —  faso  =  espace,  foso  =  corps, 
fuso  =  surface,  feso  =  ligne,  fiso  =  point. 

Dans  les  séries  complètes  (de  5  mots),  l'ordre  des  voyelles  est, 
comme  on  voit  :  a,  o,  u,  e,  i.  Il  y  a  des  séries  moins  complètes, 
de  2  ou  3  mots  ;  mais  toujours  le  mot  en  a  a  le  sens  fondamental, 


3  SYSTÈMES   A   PRIORI 

le  mot  en  i  a  le  sens  diamétralement  opposé,  et  le  mot  en  u  a  uiï 
sens  intermédiaire.  Voici  quelques  exemples  de  ces  séries  : 


jalo 

=  gorge 

julo 

=  coa 

jilo 

=  nuque 

stamo 

=:  rame 

stumo 

=  voile 

stimo 

=  vapeur 

dafo 

=  matin 

dufo 

=  midi 

difo 

:=  soir 

date 

=  hier 

dute 

=  aujourd'hui 

dite 

=  demain 

naki 

=  enfanter  ' 

nuki 

=  vivre 

niki 

=  mourir 

bala 

=  beau 

bula 

=:  gracieux 

bila 

=  laid 

laci 

=  rire 

lici 

=  pleurer 

zana 

=  bien  portant 

zina 

^=  malade 

jana 

=  jeune 

jina 

=  vieux 

paxo 

=  paix 

pixo 

=  guerre 

kabo 

=  cap 

kibo 

=  golfe 

cara 

=  cher 

cira 

=  bon  marché 

blami 

=  blâmer 

blumi 

=  critiquer 

blimi 

=  louer 

sali 

=  bavarder 

sili 

=  se  taire 

kladi 

=  fermer 

klidi 

=  ouvrir 

mago 

=  mont 

migo 

=z  vallée 

vaqi 

=  vendre 

viqi 

■=  acheter 

vani 

=  aller 

vini 

=  venir 

dao 

=  diable 

dio 

=  dieu 

chalo 

=  mer 

'hulo 

=  terre 

chilo 

=  ciel 

lako 

=  lac 

liko 

=  île 

davo 

=  nuit 

divo 

—  jour 

grad 

=  degré  aa-des 

grid 

=  degré  au-deS' 

sus 

de  0 

sous  de  0 

Souvent,  au  lieu  d'une  opposition,  il  y  a  une  simple  gradation 
entre  les  mots  de  chaque  série.  Exemples  : 

chapo  ^=  chapeau  chupo  =:  bonnet  chipo  =  bonnet  de  nuit 

dravi  ==  aller   en  voi-  druvi  =  aller  à  bicy-  drivi  =  aller  à  cheval 
tare  dette 

drovi  =  aller  en  chemin  de  fer  drevi  -=  voyager 
chabi  =  grêler  chnhi  =  neiger  chibi  =:  pleuvoir 

bapu  =  prêtre  bupu  —  curé  bipu    =  moine 

savi    =  savoir  suvi    =  croire  sivi      =  douter 


1.  La  «  logique  •  exigerait  que  ce  mot  signifiât  naître.' 


TALUNDBERG    :    PERIO 


mavi  =  être  en  repos 

mivi 

=  se  mouvoir 

iazo    =  canon 

fuzo 

=  fusil 

fizo 

=  pistolet 

glavo  =  lance 

gluvo 

=  sabre 

glivo 

=  épée 

gapo   =  sabot 

gupo 

=  iirijfe 

gipo 

=  ongle 

cato    :=  heure 

cuto 

=  minute 

cito 

=  seconde 

faqo    :=:  orteil 

fiqo 

=  doigt 

palo    =  pieu 

pnlo 

=  colonne 

pilo 

=  pilier 

harpo  =  harpe 

hirpo 

=  lyre 

piano  =  cave 

pluno 

=  étage 

plino 

=  grenier 

maro  =  plancher 

muro 

=  mur 

miro 

^=  plafond 

Souvent  môme  il  n'y  a  aucune  relation  définie  entre  les  mot» 
d'une  même  série  : 


frazi  =  raser 
japo  =^  robe 
lapo  =  hanche 
kajo  =:  matelas 
zako  =  sac 
brato  =:  selle 


fruzi  =  tondre 
jupo  =:  japon 

kujo  =  traversin 
zuko  ^  poche 
bruto  =  mors 


frizi  =  friser 
jipo  :=  corsage 
lipo  ^=  /at7/e 
kijo  =:  oreiller 
ziko  =  enveloppe 
brito  =  re/ie 


Le  plus  bel  exemple  de  gradation  est  le  suivant  (où  intervient^ 
on  ne  sait  pourquoi,  le  diminutif  id,  alors  qu'on  disposait  encore 
de  2  voyelles)  :  chako  =  corps  d'armée,  chakido  =  division  ;  chuko 
=  régiment,  chukido  =  bataillon  ;  chiko  =  compagnie. 

Pour  la  dérivation,  nous  avons  déjà  vu  les  dérivations  immé- 
diates des  substantifs  et  des  verbes.  L'auteur  définit  les  sens 
divers  que  prend  le  verbe  immédiatement  dérivé  d'un  substantif  : 
1"  consister  en  —  :  feri  =  être  enfer;  2»  employer —  (un  ustensile)  : 
gumi  =  gommer  ;  kafi  =  boire  du  café  ;  fuzi  =  tirer  d'un  fusil  ; 
3°  faire  un  mouvement  de  —  (une  partie  du  corps)  :  kapi  =  incli- 
ner la  tête  ;  4°  être  atteint  de  —  (une  maladie)  :  varioli  =  avoir  la 
variole  ;  5°  être  en  —  (un  lieu),  habiter  :  varsovi  =  habiter  Varsovie. 
Le  substantif  immédiatement  dérivé  d'un  nom  de  lieu  désigne 
l'habitant  :  varsovu  =:  Varsovien.  L'adjectif  immédiatement  dérivé 
d'un  verbe  a  le  sens  du  participe  actif  :  bâta  =  battant,  vida  = 
voyant. 

Il  y  a  des  désinences  caractéristiques  pour  les  substantifs  :  io 
sert  à  dériver,  des  noms  de  parties  du  corps,  les  noms  de  vête- 
ments ou  ornements  :  julio  =  col  ;  des  noms  de  métaux,  le  nom  du 
minerai  :  ferio=  minerai  de  fer;  des  noms  de  matières,  les  noms 


.jQ  SYSTÈMES   A   PRIORI 

d'animaux  correspondants  :  elefo  =  ivoire,  elefio  =  éléphant  ;  des 
verbes,  le  nom  du  résultat  de  l'action  :  fuxi  =  trouver,  fuxio  = 
invention  ;  des  noms  de  villes,  le  nom  d'un  produit  :  faenso,  faensio  ; 
des  noms  d'habitants,  les  noms  de  pays  :  fransu,  fransio  ;  rusio  ; 
rigu  =  roi,  rigio  =  royaume  (rigiu  =  habitant  d'un  royaume). 

Il  y  a  un  certain  nombre  de  préfixes  :  d'abord  des  i)répositions 
déjà  connues,  comme  an,  in;  puis  des  prélixes  proprement  dits, 
comme  af,  qui  signifie  commencement,  uf,  milieu,  et  if,  fin  ;  das, 
■ensemble,  et  dis,  séparément  ;  ad,  très  ;  id,  médiocrement  ;  ud,  mal 
(en  quantité)  ;  enfin  des  préfixes  qui  se  réduisent  dans  récriture; 
à  une  seule  consonne  (appelée  sigle)  :  le  =:  plus,  me  =  le  plus 
(degrés  de  comparaison)  ;  ni  =  non  (négation);  re  signifie  retour 
ou  répétition,  etc. 

Il  y  a  d'autre  part  un  très  grand  nombre  de  suffixes.  Pour  les 
substantifs  on  a  :  ad  augmentatif,  id  diminutif,  ud  péjoratif;  an 
et  in  forment  des  noms  de  lieu  :  granino  =  grange,  granano  = 
grenier  ;  un  désigne  un  élément  :  granuno  =  grain  de  blé  ;  ar  forme 
des  collectifs  :  bamo  :=  arbre,  bamaro  z=  forêt;  abo  désigne  ce  qui 
porte  :  gazabo  =  bec  de  gaz  ;  ibo,  ce  qui  contient  :  skaribo  =^  étui  à 
cigares  ;  ubo,  ce  qui  tient  :  skarubo  =  fume-cigare  ;  ajo,  ijo,  ce  qui 
est  formé  d'une  matière  :  linajo  =;  étoupe;  avu,  le  possesseur  {qui 
■a)  ;  etu,  le  chef  :  cipetu  =  capitaine  (de  navire)  ;  aso,  l'os  :  bragaso 
=  os  du  bras  ;  oxo,  l'oxyde,  exo,  Vacide  ;  uzo,  l'outil  ;  opo,  la  machine, 
le  moteur  :  stimopo  =  machine  à  vapeur.  Il  y  a  toute  une  série  de 
suffixes  pour  l'histoire  naturelle  (caractérisant  les  mammifères, 
les  oiseaux,  les  poissons,  etc.,  etc.). 

Pour  former  les  adjectifs  dérivés,  on  a  :  aca  =  plein  de,  uca  = 
riche  en,  ica  =  vide  de  ;  oja  :=  digne  de  ;  uka  =  qui  peut;  diruka  = 
disert;  eba  =  qu'on  peut;  videba  =  visible;  rela  =  relatif  à;  oda  = 
qui  a  la  couleur  de;  pira  =  contraire  à. 

Pour  former  les  verbes  dérivés,  on  a  :  agi  =  faire,  ogi  =  pré- 
parer :  kafogi  =  faire  le  café  ;  ugi  =  fabriquer  (d'où  les  dérivés  en 
ugo  pour  désigner  la  machine  à  fabriquer  — )  ;  igi  =  faire  (faire)  : 
savi  =:  savoir,  savigi  =  faire  savoir  ;  emi  =  tendre  à,  imi  =  haïr  ; 
isi  =  s'occuper  de  (par  penchant  ou  profession)  :  budaisi  =  boud- 
dhisme (budaisu  ^  bouddhiste)  ;  ivi  =  munir  de  ;  oci  =  crier  comme  : 
azinoci  =r  braire  ;  edi  =  manger  :  dafedi  =  déjeuner  (du  matin). 

La  composition  des  mots  se  fait  comme  en  allemand,  le  mot 
principal  à  la  fin  :  dirrumo  =  parloir  (diri  =  parler,  rumo  = 
chambre). 


TALUNDBERG    :    PERIO  H 

l.e  Perio  s'assimile  les  noms  propres  en  leur  imposant  ses  dési- 
nences et  une  orthographe  phonétique  approximative  :  cicerù, 
penelopy.  parizo,  londono. 

Il  forme  les  noms  de  tendresse  au  moyen  de  id  (diminutif): 
karlidu  =  Chariot,  karlidy  =  Charlotte.  Il  exclut  les  noms  de  ten- 
dresses nationaux  (russes  ou  anglais)  qui  défigurent  le  nom  ori- 
ginal {Sacha,  Bob,  Dick). 


SYSTÈMES    MIXTES 


À.  IIŒSSRICH  :  TAL  i 

Le  Tala  été  publié  sous  la  forme  d'un  journal,  Talnovos,  d'abord 
mensuel,  puis  irrégulier,  dont  nous  n'avons  reçu  que  5  numéros  ; 
et  l'auteur  a  disparu.  D'autre  part,  dans  le  'ï*  numéro,  l'auteur 
disait  à  un  correspondant  que  l'on  ne  pouvait  porter  un  juge- 
ment sur  le  Tal  que  lorsqu'il  serait  complètement  publié.  C'est 
donc  sous  toutes  réserves,  et  simplement  par  acquit  de  con- 
science, que  nous  allons  donner  un  aperçu  de  cette  langue. 

Dans  chaque  numéro  du  TaZ/ioyos  l'auteur  donnait,  non  seule- 
ment des  tranches  de  grammaire  et  des  extraits  de  son  vocabu- 
laire, mais  des  t  exercices  de  conversation  ». 

Son  alphabet  comprend  t5  voyelles,  les  5  premières  seules 
«  obligatoires  »  :  a,  e,  i,  o,  u,  les  autres  «  facultatives  >  :  à,  ô,  û,  à 
yaou)^  î  (aï),  û  {oi),  et  les  nasales  a,  i,  o,  u  (surmontées  du  tilde 
espagnol)  ;  et  27  consonnes  :  b,  c  (s),  d,  f,  g  (dur),  h  (c/i),  j  (J  F.),  k, 
1,  m,  n,  p,  r,  t,  v,  x  [gn),  y  (j  D.),  z  ;  e  (è  ouvert).  3  (c/iD.),  j  (/i), 
une  lettre  russe  qui  représente  Ve  atone  (dit  muet)  et  que  nous 
remplacerons  par  9,  enfin  4  lettres  accessoires  ;  q  (=  m),  r,  {=  n), 
s  (=z),  j  (=y),  qui  servent  à  indiquer  que  la  voyelle  précédente 
est  atone;  et  une  lettre  muette  w. 

Une  voyelle  est  brève  quand  elle  est  suivie  de  deux  consonnes 
(semblables  ou  non). 

Les  substantifs  ont  deux  déclinaisons,  suivant  qu'ils  sont  déter- 
minés ou  indéterminés.  Et  leur  radical  a  même  deux  formes  : 

1.  Talnovos,  Monalsschrift  fur  die  Einrûhrimg  und  Yerbreilung  der 
allgemeinen  Verkehrssprache  Tal,  journal  publié  par  Albert  IltxssRicu 
(Sonncberg,  Thuringe).  5  n"',  d'avril  1903  à  mars  1904. 


J4  SYSTÈMES   MIXTES 

pour  obtenir  le  sens  déterminé,  on  redouble  la  consonne  finale  : 
manno  {homme)  au  lieu  de  mano.  Voici  les  deux  paradigmes  du 
singulier. 

Déterminé.  Indéterminé. 

N.  manno  mano 

G.  manni  mani 

D.  mannu  manu 

A.  manna  mano 

Le  pluriel  se  forme  en  ajoutant,  soit  s,  soit  j  aux  formes  du 
singulier  (suivant  que  le  mot  suivant  commence  par  une  voyelle 
ou  une  consonne).  Il  peut  se  former  en  outre  au  moyen  des  deux 
séries  de  désinences  suivantes  : 

Indéterminé. 

ono 
eni 
ann 
ana 

qui  sont  remplacées  respectivement  par  aro,  ari,  aru,  ara  quand 
le  radical  se  termine  par  un  m  ou  un  n.  En  somme,  cela  fait 
20  désinences  pour  le  pluriel  des  substantifs. 

Bien  que  les  deux  formes,  déterminée  et  indéterminée,  semblent 
tenir  lieu  d'article,  il  y  a  deux  articles,  défini  et  indéfini,  chacun 
sous  deux  formes  :  invariables,  el,  un  (et  alors  le  substantif  se 
décline);  variables,  lo,  11,  lu,  la;  uno,  uni,  unu,  una,  et  alors  le 
substantif  reste  invariable. 

Chaque  pronom  personnel  a  une  double  forme  : 


Déterminé. 

N. 

amo 

G. 

ami 

D. 

amu 

A. 

ama 

l'«  p.  s. 

•2«  p.  s. 

3»  p.  s. 

1"  p.  pi. 

2e  p.  pi. 

3«  p.  pi. 

a 

0 

i 

a 

0 

i 

he,  je 

te,  de 

le,  fe,  ze 

ve 

ke,  ge 

pe,  be 

Les  formes  de  la  2«  ligne  comportent  la  distinction  des  genres. 
Les  pronoms  possessifs  sont  les  voyelles  a,  o,  i,  u,  o,  i  préfixées. 

Il  y  a  deux  conjugaisons,  une  synthétique,  et  une  analytique.  La 
synthétique  s'obtient  en  ajoutant  au  radical  verbal  les  désinences 
suivantes  :  a  pour  l'infinitif  et  Timpératif,  eri  pour  le  présent,  eq 
pour  l'imparfait,  aq  pour  le  parfait,  arav)  pour  le  plus-que-par- 
fait, aq  pour  le  futur,  araq  pour  le  futur  antérieur,  uq  pour  le 
conditionnel  présent,  aruq  pour  le  conditionnel  passé;  arx  pour 


A.    IIŒSSRICU    :    TAL  1»^ 

le  participe  présent  (actif),  ew  pour  le  participe  passé  (passif).  Le 
passif  se  compose  de  la  désinence  de  temps  suivie  du  participe 
passé.  La  conjugaison  analytique  consiste  à  mettre  ces  désinence& 
devant  le  radierai,  comme  mots  indépendants.  Il  y  a  une  forme 
abrégée  pour  lo  présent. 

Le  T«/ devait  avoir  trois  styles  (comme  le  Volapûk),  distingués 
par  l'emploi  de  certaines  formes.  Le  style  inférieur  ne  vise  qu'à 
la  clarté;  le  style  moyen  vise  en  outre  à  l'euphonie;  le  style 
supérieur,  le  plus  riche  en  formes,  réalise  en  outre  la  brièveté  ; 
il  est  «  léger,  rythmique  et  esthétique  ».  Telles  sont  les  qualités 
que  l'auteur  attribue  à  sa  langue,  en  y  ajoulant  une  grande 
facilité  d'ac(piisition.  Il  prétend  en  outre  qu'elle  est  supérieure 
à  l'Espéranto,  qui  ne  tient  pas  suffisamment  compte  des  lois  de 
la  phonétique  et  de  la  «  philosophie  du  langage  ». 

Voici  un  extrait  du  Vocabulaire  :  mano  =  homme,  femo  ^=  femme,. 
nino  =  enfant  ;  pato  =ipère,  mato  =  mère  ;  cono  =  soleil,  luno  =  lane, 
ctelo  =  étoile  ;  pano  =pain,  vino  =  vin,  biro  =  bière,  lato  =  lail,  buta 
=:  beurre,  vato=^  eau,  hugo  —  sucre,  timo  =  temps,  lano^=  an,  meco 
=  mois,  veko  =  semaine,  dago  ^=jour,  noco  =  nuit,  rano  =  malin,  cero 
:=soir,  ctundo  =  heure;  bomo  =  arbre,  floro  =  fleur;  maro  ^  mer, 
rivo  :=rii'tV're,lago  =  /ac. 

Comme  on  voit,  l'auteur  choisit  des  racines  aussi  courtes  que 
possible,  sans  s'inquiéter  de  leur  internationalité. 

Voici  une  phrase  spécimen  do  Tal  : 

Vidoy  ar,  uje  bukka  nova,  ka  apato  doneq  ère  lu  cor  amigi? 

L'auteur  la  compare  à  ses  traductions  en  Espéranto  :  Cu  vi  jam 
vidis  la  novan  libron,  kiun  mia  patro  donis  hieraù  al  la  fratino  de 
mia  amiko?  et  on  Idiom  Xeutral  :  Eske  vo  av  vised  ya  libr  nov, 
kekos  mie  patr  av  doned  presidiurne  a  soror  de  mie  amiko? 

Et  il  constate  avec  satisfaction  que  sa  phrase  ne  contient  que 
12  mots,  22  syllabes,  44  lettres,  tandis  qu'en  Espéranto  elle  en 
contient  respectivement  18,  31,  69  et  en  Neulral  :  18,  31,  68  '. 


1.  Los  nombres  correspondants  sont,  pour  lo  fran(;nis  :  19,  2i,  04  ;  pour 
l'jiuiilais:  1(5,  22,  71;  jMmr  ralloiuanil  :  17,  29,  90;  pour  le  Volapiik  :  14,  26, 
.19  ;  et  pour  lo  Bola/i  :  10,  32,  49.  Le  Tal  est  donc  le  plus  court  ù  tous  les 
points  de  vuo. 


V.  HÉLY  :  ESQUISSE  D'UNE  GRAMMAIRE^ 

M.  Victor  HÉLY,  docteur  es  lettres,  curé  de  Bize  (Haute-Mnrne), 
avait  terminé  l'élaboration  d'une  grammaire  de  langue  artificielle, 
quand  il  eut  connaissance,  par  notre  Histoire,  du  programme 
tracé  par  Leibniz  pour  une  langue  universelle.  11  constata  alors 
une  analogie  remarquable  entre  ses  idées  et  celles  du  grand 
philosophe,  et  cela  l'encouragea  à  publier  son  Esquisse  d'une 
/grammaire,  sans  prétendre  par  là  réaliser  l'idéal  de  la  L.  1.  La 
d'*^  partie  (seule  parue)  est  consacrée  aux  mots  et  à  la  syntaxe; 
4a  2"  doit  traiter  de  la  prononciation  et  de  l'orthographe.  Toute- 
fois, l'auteur  dit  qu'on  donnera  aux  voyelles  le  son  (Qu'elles  ont 
en  espagnol  et  en  italien. 

La  langue,  devantavoir  pour  base  le  latin,  aurait  pour  alphabet 
l'alphabet  latin. 

L'article  défini  est  dar  (D.  der),  invariable. 

Les  substantifs  sont  invariables.  Le  signe  du  pluriel  est  la  parti- 
<cule  es,  placée  devant  le  substantif  (et  après  l'article)  :  dar  pater 
^=  le  père,  dar  es  pater  =  les  pères. 

De  même,  le  genre  (naturel)  est  indiqué,  s'il  y  a  lieu,  par  les 
particules  o  (m.),  a  (f.)  au  singulier,  os,  as  au  pluriel,  placées 
'Comme  es  :  dar  os  canis  =  les  chiens,  dar  as  canis  =  les  chiennes. 
JSaturellemcnt,  on  ne  les  emploie  pas  avec  les  noms  qui  sont 
masculins  ou  féminins  par  le  sens  (frater,  soror;  gallus,  gallina). 

Les  cas  sont  remplacés  par  des  particules  :  ge  (génitif),  da 
(datif),  ac  (accusatif),  ab  (ablatif),  même  vo  (vocatif).  L'auteur 
fait  remarquer  que  ac  ressemble  à  la  préposition  espagnole  a 
•qui  sert  à  désigner  le  régime  direct.  Ces  particules  se  mettent 
avant  l'article,  comme  des  prépositions.  Ce  système  s'applique 

1.  Esquisse  d'une  grammaire  de  la  langue  internationale  conforme  aux 
idées  de  Leibniz  et  aux  meilleurs  des  plus  récents  prograinmes,  par  Victor 
HÉLY,  1'"  partie  -.Les mots  et  la  syntaxe (Langres,  iinpr.  Martin-Berret,  1905). 


V.    IIKLY    :    ESQUISSE   d'UNE    GRAMMAIRE  17 

non  seulement  aux  sul)stantirs,  mais  aux  pronoms,  et  à  tous  les 
noms  étrangers,  si  bizarres  qu'ils  puissent  être. 

L'adjectif  69,1  également  invariable.  Ses  degrés  se  forment  au 
moyen  d'adverl)es  :  plus,  minus,  magis,  etc.  Les  adverbes  dérivés 
se  forment  au  moyen  de  la  finale  e. 

Les  nombres  cardinaux  sont  :  un,  du,  tri,  quat,  quin,  sex,  sept, 
oct,  nav',  dec;  dec  un,  etc.;  dudec,  etc.;  cent,  mil. 

Four  ies  pronoms  personnels,  l'auteur  hésite  entre  plusieurs  sys- 
tèmes a  priori  (em,  tem,  sem,  nés,  ves,  les)  et  les  pronoms  latins 
régularisés  pour  le  genre  à  la  3'-  personne  :  ego,  tu,  oil,  ail,  (e)  il; 
nos,  vos,  osil,  asil,  esil.  L'auteur  propose  d'adopter  une  4*^  per- 
sonne, pour  éviter  les  équivoques  que  la  3"  personne  présente 
dans  nos  langues  et  désigner  une  personne  distincte  des  3  pre- 
mières-.  Ce  nouveau  pronom  serait  au  singulier  :  oie  (m.),  aie  (f.), 
(e)le(n.);au  pluriel  :  osle,  asle,  esle.  Comme  on  voit,  fauteur 
emploie  les  voyelles  o,  a,  e  comme  caractéristiques  des  3  genres. 

Les  adjectijs-pronoms  possessijs  sont  :  egoan,  tuan,  oan,  aan,  ean; 
nosan,  vosan,  osan,  asan,  esan;  ils  dérivent  des  pronoms  par 
adjonction  do  an  (suffixe  d'appartenance\  De  même  pour  la 
4''  personne  :  olean,  alean,  lean;  oslean,  aslean,  eslean '. 

Los  pronoms  démonstralifs  sont  :  ist,  général;  ist  ic  pour  le  rap- 
proché, et  ist  ac  pour  l'éloigné. 

Le  pronom  interroyalif-relatif  se  rédxiii  au  radical  invariable  :  qu. 
On  peut  aussi  employer  cual  (S.). 

Les  pronoms  indéfinis  sont  ceux  du  latin,  réduits  ù  leur 
radical. 

Les  verbes  sont  invariables  (réduits  à  l'infinitif)  et  se  conjuguent 
tous  au  moyen  d'un  des  auxiliaires  ser  [être]  et  der  {faire  l'action 
de;  E.do),  le  premier  servant  aux  verbes  passifs  et  neutres  {stalifs, 
d'état),  le  second  aux  verbes  actifs  :  ego  den  légère  =  je  lis.  Voici 
la  conjugaison  du  verbe  ser  (celle  de  der  est  calquée  sur  elle)  : 

Indicatif  présent  :  sen. 

—  passé  :  san. 

—  futur  :  Sun. 

—  imparfait  :               sain. 

1.  Du  .sanscrit,  pour  réserver  nov  à  r.iiljcctir  nouveau. 

2.  Excm|>lo  :  »  Que  dit  Pierre  à  Paul?  //  dit  qu'i/  est  malade  ». 

:i.  Môme  avantaj;»'  *\uo  pour  les  pronoms  personnels.  Exemple  :  •  Marie  et 
Pauline  parlent  de  leurs  chapeaux.  Marie  dit  à  Pauline  qu'elle  préfère  le 
sien  ». 

CouTURAT  ET  Leau.  —  Nouvelles  I>.  I.  2 


18 


SYSTEMES   MIXTES 


Indicatif  plus-que-parfait 

:  saan 

—        futur  antérieur 

:  suan. 

Subjonctif  présent  : 

ses. 

—          passé  : 

sas. 

etc.  » 

Conditionnel  présent  : 

sec. 

—           passé  : 

sac. 

—            futur  : 

suc. 

Impératif  présent  : 

sem. 

—       passé  : 

sam. 

—       futur  : 

sum. 

Infinitif  présent  : 

ser. 

—      passé  : 

sar. 

—      futur  : 

sur. 

Participe  présent  : 

sens. 

—        passé  : 

sans. 

—        futur  : 

suns. 

En  somme,  les  temps  sont  distingués  par  la  voyelle,  et  les 
modes  par  la  consonne. 

Les  particules  (adverbes,  prépositions,  conjonctions)  sont 
empruntées  au  latin.  Seulement  l'auteur  propose  de  régulariser 
les  adverbes  de  lieu,  en  employant  les  prépositions  de,  ab,  ad, 
per  avecubi,  ibi,  hic,  alibi,  ubique,  ubicumque  (au  lieu  des  adverbes 
latins  des  4  séries  :  ubi,  unde,  quo,  qua).  II  approuve  la  préposi- 
tion «  factotum  »  je  du  D""  Zamenhof. 

Le  vocabulaire  serait  emprunté  avant  tout  au  latin;  l'auteur 
prend  les  substantifs  sous  la  forme  du  nominatif,  tout  en  admet- 
tant la  suppression  de  la  désinence;  il  supprime  au  contraire  les 
désinences  des  adjectifs  (bon,  mal),  sauf  quand  il  n'y  a  qu'une 
forme  pour  les  3  genres  (felix,  prudens)  ^  ;  et  il  prend  les  verbes 
sous  la  forme  de  l'infinitif,  en  supprimant  l'e  final  (ce  qui  ramène 
à  la  finale  r). 

Les  déponents  seraient  ramenés  à  la  forme  active  (confiter,  ou 
mieux  confesser),  comme  dans  les  langues  romanes  (F.  user  = 
L.  uti;  I.  morire  —  L.  mori;  S.  confesar=  L.  confileri). 

Mais  l'auteur  reconnaît  la  nécessité  de  compléter  le  vocabu- 

1.  Le  subjonctif  a  tous  les  temps  de  Tindicatif. 

2.  C'est  à  cette  forme  nominative  qu'est  appliquée  la  désinence  adver- 
biale e  :  felixe,  prudense. 


V.    HKLY    :    ESQUISSE   DUNE    GRAMMAIRE  19 

lairo  latin,  (4  il  adincl.  \os  mois  modonics  les  plus  ronniis  :  tsar, 
mikado,  club,  sport;  telegraf,  locomotiv,  automobil;  sélect;  bravo, 
hurra;  etc. 

Voici  le  Paler  comme  spécimen  de  cette  langne  : 
Nosan  pater,  qu  sen  in  dar  es  celum,  tuan  nomen  ses  sanctificat, 
tuan  regnum  des  advenire,  tuan  voluntas  ses  fact  sicut  in  dar 
celum  et  in  dar  terra;  tu  dem  donare  da  nos  hodie  nosan  panis 
quotidian;  et  dem  dimittere  da  nos  nosan  es  debitum.  sicut  et  nos 
den  dimittere  da  nosan  es  débiter  ;  et  tu  non  dem  inducere  ac  nos 
in  ac  '  tentatio;  sed  dem  liberare  ac  nos  ab  dar  malum. 

On  remarquera  que  cette  langue,  tout  à  lait  a  posteriori  par 
son  vocabulaire,  est  a  priori  par  sa  grammaire  (dont  les  formes 
sont  choisies  suivant  des  raisons  purement  mnémoniques);  et  on 
pourra  la  comparer  au  Latino  sine  Jlexione,  qui  s'inspire  des 
mêmes  idées  théoriques. 

1.  Accusatif  (le  direction. 


MAX  WALD  :  PANKEL^ 

Le  pankel  prétend  être  la  plus  facile  et  la  plus  courte  des  L.  1. 
—  Son  alphabet  comprend  25  lettres  :  c'est  l'alphabet  romain, 
moins  q  et  y,  mais  avec  à  [au  D.),  ê  (eiD.);  c  se  prononce  comme 
ch  I).  (?),  j  comme  ch  français,  z  comme  ts.  L'auteur  proscrit 
les  majuscules,  même  des  noms  propres. 

Vaccent  est  sur  lavant-dernière  syllabe. 

Il  n'y  a  pas  d'article.  Le  pluriel  des  substantifs  se  forme  par 
l'adjonction  d'un  i  :  fij  =  poisson,  fiji  ^poissons.  Il  n'y  a  pas  de 
déclinaison. 

Les  adjectifs  sont  invariables.  Leurs  degrés  se  forment  au 
moyen  des  particules  el  et  al  :  gut  =  bon,  el  gvii=  meilleur,  al  gut 
=  le  meilleur. 

Les  adverbes  sont  confondus  avec  les  adjectifs. 

Les  noms  de  nombre  sont  :  en,  do,  tri,  fir,  fif,  ha,  sep,  ok,  no,  de; 
puis  deen,  dedo,  detri...  dos  (20),  tris  (30)  2...  des  (100);  mil.  Ent  = 
premier,  iot  ^second,  etc.  Enmal  =  une /ois  ;  dodel  =demi. 

Lespronomsperson/ieis  sont  :  a  =je;  o=<u;  u=  il,  elle;  à ^=  nous; 
0  =  vous  (identique  à  tu),  ui  =  iis,  elles;  les  cas  indirects  prennent 
un  s  :  as,  os,  us,  usi.  En  cas  de  besoin,  elle  se  dit  i  (au  singulier 
seulement).  Il  impersonnel  se  dit  e. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  sa  =  mon,  so  =  ton,  su  =  son;  sà  = 
notre,  so^=  votre,  sm=^  leur.  Si=:à  elle,  en  cas  de  besoin. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  la. ^=  celui;  le^  celui-ci;  lo  = 
celui-là,  pour  les  3  genres. 

Le  pronom  inierrogatif-relatif  est  :  ki  =  qui,  kà  =  quoi. 

1.  Wellsprache  pankel,  die  leichteste  und  kurzeste  Sprache  fur  den  inter- 
nationalen  Verkehr.  Grammatik  und  WÔrterbuch  mit  Anr/abe  der  Worl- 
quelle,  von  Max  Wald  (Gross-Beeren,  l'auteur,  1906;  2°  édition,  1907).  Nous 
suivons  la  2"  édition. 

2.  Gomme  en  Volapûk. 


MAX    WALI)    :    l'ANKEL  21 

Voici  le  paradigme  de  la  conjugaison  : 

Infinitif  :  liben  —  aimer. 

Indicatif  présent  et  futur  :  liba. 


—        passé  : 

libo. 

Conditionnel  présent  : 

libu. 

—           passé  : 

libà. 

Impératif-optatif  : 

libe. 

Participe  présent  : 

libag 

—       passé  : 

libog 

—       passif  : 

libig. 

Il  n'y  a  pas  de  passif;  on  renverse  la  proposition,  «  comme  en 
arabe  ». 

Le  verbe  réfléchi  s'indique  par  une  s  finale  :  u  libas  =  il  s'aime. 

La  négation  s'indique  par  une  n  qu'on  place  où  l'on  veut  :  a 
liban  ^=je  n'aime  pas. 

Les  verbes  les  plus  fréquents  sont  particulièrement  courts  : 
ien  =  (Hre  ;  dien  =  devenir  ;  bien  r=  avoir  ;  kien  =  pouvoir  ;  sien  = 
devoir;  vien  =  vouloir;  Men  =  laisser. 

Presque  tous  les  adverbes  primitifs  sont  monosyllabes.  Citons 
par  exemple  les  interrogatifs  :  va  =  quand;  vo  =^  où;  vi  =  com- 
ment ;  ko  =  pourquoi']  ja  =  oui,  ne  =  non. 

Les  prépositions  sont  également  monosyllabes.  Elles  régissent 
toutes  le  nominatif. 

Les  conjonclions  sont  plus  courtes  encore  ;  elles  se  composent 
presque  toutes  d'une  seule  lettre  (consonne)  qu'on  prononce  en 
y  ajoutant  un  e  muet  :  b  =  mais  ;  c  =  encore  ;  d  =  parce  que  ;  k  := 
que  ;  j  =  déjà  ;  I  =  comme  ;  p  =  peut-être  ;  r  =  ou  :  t  =  <"/.  On 
obtient  ainsi  des  phrases  comme  celles-ci  :  u  la  go  1  o  —  i7  est 
aussi  grand  que  toi. 

L'ordre  des  mots  est  libre;  mais  il  est  recommandé  de  mettre 
le  sujet  le  premier,  même  dans  les  propositions  relatives  :  son, 
fat  gasto  ki  =  le  fds  que  visitait  le  père. 

Le  vocabulaire  se  compose  de  racines  aussi  courtes  que  pos- 
sible, empruntées  surtout  à  l'anglais,  puis  à  l'allemand,  au  fran- 
çais et  au  latin,  et  ensuite  à  toutes  les  autres  langues,  y  compris 
l'arabe,  le  turc,  le  chinois  et  le  japonais.  Inutile  d'ajouter  que  ce 
choi.x  ne  tient  aucun  compte  de  l'internationalité;  at=c/ieyai(en 

1.  La  1"  t'dition  donnait  un  participe  futur  actif  :  libug. 


22  SYSTEMES  MIXTES 

turc).  Certaines  racines  sont  même  choisies  arbitrairement,  et 
alors  l'auteur  part  de  ce  principe,  que,  là  où  2  lettres  suffisent  à 
distinguer  un  mot,  il  ne  faut  pas  en  mettre  3  :  el  =  évoluUon, 
ub  =  rêve,  kag  =  col,  ga  ^  faim,  paz  =  lapis.  Môme  les  noms  de 
pays  n'échappent  pas  au  raccourcissement  :  germ  =  Allemagne, 
âst  =  Aulriche,  mad  =  Hongrie,  ir  =  Irlande,  tal  =  Italie,  un  = 
États-Unis. 

La  dérivation  est  rudimentaire  :  le  féminin  se  forme  par  le  pré- 
fixe i  :  idog  =  chienne;  ig  forme  des  adjectifs  dérivés  do  sub- 
stantifs :  homig  = /lumam.  Le  suffixe -er  sert  à  former  des  noms 
d'homme  :  tabler  =  menuisier;  bulg  =  Bulgarie,  bulger  =  Bulgare. 
Le  suffixe  é  sert  à  former  toutes  sortes  de  noms  abstraits  :  tabé 
=  menuiserie  ;  jen  =  beau,  jenê  =  beauté.  Quand  un  verbe  dérive 
directement  d'un  substantif,  les  substantifs  qui  en  dérivent  se 
forment  au  moyen  de  é  ou  de  t  :  pul  =  poumon,  pulen  :=  respirer, 
pulê  =  respiration,  pult  =  souffle. 

Les  verbes  immédiatement  dérivés  de  substantifs  reçoivent  les 
sens  les  plus  invraisemblables  :  tik  =  ticket,  tiken  =  prendre  un 
ticket  ;  af  ^=  singe,  afen  =  imiter  ;  f  ux  =  renard,  fuxen  =  espionner  ; 
ren  =  renne,  renen  =  courir  ;  frog  =  grenouille,  frogen  =  prophé- 
tiser. Le  verbe  dérivé  d'un  nom  de  vêtement  signifie  revêtir  ce 
vêtement  ;  le  verbe  dérivé  d'un  nom  de  maladie  signifie  être  atteint 
de  cette  maladie  *  le  verbe  dérivé  d'un  nom  d'aliment  signifie 
consommer  cet  aliment;  le  verbe  dérivé  d'un  nom  d'arme  signifie 
faire  usage  de  cette  arme;  mais  le  verbe  dérivé  du  mot  arm 
[arme]  signifie  armer.  Le  verbe  dérivé  de  maison  signifie  habiter  ; 
d'école,  apprendre  ;  de  fenélre,  regarder  ;  de  poste,  envoyer  ;  de  bou- 
teille, secouer;  de  lune,  marcher  de  nuit;  demande,  créer;  et  d'armée, 
dévasler. 

Les  substantifs  de  qualité  dérivent  des  adjectifs  au  moyen  du 
suffixe  ê:  jen  =  beau,  jenê  ^  beauté;  jenen  signifie  embellir;  de 
bu  —jeune,  dérive  buen=  enfanter. 

La  composition  s'effectue  comme  en  anglais  et  en  allemand  : 
pan  =  univers,  kel  =  langue,  d'où  pankel  ;  vinfas  =  tonneau  de  vin 
(D.  Weinfass). 

Voici  une  phrase  de  pankel  :  pa  ora  o  j  za  al  nir  âig  jât,  oit  nati 
pankelag  ;  ce  qui  signifie  :  Peut-être  entendrez-vous  déjà  à  la  pro- 
chaine exposition  universelle  les  divers  peuples  parler  pankel.  Il  n'est 
pas  étonnant,  dès  lors,  qu'un  texte  qui  emploie  937  lettres  en 
allemand  n'en  emploie  que  454  en  pankel. 


SYSTEMES    A    POSTERIORI 


CARPOPHOllOPHILUS  » 

Nous  «ivons  dit  dans  notre  Histoire  que  le  premier  projet  de 
langue  a  posteriori  était  celui  de  Sciiipp'ER  (1839).  Nous  avons 
trouvé  depuis  lors  un  projet  analogue  qui  est  antérieur  de  plus 
d'un  siècle,  et  qui  est  d'autant  plus  intéressant,  qu'il  remonte  à 
une  époque  où,  sous  l'influence  de  Leibniz  et  de  son  école,  les 
esprits  étaient  hantés  de  l'idée  d'une  langue  philosophique. 
L'auteur,  qui  se  cache  sous  le  pseudonyme  de  Carpoimiorophilus, 
s'est  simplement  proposé  d'élaborer  une  langue  et  écriture  uni- 
verselles purgées  de  toutes  les  difficultés  des  langues  naturelles. 
Pour  cela,  il  a  pris  pour  base  le  latin,  en  y  supprimant  toutes 
les  complications,  irrégularités  et  exceptions  ^ 

L'auteur  (évidemment  Allemand)  réduit  son  alphabet  à 
16  lettres  :  a,  e,  i,  o,  u  ;  b,  d,  f,  g,  h,  k,  1,  m,  n,  r,  s,  pour  éviter  toute 
confusion  entre  d  et  t,  b  et  p,  f  et  v  ^  Il  supprime  la  déclinaison  ; 
les  cas  seront  distingués  par  des  articles  :  Nominatif,  ha  ;  Génitif, 
he;  Datif,  hi;  Accusatif,  ho.  Les  substantifs  forment  leur  pluriel 
en  -im  (hébreu)  :  domus  (maison),  domusim. 

Les  adjectifs  sont  invariables  et  identiques  aux  adverbes.  Leurs 
degrés  se  forment  analytiquement  :  magis  bonus,  summe  bonus. 

Les  pronoms  personnels  gardent  leurs  flexions  latines  :  ego,  mihi, 
me;  du,  dibi,  de;  nos,  nobis;  fos,  fobis.  Démonstratifs  :  hik,  hok  ;  is. 

Les  verbes  ont  une  conjugaison  uniforme;  pas  de  distinction  de 

1.  Carpophoropuili  novum  inveniendae  Scripturae  Œcumenicae  consiliuvt, 
in  Acta  Erudilorum,  Supplemenla,  t.  X,  sert.  1  (Leipzig,  1734\ 

2.  «  FundaiiKMiluin  iuijus  lingu;r  e.x  Inlina  deâuintuiii  est,  sed  ita  ordinata 
oinnia,  ut,  sublatis  oiimibus  difflcultatibus,  perpétua  ubique  sine  ulla 
exceptione  observetur  Analogia.  » 

3.  C'est  ce  qu'a  fait  aussi  Eichhorn,  pour  In  môme  raison  (1887).  V.  notre 
Hisloà'e,  p.  293. 


24  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

personne,  les  pronoms  y  pourvoient.  Le  présent  est  en  -o,  l'im- 
parfait en  -abam,  l'impératif  en  -ade,  le  participe  passif  en  -adus. 
Toutes  les  autres  formes  sont  analytiques,  c'est-à-dire  composées 
avec  les  auxiliaires:  habo,  hababam  pour  les  temps  passés;  fio 
pour  le  futur;  fakdo  pour  le  passif,  et  esso  comme  auxiliaire  de 
fakdo,  ce  qui  donne  les  formes  suivantes  au  passif  : 

Présent  :  ego  fakdo  amadus  =j^  suis  aimé. 

Imparfait:  —  fakdabam  amadus  =  j'étais  aimé. 

Parfait:  —   esso  fakdo  amadus  =^  j'ai  été  aimé. 

Plus-que-parfait  :  —    essabam  fakdo  amadus  =  j'avais  été  aimé. 

Futur:  —    fio  fakdo  amadus  =:  je  serai  aimé  K 

Le  subjonctif  et  l'infinitif  sont  identiques  à  l'indicatif  présent: 
ego  non  bosso  de  amo  =  je  ne  puis  pas  Vaimer  ;  du  non  bosso  fakdo 
amadus  -=■  tu  ne  peux  pas  être  aimé. 

L'auteur  emploie  id  pour  sujet  des  verbes  impersonnels,  et 
on  =  on.  Comme  particule  interrogative  il  emploie  an. 

Il  adopte  le  vocabulaire  latin,  en  excluant  les  synonymes  inu- 
tiles, et  en  régularisant  les  dérivations,  comme  le  montrent  les 
exemples  suivants: 


orno  =  orner 
ornanda  =  ornement 
ornadus  =  orné 
ornalis  =  ornemental 
ornalanda  =  ornementation 


fallo  =  tromper 
fallanda  =  tromperie 
fallans  =  trompeur  (subst.) 
falladus  =  trompé 
fallalis  =  trompeur  (adj.) 

Voici  comme  spécimen  de  cette  langue  la  traduction  du  Pater 
faite  par  l'auteur  : 

0  baderus  noderus,  ki  du  esso  in  seluma,  fakdade  sankadus  ha 
nominanda  duus;  adfenade  ha  rennanda  duus;  ha  folanda  duus  fias- 
sade  felud  in  seluma,  sik  koke  in  derra.  Ho  banisa  noderus  diessalis 
dade  du  nobis  in  hik  diessa;  ed  remiddade  du  nobis  ho  debandaim 
noderus,  felud  nos  remiddo  hi  debansaim  noderus;  ed  non  indukade 
du  nobis  in  dendassanda;  sed  liberade  nobis  a  malanda. 

L'auteur  compare  son  projet  de  langue  à  la  pasigraphie  de 
SoLBRiG  {Scriptura  œcumenica  per  numéros),  et  on  appréciera  mieux 
son  mérite,  si  l'on  se  rappelle  que  pendant  tout  le  .\vni«  siècle  on 
ne  proposa  guère  que  des  pasigraphies  soi-disant  logiques. 

1.  Ce  système  de  conjugaison  est  calqué  sur  l'allomand  :  habo  =  haôen; 
îio  =werden  (au  futur);  fakdo  =  werden  (au  passif),  et  esso  =  sein. 


L.  ZAMENHOF:  ESPERANTO 


Historique  • 

On  sait  que  le  D""  Zamenhof  n'avait  prétendu  apporter  que  le 
germe  d'une  langue  auxiliaire,  dont  il  remettait  le  développe- 
ment et  le  perfectionnement,  soit  au  public,  soit  à  une  Académie 
compétente,  et  qu'il  avait  fait  appel  dès  le  début  aux  lumières  de 
la  critique'^.  Pendant  les  premières  années,  les  critiques  ne 
manquèrent  pas,  soit  de  la  part  des  volapûkistes  concurrents, 
soit  même  de  la  part  des  amis  et  adeptes  de  l'Espéranto,  comme 
en  témoigne  le  journal  mensuel  Esperantislo,  fondé  en  1890  et 
rédigé  entièrement  en  Espéranto.  La  première  correction  (la 
seule  qui  ait  été  faite  jusqu'ici)  porta  sur  les  particules  relatives 
au  temps  :  le  D' Zamenhof  leur  avait  assigné,  on  ne  sait  pourquoi, 
la  finale  -an  ian,  kian,  tian,  clan,  nenian),  de  sorte  qu'elles  se  con- 
fondaient avec  l'accusatif  singulier  des  adjectifs  ia,  kia,  lia,  etc. 
Il  remplaça  la  finale  n  par  m,  et  obtint  ainsi  les  particules  connues 
et  usitées  à  présent  :  iam,  kiam,  tiam,  ciam,  neniam^. 

1.  Le  journal  Esperanlislo  (1890-95)  étant  devenu  introuvable,  nous 
n'avons  *mi  connaissance  do  son  contenu  que  depuis  l'apparition  de  notre 
Histoire,  d'ahord  par  M.  Rosenhkhoe»,  ensuite  i>ar  le  D'  Javal,  qui  a  fait 
réimprimer  'os  articles  Pri  reformoj  en  Espéranto  publiés  par  le 
D'  Zamenhof  en  1894. 

2.  A  cette  époque,  il  considérait  comme  l'unique  •  fundamento  »  de  sa 
laiigue  son  premier  manuel  de  1887,  qui  contenait  «  toute  la  grammaire  • 
et  «  un  nombre  suffisamment  grand  de  mots  »  (Aldono  al  la  Dua  Libro,  1888, 
p.  7).  •  Tout  le  reste  doit  être  créé  jjar  la  société  humaine  et  par  la  vie, 
comme  nous  voycms  dans  chacune  <les  langues  vivantes  {ibid.,  p.  7).  »  — 
«  Une  langue  universelle  doit  être  préparée  pas  à  pas,  par  le  travail  uni  de 
tout  le  monde  civilisé  »  {ibid.,  p.  C).  •  En  un  mot,  la  langue  internatitmale 
doit  vivre,  croître  et  progresser  suivant  les  mêmes  lois  (jui  président  à  l'éla- 
boration de  toutes  les  langues  vivantes,  et  la  fiunie  que  je  lui  ai  donnée,  la 
grammaire  et  le  vocabulaire  que  j'ai  présentés,  doivent  être  seulement  le 
fondement  sur  le(|uel  sera  élaborée  la  langue  internationale  réelle  de  l'avenir  • 
{ibid.,  p.  8). 

3.  Aldono  al  la  Dua  Libro  (1888),  p.  3-6. 


26  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

Dès  189iî,  le  D''  Zamenhof,  résumant  les  propositions  de  chan- 
gements déjà  faites,  écartait  toutes  celles  qui  produisaient  une 
«  rupture  »  dans  la  langue,  et  les  renvoyait  à  une  Académie  qui 
ferait  plus  tard  les  réformes  utiles  (tout  en  avouant  qu'alors  bien 
des  réformes  proposées  seraient  devenues  inutiles)  ;  et  il  retenait 
seulement  celles  qui  lui  paraissaient  justes  {pravaj)  ou  qui  sem- 
blaient approuvées  par  la  majorité  des  Espérantistes.  C'était  : 
1°  la  suppression  des  désinences  si  fréquentes  oj,  ojn,  aj,  ajn  ; 
2"  la  suppression  des  sons  iaù,  aùi,  etc.  ;  3°  la  suppression  de 
l'article  (la).  Il  proposait  en  conséquence  :  1"  de  supprimer  les 
finales  n,  j,  jn,  dans  tous  les  adjectifs  et  pronoms,  quand  ils  sont 
accompagnés  d'un  substantif,  de  façon  à  dire  :  mi  rakontos  al  vi 
nova  tre  interesa  historion  ;  mi  venis  kun  ciu  mia  bona  infanoj  ; 
donu  al  mi  tiu  via  bêla  librojn  :  mi  amas  la  honesta  homojn  ;  mi 
amas  la  honestajn  ;  2**  délidcr  la  linale  au,  et  de  dire  :  adi',  adi'a ; 
3°  de  se  passer  de  l'article.  Bien  entendu,  ces  trois  simplifications 
étaient  facultatives,  et  non  obligatoires*. 

Un  autre  point  était  fortement  critiqué,  c'était  le  tableau  des 
pronoms  et  adverbes  corrélatifs.  Le  D""  Zamenhof  proposait  de 
supprimer  (facultativement)  l'i  médian  des  séries  ki,  ti,  ci,  neni 
(mais  non  pas  l'i  initial  de  la  série  ia),  et  de  dire,  par  exemple  : 
k'u,  tu,  c'u,  nen'u.  Il  remarquait,  à  la  vérité,  que  cela  produi- 
rait des  confusions  :  de  kie  avec  ke,  de  ciu  avec  eu,  de  cie  avec  ce. 
Mais  il  renvoyait  toujours  à  une  «  Académie  »  le  soin  de  faire 
des  réformes  plus  radicales. 

En  1893,  M.  Gkabovvski  (le  c  premier  Espérantiste  »)  publiait 
La  Liro  de  la  Esperantisloj,  recueil  de  poésies  en  Espéranto  com- 
posées par  lui,  par  le  D--  Zamenhof  et  par  d'autres  Espérantistes 
de  talent,  comme  Léo  Belmont,  Devjatmn,  Dombrowski,  Gold- 
BERG,  etc.,  et  il  y  introduisait  quelques  réformes  phonétiques 
destinées  à  rendre  la  langue  plus  harmonieuse  et  plus  propre  à 
la  poésie.  Ces  réformes  se  réduisaient  à  deux  :  usage  de  l'apo- 
strophe, c'est-à-dire  suppression  de  certaines  lettres;  substitution 
de  i  à  i.  Il  en  résultait  :  1"  la  suppression  des  «  sons  sauvages  » 
au,  aùi,  aùu,  aùe,  iaù,  iaùe  ;  2°  la  transformation  facultative  de 
kiu,  kio,  kie,  etc.,  en  monosyllabes  (kju,  kjo,  kje...)  ;  3'^  le  rétablis- 
sement de  l'accent  à  sa  place  étymologique,  et  l'allégement  des 
mots  correspondants  :  neb'lo,  ok'lo,  reg'lo,  speg'lo,  suk'ro,  az'no, 

1.  Esperanlisto,  n"  d  avril  1892. 


L.    ZAMENIIOK    :    ESI'EKANTO 


27 


radjo,  familjo,  papiljo,  nacjo,  Germanjo,  Francjo,  Ital'io.  En  outre, 
l'auteur  substituait  (fort  logiquement)  la  finale  adverbiale  -e 
à  la  finales  au  dans  les  mots  hodie  hodje),  hiere,  morge,  ambe, 
anke,  ankore,  balde,  kvaze,  etc.  ;  el  il  apostrophait  antaù,  kontraù, 
cirkaù  :  anta",  kontra',  kontrastari,  antadiri,  cirkaigi,  etc.  (On 
trouve  même  :  kvanke  pour  kvankam.)  l-lndn  il  substituait  ed  à 
kaj,  et  lo  à  gi  :  il  justiliait  ce  dernier  pronom  (emprunté  à  l'italien 
et  à  l'espagnol)  en  le  composant  de  l'article  la  apostrophé  et  delà 
finale  o  des  substantifs  (l'o);  il  en  déduisait  régulièrement  le  pos- 
sessif loa  et,  pour  le  pluriel  :  loj,  loja.  Tous  ces  petits  change- 
ments, très  anodins,  contribuaient  à  donner  à  la  langue  une 
sonorité  musicale  et  italienne. 

Pendant  ce  temps,  le  D'  Zamenhof,  débordé  par  les  projets  de 
réformes,  décidait  de  n'en  plus  parler  dans  son  journal  Esperan- 
tisio,  et  de  ne  les  y  publier  que  sous  forme  d'annonces  payantes  *. 
(^est  ainsi  que  parut,  dans  le  n"  de  janvier  1894,  un  petit  article 
de  M.  Grabowski  critiquant  le  tableau  des  pronoms  et  adverbes 
corrélatifs,  comme  composé  de  mots  arbitraires  et  monotones, 
qui  n'existent  dans  aucune  langue,  et  que  l'auteur  qualifiait  de 
«  volapukismes  ».  Il  proposait  de  leur  substituer  des  mots 
empruntés  aux  langues  romanes,  qui  seraient  immédiatement 
compris  de  tous  les  peuples  romans  et  de  tout  Germain  ou  Slave 
\in  i)eu  instruit  : 


al'or-e  au  lieu  de  tiain  ; 


caka  — 

cie  — 

iv-e  — 

ka,  ko  — 

kand-e  — 

ki  — 

kom-e  — 

kval  a  — 
kvalk-a,  -o, -e 

kvant-e  -— 

kvel-a,  -0  — 

kvesta,  o  — 


Ciu  ; 

lie  Ci  ; 

lie; 

kiu,  kio: 

kiain  ; 

kiu; 

kiel; 

kia  ; 

ia,  io,  iel; 

kioin  ; 

tiu,  lio; 

iiu  ci,  tio  Ci; 


kunk-e  au  lieu  de  ajn; 
lo  ~  iji; 

nunk-e        —  neniam; 

nul-a,   -0,  -e  au  lieu   de  neniu, 

nenio,  neniel  ; 
pok-e    au  lieu  de  ioin  : 


partut-e 

sempre 

sik 

tal-a 

tante 

tot-o,  aj 

uv-e 


cie; 
Ciam  ; 
tiel: 
tia; 
tiom  ; 
Cio,  CiuJ; 
kie. 


11  proposait  en  outre  de  substituer  ed  à  kaj  (comme  on  la  vu). 


1.  Esperantisto,  Juillrt  1893. 


28  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

eske  à  eu  (demi-volapïikisme),  kve  (international)  à  ol  (volapti- 
kisme),  mas  (espagnol-portugais)  à  plej,  etc.  En  somme,  aux  rai- 
sons d'harmonie  phonétique  venait  s'ajouter  la  tendance  à 
rendre  VEsperanto  moins  artificiel  et  plus  «  a  posteriori  »,  donc 
plus  intelligible  à  première  vue.  Voici  un  spécimen  de  l'Espé- 
ranto ainsi  modifié  : 

«  En  kvesta  loko  mi  ankor'  uzas  la  okazon  por  esprimi  proteston 
kontra'  ofte  ripetata  malvera  opinjo  :  Ne  alor"  ni  perfektigos  nian 
lingvon,  kande  lo  estos  akceptita  de  la  mondo,  sed  —  la  mondo 
akceptos  Ion  alor',  kande  nia  lingvo  estos  perfekta.  » 

Pendant  l'année  1893,  le  D'"  Zamenhof  avait  formé  une  Ligue 
Espérantiste,  qui  était  destinée  moins  à  réaliser  les  réformes  qu'à 
endiguer  le  courant  réformiste,  en  décidant  lesquelles  on  devait 
accepter  et  lesquelles  rejeter;  ce  devait  être  un  paratonnerre 
(fulmoforigilo  *).  C'était  aussi  pour  lui  un  moyen  de  décliner  la 
responsabilité  des  réformes,  et  de  la  reporter  sur  l'ensemble  des 
Espérantisles*.  Bien  qu'il  jugeAt  toute  réforme  prématurée,  il 
se  voyait  obligé  de  céder  au  courant,  et  de  proposer  un  projet 
d'Espéranto  réformé,  sur  lequel  les  membres  de  la  Ligue 
(abonnés  de  l'Esperantislo)  seraient  appelés  à  voter.  Voici  l'ana- 
lyse de  ce  projet,  contenu  dans  les  n"»  1-6  de  VEsperanUslo 
de  1894='. 

Le  D""  Zamenhof  annonce,  dès  le  début,  qu'il  exposera  «  quelle 
forme  il  donnerait  à  la  langue,  s'il  commençait  à  la  créer  main- 
tenant après  six  ans  et  demi  de  travail  pratique  et  d'épreuves,  et 
après  avoir  entendu  une  telle  multitude  d'opinions  et  de  conseils 
divers,  reçus  des  personnes,  journaux  et  sociétés  les  plus  divers, 
des  pays  les  plus  divers  du  monde  ». 

Au  sujet  de  l'alphabet,  il  propose  d'abord  de  supprimer  les 
lettres  accentuées,  «  qui  se  sont  montrées  en  pratique  un  très 
grave  obstacle  à  la  diffusion  de  la  langue.  A  cause  de  ces  lettres, 
que  les  imprimeries  ne  possèdent  pas,  l'impression  libre  en  tous 

1.  EsiieranListo,  avril  1893. 

3.  D'ailleurs,  le  D"'  Zamenhof  avait  dès  1888  décliné  toute  autorité  et  tout 
droit  sur  la  langue;  elle  devait  appartenir  au  public,  c'est-à-dire  à  ses 
adeptes  :  «  Tiu  ci  libreto  estas  la  lasta  vorto,  kiun  lui  elparolas  en  rolo  de 
aùtoro.  De  tiu  ci  tago  la  estonteco  de  1'  lingvo  internacia  ne  estas  jaui  pli 
rnulte  en  uiiaj  ituinoj,  ol  en  la  nianoj  de  cia  alla  amiko  de  la  sankta  ideo  ». 
Aldono  al  La  Dua  Libro,  1888,  p.  19  et  dernière. 

2.  Réimprimés  par  les  soins  du  D'  Emile  Javal. 


L.    ZAMENllOF    :    ESPERANTO  29 

lieux  de  livres  dans  ou  sur  notre  langue,  et  la  publication  de  notre 
langue  par  les  journaux,  sont  devenues  presque  absolument 
impossibles  ».  Ensuite,  il  supprime  plusieurs  «  sons  superflus  », 
qui  olïrent  quelque  difficulté  à  certains  peuples  et  dont  la  pro- 
nonciation ne  peut  s'apprendre  que  par  l'enseignement  oral 
(comme  h,  ],  g,  c).  Néanmoins,  il  hésitait  à  supprimer  h,  et  finale- 
m,ent  le  conserva.  Les  Allemands  confondent  constamment  s  et 
z:  on  supi)riniera  le  son  z;  la  lettre  z  représentera  le  son  c  {ts),  et 
la  lettre  c  le  son  s  {ch  français).  L'alphabet  se  réduira  ainsi  aux 
21  lettres  :  a,  b,  c,  d,  e,  f,  g,  h,  i,  k,  1,  m,  n,  o,  p,  q,  r,  s,  t,  u,  v,  z. 

Pour  le  j,  le  D""  Zamenhof,  constatant  qu'il  offrait  des  diffi- 
cultés à  certains  peuples,  voulait  d'abord  le  supprimer*  ;  mais  il 
se  décida  à  le  conserver,  en  prenant  soin  qu'il  se  trouve  toujours 
avant  une  voyelle. 

Dans  la  grammaire,  il  proposait  de  suj)primer  l'article  défini 
la,  pour  complaire  aux  Slaves  (qui  formaient  alors  les  trois 
quarts  de  ses  adeptes),  qui,  n'ayant  pas  ce  mot  dans  leur  langue, 
n'en  comprennent  pas  l'usage  et  l'utilité;  —  de  supprimer 
l'accusatif,  »  qui  offrq  une  grande  difficulté  à  beaucoup  de  per- 
sonnes et  d'autre  part  est  contraire  à  l'esprit  commun  de  notre 
langue  »,  car  elle  n'a  pas  de  déclinaison;  —  de  former  le  pluriel 
des  substantifs  par  i  substitué  à  o;  de  rendre  ladjeclif  inva- 
riable, et  semblable  à  l'adverbe,  et  par  suite  de  lui  donner  pour 
finale  e;  de  remplacer  pli  par  plu  et  plej  par  maksu;  de  prendre 
pour  pronoms  personnels  :  mu,  tu,  lu  (m.),  élu  (f.),  lu  (n.);  nu, 
vu,  loru;  su;  et  de  supprimer  oni*;  de  remplacer  les  désinences 
verbales  par  les  suivantes  :  a  (infinitif),  an  (impératif),  en  (pré- 
sent), in  (passé),  on(futur),  un  (conditionnel;;  ent-e  {seul  participe 
actif),  at-e  (seul  participe  passif);  de  supprimer  la  préposition 
je  2,  et  d'employer  la  préposition  versu  pour  indiquer  la  direction 
(l'accusatif  étant  supprimé).  Pour  éviter  les  équivoques  que 
pouvaient  produire  ces  simplifications  grammaticales,  il  recom- 
mandait de  mettre  en  général  le  sujet  avant  le  verbe  et  le  régime 
direct  après  le  verbe,  et  de  placer  l'adjectif  de  manière  à  le 

i.  Il  s't'toiuie  que  celte  lettre  paraisse  dinicile  à  proiumcer  iiii^me  aux 
peuples  (lui  possèdent  ce  son  dans  leur  lanpue.  Mais  cela  n'a  rien  d'éton- 
nant, si  l'on  remarque  que  ces  peuples  sont  habitués  à  prononcer  le  j  avant 
une  voyelle  (ja,  je,  jo,  ju)  et  non  pas  après  (aj,  ej,  oj,  uj). 

2.  Oni  et  je  furent  rétablis  dans  le  projet  délinilif  {ExiJerantisto,  mai  1894, 
p.  67),  et  les  pronoms  y  prirent  la  forme  suivante  :  mi,  tu,  lu.  élu  :  nos, 
vos,  ilu  ;  su  ;  on. 


30  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

rattacher  clairement  à  son  substantif.  Mais  c'étaient  là  de  simples 
conseils  pour  les  commençants,  non  des  règles  obligatoires  qui 
imposeraient  une  construction  rigide  et  supprimeraient  sans 
nécessité  la  liberté  de  l'ordre  des  mots.  Enfin,  il  supprimait  le 
tableau  des  particules  corrélatives,  et  les  remplaçait  par  des 
particules  a  posteriori  (latines  ou  romaines),  que  nous  présen- 
tons dans  le  tableau  ci-contre  (p.  31)  '. 

Comme  on  voit,  la  particule  ci  était  supprimée;  la  particule  ajn 
était  remplacée  par  kunku  (L.  -cimque  :  quicunque.  ubicunqiie,  etc.). 

Dans  les  nombres,  unu  devenait  un  (pluriel  uni),  et  naù  était 
remplacé  par  novu. 

Pour  les  affixes,  le  D""  Zamenhof  remplaçait  a]  par  e  (bonajo 
par  boneo),  ec  par  it  (boneco  par  bonito),  ig  par  isk,  uj  par  i,  cj 
et  nj  par  le  suffixe  diminutif  et  (sans  altération  du  radical).  Le 
préfixe  ek  ne  devait  plus  signifier  qu'une  action  momentanée; 
le  suffixe  op  était  supprimé  comme  inutile.  Le  suffixe  edz  était 
remplacé  par  le  radical  spos  (L). 

Parmi  les  particules,  il  remplaçait  kaj  par  e,  au  par  u,  gis  par 
ad,  for  par  ab,  kun  par  kum,  car  par  nam,  eu  par  num,  ec  par 
mem,  mem  par  ipsu,  jen  par  ekcu,  jes  par  si,  tuj  par  statim,  ju... 
des  par  kvantu...  tantu,  ol  par  kvam,  po  par  a,  pri  par  de  (qui 
conservait  tous  ses  autres  sens),  en  j)arin;  da  était  supprimé. 

Dans  le  vocabulaire,  le  changement  d'ali)habet  entraînait 
certaines  modifications  d'orthographe  :  z  était  remplacé  par  s 
(naso,  mesure),  et  par  suite  kz  parks  eksemplo,  eksista,  etc.);  c 
était  remplacé  par  z  (szii.  szienzo,  szeptro)  ou  parc  prononcé  ch 
(cigareto,  cifro,  cirklo,  cirkularo,  civiliso);  c  était  remplacé  aussi 
parc  (cagreno,  cambre,  capo,  capitro,  casta,  cefo,  cielo,  cokolato), 
parfois  par  k  (dediko.  kavalo.  kamisoj  ;  s  était  remplacé  parfois 
par  c  (ecafodo,  muco,  kuca,  macino,  poco,  tuca),  parfois  par  s 
(stopa,  stupo,  buselo),  parfois  par  d'autres  lettres  plus  étymolo- 
giques (boko  au  lieu  de  buse),  mais  le  plus  souvent  supprimé  par 
un  changement  de  racine;  h  était  remplacé  par  k  :  eko,  kaoso, 
kemio,  arkitekturo,  monako,  monarko,  mekaniko);  g  par  g  (angelo, 
gardeno,  gema,  gêna,  germe,  gibo,  girafe,  larga,  sovaga):  la  diph- 
tongue au  était  remplacée,  tantôt  par  av  (lavda,  plavda),  tantôt 
par  a  (atuno),  tantôt  par  e  (apleda),  tantôt  par  u  (anku,  antu, 
hodiu,  kentru). 

I.  11  est  intéressant  de  les  comparer  au  tableau   proposé   par  M.    Gra- 

BOWSKI. 


L.    ZAMENIIOF    :    ESPERANTO 


31 


'i  ^  '=.2 

S 

S 

^ 

=  2  "  a 

«8    £ 

a  ^ 

•S   £ 

c  o  s 

>   o 

«  -2 

C    o 

•   I!  î;  "2 

r2  '~ 

^      ô        '    ^ 

"(3 

-o   =  -S  - 

a 

« 

■     2  o 
"S  *  — 

fr4 

0) 

1   1  11 

o    ;:; 

'a  "ï 
«  ■= 

a  s 
«  - 

1 

E"  's  .2    • 

ô  .ï  '■§  3 

.2  a 

S 

s 

o 

=-  rt  a  a 
•/3  !r  S  <— 

=     7     _  3 

•^     /J    ©    X 

r:lï 

o 
> 

O 

> 
•^  "5 

o 
J3  ~ 

^  a-«- 

•/.   o     ,  s 
■è  a  »? 

"ëS  .2 

fci  **- 

tH     •- 

,     «  es  t: 

u 

o 

o  "" 

O   ~ 

t:  a  -^  o 

a< 

A 

S.  :,    *-    "^ 

p. 

en 

O 

H 

s 

§•2 

a  s 

s'. 
«  s 

>   c 

a-î 
a  = 

a; 

ial-2 

-  .2  —  — 

es 

1 

"u    —    -■  '^ 

eu 

.2  —  X  ï 

-^  ci      ^  S 

.-2  9 

a  ^ 

o  -C 

1;= 

a 

t8     . 

>  ■- 

a 

S  J*  ."~ 
rt  o 

-§15 

s  T 

J  f  ■■=  '^' 

_d 

5  - 

«8 

3    - 

a 

3   ~     ^  X 

w 

*"  =  ?  5 

< 

P 

o 

c  ^  ^  s 

H 

> 
o 

a  :- 

TS 

V:'    3     -    ^ 

C  ^    S    3 

O 

o  cr 

O 

a  o 

o 

«       --^   ■**         Jï 

1-2 
"ëS 

^.2 

;o  .2 

0  .o 

1  S 
a  a 

^  «  -  ? 

X  XJ    3_  -'^^ 

tIII 

?.3 

3  li. 

3    ~ 

a  •= 

o    3 

a-= 

r-  §   î  3^ 

M  -^ 

*    Ï5 

a  '■■- 

a>    V 

••     x"   ^     -/j 

13 

.*  '-S 

o 

a  ~ 

§■  B  =  =  o~ 

:=  x  =  5  a 

r   =   -    r   ® 

93 

ce 

fi 

» 

a  « 

a^= 

o 

®  .5 

a  c 

Ci    :.    -  j:   a 

«-    e«    _    s.  _ 
Ô  "^  ".  -i    3 

.  i  O  _  2 

■^='35^ 
.=  a  •:?  i. 

32  SYSTÈMES   A    POSTERIORI 

Le  D''  Zamenhof  ne  voyait  plus  d'inconvénient  à  admettre  des 
radicaux  rimant  avec  certains  suffixes,  comme  matin,  baldakin, 
bobin,  farin,  kamin,  kortin,  kusin,  bufet,  buket,  cigaret,  cirkular, 
kubit,  planet,  platin,  ou  comnien(:ant  par  des  formes  de  préfixes 
ou  prépositions,  comme  défend  (déjà  admis),  defekt,  deboc, 
detacment,  rekolt,  relat,  repos,  reproc. 

Pour  donner  plus  d'homogénéité  à  son  vocabulaire  et  aussi 
pour  se  passer  des  lettres  proscrites,  il  expulsait  toutes  les 
racines  germaniques  ou  slaves  qu'il  avait  admises,  et  les  rem- 
plaçait par  des  racines  latines  ou  romanes  :  regret  {bedaûr), 
ukcel  (bird),  sofl  {blov),  pekt  (brusl),  grati  (dank),  gros  [dik],  dur 
(daûr),  spin  Idoni),  bib  {drink,  trink),  iïlvHjaden),tnok{fajr,hejl),  lim 
(fajl),  kut  (fel,  haut),  pisk  (fs),  digit  [fingr),  obliv  [forges),  alien 
(fremd),  gel  (frosl),  prekoc  (fru),  host  [gast),  vitr  {glas),  krin  (har), 
juv  (help),  anu  [jar),  hors  {krom),  ultim  ilast),  aprend  [lern),  mens 
(monat),  dimanu  {morgaû),  vicen  inajbar),  absolute  (nepre),  solu  {nur), 
sakrifik  (ofer),  frekvent  (o/<),dentel  (puni),  jus  [rajt),  margin  {rand), 
anel  [ring),  sembl  («y/i),  salv  (sav),  skum  [saùm),  bretel  (se/A),  invi 
(send),  nav  (iîip),  klavd  (Uos),  unt  (smir),  fun  (s^nur),  estât  (somer), 
hiver  {vintr),  ekonomi  (spor),  armari  (srank),  vis  [sraûb)',  acier  (s/aZ), 
blok  (Uip),  pietr  (s/on),  suller  (s'u),  deb  (suZd), epol  {sullr),  solel(sun), 
turgesk(.sueZ),  sudor  (Svit),  di  (tag),  âsiet  [teler) ,  cet  (uaks),  bnk  [vang), 
engag  (varb),  kalor  [varm),  evel  (ue/c),  kompon  (v^rA),  fud  {vers),  pari 
(w/),  tiemp  (ue/er),  fuet  [vip),  vokabl  (yor/),  vol  {flug  r=^  voler),  vul 
(vo/  =  vouloir),  kod  (vost  =  queue),  vuln  {vund  =  blessure). 

Môme  les  racines  romanes  étaient  souvent  remplacées  par  des 
racines  latines  ou  ramenées  à  leur  forme  étymologique  :  etad 
(ag),  akceler  {akcel),  obstetr  (aku^),  benedlk  [ben),  ram  [branô),  bok 
(bus),  cerebr  (cerb),  perikl  (danger),  deklin  {deklinaci},  konjug  (Aonju- 
gaci),  distrakt  {distr),  domink  {dimanê),  olfakt  ijlar),  solid  (forlik), 
fresk  ifres),  fulmin  (faim),  gutur  (gorg),  jov  (yo/),  delekt  (yu), 
pudor  (hon/),  Infant  (m/a/i),  judik  (juy),  okult  (/cas),  komprend,  prend 
[kompren,  pren),  kognosk  {kon),  kokv  {kuir),  lakrim  (/arm),  limit 
{lim),  nat  (nay),  niv  (ney),  pagin  {pa§),  parent  (parenc), repent  (pe/i/), 
ping  {pentr),  ponder  fpez),  ped  {pied  et  /u/),  plesir  [ple.zur),  prek 
(pmj),  renkontr  {renkont),  rubr  (ruy),  obsid  (siey),  teror  (/er«r), 
karn  {viand). 

D'autres  racines  sont  au  contraire  altérées  dans  le  sens  de 
l'évolution,  et  en  général  raccourcies,  souvent  pour  rétablir 
l'accent  étymologique  :  butr  {buter),  cifr  {cifer),  junipr  {Juniper), 


L.    ZAMENHOF    :    ESPERANTO  33 

kurv  (knrb),  muskl  {muskol),  nebl  {nebul),  okl  (okul),  orakl  (orakol), 
regl  {régal),  titl  {Ulol). 

Enfin  il  substituait  à  quelques  racines  non  romanes  des 
dérivés  ou  composés  :  pedokorn  {Imf),  sposopropon  {svat},  surkaval 
[t'ajd),  blanke  pano  [bulko)  ;  ou  inversement  il  prenait  des  racines 
romanes  pour  remplacer  des  dérivés  de  racines  non  romanes  : 
pektin  (/fom?)-i7)  ;  mulin  (miiel-il).  En  somme,  il  donnait  à  l'Espéranto 
[aspect  dune  langue  néo-latine.  Il  y  conservait  néanmoins 
certaines  formes  propres  à  la  phonétique  germanique  et  slave, 
comme  les  combinaisons  de  consonnes  sz  {sts),  kz  [kts)  et  kv; 
collo-ci  était  même  rendue  plus  fréquente  par  l'adoption  des 
relatifs  latins  commençant  par  qu  (transcrit  à  l'allemande  par 
kv). 

Voici  le  texte  du  Pater  dans  l'Espéranto  réformé  '  : 
Patro  nue,  kvu  esten  in  cielo,  sankte  estan  tue  nomo.  venan 
regito  tue,  estan  volo  tue,  kom  in  cielo,  sik  anku  sur  tero.  Pano 
nue  omnedie  donan  al  nu  hodiu  e  pardonan  al  nu  debi  nue,  kom  nu 
anku  pardonan  al  nue  debenti;  ne  kondukan  nu  in  tento,  sed  libe- 
rigan  nu  de  malbono. 

Tel  est  le  «  dialecte  »  que  le  D""  Zamenhof  proposait  aux  suf- 
frages des  abonnés  de  VEsperantisto,  en  spécifiant  bien  qu'il  ne 
désirait  pas  personnellement  la  réforme,  mais  qu'il  avait  cru 
devoir  élaborer  un  projet  de  réformes  assez  complet  et  assez 
radical  pour  satisfaire  l'ensemble  des  réformistes.  Il  priait  les 
abonnés  de  voter  en  toute  liberté  et  sincérité  pour  une  des 
4  alternatives  suivantes  : 

1*^  Conserver  la  langue  telle  quelle,  sans  aucun  changement; 

2°  Adopter  sans  changement  la  langue  réformée  proposée  par 
le  D""  Zamenhof; 

3*5  Faire  des  réformes  essentiellement  différentes  de  celles  pro- 
])osées  par  le  D'  Zamenhof; 

4°  Adopter  le  projet  du  D-"  Zamenhof  moyennant  des  modifica- 
tions de  détail. 

Le  scrutin,  fermé  le  1"  août  1894,  donna  les  résultais  suivants  : 
pour  la  i"  alternative,  144  voix;  pour  la  2",  12;  pour  la  3",  2; 
pour  la  4«,  95.  Comme  aucune  d'elles  n'avait  obtenu  la  majorité 
des  2/3  des  votants,  il   fallut,  d'après  une  règle  de  la  Ligue, 

1.  Quant  il  la  grammaire,  sinon  (|Uiuit  au  vocabulaire  (volo  scrail  rem- 
placé par  vulo). 

COUTURAT  KT  LEAU.  —  NoUVclloS  L.    I.  3 


34  SYSTÈMES   A    POSTERIORI 

recommencer  le  vote.  Le  second  scrutin,  clos  le  l''"  novembre, 
donna  les  résultats  suivants  :  pour  la  1'"''  alternative,  137  voix; 
pour  la  2",  11  ;  pour  la  3°,  3;  pour  la  4%  93.  Cette  fois,  la  décision 
était  acquise  :  l'Espéranto  devait  rester  inchangé.  En  commen- 
tant ce  résultat,  le  D''  Zamenhof  déclara  qu'une  si  petite  collec- 
tion d'hommes  ne  pouvait  prendre  une  décision  définitive  et 
pour  toujours  en  une  question  qui  intéresse  le  monde  civilisé,  ni 
interdire  qu'un  jour,  plus  tard,  on  ne  lit  des  changements  à  la 
langue  '. 

Cette  conclusion  était  d'autant  plus  sage  que,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  les  trois  quarts  des  Espérantistes  d'alors  étaient 
Slaves,  la  plupart  des  autres  des  Germains;  il  n'y  avait  encore 
que  très  peu  de  Français,  et  presque  aucun  représentant  des 
langues  anglaise  et  romanes. 

Comme  on  voit,  le-  projet  de  réformes  du  D'"  Zamenhof  avait 
eu  fort  peu  de  succès  auprès  des  réformistes  mêmes,  et  la  plu- 
part d'entre  eux  ne  l'auraient  accepté  qu'à  corrections.  Cette 
expérience  engendra  chez  l'auteur  de  V Espéranto  la  conviction 
qu'aucune  réforme  ne  pourrait  jamais  réussir,  parce  que  les 
réformistes,  d'accord  pour  critiquer  et  pour  changer,  seraient 
toujours  désunis  et  môme  opposés  entre  eux  sur  les  réformes 
positives  à  effectuer.  C'est  l'opinion  qu'il  exprimait  dans  une 
lettre  à  son  ami  Trompeter  (partisan  des  réformes)  publiée  dans 
Lingvo  internacia  en  février  1896  (l"""  année,  n"  2)  :  il  disait  que  si 
la  réforme  de  1894  n'avait  pas  réussi,  c'était,  d'une  part,  parce 
qu'il  y  a  autant  d'opinions  que  de  têtes;  d'autre  part,  parce  que 
la  Ligue  n'avait  pas  assez  d'autorité  pour  engager  les  Espéran- 
tistes futurs,  et  que  ce  sentiment  l'avait  rendue  prudente  et  con- 
servatrice. On  sait  qu'à  partir  de  ce  moment  MM.  Gr.mîowski, 
Chr.  ScHMiDT  et  De  Waiil  quittèrent  VEsperanto,  le  premier  pour 
collaborer  au  Linguist  et  élaborer  1'  «  analitic  Modem  Latin  »  ^  ;  le 
second,  qui  avait  été  l'éditeur  de  VEsperaniisto,  entra  le  4  mars  1896 
dans  la  Kadem  beviinetik  volapûka  et  convertit  le  groupe  espéran- 
tiste  (ci-devant  volapûkiste)  de  Nïirnberg  à  Vidiom  Neutral  élaboré 
par  cette  Académie  3;  nous  retrouverons  le  3"  à  propos  de  Vidiom 
Neutral.  Nous  devons  ici  mentionner  ce   fait,   que   l'Espéranto 

1.  Espnranliftto,  décembre  1894,  p.  162. 

2.  Voir  notre  Histoire,  p.  474. 

3.  Ce  groupe  existe  toujours  sous  le  titre  de  Verein  der  Wellsprache- 
freunde  {Kluh  de  amiki  de  lingu  universai). 


L.    ZAMENUOF    :    ESPERANTO  35 

ri^lormé  do  IHUi  a  inspiré  les  auteurs  de  Y Idiom  Neutral,  comme 
on  peut  s'en  convaincre  en  comparant  attentivement  les  deux 
systèmes.  A  certains  égards,  l'Ksperanto  réformé  apparaît 
comme  une  transition  entre  VEsperanto  primitif  et  Vidiom  \eulral. 
11  conserve  la  structure  lexicologiquc  de  VEsperanto,  son  système 
de  formation  dos  mots;  et  il  a  on  commun  avec  le  Neatral  la  sim- 
plicité de  lalphabol  ot  do  la  grammaire.  11  est  plus  a  posteriori 
que  l'Espéranto  classique,  notamment  par  les  particules,  qui 
jouent  un  si  grand  rôle  dans  le  discours;  mais  dans  sa  conju- 
gaison il  est  plus  a  priori  et  plus  artificiel,  car  il  adopte  des 
désinences  arbitraires  que  rien  ne  justifie.  Il  présente  ainsi  un 
mélange  déconcertant  de  qualités  et  de  défauts,  d'améliorations 
sérieuses  et  do  détériorations  graves  (par  rapport  à  l'Espéranto 
primitif)  qui  justifient  le  peu  de  succès  qu'il  a  eu  auprès  des 
Espérantistos  mémo  réformistes,  et  qui  expliquent  l'échec  du 
monvomont  réformiste  de  1894. 

11  nous  reste  à  compléter  l'historique  de  l'Espéranto  depuis  1903 
jusqu'à  ce  jour.  Il  na  cessé  de  se  propager  dans  de  nouveaux 
pays  et  do  progresser  dans  ceux  où  il  était  déjà  implanté.  Il  a 
été  notamment  propagé  aux  États-Unis  par  M.  le  P'"  Ostwald, 
pendant  le  semestre  (1903-1906)  qu'il  passa  à  l'Université  Harvard; 
auparavant,  il  y  avait  à  peine  3  groupes  espérantistos  aux  États- 
Unis;  aujourd'hui,  on  y  trouve  32  groupes,  affiliés  à  V American 
Espéranto  Association,  qui  publie  un  journal  mensuel  The  American 
Espéranto  Journal;  or,  au  31  décembre  1906,  il  n'y  en  avait  que  18. 
Cela  montre  quelle  confiance  on  doit  accorder  à  l'assertion  ten- 
dancieuse du  P""  MiJNSTERBERG,  Bccueillie  avec  empressement  et 
répétée  sans  critique  par  le  P'"  Brugmann,  à  savoir  que  le  mou- 
vement espérantiste  est  en  décadence  aux  États-Unis!  Au  total, 
il  y  avait,  au  31  décembre  1906,  482  groupes  ou  sociétés  espéran- 
tistos :  123  en  Franco,  90  en  Grande-Bretagne,  39  on  Allemagne, 
31  on  Autriche.  30  on  Suisse,  28  en  Espagne,  20  en  Russie,  18  en 
Suède,  14  en  Belgique,  15  en  Bulgarie,  9  en  Hollande,  7  en  Italie, 
6  à  Malto,  2  on  Danemark,  1  on  Hongrie  et  1  à  Monaco;  30  en 
Amérique,  7  on  Asie,  6  en  Afrique  et  3  en  Océanie  '. 

Pour  le  nombre  des  Espérantistos,  il  est  difficile  à  évaluer*. 

1.  Waprës  VEsperanlista  Societaro  publié  par  le  Centra  Oficejo;  2' édi- 
tion, arrèU'M'  au  31  (lérembre  1906. 

2.  V.  G.  Chavet  :  Où  en  sommes-nous?  1  broch.  (Paris,  Warnior,  1907.) 


36  SYSTEMES   A    POSTERIORI 

On  sait  que  le  D""  Zamenhof  publie  chaque  année  VAdresaro  de 
ceux  qui  lui  ont  envoyé  leur  adhésion  au  cours  de  l'année,  et  les 
numérote  à  la  suite.  11  y  avait  ainsi  13.103  adhérents  inscrits  au 
l^""  janvier  1906;  il  y  en  a  16.382  au  1«'  janvier  il»07,  ce  qui  donne 
3.279  nouveaux  inscrits  pour  l'année  1906,  contre  1.903  pour 
l'année  1905.  Ces  nombres  officiels  donnent  du  mouvement,  et  de 
son  accélération,  une  idée  plus  juste  et  plus  exacte  que  les  éva- 
luations vagues  et  fantaisistes  de  certains  propagandistes.  Seu- 
lement ÏAdresaro  du  D""  Zamenhof  est  forcément  inexact,  pour 
deux  raisons  qui  influent  en  sens  contraire  :  l'une  est  que  beau- 
coup d'Espéranlistes  négligent  de  s'y  faire  inscrire  (moyennant 
la  modique  somme  de  0  fr.  40);  l'autre  est  qu'on  n'y  fait  aucune 
radiation,  soit  pour  décès,  soit  pour  défection. 

Une  autre  source  de  renseignements  est  le  Tulmonda  Esperan- 
tisia  Jarlibro,  publié  par  M.  F.  dk  .Mé.ml  (Hachette,  Paris).  L'édi- 
tion de  1907  contient  les  noms  de  tous  les  Espérantistes  qui 
appartiennent  à  des  groupes  ou  sociétés,  plus  les  noms  des 
Espérantistes  non  groupés  qui  ont  envoyé  leur  adresse  au  rédac- 
teur de  cet  Annuaire.  Or  le  répertoire  alphabétique  de  tous  ces 
noms  occupe  MO  pages,  dont  chacune  contient  en  moyenne 
160  noms,  ce  qui  fait  17.600  noms.  L'édition  de  1900  en  conte- 
nait 25.000'.  Mais  on  y  trouvait  les  noms  de  beaucoup  de  per- 
sonnes qui  ont  cessé  de  faire  partie  de  VEsperanlistaro,  ou  qui  ne 
savent  pas  un  mot  d'Espéranto  ^.  D'autre  part,  elle  devait  être 
incomplète  encore;  et  l'on  ne  sait  pas  dans  quelle  mesure  ces 
deux  causes  d'erreur  pouvaient  se  balancer. 

On  essaie  de  déterminer  le  nombre  des  Espérantistes  par  des 
données  indirectes,  comme  celles-ci  :  VEsperanto  en  dix  leçons,  de 
M.  Cart,  manuel  français,  s'est  vendu  à  66.000  exemplaires;  la 
brochure  française  à  10  centimes,  à  plus  de  100.000  exemplaires; 
et  cela  pour  la  France  et  les  pays  de  langue  française  seulement. 
D'autre  part,  les  Clefs  de  Ckfec  (coûtant  5  centimes,  et  pesant 
5  grammes,  de  façon  à  pouvoir  être  insérées  dans  une  lettre)  se 
sont  vendues  à  200.000  exemplaires  (en  2  ans),  et  en  8  mois  on  a 
vendu  plus  de  300.000  exemplaires  de  la  brochure  à  10  centimes 


1.  Le  rédacteur  s'était  servi,  croyons-nous,  des  listes  des  abonnés  aux 
journaux  espérantistes. 

2.  1!  faut  savoir  que  les  groupes  espérantistes  comprennent  des  membres 
approbuleurs,  dont  l'adhésion  signifie  en  réalité  (|u'ils  approuvent  l'idée 
d'une  L.  I.  en  général,  plutôt  que  VEsperanLo. 


L.    ZAMEMIOF    :    ESPERANTO  37 

du  iiK'^mc  auteur  :  «  Tout  VEspernnlo  et  le  moyen  de  l'apprendre 
sans  le(-()ns  eu  lisant  une  petite  histoire  »;  clefs  et  broeliures 
publiées  dans  les  principales  langues  européennes.  Seulement  il 
faut  remarquer  que  les  manuels  sont  achetés  par  toutes  les  per- 
sonnes qui  désirent  a|)prendre  l'Hsperanto  et  en  entreprennent 
l'étude;  mais  combien  d'entre  elles  achèvent  cette  étude?  Et  com- 
bien l'abandonnent  à  moitié  chemin,  ou  oublient  bientôt  ce 
qu'elles  ont  appris?  Ouant  aux  brochures  de  j)ropagande,  il  ne 
faut  pas  croire  que  chaque  exemplaire  vendu  représente  un 
adepte,  ou  même  un  aspirant  adepte  :  les  adeptes  zélés  les 
achètent  par  dizaines,  par  centaines,  pour  les  répandre  en  toute 
occasion,  et  cela  d'autant  plus  qu'elles  coûtent  moins;  il  reste- 
rait à  savoir  quelle  est  la  fraction  des  graines  semées  qui  <  lève  » 
et  fructifie;  et  peut-être  n'est-elle  pas  de  beaucoup  supérieure  à 
la  fraction  des  balles  qui  portent  dans  un  tir  de  guerre.  Si  l'on 
réfléchit  que  tout  Espérantiste  vraiment  zélé  et  «  pratiquant  » 
doit  avoir  adhéré  à  un  groupe  ou  s'être  abonné  à  un  journal,  on 
estimera  que  les  données  du  Tutmonda  Jarlibro  doivent  encore 
être  les  moins  éloignées  de  la  vérité.  On  voit  ce  qu'il  faut  penser 
des  évaluations  «  en  l'air  »  qui  donnent  100.000,  200.000,  300.000, 
parfois  même  1  million  pour  le  nombre  des  Espérantistes. 

Il  se  public  29  journaux  ou  revues  espérantistes,  dont  M  entiè- 
rement en  Espéranto.  En  outre,  16  journaux  en  langues  nationales 
publient  régulièrement  de  l'Espéranto,  et  24  sociétés  (non  com- 
merciales) correspondent  en  Espéranto.  10  Congrès  ont  admis 
ou  recommandé  l'usage  de  l'Espéranto,  parmi  lesquels  le  1"""  Con- 
grès international  des  ouvriers  peintres  (Grenoble,  sept.  1904),  le 
!«'■  Congrès  international  des  Employés  (London,  avril  1906),  le  Con- 
grès international  des  Sociétés  d'action  chrétienne  [Genève,  août  1906), 
et  le  Congrès  international  de  géologie  qui  doit  se  tenir  à  Stockholm 
en  1910. 

Les  principaux  événements  de  l'histoire  de  l'Espéranto  depuis 
4  ans  ont  été  les  3  Congrès  internationaux  tenus  successive- 
ment à  Boulogne  en  1905,  à  Genève  en  1906,  à  Cambridge  en  1907. 
Le  premier  réunit  650  adeptes,  le  second  plus  de  1.000,  et  le  troi- 
sième 1400,  appartenant  à  une  trentaine  de  nations  différentes. 
On  y  constata  en  grand  ce  que  bien  des  expériences  individuelles 
avaient  déjà  prouvé  :  que  des  Espérantistes  de  nations  quel- 
conques, ayant  appris  la  langue  chacun  dans  son  pays  et  parfois 
même   seulement  par  la  lecture,  arrivent  d'emblée  à  se  com- 


38  SYSTÈMES   A   POSTERIOIU 

prendre  et  à  converser  sans  difficulté,  et  ne  présentent  que  des 
différences  de  prononciation  insignifiantes,  bien  moins  graves 
et  gênantes  que  celles  qui  existent  entre  les  diverses  provinces 
de  telle  ou  telle  nation.  L'expérience  a  ainsi  donné  un  éclatant 
démenti  aux  philologues  qui,  du  fond  de  leur  cabinet,  sans 
même  s'informer  des  «  faits  »  contemporains,  déclarent  qu'il  est 
impossible  qu'une  langue  artificielle  serve  aux  communications 
orales  et  soit  prononcée  de  la  même  manière  par  des  adeptes 
de  tous  pays.  Pour  la  première  fois,  on  vit  une  réunion  interna- 
tionale suivre,  avec  une  égale  facilité,  les  discours,  les  récita- 
tions et  les  représentations,  rire  et  applaudir  avec  ensemble  aux 
bons  endroits,  comme  si  les  orateurs,  les  acteurs  et  tous  les 
auditeurs  eussent  appartenu  à  une  seule  et  même  langue  mater- 
nelle '. 

Le  premier  Congrès,  dont  le  succès  fut  dû  en  grande  partie  au 
zèle  organisateur  de  M.  Michaux,  président  du  groupe  de  Boulogne, 
et  à  l'habile  direction  de  M.  Boirac,  qui  exerça  la  présidence 
effective,  fut  le  plus  important  par  les  décisions  qui  y  furent  prises. 
Avant  le  Congrès,  le  D""  Zamenhof  avait  proposé  de  fonder  une 
Ligue  espérantiste  universelle  pour  assurer  l'unité  d'action  et  l'unité 
de  la  langue.  Mais  ce  projet  rencontra  une  vive  opposition  dans 
la  majorité  des  congressistes,  qui  craignaient  qu'un  excès  de 
centralisation  autoritaire  ne  fût  au  contraire  funeste  à  la  langue. 
Beaucoup  voyaient  déjà  avec  déplaisir  et  avec  inquiétude  l'insti- 
tution de  la  Koleldo  oprobita;  et  le  D""  Zamenhof  déclara,  aux 
applaudissements  unanimes,  que  la  Kolekto  aprobita  cesserait 
d'exister.  Le  Congrès  renonça  donc  à  toute  organisation  inter- 
nationale, et  se  borna  à  instituer  deux  Comités,  un  Comité  d'or- 
ganisation des  futurs  Congrès,  qui  fut  le  bureau  du  premier  Con- 
grès, composé  de  MM.  Zamenhof,  Boirac,  Michaux,  Mybs,  Pollen, 
Sebert;  Boulet,  Derveaux,  Grabowski  et  Kûhnl;  et  un  Comité 
linguistique  composé  de  99  Espérantistes  de  tous  pays  et  de  toutes 
langues,  auquel  devaient  être  désormais  renvoyées  toutes  les 
questions  relatives  à  la  langue.  Ce  Comité  linguistique  (réduit 
aujourd'hui  à  94  membres)  a  pour  président  M.  Boirac,  recteur 
de  l'Université  de  Dijon. 

1.  En  particulier,  le  Mariage  forcé  de  Molière,  traduit  en  Espéranto  par 
M.  DuFEUTBEL,  fut  représenté  avec  grand  succès  par  9  acteurs  amateurs 
appartenant  à  6  nations  différentes,  et  qui  n'avaient  eu  ensemble  qu'une 
ou  deux  répétitions. 


L.    ZAMENUOF    *.    ESPERANTO  39 

Kniin  le  D""  Zamenliof  fit  voler  par  le  Congrès  une  Déclaration 
sur  l'essence  de  l'Espéranlisme  \  (lui  semblait  destinée  surtout  à 
('clairer  le  public  sur  le  caractère  et  le  but  de  la  |)ropagande 
espérantiste.  Elle  affirmait  que  VEsperanto  n'est  qu'une  langue 
auxiliaire  et  ne»ilre  qui  ne  vise  nullement  à  supplanter  les 
langues  nationales;  qu'il  n'est  la  propriété  de  personne  tant  au 
point  de  vue  matériel  qu'au  point  de  vue  moral  :  quelle  ne  dépend 
d'aucune  personne,  pas  même  du  D""  Zamenliof,  et  que  la  seule 
règle  obligatoire  pour  tout  Espérantiste  est  l'ouvrage  Funda- 
menlo  de  Espéranto  -,  où  personne  n'a  le  droit  de  l'aire  de 
changement.  Le  texte  de  cette  Déclaration  fut  modifié  sur  les  con- 
seils du  bureau  du  Congrès  :  on  supprima  un  passage  où  le 
l)""  Zamenhof  déclarait  (avec  son  désintéressement  habituel  et 
affirmé  dès  l'origine)  que,  s'il  apparaissait  un  autre  moyen  de 
i'>aliser  l'idée  de  L.  I.,  meilleur,  plus  sûr  et  plus  rapide  que 
VEsperanto,  il  s'y  rallierait,  et  avec  lui  tous  les  Espérantistes.  On 
supprima  en  outre  deux  paragraphes  dont  l'un  affirmait  l'auto- 
rité du  «  Centra  Komitato  »  (le  futur  Comité  linguistique)  en  matière 
de  langue,  et  l'autre  annonçait  la  publication  de  manuels 
approuvés  par  le  D"^ .  Zamenhof.  Enfin  le  D'  Zamenhof  avait 
d'abord  dit  qu'on  ne  pourrait  pas  faire  «  même  le  plus  petit  » 
changement  dans  le  Fundamento  ^  ;  sur  les  observations  de  certains 
membres  du  bureau,  les  mots  entre  guillemets  furent  supprimés. 
En  résumé,  cette  «  charte  »  de  VEsperanto  apparaissait  alors 
comme  essenliellemcnt  libérale,  et  comme  tendant  à  réduii-e  au 
minimum  la  part  de  l'autorité  dans  le  développement  futur  de  la 
langue,  conformément  aux  intentions  constantes  et  bien  connues 
de  son  auteur. 

A  la  suite  du  Congrès  de  Boulogne  fut  fondé,  en  septembre  190a, 
par  la  libéralité  du  D""  Emile  Javal,  le  Centra  Oficejo,  destiné  à 
servir  de  centre  d'informations  pour  les  Espérantistes  de  tous 
pays.  Cette  institution  fut  mal  interprétée  par  certains,  qui 
crurent  y  voir  un  moyen  déguisé  d'instituer,  par  initiative 
privée,  ce  lien    central  dont  le  Congrès  avait  repoussé  l'idée. 

1.  Voir  le  texte  du  projet  de  Déclaration  dan^r^  Line/vo  internacia,  11)05, 
p.  311,  et  celui  de  la  />('c/«rrt/ion  déllnilive,  iôid.,  p.  397. 

2.  Cet  ouvrnjre.  publié  nu  luoinent  du  Congrès,  est  simplement  la  réim- 
pression du  premier  mnuuel  (d(>  1887),  de  VEkzercaro  et  de  VUniversala 
Vortaro. 

3.  Il  voulait  même  y  reproduire  les  fautes  d'impression  des  éditions  ori- 
ginales ! 


40  SYSTÈMES   A  POSTERIORI 

Mais  ce  malentendu  fut  bientôt  dissipé.  Le  Centra  Oficejo  sert  en 
outre  aux  correspondances  des  deux  Comités  d'organisation  et 
linguistique.  Il  publie  périodiquement  une  Liste  des  Sociétés, 
consulats  et  journaux  espérantistes,  le  compte-rendu  officiel  des 
Congrès,  et  a  entrepris  de  publier  une  bibliographie  des  œuvres 
espérantistes. 

Dans  l'intervalle  des  deux  premiers  Congrès  parut  en  Russie 
une  brochure  anonyme  en  Espéranto,  intitulée  Homaranismo 
[Hilelismo),  où  l'Espéranto  était  présenté  comme  un  moyen  do 
fonder  une  sorte  de  religion  de  l'Humanité,  dont  on  formulait 
les  «  dogmes  ».  Bien  que  l'auteur  de  cette  brochure  déclarât  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  l'homaranisme  et  Tespérantisme,  il  invo- 
quait le  succès  du  Congrès  de  Boulogne  comme  preuve  de  la 
possibilité  du  règne  de  la  justice  et  de  la  fraternité  entre  les 
peuples.  Cela  inquiéta  bon  nombre  d'Espérantistes,  soit  qu'ils  ne 
se  souciassent  pas  d'abdiquer  leurs  croyances  religieuses  ou 
philosophiques  pour  une  religion  «  neutrement  humaine  »  {neû- 
trale  homa),  soit  qu'ils  craignissent  que  le  public  mal  informé  (ou 
induit  en  erreur  par  les  adversaires  de  l'Esperauto)  ne  confon- 
dît l'Espéranto  avec  une  secte  religieuse  ou  philosophique,  ce  qui 
lui  eût  fait  évidemment  le  plus  grand  tort.  Cet  incident  explique 
la  Déclaration  de  neutralité  que  le  Comité  d'organisation  lut,  avec 
l'approbation  du  D""  Zamenhof,  à  l'ouverture  du  second  Congrès  *. 
Pour  affirmer  la  neutralité  de  la  langue,  on  décida  que  toutes  les 
questions  religieuses,  politiques  et  sociales  seraient  rigoureuse- 
ment exclues  des  séances  publiques  du  Congrès.  Mais,  d'autre 
part,  comme  l'Espéranto  doit  appartenir  à  tous,  et  servir  à  la 
propagation  de  toutes  les  idées  et  à  l'entente  internationale  de 
leurs  adeptes,  ceux-ci  étaient  invités  à  se  réunir  en  des  séances 
spéciales  et  privées,  suivant  leurs  affinités  doctrinales. 

Du  reste,  ce  second  Congrès  fut  marqué  par  la  formation  de 
groupes  spéciaux  à  certaines  professions,  doctrines  ou  œuvres 
internationales  :  membres  de  l'enseignement,  journalistes,  com- 

1.  Celte  (iéclaration  paraît  d'autant  moins  inutile,  que  le  D'  Zamenhof, 
dans  son  discours  d'ouverture,  exprima  en  son  nom  personnel  les  m(>mes 
pensées  de  justice  et  de  fraternité  internationales,  en  déclarant  qu'elles 
constituent  1'  .  idée  interne  »  de  l'Espérantisiue  (il  les  a  encore  exprimées 
avec  insistance  dons  son  discours  d'ouverture  de  Cambridge);  on  sait 
d  ailleurs,  par  tout  ce  qu'il  a  écrit  en  prose  ou  en  vers,  que  ce  sont  ces 
nobles  et  généreuses  pensées  qui  lui  ont  inspiré  son  invention,  et  lui  ont 
donné  le  courage  de  la  mener  à  bout.  , 


L.    ZAMENHOF   :    ESPERANTO  41 

merçants,  médecins  et  pharmaciens,  officiers,  marins,  musiciens, 
catholiques,  socialistes,  francs-maçons,  antialcoolistes,  sténo- 
graphes, pacifistes,  etc.,  tinrent  des  réunions  internationales  en 
Espéranto  I.  Certaines  de  ces  réunionsaboulirent  à  des  fondations 
de  Sociétés  :  Sociélé  inlernalionale des.  juristes  espéranlisles,  président 
M.  Michaux;  Société  des  joueurs  d'échecs  espér autistes,  président 
M.  l'abbé  Peu'ier  ;  i4ssocia/to/i  scientifique  internationale,  président 
M.  le  général  Shukrt  2.  A  cette  Société  se  rattache  le  Bureau 
scientifique  international  fondé  par  M,  de  Saussure  à  Genève;  depuis 
le  1"^  janvier  1907  ce  Bureau  a  assumé  la  direction  de  Vlnternacia 
Sciencanevuo;  il  se  propose  de  propager  l'Ksperanto  dans  le  monde 
scientifique,  et  d'élaborer  les  vocabulaires  techniques  spéciaux 
aux  diverses  sciences.  En  un  mot,  cette  époque  marque  un  chan- 
gement dans  l'orientation  delà  propagande  et  dans  la  structure 
des  groupements  :  tandis  que  jusqu'alors  on  avait  formé  surtout 
des  groupes  locaux  et  des  sociétés  nationales  ou  régionales,  on 
s'est  mis  à  former  des  associations  professionnelles  et  spéciales 
comprenant  des  membres  de  toutes  nations.  Il  est  certain  que 
ce  second  mode  de  groupement  est  celui  qui  manifeste  le  mieux 
l'utilité  d'une  L.  1.  et  lui  fournit  son  véritable  domaine  d'appli- 
cation pratique. 

Dans  le  domaine  de  la  propagande,  le  Congrès  de  Genève  a 
pris  une  importante  résolution  (sur  la  proposition  du  Comité 
d'organisation),  en  décidant  de  fonder,  dans  toutes  les  villes  où 
se  trouvent  des  Espérantistes,  groupés  ou  non,  un  Consulat  espé- 
rantiste,  c'cst-à-dii'e  un  bureau  d'informations,  de  correspondance 
et  de  traduction  pour  tous  les  Espérantistes  qui  auraient  afTaire 
dans  la  ville  pour  un  motif  quelconque. 

Au  Congrès  de  Genève,  le  Lingva  Komitato  rendit  compte  de  ses 
premiers  travaux.  La  première  question  qui  lui  ait  été  soumise 

1.  Depuis  1003,  M.  l'iibbc  Peltier  publie  YEspero  /ca/o/?A'«,  journal  mensuel  ; 
depuis  HI04,  M.  Cakt  pul)li<'  VEsperanta  Ligilo,  jduinal  mensuel  imprimé 
en  -  Bniille  -  |)(iur  les  aveugles.  F>n  janvier  1904  M.  le  pasleur  Schneeberger 
a  fondé  la  société  stpnoijraphique  internationale;  en  novembre  1004, 
M.  Paul  UoDET  a  \\nu\i)  le  Groupe  médical  espërantisle  de  France  (prési- 
dent. M.  le  prof,  lîoucliard),  qui  a  publié  un  Aiiulomia  Vorlaro  en  latin, 
français,  anglais  et  Ksperanlo  (Paris,  Haclietle,  1900).  En  avril  1005, 
M.  Gaston  Mo»;h  a  fondé  le  l^acifislo,  société  des  pacifistes  espéranlisles, 
dont  rorgane  mensuel  est  \  Ëspero  pacifisla.  Déjà  au  l"'  Congrès  avaient  eu 
lieu  des  réunions  spéciales  de  journalistes,  de  médecins,  de  catliuliqucs,  de 
francs-maçons  et  de  pacillstes. 

2.  Elle  compte  déjà  600  membres  {Int.  Scienca  Revuo,  n"  d'août  1907). 


42  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

est  celle  de  la  suppression  des  lettres  accentuées,  pour  la  télé- 
graphie. Le  D'"  Javal  avait  été  chargé  de  lenquéte  et  du  rapport 
sur  cette  question;  il  avait  élaboré  un  premier  projet,  qui  avait 
été  soumis  aux  membres  du  Comité  linguistique;  mais  comme 
toutes  les  réponses  n'étaient  pas  encore  reçues,  il  demanda  un 
nouveau  délai.  La  mort  du  D""  Javal  a  interrompu  ses  travaux 
sur  cette  question,  et  rien  n'en  a  été  publié  *.  Qu'il  nous  suffise  de 
dire  qu'il  avait  trouvé  un  moyen  de  supprimer  les  lettres  accen- 
tuées par  une  simple  réforme  orthographique  de  la  langue,  et 
que  cette  réforme  devait,  dans  sa  pensée,  s'appliquer  non  seule- 
ment aux  télégrammes,  mais  à  l'impression  de  textes  Espéranto 
dans  les  journaux  et  revues  de  tous  les  pays  et  dans  toutes  les 
imprimeries  du  monde,  de  manière  à  supprimer  le  ])rincipal 
obstacle  que  rencontre  la  propagande  de  l'Espéranto. 

La  seconde  question  traitée  fut  la  correction  de  certaines  tra- 
ductions inexactes  ou  contradictoires  de  VUniversala  Vorlaro.  On 
sait  que  dans  cet  ouvrage  chaque  racine  Espéranto  est  traduite 
en  F.  E.  D.  R.  et  Pol.  ;  or  il  arrive  que  les  traductions  d'une 
même  racine  ne  se  correspondent  pas.  Il  fallait  évidemment  les 
rectifier,  et  c'était  là  un  des  *  changements  »  reconnus  nécessaires 
dans  le  Fundamento  proclamé  d'ailleurs  intangible.  Le  Liiujva 
Komitalo  reçut  29  rapports  sur  cette  question;  elle  fut  renvoyée 
à  une  commission  spéciale,  et  son  rapporteur,  M.  C.art,  a  pro- 
posé certaines  corrections  aux  traductions  françaises  d'une 
trentaine  de  mots;  on  fera  le  même  travail  pour  les  traductions 
des  autres  langues. 

Après  ce  travail,  le  Lingva  KqmUalo  entreprendra,  sur  la 
demande  de  nombreux  adeptes,  de  cataloguer  et  de  contrôler  les 
racines  nouvelles  introduites  dans  les  divers  dictionnaires  natio- 
naux, afin  d'assurer  l'unité  du  vocabulaire  et  l'identité  de  sens 
des  racines  nouvelles.  A  ce  sujet,  le  Congrès  de  Genève  a  for- 
mellement exprimé  le  vœu  que  le  Lingva  Komitato  publie  des 
suppléments  à  VUniversala  Vortaro. 

Une  autre  question  est  à  l'ordre  du  jour,  et  a  fait  l'objet  d'un 
rapport  très  étudié  de  M.  Gaston  Moch  :  c'est  la  transcription 
des  noms  propres  et  des  noms  géographiques.  Au  Congrès  de 
Cambridge,  le  Lingva  Komitato  a  institué  plusieurs  sous-comités 
chargés  d'étudier  respectivement  les  traductions  de  VUniversala 

1.  Nous  en  rendons  compte  clans  notre  Rapport  au  Comité. 


L.    ZAMENUOK    :    ESPERANTO  43 

Vorlaro;  les  nouvelles  racines  à  introduire;  les  racines  employées 
parle  D""  Zamenhof  en  dehors  de  ÏUniv.  Vortaro:  la  transcription 
des  noms  propres;  enfin  les  diverses  propositions  de  change- 
ments ou  additions. 

Le  Lingva  Komitato  se  récuse  pour  l'élaboration  des  vocabu- 
laires techniques,  et  se  réserve  seulement  de  les  contnMer  pour 
assurer  leur  accord  international.  11  fait  appel  à  l'initiative 
privée  pour  leur  élaboration,  et  cette  initiative  n'a  pas  fait 
défaut.  Nous  avons  déjà  mentionné  ÏAnalomia  Vortaro; 
M.  Ch.  Verax  a  publié  successivement  un  Vocabulaire  photogra- 
phique français-espéranto  (Paris,  Mendel,  1907)  et  un  Vocabulaire 
technique  et  technologique  français-espéranto  (Paris,  Hachette,  1907)  '  ; 
M.  RoLLET  DE  l'Ile,  ingénieur  de  la  marine,  a  entrepris  avec 
quelques  collègues  un  vocabulaire  technique  de  la  marine;  etc. 
D'ailleurs,  on  commence  à  publier  (en  dehors  de  Vint.  Scienca 
Revuo)  des  ouvrages  scientifiques  en  Espéranto  :  M.  Bkicard  a 
publié  un  Matemalika  Terminaro  kaj  Kreslomalio  (Paris,  Hachette, 
1905),  puis  la  traduction  de  la  Koniinuo  de  M.  Huxtington  (Paris, 
Gauthier-Villars,  1907). 

Le  Lingva  Komitato  a  reçu  une  foule  de  demandes  ou  de  propo- 
sitions relatives  à  des  changements,  réformes  ou  corrections  à 
apporter  à  la  langue,  auxquelles  il  se  déclare  incapable  de 
répondre.  Au  surplus,  il  reconnaît  que  «  presque  toutes  sont 
contraires  au  Fandamento  »,  et  en  conclut  qu'elles  ne  doivent  pas 
être  prises  en  considération.  Du  reste,  depuis  le  Congrès  de 
Boulogne,  le  Fundamento  est  considéré  comme  une  barrière  à 
opposer,  non  seulement  à  toute  réforme,  mais  à  toute  innova- 
tion. On  interprète  la  Déclaration  de  Boulogne  comme  l'affirma- 
tion de  l'intangibilité  perpétuelle  de  la  langue;  les  rédacteurs 
de  journaux  espérantistes  ont,  par  une  Déclaration  spéciale  '-, 
promis  d'observer  cette  intangibilité  et  de  la  faire  observer  par 
leurs  collaborateurs,  et  ils  s'eflorcent  d'imposer  la  même  pro- 
messe à  leurs  nouveaux  confrères.  11  en-résulte  que  toute  dis- 
cussion théorique,  toute  critique  même  amicale  est  sévèrement 
bannie  des  revues  espérantistes,  et  qu'à   toute  objection  on 

1.  En  outre,  une  Eletnenla  FoLografa  Optiko  (Paris,  Presa  Esperantista 
Socielo,  lUOO). 

2.  A  Boulogne,  9  août  1905  (voir  le  texte  dans  Lingvo  internacia,  1905, 
p.  540-1).  On  s'engage  notamment  à  «  éviter  tous  actes  et  discussions  qui 
tendraient  à  changer  d'une  manière  quelconque  la  langue  de  Zamenhof  •. 


44  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

répond  par  un  Magister  dixit  :  t  Gela  est  (ou  n'est  pas)  dans  le 
Fundamento  '.  »  La  Déclaration  de  Boulogne  est  présentée  comme 
un  «  contrat  »  entre  le  D""  Zamenhof  et  ses  adeptes,  et  le  Fun- 
damento est  considéré  comme  un  «  livre  saint  »,  comme  le  t  pal- 
ladium »  de  l'Espéranto  ^. 

1.  Exemple  :  La  Belga  Sonorilo  ayant  critiqué  l'emploi  de  l'adverbe  au 
lieu  de  l'adjectif,  dans  les  i)hrases  comme  :  «  estas  necese  faritinn  »,  on 
lui  répond  :  «  Ni  ne  citos  liajn  argumentojn,  car  la  krilikita  foiino  estas 
en  la  Fundamento  »  (souligné  dans  l'oripinal).  Linr/vo  inlernacia,  1907, 
p.  222. 

2.  Lingvo  inlernacia,  1907,  p.  222  (mai),  p.  289-91  (juillet). 


J.    BRAAKMAN    :    MUNDOLINCO^ 

La  brochure  où  ce  projet  est  exposé  a  pour  épigraphe  cette 
phrase  de  J.-J.  Rousseau  :  «  Toutes  nos  langues  sont  des  ouvrages 
de  l'art  ». 

L'alphabet  du  MandoUnco  est  l'alphabet  latin,  moins  k,  q,  x,  y,  z. 
Le  c  a  le  son  k.  L'accent  est  toujours  sur  l'avant-dernière  syllabe 
du  mot.  L'article  défini  est  el,  l'article  indéfini  est  un. 

Les  substantifs  masculins  ou  neutres  se  terminent  en  o  au  singu- 
lier, on  i  au  pluriel  :  padro,  padri.  Les  substantifs  féminins  se 
terminent  en  a  au  singulier,  en  u  au  pluriel  :  padra  [mère],  padru. 

Les  adjectifs  dérivent  des  substantifs  au  moyen  du  suffixe  ne  : 
nasione,  glorione,  ou  p"ar  le  simple  changement  de  la  finale  o  en  e  : 
laboro,  labore. 

Les  degrés  se  forment  par  des  suffixes  :  iom  (comparatif), 
osime  (superlatif)  :  bone,  boniom,  bonosime. 

Les  noms  de  nombre  sont  :  un,  du,  très,  cvarto,  cvinto.  siso, 
septo,  octo,  nono,  desem;  desem  et  un...  dudesem...  sento,... 
millo,...  milliono. 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  par  le  suffixe  sime  :  unsime, 
dusime... 

Les  pronoms  personnels  sont  :  au  sing.,  mi,  tu,  il;  au  plur.,  mis, 
tus,  ils.  Le  réfiéchi  est  se. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  mione,  tuone,ilone;  misone,  tusone, 
ilsone;  seone. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  ho,  celui-ci;  inho,  celui-là;  altro, 
taie,  misme,  etc. 

Le  pronom  relatif  est  :  ci  =  qiu'.  Les  interrogatifs  sont  :  cihomo, 
cibestio  (pour  les  animaux),  ciresso  (pour  les  choses). 

\.  [N'eilerlaiidsehc  Spraakkunst]  :  Der  wereldlaal  v.  El  Mundolinco  •  door 
J.  Braakman  :  Gramatico  del  Mundolinco  pro  li  de  Hollando  f adore. 
Dusime  edisio,  Noordwijk.  J.C.  van  Dillen,  1894  (1  brochure  de  4 -f- 22  pajres 
in  12"). 


46  SYSTEMES   A    POSTERIORI 

Les  pronoms  indéfinis  sont  :  unhomo,  nonhomo  ;  resso  =  quelque 
chose,  nonresso  =  rien  ;  multi  ;  inmulti  =  peu  ;  non  =  aucun. 


Les  verbes  se  terminent  par  s  à  Tactif,  pa 


Présent  :  mi  parles       =^je  parle. 

i'al  parlé. 

'^avais  parlé. 
Futur:  mi  parlas       =  je  parlerai. 

Futur  antérieur  :    mi  parlus      :=  j'aurai  parlé. 


Passé  :  mi  parles       =  j 

Plus-que-parfait  :  mi  parlis 


r  au  passif. 


Le  subjonctif  se  forme  par  l'infixc  en  :  parlenos.  Le  condi- 
tionnel, par  linfixe  eb  :  parlebos.  L'impératif,  par  le  suffixe 
ende  :  parlende;  le  participe,  par  le  suffixe  endos  :  parlendos. 
L'infinitif  est  semblable  au  présent  :  mis  volos  ludos^^  nous  vou- 
lons jouer. 

Les  temps  du  passif  ne  diffèrent  de  ceux  de  l'actif  que  par  le 
changement  de  s  final  en  r.  Le  verbe  aimer  ayant  pour  radical 
ament,  aimé  =  amentoro.  Oui :=  si,  /ion  =  non. 

L'auteur  définit  quelques  préfixes:  con,  de,  es,  in  (marque  le 
contraire),  inter,  pro,  re,  arsi  {archi-)  ;  et  quelques  suffixes  :  asio 
(action),  ado  (résultat),  ario  (lieu),  isto  (personne)  :  amentisto  = 
amant. 

Comme  il  n'y  a  pas  de  déclinaison,  le  sujet  se  distingue  du 
régime  par  la  place  :  mi  cihomo  intelligos  ?  =  qui  comprendsje  ?  — 
cihomo  mi  intelligos?  =  qui  me  comprend"}  Et  l'auteur  ajoute:  El 
pladasion  del  verbi,  mi  ci  (sic  !)  his  proscribos,  essos  mese  fasile 
diseros  =  Le  placement  des  mots  que  je  prescris  ici  est  très  facile  à 
apprendre  (remarquer  que  mi  sujet  précède  ci  régime).  Voici  au 
surplus  un  Parve  provasio  de  corespondos  en  el  Mundolinco  : 

Digne  Amiso  !  Hodie  mi  factos  conesso  con  el  nove  universe  linco 
del  sinjoro  Braakman.  Mi  perstudies  ho  linco  presimente  en  cvinto 
hori!  Con  el  firmate  persuadasio,  ce  ho  linco  essos  el  fasilosime  del 
mundo,  mi  recomendos  ho  en  mesesime  al  perstudasio.  Con  el  mul- 
tosime  honorasio,  Tuone  C. 


IDIOM  NEUTRAL 

A  la  suite  de  la  publication  de  notre  Histoire  de  la  Langue  uni- 
verselle^, M.  RosENBERGER,  ayant  trouvé  justifiées  quelques-unes 
des  critiques  que  nous  y  avions  adressées  à  Vidiom  neutral,  pro- 
posa à  VAkademi  les  modifications  suivantes  ■^  : 

1°  Donner  pour  finale  à  lindicatif  présent  un  e  atone. 

2°  Admettre  un  accusatif  facultatif  formé  par  la  désinence  -n 
(après  une  voyelle)  ou  -en  (après  une  consonne). 

3"  Admettre  un  pluriel  facultatif  pour  les  adjectifs,  quand  un 
même  adjectif  se  rapporte  à  plusieurs  substantifs,  et  le  former  au 
moyen  de  la  désinence  -i  (comme  dans  les  substantifs).  Ex.  :  tabl 
e  stul  grandi. 

4"  Donner  au  pi'éfixe  ne-  le  sens  de  contraire  :  neamik  = 
ennemi;  et  au  préfixe  no-  (négation)  le  sens  de  contradictoire  : 
no  ko  s  =  rien  ^ . 

1.  MM.  RosEXBERGEK  l't  HoLMEs  ayant  signalé  quelques  détails  inexacts 
dans  notre  analyse,  nous  les  avons  eorrigés  dans  le  second  tirage  de  notre 
Histoire  (11)07).  En  voici  la  liste  :  kelkkos  est  un  mot  composé;  kuande  est 
un  mot  primitif;  le  conditionnel  n'est  pas  nécessairement  employé  après  if 
(si);  remerciment  se  dit  mersiad,  et  non  mersi  (mais  une  décision  ulté- 
rieure de  VAkademi  a  ado|)té  mersi  au  lieu  de  mersiad  :  cire.  n°  80,  20  nov. 
1906);  enfin  la  série  citée  p.  oOi  est  :  viola  =  viole,  violar  :=  violer,  Tiolet 
=  violette:  et  violon  =  violin.  Nous  avons  corrigé  quelques  fautes  d'impres- 
sion :  nostr  au  lieu  de  notr  (p.  4S9),  yuste  au  lieu  de  yust  (p.  492),  debti 
au  lieu  de  debiti  (p.  496).  M.  Rosenberger  fait  remarquer  en  outre  que  le 
sufllxe  abl  a  les  deux  sens  :  qui  peut  iHre  et  qui  est  digne  d'être,  mais  <|ue 
le  sens  qui  doit  être  est  exprimé  par  le  suffixe  spécial  and  ;  que  les  sub- 
stantifs ciu'respondant  aux  mots  français  don,  fuite,  révolte,  promesse,  arrêt 
ne  sont  pas  f(U'més  au  moyen  du  suffixe  asion  :  don,  fug,  revolt,  promet, 
arest;  et  que  les  deux  sens  du  préfixe  re  i)euvent  être  distingués,  au 
besoin,  par  les  deux  mots  retro  {en  arrière)  et  denove  (de  nouveau)  :  retro- 
mitar,  mitar  denove. 

2.  Circulaire  n"  75  (29  févr.  1904). 

3.  C'est  par  erreur  que  les  deux  mots  «  contraire,  contradictoire  »  avaient 
été  intervertis  dans  les  Résolutions  de  VAkademi  et  dans  le  manuel  de 
M.  Rosenberger. 


48  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

S"  Employer  le  suffixe  -eria  pour  désigner  le  lieu  '  :  taneria  = 
tannerie. 

VAkademi  approuva  la  Z°  et  la  4"  propositions,  et  rejeta  les 
3  autres-.  En  outre,  sur  la  proposition  de  M.  Rosenberger,  elle 
adopta  insendian  pour  pompier  (au  lieu  d'insendier). 

Voici  en  outre  les  principales  e  résolutions  »  prises  par  VAka- 
demi depuis  cette  époque.  Sur  la  proposition  de  M.  Frost^  on 
a  décidé  que  le  suffixe  -ator,  avec  un  radical  verbal,  indiquera 
une  chose  qui  agit  :  akumulator,  flagreskator  (alhimelle),  movator 
[moleiir],  teksator  métier  à  lisser),  tornator  [tour].  Le  suffixe  -er,  au 
contraire,  indique  une  personne  ou  un  animait  qui  a  quelque  rela- 
tion avec  la  racine  »,  et  que  le  suffixe  ist  ne  serait  pas  propre  à 
désigner:  aksioner  (actionnaire),  penser  {penseur),  tekser  (lisserand), 
torner  [lournear)  ^. 

Sur  la  proposition  de  MM.  RosENUERGERet  Bu.nto  van  Bvlevei.t, 
qui  reconnaissaient  rincommodité  du  suffixe  eri  et  de  la  finale 
radicale  i  (dans  astronomi,  filosofi,  geometri,  etc.  ,  on  décida 
que  le  suffixe  -ia  (jusqu'alors  réservé  aux  noms  de  |)ays)  servirait 
à  former  des  noms  de  sciences,  d'arts  ou  de  formes  politiques, 
avec  des  radicaux  désignant  des  personnes  ou  des  instruments 
et  finissant  par  -fon,  -graf,  -krat,  -log,  -mant.  -metr,  nom.  pat.  -sof, 
-teg,  -tom,  -urg.  Ex.  :  telefon-ia,  stenograf  ia,  demokrat  ia,  teolo- 
g-ia,  nekromant-ia,  geometr  ia,  astronom-ia,  homeopat  ia.  filosof-ia, 
strateg-ia,  anatom-ia,  metalurg-ia  •. 

La  circulaire  n»  87  29  déc.  1900)  contient  la  i)roi)osilion  sui- 
vante de  M.  Rosenberger  :  Le  suffixe  -ist  forme  des  adjectifs  cor- 
respondant aux  substantifs  ayant  le  suffixe  -ism.  Ex.  feminism, 
-ist ;  altruism,  -ist;  absolutism,-ist  ;  kalvinism,  -ist. 

1.  Au  lieu  (Je  -eri,  qui  avait  la  forme  d'un  pluriel. 

2.  Circulaire  n"  77  (30  nov.  1004),  Rés.  143-149. 

3.  Qui  avait  remarqué  qu'on  employait  à  la  fois  er  et  ator  pour  les  per- 
sonnes pratiquant  un  métier,  et  ces  deux  suffixes  indifféremment  pour  les 
personnes  et  pour  les  choses  (voir  Rés.  54  et  138). 

4.  Circulaire  n"  81  (31  oct.  1903),  Rés.  1.30,  131.  La  Rés.  132  décide  qu'on 
pourra  appliquer  tout  de  suite  les  Rés.  150  et  151  (et  non  iiprès  le  délai  de 
cinq  ans  prévu  par  le  règlement  de  VALademi).  Cette  résolution  a  pourelfet 
de  supprimer  certains  «  mots  Mackcnséniques  »  (doublets  internationaux  de 
dérivés  réguliers);  ex.  :  protekter  (proleklator,  prote/dor)  ;  redakter  (redak- 
lator,  redaktnr);  redimer  {redbnalor,  redemplor);  inventer  ùnveniator, 
inventov).  Mais  parfois  on  sacrifie  ainsi  l'internationalité  :  gladier  (gladiator), 
orer  (orator).  spekter  {spektator),  usurper  {usurpaior). 

0  Circulaire  n"  80  (20  nov.  1906),  Rés.  153.  Les  adjectifs  correspondants 
se  fc.rment  par-ik  substitué  à  -ia,  ce  qui  évite  la  rencontre  de  deux  i:  ana- 
tomia,  anatomik;  filosofia,  filosofik. 


IDIOM    NEL'TRAL  49 

Kn  dehors  de  ces  résolutions  d'ordre  général,  VAkademi  a  coii- 
linué  à  adoplei-  des  radicaux  ot  des  d»'rivrs  nouveaux  pour  com- 
pléter son  vocal)ulairc,  quckiues-uns  pour  corriger  ou  remplacer 
des  radicaux  ou  dérivés  anciens'.  Elle  s'est  surtout  occupée  des 
noms  propres,  soit  dos  noms  de  personnes,  soit  des  noms  géo- 
graphiques-. Pour  les  noms  de  personnes,  historiques  et  mytho- 
logiques, elle  s'efforce  de  les  transcrire  phonétiquement  dans 
l'alphahet  du  .\enlrnl,  qui  est  l'nlphaljot  latin:  Akil  (Achille^,  Apel 
(Apelles),  Baldr  (?),  Brut-o  {Bnilus),  Horas  i Horace),  Koredjio  Xlorrhje), 
Kromvel,  Ksenofon,  Loke,  Lukul  (Lacullus],  Maté  [Mathieu),  Perikl 
(PéricUh),  Shekspir,  Terens,  Tor  (?),  Ulis,  Vito  (?),  etc.  ^ 

Le  même  système  de  ti'anscriplion  phonétique  (?)  est  appliqué 
aux  noms  de  villes,  de  fleuves,  etc.  :  Avinion.  Buloni  (Boulogne), 
Diuseldorf,  Jerse.  Kalé  (Calais),  Kane  (Cannes),  Keln  (Kôln,  Cologne), 
Miunik  (Miinchen  ,  Neo-York,  Sena  (Seine),  Tsiurig  {Zurich). 

Vtnw  les  noms  géographiques,  VAkademi  a  posé  en  principe 
qnOn  doit  toujours  distinguer  entre  german  et  germanian,  rus  et 
rusian,  c'est-à-dire  entre  celui  qui  appartient  à  une  nation  ou  à 
uiu^  race,  et  celui  qui  habite  le  pays  correspondant.  Ex.  :  «  Rusiani 
mult  no  aparten  a  nasionrus.  »  Par  suite,  on  a  adopté  une  série 
i\r  noms  de  pays  du  ty[)C  suivant  : 

Egipt  {Egyptien),  Egiptia  [Egypte),  egiptian  {habitant  de  l'Egypte). 
Dans  ce  système,  koré,  yapon,  portugal,  etc..  désignent  des  indi- 
vidus, tout  comme  grek,  mongol,  morav,  normand,  pers,  rus,  etc.  ^ 
Mais  ce  système  n'est  pas  toujours  appliqué,  ni  applicable  : 
d'abord  il  y  a  beaucoup  de  noms  de  pays  en  ia  qui  sont  primitifs 
(ne  dérivent  pas  d'un  nom  de  peuple)  :  Fokia,  Hesia,  Libia.  Sardi- 
nia,  Shampania  [Cliampagne) ,  Siberia,  Silesia,  Siria,  Tasmania  ; 
ensuite,  il  y  en  a  beaucoup  d'autres  qui  n'ont  même  pas  hi  df'si- 
nence  ia,  et  qui  par  suite  sont  forcément  primitifs:  Anhalt,  Bra- 
bant,  Brunsvig,  Epir,  Galilé,  Guiné,  Kokinkin.  Kostarlka,  Monako, 

1.  On  les  trouve  réunis  dans  Supplément  zum  Wôrlerbuch  der  Seul  rai- 
spracbe,  par  W.  Rosenberger  (Leipzig,  Haberiancl,  janv.  1900). 

2.  Elle  ne  s'en  est  ])as  tenue  au.\  réfries  posées  dans  la  (Hnmat  nomik 
(Grammaire  normale  <lu  Volapiik)  (juVlle  avait  pul)liée  en  1802  :  conserver 
t'orttiojriaphe  des  noms  propres  de  personnes  et  de  villes;  désifrner  les 
neuves  par  le  nom  (ju'ils  portent  à  leur  embouchure,  et  ne  «  traduire  •  dans 
lu  L.  I.  (|ue  les  noms  de  pays,  et  non  les  autres  noms  géogruphiques  (même 
de  provinces). 

3.  Circulaire  n°  88  (30  nuirs  1007) 

4.  On  a  admis  comnu'  radicaii.x  cines  (diinois),  siames  (-iatnois),  qui 
contiennent  en  réalité  le  sufllxe  -es  synonyme  de  an  (v.  circulaires  70  et  78). 

COUTUHAT    ET    LkAC.    —    NoiIVOlU'S    Ij.    I.  4 


30  SYSTÈMES   A    POSTERIORI 

Panama,  Peru,  Piémont,  Portorik,  Sahara,  S.  Salvador,  Sudan,  Tibet, 
Venesuela,  Yudé.  Pour  ces  derniers,  on  forme  le  nom  de  peuple 
(ou  d  habitant)  au  moyen  du  suffixe  an,  en  supprimant  au  besoin 
l'a  final  du  radical.  11  y  a  môme  un  cas  où  le  radical  d'un  nom 
de  pays  en  -ia  désigne,  non  un  individu,  mais  une  ville  :  Baden, 
Badenia  (grand-duché  de  Bade),  Badenian. 

Pour  les  noms  de  pays  qui  contiennent  land  et  qui  se  terminent 
en  landia,  on  emploie  le  suffixe  -er  pour  désigner  la  nation  ou 
race  :  Irlandia,  Irlander  =  Irlandais,  Irlandian  =  habitant  de  l'Ir- 
lande. Pour  ces  mêmes  noms,  l'adjectif  se  forme  régulièrement 
au  moyen  du  suffixe  ik:  Irlandik  =  d'Irlande.  Cette  catégorie 
comprend  en  outre.  Finlandia,  Grenlandia,  Nederlandia.  Enfin  les 
Étals-Unis  se  disent  Uniedstat. 

M.  RosENBERGER  publie  depuis  janvier  1906  une  petite  revue 
bimensuelle  :  Progrès,  Revin  internasional  pro  omni  interesi  de  Idiom 
Neutral,  Organ  de  «  Grup  Neutralparlant  »  in  S.  Petersburg. 
Nous  y  relèverons  seulement  les  articles  d'ordre  linguistique. 
Les  Neutralistes  n'ont  pas  été  sans  s'apercevoir  que  leur  alphabet 
un  peu  restreint  les  oblige  à  altérer  assez  gravement  l'aspect  d»-: 
certains  mots  internationaux',  notamment  en  remplaçant  c  et  ; 
par  s.  C'est  ce  qu'ont  fait  remarquer  M.  Bonto  van  Bvlevelt 
(membre  de  ÏAkademi)  et  M.  Molenaar  (auteur  de  VUniversal)'^. 
Pour  satisfaire  ces  critiques  et  obtenir  une  orthographe  plus 
internationale,  M.  Mackensen  proposa  de  réintégrer  la  lettre  c 
devant  les  voyelles  e,  i  (avec  le  son  tch)  :  cen,  cent,  centr,  cerf, 
cert.  césar,  ciel,  cin  (ou  cigm,  cir,  cirkl,  decembr,  recivar,  social, 
spécial  '. 

Cette  proposition  suggéra  à  M.  Rosenberger  un  projet  de 
réforme  plus  général  et  plus  complet,  par  lequel  il  espérait 
«  rapprocher  beaucoup  Vorthographe  du  Neutral  de  celle  de  la  majorité 
des  7  langues  principales  (E.,  P.,  D.,  S.,  I.,  R.,  L.)  sans  abandonner 
l'écriture  phonétique  suivant  des  règles  fixes  ^  ». 

1.  Cf.  notre  Histoire,  p.  498. 

2.  M.  Molenaar  écrit  par  exemple  :  zensur,  zent,  zeris,  zidr,  zign,  zep, 
zedr,  zerv  (avec  z  =  ts),  au  lieu  de  sensur,  sent,  seris,  sidr,  sign,  sep, 
sedr,  serv. 

3.  Cette  question  (conciliation  du  graphisme  et  du  phonétisme)  avait  été 
discutée  dans  les  circulaires  n°'  16,  19,  39,  44  et  45.  UAkade7ni  subordonnait 
en  principe  le  graphisme  au  phonétisme  (v.  cire,  n"  75,  p.  3j. 

4.  Progrès,  n"  5  (sept.  1906). 


IDIOM    NEUTHAL  Rt 

Ce  projet  consistait  dans  les  propositions  suivantes  : 

I"  Remplacer  k  par  c  (prononcé  A)  devant  a.  o,  u  cf  devant 
une  consonne  :  alcali,  balcon,  acusar.  curs;  clar,  climat,  crédit, 
crom. 

2"  Remplacer  k  par  q  devant  Tu  bref  (u  consonne)  :  que.  quai, 
quande,  quink,  aqua.  fréquent,  sequar,  tranquil. 

:\"  Remplacer  ks  par  x  :  exist.  exempt,  text. 

4*^  Restaurer  le  c  de  l'orlograplie  internatif)nale,  ef  le  pro- 
noncer tch  devant  e,  i  :  cek,  celebr,  cent,  ceris,  cign,  cirk,  accent, 
ascendar,  sceptr,  excelent. 

l)"  Donner  à  g  le  son  dj  devant  e,  i  :  agio,  ingénier,  logi,  giurn; 

(W  Restaurer  la  lettre  z  avec  la  prononciation  c  franc.)  dans 
les  mots  internationaux  où  elle  existe  :  amazon,  azot,  zefir,  zink. 

En  résumé,  le  son  k  s'écrirait  désormais  de  quatre  manières  : 
k,  c,  q,  x;  le  son  tsh  de  deux  manières  :  c  et  tsh;  le  son  dj  de 
deux  manières  :  g  et  dj.  Inversement,  la  lettre  c  aurait  deux 
sons  :  A-  et  tsh:  et  la  lettre  g  aussi  :  g  et  dj.  L'orthographe  serait 
moins  phonétique,  mais  beaucoup  plus  internationale.  M.  Rosen- 
berger  regrette  toutefois  le  son  chuintant  assigné  à  c  devant  e,  i, 
ce  qui  est  un  cas  très  fréquent,  et  qui  n'est  justifié  que  par  une 
seule  langue  l'italien).  Ce  projet  modifierait  l'orthographe  de 
700  radicaux,  soit  environ  12  p.  100. 

En  même  temps,  M.  Rosenberger  proposait  de  remplacer  cer- 
tains mots  trop  artificiels  ou  trop  longs  par  d'autres  plus  natu- 
rels et  plus  courts  : 


ist-kos 

par 

ci 

siloke      par 

hi 

elkos 

— 

te 

sitempe    — 

nu 

kelkos 

— 

ke 

keloke      — 

quo 

nokos 

— 

nil 

tetempe  — 

tande 

noun 

— 

nul 

kekause   — 

per  ke 

kos 

— 

shos 

tekause   — 

per  te 

Il  proposait  en  outre  le  mot  plusior  {plusieurs),  et  des  doublets 
facultatifs  pour  quelques  noms  de  peuples  (à  l'exemple  de 
M.  Molenaar  :  angles  (angl),  espaniol  (espan),  frances  (frans),  ita- 
lien (ital),  portughes   portugal  . 

Mais  ce  projet  de  réforme  ne  parut  pas  encore  suffisant  à 
M.  Edgar  de  Wahl,  de  Reval,  ancien  volapiikiste,  ancien  espé- 

1.  On  a  déjà  kuande  =  quand  (il  sVcrirail  :  quande). 


52  SYSTEMES   A    l'OSTERTORI 

rantiste  >,  et  ancien  collaborateur  du  Linguisf^.  Il  trouvait  que  la 
L.  I.  doit  être  encore  «  plus  naturelle  »,  plus  rapi)rochée  des 
langues  vivantes,  c'est-à-dire  des  langues  romanes,  dont  il  avait 
étudié  la  grammaire  comparée.  Il  avait  élaboré  un  projet  de 
langue  que  M.  Rosenberger  publia  dans  le  n'^  6  de  Progrès.  En 
voici  le  résumé. 

L'alphabet  se  compose  des  25  lettres  de  l'alphabet  romain,  y 
compris  y,  qui  compte  à  la  fois  comme  voyelle  (h  français)  et 
comme  consonne  (j  allemand)  ^.  Il  y  a  en  outre  deux  digrammes  : 
ch  {tch)  et  eu  {eu  F.,  o  D),  et  une  diphtongue  :  au  (au  D.):  c  se 
prononce  A-,  sauf  devant  e,  i,  y,  où  il  se  prononce  comme  s  *  avec 
la  pointe  de  la  langue  entre  les  dents  »*;  s  se  prononce  z  entre 
2  voyelles;  et  on  la  redouble  dans  ce  cas  si  elle  doit  avoir  le  son 
dur.  L'accent  est,  comme  en  Neulral,  avant  la  dernicr<>  consonm*. 
L'article  défini  est  1  (sic!),  l'article  indéfini  est  un  Le  pluriel  se 
forme  au  moyen  de  -s  après  une  voyelle  ou  c;  et  de  -es  apr»'>s  les 
autres  consonnes. 

Les  degrés  de  comparaison  s'indifpient  par  plu,  1  plu:  minu, 
1  minu. 

Les  noms  de  nombre  sont  ceux  du  \eulral,  excepté  :  ciïique,  dece, 
unce  =  deceun  (11,  duce  =  decedu  12),  trice  =  decetri  (13), 
quatorce  =  decequator  (14),  dececinque  (13);  duente  (20),  triente 
(30),  etc.  ;  cente. 

Les  pronoms  personnels  ont  deux  cas,  le  nominatif  et  le  cas 
indirect  (datif-accusatif)  :  eo,  me;  tu,  te;  il,  le;  lia,  la;  id;  noi, 
nos;  voi,  vos;  ili,  les  (m.  n.):  las  f/j;  le  réfléchi  est  se.  Les  pronoms 
possessifs  sont  ceux  du  Seulral.  Les  pronoms  interrogatifs-relatifs 
sont  :  qui,  que,  quel,  quai,  quant;  porqué  =  pourquoi,  como  ^=  com- 
ment, comme;  onde  =^ où.  Les  indéfinis  :  alqui  =^  quelque,  quelqu'un; 
alque  =  quelque  chose;  null  =  aucun,  personne;  nunca  ou  jamas  = 
jamais. 

Les  verbes  ont  une  triple  conjugaison,  qui  dépend  de  la  voyelle 
de  liaison  a,  e,  i,  qu'on  ajoute  au  radical  :  ama,  perde,  fini.  Cette 
voyelle  de  liaison  sera  indiquée  dans  le  dictionnaire. 


1.  H  était  un  des  deux  abonnés  tVUsperantisto  qui  votèrent  pour  le 
3'  point,  c'cst-à-dirc  réclamèrent  d'autres  réformes  que  celle  que  proposait 
le  D'  Zamenhof  (V.  ci-dessus,  p.  33). 

2.  Voir  dans  notre  Hisioh^e  le  chapitre  sur  le  Lingiiist. 

3.  Comme  dans  le  Novilatin  de  M.  Beermann. 

4.  Prononciation  espagnole  du  c  et  du  z. 


perder, 

finir. 

perde. 

fini. 

perdi, 

fini. 

perderâ. 

finira. 

perderia, 

tinirîa. 

perdent, 

finient. 

perdit, 

finit. 

IDIOM    NEUTRAL  53 

Infini  tir  :  amar, 

Indicatif  préseiil  :  ama, 

Pivlrrit  :  amâ. 

Futur  :  amarâ, 

Conditionnel  :  amarîa, 

Participe  actif  :  amant, 
Participe  passé  passif:  amat, 

Les  temps  indirects  de  l'actif  sont  composés  au  moyen  de 
l'auxiliaire  aver;  et  tous  les  temps  du  passif  au  moyen  de  l'auxi- 
liaire esser. 

Il  y  a  10  verbes  irréguliers  par  les  formes  du  prétérit  ou  du 
participe  passif  :  aperir,  covrir,  dicer,  facer,  morir,  offrir,  poner, 
tener,  vider,  voler. 

L'adverbe  est  identique  à  l'adjectif;  mais  au  besoin  il  pourra 
prendre  le  suffixe  men  :  talmen. 

Les  adjectifs  dérivés  de  substantifs  se  forment  au  moyen  des 
suffixes  généraux  al  ou  ar  natural,  elementar,  regular);  du 
suffixe -in  pour  marquer  la  similitude  :  infantin,  canin:  du  suffixe 
-at  pour  marquer  la  possession  :  barbât  '  :  du  suffixe  -bil  ou  -bl 
pour  marquer  la  possibilité;  etc. 

Pour  les  noms  dérivés  de  verbes,  il  y  a  deux  sortes  de  suffixes  : 
ceux  qui  s'appliquent  au  radical  verbal  (dépouillé  de  la  voyelle 
de  liaison),  à  savoir  or,  id  :  amor,  valid:  et  ceux  qui  s'appliquent 
au  participe  passif  (radical  du  supin  latin),  à  savoir  or,  iv,  ion  : 
orator,  oration,  vocativ. 

Il  y  a  environ  !J0  verbes  qui,  tout  en  se  conjuguant  régulière- 
ment, ont  un  second  radical  pour  les  dérivés  en  -or,  -ion,  -iv; 
exemple  :  mitter,  miss-ion;  léger,  lect-or;  currer,  curs-iv. 

En  somme,  couime  le  remarque  M.  de  Waiii.  lui-même*,  pour 
savoir  conjuguer  un  verbe  il  «  suffit  »  d'en  connaître  par  cœur 
trois  formes  :  l'infinitif  et  les  2  participes.  On  les  trouvera  sans 
doute  dans  le  dictionnaire,  comme  en  latin! 

En  dérivation,  les  finales  a,  e,  o  tombent,  mais  les  finales  i,  n 
subsistent.  En  composition,  on  emploie  i  comme  voyelle  de 
liaison. 

M.  Roscnberger  s'est  rallié  aux  vues  de  M.  m:  W.viii,,  et  a  envoyé 
à  YAkademi,  sous  forme  de  Proyekt  de  Resolusion,  un   projet  de 

1.  C'est  eu  même  temps  une  désinence  de  participe  passif. 

2.  Lettre  du  8-9  oct.  1906  à  M.  Rosenberger  (Progrès,  u"  8,  p.  17). 


54  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

réforme  du  Neatral  qui  ressemble  beaucoup  au  projet  de  Wahl, 
et  que  nous  allons  analyser  à  son  tour,  afin  qu'on  puisse  les 
comparer. 

Le  son  k  s'écrit  c  devant  a,  o,  u,  devant  une  consonne  et  à  la 
fin  des  mots  :  curs,  clar,  pisc,  elastic.  Il  secrit  qu  devant  e,  i 
(une  se  prononce  pas)  :  squelet,  tranquil.  Il  s'écrit  q  devant  un  u 
consonne  (qui  se  prononce)  :  aqua.  ks  s'écrit  x  :  exempi,  text. 
c  devant  e,  i  se  prononce  s  «  avec  la  pointe  de  la  langue  entre 
les  dents  >  :  cent,  cerv,  cign,  cire;  accent,  scient,  excellent.  Le 
son  tsh  s'écrit  ch  :  chèque,  chocolad,  Chili.  Le  son  dj  s'écrit  g 
devante,  i  :  ingénier,  giurnal;  z  se  prononce  -  (l'ran(^'ais)  :  azot, 
zink.  s  entre  deux  voyelles  se  prononce  aussi  :  :  résolut,  rosi;  et 
le  son  s  dur  entre  deux  voyelles  s'écrit  ss  :  esser. 

Les  voyelles  accentuées  sont  longues,  excepté  devant  deux 
consonnes,  auquel  cas  une  voyelle  est  toujours  brève  :  tass,  pro- 
gress,  accusatio.  Les  finales  ic,  il,  ul  ne  sont  jamais  accentuées  : 
elastic,  amabil,  artikul. 

Les  verbes  ont  chacun  une  voyelle  de  liaison,  a,  e  ou  i,  indi- 
quée dans  le  dictionnaire.  L'infinitif  se  forme  en  ajoutant  r  à  la 
voyelle  de  liaison;  l'indicatif  présent,  en  supprimant  l'r  de  l'infi- 
nitif; le  futur,  en  ajoutant  à  à  l'infinitif,  et  le  conditionnel  en 
ajoutant  ia  ^  L'imparfait  se  forme  en  ajoutant  v,  et  le  participe 
actif  en  ajoutant  nt  au  présent;  seulement  les  verbes  en  i  ajoutent 
ev  et  ent  :  amav,  perdev,  finiev;  amant,  perdent,  finient.  Le  parti- 
cipe passif  se  forme  en  ajoutant  t  au  présent,  sauf  que  les 
verbes  en  e  changent  cette  voyelle  en  i  :  amat,  perdit,  finit. 
M.  RosE.N BERGER  admet  8  participes  passifs  irréguliers  :  apert, 
covert,  dict,  fact,  mort,  offert,  posit,  vist  2. 

Les  suffixes  verbaux  ion,  or,  iv  remplacent  les  anciens  asion, 
ator,  ativ:  ils  se  joignent  au  participe  passif.  Mais  31  verbes 
(avec  leurs  dérivés)  ont  un  second  radical  (indiqué  dans  le  dic- 
tionnaire) pour  ces  3  suffixes  :  mixar,  mixt;  cader,  cas;  caver, 
caut;  céder,  cess;  censer,  cens;  currer,  curs;  defender,  defens: 
ducer,  duct;  mitter,  miss;  morder,  mors:  mover,  mot;  nascer,  nat; 
peller,  puis;  pender,  pens;  primer,  press:  responder,  respons; 
rider,  ris;  rumper,  rupt;  seder,  sess;  scriber,  script;  solver,  solut; 


1.  Voir  le  tableau  donné  plus  haut  d'après  M.  de  Wahl. 

2.  Il  est  sous-entendu  que  les  temps  indirects  (y  compris  le  parfait)  se 
forment  au  moyen  de  l'au.xiliaire  aver  et  du  participe  passif. 


iniOM    NEUTRAL  55 

struer,  struct;  suader,  suas;  langer,  tact:  vader,  vas;  vider,  vis'; 
vincer,  vict;  agir,  act;  patir,  pass;  sentir,  sens;  venir,  vent. 

l*()nr  former  des  adjectifs  tlérivés  de  substantifs,  on  emploie 
en  général  le  sufiixe  al  :  annual,  natural:  et  le  suffixe  ic  seulement 
quand  les  mots  internationaux  le  contiennent  :  elastic.  historic. 

Eulin  M.  RosK.NiiEiu:KH  propose  de  rétal)lir  c  au  lieu  de  s  à  la 
lia  (les  mots  où  il  se  trouve  étymoloijriquement,  eomnie  :  fugace, 
▼ivace,  féroce,  glaci,  menaci,  place,  race,  pièce,  speci,  ofici.  police, 
price,  prince,  dulce  :  fianci  ar.  nuanci  ar.  comenci  ar.  essenci-al, 
influenci-ar  ;  policia,  agencia;  pace  (au  lieu  de  paks);  de  nirme  : 
gratia,  vernish. 

H  adopte  la  règle  de  M.  de  W.viil  :  les  finales  a,  e,  o  disparais- 
sent devant  un  suffixe,  mais  les  finales  i,  u  restent  :  gratia,  gra- 
tios;  lege,  légal;  fili-o.  filial;  casu,  casuistic 

En  conséquenee  de  la  réforme  orthographique,  le  .W'tilral 
aurait  la  physionomie  indiquée  par  les  mots  suivants  :  orquestr. 
baldaquin,  biscuit,  banque,  brique,  cuirass,  planch.  antique,  com- 
municar,  crashar,  fabricar,masquar,nascer,  piscar,  riscar,  traducer, 
vocar,  jocar. 

En  résumé,  dans  l'antinomie  qui  existe  entre  la  régularité  et 
l'internationalité,  les  Neutralistes  prennent  parti  pour  l'interna- 
tionalité, au  détriment  de  la  régularité.  Ceux  qui  veulent  une 
langue  «  plus  naturelle  »  leur  retournent  les  objections  qu'ils 
adressent  eux-mêmes  à  l'Espéranto,  à  savoir  qu'ils  obtiennent, 
par  régularité,  îles  formes  «  artificielles  »  et  non  internationales; 
et  ils  sont  ainsi  amenés  à  compliquer  leur  langue  pour  la  rendre 
de  plus  en  plus  semblable  aux  langues  vivantes  (romanes).  On  a 
déjà  vu  reparaître  les  formes  multiples  que  revêt  chaque  verbe 
irrégulier,  et  qu'il  faut  consigner  dans  les  dictionnaires  et 
apprendre  par  cœur.  Mais  il  semble  que  cette  tendance  ne  puisse 
pas  s'arrêter  en  chemin,  et  soit  au  fond  exclusive  de  toute 
langue  c  artificielle  »  :  car,  si  l'on  veut  une  langue  tout  à  fait  a 
posteriori,  on  ne  pourra  être  satisfait  que  par  une  langue  abso- 
lument «  naturelle  »,  comme  le  latin  ou  le  français;  et  du  même 
coup  on  aura  perdu  toute  la  régularité  qui  fait  la  simplicité  et 
la  facilité,  en  un  mot  l'avantage  pratique  d'une  langue  artifi- 
cielle. 

1.  Ct'la  fiiit  '■]  radiciuix  pour  vider:  vist.  vis. 


56  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

M.  Adam  Mille»,  de  Carlisle,  espérantiste  dissident  rallié  à 
Vidiom  Neuiral,  propose  de  donner  partout  à  la  lettre  c  le  son  ch, 
soit  dans  les  mots  où  le  son  du  existe  :  cek,  cokolad,  Cili,  Cina; 
soit  dans  les  mots  ou  Ion  emploie  jusqu'ici  sh  :  brocur,  carm, 
cercar,  cef,  cifr;  soit  dans  les  mots  où  le  graphisme  interna- 
tional met  un  c  :  cent,  celebr,  ceris,  centr,  ciel:  soi!  dans  les  mots 
où  l'on  emploie  jusqu'ici  k  :  cimi,  cirurg;  canal,  caval,  cant,  cat, 
calic  ;  soit  enfin  dans  les  désinences  ic  et  acion  :  elektric,  akademic, 
katolic-ism  ;  deklamacion,  proposacion.  De  cette  manière,  dit-il,  on 
rétablirait  le  graphisme  étymologique,  et  on-  aurait  en  même 
temps  une  orthographe  parfaitement  régulière  et  phonétique. 
Cela  est  vrai,  mais  ce  serait  trop  souvent  au  détriment  du  pho- 
nétisme,  et  cela  rendrait  certains  mots  méconnaissables  à  laudi- 
tion  (calic  =  c/ia/ic/i!) 

Voici  enlln  les  propositions  émises  tout  récemment  (juillet  1007) 
j)ar  M.  le  curé  J.  H.  Pinth  ',  de  Neudorf  (Luxembourg). 

Pour  Vorlhographe  :  employer  c  (son  ds  ou  s)  devant  e,  i.  si 
l'internalionalité  le  réclame,  et  s'il  ne  termine  pas  le  mot  :  facil, 
celebr,  scen.  excepte.  P^crire  z  pour  le  son  ts  :  nazion.  menzion, 
redakzion,  komenzar,  dulz,  feliz.  Ecrire  le  son  s  par  ss,  quand  il 
suit  une  voyelle  et  ne  précède  pas  une  consonne;  dans  les  mêmes 
cas.  s  a  le  son  z  :  lassar,  tass,  progress  :  ros,  rosi. 

Donner  à  g  le  son  doux  [y]  devant  e,  i  :  gênerai,  ingénier;  et 
l'écrire  gh  quand  il  a  le  son  dur  devant  e,  i  :  ghirland,  ghitar. 

Écrire  dj  pour  les  sons  dsh,  Ish. 

Écrire  x  au  lieu  de  ks  :  Luxemburg,  exempl. 

Conserver  k  à  la  fin  des  radicaux  (amik)  et  quand  il  est  inter- 
national (kilometr).  Le  remplacer  par  q  devant  u  demi-consouDc 
suivi  d'une  voyelle)  et  devant  e,  i  :  quale,  quink;  qel,  qi.  Le  rem- 
placer dans  les  autres  cas  par  c  (prononcé  A)  :  calm,  acut,  con- 
cord,  crear. 

Il  en  résulte  que  c  a  deux  sons,  qui  se  trouvent  réunis  dans 
des  mots  comme  circuit,  circumstanz. 

M.  PiNTii  propose  en  outre  d'adopter  deux  formes  pour  les 
pronoms  personnels,  la  1"=  pour  le  nominatif  et  le  génitif,  la  2« 
pour  le  datif  et  l'accusatif:  mi,  me;  tu,  te:  vo,  vu;  il,  le;  lia,  la; 
noi,  nos;  voi,  vos;  ili,  les;  ilai,  las.  Les  quatre  cas  seront  par 

t.  Né  le  16  août  1853.  Auteur  d'une  traduction  de  Vlmilalion  en  Volapûk 
(1898)  ;  membre  de  YAkademi  depuis  le  31  mai  1905. 


IDIOM    NEUTRAL 


î)7 


exemple  ;  mi,  de  mi.  a  me,  me.  M.  Pintii  propose  enfin  d'adopter 
2  conjugaisons  distinguées  par  les  voyelles  de  liaison  a,  e;  en 
voici  le  tableau  : 


indicatif  présent  : 

don 

vad. 

—       passé  : 

donav 

vadev. 

—        futur  : 

donard 

vaderô. 

Conditionnel  présent  : 

donaré 

vaderé. 

Impératif,  2"  p,  s.  : 

donâ 

vadé. 

—         1"  p.  pi.  : 

donam 

vadem. 

—        2"  p.  pi.  : 

donate 

vadete. 

Infinitif  présent  : 

donar 

vader. 

—       passé  : 

donavar 

vadevar. 

Participe  actif  présent 

:  donant 

vadent. 

—            passé  : 

donavant 

vadevant 

—            futur  : 

donarant 

vaderant 

Participe  passif  : 

donat 

vadit. 

Gérondif  : 

donand 

vadend. 

Adjectif  dérivé  : 

donabl 

vadibl. 

Lorsque  le  radical  d'un  verbe  en  er  se  termine  par  i,  on  réduit 
à  un  seul  les  deux  i  des  terminaisons  :  iit,  iibl.  Exemples  :  for- 
mar,  formabl,  format,  formazion  ;  comprender,  comprendit,  com- 
prendibl:  audier.  audiev.  audient,  audienz,  audit,  audibl,  auditiv, 
auditor,  audizion. 

Depuis  le  1''  janvier  1907  paraît  à  Bruxelles  un  périodique 
mensuel  :  Idei  international,  revue  in  lin(jua  earopean,  publié  par 
M.  HoNTO  VAN  Bvi.EVELT,  membre  de  VAkademi,  dans  un 
Neutral  un  peu  hétérodoxe,  comme  il  appert  du  titre  même.  Le 
but  de  cette  revue  paraît  être  d'établir  une  coalition  et  une 
fusion  de  tous  les  projets  de  langues  «  paneuropéennes  »  pour 
battre  en  brèche  VEsperanto.  On  y  considère  le  Mundoliiuiiie,  le 
Naove-Roman,  la  Lingua  Komun,  VUniversal  ',  môme  le  Latino  sine 
Jlexione  coninie  des  formes  diverses  d'une  même  solution;  et  on 
est  prêt  à  modifier  le  A'e»/ra/pour  le  rapprocher  de  ces  idiomes. 
Au  surplus,  la  tendance  et  le  ton  général  de  celte  revue  sont 
pI^t(^t  polémiques  que  scientifiques:  on  n'y  voit  pas  d'études 
tln'oriques   de  linguistique,  mais   seulement   des  propositions 

i.  On  (lit  qur  In  criimniniri'  de  VUniversal  est  hirii  siiporicun»  à  cello  du 
Neitlral  (p.  43). 


58  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

d'entente  pratique  et  de  compromis  entre  les  divers  auteurs. 
Leur  lien  semble  être  moins  la  communauté  des  idées  et  du  but 
que  l'hostilité  à  l'égard  de  VEsperanto  '  ;  et  la  preuve  en  est  qu'on 
invite  ou  qu'on  accueille  avec  empressement  des  concours 
comme  ceux  du  D""  Nicolas  et  de  M.  Bollack,  alors  qu'on 
exclut  les  seuls  Espérantistes.  Les  critiques  acerbes  et  malignes 
du  rédacteur  principal  n'épargnent  même  pas  VAkademi  dont  il 
fait  partie  et  ses  chefs.  Il  y  a  donc  peu  à  attendre  d'une  telh' 
entreprise,  qui  compromettrait  plutôt  le  Neiiiral  aux  youx  du 
public  impartial. 

Historique. 

Le  manuel  en  langue  hollandaise  de  M.  Bonto  van  Bvleveli'. 
que  nous  annoncions  dans  notre  Histoire,  a  paru  en  1903  (Haar- 
lem,  van  der  Heide).  Le  manuel  en  langue  française  a  été  entre- 
pris par  M.  Chambonnaud.  rédacteur  du  journal  scolaire  Les 
Cinq  Langues,  à  Limoges;  il  est  prêt  à  être  imprimé. 

Il  existe  trois  groupes  de  Neutralistes  :  un  à  Saint-Pétersbourg 
(ancien  groupe  volapïikiste),  présidé  par  M.  Rosenbe'rger ;  un  à 
Niirnberg  (ancien  groupe  volapiikiste,  puis  espérantiste),  présidé 
par  M.  Chr.  Schmidt;  et  un  à  Bruxelles,  présidé  par  M.  Bonto 
van  Bvlevelt.  Ce  dernier  a  publié  une  feuille  de  propagande 
contenant  des  appréciations  et  témoignages  en  faveur  de  Vidiom 
NeutraL  M.  Mackensen,  membre  de  VAkademi,  a  fondé,  le  4  jan- 
vier 1907,  à  San  Antonio  (Texas),  une  International  Language  Society 
qui  publie  des  feuilles  de  propagande  en  anglais. 

1.  Une  série  d'articles  est  intitulée  :  Pro  que  noi  es  kontra  Espéranto? 


ELIAS  MOLEE  :  TUTOMSin 

L'auteur  du  Tutonish,  Norvégien  d'origine,  né  en  Wisconsin  en 
1845.  a  vécu  dès  son  enfance  dans  un  milieu  où  étaient  parlées 
diverses  langues  germaniques,  ce  qui  lui  donna  de  bonne  heure 
l'idée  d'une  fusion  des  langues  germaniques.  En  1887,  il  publia 
un  premier  essai  Germanic-English  que  nous  ne  connaissons  pas, 
mais  qui  n'est  que  l'ébauche  du  Tntonish.  L'auteur  fait  valoir  en 
faveur  de  son  plan  des  considérations  politiques,  fait  appel  aux 
sentiments  «  patriotiques  »  et  «  de  race  »  des  peuples-germa- 
niques, et  manifeste  une  slavophobie  étrange.  Il  rêve  une  union 
linguistique  des  peuples  germaniques,  une  conférence  diplo- 
matique qui  adopterait  une  langue  inter-germanique.  Parfois  il 
semble  inviter  les  peuples  romans  à  adopter  de  même  une  langue 
inter-romane;  mais  au  fond  il  croit  que  la  langue  inter-germa- 
nique s'imposerait  au  monde.  11  espère  même  ([u'cUe  supplante- 
rait les  langues  nationales  et  deviendrait  la  langue  unique  des 
l)euples  germaniques.  Il  croit  d'ailleurs  qu'une  langue  ne  peut 
devenir  internationale  que  si  elle  est  d'abord  nationale. 

L'anglais  serait  la  L.  I.  parfaite,  s'il  avait  une  orthographe 
phonétique  et  s'il  était  purgé  de  ses  éléments  romans,  qui  en 
altèrent  Ihpmogénéité;  cedouble  desideratum,  lauteur  le  réalise 
dans  sa  propre  langue,  qui  est  un  simple  mélange  d'anglais  et 
d'allemand,  avec  quelques  éléments  Scandinaves. 

Son  alphabet  est  très  compliqué;  il  admet,  outre  les  ">  voyelles 
a,  e,  i,  0,  u,  les  combinaisons  :  aa  (a  long),  le  (i  long),  oo  =  uu  yu 
long),  ae  (  «D.,  è  F.),  ai,  au,  aw,  ei,  eu,  oe,  oi,  diphtongues  pro- 
noncées à  l'anglaise  ou  à  l'allemande;  y=u  F.  Il  y  a  deux 
digrammes  :  ch,  sh,  prononcés  comme  en  anglais.  Dans  la  trans- 

1.  Elias  MoLGE  :  Tutonish  or  Anglo-German   Union  Tangue,  i  brochure. 

208  |>.  (Ctiioafro,  Scroll,  1902);  Tutonish,  a  teutonic  international  lanffuage, 
1  biucluire,  OG  p.  (chez  rautour,  Tacoina,  190i). 


60  SYSTEMES    A.  POSTERIORI 

cription  des  mots,  le  th  anglais  est  remplacé  par  t  ou  d  :  2u  et  ivh, 
par  V. 

L'auteur  proscrit  rigoureusement  les  majuscules,  qui  «  ne 
sont  pas  démocratiques  ». 

Varlicle  défini  varie  en  nombre,  et  môme  en  genre  au  singulier  : 
do  (m.),  da  (f.),  du  (n.),  di  (plur.)- 

Varlicle  indéfini  est  ein  (sing.). 

Le  pluriel  des  substantifs  se  forme  par  addition  de  s  ou  es.  11  y 
a  un  accusatif  pour  les  substantifs,  mais  seulement  dans  la  poésie 
et  dans  les  phrases  inverties  :  il  se  forme  au  moyen  de  la  dési- 
nence em.  On  peut  former  le  génitif  au  moyen  de  la  désinence 
on  :  god'on  haus  ^  la  maison  de  Dieu  ' . 

L'adjeclifcst  invariable  et  identique  à  l'adverbe. 

Les  degrés  se  forment  au  moyen  des  particules  mor,  most, 
mindr,  minst. 

Les  nonis  de  nombre  sont  :  ein,  to,  tri,  fir,  fem,  ses,  syv,  ot,  ni, 
ti;  hundr  (100),  tusn  (1000),  einjon  {un  million).  Les  nombres 
ordinaux  en  dérivent  par  l'adjonction  de  a. 

Les  pronoms  personnels  sonl  :  mi,  dau,  hi,  shi,  it;  vi,  ju,  de;  le 
réfléchi,  sich. 

Les  pronoms  possessifs  en  dérivent  par  l'adjonction  de  o  :  mio, 
dauo,  etc. 

Les  pronoms  relatifs  sont  :  hu  pour  les  personnes  et  vat  pour 
les  choses. 

Les  verbes  ne  diffèrent  pas  des  substantifs  par  le  radical,  qui 
sert  à  la  fois  d'infinitif,  d'impératif  et  d'indicatif  présent.  On 
ajoute  au  radical  n  ou  en  pour  former  à  la  fois  le  passé  et  le  par- 
ticipe passé  passif  :  mi  givn  —je  donnai,  givn  =  donné;  on  emploie 
l'auxiliaire  hav  pour  le  parfait  :  mi  hav  givn  =/ai  donné;  mihavn 
givn  =f  avais  donné;  et  l'auxiliaire  vil  pour  le  futur  :  mi  vilgiv  = 
je  donnerai,  mi  vil  hav  givn  =  f  aurai  donné.  Il  n'y  a  i)as  de  sub- 
jonctif ni  de  conditionnel.  Le  participe  présent  actif  a  pour  dési- 
nence end. 

Le  passif  se  forme  en  ajoutant  au  radical  verbal  is  {est)  :  bruk'is 
=  est  employé  ;  tak'is  =  est  pris. 

V interrogation  est  marquée  par  l'inversion  du  sujet  et  du  verbe. 
Pour  le  vocabulaire,  «  dis  sprak  must  bi  so  rein  tutonish  as 

1.  La  lettre  s  doit  être  réservée  au  pluriel;  employée  à  la  fois  pour  le 
pluriel  et  pour  le  génitif  (comme  en  anglais),  elle  produit  des  confusions, 
d  après  l'auteur. 


KLIAS   MOLEli    :    TLTOMSU  61 

mogli  »  (ce4:te  langue  doit  être  aussi  purement  teutonne  que  pos- 
sible); aussi  l'auteur  oxclut-il  tous  les  mots  d'origine  romane  ou 
grcccpie  qui  se  trouvent  en  anglais  et  môme  en  allemand,  et  les 
remplace  par  des  radicaux  germaniques  ou  des  composés  auto- 
nomes «  scU'-explaining  »  (qui  s'expliquent  d'eux  mOmes)  :  ainsi 
on  dit  auga  pour  idée{D.  auge  =  œil),  et  augal  pour  idéal;  samleg 
pour  colkije,  samili  pour  family,  gefolk  pour  nation,  gebring  pour 
nalnre,  sendost  poui"  npôlre,  einoism  pour  nionisni;  par  suit»;,  on  a 
lies  composés  comme  tviengefolki  =  inler national,  samset  =  com- 
position, overskuul  =  université,  denk-lore  =  logique,  vesn  lore  = 
philosophie,  plant-lore  =  botanique,  star-lore  =  astronomie,  fish- 
lore  =  ichlhyologie,  mor-ial^=  pluriel. 

L'auteur  admet  de  nombreux  préfixes  et  suffixes,  qu'il  onipniiit<; 
tels  quels  à  l'allemand  sans  en  définir  le  sens.  11  admet  aussi  les 
désinences  0  et  a  |)(jui'  indiquer  des  personnes  masc.  ou  l'ém.  : 
herlino  =  Berlinois,  berlina  =  Berlinoise:  er  pour  désigner  une 
personne  en  général;  ist  pour  désigner  un  professionnel  ;  elpour 
désigner,  une  chose,  instrument  ou  action;  u  ou  nu  pour 
former  des  substantifs  abstraits  de  qualité  ou  d'action  (gud  := 
bon.  gudu  =  bonté);  et  pour  former  les  diminutifs;  li  pour  for- 
mer les  adj(;ctifs  et  adverbes  dérivés;  ir  pour  les  verbes 
dérivés,  etc.  11  faut  remarquer  le  suffixe  im,  qui  désigne  la  per- 
sonne qui  subit  ou  reçoit  une  action  :  tiechr  =  pro/esset/r,  tiechim 
=:  élève;  givr  =  donateur,  givim  =  bénéficiaire  du  don. 

Voici  le  Pater  en  Tuionis/i  (brochure  de  1904)  •  : 

vio  fadr  hu  bi  in  hevn,  holirn  bi  dauo  nam,  dauo  reik  kom.  dauo 
vil  bi  dun  an  erd.  as  it  bi  in  hevn;  giv  vi  dis  dag  vio  dagli  bred,  and 
fergiv  vi  vio  shulds,  as  vi  fergiv  vio  shuldrs;  lied  vi  net  intu  fer- 
sieku,  but  befrie  vi  from  ievl.  (let  so  bi  =  ainsi  soit-il!) 

Dans  sa  brocburo  de  1902,  l'auteur  coiulescend  à  indiquer 
aux  peuples  romans  comment  ils  pourraient  former  de  leur  côté 
une  langue  inter-romane.  Ils  n'auraient  qu'à  substituer  aux 
articles  du  Tutonish  les  articles  :  lo,  la,  le,  li:  à  ses  pronoms 
personnels  les  pronoms  :  mi,  tu,  il,  el,  id;  nu,  vu,  lu,  se;  à  ses 
pronoms  relatifs  :  ki,  ku,  ka;  enfin  à  adopter  des  radicaux  pure- 
ment romans.  Voici  le  Pater  rédigé  dans  cette  espèce  de  «  panro- 
man  »  : 

1.  Diiiis  In  hioctiurc  de  11)02,  hevn  osl  rcmpliii»'  |>iir  himi.  reik  par 
reich,  as  p;ir  als,  and  par  en,  not  par  nit,  intu  par  inzu,  befrie  par  frie, 
from  par  fon. 


62  SYSTEMES    A   POSTERIORI 

nuo  padr,  ki  bi  in  siel.  sanktirn  bi  tuo  nom,  tuo  regnu  ven,  tuo 
vol  bi  fasn  sur  ter  kom  in  siel;  don  nu  boy  nuo  diali  pan;  et  pardon 
nu  nuo  débits,  kom  nu  pardon  nuo  debitors;  et  induk  nu  non  in 
tentu,  ma  delivr  nu  de  mal. 

Sans  critiquer  le  projet  de  langue  de  M.  Molee,  il  nous  sera 
permis  de  faire  remarquer  quil  s'inspire  de  motifs  absolument 
opposés  à  la  fin  humaine  et  civilisatrice  de  la  L.  I.  et  à  la 
neutralité  que  l'on  exige  d'elle  *.  D'ailleurs,  même  au  point  de 
vue  pratique,  une  seule  L.  I.  vaut  mieux  que  deux  ou  trois;  si  la 
langue  auxiliaire  n'était  pas  unique,  elle  perdrait  en  grande 
partie  son  utilité  et  sa  raison  d'être. 

1.  L'auteur  op|)0:<e  e.\|)res^it•mt!Ilt  son  projet  à  celui  d'  «  une  langue  de 
compiuinis  (jui  serait  également  facile  à  apprendre  pour  les  races  germa- 
nique, romane,  slave,  sémili(|ue  et  mongolique  ».  (Lettre-circulaire  du 
18  février  1904,  adressée  aux  journaux.) 


H.   MOLENAAU    :    UNIVERSAL   {PANROMAN)^ 

Le  D""  MoLENAAR  est  un  publicistc  bien  connu  dans  les  milieux 
positivistes  et  pacifistes,  directeur  des  revues  Die  Religion  der 
Menschheit  et  Menschheilsziele,  et  fondateur  de  la  Ligue  franco-alle- 
mande. C'est  la  Langue  bleue  qui  l'a  amené  à  réfléchir  sur  le  pro- 
blème de  la  L.  I.  et  à  en  élaborer  une  solution  nouvelle,  à  une 
époque  où  il  ne  connaissait  encore  que  superficiellement,  outre 
la  langue  de  M.  Bollack,  le  Volapiikcl  VEsperanto.  11  reproche  au 
Volapûk  d'être  trop  artificiel,  et  à  VEsperanto  d'être  un  mélange 
«  barbare  »  de  racines  hétérogènes,  de  sorte  que  môme  les  racines 
germaniques  y  sont  méconnaissables  et  incompréhensibles  aux 
Allemands.  L'auteur  préfère  une  langue  homogène,  et  par  con- 
séquent uniquement  composée  d'éléments  latins  ou  romans;  et  il 
assure  qu'une  telle  langue  a  beaucoup  plus  de  chances  de  plaire 
à  ses  compatriotes  qu'une  langue  mixte  qui  choque  leur  senti- 
ment esthétique.  C'est  dans  cet  esprit  qu'il  a  imaginé  le  Panro- 
man,  qu'il  a  ensuite  nommé  Universal  pour  ménager  l'amour- 
propre  des  peuples  non-romans  et  affirmer  l'internationalilé  de 
son  projet  :  car  il  constate  que  les  mots  internationaux  sont 
presque  tous  latins  ou  romans.  Il  reproche  en  outre  t"»  VEsperanto 
une  grammaire  trop  compliquée,  des  désinences  arbitraires  et 
trop  peu  harmonieuses  (il  l'appelle  la  langue  des  oj-aj-oj).  Il 
pense  que  la  L.  l.  ne  pourra  jamais  être  trop  simple,  et  il  s'est 
proposé  d'élaborer  une  grammaire  «  ridiculement  facile  »  qui 

1.  Die  Wellsprache,  art.  dan^s  la  revue  Die  Religion  der  Menschheit, 
mars  1003);  Wie  das  Panroman  enlsteht  (ibid.,  mai  iW-i)  ;  Espéranto  oder 
Panroman  ?  Das  Weltspracheproblem  tind  seine  einfachste  Losung,  1  bro- 
chure de  15  papes  (1906)  ;  Universal-ling  (Panroman),  dans  la  revue  Mensch- 
heitsziele  (11)06);  Gramatik  de  Universal,  pro  Italiaui,  Spauioli,  Franzesi, 
Anglesi,  Germani,  1  l)r(u'hure  de  36  pages  (Leipzig,  Piittmann,  HH>6). 
L'auteur  a  commencé  eu  1907  à  publier  une  petite  revue  :  Unicersal-Kores- 
po7idenz,  organ  pro  perfekzion,  kritik  e  propagand  de  Iniver.inl-Ling. 


64  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

tient  tout  entière  à  l'aise  sur  une  carte  postale.  La  L.  I.  doit  cUre 
selon  lui  compréhensible  à  première  vue,  sans  étude  préalable  et 
sans  manuel,  pour  tout  Européen  cultivé.  Et  à  ceux  qui  trouve- 
raient que  l'adoption  exclusive  d'éléments  romans  favorise  les 
peuples  latins  et  rend  la  langue  plus  difficile  à  apprendre  aux 
autres,  il  répond  qu'elle  a  pour  ceux-ci  l'avantage  de  les  initier 
au  vocabulaire  roman,  do  sorte  qu'ils  auraient  bien  moins 
d'elTorts  à  faire  ensuiPe  pour  apprendre  le  latin  ou  une  langue 
romane  quelconque. 

Gramm.\ire. 

iJalphabel  est  l'alphabet  latin,  moins  les  lettres  cet  y,  qui,  avec 
à,  0,  û  et  w,  ne  sont  employées  que  dans  les  noms  propres,  g  est 
toujours  dur;  q  a  le  son  de  k,  mais  est  toujours  suivi  de  u;  z 
a  le  son  ts  (D.).  Il  faut  y  ajouter  les  deux  digrammes  ch  (Ich)  et 
sh  {ch). 

L'accent  est  sur  la  voyelle  qui  précède  la  dernière  consonne; 
les  exceptions  sont  indiquées  par  un  accent  typographique  : 
akademi. 

L'article  défini  est  lo(m.)  la,  (f.),  le  (n.)  ;  on  l'emploie  le  moins 
possible,  principalement  pour  substantifier  un  adjectif  lo  bon, 
la  bon,  le  bon)  et  pour  marquer  le  superlatif  (la  plus  bel;. 

L'article  indéfini  est  un  (singulier  seulement). 

Il  n'y  a  pas  de  déclinaison.  Les  cas  sont  marqués  par  les  prépo- 
sitions: l'accusatif,  identique  au  nominatif,  est  marqué  par  sa 
place  dans  la  phrase  (après  le  verbe). 

Le  genre  naturel  (sexe)  s'indique  en  ajoutant  o  (masc.)  ou  a 
(fém.)  au  radical  du  substantif  :  filio,  filia. 

Le  pluriel  des  substantifs  se  forme  en  ajoutant  i  au  radical  : 
hom,  bomi:  filioi,  filial. 

L'adjectif  est  invariable,  et  peut  précéder  ou  suivre  le  sub- 
stantif. 

Les  degrés  sont  indiqués  par  plus  (comparatif)  et  lo,  la,  le 
plus  (superlatif).  On  admet  des  comparatifs  et  superlatifs  irrégu- 
liers latins  :  major,  melior,  minor,  anterior,  superior  ;  maxim,  minim, 
optim,  pessim  proxim,  ultim  sont  des  superlatifs  par  la  forme, 
mais  non  par  le  sens). 

Les  adverbes  dérivés  se  forment  au  moyen  de  la  finale  e  ;  mais 
non  les  adverbes  primitifs,  comme  plus,  min  [moins],  etc. 


11.    MOLENAAH    :    L'NIVKHSAL    (I'ANROMAN)  65 

Les  nombres  cardinaux  sont  :  un,  du,  tre,  quar,  quin,  sex,  sept, 
okt,  nov,  dez  ;  undez  ou  unz  (11),  dudez  ou  duz  (12),  etc.  ;  vint  (20), 
trent,  etc.,  novant  ;  zent,  duzent,  etc.;  mil,  milion,  miliard  (1.000 
millions). 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  au  moyen  du  suffixe  -im  :  unim, 
duim,  etc.  On  admet  aussi  les  ordinaux  irr»  guliors  (latins)  sui- 
vants :  prim,  sekund,  terz,  quart,  quint,  sext,  oktav,  non.  Les 
adverbes  ordinaux  se  déduisent  des  adjectifs  précédents  par 
l'adjonction  régulière  de  e. 

Les  nombres  fractionnaires  sont  :  demi,  terz,  quart,  quinim,  etc. 
/les  nombres  ordinaux). 

Los  nombres  innlUplicalifs  sont  :  simpl,  dupl,  tripl,  quadrupl,  quin- 
tupl,  sextupl,  septupl,  oktupl,  nonupl.  dekupl,  etc. 

Les  pronoms  personnels  du  singulier  ont  chacun  trois  formes  : 


Nom.  : 

jo 

tu 

lo  (m.) 

la  (f.) 

le  (n.) 

Datif  : 

mi 

ti 

li 

li 

11 

Accus.  : 

me 

te 

lo 

la 

le 

Ceux  du  pluriel  n'ont  qu'une  forme  :  nos,  vos,  los  (3  genres). 

Le  pronom  réfléchi  est  se. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  mon,  ton,  son  ;  nostr.  vostr,  lor  (sans 
distinction  de  genre  à  la  3''  personne  sing.  ef  plur  ). 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  is  (iso,  isa,  ise),  celui-ci,  celle-ci, 
ceci  ;  il  (ilo,  ila,  ile^,  celui-là,  celle-là,  cela. 

Les  pronoms  inlerrogatifs-relatifs  sont  :  qui(personne),  que  (chose)  ; 
quel,  quel  ;  quai,  de  quelle  espèce  ;  quant,  combien. 

Los  pronoma  indéfinis  sont  :  ul(i\  quelk(un  .  alkun  i  ,  quelqueis); 
quelkos,  quelque  chose  ;  quikunk,  quiconque  ;  quekunk,  quoi  que  ce 
soit  ;  quelkunk,  quelconque;  nul(i),  aucun{s)  ;  nemo,  personne  ;  ni(hi)l, 
rien  ;  pluri.  plusieurs  ;  plurimi,  la  plupart  ;  shakun,  chaque,  chacun  ; 
tuti,  tous  ;  tôt,  tout  (entier)  ;  altr(ii,  aulre[s^  ;  tal,  tel. 

La  conjugaison  est  absolument  régulière  ;  toutes  les  désinences 
sont  accentuées  sur  la  dernière  syllabe,  excepté  eva. 

L'infinitif  a  la  désinence  er  :  eser,  haber. 

L'indicatif  présent  se  réduit  au  radical  :  es,  hab. 

Le  prétérit  a  la  désinence  eva  :  eseva,  habeva. 

Le  futur  —  erô  :  eserô.  haberô. 

Le  conditionnel  —  eré  :  eseré,  haberé. 

L'impératif,  ainsi  que  le  subjonctif  ou  optatif,  a  la  désinence 
e  :  ese,  habe. 

COUTCH.VT    ET    LkaU.    —     NoUVclioS  L.    I.  5 


6g  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

Le  participe  présent  a  la  désinence  ent  :  esent,  habent. 

Le  participe  passé  (passif?)  —  et  :  eset,  habet. 

Les  temps  composés  de  l'actif  sont  formés  par  l'auxiliaire 
haber  :  parfait  :  hab  eset;  plus-que-parfait  :  habeva  eset;  futur 
antérieur  :  habero  eset. 

Tous  les  temps  du  passif  sont  formés  par  l'auxiliaire  eser  joint 
au  participe  passé  :  jo  es  amet,  etc. 

La  négation  est  non,  qui  se  place  ad  libitum  (sic). 

L'interrogation  se  marque  en  plaidant  le  sujet  après  le  verbe 
(contrairement  à  Tordre  normal). 

Les  pronoms  au  datif  ou  à  l'accusatif  sont  toujours  après  le 
verbe  (et  après  le  sujet).  Tous  les  verbes  actifs  (par  le  sens) 
régissent  l'accusatif.  Les  verbes  réfléchis  ne  sont  employés  que 
lorsque  l'action  est  réellement  réfléchie.  Les  verbes  imperson- 
nels n'ont  pas  de  sujet  grammatical. 

Les  principaux  adverbes  primitifs  sont  :  si  =^  oui,  no  =  non, 
non  =  ne  pas  ;  ni...  ni;  non  plus  =  ne  plus  ;  hik  =  ici,  ibi  =  là  ; 
ubi  =  où,  ulu  =  quelque  part  ;  nulu  =  nulle  part  ;  rétro  =  en  arrière  ; 
infra  =  en  bas  ;  quand  ;  alor  ;  ankor  ;  nunk=  maintenant  ;  semper  = 
toujours;  jama  =z  jamais  (aff/1  ;  non  jama  =  ne  jamais  (rtég.)  ;  ja  = 
déjà  ;  pui  =  puis  ;  bentost,  sovent,  tost,  tard  ;  ank  =  aussi  ;  forse  ^= 
peut-être  ;  mem  =  même  ;  sik  =  ainsi  ;  kom  =  comme  ;  quant  =  com- 
bien ;  tant,  apen,  pok  =^  peu,  sat  =  assez,  multe,  trop. 

Les  prépositions  sont  presque  toutes  empruntées  au  latin,  sauf 
depui,  près  [près  de),  da  {à  partir  de)  ;  a,  ad,  ante  (avant),  de,  ex,  in, 
inter,  intra.  juxta,  kon,  kontra,  per,  post.  pro.  sekun  {selon),  sin 
{sans),  sub,  super,  sur,  trans,  ultra,  usque,  vers,  zirka.  Les  princi- 
pales prépositions  dérivées  sont  :  durant,  malgrad,  nonobstant, 
tokant  [louchant),  exzept,  travers,  via  ;  a  kaus  de.  in  mank  de,  in  faz 
de,  relativ  a.  On  peut  employer  toutes  les  prépositions  devant 
un  infinitif,  et  notamment  por,  post,  sin. 

Les  principales  conjonctions  sont  :  e  =  e<,  o  =  ou,  or,  dunk,  ma  = 
mais,  nam  =  car,  si  =  si,  ke  =  que,  dum  —  pendant  que,  afin  ke, 
ante  ke,  benke  =  quoique,  depui  ke,  durant  ke,  perke  —  parce  que, 
post  ke,  sin  ke,  sik  tost  ke  =  aussilol  que,  sik  long  ke  —  tant  que, 
tut  vez  ke  =  toutes  les  fois  que,  usque  ke  =  jusqu'à  ce  que;  porke  = 
pourquoi"! 


II.    MOLENAAR    :    UNIVERSAL    (pANROMAN)  67 

VoCAIiULAlRE. 

Tout  mot  international  est  admis  dans  la  langue,  qu'il  soit 
latin  ou  non  :  ex.  :  klub,  tram,  knut.  zolverein.  Mais  en  règle  géné- 
rale, on  adopte  les  mots  qui  existent  :  1"  dans  deux  ou  plusieurs 
langues  romanes  ;  2°  dans  une  langue  romane  et  une  autre  grande 
langue  :  3"  en  latin  et  dans  une  autre  grande  langue  '.  Les  mots 
nécessaires  qui  ne  remplissent  aucune  de  ces  conditions  sont 
empruntés  au  latin,  au  fran(;ais,  à  l'italien  ou  à  l'espagnol,  sous 
la  forme  la  plus  simple  possible.  Citons  cpielques  éclianlillons  de 
ce  Vocabulaire  :  abandoner,  adversar,  akuser,  alumet.  ambasador, 
angust(^/rot7s  anoier  [eniuiyer\.  aprender,  asasinat,  av  {oiseau  ,  bok 
[bnache^,  chemi-,  dejuner.  deszender.  di  jour  .  dio  (dieu  ,  diskurs, 
dikzionar,  dokt,  efort,  eklatant,  eskarpat,  estai  [élé],  état  (âge), 
expekter  (attendre),  fazer  [faire),  flagel,  for  ilron),  frisk  (frais),  futur, 
grazer  remercier),  guer  (fjuerre).  guverner.  haster,  hibern  (hiver), 
humid,  imag,  imaginer,  invenzion.  irat  (irrité),  joker  (plaisanter), 
kader  [tomber  ,  kamber  (changer),  kamis  (chemise),  kaper  prendre), 
kaval,  koler,  kombat.  konienzment.  komunikazion,  konozer  (con- 
naître), konquist.  lanzer  (lancer),  lontan  (lointain),  lum  et  luz 
{lumière),  magnifik.  mal  {mauvais,  mal),  malad,  marsher,  mashin, 
miszer  (mêler),  miter  (envoyer),  nas  (nez),  nav  (navire\  niv  (neige), 
numer  (nombre),  obliger,  obliver,  obtiner.  ofrer.  oposer.  orner, 
parent-i,  parler,  péril,  plesir,  pol  [pôle),  poser,  posibl,  poter  po»- 
uoir  ,  preger  (prier),  prender,  prester.  promiter,  propager,  protéger, 
quiter,  reflexion,  remplazer.  repliker,  représentant,  resoluzion. 
retener,  returner,  rik  riche  ,  rok,  rut,  saper  ^savoir],  seduzer 
(séduire),  sit  (soif),  skop  (but),  sol  (soleil  et  seul),  sor  (sœur),  stranier 
(étranger],  sufizer  \suffire\  sufrer,  sukr,  superstizion.  suspirer. 
tekt  (toit),  tirer  lunc  arme),  toker  [toucher),  tor  (une  tour  ,  tur  (un 
tour  de  touriste),  trembler,  trover,  unik,  user,  util,  vel  (une  voile), 
velam  (un  voile),  venger,  vinzer  ^'aincre),  viser,  voler  vouloir), 
volter  (voler  ,  voz  (voix),  ziel  [ciel,  zisor  ^ciseaux]. 

Les  noms    de  pays  sont  en  général  terminés  en  -ia:  Anglia, 
Austria,  Belgia,  Britania,  Dania,  Franzia,  Germania,  Italia,  Polonia, 


1.  Lt's  -  grandes  langues  •  semblent  être  les  cinq  langues  (I.,  S.,  F., 
K.,  D.)  dans  Iesi|ucUos  est  traduit  le  Voi-ahulaire  de  VUniversal. 

2.  Laiitt'ur  nous  informe  <|u'il  remplace  ch  par  k  dans  les  mots  kemi, 
kimer.  kirurgi  et  analogues. 


6g  SYSTÈMES   A    POSTERIORI 

Russia,  Spania,  Svedia,  Ungaria,  même  Brasilia  ;  mais  :  Sviz,  Ho- 
landa,  Chile,  China  (chines),  Japan. 

L'auteur  ne  donne  aucune  indication  sur  son  système  de  for- 
mation des  mots.  Il  donne  bien  une  liste  de  préfixes  et  de 
suffixes,  mais,  au  lieu  d'en  définir  le  sens,  il  indique  seulement 
leurs  équivalents  formels  dans  les  cinq  langues.  Or  on  sait  que, 
dans  les  langues  vivantes,  un  môme  affixe  peut  avoir  plusieurs 
sens,  et  même  n'en  avoir  aucun  :  ce  n'est  pas  définir  les  préfixes 
in,  ob,  per,  par  exemple,  que  de  dire  qu'ils  correspondent  à  in, 
ob,  per  dans  les  cinq  langues.  Pour  deux  suffixes,  ul  et  et,  on 
indique  qu'ils  sont  des  diminutifs.  11  est  inutile  que  nous  énu- 
mérions  les  autres  ;  d'ailleurs  il  y  en  a  qui  semblent  faire  double 
emploi  :  abl  et  ibP,  ik  et  tik,  iv  et  tiv,  or  et  tor,  ur  et  tur,  itat, 
tat  et  tud  2,  sion,  zion  et  azion,  etc.  11  vaut  mieux  chercher  dans 
le  vocabulaire  comment  l'auteur  les  emploie.  Mais  cette  recherche 
est  assez  difficile,  car  il  n'indique  aucune  famille  de  mots;  on 
ne  sait  pas,  par  exemple,  si  ridikul  est  dérivé  de  rider  i)ar  le 
suffixe  ikul,  ou  est  une  racine  indépendante;  et  parfois  il  ne  met 
dans  le  vocabulaire  qu'un  mot  manifestement  dérivé,  comme 
abundanz,diabolik,ignoranz,  mélodies,  exposizion,  spektator,  stretez 
[étroitesse  :  suffixe  ez?).  Le  suffixe  itat  semble  indiquer  la  qualité 
abstraite  :  divers-itat;  mais  ailleurs  il  paraît  avoir  un  autre 
sens  :  hered-itat  {héritage),  human-itat  (humanité,  ensemble  des 
hommes  :  Menschheit).  Le  suffixe  -os  semble  signifier  plein  de  : 
montes,  orgulos,  petros;  mais  il  a  d'autres  sens  ailleurs  :  dut, 
dûtes:  monstres. 

Inversement,  la  même  relation  est  traduite  par  plusieurs 
affixes  ditîérents  :  kurver  =  courber;  libérer  :  rénover  =  renouveler; 
saner  =  guérir;  mais  on  a  :  réaliser,  perfekzioner,  sanktifizer. 
L'action  exprimée  par  un  verbe  est  souvent  désignée  par  le 
radical  :  demand,  demander;  désir,  désirer;  gard,  garder;  graz, 
grazer  {remercier);  mais  ailleurs  elle  est  désignée  par  divers 
suffixes  :  koronazion  {couronnement),  komenzment,  pensament, 
speranz,  veng-enz,  honor-enz. 

Du  reste,  les  formes  des  dérivés  sont  souvent  irrégulières  :  à 
côté  du  suffixe  enz  que  nous  venons  de  voir,  on  trouve  ienz  dans 
obedienz  :  à  côté  de  os,  ios  dans  laborios,  misterios,  prezios, 
silenzios.  Parfois  l'irrégularité  est  plus  grave,  et  altère  le  radical  : 

1.  Rekomendabl,  admisibl. 

2.  Juven,  juventud;  on  trouve  môme  iz  :  just,  justiz. 


II.    MOI.ENAAR    :    UNIVERSAL    (pANROMAN)  69 

infant,  infanz;  reziper,  rczepzion;  solver,  soluzion:  szienz,  szien- 
tifik;  komprender,  komprensibl;  imprimer,  impres;  aluder,  alusion; 
léger,  lektor.  Parfois  niùmc  il  n'y  a  pas  do  rapport  do  dérivation 
entre  des  mots  appartenant  à  la  même  famille  :  grat  (reconnais- 
sant) et  grazer  {remercier);  medik  {médecin)  et  medizin;  vit  {vie)  et 
viver;  reg  (roi)  et  regin  {reine):  di  et  quotidian;  irat  et  koler;  etc. 

l'^n  revanche,  il  n'y  a  aucune  relation  de  sens  entre  des  mots 
qui  semblent  dérivés  les  uns  des  autres  et  ont  le  môme  radical  : 
adult  et  adulter;  fund  {fond)  et  funder  i fonder)  ;  furn  (four)  et 
furner  [fournir);  las  .las)  et  laser  [laisser);  leg  {loi)  et  léger  [lire); 
livr  [livre)  et  livrer  {livrer);  ordin  {ordre,  arrangement)  et  ordiner 
{ordonner,  commander);  prest  [rapide)  et  prester  {prêter),  tent 
{lente)  et  tenter  {tenter);  mor  {mœurs)  et  morer  {mourir),  morl  (la 
mort)  et  morter  {tuer)  ;  patr  {père)  et  patrî  {patrie),  qui  ne  diffère  du 
pluriel  de  patr  que  j)ar  l'accent;  reg  [roi)  et  reger  [régner);  kapel 
{chapeau)  et  kapela  {chapelle);  kas  {cas)  et  kaset  [caisse),  etc.  lin 
somme,  l'auteur  est  parfois  indécis,  dans  la  formation  des  mots, 
entre  la  régularité  et  la  conformité  aux  langues  naturelles  (ainsi 
il  admet  à  la  fois  pensativ,  régulier  et  espagnol,  et  pensieros. 
italien);  mais  le  plus  souvent  il  sacrifie  la  régularité,  et  adopte 
telles  quelles  les  formes  latines  ou  romanes  (valer,  valor:  timer. 
timor,  timid;  nezes  =  nécessaire,  nezeser  =  avoir  besoin,  nezesiter 
=  nécessiter). 

De  même,  pour  la  relation  des  noms  de  peuples  aux  noms  de 
pays,  Vi'niversal  ne  se  pique  i)as  de  régularité,  comme  on  voit 
par  le  titre  même  de  la  Gramatik  :  Italiani,  Spanioli,  Franzesi. 
Anglesi,  Germant. 

Les  mots  composés  se  forment  comme  en  anglais  et  en  alle- 
mand :  universal-ling,  vapor-nav,  post-kart  ;  on  admet  aussi  la 
formation  romane  :  kongres  de  paz. 

Voici  la  traduction  du  Pater  en  Universal  : 

Patr  nostr,  qui  es  in  ziel.  ton  nom  ese  sanktifizet;  ton  regn  vene; 
ton  voluntat  ese  fazet  in  ter  kom  in  ziel.  Done  nos  hodi  nostr  pan 
quotidian;  pardone  nos  nostr  debiti,  kom  nos  pardon  a  nostr  debi- 
tori;  e  non  induze  nos  in  tentazioni,  ma  libère  nos  de  mal. 


G.   PEANO  :  LA'flSO  SISE  I-LEXIOSE^ 

M.  Giuseppe  Peano,  professeur  de  mathématiques  à  l'Univer- 
sité de  Turin,  membre  de  l'Académie,  royale  des  Lincei,  est  un 
des  mathématiciens  et  des  logiciens  les  plus  distingués  de  ce 
temps.  Il  a  inventé  en  1888  un  système  de  calcul  logique  qu'il 
a  appliqué  à  l'analyse  des  principes  et  des  démonstrations 
mathématiques;  il  a  fondé  en  1891  la  Revue  de  Mathémaliques 
pour  exposer  ces  recherches,  avec  le  concours  d'une  pléiade  de 
savants  qui  étudient  la  logique  et  l'histoire  des  mathématiques*. 
Il  ne  prétend  pas  inventer  une  langue  nouvelle;  il  a  surtout 
étudié  au  point  de  vue  théorique  le  problème  de  là  langue  inter- 
nationale; nous  n'avons  donc  pas  ici  à  analyser  une  langue, 
mais  à  résumer  des  vues  théoriques. 

L'origine  ou  l'occasion  de  ces  études  a  été  la  publication,  par 
M.  Couturat,  de  fragments  inédits  de  Leibniz  relatifs  à  la  langue 
universelle^.  Dans  ces  fragments,  Leibniz  esquissait  l'analyse 
logique  de  la  grammaire*.  M.  Peano  reprend  et  pousse  à  bout 
cette  analyse.  La  déclinaison  est  inutile,  car  les  cas  peuvent  être 
indiqués  et  remplacés  par  les  prépositions,  et  l'accusatif  par 
l'ordre  des  mots.  Les  genres  sont  inutiles,  au  moins  dans  les 

1.  G.  Peano,  De  latino  sine  fleiione,  dans  Revue  de  Mathématiques, 
t.  VIII  (1903);  //  Latino  quale  llngua  ausiliare  intemazionale,  dans  Atli 
délia  R.  Accademia  délie  Scienze  di  Torino  l'i  janv.  1904);  Vocabulario  de 
Latino  internationale,  comparato  cum  Anr/lo,  Franco,  Germano,  Hispano, 
Italo,  Russo,  Graeco  et  Sanscrito  (!•'  sept.  1904);  l'onnulario  Malliematico, 
îî"  édition  (Tonno,  Bocca,  1906),  contenant  une  préface  linguistique  ot  un 
Vocabulario. 

2.  Voir  L.  Couturat,  Les  principes  des  mathématiques  (Paris,  Alcan, 
1903). 

3.  La  logique  de  Leibniz  d'après  des  documents  inédits  (Paris,  Alcan, 
1901);  Opuscules  et  fragments  inédits  de  Leibniz  (Paris,  Alcan,  1903). 
M.  Couturat  avait  d'ailleurs  été  mis  sur  la  voie  de  ces  recherches  par  un 
des  disciples  de  M.  Peano,  M.  Vagca. 

4.  Voir  notre  Histoire,  p.  25-26. 


(..    l'EANO    :    LATINO    SINE   FLEXIONE  71 

adjectifs;  on  peut  les  indiquer  par  des  particules  comme  is,  ea,  id. 
Le  pluriel  est  inutile,  et  le  plus  souvent  redondant  :  quand  on 
dit  :  «  l'homme  a  une  bouche  et  deux  oreilles  »,  l'indication  de 
noml>ro  contenue  dans  les  substantifs  (singulier  ou  pluriel)  est 
Buperllue:  et  quand  il  n'y  a  aucun  mot  indi(jnant  le  nombre,  on 
peut  toujours  ajouter  un  ou  plusieurs.  La  distinction  des  per- 
sonnes du  verbe  est  évidemment  inutile;  celle  des  modes  aussi, 
car  elle  faitdoul)lo  emploi  avec  les  conjonctions;  celle  des  temps 
également,  car,  ou  bien  elle  est  superflue,  comme  quand  on 
dit  :  «  Je  vous  ai  «'crit  hier,  j'irai  demain  à  Rome  »,  ou  bien  elle 
peut  être  remplacée  par  les  adverbes  de  temps  indiquant  le 
présent,  le  passé  ou  l'avenir*.  En  résumé,  on  peut  supprimer 
toutes  les  «  flexions  »  et  réduire  les  mots  variables  à  leur  radical 
invariable. 

M.  Peano  aboutissait  ainsi,  non  pas  à  simplifier,  mais  à  sup- 
primer toute  la  grammaire  :  «  Post  reductione  qui  praecede, 
nomen  et  verbo  fie  inflexibile;  toto  grammatica  latino  evanesce  -  ». 
Quant  au  vocal)ulaire,  il  l'empruntait  au  latin,  en  réduisant  les 
noms  et  les  verbes  h  leur  radical  invariable  (suivant  des  règles 
philologiques  générales). 

Mais,  dès  l'origine,  M.  Peano  prévoyait  qu'on  devrait  admettre 
en  outre  les  mots  internationaux  modernes,  comme  melro,  dyne; 

1.  Dans  une  proinièrc  nkluclioii,  M.  Peano  conservait  les  désinences 
verbales  suivantes  :  -vi.  -nte,  -ndo.  -to,  -turo,  -r  :  l'indicatif  présent,  iden- 
tique à  l'infinitif,  était  le  radical,  c'est-à-dire  l'inlinitif  latin  moins  la  finale 
-re  (ama)  :  le  passé  était  ama-vi;  le  participe  présent  actif  ama-nte  ;  le 
participe  futur  actif  ama-turo  ;  le  participe  passif,  ama-to  ;  le  pérondif 
ama-ndo  ;  et  l'infinitif  |»assif  ama-r.  Les  mêmes  (Inales  s'appliiiuaient  à 
toutes  les  conjugaisons  latines  :  dele,  dele-vi,  dele-nte,  dele-ndo,  dele-to, 
dele-turo,  dele-r.  Les  verbes  déponents  étaient  transformés  en  actifs  : 
horta.  vere,  funge.  parti;  et  les  irréjîuliers  posse,  velle,  ferre  recevaient 
pour  radical  :  pote,  vole.  fere.  —  Mais  ces  six  formes  verbales  peuvent  être 
remplacées  par  des  périphrases  analytii|ues  : 

laudavi      =  lauda  in  passalo. 
laudante    =  (lui  lauda. 
laudando  =  dum  lauda. 
laudato      =  qui  aliquis  lauda. 
(c.-à-d.  quem  aliquis  laudat,  en  vertu  de  la  règle  (jui  fixe  l'ordre  des  mots) 

lauda-tiiro  =:qui  lauda  iti  futuro. 

Petro  lauda-r  ab  Paulo  =  l'aulo  lauda  Petto. 

2.  Ailleurs  il  dit  :  «  In  frramnuitica  minima  é  la  jrrammatica  nulla  ».  Dans 
s(ui  premier  article,  à  nu-sure  (fu'il  indiijue  une  réduction,  il  I'ai)plique  dans 
la  suite;  de  sorte  (|ue  cet  article,  commencé  en  latin  classi(iue,  s'achève  en 
latino  sine  flp.vionc. 


72  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

et  les  mots  du  latin  populaire,  qui  sont  communs  à  deux  au 
moins  des  langues  romanes  (comme  caballus\ 

Il  admettait  en  outre  la  nécessité  de  simplifier  et  de  régula- 
riser la  dérivatio*n  et  la  composition  des  mots  latins,  toujours 
en  analysant  les  formes  classiques  et  en  les  remplaçant  par  des 
périphrases  analytiques  '.  Le  substantif  abstrait  d'un  adjectif 
équivaut  à  cet  adjectif  :  bonitas  =  bono:  le  substantif  abstrait 
d'un  verbe  équivaut  à  ce  verbe  :  laudaHo=  lauda;  nmor  =  ama. 
Enfin  l'auteur  admet  la  composition  des  mots  suivant  la  méthode 
grecque  et  allemande,  les  éléments  restant  invariables. 

Le  maniement  de  cette  langue  se  réduit  donc  à  juxtaposer, 
dans  un  ordre  logique,  des  mots  et  particules  invaiiables.  «  Le 
latin  sans  flexion  est  un  peu  difficile  à  écrire;  mais  il  est  très 
facile  à  lire.  »  Quand  on  sait  le  latin,  on  comprend  cette  langue 
à  première  vue;  quand  on  ne  le  sait  pas,  on  peut  la  déchilTrer 
à  l'aide  d'un  dictionnaire  latin-national.  Et  d'ailleurs  la  plupart 
des  mots  latins  sont  connus,  étant  internationaux  (surtout  dans 
les  mathématiques,  auxquelles  M.  Peano  applique  naturelle- 
ment ce  système).  Ce  n'est  pas  une  «  langue  nouvelle  »,  comme 
sont  les  langues  artificielles,  dont  le  vocabulaire  est  toujours 
plus  ou  moins  arbitraire;  et  toutes  les  difficultés  du  latin,  qui 
résident  dans  la  grammaire,  et  qui  empochent  de  l'employer 
comme  L.  I.  pratique,  ont  disparu.  Le  Laiino  sine  Jlexione  est  plus 
simple  et  plus  facile  que  toutes  les  langues  artificielles  (qui  ont 
encore  une  grammaire)  et  il  a  l'avantage  d'un  vocabulaire  natu- 
rel. L'auteur,  qui  l'emploie  uniquement  comme  langue  écrite, 
ne  donne  pas  de  règles  de  prononciation. 

Depuis  1903,  la  Revue  de  Mathématiques  (j)artie  du  t.  VIII)  et  le 
Formulaire  de  Mathématiques  {">^  édition)  sont  rédigés  en  Latino  sine 
Jlexione;  ce  qui  implique  que  les  collaborateurs  de  M.  Peano 
emploient  cette  langue  2.  Bientôt  on  a  reconnu  l'utilité  de  la  flexion 
du  pluriel,  et  on  a  employé  à  cette  fin  un  -s  :  Theoria  de  congruen- 
tlas  intra  numéros  integro  »,  de  M.  Cipolla  K  On  emploie  comme 

1.  Par  exemple,  il  a  ((ualifié  l'un  de  nous  de  "  labor  ne-fatiga  qui  ., 
c'est-à-dire  travailleur  infatigable  (iitt.  :  (|ue  le  travail  ne  fatigue  pas).. 

2.  11  vient  de  paraître  un  traité  de  mathéinatiques  en  latino  sine  flpxione  : 
G.  Pagliero,  Applicationes  de  Calculo  infinitésimale,  1  vol.  8"  de  215  pages 
(Torino,  Paravia,  1907).  On  y  remarque  le  mol-  longore  =  lonaueur  (L.  lon- 
gitudo). 

3.  Revue  de  Mathématiques,  t.  VIII,  p.  89.  D'ailleurs,  M.  Peano  avait 
déclare  qu'il   ne  prétendait   pas  éliminer  toutes  les   flexions   dont  il   avait 


G.    l'EANO    :    LATINO    SINE    FLEXIONE  73 

démonstratif  la  particule  ce.  Un  collaborateur  anglais  emploie  vol 
comme  auxiliaire  du  futur  (me  vol  ]^nh\ica^=  je  publierai)  ci  fait 
toujours  précéder  l'infinitif  de  de  ou  ad'.  11  le  remplace  par  le 
gérondif  après  ab  :  ab  dando  ^  On  est  obligé  d'employer  les 
mots  français  à  propos,  détail,  faute  d'équivalents  latins.  Cela 
semble  indiquer  que  l'on  ne  peut  se  passer,  ni  de  quelques 
régies  de  grammaire,  ni  d'un  vocabulaire  spécial  à  la  L.  1. 

Au  surplus,  c'est  vers  le  vocabulaire  international  que  M.  Peano 
a  dirigé  ses  travaux  depuis  lors.  Dès  l'origine,  il  avait  constaté 
la  convergence  des  deux  tendances  qui  se  manifestent  aujour- 
d'hui dans  le  domaine  de  la  L.  I.  :  celle  qui  part  du  latin  clas- 
sique et  qui  tend  à  en  simplifier  la  grammaire  et  à  en  moder- 
niser le  vocabulaire,  et  celle  qui  part  de  Vexislence  de  mots 
internationaux,  et  vise  à  compléter  ce  vocabulaire  international 
et  à  lui  appliquer  une  grammaire  aussi  simple  et  neutre  que 
possible.  Parmi  les  projets  appartenant  à  cette  dernière  série,  il 
marque  une  préférence  pour  Vidiom  Neutral,  à  cause  de  la  méthode 
scientifique  avec  laquelle  il  a  élaboré  son  vocabulaire  interna- 
tional :  «  c'est,  dit-il,  un  vaste  recueil  de  faits  indiscutables  ». 
Et  il  constate  que  tous  ces  projets,  internationaux  ou  néo-latins, 
se  ressemblent  de  plus  en  plus,  au  point  de  «  paraître  des  dia- 
lectes d'une  même  langue  »,  et  ressemblent  aussi  l)eaucoup  aux 
langues  romanes,  filles  du  latin,  notamment  au  français  et  à 
l'italien  ^. 

Cette  ressemblance,  qui  indique  «  que  la  question  est  mûre  », 
vient  surtout  de  ce  fait  que  presque  tous  les  mots  internationaux 
sont  d'origine  latine,  fait  qu'explique  suflisanmient  l'histoire  de 
la  civilisation  européenne.  M.  Peano  a  été  ainsi  conduit  à  étu- 
dier le  vocabulaire  latin  au  point  de  vue  de  son  internationalité 


prouvé  l;i  iinn-ii('cesï<ité  ;  il  adiiicl  ([iruiic  (loxiou  iiuililc  au  point  de  vue 
l(if;i(|iio  soit  util»'  ot  conuuodo  en  prati(iue  :  e.x.  le  participe,  bien  (|ue  :  lau- 
dante  =  qui  lauda,  et  le  passif  (sufdxe  re),  hien  iiu'on  puisse  s'en  passer 
en  renversant  la  proposition. 

1.  Ifjid.,  p.  122,  note  2;  et  passim. 

2.  I/nd.,  p.  132. 

3.  S'otilias  supur  linç/ua  internationale,  en  Revue  de  Mathf'maliqueSy 
t.  VIII,  p.  159.  M.  PfiANO  a  commis  en  cet  endroit  une  méprise  :  M.  Michaux, 
voulant  montrer  (|ue  le  Seulnd  et  le  Panroman  ne  diffèrent  jruère  de  l'Kspe- 
ranlo  (|ue  par  Tabsence  des  flexions  ;rrnmmaticales,  ji  traduit  des  spécimens 
de  ces  deux  idiomes  en  Espéranto,  en  supprimant  les  llexions  de  celle  der- 
nière iaufrue;  M.  Peano  a  cru  (|u"il  s'apissail  d'un  nouveau  projet  de  L.  1, 
appelé  Espéranto  sen  lerno,  (|ui  serait  un  Espéranto  sine  flexione. 


74  SYSTÈMES   A  POSTERIORI 

actuelle,  et  à  rechercher  les  éléments  latins  qui  sont  communs 
aux  six  principales  langues  européennes,  ou  du  moins  à  la  plu- 
part d'entre  elles.  Nous  ne  pouvons  analyser  ici  ce  travail,  dont 
le  détail  seul  est  intéressant.  Nous  citerons  seulement,  comme 
exemples  caractéristiques,  les  formes  que  INI.  Peano  trouve  pour 
les  noms  de  nombre  '  :  un,  du,  tri,  quar,  quin,  sex,  sep,  oct,  nov, 
dec,  cent,  mil;  le  radical  absolument  international  du  verbe  e/re, 
qui  est  es;  les  formes  que  M.  Peano  assigne,  par  des  considéra- 
tions linguistiques,  à  l'article  défini  :  o  (masc),  a  (fém.),  to 
(neutre);  les  pronoms  personnels  :  me,  te,  nos,  vos;  se:  les  pro- 
noms démonstratifs  :  isto,  illo;  le  relatif  :  que;  les  indéfinis  : 
omni,  uUo,  nulle,  alio,  multo,  pauco.  Les  prépositions  et  conjonc- 
tions sont  latines  (post  est  pris  sous  sa  forme  primitive  pos); 
l'auteur  remarque  que  les  conjonctions  sont  la  partie  la  moins 
internationale  du  vocabulaire. 

Enfin,  l'analyse  des  formes  internationales  et  latines  a  amené 
M.  Peano  à  dégager  les  éléments  des  mots  ^racines,  affixes  et 
llexions)  et  à  élaborer  une  «  grammaire  rationnelle  »  analogue  à 
celle  que  Leibniz  esquissait  dans  ses  brouillons  manuscrits.  On 
désignera,  pour  abréger,  le  substantif  ou  nom  par  N,  l'adjectif 
par  A,  le  verbe  par  V.  De  l'équivalence  : 

me  vive  =  me  es  vivo  =  me  habe  vita 

on  conclut  que  : 

V  =  es  +  Ar=habe  +  N, 

d'où  : 

es  =  V  —  A,    habe  =  V  -  N, 

ce  qui  est  une  façon  symbolique  de  dire  que  es  sert  à  former 
un  verbe  avec  un  adjectif,  et  habe  à  former  un  verbe  avec  un 
substantif.  On  a  d'autre  part  : 

que  vive  =  vivo, 

c'est-à-dire  : 

que  +  V  =  A,    que  =  A  — V  — —  es. 

Cela  signifie  (et  montre)  que  que  exprime  la  relation  inverse  du 

1.  Nous  avons  remarqué,  au  cours  de  nos  études  sur  les  lanp'ues  artifi- 
cielles, que  les  formes  ([ue  chacune  d'elles  adopte  pour  les  noms  de  nombre 
caractérisent  son  degré  d'internationalité  (v.  Histoire,  p.  550).  Sur  ce  point 
se  manifeste  en  j)articulier  la  convergence  constatée  par  M.  Peano  et  par 
nous-mêmes. 


G.    PEANO    :    LA  UNO   SINE   FLEXIONE  75 

verbe  être;  et  en  effet,  «  qui  est  beau  =  beau  »  :  qui  et  esl  se 
détruisent  mutuellement  (ce  qu'exprime  symboliquement  l'éga- 
lité :  que  -f  es  =  0). 
Le  participe  actif,  on  l'a  vu,  équivaut  au  relatif  : 

clamante  =  que  clama 
de  sorte  que  : 

-nte  =  que  =  —  es 

Et  en  elîot,  le  participe  es-ente  a  une  valeur  nulle;  il  n'existe 
pas  en  latin. 

Le  suffixe  -nte  a  pour  synonyme  le  suffixe  -tore  qui  désigne 
souvent  l'agent  ou  le  professionnel  : 

laudatore  =  que  lauda  :=  laudante, 

donc  : 

-tore  =  -nte. 

Voyons  maintenant  la  relation  du  substantif  et  de  l'adjectif. 
De  l'équivalence  : 

habe  libertate  =:  es  libero 
on  conclut  : 

libertate  —  libero  =  es  —  habe  —  (V  —  A)  —  (V  —  N)  =  N  —  A  '. 

Ainsi  le  suffixe  -tate  est  la  «  différence  »  symbolique  du  nom  et' 
de  l'adjectif,  c'est-à-dire  qu'il  sert  à  transformer  un  adjectif  en 
.  substantif  de  qualité-. 

De  môme,  de  léquivalence  : 

gaudioso  --  habente  gaudio  =  cum  gaudio 

on  déduit  : 

-oso  =  cum  =  habente  =  que  habe  =  (A  —  V)  -f  (V  — -  N)  =  A  -—  N 

Ainsi  le  suffixe  -oso  ^^^qui  a,  pourvu  de)  est  l'inverse  du  suffixe 
-tate  :  il  sert  à  transformer  le  nom  de  qualité  en  un  adjectif. 

M.  Peano  remarque  encore  qu'un  participe  (A  —  V)  équivaut  à 

une  préposition  : 

sequente  me  =  post  me  : 

inversement,  le  verbe  èlre  joint  à  une  préposition  équivaut  à  un 

verbe  actif  : 

es  post  =  seque. 

1.  Nous  ne  pouvons  évidemment  expliquer  ici  on  diHnil  ce  rnlcul  symbo- 
lique. 

2.  Ceci  contredit  et  corriffo  riclentiflcation  antérieure  (l»>  hojiilas  el  de 
bono. 


76  SYSTEMES   A    POSTERIORI 

Pour  étudier  les  relations  de  l'actif  et  du  passif,  il  convient 
d'introduire  un  symbole  de  conversion,  C,  défini  comme  suit  : 

Paulo  lauda-C  Petro  =  Petro  lauda  Paulo. 

On  voit  que  ce  symbole  a  pour  effet  de  renverser  la  relation 
exprimée  par  le  verbe;  il  correspond  au  passif:  lauda  -C=:laudar 
ab.  Il  ne  s'applique  pas  seulement  aux  verbes  :  praecede  C  = 
seque,  mais  aux  prépositions  :  prae  C  =  post.  Mais  on  a  dautre 
part  l'équivalence  : 

pâtre  ama  filio  =  filio  es  amato  ab  pâtre 

d'où  l'on  conclut  que  : 

es  +  -to  =  C 
ou  : 

to=3A-V  +  C 

Telle  est  la  «  valeur  »  du  suffixe  du  participe  passif.  Or,  soit 
liberato  (participe  passif  de  liberare  —  délivrer);  il  équivaut  à 
libero  {libre),  donc  : 

libéra  +  A  —  V  +  C  —  libero 
libéra  —  libero  =  V  —  A  —  C 

Or  la  «  différence  »  de  libéra  et  libero  est  le  verbe  :  fac,  redde 
(suffixe  latin  -ficare).  On  voit  qu'il  est  l'inverse  du  suffixe  -to  :  (>t 
en  effet  les  deux  se  détruisent  :  liberato  =  libero. 

Nous  bornerons  là  cette  analyse,  en  citant  encore  la  curieuse 
série  suivante  :  d'un  adjectif  X  on  peut  déduire  ;i  autres  mots 
par  les  opérations  suivantes  : 

X  =  sano  {sain)  ; 

X  +  V  —  A  =  sanesce  {devenir  sain)  ; 

X  +  N  —  A  =  sanitate  {qualité  de  sain  )  ; 

X  +  G  =  sanatore  {qui  rend  sain); 

X+V  —  A+C  =  sana  {rendre  sain)  ; 

X+N  —  A+C  =  virtute  de  sana  {pouvoir  de  rendre  sain). 

Les  3  premiers  mots  s'opposent  aux  3  derniers  comme  le  passif 
à  l'actif. 

On  voit  que  ces  théories  de  logique  grammaticale  ont  une 
portée  générale;  elles  peuvent  s'appliquer  à  l'analyse  et  à  la  cri- 
tique de  n'importe  quelle  langue,  naturelle  ou  artificielle.  Quant 
au  vocabulaire  de  M.  Peano,  c'est  un  précieux  recueil  de  données 
linguistiques  intéressantes  et  précises. 


J.    HUMMLER    :    MUNDEUNGVA^ 

L'alphabet  est  celui  du  latin,  sans  q  ni  y,  et  avec  s  (pro- 
noncé ch). 

Les  substantifs  masculins  se  terminent  en  o,  féminins  en  a, 
neutres  en  e  :  patro  ;  patra,  mère. 

La  déclinaison  so  fait  an  moyen  de  prépositions  :  da  patro  = 
du  père,  de  patro  =  au  père,  di  patro  = /e  père  (accusatif).  Le 
pluriel  se  forme  au  moyen  de  s  :  patro8  =  /es  pères.  II  ne  parait 
pas  y  avoir  d'article. 

L'adjectif  invariable  se  termine  par  i.  Ses  degrés  se  forment, 
le  comparatif  en  ajoutant  ori,  le  superlatif  en  ajoutant  osi  : 
maigm  =  grand,  magniori  =p///s  grand,  magniosi^/e  plus  grand. 
Ils  peuvent  s"appli([uer  aussi  aux  substantifs. 

Les  noms  de  nombre  sont  :  uno,  duo,  trio,  karo,  kino.  seto,  sito, 
oto.  novo,  deko  ;  duos  =  20  -,  zento  —  100  ;  milo. 

Nombres  ordinaux  :  uneto,  dueto,  etc.  Adverbes  ordinaux  : 
nnanào  =  premièrement.  Nombres  multiplicatifs  :  duoma  =  deao- 
fois.  Nombres  fractionnaires  :  duoparte  =  demi,  moitié.  Nombres 
distributifs  :  a  duo  =à  deux.  Substantifs  numéraux  :  uner  =  Hrti7é. 

Los  pronoms  personnels  sont  :  ego,  je;  elo,  tu;  ero,  il;  efo,  elle;  eso, 
//(neutre);  egos,  nous;  elos,  vous;  eros.  efos,  esos  ;  eliso  =  vous 
(de  politesse).  Ils  se  déclinent  comme  suit  : 


Nom.  : 

ego 

egos 

Gén.  : 

ega 

egas 

Dat.  : 

ege 

eges. 

Ace.  : 

egi 

egis. 

1.  Mundelingva.  Problem  einer  interna tionalen  Verkehrs-Sprache  fur 
aile  Menschen.  Auf  lalfinischcr  GnunIInjrc.  Kurzqefasste  Grammalik  mit 
Wôrterbuch,  von  Iiu.M.MLKn  John  (t  brochure  <h'  8  pajros,  choz  l'auteur, 
Saulgau,  1904). 

2.  20  est  le  pluriel  de  2,  comme  en  Volapùk. 


78 


SYSTEMES   A    POSTERIORI 


Le  pronom  réfléchi  est  isi  (soi). 

Les  pronoms  possessifs  se  forment  par  l'adjonction  de  i  au 
génitif  des  personnels  :  egai,  egasi,  etc. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  do=^celui;  iào  ^  celui-ci  ;  ilo  = 
celui-là  ;  iodo  =  le  même  ;  ipso  =  même  ;  omno  =  chaque,  omnos  = 
tous  ;  nono  =  aucun  ;  nemo  =  personne  ;  alido  =  un  autre  ;  talo  =:  tel, 
gvalo  =  quel. 

Le  pronom  interrogatif  est  :  kis  =  (yuoi,  ]s.i80^=qui.  Le  pronom 
reZa/i/ (distinct  du  précédent)  est:  kelo  =  qui .  Tous  ces  pronoms 
se  déclinent  par  les  finales  a,  e,  i. 

La  conjugaison  s'effectue  entièrement  par  des  auxiliaires  :  hava 
pour  l'actif,  veda  pour  le  passif.  Soit  le  radical  ame  =  amour. 
On  a  les  formes  suivantes  : 


ACTIF 

Indicatif  présent  :  (hava)  ame 

—  imparfait  :  havae  ame 

—  parfait  :  hâve  ame 

—  plus-que-parfait  :  havi  ame 

—  futur  :  havo  ame 

—  futur  antérieur  :  havu  ame 
Subjonctif  présent  : 


—         passé 
Conditionnel  : 
Optatif  : 
Impératif  : 
Infinitif  présent  : 

—       passé  : 
Participe  : 


eva  ame 
eve  ame 
vida  ame 
amare 
amaro 
amire. 
hâve  amire. 
amando 


PASSIF 

veda  ame. 
vedae  ame. 
vede  ame. 
vedi  ame. 
vedo  ame. 
vedu  ame. 
eveda  ame. 
evede  ame. 
voda  ame. 
veda  amare. 
veda  amaro. 


amati. 


Le  verbe  être  — sumire  se  conjugue  comme  suit  :  Indicatif 
présent  :  sum(a),  parfait  :  sume,  etc.  Subjonctif  présent  :  sim(a), 
passé  :  sime,  etc. 

Les  adverbes  dérivés  se  terminent  en  io;  ils  forment  leurs 
degrés  par  iori,  iosi,  comme  les  adjectifs. 

Le  vocabulaire  comprend  les  mots  latins,  internationaux  et 
techniques,  inaltérés,  sauf  par  la  finale.  Les  prépositions  et  con- 
jonctions sont  empruntées  au  latin,  et  plus  ou  moins  modifiées. 
Oui  se  dit  ju;  non,  no. 

L'auteur  admet  quelques  préfixes,  qui  sont  des  prépositions 
latines  (ah,  ad,  ex,  in,  kon,  kontra,  per,  pro,  re,  sub,  super,  etc.) 


.1.    IIUMMLER    :    Ml.NUELl.NGVA  79 

auxquelles  il  faut  ajoulerma,  préfixe  augmentatif,  et  mi  ou  mis, 
préfixe  diminutif  ( madome —paZais,  midome  =  cabane),  et  quel- 
ques suffixes  dont  les  i)rincipaux  sont  :  an  (habitant),  arium 
(collection),  ero  (profession),  ate  (action),  ite  (qualité),  ine  (dimi- 
nutif), or,  ator  (agent).  Il  y  a  des  préfixes  de  parenté  :  pofilio  = 
petit-fils,  pofrato  =  neveu  ;  kofrato  =  beau-frère,  kopatro  =:  beau-père  ; 
et  un  suffixe  es  indiquant  l'héritier  présomjjtif  :  regeso  :=  prince- 
royal. 

L'auteur  annonce  qu'il  a  en  manuscrit  une  grammaire  et  un 
vocabulaire  complets. 


A.    ZAKRZEWSKl    :    LINGLA   INTERNAClONALi 

M.  Adam  Zakrzevvski,  membre  de  la  Délégation,  secrétaire-f?érant 
de  la  Société  pour  V encouragement  de  l'industrie  et  du  commerce  de 
Varsovie,  membre  collaborateur  de  l'Académie  des  Sciences  de 
Cracovie,  a  publié  en  1905,  en  polonais,  un  ouvrage  intitulé  :  La 
langue  internationale  :  histoire,  critique,  conclusions.  Dans  un  l*""  cha- 
pitre, il  expose  l'état  de  la  question,  l'œuvre  entreprise  par  la 
Délégation,  et  les  résultats  de  sa  propagande.  Au  chap.  ii,  il  passe 
en  revue  les  principaux  projets  ou  essais  de  L.  I.,  sauf  les  trois 
nommés  ci-après.  Au  chap.  m,  il  fait  un  exposé  original  el 
détaillé  des  principes  et  de  la  grammaire  de  V Espéranto.  Au 
chap.  IV,  il  analyse  (plus  brièvement)  la  Langue  bleue;  et  au 
chap.  V,  Vidiom  Neutral.  Le  chap.  vi  contient  la  critique  et  les 
conclusions.  L'auteur  appelle  l'attention  de  la  Délégation  (ou 
plutôt  de  son  Comité)  sur  les  points  suivants  :  inutilité  des  lettres 
accentuées;  inutilité  de  l'article;  nécessité  de  particules  spéciales 
pour  indiquer  les  cas;  utilité  de  formes  spéciales  pour  les 
nombres  20,  30....  90:  puis  il  adresse  à  VEsperanto  en  particulier 
quelques  critiques  :  le  vocabulaire  n'est  pas  assez  homogène; 
la  finale  a  des  adjectifs  est  contraire  à  l'internationalité  (qui  lui 
assigne  le  sens  du  féminin);  on  abuse  de  certains  préfix^es 
(notamment  mal),  et  de  la  régularité  des  dérivations  (quelques 
féminins  irréguliers  seraient  utiles).  L'ouvrage  se  termine  par 
3  appendices  :  le  3»^  contient  une  liste  chronologique  des  divers 
projets  de  L.  L;  le  2%  une  étude  sur  l'alphabet  tel  qu'il  est  dans 
les  langues  européennes  et  tel  qu'il  devrait  être  dans  la  L.  I; 
enfin  le  !«'•  contient,  à  titre  de  document,  V  «  esquisse  d'un  projet  » 
de  L.  I.  élaboré  par  l'auteur  en  1896.  11  s'est  depuis  lors  rallié  à 

1.  Jezijk  Miedzijnaroilowy  :  Hislorya,  Krytyka,  Wnioski,  pur  Adam 
Zakrzevvski,  1  vol.  8°  de  150  pages  (Varsovie,  Arct,  1905). 


A.    ZAKRZEWSKI    :    LINGUA   INTERNACIONAL  81 

VEsperanto*,  et  il  ne  considère  plus  son  projet  que  comme  un 
document  historique,  et  comme  l'expression  de  certaines  idées 
ou  préférences  théoriques  *.  C'est  à  ce  titre  que  nous  le  présen- 
tons ici. 

Grammaire, 

L'alphabet  se  compose  des  25  lettres  de  l'alphabet  romain,  avec 
les  prononciations  suivantes  :  c  =  ts,g  dur,  j  =j  F.,q  =  Ich,  u  =  ou, 
x=c/i  D.,  Y  =  ch  F.  (s/iE.,  sc/iD.),  z^::F,  L'auteur  fait  remarquer 
que  cet  alphabet  fournit  une  orthographe  absolument  phoné- 
tique; qu'il  supprime  tous  signes  diacritiques,  digrammes  et 
diphtongues  ^,  et  qu'il  permet  d'imprimer  un  texte  dans  toutes 
les  imprimeries  du  monde  *. 

Vaccent  est  sur  la  dernière  syllabe  des  mots  finissant  par  une 
consonne,  et  sur  l'avant-dernière  syllabe  dos  mots  finissant  par 
une  voyelle.  Font  exception  le  suffixe  ità(nece8ità),  et  les  finales 
verbales,  qui  ont  l'accent  sur  leur  a  initial. 

Il  n'y  a  pas  d'article.  L'auteur  le  juge  inutile,  puisque  les  lan- 
gues slaves  et  le  latin  s'en  passent. 

Les  substantifs  se  déclinent  au  moyen  des  particules  (préposi- 
tions) del  (génitif),  al  (datif),  el  (accusatif),  ol  (ablatif).  Ils  forment 
leur  pluriel  en  ajoutant  i  au  radical,  ou  en  le  substituant  à  la 
voyelle  finale  :  vir,  viri;  lupo,  lupi;  terra,  terri. 

Les  féminins  dérivés  se  forment  au  moyen  du  suffixe  in  :  bovo, 
bovin.  Il  y  a  dix  féminins  irréguliers  ou  indépendants  •  :  mater 
(pater),  soror  (frater),  femina  (homo),  mulier  (vir),  {femme,  homme 
mariés),  virgin  (juveno),  etc. 

1.  11  es^t  trésorier  du  groupe  espérantiste  de  Varsovie,  et  vient  de  publier 
une  Gramatykajezijka  Espéranto  (Arct,  1907). 

2.  L'auttMir  ne  counaissait,  au  cours  do  son  travail,  quo  VEsperanlo,  le 
VolapUk,  la  Langue  bleue,  et  le  Sov  Latin  du  IV  Rosa.  Il  s'est  inspiré  de 
VEsperanlo  pour  la  ^raunnaire  et  du  Sov  Latin  pour  le  vocabulaire.  Il 
nous  avait  couiiuuniciué  une  traduction  française  de  son  projet  dès  le  mois 
de  déccnibre  1!)03. 

:{.  Les  voycl!(>s  i,  u,  devant  ou  après  une  autre  voyelle,  se  prononcent 
brièvement,  comme  des  demi-voyelles  ou  des  consonnes. 

4.  Si  l'on  répugnait  trop  à  donner  à  q  le  son  Ich,  l'auteur  propose  de 
donner  ce  son  à  c,  et  do  remplacer  la  lettre  c  par  la  lettre  s.  Au  lieu  de  y, 
il  i>roi>oscrait  l'h  renversé  de  M.  Bollack,  c'est-à-dire  la  lettre  russe  qui 
ligure  le  son  Ich. 

.").  L'auteur  soutient  à  ce  sujet  que  mère,  sœur  ne  sont  pas  [troprement 
les  féminins  de  père,  frère.  C'est  une  opinion  qui  a  été  émise  depuis  par 
M.  le  Prof.  Leskien,  de  Leipzig. 

CouTURAT  ET  Leau.  —  NouvoUcs  L.  I.  6 


^  SYSTEMES  A   POSTERIORI 

Uadjectif  est  invariable,  sauf  quand  il  est  employé  substanti- 
vement :  et  alors  il  prend  la  forme  des  substantifs. 

Les  degrés  se  forment  au  moyen  des  particules  suivantes  : 
ma.s=^ plus,  aimas  =  le  plus,  min  =  moins,  almin=/e  moins;  to  = 
autant.  On  emploie  ke  après  les  comparatifs,  de  après  les  super- 
latifs. 

Six  adjectifs  ont  des  degrés  irréguliers,  parce  que  ceux-ci 
sont  racines  de  mots  internationaux  :  bon,  melior,  optimal; 
mal,  peior,  pesimal;  grand,  maior,  masimal;  parv,  minor,  minimal; 
ait,  superior,  supremal;  inf,  inferior,  infimal. 

Les  nombres  cardinaux  sont  :  un,  du,  tri,  kar,  kin,  ses,  set,  ok, 
non,  dez;  dinta  (20),  trinta,  karinta,  kininta,  sesinta,  septinta, 
oktinta,  noninta;  cento,  mil.  11  =  undez;  12=:dudez:  13  = 
tridez  •,  etc. 

Les  adjectifs  ordinaux  se  déduisent  des  précédents  au  moyen  du 
suffixe  -al  (des  adjectifs  dérivés)  :  unal,  dual  ^....  Les  adjectifs 
multiplicatifs,  au  moyen  du  suffixe  obi;  les  nombres  fraction 
naires,  au  moyen  du  suffixe  on;  les  distributifs,  au  moyen 
du  suffixe  nu  :  trinu  =  trois  par  trois  ;  les  nombres  collectifs,  au 
moyen  du  suffixe  ena  :  dezena=  dizaine;  enfin  les  nomlires  d'es- 
pèces, au  moyen  du  suffixe  -ik  :  unik  =  unique,  trinik  =  de  trois 
sortes. 

Les  pronoms  personnels  sont  au  sing.  :  me  !'*=),  tu  (2'),  vo  (2"  p. 
polie),  il  (3"  m.),  la  (f.),  lo  (n.);  au  pluriel  :  noi,  voi,  11.  Le  pronom 
réfléchi  est  se  ;  l'indéfini  :  on. 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  meal,  tuai,  voal,  ilal,  lai,  loi  ;  noal, 
voal,  liai,  seal. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont  :  ti,  ta,  to  =^  celui-ci,  celle-ci,  ceci  ; 
is,  ea,  id  =  celui-là,  celle-là,  cela  (pluriel:  ii,  ei,  idi). 
Les  pronoms  interrogatifs-relatifs  sont  :  ki  =  qui,  kod  =  quoi. 
Les  principaux  pronoms  indéfinis  sont  :  nul  =  aucun,  nemo  = 
personne,  nil  =  rien  ;  altr  =  autre,  neutr  =  ni  Vun  ni  l'autre.  Au 
surplus,  l'auteur  adopte  tous  les  pronoms  latins  :  kidam,  kodam; 
isdem,  eadem,  idem  ;  kilibet,  kolibet;  aliki,  alikod,  etc. 

Il  admet  une  corrélation  entre  les  démonstratifs  et  les  relatifs  : 
tel,  kel  ;  tant,  kant  ;  tôt,  kot,  etc. 
Les  verbes  suivraient  la  conjugaison  suivante  :  l'infinitif  ajou- 

1.  Cette  irrégularité  a  pour  but  d'éviter  des  confusions  possibles   :   du, 
ièktri;  dudek,  tri  et  dudek-tri  (en  Espéranto). 

2.  On  ajoute  un  t  à  kar  et  à  ok  dans  tous  les  dérivés. 


A.    ZAKRZEWSKI    :    LINGUA   INTERNACIONAL  83 

torait  -ar  au  radical  ;  l'indicatif  présent,  -am;  l'imparfait,  -avam; 
le  passé  défini,  -avim  ;  le  plus-quc-parl'ait,  -averam;  le  futur, 
-abom;  le  futur  antérieur,  -abebom  ;  le  conditionnel  présent, 
-ambo  ;  le  conditionnel  passé,  -avimbo;  l'impératif,  -ud;  l'optatif, 
-aq  ;  les  participes  actifs,  présent:  ant,  passé:  -avant,  futur: 
-abont  ;  les  participes  passifs,  présent  :  -at,  passé  :  -aval,  futur  : 
-abot. 

Le  passif  SG  forme  au  moyen  du  verbe  estar  {être)  ei  du  parti- 
cipe passif.  Le  complément  du  passif  est  précédé  de  la  préposi- 
tion den. 

Les  verbes  réfléchis  se  forment  avec  se  à  toutes  les  personnes 
(comme  en  russe). 

Les  verbes  impersonnels  n'ont  pas  de  sujet  grammatical  :  pluam 
=  il  pleut.  L'interrogation  est  marquée  (à  défaut  d'un  mot  intcr- 
rogatif)  par  la  particule  qu. 

Les  adverbes  dérivés  se  forment  en  ajoutant  -e  aux  adjectifs  : 
bone,  facile,  vokale,  reale.  Ils  forment  régulièrement  leurs  degrés, 
sauf:  bone.  meliore,  optime;  maie,  peiore,  pesime  ;  grande,  magis, 
masime  ;  parve,  minus,  minime. 

Les  principaux  adverbes  primitifs  sont  :  ice  =  ici,  ibie  =:  là  ; 
sube  =  en  bas,  supre  =  en  haut  ;  prope,  vicine  =  auprès;  prokule  = 
loin  ;  destre,  sinistre  ;  ubie  =  où,  unde  =  d'où,  omne  =  partout, 
aliunde  =  ailleurs,  alice  =  n'importe  où  ;  —  nune  =  maintenant, 
olime  =  jadis,  nupre  =  récemment,  sempre  =  toujours,  nunce  = 
Jamais,  hodie  =  aujourd'hui,  hère  =  hier,  crase  =  demain  ;  kande 
:=  quand,  alikande  =  n'importe  quand  ;  —  multe  =  beaucoup,  sate  =^ 
assez,  nimie  =  trop,  tante  =  autant  ;  —  si  =  oui,  ne  =  non. 

Les  principales  prépositions  sont  :  ab  =  de,  ad  =  vers,  ante  = 
avant,  cis  =  en  deçà  de,  ultra  =  au  delà  de,  in  =  dans,  ekce  =  hors 
de,  kum  =  avec,  sine  =  sans,  per,  post,  pro,  prêter,  super,  sub  ; 
ver  =  l'ers.  11  y  a  une  préposition  de  sens  indéterminé  ob  (cf.  je 
Espéranto). 

Les  principales  conjonctions  sont  :  e  =  e<,  or  =  aut=  ou,  eciam 
=  aussi,  vel  =  oh  bien,  ergo  =  donc,  nam  =  car,  sed  =  mais,  se  = 
si,  kia  =  parce  que,  ut  =  pour  que,  post  kam  =  après  que. 

Vocabulaire. 

L'auteur  emprunte  autant  que  possible  ses  mots  au  latin,  par 
raison  d'homogénéité,  et  parce  que  la  plupart  des  mots  interna- 
tionaux sont  d'origine  latine.  11  trouve  que  le  mélange  de  racines 


34  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

d'origine  diverse  déconcerte  môme  ceux  qui  les  connaissent, 
parce  qu'ils  ne  s'attendent  pas  à  retrouver  une  racine  germanique 
au  milieu  de  mots  romans. 

Il  donne  des  règles  pour  l'orthographe  des  mots  latins  ;  les 
noms  de  la  4''«  déclinaison  gardent  l'a  du  nominatif  :  vita,  terra  ; 
ceux  de  la  2'=  remplacent  par  o  Vi  du  génitif  :  lupo,  templo,  agro, 
puero  ;  ceux  de  la  4"  changent  us  ou  u  en  o  :  frukto,  kanto,  domo, 
korno  ;  ceux  de  [la  5''  perdent  Vs  final  :  re,  die,  facie  ;  ceux  de  la 
3"  deviennent,  suivant  les  cas  :  honor,  animal,  nomen,  mare,  poema  ; 
liberta,  virtu,  opero,  oso,  oro,  doto,  pedo,  nokto,  lapido,  dento, 
milite,  lego,  ordino,  naciono  (exception  :  homo). 

Il  y  a  des  adjectifs  primitifs,  qui  subissent  les  mêmes  règles: 
bon,  ait,  fidel,  stult,  long,  felic.  Quant  aux  adjectifs  dérivés,  ils 
se  forment  au  moyen  du  suffixe  al  (en  supprimant,  s'il  y  a  lieu, 
la  voyelle  finale  du  substantif)  :  vital,  vokal,  glorial,  pedal. 

Pour  obtenir  l'infinitif  des  verbes,  il  suffit  de  remplacer  l'o  de 
l'indicatif  présent  latin  (f"  pers.  sing.)  par  -ar:  amar,  monear, 
legar,  audiar. 

L'auteur  admet  en  outre  les  mots  internationaux  non  latins  : 
statistika,  psixologia,  telefon,  ventilator,  lokomotiv,  automobil, 
metr,  gram,  atom,  brom,  fosfor,  tifus,  astma,  bal,  koncert,  opéra, 
bar,  hôtel,  restoran,  bank,  qek,  frak,  sport,  vagon,  park,  trotuar,  etc. 
Mais  il  substitue  aux  dérivés  nationaux  les  dérivés  réguliers  et 
propres  à  sa  langue  :  homal,  bankal,  sistem  metral  ;  telefonar  ;  etc. 

Pour  les  noms  de  pays,  ils  conservent  leur  forme  latine  ou 
prennent  une  forme  analogue  :  Europa,  Asia,  Afrika,  Amerika  ; 
Francia,  Polonia,  Anglia,  Russia,  Germania,  Dania. 

Les  noms  des  habitants  se  forment,  pour  les  5  parties  du 
monde,  au  moyen  du  suffixe  -ano  :  Europano,  Amerikano  ;  et  pour 
les  autres  pays,  en  remplaçant  ia  par  -o  :  Anglo,  Polono....  Fémi- 
nins :  Amerikanin,  Polonin.  Adjectifs  :  amerikal,  italial. 

Pour  la  dérivation,  nous  connaissons  déjà  les  suffixes  o,  al, 
ar,  e  qui  servent  à  former  le  substantif,  l'adjectif,  le  verbe  et  l'ad- 
verbe d'une  même  famille  :  voko,  vokal,  vokar,  vokale  ;  et  le  suf- 
fixe du  féminin  in.  Il  y  a  en  outre  : 

-ità,  qui  forme  les  substantifs  de  qualité  :  félicita,  fidelità  ; 

-ist,  qui  forme  les  noms  des  professionnels  ou  des  partisans  : 
artist,  botist,  buddist,  monarxist  ; 

-ism,  qui  forme  les  noms  de  doctrines  :  buddism,  monarxism. 

ne-  marque  l'absence  ou  négation  :  nefidel. 


A.    ZAKRZEWSKI    :    LINGUA   INTERNACIONAL  85 

pre-  marque  un  degré  élevé  :  prelaudar. 

semi-  signine  la  moitié  :  semihora,  seminsula. 

dis-  marque  désunion  ou  dissémination  :  disharmonia,  disse- 
minar. 

Les  prépositions  servent  de  préfixes  avec  leur  sens  ordinaire  : 
ear  =  aller,  abear  =  s'en  aller,  inear  =  entrer,  ekcear  =  sortir, 
antear  =:  précéder,  postear  =  suivre,  etc. 

Dans  le  2"  appendice,  l'auteur  expose  en  détail  les  raisons  qui 
l'ont  conduit  à  adopter  son  alphabet  et  qui  lui  paraissent  le  jus- 
tifier. Il  constate  d'abord  qu'aucune  de  nos  langues  naturelles 
(sauf  l'espagnol)  n"a  une  orthographe  rigoureusement  phoné- 
tique ;  une  même  lettre  y  représente  plusieurs  sons,  et  le  même 
son  y  est  figuré  par  plusieurs  lettres  ou  groupes  de  lettres.  Il 
pose  en  principe  que  la  L.  I.  doit  avoir  une  orthographe  phoné 
tique  :  à  chaque  son  doit  correspondre  une  lettre,  et  à  chaque 
lettre  un  son.  Il  en  conclut  qu'il  faut  exclure  les  diphtongues  et 
les  digrammes;  d'autre  part,  il  est  très  désirable,  pour  la  com- 
modité pratique,  qu'on  n'emploie  aucun  signe  diacritique.  Il 
faut  renoncer  à  l'ambition  chimérique  (de  quelques  auteurs  de 
L.  I.)  d'introduire  dans  l'alphabet  international  tous  les  sons  des 
diverses  langues  ;  l'alphabet  phonétique  de  M.  Pereira  ',  qui  s'ap- 
plique à  40  langues  européennes,  comprend  une  centaine  de 
lettres.  Il  faut  d'ailleurs  n'admettre  que  des  sons  purs  et  bien 
distincts,  et  non  pas  des  nuances  aisées  à  confondre,  comme 
é,  è,  é.  UEsperanto  a  raison  de  n'admettre  que  les  cinq  voyelles 
a,  e,  i,  0,  u  ;  mais  il  a  le  tort  d'admettre  des  diphtongues  (formées 
par  les  demi-consonnes  j  et  û),  et  cela  sans  doute  pour  éviter  le 
déplacement  de  l'accent  (dans  hodiaû,  aùdi,  homoj,  belaj,  Polujo)  ; 
et  la  preuve  en  est  qu'il  laisse  subsister  11  demi-consonne  là  où 
il  n'apasd'inlluence  sur  l'accent  (cielo,  manière).  Il  a  o  consonnes 
accentuées  ;  parmi  elles,  le  son  g  paraît  inutile,  et  peut  au  besoin 
être  représenté  pardj.  Les  4  autres  :c,  s,  jet  h  représentent  au  con- 
traire des  sons  indispensables  àla  L.  1.  (le  remplacement  de  h  par 

1.  José  Ma  Arloagn  Pereira,  Alphabet  phonétique  des  principales  langues 
usuelles  (1900).  Cf.  Studkr,  Essai  de  réforme  orthographique  internationale 
en  40  langues  (Pari;;,  Dcla^^rravc,  1902).  Sur  (ctlc  (luosUoii  tli*  l'alpliabot 
|)honéti(iU('  inU'rnational,  consulter  :  Exposé  des  principes  de  l\issociation 
phonétique  internationale,  1  broihure  par  Paul  Passy;  t't  Christian  Garnies, 
Méthode  de  transcription  rationnelle  générale  des  noms  géographiques 
(Paris,  Leroux,  1899). 


86  SYSTÈMES   A    POSTERIORI 

k  défigurerait  les  mots  d'origine  grecque)  ;  mais  il  faut  les  rem- 
placer par  des  lettres  simples  et  sans  accents.  Or  il  reste  justement 
4  lettres  disponibles  de  l'alphabet  romain  :  j,  q,  x,  y.  Il  est  naturel 
de  prendre  j  pour  le  son  du  j  français,  et  x  pour  le  son  ch  D.  (que 
cette  lettre  figure  en  grec  et  dans  les  langues  slaves).  Restent  q 
et  y,  auxquelles  l'auteur  attribue  les  sons  tch  et  ch.  Il  essaie  de 
justifier  ce  choix  arbitraire  en  montrant  que  dans  les  diverses 
langues  vivantes  la  mrme  lettre  a  des  sons  tout  différents,  qui 
surprennent  l'étranger  novice,  et  auxquels  il  s'habitue  très  vite. 
Dira-t-on  qu'on  altère  ainsi  l'aspect  des  mots  internationaux 
pour  ne  garder  que  leur  phonétisme  ?  Mais  c'est  là  une  néces- 
sité inéluctable,  et  c'est  ce  que  l'Espéranto  fait  déjà,  avec  raison, 
en  écrivant  fiziko,  filozofio,  krajono,  buso,  sangi,  etc.,  à  l'exemple 
du  polonais,  qui  écrit  par  exemple  :  folo<jraJja,  kryzys,  szarza 
[charge],  zurnalK  C'est  une  habitude  à  prendre,  et  qui  est  vite 
prise,  comme  le  prouve  l'expérience  des  langues  vivantes. 

1.  Il  écrit  aussi  :  egzempl. 


H.  TRISCHEN  :  ArOA'J5L7iVGFO» 

La  Mondlinçivo  est,  de  l'aveu  môme  de  son  auteur,  uu  Espéranto 
réformé.  L'alphabet  est  celui  de  l'Espéranto,  avec  les  différences 
suivantes  :  s  se  prononce  z;  c  se  prononce  s  (dur,  ss);  z  se  pro- 
nonce ts;  toutes  les  lettres  accentuées  sont  conservées,  y  compris 
h,  et  on  ajoute  x  pour  désigner  le  ch  allemand  doux  (ic/i,  nichl)^ 
La  déclinaison  porte  sur  l'article  : 

Sin<r.  Plur. 

Nom.  la  patro  las  patros. 

Gén.  del  patro  dels  patros. 

Dat.  al  patro  als  patros. 

Ace.  lan  patro(n)  lans  patro(n)8. 

Comme  on  voit,  le  signe  du  pluriel  est  s,  et  affecte  à  la  fois 
l'article  et  le  substantif.  On  ne  dit  pas  comment  se  décline  ua 
substantif  qui  n'a  pas  d'article  défini. 

Dans  la  conjugaison,  il  y  a  3  temps  simples,  formés  par  les 
désinences  es  (présent),  as  (imparfait),  os  (futur),  et  3  temps  «  par- 
faits »  ou  antérieurs,  qui  se  déduisent  des  précédents  par  un 
préfixe  e  (l'augment  grec).  Exemple  : 

mi  laudes,  je  loue  mi  elaùdes, /ai  loué. 

mi  laùdas,  je  louais  mi  elatidas, /avais  loué. 

mi  laûdos,  je  louerai  mi  elaùdos. /aurai  loué. 

Les  modes  se  forment  en  intercalant  les  suffixes  suivants  entre 
le  radical  et  la  désinence  :  eb  pour  le  conditionnel,  ib  pour  l'im- 
pératif (optatif).  Il  y  a  3  infinitifs  et  3  participes,  tous  formés 
par  les  suffixes  ent,  ant,  ont  correspondant  aux  3  temps  :  amenti, 
amanti,  amonti  :  amenta,  amanta,  amonta. 

1.  Mondlinfji'o,  provisorisclip  Aufstellunrj  einer  internalionalen  Verkehrê- 
sp.-ache  von  IL  Trischen  (Dresdon,  Pierson,  1906). 


88  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

Le  passif  se  forme  en  préfixant  p  (on  pa  devant  une  consonne) 
aux  formes  de  l'actif  (comme  en  Volapiik). 

Les  pronoms  personnels  sont  au  singulier  :  mi,  vi,  li,  si,  gi;  et 
au  pluriel  :  mis  {nous),  vis  (vous),  lis  {ils),  sis  (ei!/es),  gis.  De  même 
le  réfléchi  si  a  un  pluriel  :  sis. 

L'auteur  conserve  le  tableau  des  particules  de  Y  Espéranto  (sauf 
le  changement  de  nenia,  neniu,  etc.,  en  nonia,  noniu,...),  tout  en 
déclarant  qu'il  est  logique,  mais  arbitraire. 

Les  noms  de  nombre  sont  les  mômes  qu'en  Espéranto,  sauf 
que  po  est  distributif  (pokvin  =cmg  par  cinq),  et  que  le  substantif 
a  le  sens  ordinal  :  unuo  =  le  premier. 

La  plupart  des  prépositions  et  conjonctions  sont  empruntées 
à  l'Espéranto,  sauf  :  to  (ù),  ab  (depuis),  ulter  {au  delà),  ziter  (en  deçà), 
jukst  (auprès);  kontra,  cirka;  aùt  (ou),  kar  {car),  parce  {parce  que), 
et...  et  {tant...  que). 

La  formation  des  mots  est  la  même  qu'en  Espéranto,  mais 
quelques  affixes  sont  ajoutés  ou  modifiés  : 

ab-  est  défini  par  les  préfixes  D.  ver-,  ent-  :  abusi  =  abuser. 

be-est  défini  par  les  préfixes  D.  be~,  ge-,  er-  :  bevenki  ^uamcre. 

-av  désigne  une  science  {Volapiik)  :  naturavo  =  histoire  naturelle. 

-ek  (au  lieu  de  ec)  forme  «  l'idée  abstraite  d'un  adjectif  ou  d'un 
verbe  »  :  vereko  =  vérité  ;  truzidi  =  tuer,  truzideko  =  meurtre. 

-ilm  (comme  ar)  désigne  une  collectivité  :  homilmo  =  humanité. 

-inj  (comme  et)  forme  des  diminutifs  :  hominjo  =  un  petit 
homme. 

-ov  (comme  em)  désigne  le  penchant  à  :  cii  =  sauoir,  ciove  =: 
curieux  (de  savoir). 

Enfin  -ul  sert  à  transformer  les  adjectifs  en  substantifs  :  sagulo 
=  un  sage. 

Le  préfixe  négatif  est  ne,  mais  l'adverbe  de  négation  est  non. 
L'auteur  propose  de  changer  les  noms  des  saisons,  qu'il  trouve 
«  barbares  »  :  flortempo,  varmtempo,  frukttempo,  negtempo  ou 
froatempo';  et  les  noms  des  jours  de  la  semaine  :  ripozodio 
{dimanche)'^,  duadio  {lundi),...  kvaradio  ou  mezodelsemajno  {mer- 
credi),... sepadio  ou  finodelsemajno  {samedi). 
Tel  est,  en  raccourci,  le  projet  par  lequel  l'auteur  essaie  de 


1.  Il  oublie  évidemment  que  ces  désignalions  seraient  des  contre-sens 
dans  l'hémisphère  austral. 

2.  Gomment  dira-t-on  :  le  repos  dominical  ? 


H.    TRISCIIEN    :    MONDLINGVO  89 

remédier  aux«  nombreux  défauts  »  de  l'Espéranto,  sans  d'ailleurs 
spécifier  ces  défauts,  ni  formuler  les  principes  sur  lesquels 
s'appuie  son  propre  système.  Il  le  présente  du  reste  comme 
provisoire  (il  remet  à  plus  tard  la  publication  du  vocabulaire;,  et 
appelle  les  critiques  et  les  conseils. 


F.  GREENWOOD  :  EKSELSIORO  ET   ULLA' 

Le  Dr  Frédéric  Greenwood,  médecin  à  Portsmouth  (Angl.), 
Espérantiste  n^  8.273,  a  d'abord  éprouvé  le  besoin  de  «  simplifier  > 
YEsperanto,  notamment  en  y  supprimant  les  accents,  certaines 
combinaisons  de  consonnes  difficiles  à  prononcer  (gn,  gv,  kn,  kv, 
sv,  pv,  ft),  les  flexions  inutiles,  et  les  mots  composés  trop  longs. 
VEkselsioro  est  un  Espéranto  fait  «  pour  le  peuple  »,  «  pour  les 
masses  ».  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  les  points  sur  lesquels 
il  diffère  de  V Espéranto. 

L'alphabet  n'a.  que  23  lettres,  toutes  celles  de  l'alphabet  romain, 
moins  q  et  y;  c  =  <c/i  (c  Esp.),  x  =  ch  (s  Esp.),  z  =  /'s  (c  Esp.);  j 
=j  français  (j  Esp.).  Le  j  Espéranto  est  remplacé  par  un  i  qui 
forme  diphtongue  avec  la  voyelle  précédente  :  bêlai,  viroi;  kai, 
ciui*. 

Les  adjectifs  sont  invariables,  sauf  quand  ils  sont  isolés. 

La  particule  du  superlatif  est  pie  (au  lieu  de  plej). 

Les  noms  de  nombre  sont  les  mêmes,  sauf  que  kv  est  remplacé 
comme  partout  par  ku  :  kuar,  kuin. 

Les  pronoms  personnels  sont  les  mômes,  sauf  le  changement 
d'orthographe  :  mi,  zi,  li,  xi,  gi;  ni,  vi,  ili;  si. 

La  conjugaison  est  la  môme,  excepté  pour  le  subjonctif,  qui  est 
formé  avec  l'auxiliaire  magi  (E.  may)  :  por  ke  mi  magas  kanti  = 
pour  que  je  chante. 

Les  affixes  de  dérivation  sont  les  mêmes,  sauf  mal,  remplacé 
par  ma;  ej,  remplacé  par  ei  ;  ec,  remplacé  par  ez;  et  ig,  remplacé 
par  ij  :  mabona,  lakteio,  belezo,  varmiji. 

1.  Ekselsioro,  the  new  universat  language  for  ail  nations,  by  Frod.  Green- 
wood, 1  placiuotte,  8  jmges  (London,  Miller  &  Gill,  1906).  —  Ulla,  t  ulo 
lincjua  a  otrs  (Londoii,  Miller  &  Gill,  1906). 

2.  Liiuteur  ne  dit  pus  ce  que  devient  g;  il  le  remplace  tantôt  par  g  (gi), 
tantôt  par  j  (voir  exemples  plus  bas). 


F.    GREENWOOD    :    EKSELSIORO   ET   ULLA  91 

I/autciH"  copie  les  idiotismes  de  dérivation  de  l'Espéranto  : 
adresato  =  desUnalaire  (d'une  lettre). 

11  prend  des  libertés  avec  le  suffixe  -lando,  qu'il  abrège  en  -ando 
dans  Ânglando. 

L'accusalir  devient  facidtatif,  sOit  pour  la  direction,  soit  même 
|)Our  le  régime  direct  :  Laktisto  metas  la  lakto  en  la  Iakteio;  la 
infano  amas  sia  patrino.  Mais  on  conserve  l'accusatif  dit  «  de 
(larlé  »  :  mi  amas  xi  pli  ol  vi  (sous-cnt.  :  amas  xi)  ;  mi  amas  xi  pli 
ol  v'in  (sous-ent.  :  mi  amas). 

Nous  remarquons  les  modifications  orthographiques  suivantes: 
linguo,  aksepti,  eksepto.  fasila,lejo  (lego,  loi),  desiri  (deziri),  sidoni 
(sindoni),  sertigi  certigij,  xanjo,  xuldo,  hodau  hodiaù  ,  jentilezo, 
nasio.  fixo  (fiso),  pajo  (pago),  poxto  (posto),  resevi  (ricevi),  skii 
(scii),  nesesa,  esenso,  sosieto,  propozisio,  prezisa,  tizio  ^ftizo). 


Mais  l'auteur  ne  se  contenta  pas  de  corriger  YEsperanto;  il 
lança  la  même  année  une  nouvelle  langue,  VUlla  (ula  =  univers, 
ulo  =  universel,  de  E.  lohole)  et  fonda  une  Ulla  Society  à  Bridlington 
(Angleterre). 

L'Ulla  est  présenté  comme  «  un  anglais  simplifié  ».  Son  alpha- 
bet est  l'alphabet  anglais,  avec  â(U.,  è  F.)  De  ce  que  «  toutes  les 
lettres  se  prononcent  comme  dans  l'alphabet  >,  l'auteur  croit 
pouvoir  simi)lifier  l'orthographe  de  certains  mots  en  attribuant 
à  chaque  lettre  son  nom  :  exemples  :  xmpla  =  exemple  (x  :=  eXy 
m  =  ein);  intrste,  komprne. 

L'article  indéfini  est  t,  pluriel  11,  Vindéfmi  a,  rarement  employé. 

Les  siibslanlifs  se  terminent  par  a  (masc.)  ou  par  à  (féminin). 
Ils  forment  leur  pluriel  par  adjonction  de  s  :  homa,  homà;  homas, 
homàs. 

Les  adjectifs  se  terminent  en  o  :  le  comparatif  se  forme  en 
ajoutant  r,  le  superlatif  en  ajoutant  s  :  bono,  bonor,  bonos.  Or  et 
os  peuvent  être  employés  isolément  comme  particules. 

Les  adverbes  dérivés  se  terminent  en  1  ou  li. 

Les  nombres  cardinaux  se  terminent  tous  en  o  :  uno,  duo,  tro, 
kato,  cinko,  sexo,  seto,  otto,  novo,  deo;  elvo  =  H,  duso  =  12; 
cento,  milo,  milouo. 

Ils  servent  à  former  les  noms  de  mois  (par  changement  de  To 
final  en  a)  et  les  noms  do  jours,  par  adjonction  de  dà  :  anodà  = 
lundi,  etc. 


92  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

Les  nombres  ordinaux  dérivent  des  cardinaux  par  adjonction  de 
o,  ce  qui  fait  qu'ils  se  terminent  par  oo  :  troo. 

Les  adverbes  ordinaux  se  forment  en  remplaçant  l'o  du  nombre 
cardinal  par  i  :  tri. 

Les  pronoms  personnels  sont  au  sing.  :  ju  (f*),  du  (2"),  lu  (3«  m.), 
su  (3«  f.),  tu  (3«  n.)  ;  vu  (f»),  u  (2«),  nu  (3'=).  Leur  cas  indirect  (datif 
ou  accusatif)seformepar  addition  de  r:  jur,  dur....  Et  le  possessif 
(ou  génitif)  par  addition  de  s  :  jus,  dus.... 

Les  verbes  n'ont  que  3  formes  :  une  forme  en  e,  qui  est  l'indica- 
tif présent;  une  forme  en  ed,  qui  est  à  la  fois  le  passé  et  le  par- 
ticipe passif;  et  une  forme  en  en,  qui  est  le  participe  actif  et  le 
gérondif  (employé,  à  l'anglaise,  au  lieu  de  rinfinitif).  Exemple,  le 
verbe  être  =  este,  ested,  esten.  Tous  les  autres  temps  et  modes  se 
forment  au  moyen  d'auxiliaires  : 

Parfait  :  ave  ested. 

Plus-que-parfait  :  aven  ested. 

Futur  :  seo  este. 

Futur  antérieur  :  seo  ave  ested. 
Conditionnel  présent  :  sic  este. 

—  passé  :  sio  ave  ested. 
Subjonctif  présent  :  mâo  este. 

—  passé  :         mio  este. 
Participe  passé  actif  :  ave  ested. 

Le  passif  est  :  este  esten. 

L'interrogation  se  marque  par  l'inversion  du  sujet. 

La  dérivation  s'effectue  au  moyen  des  suffixes  suivants  :  -ar 
désigne  une  collection  :  onqa.  =  personne,  ongara  =  nation;  -ta 
indique  une  idée  abstraite  (F.  -tien,  D.  -ung)  :  ongarata  =  natio- 
nalité; -na  indique  une  qualité;  bonona  =  bonté;  le  préfixe  ne- 
forme  à  la  fois  les  négatifs  et  les  contraires  :  nebono  =  mauvais, 
nejuno  =  vieux,  nemàm  =  différent  :  -in  forme  les  diminutifs  et 
les  mots  caressants;  -za,  -zâ  indique  un  professionnel  (masc.  ou 
fém.)  :  skribza  =  écrivain;  -va  ou  -vo  signifie  plein  de  (E.  fui,  D. 
voll);-làsigmrievide de,  manquant  de,  sans  {E.  less,  D.  los);  -ja  forme 
les  noms  de  nationaux  :  Ena  =  Angleterre,  Enaja  =  Anglais;  et  la 
avec  un  nom  de  nation  désigne  la  langue  :  enajala  —  la  langue 
anglaise.  D'où  :  Ulla  =  langue  universelle.  Le  manuel  de  VUlla  con- 
tient un  vocabulaire  en  8  langues;  Ulla,   Xlja  (Ekselsioro),  Enaja, 


F.    GREENWOOD    :    EKSELSIORO   ET    L'LLA  93 

Esperaja  {Espéranto),  Fraja  (français),  Graja  (allemand),  Itaja  (ita- 
lien), Spaja  (ospagnol). 

L'auteur,  qui  dit  avoir  étudié  beaucoup  de  langues  «  anciennes, 
et  modernes,  vivantes  et  mortes,  orientales  et  occidentales  », 
compose  son  vocabulaire  de  racines  empruntées  au  hasard  aux 
langues  vivantes,  surtout  à  l'anglais  et  à  l'allemand,  en  recherchant 
la  brièveté,  et  en  les  défigurant  comme  on  vient  de  le  voir  pour 
les  noms  de  pays.  Dans  la  composition  des  mots,  il  suit  servile- 
ment et  même  aveuglément  le  modèle  de  l'anglais.  En  voici  un 
exemple  curieux.  For,  en  anglais,  signifie  car:  l'auteur  le  traduit 
par  kar;  mais  il  signifie  aussi  pour  :  l'auteur  traduit  pour  par  kar. 
Pour  (L.  pro)  entre  en  composition  dans  beaucoup  de  mots; 
l'auteur  traduit  pronom  par  karnoma.  Pardonner  se  dit  forgive  : 
l'auteur  traduit  :  kardonne.  Enfin  il  traduit  fore  (avant)  par  kari, 
there  {là)  par  la  et  par  suite  therefore  par  la  kari.  Péri  =:  Ihroughy 
aus  =  oui,  donc  :  péri  aus  =  Ihroughoui. 

Il  est  d'ailleurs  dupe  de  tous  les  idiotismes  de  sa  langue  natio- 
nale. Aber  (D.)  traduit  mais  (E.  but);  il  nhésite  donc  pas  à  dire 
neunoo  aber  uno  pour  avant- dernier  (E.  :  last  but  onel). 

Dans  la  dérivation,  il  suit  les  errements  du  Volapiik  avec  ses 
suffixes  caractéristiques  :  le  suffixe  àk  désigne  les  maladies  : 
dentàka  =  mal  de  dents  ;  par  une  fausse  analogie,  on  a  :  gutàka  = 
goutte. 

Voici  le  Prt/er  traduit  on  Ulla  : 

Vus  Patra  hoo  este  n  ciela,  sankted  este  dus  noma,  dus  rexdoma 
vene,  dus  désira  este  fàred  n  terra  als  tu  este  n  ciela;  donne  vur 
vus  pa  dàli;  à  kardonne  vur  vus  detas,  aïs  vu  kardonne  vus  detzas; 
à  gide  vur  ne  dans  temtata,  aber  délivre  vur  el  evla. 

Telle  est  la  langue  que  l'auteur  propose  «  pour  les  usages 
commerciaux  et  littéraires  »,  et  qu'il  déclare  «  aussi  belle  que 
le  français,  aussi  musicale  que  l'italien  et  aussi  pratique  que 
l'anglais  ». 


C.    SPITZER    :    PARLA  ». 

M.  Cari  Spitzer,  ancien  négociant,  conseiller  municipal  de 
Heidelberg,  trouve  les  langues  proposées  j  usqu'ici  (ro/apù/f,£spe- 
ranto,  etc.)  trop  arbitraires  et  trop  compliquées  pour  les  besoins 
pratiques  des  gens  d'aflaires;  et  c'est  à  ce  point  de  vue  qu'il  s'est 
placé  pour  élaborer  une  langue  auxiliaire  plus  simple  et  plus 
€Ourte.  «  Une  L.  I.  doit  être  d'une  construction  purement  systé- 
matique, logique,  et  ne  doit  pas  contenir  une  lettre  de  plus  qu'il 
n'est  absolument  nécessaire  pour  exprimer  la  pensée  humaine.  » 

GiUMMAIRE. 

Valphabet  est  l'alphabet  romain,  moins  q,  x,  y,  z.  Les  cinq 
A  oyelles  a,  e,  i,  o,  u  ont  leur  son  allemand  ou  italien  ;  j  *  a  le  son 
duj  allemand  (y  français);  c  =  ts. 

Vaccent  est  toujours  sur  l'avant-dcrnière  syllabe. 

En  principe,  tout  mot  se  compose  d'un  radical,  d'une  «  forme  » 
(suffixe)  constituée  par  une  ou  plusieurs  voyelles,  et  d'une  finale 
{lettre  unique).  L'un  ou  l'autre  de  ces  deux  derniers  éléments 
peut  d'ailleurs  manquer. 

Les  substantifs  et  pronoms  ont  la  finale  a  au  sing.,  e  au  plu- 
riel; les  adjectifs  et  adverbes  la  finale  o;  les  verbes  ont  la  finale  i 
(à  tous  les  temps  et  modes);  les  noms  de  nombre  ont  la  finale  s, 
les  prépositions  la  finale  n,  les  conjonctions  la  finale  t,  les  inter- 
jections la  finale  h;  les  noms  propres  et  les  mots  étrangers  la 
finale  u. 

Voici  maintenant  comment  les  «  formes  »  interviennent  pour 

1.  C.  Spitzer  :  Parla,  ist  die  systematische  Kiirz-Sprache  fur  iiiternatio- 
JHilen   Verkehr.  Brochuro   de  31  pajfes  distribuée  par  l'auteur  (Heidelberc, 

11)07).  1  V  c 

2.  Que  l'auteur  range  parmi  les  voyelles. 


C.    SPITZER    :    PARLA  95 

fournir  les  flexions  grammaticales  et  les  dérivations.  Partons  du 
radicallab  :  laba  =  travail,  le  pluriel  est  làbe  =  travaux .  Le  suffixe 
i  forme  le  nom  de  personne  (mâle)  :  labia  =  travailleur;  e  le  nom 
de  personne  (femelle)  :  labeA  =  travailleuse  ;  o  désigne  la  collec- 
tivité :  laboa  =  ensemble  des  travailleurs;  a  désigne  l'instrument  : 
lahaa -— outil;  j  forme  le  diminutif  :  labja  =  petit  travail;  u  le 
péjoratif  :  labua  =^  mauvais  travail.  Naturellement,  ces  divers 
suffixes  peuvent  se  superposer  :  labjia  =  petit  travailleur;  labjee 
=  petites  travailleuses  ;  etc. 

Les  cas  du  substantif  sont  marqués  par  des  prépositions; 
l'accusatif  est  marqué  en  cas  de  besoin  par  la  préposition  la. 

Passons  à  l'adjectif  :  labo  =  travailleur  (diligent);  ici,  le  suffixe 
a  forme  le  comparatif  :  labao  =  plus  travailleur;  e,  le  superlatif  : 
labeo  =  le  plus  travailleur  ;  1,  le  comparatif  d'infériorité  :  labio  = 
moins  travailleur  ;  o  le  superlatif  d'infériorité  :  laboo  =  le  moins 
travailleur;  u  signifie  trop  :  labuo  =:  trop  travailleur. 

Les  noms  de  nombre  sont  :  uns,  dus,  ires,  kvas,kvis,  sis,  ses,  ots, 
nos,  des;  cens;  mils;  unsa  =  l'un;  unsia  =  le  premier;  unfos  = 
une  fois. 

Les  pronoms  personnels  sont  :  ja,  ta,  sia  (m.),  sea  (f.),  sa  (n.);  je 
(nous),  te  (nous),  sie,  see,  se;  e  =  vous  poli;,  su  =  il  indéterminé), 
nu  =  on.  Tous  ces  pronoms  deviennent  réfléchis  par  répétition 
do  la  voyelle  :  jaa  sedi  =je  m'assieds;  siaa  flattai  =  Use  flattait. 

Les  adjectifs  possessifs  ne  sont  que  les  pronoms  personnels  mis 
devant  les  substantifs  correspondants. 

Les  pronoms  possessifs  en  dérivent  par  le  suffixe  ja  i^plur.  je)  : 
jaja  =  le  mien,  jeja  ■=  le  nôtre,  seaja  =  le  sien  (à  elle),  etc. 

Les  pronoms  interrogatifs-relalifs  sont  :  kia  =  qui,  ka  =  quoi,  kva 
=  quel. 

Les  pronoms  démonstratifs  et  indéfinis  sont  :  ca  =  celui-ci,  jena 
=  celui-là,  jeda  :=  chaque,  tuta  =  tout,  nona  =  aucun,  multa  = 
beaucoup,  soma  =  quelques,  irga  =  n'importe  quel,  sama  =  le  même, 
altra  =  autre,  tala  =  tel,  etc.  Comme  adjectifs,  ils  changent  l'a 
final  en  o. 

Le  verbe  n'a,  à  l'infinitif  et  à  l'indicatif  présent,  que  la  finale  i  : 
labi  =  travailler,  ja  labi  :=  je  travaille.  Le  passé  a  pour  suffixe 
a  :  ja  labai  ^^fai  travaillé;  le  futur,  e  :  ja  label  =^je  travaillerai;  le 
plus-que-parfait,  u  :  ja  labui  =  j'avais  travaillé;  le  subjonctif,  o  : 
ja  laboi  =  que  je  travaille  ;  l'impératif,  j  :  labji  =  travaille  ;  le 
participe,  i  :  labii  =  travaillant.  Les  autres  formes  sont  composées 


96  SYSTÈMES   A   POSTERIORI 

de  plusieurs  suffixes  :  ainsi  le  conditionnel  présent  :  ja  laboei  =^je 
travaillerais;  le  conditionnel  passé  :  ja  laboai  =  j'aurais  travaillé. 

Le  passif  se  forme  en  ajoutant  -et  au  radical  :  labeti  =  être 
travaillé;  labetai=  avoir  été  travaillé;  etc. 

Les  adverbes  primitifs  se  terminent  tous  en  o  :  jo  =  oui,  no  = 
non;  kvo  =  ici,  lo=  là;  so  ^=  ainsi;  sempo=:  toujours;  Jiono= jamais; 
spesso  =  souvent;  noloko  =  nulle  part;  solo  =  seulement;  selfo  = 
même  ;  sko  =  déjà,  etc. 

Les  prépositions  se  terminent  toutes  en  n  :  an  =  à,  en  =  de,  in 
r=  dans,  on  :=  sur,  un  =  sous,  esen  =  hors  de,  fon  ^=  pour,  kon  = 
avec,  pen  =  à  travers,  pon  =^  après,  ron  =  autour;  selon;  sen  = 
sans,  sin  =  depuis.  Elles  peuvent  toutes  engendrer  des  adjectifs- 
adverbes  au  moyen  de  la  finale  -o,  des  substantifs  au  moyen  de 
la  finale  -a  {le  dessus,  le  dedans,  etc.)  et  môme  des  verbes  au 
moyen  de  la  finale  -i  {être  dedans,  dehors). 

Les  conjonctions  se  terminent  toutes  en  t  :  et;  ut  =  ou;  but, 
mart  =  mais;  set  =  quand,  si;  jet  =  encore,  nit...  nit  =  ni...  ni, 
okt  =  aussi,  dat  :=  que.  kat  =  puisque,  fint  =  pour  que,  trot  = 
quoique. 

Le  vocabulaire  est  composé  de  racines  plus  ou  moins  interna- 
tionales, en  tout  cas  empruntées  à  l'une  ou  l'autre  des  princi- 
pales langues  européennes  (surtout  romanes)  et  choisies  les 
plus  courtes  possible  (généralement  monosyllabiques)  :  kosa  ^= 
chose,  hasta  =  hâte,  goda  =joie,  fabra  =  fabrique,  mikia  =  ami, 
nemia  =  ennemi,  libéra  =  liberté,  felica  =  bonheur,  kamica  = 
chemise,  faima  =:faim,  doca  =  doctrine,  sisma  =  système,  parla  = 
langue,  testia  =  témoin,  stanca  =  chambre,  koda  =  queue,  skruba 
=  vis,  skola  ==  école. 

Voici  quelques  adjectifs  :  piaco  =  agréable,  piacono  =  désa- 
gréable; pleno  =  plein,  vido  =  vide,  felico  =  heureux,  godo  = 
joyeux,  poro  =  poreux,  paco  =  pacifique. 

Certains  radicaux  sont  manifestement  empruntés  à  V Espéranto  : 
eblo  =  possible,  lerto  =  habile. 

Citons  enfin  quelques  verbes  :  dici  =  dire,  doci  =  enseigner, 
lesi  =  lire,  cibi  =^  manger,  bibi  =  boire,  nasi  =  flairer,  permi  = 
permettre,  pardi  =  pardonner,  liberi  =  délivrer,  godi  ^  réjouir.  Les 
verbes  les  plus  usités  ont  pour  radical  une  simple  consonne  :  di 
=  donner,  fi  =  faire,  hi  =  avoir,  pi  =  pouvoir,  vi  =  vouloir;  le  verbe 
être  n'a  même  plus  de  radical,  et  se  réduit  aux  désinences  :  i  = 
être,  ja  i  =je  suis,  ja  ai  =  fêtais,  etc. 


C.    Sl'ITZEH    :    PARLA  97 

(^omme  on  a  pu  le  voir  parles  exemples  déjà  cités,  l'auteur  ne 
s'est  pas  préoccupé  de  régler  le  sens  des  dérivations  immédiates  : 
goda,  godo,  godi;  pora,  poro;  paca,  paco;  libero.  liberi;  etc.  De 
niènie  il  dira  :  filosofa  -=  philosophie,  filosofia  --  un  philosophe, 
filosofea  =  femme  philosophe,  filosofo  ^  philosophique,  filosofi  = 
philosopher. 

Il  dira  indifféremment  patrea  ou  madrea  pour  mère,  bien  que 
madr  ne  puisse  pas  avoir  de  masculin;  do  môme  :  fratea  ou  sorea 
pour  sœur.  11  no  règle  pas  davantage  les  dérivations  médiates; 
par  exemple  lo  suflixo  -jo  transforme  un  substantif  en  adjoctif, 
-ja  un  adjectif  ou  un  verbe  en  substantif  :  labija  =  le  travail, 
laboja  =  la  diligence,  l'assiduité  au  travail.  Mais  pourquoi  laboja 
désigne-t-il  la  qualité  de  labo,  et  pourquoi  labo  désigno-l-il  celui 
qui  aime  à  labi?  On  no  nous  le  dit  pas. 

Toutefois,  l'auteur  énumère  28  préfixes  dont  il  définit  le  sens  : 
a  =  à,  vers;  e  =  hors  de;  i  =  dans;  o  =  sur;  u  =  sous  (comparer 
avoc  les  prépositions)  ;  ko  =  avec,  pe  =  à  travers,  po  =  après, 
pre  =  avant,  re  =  en  arrière,  ri  =  de  nouveau. 

11  cite  aussi  0  suffixes  usuels  :  sa  qui  désigne  une  maladie  ou 
uiK»  douleur  :  denta-sa;  la,  qui  désigne  un  outil:  pafi-la  '  :  ba, 
(|ui  signifie  ce  qui  tiont  :  kantela-ba  (candélabre);  -ta,  qui  désigne 
un  récipient  :  sukra-ta  (sucrier)  ;  ra,  qui  désigne  un  espace  :  horsa- 
ra  [écurie);  -ria,  qui  désigne  lo  maître  ou  chef  :  urbaria  (maire '■). 
Les  préfixes  et  suffixes  sont,  comme  on  voit,  séparés  du  radical 
par  des  traits  d'union. 

La  composition  dos  mots  se  fait  comme  en  allemand  et  en 
anglais  :  laba-tida  =  le  temps  du  travail;  spara  kassa  =  caisse 
d'épartjne  ;  pluva  tida  =  hiver  (temps  de  la  pluie)  ;  ura-fabra  = 
horlogerie  (fabrique  . 

Voici  un  spécimen  du  Parla  : 

I-duciia  en  ca  isma  (sisma?)  oei  ten  vensi  fon  lernii  juna.  fon 
internato  trada  et  trava,  arta  et  cienca;  sa  sparoei  mo  tida  et  mo 
mona,  kat  prot  skribi  germano,  franco  et  selfo  englo,  nu  nedi  cirko 
kvades  en  cens  mao  cifre. 

il  ne  sera  peut-être  pas  inutile  d'en  donner  la  traduction  : 

L'introduction  de  ce  système  serait  à  désirer  pour  la  jeunesse  stu- 
dieuse, pour  le  commerce  et  les  voyages  internationaux,  l'art  et  la 
science;  elle  économiserait  beaucoup  de  temps  et  beaucoup  d'argent,  car 

1.  C'est  |)robnblorii(Mil  lo  pafilo  Es|ieraiilo  (fusil). 

CouTLUAT  ET  Leau.  —  Nouvelles  L.  I.  7 


98  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

pour  écrire  en  allemand,  en  français  et  même  en  anglais,  on  a  besoin 
d'environ  quarante  pour  cent  de  plus  de  lettres. 

L'auteur  constate  en  effet  que  cette  phrase  contient  iOl  lettres 
et  sa  traduction  allemande  2o4-  '  ;  mais,  en  fait  de  brièveté,  il  reste 
bien  inférieur  au  Pankel. 

i.  Ajoutons  (jue  sa  Iradmlioii  francuisi'  on  conlicnt  201. 


E.  BEERMANN  :  NOVILATIN  ^ 

On  sait  que  le  D""  Bekrmann  avait  publié  en  1895  un  Novilatiin,  et 
(ju'il  avait  ensuite  pris  part  aux  discussions  du  Linguisl  {i8'ùù-9~). 
Depuis  lors,  il  a  exposé  ses  idées  sur  le  sujet  dans  un  €  Pro- 
f,'ramme  »  du  gymnase  d'Erfurt,  dont  il  est  professeur  ^  ;  et  il  a 
•Haboré  et  développé  la  langue  dont  il  n'avait  donné  en  189o 
«lu'une  «  esquisse  »  déjà  bien  étudiée.  Le  nom  qu'il  lui  donne 
peut  induire  en  erreur  sur  les  principes  directeurs  de  cette 
langue  :  elle  n'est  pas  exclusivement  fondée  sur  le  latin,  mais 
bien  plutôt  sur  les  éléments  internationaux,  c'est-à-dire  communs 
aux  six  principales  langues  européennes  (D.,  E.,  F.,  L,  R.,  S.); 
<^t  l'auteur  considère  comme  internationaux  les  éléments  qui 
donnent  lieu  à  des  dérivés  internationaux  [ov  dans  oval  par 
exemple').  C'est  seulement  quand  cette  internationalité  fait 
défaut  qu'il  a  recours  du  latin,  dans  un  esprit  de  neutralité,  et 
aussi  dans  l'intérêt  de  l'homogénéité,  parce  que  c'est  au  latin 
(et  au  grec  latinisé)  qu'appartiennent  déjà  la  i)lupart  des  élé- 
ments internationaux  *.  Si  donc  sa  langue  est  latine,  c'est 
parce  qu'elle  vise  d'abord  à  être  internationale.  Seulement, 
dans  la  grammaire  et  dans  la  formation  des  mots,  la  L.  I.  ne 
doit  pas  remonter  au  latin,  mais  suivre  l'évolution  qui  a  donné 
naissance  aux  langues  modernes  :  elle  préférera  l'analytisme  au 
synthétisme,  et  adoptera  les  racines,   môme  latines,  sous  leur 

1.  Die  internationale  Hilfssprache  Novilatin.  Kin  Voisihlag  voii  1)'  Erust 
Beeumann,  Gyinnasialprofossor.  211  pages  in-8".  Leipzig,  Dielericli,  1907. 

2.  Zur  Wellsprache-Frage.  Erfurt,  1901. 

3.  Pour  i)ré(isor,  l'auteiir  considère  coimne  inlornalionaiix  les  oléinenU 
<|ui  sont  ((iiiimmis  à  trois  au  moins  ties  six  langues,  (juand  elles  ne  sont 
pas  les  trois  langues  romanes  (F.  I.  S.).  Exemples  :  viaj  (E.  F.  I.  S.),  kork 
(I).  E.  S.).  Stul  (I).  E.  R.).  On  voit  par  «es  exemples  ([ue  les  élénn-nls  inter- 
nationaux ne  sont  pas  toujours  latins  ni  mônnv  ronnins. 

4.  Exemple  :  juvar  juiur  traduire  D.  hclfen,  E.  help,  F.  aider,  I.  aiutare^ 
S.  ayudar. 


100  SYSTEMES   A    POSTERIORI 

forme  moderne,  abrégée  ou  simplifiée.  Comme  elle  repose  sur 
une  base  «  naturelle  »,  elle  peut  et  même  doit  sacrifier  un  peu 
la  régularité,  pour  se  rapprocher  davantage  des  langues 
vivantes.  Dans  la  grammaire,  elle  visera  à  la  simplicité  et  à  la 
brièveté  plutôt  qu'à  l'internationalité.  Elle  ne  s'interdit  pas  les 
formations  nouvelles,  soit  par  dérivation  progressive  (d'une 
racine  à  ses  dérivés),  soit  par  dérivation  régressive  (à  l'exemple 
des  langues  naturelles,  qui  ont  tiré  envoi  d'envoyer,  estime  d'es/i 
mer),  soit  par  la  composition  (à  l'exemple  de  l'allemand  et  de 
l'anglais).  Dans  l'orthographe  aussi,  l'auteur  subordonne  la 
régularité  à  l'opportunité,  à  la  conformité  aux  usages  de  nos 
langues  :  par  exemple,  il  n'hésite  pas  à  employer  la  lettre  x  avec 
le  son  complexe  As,  ni  à  représenter  le  son  simple  ch  par  le 
digramme  sh.  11  conserve  le  q  latin,  mais  remplace  gu  par  qv  (à 
l'allemande).  11  montre  qu'aucune  des  langues  artificielles  qui 
visent  à  la  régularité  absolue  ne  sont  vraiment  régulières;  et  il 
fait  notamment  de  YEsperanto  une  critique  pénétrante,  en  lui 
reprochant  surtout  son  internationalité  insuffisante  (notamment 
dans  les  affixes  et  flexions)  et  sa  dérivation  obscure  et  irrégulière 
(surtout  dans  les  dérivations  immédiates).  Il  ne  prétend  pas  que 
sa  langue  soit  exempte  de  défauts,  et  il  attribue  ceux  qu'elle 
peut  avoir  à  son  souci  de  se  rapprocher  le  plus  possible  des 
formes  des  langues  naturelles. 

Grammaire. 

Valphahet  comprend  27  «  lettres  »  :  5  voyelles  :  a,  e,  i,  o,  u  (ou): 
20  consonnes  :  b,  c  {ts),  d,  f,  g  (dur),  h,  j  ij  français),  k,  1,  m,  n,  p, 
g  (k),  r,  s  (dur),  t,  v,  x  (ks),  y,  z  {z  français);  et  2  digrammes  :  sh 
{ch  français),  ch  (dont  la  prononciation  n'est  pas  indiquée,  bien 
que  le  ch  allemand  ait  au  moins  2  sons  différents).  La  lettre  y  a, 
comme  consonne,  le  son  de  y  dans  yeux  (/  D.),  et,  comme 
voyelle,  le  son  de  û  (u  F.).  L'auteur  admet  en  outre  les  lettres  à, 
ô,  û,  w  et  th  dans  les  «  mots  étrangers  »  (noms  propres?)  11 
n'y  a  qu'une  seule  diphtongue  :  au;  eu  fait  deux  syllabes. 

Vaccent  tombe  en  général  sur  la  voyelle  qui  précède  la  dernière 
consonne  du  radical  (sapon,  pûlvre,  filio),  ou  sinon,  sur  la  pre- 
mière des  3  dernières  syllabes  :  pluie.  Mais  il  y  a  des  exceptions, 
et  alors  l'accent  est  marqué  dans  l'écriture  (comme  en  S.). 

Les  voyelles  sont  longues  quand  elles  ne  sont  suivies  que  d'une 


E.    BEERMANN    :    NOVILATIN  101 

consonne  (ch,  sh  comptent  pour  une,  x  pour  deux),  ou  de  deux 
consonnes  dont  la  2"  est  1  ou  r,  et  la  l'"''  n'est  ni  1  ni  r  i pâtre, 
ânle);  elles  sont  courtes  dans  les  autres  cas. 

Aussi  le  redoublement  des  consonnes  est-il  un  moyen  dont 
l'auteur  se  sert  pour  distinguer  les  voyelles  brèves,  et  par  suite 
certains  mots  :  kok=  coke,  ko}sk  =  coq;  f er  =  saui'agfe,  teTT=fer; 
cel  =  ciel,  cell  ^  cellule  K  Les  voyelles  brèves  sont  en  général 
ouvertes,  et  les  voyelles  longues  fermées. 

L'ar/ic/e  défini  est  i,  l'article  indéfini  est  u;  tous  deux  invaria- 
bles. Ils  fusionnent  avec  les  prépositions  terminées  par  une 
voyelle  :  ai  {au),  au  (à  un). 

Il  n'y  a  pas  de  déclinaison.  Les  cas  sont  marqués  par  les  pré- 
positions: l'accusatif  est  semblable  au  nominatif.  11  n'y  a  pas  de 
genre  grammatical;  quand  une  môme  racine  peut  exprimer  les 
deux  genres,  on  lui  ajoute  -o  pour  le  masculin  et  -a  pour  le 
féminin  :  kano  ^chien,  kana  ^=  chienne .  Pour  les  noms  de  per- 
sonnes on  emploie  aussi  -ess  comme  suffixe  féminin  :  princa  = 
princess. 

Le  pluriel  est  indiqué  dans  les  substantifs  par  l'adjonction 
de  -s  (si  la  finale  est  voyelle)  ou  -es  (si  elle  est  consonne)  : 
kanos,  kanas;  dom,  dômes. 

Vadjeclif  est  en  général  invariable  :  u  bell  kano,  u  bell  kana, 
i  bell  kanas.  Mais,  s'il  est  nécessaire,  il  peut  prendre  les  mar- 
(|ues  du  genre  et  du  pluriel  (et  par  suite  se  substantifie)  : 
u  bello:=:  un  bel  homme,  u  bella  =  une  belle  [le  beau  neutre  se  dit  : 
i  bell).  Les  degrés  se  marquent  par  les  adverbes  :  plu  {plus),  ma 
{le  plus),  mins  {moins),  pess  {le  moins).  Que  après  un  comparatif  se 
dit  qvam;  de  après  un  superlatif,  da. 

Les  noms  de  nombre  cardinaux  sont  :  zer  0  ,  un,  bi.  tri,  qvadre, 
qvin,  sex  (se-  en  composition),  sept,  okt,  non,  dec;  cent;  mill.  Les 
nombres  composés  se  disent  :  decun  =:  Il  ;  bidec  =  20 ,  bidec 
un  =  21  ;  etc. 

Les  nombres  ordinaux  se  forment  au  moyen  du  suffixe  im  : 
unim,  bim.  trim,...  Le  nombre  cardinal  remplace  le  nombre 
ordinal  quand  on  le  met  après  le  substantif. 

Les  nombres  mulliplicalifs  se  forment  au  moyen  du  suffi.xe  -iple 
ou  -pie  :  uniple  =  stmp/e ;  biple  (ou  duple)  =double;  triple,  etc. 


i.  1,0  (loubh'  c  se  prononce  donc  comme  un  seul  {ts)  :  kacciar  =  chasser 
(kalsiar). 


^2  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

Les  nombres  fractionnaires  se  forment  au  moyen  du  suffixe  ul 
(diminutif)  :  biul  (ou  semie)  ^demi,  innl  =  tiers,  qvadrul  =  quarl. 

Les  nombres  de  fois  se  forment  au  moyen  du  suffixe  ic  (ou  du 
mot  vie  =fois)  :  unie,  bic,  trie,..-  ;  unimic  =  la  première  fois. 

Les  nombres  distribatifs  s'expriment  par  la  particule  a  :  a  Li, 
a  tri,  etc. 

Les  nombres  cardinaux  se  substantifient  de  deux  manières  :  au 
moyen  du  suffixe  -er,  pour  désigner  le  nombre  même  :  uner,  hier, 
trier,...  et  au  moyen  du  suffixe  -ità,  età,  pour  exprimer  la  qualité 
du  nombre  :  unità;  hietà-=  dualité,  trietà  ^=-lrinilé,  etc. 

Les  pronoms  personnels  sont  :  me,  te,  lo  (m.),  la  (f.)  le,  lie  (n.); 
noa,  vos,los  (m.),  las  (f.) les  (neutre).  Réfléchi  :  se;  indéfini  :om  (on). 

Les  pronoms  possessifs  sont  :  mue,  tue,  lue  (3  genres  i;  nostre, 
vostre,  lostre  (3  genres);  sue.  Ils  prennent  au  besoin  les  dési- 
Bcnccs  de  genre  :  i  muo  =  le  mien  ;  i  tua  =  la  tienne. 

Les  pronoms  démonstratifs  sont,  d'abord  les  pronoms  personnels 
de  la  3®  personne;  ensuite  ist  pour  les  objets  rapprochés,  et  ill 
pour  les  objets  éloignés,  qui  deviennent  aux  3  genres  respecti- 
vement :  isto,  ista,  istie;  illo,  illa,  illie. 

Les  pronoms  relatifs  sont  :  qvo  (m.),  qva  (f.),  qve,  qvie  (n.); 
qval  =  quel  (de  quelle  espèce),  qygini=:  combien  grand,  ou  combien. 
Ceux-ci  ont  pour  corrélatifs  :  lai  =/«/;  lant=  si  grand,  si  nom- 
hreux. 

Les  formes  neutres  en-ie  (lie,  illie,  istie,  qvie)  sont  des  neutres 
indéterminés,  se  l'apportant  généralement  à  un  objet  indéfini  ou 
à  une  proposition;  elles  se  distinguent  des  neutres  déterminés 
(formés  en  -e,  ou  sans  désinence)  qui  se  rapportent  à  une  chose 
particulière  et  déjà  nommée. 

Les  pronoms  indéfinis  sont  :  aliqvo  =  quelqu'un,  aliqve  =  quelque 
chose;  qvokunk  =  yuicongue,  qviekunk  =  fyuoi  que  ce  soit;  null  := 
aucun,  nnllo^=  personne,  nullie=  rien;  omne  =  chaque,  tout;  omno  = 
chacun;  nonull  =  quelques  ;  kom^lnr  —  plusieurs  ;  a\\.re=  autre;  pse, 
même  (L.  ipse);  i  pse,  le  même  (identité;  L.  idem). 

La  conjugaison  est  régulière,  et  repose  sur  le  radical  verbal,  qu'on 
obtient  en  supprimant  l'r  final  de  l'infinitif».  Il  n'y  a  pas  de 
variation  de  personne  et  de  nombre. 

1.  Étymologiquement,  ce  radical  est  obtenu  en  supprimant  la  désinence 
-tus  du  i)articipe  passif  latin,  de  sorte  que;  tous  les  radicaux  se  terminent 
vn  -a  ou  on  -i  :  ama-tus,  meri-tus,  moli-tus,  obli-tus,  et  que  les  4  conju- 
gaisous  latines  rentrent  dans  un  seul  paradigme. 


E.    BEERMANN    :    NOVILATIN  103 

l.'indicalif  présent  est  identique  au  radical  :  me  ama,  me  puni. 

Le  prétérit  se  forme  en  ajoutant  b  au  radical  :  me  amab,  me 
punib. 

Le  futur  se  forme  analytiquemcnt  au  moyen  de  l'infinitif  et  de 
l'auxiliaire  fir  (devenir)  :  me  fi  amar,  me  fi  punir. 

Le  conditionnel  se  forme  en  ajoutant  ss  au  radical  :  me  amass, 
me  puniss. 

L't/np^'ra/t/' consiste  dans  le  radical  accentué  sur  la  finale  :  amà. 
puni.  On  peut  aussi  le  traduire  par  une  périphrase  :  te  dobi 
amar  =  tu  dois  aimer. 

Le  participe  actif  se  forme  en  ajoutant  nt  au  radical  :  amant, 
punint. 

Le  participe  passif  se  forme  en  ajoutant  t  au  radical  :  amat, 
punit. 

Les  temps  comj)Osés  de  l'actif  se  forment  au  moyen  de  l'auxi- 
liaire har  (avoir)  :  me  ha  amat  ^fai  aimé;  me  hab  amat  =  /avais 
aimé  :  me  fi  bar  amat  =  j'aurai  aimé  :  me  hass  amat  :=  j'aurais  aimé; 
bar  amat  =  avoir  aimé;  bantamat  =  ayant  aimé.  Il  y  a  aussi  des 
formes  composées  au  moyen  de  fir  :  fir  amar  =  devoir  aimer; 
fint  amar  ^=  devant  aimer. 

Le  passif  se  forme  au  moyen  du  participe  passif  précédé  de 
l'auxiliaire  sir  (être),  qui  se  conjugue  régulièrement;  exemple  :  me 
fi  sir  amat  =  je  serai  aimé;  me  fi  bar  sit  amat  ^=  j'aurai  été  aimé. 

On  peut  mettre  au  sub/onc/t/"  toutes  les  formes  de  l'indicatif  et 
du  conditionnel,  en  leur  ajoutant  la  désinence  -ye.  Le  subjonctif 
sert  à  indiquer  la  possibilité  ou  l'incertitude  (par  exemple,  dans 
le  discours  indirect).  L'impératif  n'est  employé  que  dans  les 
l)ropositions  principales  et  le  discours  direct;  autrement  on  le 
rend  par  dobir  (rfwoir). 

Les  verbes  réflécfiis  prennent  le  pronom  se  à  la  3'"  personne  et 
peuvent  le  prendre  aussi  aux  2  premières  (comme  en  R.);  les 
verbes  réciproques  s'indiquent  par  sese.  Les  verbes  impersonnels 
ont  pour  sujet  le. 

Les  principaux  adverbes  sont  :  ta  :=  oui,  no  =/ion,  ne...  pas,  ja 
=  déjà,  adu  ;=  encore,  ec  =  même,  vix  =  à  peine.  L'auteur  établit 
une  corrélation  de  forme  entre  les  adverbes  de  lieu,  de  temps  et 
de  manière  :  les  adverbes  de  lieu  qui  indiquent  où  l'on  est  se 
terminent  en  i;  —  où  l'on  va,  en  -ors;  —  d'où  l'on  vient,  en  -ind; 
les  adverbes  de  temps,  en  -u;  les  adverbes  de  manière,  en  -am. 
Ces    finales  se  combinent  avec  les  radicaux  démonstratifs,  1, 


104 


SYSTÈMES   A   POSTERIORI 


ill,  ist;  interrogalif- relatif  qv;  indéfinis  :  aliqv,  null,  omn,  altr, 
comme  le  montre  le  tableau  suivant  (composé  par  nous)  : 


li 

lors 

lind 

la 

lam 

{là) 

{là) 

{de  là) 

{alors) 

(ainsi) 

illi 

illors 

illu 

illam 

{là) 

[là) 

{alors)  {de 

cette  manière-là) 

isti 

istors 

istu 

istam 

(ici) 

(ici) 

{maintenant)  {di 

?  cette  manière-ci) 

qvi 

qvors 

qyind 

qvu 

qvam 

(oh) 

(où) 

[d'où) 

{quand) 

{comment} 

aliqvi 

{quelque  part) 

nulli 

nulla 

{nulle  part) 

(jamais) 

omni 

omnu 

{partout) 

{toujours) 

altri 

{ailleurs) 

Tous  les  adverbes  de  manière,  dérivés  d'adjectifs,  se  terminent 
aussi  en  -am  :  lentam,  fidelam. 

Les  principales  preposthons  sont  :  a,  de;  en  =  dans  {sans  mouv.); 
aen=: dans  (avec  mouv.);  ess  =  hors  de;  per  =  à  travers;  sur;  su 
=  sous  ;  vers  ;  abs  =  loin  de  ;  pre  =  avant,  po  =  après  ;  depo  =  depuis  : 
us  =^jusquà;  o  =  à  cause  de;  pro  =  pour;  per  =  au  moyen  de;  ko 
:=  avec  ;  sin  =  sans  ;  tra  =  pendant  ;  do  =  au  sujet  de  ;  tro  =:  malgré  ; 
gra  =  grâce  à.  Le  régime  des  verbes  passifs  prend  la  préposition 
per  ou  de. 

En  composition,  les  prépositions  conservent  leur  forme  latine 
et  internationale,  avec  les  déformations  que  l'assimilation  leur 
impose  :  ko-unar,  kom-probar,  kol-lektar,  kon-sumar,  kor-ruptar. 

Les  prépositions  forment  avec  les  pronoms  des  adverbes 
dérivés  :  leen  =  {là-)  dedans;  qveen  :=  dans  quoi;  leo  =à  cause  de 
cela;  qveo  ^=  pourquoi;  etc. 

Les  principales  conjonctions  sont  :  e  =  e<  ;  ve  ^  ou;  ne  =  ni;  na 
=  car;  sed  =  mais  ;  se  =  si;  ke  =  que. 

Les  conjonctions  dérivées  sont  composées  de  prépositions 
suivies  de  ke  :  oke  =  parce  que,  trake  —pendant  que. 

Dans  la  syntaxe,  l'auteur  permet  toute  la  liberté  compatible 
avec  la  clarté.  Toutefois  il  recommande  l'ordre  normal  suivant  : 


E.    BEERMANN    :    NOVILATIN  105 

sujcl,  verbe,  régime  direct,  régime  indirect.  La  négation  (no)  pré- 
cède immédiatement  le  mot  sur  lequel  elle  porte.  L'interrogation 
s'exprime  par  l'inversion  du  verbe  et  du  sujet  (comme  en  1).,  F.) 
ou  se  traduit  par  silk  (abréviation  de  si  le  ke  =:  esl-ce  que),  en 
conservant  l'ordre  normal.  Dans  les  pro[)ositions  relatives,  le 
relatif  doit  être  autant  que  possible  en  avant. 

Vocabulaire. 

L'ouvrage  du  I)'"  Beermann  contient  un  double  dictionnaire 
novilatin-allemand  et  allemand-novilatin  qui  comprend  environ 
3.0OO  radicaux. 

Nous  avons  indiqué  d'après  quel  critérium  d'internationalité 
l'auteur  a  choisi  ces  radicaux.  Toutefois,  quand  aucune  racine 
internationale  ne  s'impose,  il  choisit  à  son  gré  dans  n'importe 
quelle  langue,  en  cherchant  surtout  des  racines  courtes  :  ainsi 
pour  oiseau  il  adopte  le  russe  ptic,  pour  serin  le  russe  cij,  pour 
canard  le  russe  utke,  pour  jument  l'espagnol  yegve,  pour  bas  (vête- 
ment) le  russe  shulk:  pour  flairer  l'anglais  smell  ar,  pour  planer 
l'allemand  sveb-ar,  etc.  Pour  cheval,  il  a  choisi  vred  (bas-latin 
veredus,  d'où  viennent  à  la  fois  I).  Pferd  et  F.  palefroi).  Pour  les 
racines  latines,  il  préfère  toujours  la  forme  la  plus  brève  '  :  lap 
[pierre],  limp  (limpide),  tep  {tiède),  pav  (peureux;,  est  [été),  esar 
(manger);  cela  l'amène  souvent  à  sacrifier  une  syllabe  atone,  pour 
conserver  la  place  de  l'accent  :  anle  [anneau),  ansre  (oie),  bakle 
(bâton),  barbre  (barbare),  celre  \rapide),  deble  débile),  did  [doigt). 
dilg  (diligent),  ebre  (ivoire),  emle  (émulation),  fedre  et  konfedre  (con- 
fédération), femne  (femme),  fenstre  fenêtre  ,  fible  agrafe),  fistle 
(fistule),  funre  (deuil  ,  gnltre  \g osier;,  humre  ou  umre  épaule),  insle 
(île),  kalkle  (calcul),  kolre  (colère),  latre  (côté),  makie  (tache),  margne 
(bord),  marmre  (marbre),  mlsre  (misérable  ,  modre  (modération), 
numre  (nombre),  okle  (œil),  onre  (charge),  o]pTe  ^œuvre).  oskle  (baiser), 
pable  (fourrage),  pekre  (bétail),  pokle  (coupe),  postle  (demande), 
pulvre  (poussière),  pustle  (pustule),  setle  (soie  de  porc\  sitle  (seau), 
skatle  (boite),  skruple  [scrupule;,  spekle  (miroir),  stiplar  stipulen. 
tiile  (titre),  tolre  (tolérance),  tontre  (tonnerre),  trémie  tremblement  , 
tigle  (tuile),  vaskle  (vaisseau),  venre  {vénération  .  vetre  (vieux), 
vitle  (veau),  vulnre   (blessure;,  val    valide,  vem  [véhément),  klem 

1.  Mais,  (l'autre  part,  il  adopte  un  uiot  aussi  lung  ((uo  bellettristikalies. 
gonnunismo  <|ui  soniblu  barbare  aux  Frunguis. 


106  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

{clément),  hum  {humide);  de  mt^ine  il  prendra  les  formes  anglaises 
battle  pour  bataille  et  bottle  pour  bouteille,  et  abrégera  redingote 
en  ringot  '. 

Il  emprunte  souvent  au  latin  des  racines  mortes,  c'est-à-dire 
qui  n'ont  pas  passé  dans  les  langues  romanes  ou  n'y  sont  repré 
senlées  que  par  des  dérivés  rares  et  peu  connus  :  acin  [grappe], 
uv  (raisin),  ult-ar  {venger),  jub  {crinière),  oit  [bouchée),  kramb 
(chou),  skrof  (truie,  à  côté  de  porka s  skatir  [jaillir),  fultar  {appuyer), 
kuntar  {hésiter),  mad  (humide),  patell  (assiette),  met  (but),  gen  (joue), 
aulè  {rideau),  stram  [paille,  litière),  putam  \C0(jue,  cosse),  farcim 
(saucisse),  molt  (amende),  egrot  (malade),  ignav  (lâche),  pigre  (pares- 
seux), munde  (propre),  nasturcie  (cresson).  On  trouve  même  des 
mots  grecs  pour  désigner  des  objets  très  ordinaires  comme 
kolaf  =  soufflet,  petas  =  chapeau  ;  à  côté  de  mots  tout  modernes, 
comme  boi  E.  boy),  bill  (E.),  bond  (E.  obligation),  hunt  (E.  chasse 
à  courre),  byr  (bureau),  boU  I.  timbre),  bursho  [h.  étudiant),  her 
(D.  monsieur)  ;  et  cela  produit  des  composés  d'un  singulier  elîet 
comme  pistoro-boi  =  gfarçon  boulanger:  leitre-ka^ps  -=  portefeuille, 
post-pyx  =:  boite  aux  lettres,  petas-pyx  =  boîte  à  chapeau. 

Souvent  l'auteur  détermine  la  forme  de  la  racine  par  dériva- 
tion régressive,  par  exemple  :  kordie  =  cœur  (à  cause  de  kordialj  ; 
ficil  =  facile  idifficil),  ficir  =  faire;  mestre  =  mois  (trimestre  ; 
numrot  -=  numéro  (numrotar);  trus  =  choc;  translar  =  traduire 
(translacion)  ;  glektar  =  s'occuper  de  (neglektar)  ;  gnir  =  connaître, 
agnir  =  reconnaître;  utir  =  être  utile;  relar  =  être  en  relation  avec 
(relacion);  parres  ^=  parents  (de  parricidie!). 

Les  remarques  précédentes  ayant  une  apparence  critique,  nous 
devons  dire  aussi  qu'on  trouve  dans  le  Novilalin  beaucoup  de 
racines  vraiment  internationales  et  bien  choisies  :  affirmar, 
akkusar,  allegar  (alléguer),  ascensar,  aspekt-ar,  bassar  {baisser  , 
civo  (citoyen),  decept-ar  (décevoir),  deklarar,  deklinar,  delektar 
{réjouir^,  demonstrar,  digne  (dignità),  diskurs,  eqvipar  équiper), 
ev  (âge),  evenie  [événement),  explik-ar,  famie  (faim),  fekund,  flagell, 
fors  {peut-être),  fren  {rêne,  frein),  fugir  (fuir),  furir  (être  en  fureur), 

1.  Ces  abréviations  produisent,  comme  on  voit,  des  accuniulations  de 
tonsonncs  parfois  assez  dures.  L'auteur  conseille  de  les  adoucir  en  y  inter- 
calant au  besoin  un  e  muet.  En  revanche,  il  supprime  le  k  entre  2  <-on- 
sonnes,  suivant  Pexemjjle  des  langues  romanes  :  punto,  santo;  funcion  ; 
mats  :  frakcion.  En  général,  il  ne  recule  jamais  devant  les  coinhiiiaisons 
?-erniani(iues  kc,  se,  si  dures  pour  les  bouches  romanes  (de  mènu'  (lue 
qv).  ' 


E.    HEEHMANN    :    NOVILATIN  107 

furt  [vol),  fusil,  gaudie  {joie),  hast-ar  {se  hâter),  hesitar,  inflar  {enfler), 
inici-ar  {commencer,  entreprendre),  invent-ar  [inventer),  junt-ar 
[joindre),  judiko  [juge),  kamis  [chemise  ,  kapill  [cheveu),  kargar 
(charger),  kavall  [cheval  nol)le),  kavalkar  [aller  à  cheval),  klam-ar 
{crier),  klusar  {fermer  à  clef),  koktar  [cuire),  kommod  (commode,  adj.), 
kompuls-ar  [contraindre),  konsult-ar,  kontest-ar,  konvers  ar,  ment 
[esprit),  neg-ar  [nier),  nupre  [récent),  oblig-ar  obliger),  obsidir 
{assiéger),  offrir,  parsar  {épargner),  pikt-ar  {peindre),  prekar  [prier), 
prestar  {prêter),  qvestar  [interroger),  racion  [raison),  regrettar, 
repulsar,  salvar  [sauver),  sapor-ar  {avoir  du  goût),  seduktar,  sejurn-ar, 
sekur  {en  sécurité),  sempre  {toujours),  silv  { forêt),  single  {particu- 
lier), skop  {but),  skum  [écume),  socio  [membre  de  société',  tens-ar 
[tendre),  testo  (témoin),  timbre  (du  son),  transparint,  tren  [train  de 
cliomin  de  fer),  trup,  turb-ar  {troubler),  vakue  {vide',  vicin  [voisin), 
vikt-ar  [vaincre),  volt  (voûte). 

Dans  la  dérivation,  l'auteur  distingue  avec  soin  les  dérivés  qui 
viennent  de  racines  verbales  et  ceux  qui  viennent  de  racines 
nominales. 

Les  dérivés  de  racines  verbales  se  forment  à  l'aide  des  suffixes  : 

1"  -tor,  qui  désigne  l'agent  (animé  ou  inanimé)  :  fundatoro,  ven- 
tilator.  Mais  la  désinence  ator  s'abrège  en  or  dans  les  verbes  en 
sar  et  tar  (mais  pas  en  itar)  :  raptoro,  skriptoro  ;  et,  en  général,  il 
est  permis  et  conseillé  de  faire  cette  abréviation  :  lavora  (lavatora), 
fumoro  (fumatoro),  salvoro  (salvatoro). 

2"  -cion,  qui  désigne  l'action  exprimée  par  le  verbe  :  deklara- 
cion,  expedicion.  Mais  pour  les  verbes  en  sar,  sacion  sabrège  en 
sion*;  pour  les  verbes  en  star,  stacion  sabrège  en  stion:  pour 
les  verbes  en  tar  (mais  pas  en  itar),  tacion  s'abrège  en  cion  : 
cxklusion,  exhaustion,  direkcion;  mais  :  gravitacion.  D'ailleurs. 
il  est  recommandé  d'alléger  ces  mots  en  supprimant  la  dési- 
nence ion  toutes  les  fois  que  la  clarté  le  permet  :  exklus  au  lieu 
d'exklusion.  adopt  au  lieu  dadopcion  -. 

3"  -d  forme  des  substantifs  qui  ont  le  sens  de  participes  passifs, 
mais  avec  les  verbes  en  ar  seulement  :  salad  =  salade  (chose 
salée):  intrad  =  entrée. 

4'  -ment  désigne  le  moyen  :  impediment,  nutriment,  regla- 
ment. 

1.  Ptiurlaiit  :  konversacion  peut-il  dev»Miir  konversion  ? 

2.  GoufoniUMiu'iit  au  procôcJé  de  dorivatidii  logressivc  dniU  nos  laiij;iu's 
donnent  roxeniple,  en  prenant  le  radical  verbal  pour  !e  substantif  d'aeli«>n. 


108  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

^W-kle  désigne  plus  spécialement  l'instrument  ou  outil  :  arakle 
=  charrue,  vehikle  =  véhicule. 

6°  -ble  forme  des  adjectifs  qui  signifient  la  possibilité,  avec  le 
sens  passi/ quand  le  verbe  est  transitif:  lektable  =:  lisible;  kredible 
=  croyable;  gaudible  =  réjouissant;  terrible. 

70-mne  forme  dos  adjectifs  qui  signifient  la  nécessité  :  lektamne 
=  quil  faut  lire  ;  audimne  ^=  qu'il  faut  entendre. 

Les  dérivés  de  racines  nominales  se  forment  à  l'aide  des  sul- 
fixes  suivants  (on  supprime  toujours  les  finales  -e,  -à,  et  la  finale 
ie  devant  les  suffixes  commençant  par  i)  : 

1'^  -er  désigne  des  êtres  qui  s'occupent  de  la  chose  ou  des 
objets  qui  ont  une  relation  quelconque  avec  la  chose  désignée 
par  la  racine  :  librero  :=  libraire;  bukker  =  fume-cigares  ;  nukker 
=  oreiller.  Les  agents  en  -er  se  distinguent  des  agents  en  -or  en 
ce  qu'ils  sont  plutôt  des  professionnels  :  kurriero  =  courrier; 
kurritoro  =  coureur. 

Le  suffixe  er  est  remplacé  par  ist  en  matière  d'art,  de  science, 
de  religion,  de  politique  :  juriste,  pietisto  <. 

2-^  -ie  ou  -ità  forment  des  substantifs  de  choses  dérivés  de 
substantifs  d'êtres,  ie  ayant  plutôt  un  sens  concret,  et  ità  un 
sens  abstrait  :  juste  =  un  juste,  justie,  justità  =  justice;  sano  =  un 
homme  sain,  sanie,  sanità  =  santé;  librerie  =:  librairie;  heredie  = 
héritage;  Russe  =  Russe,  Russie. 

Le  radical  subit  parfois  des  modifications  devant  ces  suffixes  : 
pie  donne  pietà;  astut  donne  astucie;  frisk,  friscie;  fysik  (adj.), 
fysicie  ^=  la  physique. 

3°  -aj  et  -arie  forment  des  substantifs  collectifs,  le  second  réservé 
aux  collections  artificielles  :  villaj  =  village  (de  vill  =  maison  de 
campagne),  viaj  =  voyage  (de  vie  =  route);  herbarie  =^  herbier, 
aqvarie  ;  rosarie  =:  rosaire. 

4'  -ul  et  -ett  forment  des  diminutifs  :  et  marque  simplement  la 
petitesse,  ul  marque  un  changement  d'espèce  :  agnett  =  petite 
brebis,  agnul  =  agneau,  agnulett  =  petit  agneau. 

50  -ott  forme  les  augmentatifs  :  foss  =  fosse,  fossott  :=^mine. 

0°  -astro  et  -ard  forment  les  péjoratifs,  le  premier  réservé  aux 
personnes  :  kritikastro,  medikastro. 

Les  suffixes  suivants  servent  à  former  des  adjectifs  : 

1.  Nous  ne  pouvons  pas  comprendre  la  distinction  suivante  établie  par 
l'auteur  :  piktoro  =  peintre,  piktero  =  marchand  de  tableaux,  piktisto 
=  amateur  de  peinture. 


E.    BEERMANN    :    NOVILATIN  109 

1"  -al  et  -il  indiquent  co  qui  a  rapport  à  l'objet  exprimé  par  la 
racino  :  al  s'emploie  pour  les  noms  de  choses,  -il  pour  les  noms 
de  personnes  :  familial,  puéril.  Quand  le  radical  se  termine  en  1, 
al  est  remplacé  i)ar  ar  :  poplar  =:  populaire.  Quand  le  radical  se 
termine  en  -ik,  il  est  remplacé  par  al  :  amikal,  rustikal;  quand 
le  radical  se  termine  en  al,  al  est  remplacé  par  ik  :  animalik. 
Enfin  il  y  a  des  exceptions  :  les  radicaux  en  tre  engendrent  des 
adjectifs  en  -tern  :  patern,  matern,  fratern,  extern.  Duko  fait  ducil. 
2"  -os  signifie  *  pourvu  de  «  :  korajos  =  courageux;  karnos  = 
charnu.  Les  substantifs  en  -ion  forment  ces  adjectifs  en  -ios  : 
religios,  sedicios. 

.3o  -ac  forme  les  adjectifs  de  matière  :  lignac  =  en  bois,  koriac 
=  en  cuir,  aurac  =  en  or^  etc. 

4°  -an  signifie  «  qui  est  dans  »  ou  «  qui  vient  de  »  :  Chin,  Chinan 
^=  Chinois;  republikan.  Ce  suffixe  s'applique  aux  noms  de  per- 
sonnes en  -io  :  Horacian;  mais  pour  les  autres  il  est  remplacé  par 
-ik  :  Ciceronik. 

5°  -iv  forme  avec  le  radical  du  supin  des  adjectifs  verbaux 
synonymes  du  participe  actif,  avec  l'idée  d'une  action  durable  : 
deiensiv,  lukrativ.  Comme  le  radical  est  irrégulier,  on  doit 
apprendre  ces  dérivés  dans  le  dictionnaire. 

0"  -ugne  traduit  le  D.  -arlig  (qui  indique  la  manière  d'être)  : 
bonugne  =  bon  ;  malugne  =  méchant. 

7'  -eg(du  verbe  L.  egere :=  manquer)  signifie  «  qui  manque  de  »  : 
korajeg  ^=sans  courage  ;  glorieg  =sans  gloire  ;  perikleg  =  sans  danger. 
8°  -av  (du  verbe  L.  avères  désirer),  signifie  «  avide  de  »  :  gloriav 
=  ambitieux  ;  sangvav  =  sanguinaire. 
T  -egne  signifie  «  digne  de  »  :  estimegne  =  estimable. 
10"  -ifer  signifie  «  qui  porte,  qui  contient  »  :  mammifer,  konifer. 
metallifer.  Quelquefois  remplacé  par-iger  :  laniger. 

11  reste  à  étudier  les  verbes  dérivés  de  racines  nominales  par 
simple  adjonction  de  la  désinence  -ar  ou  -ir.  Quand  la  racine  est 
substantive,  la  relation  du  verbe  au  substantif  est  indéterminée 
(comme  dans  nos  langues),  et  doit  être  apprise  dans  le  diction- 
naire (ou  par  l'usage)  '.  Quand  la  racine  est  adjeclive,  le  verbe  en 
-ir  signifie  être  :  sanir=  être  bien  portant  ;  et  le  verbe  en  ar  signifie 
rendre  :  purar  =  nettoyer. 

1.  L'auteur,  (\\n  a  iTiti(|Uo  avec  sévôriU»  (et  non  sans  justesse)  l'irréjrula- 
rité  des  dérivations  de  VEsperanto,  lui  fait  pràee  sur  ce  point,  pnn-e  qu'il 
n'a  pas  pu  y  apporter  lui-même  la  réjïularité  lojritiue  qu'il  exige  ailleurs. 


110  SYSTEMES   A   POSTERIORI 

Le  suffixe  -ificir  forme  aussi  des  verbes  ayant  le  sens  de  rendre 

tel,  avec  une  nuance  :  purificir  ^  épurer,  raffiner  (sens  technique). 

Le  suffixe  -escir  forme  des  verbes  ayant  le  sens  de  devenir  : 

maturescir  =  tndrir.  Il  équivaut  au  verbe  Ut  =  devenir  :  kaldescir 

=:  fir  kald  =  devenir  chaud. 

L'auteur  fait  usage  dans  son  vocabulaire  d'un  préfixe  non 
mentionné  dans  la  grammaire,  à  savoir  dis,  dont  le  sens  ressort 
des  exemples  suivants  :  disestim  =  mésestime;  disgust  =  dégoût; 
dlshable  =  malhabile;  dishonor.  disinfekt,  disordne;  displicir  = 
déplaire;  dissukcedir  =:  échouer;  disus-ar  =  abus  -er. 

Pour  les  noms  de  peuples  et  de  pays,  l'auteur  n  a  pas  de  sys- 
tème exclusif  :  à  côté  de  :  Afrik-an,  Amerik-an,  Asie,  asian;  Austrie, 
austrian:  Brasil-an,  Chili-an;  Chin-an;  Italie,  italian,  on  trouve  : 
arab,  Arabie;  bohem,  Bohemie:  britann,  Britannie;  bulgar,  Bulga- 
rie; dan.  Danie;  deutsh.  Deutshie;  engle.  Englie;  franc,  Francie; 
japon,  Japonie;  russ,  Russie. 

La  composition  des  mots  se  fait  comme  en  allemand  et  en 
anglais,  les  éléments  étant  séparés  par  un  trait  d'union  : 
fenstre- vitre,  agre-kultur.  Le  mot  principal  est  généralement  le 
dernier,  excepté  quand  il  est  un  verbe  à  l'impératif  :  portafolie. 
Une  composition  plus  intime  est  la  fusion  d'un  adjectif  et  d'un 
substantif  en  un  seul  mot  :  mediev  =  moyen  âge.  Autre  exemple  : 
preokles  = /«/tei/es.  On  introduit  i  comme  voyelle  de  liaison  pour 
l'euphonie  :  novilatin,  grandiduk. 

L'ouvrage  du  D""  Bi:ermann  contient  des  spécimens  étendus  et 
très  variés  de  Novilatin  :  traductions  de  latin  (Cicéron),  d'allemand 
(v.  Hartmann),  d'anglais  (Irving),  d'Espéranto  ',  de  français  (Zola), 
d'Mom  neutral,  d'italien  (de  Amicis),  de  russe  (Turgeniev), 
d'espagnol  (Cervantes),  de  grec  ancien  (Longus),  etc.  Citons,  à 
titre  d'exemple,  la  célèbre  apostrophe  de  Cicéron  à  Catilina  : 

«  Oh  tempères,  oh  mores!  I  sénat  sensa  lie,  i  konsulo  vidi  lie; 
tamne  isto  vivi!  Vivi  lo?  No,  lo  veni  psam  aen  i  sénat,  lo  participa 
se  dei  publik  konsult,  lo  nota  e  désigna  ko  sue  okles  omno  de  nos  a 
massakre;  sed  nos,  i  korajôs  vires,  kredi  safficir  i  republik,  se  nos 
evitass  i  furie  e  i  armes  de  isto  !  » 

1.  La  «  Letero  pri  devLMio  de  Espéranto  »,  traduite  par  V.  Gernet  d'après 
l'original  russe  du  D'  Zamenhof. 


NOUVELLES   DIVERSES 


Apres  la  mort  de  M.  Frederick  William  Dyer  (1826-1906),  deux 
de  ses  amis,  MM.  A.  Gottsciiling  et  H.  P.  Lakeman,  ont  entrepris 
de  publier  ses  œuvres  et  inventions  inédites,  à  savoir  :  The  Lan- 
(jiiage  of  Lighl,  The  Chromoinetricon,  et  The  Floiuing  Phonography,  et 
de  fonder  un  Dyer  Lingua  Lucida  Society  pour  l'élaboration  et  la 
propagation  de  sa  langue  artificielle,  dont  nous  avons  donné  un 
aperçu  dans  notre  Histoire  (p.  77).  Voici  quels  sont  les  traits 
essentiels  de  cette  langue  :  chaque  lettre  a  une  signification,  de 
sorte  que  chaque  mot  s'explique  de  lui-même  (self-explanalory) 
par  sa  composition.  Le  dictionnaire  est  la  classification  scienti- 
fique de  tous  les  concepts  ;  enfin  il  n'y  a  pas  de  grammaire. 

M.  l'abbé  Marchand,  inventeur  du  Dilpok,  *  langue  internatio- 
nale éclectique,  la  plus  belle,  la  plus  concise,  la  seule  conforme 
aux  procédés  classiques  »,  que  nous  avons  analysé  dans  notre 
Histoire,  a  publié  depuis  deux  ans  un  «  Lernal  »  :  Une  langue  inter- 
nationale en  six  leçons;  un  <  Vortal  »  :  Dictionnaire  complet  dilpoque- 
français;  un  Dictionnaire  complet  f rançais-dilpoque  ;  des  Éléments  de 
sténographie  dilpoqne,  enfin  une  traduction  dilpoque  de  Paul  et 
Virginy.lo  célèbre  roman  de  Bernardin  do  Saint-Pierre  (1907); 
chez  l'auteur,  à  Bétoncourt-les-Ménétriers  (Haute-Saône). 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Avant-propos v 

Abréviations  et  signes vi 

Index  des  noms  propres vu 

SYSTÈMES  A  PRIORI 

C.  Meriggi  :  Blaia  Zimondal  (1884) i 

M.  Talundberg  :  Perio  (1904) 3 

SYSTÈMES  MIXTES 

A.  Hoessrich  :   Tal  (1903) 13 

V.  Hély  :  Es'juisse  d'une  grammaire  (19011) lf> 

M.  MVsXd  :  l'ankel  (1906) 20 

SYSTÈMES  A  POSTERIORI 

Carpophorophilus  (1734) 23 

L.  Zamenhof  :  Espéranto  (188") 25 

J.  Braakman  :  Mundolinco  (1894) 45 

Idiom  Neutral  (1902) 47 

E.  Molee  :  Tutonish  (1902). 50 

H.  Molenaar  :  Universal  ou  l'anroman  (1903) C3 

G.  Peano  :  Latino  sine  flexions  (1903) "0 

J.  Hummler  :  Mundeiinqua  (  1904) 77 

A.  Zakrzewski  :  Lingiia  inlernacional  (1905) 80 

H   Trischen  :  Mondlingvo  (1906) 87 

F.  Greenwood  :  Eksehioro  et  Ulla  (190G)   90 

C.  Spitzer  :  Parla  (  1907) 94 

E.  Beermann  :  Novilatin  (  1907) 99 

Nouvelles  diverses 111 

Tableau  synoptique  des  principales  langues  a  posteriori. 


1253-07.  —  Coulommicrs.  Iinp.  Paul  BRODARD.  —  9-07. 


SCHIPFER(1839) 

DEnUDELLE(1858)    ... 

PiRR0(1868) 

VOLK   ET  FUCHS  (1883). 

courtonne  (1885) 

Steiner  (1885) 

lMCHHORN(i887) 

Zamenhof  (1887) 

Lauda  (1888) 

Lingua  (1888) 

RosA  (1890) 

LoTT(1890) 

Heintzeler  (1893) 

Zamenhof  (1894) 

Stempfl  (1894) 

Beermann  (1895) 

Idioin  Neutral  (1902).. 

Molenaar(1903) 

Zakrzewski  (1905)... 
Beermann  (1907) 


ALPHABET  HOMAI.N 


LETTRKS 
EN   PLUS 


LETIRES 
EN  MOINS 


œ,  sh,  ch,  gh 
Ih,  n 

il,  ff  (ch) 

a,  ô 

a,  n,  c,  vv 

à,  è,  o,  il,  c, 

ch,  sch 
il,  ô,  ii,  sh,  vv 

c,  g,  h,  j,  s,  u 

a,  ô,  ii 

y',  œ,  aw,  c',  j', 
v',  sh,  ch,  ph,  th 

ch,  sh 


ii,  O,  ii,  ph,  zh, 
w,  ch,  sh 


sh 
ch,  sh 

ch,  sh 


k 

u,   (|,   X 

y 

h,  k,  ((,  X,  y,  z 
k,  X,  y 

c,  f,  g,  h,j,p, 
q,  t,  V,  X,  y,  z 
(1,  X,  y 

j,  k 

•I 

y 
y 

h,  q 

q.  X'  y 

«I,    X 

q,  z 

c.  y 


ARTICLE 


0 

el,  al,  ol 

el,  Ii 

le,  les 

le 
to,  te,  ta 
lo,  la,  le 

la 

0 

le 
le,  les 

le 

le 

0 

le 

il 

0 
lo,  la,  le 

0 

i 


0 
en,  an,  on 

un 

un 

un 
no,  ne,  na 

nii 

0 

0 

a 

un 

un 

un 

0 
en 

un 

0 

un 

0 

u 


a,  -e,  - 

ace. 

( 

-,  -is, 

-o  m. 

-de.  -I 

de,  i\ 

-o, 

par  |tai 

(I 

(I 

■o(ni),-ii 

-0,1 

•i 
ncc.  ; 
-o,  - 

i 

par  |inr 


se 
se 


lll 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 


UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY